Les beaux jours, série.

Discussion téléphonique avec une amie psychanalyste. Une femme adorable, mais psychanalyste. Pour la millième fois, nous abordons le même sujet : ma détestation de Freud, en tous cas du freudisme terroriste. Et, comme toujours, je lui rappelle le mot de Freud qu’il a pris chez Goethe selon lequel « Rien n’est plus difficile à supporter qu’une série de beaux jours ». Et je lui dis à quel point un homme est détestable lorsqu’il affirme l’utopie d’un bonheur de plusieurs jours. C’est un assassin, un traitre à l’amour, au sentiment, au poème vital.

Et je continue, et je lui dis que le freudisme n’est qu’un ramassis de balivernes, peut-être acceptables dans un bar morne et lisse de la 5ème Avenue de New-York, qui substitue la névrose légère au sentimentalisme, entrevu exclusivement dans son anormalité, à renforts de principe de plaisir confondu avec celui de mort, les deux en guerre, dans des explications qui ne sont qu’impostures, confondant les tensions émotionnelles avec les décharges inventées, bref que le freudisme, c’est de la saloperie, et qu’à part elle que j’adore, les psychanalystes sont des salopards du sens, des petits glaives de la beauté, qui s’acharnent à détruire les mystères et les coeurs du Tout. Loin du sentiment. Bref freudisme tueur d’amour, ennemi du spleen, pseudo-science qui charrie le carré noir, sans comprendre l’air du soleil et les pluies de miel qui tombent souvent sur les âmes.

Je lui ai dit tout ceci d’un seul trait (comme un oriental, dirait Sainte-Beuve) sans même respirer.

Et j’ai continué, en reprenant mon souffle : Comment peut-on prétendre qu’une série de beaux jours est difficile à supporter ? Nous, les orientaux, on croit que le contraire est vrai : une série de mauvais jours est intolérable. Et j’ai ajouté que les intellectuels viennois ne connaissaient pas Carthage. ou le soleil oriental, gavé de sucre.

Ouf…

Mon amie (c’est une vraie, même si elle est psychanalyste) m’a dit que j’étais dans une forme intellectuelle éblouissante aujourd’hui.

Elle a raison. Allez savoir pourquoi.