Aperçu

Cette photographe au téléobjectif (Fuerteventura 2012) est dans une pose absolument parfaite, idéale pour la photo sans bougé (d’ailleurs inutile désormais, eu égard aux stabilisateurs mécaniques inclus désormais dans les objectifs.

Jambes collées, droite, avant-bras au droit du corps, poignet en équerre. 

Le photographe, lui, avec, également, un téléobjectif, ne s’est pas approché n’a pas vu son visage, ses yeux, son expression. Il n’a pris que la pose d’un corps. 

Est-elle belle ? Des yeux comme des diamants ? Un front  de rêve ? 

On ne le sait pas. Ici se trame la tragédie de l’aperçu. Comme une étoile qui n’est pas qu’un scintillement, comme une planète qui n’est pas que lumière. 

C’est, cependant, aussi,  la merveille de la perception. Relative, encore relative et donc autant abstraite que singulière. 

Dans cette navigation dans les airs divers, la jouissance rôde. Entre le sens et la matière, entre l’idée et son objet, entre sentiment et toucher. 

Comment avait-il dit ? Ah oui : “le concept de chien n’aboie pas” … 


Bios et Zoé


Rien ne peut plus irriter que l’interlocuteur qui assène, du haut d’une formule automatique, sans réfléchir, un “c’est la vie, c’est la vie”.

Il, elle a perdu un être cher : c’est la vie. Contrarié ? Choqué ? Désespéré ? Licencié ? Quitté ? Solitaire ? Désemparé ? C’est la vie.

L’expression, idiote s’il en est, réductrice dans son abstraction improbable, oublie simplement qu’entre la vie et une vie, il y a une petite différence qui devient, immédiatement, un ravin. Et ce même si l’on oublie le souci de soi ou le moi haïssable. (cf billets supra).

En réalité, l’on a oublié l’opposition grecque, qui n’existe plus dans notre langage, entre Bios et Zoé.

Bios, c’est la forme ou la manière de vivre propre à un être ou à un groupe. Une particularité de vie. Comme Maupassant l’avait titré.

Zoé, c’est au contraire le simple fait de vivre, commun à tous les vivants, qu’ils soient des animaux, des hommes ou des dieux.

Pourquoi y revient-on ici ?

Simplement pour répondre à tous ceux qui rétorquent que l’on oublie des trajectoires, des vies et des volontés lorsque le philosophe non humaniste (au sens philosophique du terme et non moraliste) affirme que le sujet n’existe pas, pas plus que son libre-arbitre, dans la mouvance de Spinoza.

Ils ne comprennent pas les niveaux. Ni la différence entre un corps et une espèce.

On y reviendra. Mais avez-vous compris ?

Mon amie psychanalyste qui ne m’a pas encore répondu sur la falsifiabilité, va m’embrasser, me bénir : je lui ai donné le mot-clef et elle pourra dire, en fin de soirée, qu’elle s’occupe de Bios et laisse le Zoé aux apprentis sociologues et autres analystes du “corps social”. Je lui donne des mots-fouets pour me battre. Mais, elle sait, elle mon adoration des niveaux. Et celle tant de la vie que d’une vie, la différence entre atmosphère du bas et respiration d’en haut.

Il y a des jours où l’on adore les mots qui s’opposent. Ils se choquent, se prennent, explosent. Comme des corps. On parle ici de ceux des vies et non pas ceux de la vie. On est dans le sujet et pas dans l’espèce. C’est, d’ailleurs, peut-être, le seul sujet qui vaille la peine d’être discuté…

“La vie” est une expression triste.