L’autre Roth

Dans cette période qu’il serait idiot de qualifier, les conversations téléphoniques vont bon train. Ce qui est une excellente chose. Il ne faut les écourter, pour gagner sur le le temps d’avant.Et l’on m’a demandé ce que je lisais. J’ai répondu longuement. Il s’agit d’un fait qui m’a empêché de dormir.Joseph Roth ( donc pas Philip) est un immense écrivain, mort dans une chambre parisienne au-dessus du Café de Tournon, du nom de la rue, où il s’enivrait pour oublier misère et souffrances.Il a écrit un chef-d’œuvre, un des plus beaux livres, presque toujours a portée de ma main : ” Le poids de la grâce”. Immense. C’est son chef-d’œuvre et pas l’autre (La marche de Radesky)En 2013, une nouvelle traduction fut publiée intitulée “ Job, roman d’un homme simple “A l’époque, pourtant très proche, les humains s’intéressaient aux mots. La profusion des idées a changé la donne, par ce trop-plein. Juste en 7 ans…Donc, j’avais passé des soirées à faire subir a des amis, du moins des personnes, de vaines envolées : cette nouvelle traduction ne me convenait pas. Elle était moins puissante, trop sèche au regard de la première, peut-être un peu dans l’enjolivure, maïs, justement, elle est vitale. (Livre de poche).Je lisais des paragraphes et comparais les deux textes. Je devais ennuyer les convives. Sûrement. Il était déjà tard. Et ils devaient rentrer chez eux.J’ai relu aujourd’hui, avant de dormir.Je crois que j’avais raison. Mais je n’en suis plus sûr.J’attend un interlocuteur intéressé au téléphone, pour en discuter sérieusement.Lisez ce “Poids de la grâce”. Votre vie en sera bouleversée tant la beauté se terre sous les mots et le récit de Roth. Joseph…Allez en ligne pour le résumé…Job ou le poids ?Je reviens dire.

PS. Dans mon précédent billet, je m’en prenais un peu (juste sur le style) à Zweig. Je ne devrais pas. C’est lui qui a aidé financièrement Roth, a la fin de sa vie…

PS2. Extrait de wiki :il est inhumé au cimetière parisien de Thiais. L’enterrement a lieu suivant le rite « catholique-modéré » car aucun justificatif de baptême de Roth ne put être fourni. À l’occasion de l’enterrement, des groupes hétérogènes entrèrent en conflit : les légitimistes autrichiens, les communistes et les Juifs réclamèrent le défunt comme l’un des leurs.PS3. Les grands érudits pourront vous dire que Simone Weil, la philosophe catholique, a écrit un bouquin intitulé “La pesanteur et la grâce”…PS3

PS3. Je laisse juger. Première page des deux éditions

LA PREMIÈRE : “il y a de nombreuses années……”

LA DEUXIÈME : “voici déjà bien des années….”

Zweig

Les souvenirs, en cette période, reviennent, désordonnés et brouillons, à des moments improbables, l’on ne sait pourquoi. Mystère de la mémoire et de ses profondeurs glissantes.

Aujourd’hui, exactement à 18:12, je me suis souvenu d’une âpre discussion, à l’occasion de laquelle, brusquement et hors du propos central, j’avais, comme happé par cette nécessité de le dire, clamé : Stefan Zweig est ennuyeux, il écrit mal et s’il n’était son train de dandy, il n’aurait pas émergé des hôtels où il se terrait pour tenter de croire qu’il était unique dans ses bars et restaurants. Quelque chose comme ça, du moins. Je m’en souviens très bien puisqu’on me le rappelle toujours, nul ne pouvant imaginer cette déclamation inopportune, alors qu’il ne s’agissait pas d’une discussion sur cet écrivain.

Qu’est-ce qui m’avait pris ? Seul le mystère le sait.

Alors, immédiatement, à 18:13, je suis allé voir et lire. Je devais me tromper.

Je donne ici un extrait de son fameux “24h etc…”

« Pendant la nuit, il pouvait être onze heures, j’étais assis dans ma chambre en train de finir la lecture d’un livre, lorsque j’entendis tout à coup par la fenêtre ouverte, des cris et des appels inquiets dans le jardin, qui témoignaient d’une agitation certaine dans l’hôtel d’à côté. Plutôt par inquiétude que par curiosité, je descendis aussitôt, et en cinquante pas je m’y rendis, pour trouver les clients et le personnel dans un état de grand trouble et d’émotion. Mme Henriette, dont le mari, avec sa ponctualité coutumière, jouait aux dominos avec son ami de Namur, n’était pas rentrée de la promenade qu’elle faisait tous les soirs sur le front de mer, et l’on craignait un accident. Comme un taureau, cet homme corpulent, d’habitude si pesant, se précipitait continuellement vers le littoral, et quand sa voix altérée par l’émotion criait dans la nuit : « Henriette ! Henriette ! », ce son avait quelque chose d’aussi terrifiant et de primitif que le cri d’une bête gigantesque, frappée à mort. » Extrait de: Stefan Zweig. « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. » .

Désolé, je ne m’étais pas trompé. L’essai de la phrase longue, ponctuée et rythmée est vain. Vous ne trouvez pas ? Relisez. Oui, j’avais raison. Je ne sais quel esprit souterrain me l’avait soufflé.

Mais je devais, encore, avoir tort.

Alors, j’ai cherché en ligne et suis tombé sur un entretien de Jean-Pierre Lefèbvre, qui a dirigé l’édition des œuvres de l’écrivain autrichien de langue allemande dans la Pléiade. (Fichtre, le méritait-il ?). On lui pose une question sur Zweig et Kafka, de la même époque, de la même langue d’écriture. Il répond :

Question: “Vous préparez une traduction de Kafka, toujours dans la Pléiade – est-ce un allemand plus moderne ?

“Sans aucun doute. Kafka est un Pragois familiarisé avec l’allemand sans fioriture de l’administration austro-hongroise. Il a aussi des modèles, notamment Flaubert, qui le pousse à la sobriété stylistique. Contrairement à Zweig, Kafka ne charge pas en amont sa syntaxe. Il cultive une brièveté des phrases qui préfigure ce qui va devenir la langue moderne. Mais bien sûr, c’est aussi parce qu’il a profondément influencé les écrivains du vingtième siècle qu’on considère qu’il anticipe sur eux !”

J’assure qu’avant d’écrire ce que j’ai pu écrire plus haut sur les phrases de Zweig, je n’avais pas lu.

Mais je dois, comme à l’habitude, me tromper.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, il y a plusieurs années et ce qui me prend maintenant de relater le souvenir et l’attaque frontale de Zweig. Toujours un mystère de la mémoire qui se prend, prétentieuse, pour l’écume tumultueuse des mers. Prétentieuse.

PS. Heureusement que peu connaissent ce site, j’aurais pris des volées de bois vert en guise de commentaire, vous savez ceux qu’on propose aux lecteurs des sites WordPress, plus bas et que je n’ai pas réussi à effacer du mien. En effet, les commentateurs, nombreux, dans toutes les langues me proposent mille et un produits pour mille et une actions. Des spams, quoi. Il existe un anti-spam WordPress, mais je ne l’utilise pas, de peur qu’il ne soit un spam ou un phishing…