Le style contre l’instinct

Dans son “dictionnaire amoureux de l’Espagne, Michel del Castillo, consacre un très bel article à la tauromachie.

J’en extrait quelques brèves lignes que je colle :

« Exaltation des facultés intellectuelles et affectives de l’homme, poème charnel de sa supériorité sur l’instinct, la tauromachie est le théâtre où les Espagnols vivent leurs croyances, non par l’abstraction, aussi brillante soit-elle, mais par le style. Se penser homme, c’est agir en homme. On juge de la pertinence des idées face à la mort »

Del Castillo nous donne des mots d’une vérité implacable. L’instinct, l’abstraction, le style, trois champs dans des cercles qui se cognent. Et qui, tous caressent, frôlent la mort, glissent sur elle, sans s’y coller frontalement, de peur qu’elle ne vous attrape.

Le style est tout.

PS. C’est un vrai mystère. Chaque fois que je sors cette photo en tête de billet, que j’ai prise dans les arènes de Séville, il y a Assez longtemps, je me demande comment j’ai pu la prendre. Presque parfaite. Et je n’étais pas en mode “rafale”. Des nuits d’insomnie, je me dis que des anges de la photographie déclenchent à votre place et rient, rient et rient encore. Puis le matin, devant un mauvais café, je me dis que c’est de la “chance”. On devrait rester dans la nuit pour saisir les mystères. Mais elle est trop longue pour les insomniaques.

l’ange et la règle

Une amie a été très gentille, aujourd’hui. Au téléphone. Elle a, par une autre amie, appris l’existence de ce site, me dit qu’elle y a passé la nuit. Et me rappelle les années post-université pendant lesquelles je hurlais qu’il ne fallait rien publier, tant tout avait déjà été dit et qu’au surplus, l’ouvrage supposait la perfection. Elle me rappelle encore (là, elle est presque méchante) que j’étais un idiot que de sombrer dans la nécessaire perfection, sans laquelle, rien ne valait. Un idiot, a – t-elle répété. Elle me dit de ne pas bouger, qu’elle m’envoyait par un couper/coller Whatsapp un extrait d’un bouquin de Schiller (allez en ligne, on dit qu’il est presque antisémite, ce qui est faux). Je le livre ci-dessous :

« Le vrai génie est nécessairement naïf, ou il n’est pas le génie. […] Il ne connaît point les règles, ces béquilles de la faiblesse, ces pédagogues qui redressent les esprits faussés : il n’est guidé que par la nature ou par l’instinct, son ange gardien  » Schiller. De la poésie naïve et sentimentale.

Je ne sais comment prendre cet envoi (je lui téléphone ce soir).

Est-ce à dire que la règle, la perfection presque géométrique de l’idée et du style qui la propulse est antinomique de la production ? Et qu’il fallait que je sois naïf ?

Elle me fait trop d’honneur car à vrai dire, tous les anges gardiens éclatent de rire quand celui qu’ils gardent les imite, en étant sans règles, virevoltant dans les airs profonds, enlaçant l’infini, écrasant les pédagogies, en se plaçant dans les ondes cristallines.

Il n’y a que les anges qui peuvent dire sans règles. Ce pourquoi, ils sont des anges.

PS. Flaubert, que j’ai convoqué plus haut, a raison quand il énonce que : « Si vous vous acharnez à une tournure ou à une expression qui n’arrive pas, c’est que vous n’avez pas l’idée. L’image ou le sentiment bien net dans la tête, amène le mot sur le papier. L’un coule de l’autre. « Ce que l’on conçoit bien, etc. »  »

Le seul problème, c’est que l’assertion vaut pour le roman. Pas pour les idées. Sa propre idée ne fait pas une idée. Sauf sur Facebook ou avec celles et ceux qui croient penser en sortant des lapalissades. Relisez. Et vous comprendrez pourquoi tout n’est pas publiable. Heureusement qu’il existe des sites en ligne, comme celui-ci, pour le dire…

Ce qui est un comble.