une histoire d’un soir

C’était un soir de Roch Hachana, le réveillon de la nouvelle année juive. Toute une famille, dans le salon, bougies déjà allumées, l’attendait. Elle était en retard. Eva, c’est son nom. Elle raconte toujours qu’elle aime son nom. Et qu’elle a échappé à « Fortunée », nom que voulait lui donner sa mère, en l’honneur d’une vieille tante qui avait trop souffert dans sa vie. Elle s’était ravisée au dernier moment, l’un de ses cousins l’ayant convaincu que le prénom, même dans une charmante désuétude, devait être lourd à porter.

On sonne à la porte. On va lui ouvrir. Mais ce n’est pas elle, c’est un homme. Il demande très poliment, mains croisées derrière le dos, la permission d’entrer, il se dit ami d’Eva et doit dire.

La mère est sur ses gardes, le père l’invite à entrer.

Il enlève son imperméable, le pose sur un fauteuil, reste debout quelques minutes, sans parler. Tous, dans la salle à manger ne comprennent pas.

L’homme dit qu’Eva ne pourra venir, un souci de dernière minute. Mais qu’elle lui a demandé de la remplacer dans la tablée. Il ajoute que ses cousins sont fâchés. Il devait être à cet instant chez eux.

Personne ne comprend, personne.

Le père lui demande de s’asseoir, la cérémonie commence, grenade et miel.

Personne ne parle. Tous regardent l’homme.

C’est à cet instant qu’il se lève et leur dit qu’il cherche des parents adoptifs. Et leur demande s’ils veulent bien l’adopter.

L’histoire est vraie.

PS. J’avais dit que je « reviendrai sur Roch Hachana. Pour le concept. Mais je n’ai pu m’empêcher de raconter une histoire vraie. Je reviendrai pour le concept de « commencement » et de « tête ».

lien one drive

Juste un lien, dans un message, en réalité de “service”, le demandeur perdant tout dans son ordi et assure qu’en le “publiant”, il l’aurait donc toujours sur la main. Ce qui est gentil en même temps que pratique. Surtout pour sa commande pour ” ses murs”, dans sa nouvelle maison. Y compris pour moi, au demeurant. Sauf que ça change, au fil des ajouts et des prises du jour ou de la semaine.

Je lui rappelle qu’il n’est nul besoin de télécharger Onedrive, même si on peut, ça marche bien. Y compris le diaporama, dans le menu 3 petits points…

LE LIEN

https://1drv.ms/u/s!AsmfR9ikt8Aig_5w_P5SdBV0oHN6Gg?e=fFhwKV

Roi…

Roi. De “pique”, évidemment.

Étudiant, d’abord rue d’Assas avant d’être sorbonnard, du moins géographiquement, je souriais lorsqu’à l’entrée de la Faculté, un « monarchiste » nous donnait, très poliment, nous offrait presque, l’un de leurs tracts. Cravate toujours ajustée, quelquefois veste en tweed sous un imperméable en vraie gabardine « Burberry’s » (désormais l’apostrophe a disparu, c’est dommage, c’était très chic, à la mesure de la marque).

Caricature d’eux-mêmes, me disais-je, oubliant allègrement mon polo Lacoste et ma veste en cuir « Mac Douglas ». Mais Ils étaient charmants, ce qui me faisait leur pardonner leur impéritie, leur extraordinaire bévue, juste dans l’époque post-soixante-huitarde, la pire dans les diktats, les théorisations terroristes. Que j’ai maniées aussi, mais plus dans une salle de recherche, sorbonnarde donc, haut perchée dans l’immeuble de la rue Victor Cousin, avec vue sur les PUF, que dans la rue ou les manifs dans lesquelles je ne suis jamais, jamais allé, prétextant toujours une agoraphobie, manigance qui me permettait de rester au chaud, dans mes livres, mes draps, mes aventures sous les draps pendant que mes amis allaient du côté de la République, de la Bastille.

Je prenais donc leurs tracts, aux monarchistes d’Assas, tout en jetant (on ne le ferait plus aujourd’hui, on ne jette plus, heureusement sur les trottoirs) ceux des petits fascistes du Gud et Unidroit, également à l’entrée de la Fac. Toujours à deux doigts d’en découdre physiquement. Ce qui est d’ailleurs arrivé.

On se demande, à la lecture de ces premières lignes qui frôlent la confession alors qu’il n’y en a aucune dans ce site (sauf celle sur « la pasión » de la tauromachie, dans un billet qui m’a valu plusieurs cris de joie ou de terreur) ce que je veux raconter, en revenant sur les monarchistes d’Assas.

Je conte, à vrai dire, au fil des heures passées, très exactement, le retour de ce souvenir.

Je lis donc souvent la « Revue des deux mondes », la plus vieille des revues mensuelles française, certes dans la mouvance libérale, exécrée donc par les lecteurs exclusifs du Monde, de Libé, des Inrockuptibles, du Nouvel Obs. De Télérama aussi.

Comme beaucoup le savent (je suis obligé ici de rappeler ce que je veux toujours éviter, s’agissant d’une « pensée personnelle » qui frôle la petite description de soi, sauf par le biais des idées ou des concepts qui révèlent ceux qui les manient), que je n’aime pas cette pensée formatée, même si elle contient des vérités théoriques ou sociales incontournables. Mais l’ancrage dans ce prêt-à-penser est trop réducteur. Tous (dont moi) sont capables de prédire, une seconde avant la prise de parole de l’un d’eux, ce qui va être dit. Formaté, téléphoné.

Donc la revue des deux-mondes, vilipendé par les éditorialistes des revues et journaux précités( Extraits de presse : Le Monde : « Drôle de tournant à la « Revue des deux mondes »Il y a quelques mois, la vénérable revue a changé de direction – et de ligne éditoriale. Au risque de perdre son âme ? Par Edouard Launet Publié le 07 juillet 2015 », Les Inrocks « La Revue des Deux Mondes est-elle devenue franchement réac ?)

Il est vrai que l’affaire Fillon a assassiné cette revue qui versait une mensualité de 5000 € à Pénélope.

Mais non, ni Pénélope, ni le reste n’étant ma tasse de thé, je lis cette revue, pour tenter, comme ailleurs, y compris dans les journaux qui m’exaspèrent, un article marquant, une écriture joyeuse, une pensée plaisante. Le numéro sur Kundera, le dernier article de Fumaroli sur Chateaubriand et Tocqueville sont remarquables.

Parmi les membres de cette revue, se trouve un certain Marin de Viry.

Je trouve qu’il écrit bien, même si à l’évidence la gauche n’est pas son côté préféré. Mais soit, ce n’est ni un fasciste, ni un terroriste, comme peut l’être un « écrivant » de Libé ou du Monde (pas tous, lisez les séries d’Été du Monde, il n’y a pas mieux sur terre, dommage que l’Été soit fini). Il écrit bien et sa pensée, certes plus proche de celle de Finkielkraut que de celle de Badiou ou Mélenchon, n’est pas inacceptable (je suis prudent avec les mots, les terroristes veillant, toujours le fusil en bandoulière))

Je suis allé donc voir en ligne qui était ce Marin de Viry. Et c’est là que j’ai découvert qu’il était monarchiste ! Républicain, évidemment. Un monarchiste républicain. Et qu’il avait écrit un bouquin sur le sujet.

Non, je n’achèterai pas le bouquin. Je sais d’avance ce qui y est dit.

Mais je donne à lire l’interview qu’il a donné au Figaro, à l’occasion de la sortie de son livre en 2017. Lisez, tout n’est pas faux ;

Il est dommage qu’il faille passer par le concept de royauté pour revenir à la République française et ses valeurs immuables et extraordinaires, bien loin de celle des campus américains, ou des pseudos intellectuels de l’Est américain, qu’on veut nous impose.

Oui, l’Amérique devient un problème pour la pensée du monde, qu’il s’agisse de celle, surréaliste, des Trump, mais aussi celle indigéniste, genrienne, féministe sans clairvoyance qui, sans passeport, illégalement (illégitimement) est entrée en France. Pensée sans papiers de référence sauf celle des petites pensées dans les allées de leur chères (…) universités (celle des valeurs que la France a porté, loin de l’idiotie par ses grands hommes qui ne sont pas tous au Panthéon. Je viens de déraper, De Viry ne parle pas des States. C’est moi qui suis furieux de constater qu’un aussi grand pays, empli de combattants, inventeur de mille choses, qui sait nous sauver sur les côtes de Normandie, qui a mille défauts comme l’Europe se laisse embringuer, encore une fois par la pensée de Campus ou de bande dessinée au héros à la mèche rousse ou blonde l’on ne sait pas…

PS. Je ne sais ce que me prend de finir dans la diatribe, un Dimanche pourtant calme. Ça doit être mon nouveau café, pas suffisamment fort. Et il me faut me réveiller. Ce que je dois faire par la plume acerbe

Donc le texte, curieusement inséré ici. Tous savent que je ne suis pas monarchiste. Mais, républicain et anti-fasciste, évidemment.

Marin de Viry : «Après trente ans d’antifascisme, Le Pen aux portes du pouvoir. Bravo les gars !»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – A l’occasion de la sortie d’Un Roi immédiatement, Marin de Viry a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. L’écrivain et critique littéraire revient sur la crise politique qui traverse le pays et son attachement à une monarchie qui ne serait pas anti-républicaine.

Par Vincent Trémolet de Villers

Publié le 24 février 2017 à 19:24, mis à jour le 25 février 2017 à 17:53

Marin de Viry est un écrivain et critique littéraire français, membre du comité de direction de la Revue des deux Mondes. Il enseigne à Sciences Po Paris, dont il a été diplômé en 1988, et a été le conseiller en communication de Dominique de Villepin durant sa campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Auteur du Matin des abrutis (éd. J.C. Lattès, 2008) et de Mémoires d’un snobé (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2012), il vient de publier Un Roi immédiatement (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2017).

FIGAROVOX. – Votre livre pose un regard cruel sur le quinquennat Hollande. Vous l’avez vécu comme une épreuve?

Marin de VIRY. – Comme une épreuve pour l’amour que je porte à mon pays, certainement. Cette épreuve a commencé depuis longtemps, et au fond elle est arrivée à son terme avec ce quinquennat: le pouvoir n’est plus capable de faire souffrir le pays, il a donné tout ce qu’il pouvait sur ce plan-là. Quand j’étais à Sciences Po au milieu des années 1980, on m’expliquait doctement que le meilleur régime possible, c’était la Cinquième République (avec des majuscules), pour les raisons historico-politiques que l’on sait, à laquelle il fallait nécessairement rajouter une couche de technocrates ayant intériorisé l’intérêt général, l’édifice étant complété par les partis politiques, qui avaient vocation à s’occuper de l’alternance. Laquelle consistait à mettre en œuvre une politique rocardo-barriste ou barro-rocardienne, suivant que le pays voulait plutôt un peu de mouvement ou un peu d’ordre. Cet immobilisme à trois têtes – institutions, partis, technocratie -, légèrement animé par l’alternance, ces moments d’effusion populaire, d’oscillations autorisées sous contrôle du système, nous a conduit dans le mur, dont je vous fais grâce de la description.

C’est la confusion des esprits sur fond de déroute morale, intellectuelle, économique et sociale, qui a régné pendant bientôt quarante ans.

Alors que ce bel édifice rationnel aurait dû nous conduire vers l’idéal d’une économie sociale de marché où tout aurait été à sa place dans une perspective de progrès continu, c’est la confusion des esprits sur fond de déroute morale, intellectuelle, économique et sociale, qui a régné pendant bientôt quarante ans. Sous François Hollande, il faut ajouter à cette confusion un facteur «de gauche» qui – je crains de le dire en raison de l’amour sincère que je porte à l’idée socialiste que je ne partage pas -, aggrave le tableau.

C’est donc non seulement une épreuve patriotique, mais aussi une épreuve intellectuelle et politique. Intellectuelle, parce que le faux prétexte idiot du combat contre le fascisme – c’est-à-dire contre le Front National – a commencé en 1981 et que ça suffit, trente-cinq ans plus tard, de voir encore à l’œuvre cette procédure de mise en accusation automatique, que les «jeunes» appellent le «point Godwin» (si tu dis le premier le mot «facho» à ton adversaire, tu as gagné) qui a permis à la gauche de remplacer le principe de réalité par l’invective, et a substitué à la responsabilité une sorte de droit à faire n’importe quoi pourvu que l’intention soit sentimentalement correcte. Si je pleurniche au nom des plus hautes valeurs de l’homme, je suis exempté d’action et encore plus de résultat. A contrecourant des intérêts profonds de la société, une certaine gauche – pas la bonne, qui existe et que je vénère – a lutté de toutes ses forces contre l’intelligence, et donc l’altruisme véritable, avec probablement une forme de bonne conscience qui aggrave son cas. Résultat: Marine Le Pen est à nos portes. Bravo les gars!

Vous considérez que plusieurs centaines milliers de Français ont le niveau pour remplacer nos actuels ministres. C’est le gouvernement pour tous?

La société civile, si riche, est complètement laissée de côté.

Prenez un des trente ou quarante ministres du gouvernement actuel, homme ou femme. Faites abstraction de son brushing, de sa tenue lookée, de son chauffeur, de son inoxydable confiance en lui-même, de sa science du tweet qui clashe, du fait qu’il a été nommé parce qu’il apporte au gouvernement le soutien théorique d’un sous-courant d’une coquille partisane désertée par l’esprit et par les militants depuis longtemps, et concentrez-vous sur sa contribution à l’intérêt général. Deux points: d’abord, elle est souvent objectivement très faible (quand elle n’est pas négative), et elle ne justifie pas cette débauche de moyens que l’on met à la disposition d’un ministre ; ensuite, vous vous demandez souvent pourquoi lui, ou pourquoi elle? Vous connaissez forcément deux ou trois personnes qui feraient mieux le travail, pour plusieurs raisons: ils ou elles ne connaissent pas seulement le monde à travers la vie d’un parti, laquelle est une vie tronquée, ratatinée, obscure, minuscule, avec quelque chose d’ingrat et d’hostile qui, à la longue, dissout les qualités et l’énergie de celui ou celle qui y fait carrière. Vos amis la connaissent mieux, la vie. Ils connaissent le risque, le vrai travail, l’art de prendre les décisions. Ils parlent et écrivent en français, pas dans cette espèce de volapuk qui déclasse tout le monde: celui qui parle et celles et ceux à qui il s’adresse. Bref, la société civile, si riche, est complètement laissée de côté.

Emmanuel Macron avait souligné l’incomplétude du pouvoir. Diriez-vous que la politique souffre d’un manque d’incarnation?

Comme dans un vieux film au ressort comique naïf, Emmanuel Macron lance une formule juste qui lui revient en boomerang.

Comme dans un vieux film au ressort comique naïf, Emmanuel Macron lance une formule juste qui lui revient en boomerang. L’incomplétude, ça fait savant: nous sommes en terre d’épistémologie et de métaphysique. Dans sa version plus accessible, cette formule veut dire que le pouvoir n’épuise jamais les aspirations que les hommes mettent dans le pouvoir. C’est vrai. Et Macron, au fond, nous dit qu’il aspire à devenir cette frustration. Pour que le pouvoir soit complet, il lui faut un rapport à l’invisible. Le président d’une république laïque aura beau faire tout ce qu’il voudra, aller à la messe par exemple, il ne peut prétendre à incarner, justement, ce rapport.

Quant à l’incarnation, ce n’est pas l’idée qui me vient à l’esprit quand je pense à Emmanuel Macron. Je pense plutôt à quelque chose de numérique, de codé, à des automatismes. Quand je l’écoute et le vois, je pense à Heidegger et à Bernanos: il y a chez lui quelque chose du robot, de l’âme de la technique. «C’est la technique qui se fait homme, par une sorte d’inversion du mystère de l’incarnation»… De mémoire, c’est de Bernanos.

Nous vivons tous sous la dictature de la distraction pascalienne : toujours en dehors de nous-mêmes.

Vous décrivez une vie schizophrène entre business international et méditation historique. Est-ce à dire que nos existences recherchent l’unité?

Nous vivons tous sous la dictature de la distraction pascalienne: toujours en dehors de nous-mêmes. Soit nous sommes devenus des athlètes du rassemblement de notre personne dans la vie intérieure, malgré les forces immenses qui cherchent à nous arracher définitivement à la réflexion, soit nous assumons d’être abrutis, stimulés de l’extérieur en permanence, sans jamais aucun rapport à soi. L’unité, c’est tout simplement le rapport à soi. Beaucoup s’éclatent, renoncent au rapport à soi. Le choix qui s’offre à nous est entre choisir la réalité enrichie par des écrans qui se mêlent de plus en plus à la trame même de notre activité psychique, et la vie intérieure.

La monarchie est souvent considérée comme anachronique, tyrannique et vaguement ridicule. Vous assumez?

Elle n’est pas anachronique par construction, selon moi, parce que j’associe la figure du roi à une nécessité permanente de la dimension politique de l’homme : faire communauté, et même assez mystérieusement faire éternité. Le roi, incarne la communauté «telle que l’éternité l’a conçue». L’éternité n’est jamais anachronique.

Ma conception de la monarchie est compatible avec la République, surtout en France, et même compatible avec un surcroît de démocratie.

Tyrannique : non, parce que ma conception de la monarchie est compatible avec la République, surtout en France, et même compatible avec un surcroît de démocratie. Plus il sacré, plus il est symbolique, c’est-à-dire qu’il assemble les deux morceaux – l’un visible, l’autre invisible – d’une même pièce, moins il est tyrannique.

Ridicule… Si vous pensez aux manteaux de velours et aux visages bouffis des portraits officiels de la monarchie finissante, oui… Mais au fond des choses, le genre d’homme que la monarchie a en tête, c’est un mélange fait de chevaleresque et d’humanisme. Bayard et Montaigne. Lisez Romain Gary, et vous aurez un peu l’idéal-type de cet homme. La loyauté, mais l’indépendance, le courage mais l’humilité, l’amour du grand dans le sentiment de sa petitesse, et par-dessus tout, un homme qui se laisse guider par les puissances de la sympathie, qui élèvent toujours. Et non par celle de la haine pleine de bonne conscience, dont la fréquentation des médias nous donne l’exemple.

Votre appel au roi est-il une esthétique, une nostalgie ou le fruit d’un raisonnement abouti?

J’ai beaucoup étudié, admiré, intégré, compris l’idéal républicain. Je le trouve toujours aussi admirable.

Je suis parti d’une expérience personnelle. Lors de mes études, à la demande de mes professeurs – notamment à Sciences Po – et d’une certaine partie de mon entourage, j’ai beaucoup étudié, admiré, intégré, compris l’idéal républicain. Je le trouve toujours aussi admirable. Simplement, je trouve plus complet et plus haut, en définitive, l’idéal monarchiste que j’avais en tête, dans ma prime jeunesse, par transmission et par ambiance familiales. La monarchie est associée dans mon esprit à ce qui était valorisé chez les hommes et les femmes dans une certaine conception de la société. La politesse, une forme de curiosité, une tournure d’esprit, une différenciation sexuelle qui favorise l’altérité sans attenter à l’égalité en dignité des deux genres, l’amour du bien commun, et la préférence pour l’harmonie, dont Balzac disait qu’elle était la poésie de l’ordre. Ces impressions ont repris le dessus. Je les crois humaines plus que personnelles. Je ne crois pas exprimer une différence, en préférant la monarchie, mais une forme d’évidence de la complétude, justement, d’une société qui a à sa tête un roi couronné, et un roi sacré.

Avoir un roi catholique, c’est dire à nouveau que le pouvoir est fait pour ça : pour que chacun apporte sa pierre visible à un édifice invisible : la Jérusalem Céleste.

Je n’ai jamais compris – sauf quand j’avais affaire à des imbéciles, auquel cas l’explication venait de la déficience de mes interlocuteurs -, pourquoi la monarchie et la république étaient présentées comme émanant de principes opposés. Une des tentatives touchantes du règne de Louis-Philippe, pour lequel je n’ai aucune tendresse par ailleurs, mais aussi de la Troisième République, aura été de les réconcilier.

Pourquoi le roi serait-il forcément catholique?

Il existe une raison négative et des dizaines de raison positives pour que le roi de France soit catholique. La raison négative, c’est qu’il ne peut pas être autre chose, ou alors c’est un roi qui fait table rase de notre histoire et de notre culture, ce qui n’a aucun sens. Et les raisons positives peuvent tout simplement se déduire du constat que le catholicisme a opéré dans les esprits français, au cours des siècles, un miracle: transcender la violence aveugle, et prendre patiemment l’homme pour ce qu’il est – un être intelligent tenté de sacrifier des innocents – pour l’amener à construire la civilisation de l’amour. Ce projet a globalement réussi, mais le chef-d’œuvre est en péril. Avoir un roi catholique, c’est dire à nouveau que le pouvoir est fait pour ça: pour que chacun apporte sa pierre visible à un édifice invisible: la Jérusalem Céleste. Naturellement, cela n’empêche nullement la liberté de religion absolue, ni que les règles de neutralité dans l’espace public soient respectées.