Valérie, mon amour

J’avais, dans un billet ancien, titré “Olivia, mon amour“, proclamé, évidemment pour m’amuser, mon amour pour Olivia Gesbert, animatrice de la “Grande Table” sur France Culture. C’était le 5 Octobre 2018. Le lendemain de la mort de la seule idole que j’ai pu vénérer dans ma vie : Aznavour. Je l’aurais tuée mon amour d’Olivia si elle n’avait pas consacré une émission à Aznavour.

J’avoue ici que j’ai failli écrire “Olivia, Valérie, mes amours. Puisqu’en effet, dans un article du Point, Valérie Toranian, directrice d’une revue, la plus vieille du monde, à laquelle je suis abonné, entre autres, que j’aime aussi, avait écrit dans Le Point qu’Aznav était son “autre nom”. Un extrait :

Valérie Toranian, directrice de la rédaction de la « Revue des deux mondes », rend un hommage très personnel à ce grand « frère » de la communauté arménienne.

Petite, quand on me demandait la signification de mon nom de famille imprononçable (Couyoumdjian), je répondais que j’étais arménienne. Dans les années 1970, cela n’évoquait rien à personne. Devant l’air circonspect de mon interlocuteur, j’ajoutais alors crânement : « Comme Aznavour… » Et le visage en face de moi s’éclairait. Pour les milliers d’Arméniens exilés, Aznavour fut d’abord cela : notre carte d’identité, le sésame de la reconnaissance, la preuve que nous existions et que nous étions des gens bien. Comme lui. De la même souche irréductible. Du même lignage. Aznavour, mon autre nom…

Aujourd’hui, on m’a encore appelé. On m’a encore reproché mon silence devant la décapitation. Et juste à cet instant, je lisais l’édito de l’arménienne Valérie que j’aime (Aznav, son autre nom). Je vous l’offre. Inutile d’écrire autre chose. Je vais chanter au téléphone, pour une très proche, comme je viens de le lui promettre, les “Deux guitares”. Elle ne croit pas que je chantais Aznavour. Les voisins sont absents.

REVUE DES DEUX MONDES

Edito

Valérie Toranian

« Ils ne passeront pas », a déclaré Emmanuel Macron après la décapitation de Samuel Paty par un islamiste. Monsieur le président, vous avez une guerre de retard. Ils sont passés. Depuis longtemps. La République devait être le socle qui protège, émancipe, instruit chaque citoyen, elle est devenue un navire à la dérive, incapable de fixer le cap. Ses enseignants sont exécutés, ses quartiers sont des territoires de non-droit, ses pompiers sont caillassés. Pire, au lieu de neutraliser ceux qui fendent sa coque pour la faire couler, la République leur offre asile, les tolère, les excuse, les couvre. Vous-même avez mis trois ans à aborder la question du séparatisme islamique. Trois ans qui s’ajoutent à plusieurs décennies de capitulation, résignation, lâcheté, aveuglement. Et aucun président, aucun gouvernement, ne peut s’absoudre de ses responsabilités.

Un islam de conquête totalitaire est à l’assaut de notre monde. Il se propose de changer notre mode de vie, notre histoire, nos mœurs, nos libertés, de le faire par tous les moyens possibles, des plus légaux aux plus violents. Son agenda est mondial. En ce moment, Erdogan et l’Azerbaïdjan tentent d’éliminer les Arméniens de l’Artsakh, une des dernières poches chrétiennes en Orient, au nom du djihad. L’Europe continent de culture latine, grecque, judéo-chrétienne est l’autre terre de conquête. Surtout la France, berceau du rationalisme des Lumières et de la laïcité que l’islamisme ne saurait tolérer.

Le post-modernisme de notre société biberonnée aux principes de la déconstruction, pétrie de culpabilité post-coloniale, a permis à cet islam totalitaire de se déployer comme jamais il n’aurait osé l’espérer, trouvant des alliés dans la culture et les médias gauchistes, jusque dans les quotidiens « de référence », et bien sûr l’intelligentsia décoloniale et racialiste qui développe un discours de guerre contre l’État, la République et ses valeurs.

La décapitation de Samuel Paty est la preuve qu’entre les militants de l’islam politique, la radicalisation et le terrorisme, il existe une chaîne de continuité. C’est la chronique d’une mort annoncée. Elle débute avec la mobilisation de parents contre le professeur, l’instrumentalisation de l’incident par Abdelhakim Sefrioui, un islamiste radicalisé fiché S qui appelle à « stopper » le professeur « voyou » sur les réseaux sociaux en donnant ses coordonnées. Elle s’achève devant le corps mutilé de Samuel Paty quatre jours après que les services de renseignement ont envoyé une note faisant état de l’incident à leur hiérarchie. C’est tout un écosystème qui façonne, féconde, nourrit le geste d’un ultra-radicalisé. Abdoulakh Anzorov est tchétchène, il pratique un islam littéral. Pour lui, être musulman c’est appliquer à la lettre les préconisations du Coran envers les mécréants. Lorsqu’on attise les braises en déformant un incident, en mentant, en calomniant un enseignant « coupable » d’avoir délivré un cours sur la liberté d’expression, on ne fait rien d’autre que désigner à la meute une cible. Et on se lave les mains des conséquences.

L’exécution de Samuel Paty est un crime collectif. Nombreux sont ceux qui ont du sang sur les mains.

Ceux qui ont méprisé les lanceurs d’alerte sur l’état de l’enseignement scolaire. On ne peut plus enseigner librement la Shoah, la liberté d’expression, la colonisation, l’éducation sexuelle, la condition des femmes. Même Madame Bovary pose problème ! Des élèves trouvent naturel que le blasphème soit inscrit dans la loi. Sans parler des problèmes de hallal à la cantine, de refus de participer à certains cours, à la piscine pour les filles, etc. Le rapport Obin qui faisait l’état des lieux, lui valut d’être taxé d’islamophobe. Le rapport fut enterré par François Fillon. Georges Bensoussan auteur des Territoires perdus de la République en 2002, fut accusé d’extrémisme, de racisme, et boycotté par les médias. Les ouvrages de Bernard Rougier, Hugo Micheron, et le courageux François Pupponi, ex-maire de Sarcelles, n’ont cessé de souligner le dangereux basculement de notre société. Pourquoi avoir attendu qu’un fou d’Allah fende en deux le corps d’un professeur pour qu’enfin on ouvre les yeux ?

L’institution scolaire qui a encouragé les professeurs (pour « ne pas faire le jeu de l’extrême droite » ?) à ne pas faire de vagues. Pire, à capituler. Michaël Prazan, cinéaste et ancien enseignant, raconte : « On a servi aux élèves – à l’initiative de nos pédagogues – ce qu’on croyait qu’ils réclamaient : clouer au pilori l’Occident coupable, la domination de l’homme blanc. Nous en avons fait des “indigènes de la République”. Il n’y a qu’à consulter les ouvrages d’histoire et d’éducation civique – particulièrement dans les classes pro et techno – pour s’en rendre compte. » Jean-Michel Blanquer se bat contre ces dérives. Il a promis de le faire encore plus. Mais comment combattre les membres du corps enseignant qui sont idéologiquement convaincus de la nécessité de ne pas faire de vagues ? Ou bien qui se sont accommodés de tous ces arrangements avec l’islamisme et ne les signalent même plus ?

Les syndicats qui n’ont cessé pour la plupart de demander à leurs enseignants de ne pas faire de vagues et qui, ce weekend encore, étaient incapables de nommer le danger.

Tous ceux qui ont légitimé la haine anti-Charlie. Ces médias qui offraient leurs colonnes aux tribunes des pseudo sociologues et universitaires défendant le relativisme culturel, faisant la révérence envers l’islam jamais coupable. Tant pis pour les homosexuels, les apostats et toutes celles qui sont pourchassées dans le monde, parce qu’elles refusent de porter un voile. Edwy Plenel expliquant que Charlie était en guerre contre les musulmans : exactement ce que veulent entendre les islamistes pour liquider les journalistes. Rokhaya Diallo, icône indigéniste néo-féministe, portant plainte contre Charlie, hebdomadaire raciste, selon elle. L’UNEF, qui fut un grand syndicat de gauche et féministe, représenté par une femme voilée prônant la soumission au patriarcat musulman. SOS-Racisme, qui a transformé son combat antiraciste en combat contre l’islamophobie.

Ces souffleurs de braise ne cessent de présenter aux musulmans un discours victimaire qui fait d’eux les cibles d’une islamophobie d’État. En voir certains Place de la République manifester « contre la haine » et allumer des bougies en l’honneur de Samuel Paty est proprement écœurant. Ainsi Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise qui avaient bruyamment appelé à la manifestation du 10 novembre 2019 contre l’islamophobie, cautionnant ainsi que l’islamophobie, c’est-à-dire la critique de l’islam, était un crime raciste. Cette victoire est celle du CCIF qui a réussi à imposer cette nouvelle sémantique victimaire désormais banalisée. Et même si Gérald Darmanin réussit à dissoudre l’association (elle crie à la victimisation et va tout faire pour invalider la décision auprès de la justice), le mal est là. Une journée d’hommage national n’y changera rien. Il faut poursuivre en justice, interdire (enfin) les mosquées salafistes et toutes les associations islamistes, et se poser la question très sensible, du droit d’asile et du contrôle de l’immigration. Pourquoi encore tant de fichés S étrangers sont-ils toujours en France ?

le sentiment suspect

photo Michel BEJA

Comme il est curieux de constater combien la spécialité crée l’effacement du réel et du sentiment humain, lequel est son grand acolyte !

Comme il est stupéfiant d’entendre, dans la bouche des prétendus « sachants » d’une petite discipline, une théorisation inféconde et inutile de ce qui n’est qu’une minuscule réaction humaine !

La spécialité est une plaie, le nominalisme théorique ou scientifique un assassinat, la connaissance primaire, dans le champ investi (souvent dans les sciences dites molles, y compris la médecine qui s’avère comme telle à l’ère d’un virus non maîtrisé), un poignard pour l’humanité et ses grands et sublimes sentiments.

Prenez, par exemple le simple chagrin : les « spécialistes » de pacotille vous diront qu’il faut chercher son origine dans « l’abandonnisme », dans un traumatisme d’enfant, dans sa relation de rupture, déstructurée, avec ses géniteurs.

Prenez la déception, souvent de mise : les grands connaisseurs de la psycho-sociologie iront vous faire chercher du côté de l’attente exacerbée, dans le calque de l’ego recherché.

Prenez la colère. Les immenses penseurs vous liront les pages kantiennes sur les impératifs catégoriques ou les lamentations nietzschéennes sur la petite faiblesse des hommes.

Prenez encore la tristesse : les « spécialistes » la réduiront à une petite dépression qu’un médicament pourra altérer.

Prenez la joie de vivre : les grands manitous du développement de soi seront dubitatifs devant tant d’explosion, la rangeant dans un mime d’une profonde angoisse camouflée dans le grand rire.

Prenez l’amour : les immenses connaisseurs n’y verront, comme les bouddhistes parisiens qu’égocentrisme, de passion de soi dans le regard des autres

Prenez, enfin, le soleil et le bleu du ciel qui écarte votre front ou étire vos poumons, qui respirent comme sans scaphandre dans un espace inconnu : les connaisseurs vous tireront vers la détresse pascalienne des infinis improbables.

La spécialité enterre le sens et la respiration humaine, la petite connaissance blesse ce réel pourtant très simple :  humain, trop humain : juste le sentiment. Sans y ajouter le commentaire ou la connaissance petite. La jouissance initiale avant que les humains ne tentent de se mal comprendre.

PS. J’ai abandonné, certain de l’incompréhension, mon chef-d’œuvre sur le « romantica ». Je crois avoir effacé quelques 200 pages, un soir de rage. Les « sachants » pourraient clamer que je me suis « effacé ». Et donc détruit. Je suis pourtant, rieur un verre de fino à la main. Certainement suspect, ce verre et ce rire…

Compilation

Je livre, la nuque un peu rentrée,, en rasant les murs, je l’assure, ce qu’on m’a demandé de fabriquer. Une compilation en PDF et en EPUB de mes petits billets avec table des matières-signets (un clic sur le titre et on arrive au billet). Le format PDF, on connait. Le format “epub” est celui des livres numériques qu’on ouvre sur Apple avec “Livres” et ailleurs (Windows ou Android) sur les logiciels de lecture de livres “epub’ (pléthore). Evidemment ce format est plus agréable, à lire, comme un livre qu’on feuillette.

Intégrés désormais dans le menu et par un clic ci-dessous.

Sagan, for ever

Billet “remonté”

Qui parle encore de Françoise Sagan ? Qui aime sa phrase, ses nerfs, sa langueur bégayante et rapide ? Ses mots vite avalés de peur d’être entendus, ancrés et immuables ?

Ses yeux constamment baissés sur ses lèvres fines qui rêvent d’être pulpeuses et embrasser, dans une fougue inédite l’être à ses côtés dans une décapotable aux ailes un peu froissées par une conduite d’un zigzag éthylique ?

Personne ne parle plus de Sagan qu’on laisse, statufiée, dans son adolescente de ce “Bonjour tristesse “.

On a tort. Il faut l’aimer Sagan.

Cette femme est un personnage. Ce qui devient rare, tant la femme ne veut plus l’être, de peur d’être nommée.

Certes, diront les faux proustiens qui sont de vrais faiseurs, ce n’est pas de la grande littérature, même si elle n’est peut-être pas de gare…

Ils ont tort. Lorsque Sagan plonge dans la solitude, le seul vrai sujet de l’écrivain, elle est sublime, d’une plume fulgurante, de celle qui arrache les cœurs et ligote les plexus.

J’aime Sagan, n’en déplaise aux faux stendhaliens, aux vrais escrocs du mot.

J’ai repris, récemment, pour tester ma fidélité, son petit essai, vite écrit vers Deauville (“Des bleus à l’âme “).Je n’ai pas été déçu.

Alors, immédiatement, j’ai pris mon téléphone et j’ai appelé une nièce liseuse des Musso et autres Levy, en lui conseillant du Sagan.

J’ai, d’emblée, regretté la démarche, un réflexe idiot que je combattais (Sagan pour les jeunes filles).

Je viens à l’instant même de recevoir un coup de fil du compagnon de ma nièce qui a suivi le conseil. Il me dit être bouleversé par cette écriture vitaliste (son mot).

Sagan est un écrivain . Une écrivaine si vous voulez, une auteure.

Ci-dessous un extrait des”bleus”

P.S. j’ai failli, emporté par la facilité, intituler mon billet “Aimez-vous Sagan ? “. En référence å son roman d’où est tiré le film avec Ingrid Bergman et Anthony Perkins (“Aimez vous Brahms ?”) et sa musique qui fait pleurer les adolescents sentimentaux. Trop facile.

C’est un sujet un peu trop à la mode mais néanmoins fascinant que celui de la dépression. J’ai commencé ce roman-essai ainsi, par une description de cet état. J’ai rencontré quinze cas similaires depuis et je ne m’en suis tirée moi-même que grâce à cette bizarre manie d’aligner des mots les uns après les autres, des mots qui recommençaient tout à coup à jaillir en fleurs à mes yeux et echos dans ma tête. Et chaque fois que je la rencontrais chez quelqu’un, cette dépression, cette catastrophe – car il n’y a pas à plaisanter là-dessus ni à parler d’oisiveté ou de laisser-aller –, chaque fois, cette maladie m’accablait de tendresse. D’ailleurs, en y pensant, pourquoi écrirait-on, sinon pour expliquer aux « autres » qu’ils peuvent y échapper, à cette maladie, ou, en tout cas, s’en remettre ? La raison d’être, absurde, naïve de tout texte, que ce soit un roman ou un essai ou même une thèse, c’est toujours cette main tendue, ce désir effréné de prouver bêtement qu’il y a quelque chose à prouver. C’est cette façon comique de vouloir démontrer qu’il y a des forces, des courants de force, des courants de faiblesse, mais que dans la mesure où tout cela est formulable, c’est donc relativement inoffensif. Quant aux poètes, mes préférés, ceux qui font joujou avec leur mort, leur sens des mots et leur santé morale, quant aux poètes, ils prennent peut-être plus de risques que nous, les « romanciers ». Il faut un joli toupet pour écrire : « La terre est bleue comme une orange » et il faut une gigantesque audace pour écrire : « Les aubes sont navrantes, toute lune est atroce et tout soleil amer. » Parce que c’est jouer avec la seule chose qui nous appartienne à nous, les fonctionnaires de la plume, les mots, leur sens, et c’est quasiment abandonner ses armes à l’entrée de la guerre ou décider de les tenir à l’envers en attendant, les yeux déjà éblouis, demi-éteints, qu’elles vous sautent au visage. C’est bien ce que je reproche aux gens du nouveau roman. Ils jouent avec des balles à blanc, des grenades sans goupille, laissant le soin à ceux qui les lisent de créer eux-mêmes des personnages non dessinés entre des mots neutres, et qu’ils s’en lavent ostensiblement les mains. Dieu sait que l’ellipse est séduisante. J’ignore quel plaisir certains auteurs ressentent en l’utilisant à ce point, mais c’est vraiment un petit peu trop aisé, peut-être même malsain, de faire rêver des gens sur des obscurités dont rien ne prouve qu’elles ont réellement fait souffrir l’auteur lui-même. Vive Balzac qui pleurait sur ses héroïnes, ses larmes tombant dans son café, vive Proust qui dans sa maniaquerie ne donne champ à aucun développement…
Après ce petit cours de littérature française, je vais revenir à mes Suédois ou, plus précisément, à ma Suédoise qui arpente de ses grandes jambes le pavé parisien et matinal, rentrant elle ne sait où, à ce « chez elle » qui ne veut rien dire dans sa tête, rentrant plutôt à ce « chez eux » qui veut dire : son frère. J’ignore encore pourquoi j’ai jeté Éléonore dans les bras de ce galopin. (C’est que, sans doute, j’ai du mal à imaginer les conséquences de cette péripétie.) C’était peut-être parce que j’aime étirer mon histoire ou que, mue par une jalousie exotique chez moi, je commence à être légèrement énervée par son intégrité et sa manière de se défendre en amour, usant d’une technique aussi implacable et souveraine que celle du « close-combat » chez Modesty Blaise. On n’admire pas ses héros ni ses héroïnes, on ne les envie même pas, car ce serait une opération complètement masochiste et le masochisme n’est pas mon fort. Ni mon faible. Néanmoins, Éléonore me snobe. C’est vrai, à la fin : je voudrais qu’elle morde la poussière, qu’elle se roule dans un lit, transpire en se rongeant les poings, je voudrais qu’elle attende des heures près du téléphone que ce petit Bruno veuille bien l’appeler, mais sincèrement je ne vois pas comment faire pour l’amener là. La sensualité, chez elle, est maîtrisée dans la mesure où elle se permet tout, et la solitude neutralisée par la présence de son frère. Et son ambition est nulle. Je finirai par être du côté de Bruno Raffet qui, étant ce qu’il est, reste vulnérable. Il m’est souvent arrivé, d’ailleurs, de préférer des gens médiocres à des gens dits supérieurs, uniquement à cause de cette fatalité qui les faisait se cogner comme des lucioles ou des papillons nocturnes aux quatre coins de ce grand abat-jour que peut être la vie. Et mes essais désespérés pour les attraper au vol sans leur faire mal, sans friper leurs ailes, pas plus que mes tentatives grotesques pour éteindre l’ampoule à temps n’ont jamais servi à grand-chose. Et un peu plus tard, que ce soit une heure, dans le cas des insectes, ou un an, dans le cas des humains, je les retrouvais collés à l’intérieur de ce même abat-jour, aussi avides de s’étourdir, de souffrir, de se cogner que lorsque j’avais essayé d’arrêter leur misérable carrousel. J’ai l’air peut-être résignée mais je ne le suis pas, ce sont les autres : les journaux, la télévision, qui le sont. « Oyez, oyez, bonnes gens. Tant pour cent de vous vont mourir en voiture bientôt, tant pour cent d’un cancer à la gorge, tant pour cent de l’alcoolisme, tant pour cent d’une vieillesse minable. Et ça, on peut vous le dire, les gazettes vous auront bien prévenus. » Seulement, pour moi, je crois que le proverbe est faux et que prévenir, ce n’est pas guérir. Je crois le contraire : « Oyez, oyez, bonnes gens, c’est moi qui vous le dis, tant pour cent de vous vont connaître un grand amour, tant pour cent vont comprendre quelque chose à leur vie, tant pour cent vont être à même d’aider quelqu’un, tant pour cent mourront (et bien sûr, cent pour cent mourront), mais il y en aura tant pour cent avec le regard et les larmes de quelqu’un à leur chevet. » C’est là, le sel de la terre et de cette fichue existence. Ce ne sont pas les plages qui se dévident dans des décors de rêve, ce n’est pas le Club Méditerranée, ce ne sont pas les copains, c’est quelque chose de fragile, de précieux que l’on saccage délibérément ces temps-ci et que les chrétiens appellent « l’âme ». (Les athées aussi, d’ailleurs, sans employer le même terme.) Et cette âme, si nous n’y prenons pas garde, nous la retrouverons un jour devant nous, essoufflée, demandant grâce et pleine de bleus… Et ces bleus, sans doute, nous ne les aurons pas volés

Le pack de mots

Octobre 2020. Le Président Macron dans le sud, aux victimes des inondations :

1-L’Etat mettra sur la table « à coup sûr plusieurs centaines de millions d’euros

2-Enumérant les nombreux chantiers qui attendent ce territoire, il a évoqué un « pack » qu’il faudra mettre en œuvre pour « reconstruire de manière résiliente et durable.

La table est tellement pleine qu’elle s’est transformée en planche (à billets, bien sûr)

Le “pack” est un mot de supermarché et le Président, devenu un VRP de lui-même. La résilience est un mot tellement à la mode (qui a curieusement traîné dans revues et journaux ces derniers jours, les scribes de l’Élysée sont fainéants et plagiaires) qu’il en devient ridicule. A l’origine, la résilience-résistance, c’était contre le “bobo “qui fait mal, le vrai qui fait souffrir. Désormais, si l’on veut, facilement, jouer avec les mots, celui de bobo du Marais parisien.

un commentaire

Comme tous (…) le savent, peu de personnes connaissent mon site puisque je n’en donne jamais l’adresse. Non par crainte du commentaire ou du succédané classique du dévoilement de soi, puisque rien n’y est intime. Simplement par oubli et, je l’assure, malgré ce qu’on peut croire, par une minuscule modestie.

C’est donc avec une certaine surprise que je viens de recevoir un “commentaire” curieux (je ne peux dans WordPress, supprimer l’espace “commentaire” en bas d’article) d’une inconnue qui ne devrait pas me connaitre, me disant me “connaitre” et me clamant que mon billet intitulé “micro-réalité”, écrit il y a bien longtemps l’a “enchanté” dans sa “navigation” entre le correct et le désir” (ce sont ses mots)

Je colle, ci-dessous, le lien vers mon billet que j’ai donc relu (le clavier, hormis le centre de la théorie du monde qui nous accompagne, qui traverse les mots, est toujours ponctuel et on peut oublier l’humeur de sa frappe)

On peut le lire par un clic et revenir ici par la flèche de retour pour mes derniers mots conclusifs.

https://michelbeja.com/micro-creature

Je viens donc de me relire. La relecture de soi est toujours acrobatique. On s’aime ou on s’aime pas, on se trouve mauvais ou on retient une grande forme intellectuelle du soir de la frappe.

Ici, dans ce billet de circonstance, j’hésite entre rire et sourire. Pourquoi avais-je écrit ce billet ?

Merci à la personne qui a commenté de me dire qui elle est et d’où elle parle. Son verbe me fait croire qu’elle est est dans les mots de jonglerie. Les meilleurs.

Titres du Monde, bis

Je l’ai déjà dit, on devrait vendre le journal “Le Monde” avec pilule anti-dépresseur. Vous savez, comme les échantillons de parfums collés sur les pages des magazines au papier glacé.

L’amertume des électeurs latinos d’Arizona”

En Russie, un suicide révélateur du harcèlement des journalistes”

Réanimation : une promesse intenable

Les universités d’Ile­de­France dans le collimateur
Les établissements situés à Paris et en petite couronne ne peuvent plus accueillir que la moitié de leurs étudiants

Un million de nouveaux
pauvres d’ici à fin 2020
Aide alimentaire, RSA, impayés de loyers…
Les recours en forte hausse à certaines aides
inquiètent de nombreux acteurs, qui voient
arriver de nouveaux publics touchés par
la crise économique en raison du Covid­1

Terre promise, terre brûlée
Jean­Pierre Lledo, élevé en Algérie dans le rejet d’Israël, explore le pays dans un documentaire en quatre parties

Afrique de l’Ouest : la démocratisation en péril

Les vallées inondées s’interrogent sur leur avenir
Habitués aux pluies diluviennes, les territoires vulnérables doivent faire face à de nouveaux risques climati

La traite négrière, oubliée
de l’histoire économique

Le placement

Retour à la théorie, par nécessité. Il s’agit de faire comprendre ce que j’ai voulu dire hier soir lorsque j’ai, très calmement, pour la millionième fois, affirmé que « l’opinion n’existait pas », en ajoutant que je ne voulais pas vexer ou être sourd à ce qu’on me racontait. Puis j’ai répondu à celui qui, dans la vérité, me posait la question de savoir ce qu’on en faisait de nos « idées », nos « réflexions . J’ai, frontalement dit qu’il fallait simplement savoir où elles se plaçaient. En ajoutant, je l’assure sans aucune pédanterie, je l’assure encore, que savoir si la prétendue proposition de pensée se plaçait ou non dans « l’essentialisme » était le grand pas, l’immense avancée. Celle qu’un maitre m’avait apprise, il y a bien longtemps.

Donc (encore) une injonction de l’explication. Je tente, ici,  de dire, en essayant de ne pas sombrer dans l’exposé conférencier.

Allez, on va partir de Platon. Ca accroche. Tous connaissent, en tous cas beaucoup, sa philosophie de la « forme » de « l’idée ». Toute chose a son « essence », sa forme. La table n’est pas du bois assemblé. C’est une idée de table, sa forme, son essence, qui se donne à voir dans l’illusion de son concret. Et Platon nous donnait à penser le « monde des formes », le vrai, ailleurs, loin de l’illusions concrète de la réalité qui n’existe pas.

L’essentialisme, c’est ça : une essence immuable, certainement venue d’ailleurs, qui n’est pas la réalité ou un mot. Une essence qui préexiste à la chose, qui n’est pas dite par les humains, qui existe en dehors de leur nom donné par les humains.

Aristote suit avec sa théorie des « espèces ». Il existe une jument, une vache, pas une jument-vache. Il y a toujours une essence d’une espèce.

Pour, encore tenter d’être un peu plus clair, je vais dans la comparaison (c’est en comparant qu’on comprend ce qu’on comprend) avec une autre théorie qui construit la réflexion. Ici l’essentialisme qui s’oppose au nominalisme.

Les espèces donc. En biologie, l’on classe les diverses espèces animales et végétales. En quoi diffèrent-t-elles ? Soit je dis, qu’elles ont chacune leur essence, je suis dans l’essentialisme, la catégorie nommée étant le succédané de leur essence qui vient d’ailleurs (Dieu, pour ne pas le nommer). Soit je dis non, non, ce ne sont que des catégories que l’homme a inventé pour mieux s’y retrouver. Il n’a fait que nommer divers objets qui n’ont aucune essence en elle, des réalités tangibles. L’homme a construit ces catégories. Il les a nommés : c’est le nominalisme.

On va croire que tout ceci n’est que bavardage. Et bien non. Cette distinction, ce « placement idéologique » dans l’essence des choses, domine toutes les pensées, toutes les controverses. Comme par exemple le féminisme qui ne peut accepter l’essence de l’homme ou celui de la femme. Essentialisme du genre traditionnel contre le constructivisme sociétal qui clame l’inexistence des natures (des essences) féminine et masculine, qui lutte contre cette différence, cette ségrégation que pose d’emblée l’essentialisme. Tout est construit socialement et nommé par les humains, nous disent-elles, peut-être un peu rapidement. Mais je ne veux ici dans cette injonction de l’explication initier ici la controverse. Homme, femme « on ne nait pas femme, on le devient », comme le disait De Beauvoir), étoile ou cheval, sans aucune essence.

Mme De Beauvoir se « plaçait » en vérité dans une minime contradiction. Contre son compagnon, l’existentialisme philosophique supposant, en effet, que l’essence d’une chose précède son existence. Sauf pour les hommes.

il existe bien, nous dit Sartre une « essence » du canif : celle d’avoir un manche et une lame qui permettent de couper, bien en main. L’essence du canif est sa finalité matérielle.

L’homme, lui se construit par son histoire, sa géographie, sa culture. L’humain, lui, se construit principalement par l’histoire, la culture.

Et donc “l’Existence précède l’essence”, formule du marché sartrien. Pas de nature humaine. Pas d’essence humaine.

Bon j’arrête, je vais ennuyer. Merci à ceux qui ont eu le courage de me lire jusque-là. Et j’espère que celui qui m’a enjoint de clarifier s’y retrouve un peu dans cette histoire du “placement” du “dire” (pas l’opinion)

Je voulais donc juste dire que « l’opinion n’existe pas » et que l’intelligence est celle qui le sait et va chercher où se “place” ce qu’on vient de dire. Ça éviterait les milliards de redites sur Facebook. Lorsque l’on sait où l’on se terre et d’où l’on crie (ce qui n’a aucune importance si on ne fait de mal à personne), ça rend un peu modeste. On sait que ça déjà été dit ce qu’on veut dire. Et, peut-être, on se tait, en sachant que l’opinion n’existe pas. Juste celle de savoir si on n’est pas dans un « entre-deux » qui serait une contradiction. Ce qui, donc, permettrait une discussion assez acceptable.

Un « Ou suis-je ? » vaut mieux que « Je crois que ».

Spinoza nous a appris que la véritable liberté est celle qui sait qu’elle n’existe pas.

Ce billet n’est pas « essentiel ».

Les liens de la danse

Le titre est un mauvais jeu de mots du Dimanche. Je ne vais pas me lancer sur les liens dans la caresse ou la sensualité dans le boléro ou le tango, ou le slow primaire, même si j’aurais du.

Juste des amis qui savent qu’il existe un bouton “recherche” sur mon site, assez efficace, mais qui ne retrouvent pas les deux vidéos fantastiques de danse /vieux film (c’est leur mot) que j’avais casées pendant le confinement, après les avoir envoyés abondamment sur WhatsApp.

Le voici le billet dans lequel elles se trouvent ces vidéos. Il fallait juste taper “dance “

Dance, dance, 1 et 2

Misère de la moralité

Quand j’ai hier, en riant, avoué avoir, à 14 ans, volé un flan dans une boulangerie, du moins être parti sans payer, la file d’attente étant exténuante, j’ai ajouté qu’après de nombreuses années, je m’étais convaincu que le gâteau était rassis et qu’il allait être mis a la poubelle une minute avant que je ne m’en empare sur l’étal. Ça m’a rassuré, ai-je affirmé. En ajoutant que ça m’avait aussi evité d’être toute ma vie comme la pauvre Mathilde Loisel, vous savez, celle de la nouvelle de Maupassant (La parure) que je cite souvent lorsque je vais à l’abordage des destins. Et des malheurs idiots. Et du déterminisme.

Il a fallu que je raconte.

Mathilde Loisel vient donc d’un milieu modeste et veut “s’élever” dans la société. Epouse d’un petit employé, mari modèle et attentionné, elle rêve de richesse, de cercles, de bals fastueux.

Un jour, son époux est invité à un grand bal donné par le Ministère qui l’emploie.

Mathilde n’a pas de bijoux, ni de collier à porter sur sa poitrine nécessairement dénudée, le décolleté étant de mise au bal. Elle en emprunte un très beau (la parure) à une amie (Jeanne Forestier), dame du monde qu’elle rêve de fréquenter.

Le bal, la perte. Elle rentre après un grand bonheur de proximité de ses désirs mondains. Et patatrac ! Elle constate qu’elle a perdu le collier. N’osant pas l’avouer à Madame Forestier, elle emprunte une immense somme (40.000 francs) pour en racheter un autre, identique, et le lui rendre, sans conter la mésaventure.

La dette du ménage est colossale. Ils doivent vendre leurs meubles, se séparer d’une domestique et elle « connut la vie horrible des nécessiteux » le mari se tue au travail et elle fait des ménages.

Dix années de galère avant de rencontrer par hasard Mme Forestier, “toujours jeune, toujours belle” qui ne reconnait pas Mathilde, tant la misère est passée sur son corps et son visage. Elle lui avoue la vérité sur le collier avant d’entendre :

Oh ! ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne était fausse. Elle valait au plus cinq cents francs ! »

Le livre fut adaptée une dizaine de fois ou plus au cinéma et à la télévision (“le collier de perles”). Même par Chabrol.

Il y a longtemps, dans la lignée des études de Bourdieu sur le déterminisme qui peut rattraper les envols, je me suis servi souvent, avec succès, de cette nouvelle. Sûrement par dandysme théorique, la littérature à l’époque était désemparée par le structuralisme. Et il n’était bon de s’y référer que dans la théorie. Mais c’est une autre histoire. L’histoire contée ici est celle de mon flan volé.

Elle m’a sauvé. Je vous assure que mon flan était bon pour la poubelle et ne valait pas un sou. Croyez-moi.

POUR ME FAIRE PARDONNER, JE LIVRE QUELQUES EXTRAITS DE LA NOUVELLE /

MATHILDE. « C’était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme par une erreur du destin, dans une famille d’employés. Elle n’avait pas de dot, pas d’espérances, aucun moyen d’être connue, comprise, aimée, épousée par un homme riche et distingué ; et elle se laissa marier avec un petit commis du ministère de l’Instruction publique.  

Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu’elle ne voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant. Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de désespoir et de détresse. »

MATHILDE AU BAL.  Le jour de la fête arriva. Mme Loisel eut un succès. Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse, souriante et folle de joie. Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom, cherchaient à être présentés. Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle. Le Ministre la remarqua. »

L’ARGENT, LA PERTE. « Il emprunta, demandant mille francs à l’un, cinq cents à l’autre, cinq louis par-ci, trois louis par-là. Il fit des billets, prit des engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, à toutes les races de prêteurs. Il compromit toute la fin de son existence, risqua sa signature sans savoir même s’il pourrait y faire honneur, et, épouvanté par les angoisses de l’avenir, par la noire misère qui allait s’abattre sur lui, par la perspective de toutes les privations physiques et de toutes les tortures morales, il alla chercher la rivière nouvelle, en déposant sur le comptoir du marchand trente-six mille francs. »

LA RENCONTRE AVEC Mme FORESTIER.

“Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour aux Champs-Élysées pour se délasser des besognes de la semaine, elle aperçut tout à coup une femme qui promenait un enfant. C’était Mme Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante.

Mme Loisel se sentit émue. Allait-elle lui parler ? Oui, certes. Et maintenant qu’elle avait payé, elle lui dirait tout. Pourquoi pas ?

Elle s’approcha.

– Bonjour, Jeanne.

L’autre ne la reconnaissait point, s’étonnant d’être appelée ainsi familièrement par cette bourgeoise. Elle balbutia :

– Mais… madame !… Je ne sais… Vous devez vous tromper.

Non. Je suis Mathilde Loisel.

Son amie poussa un cri :

– Oh !… ma pauvre Mathilde, comme tu es changée !…

– Oui, j’ai eu des jours bien durs, depuis que je ne t’ai vue ; et bien des misères… et cela à cause de toi !…

– De moi… Comment ça ?

– Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu m’as prêtée pour aller à la fête du Ministère.

– Oui. Eh bien ?

– Eh bien, je l’ai perdue.

– Comment ! puisque tu me l’as rapportée.

– Je t’en ai rapporté une autre toute pareille. Et voilà dix ans que nous la payons. Tu comprends que ça n’était pas aisé pour nous, qui n’avions rien… Enfin c’est fini, et je suis rudement contente.

Mme Forestier s’était arrêtée.

Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants pour remplacer la mienne ?

– Oui… Tu ne t’en étais pas aperçue, hein ? Elles étaient bien pareilles.

Et elle souriait d’une joie orgueilleuse et naïve.

Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux mains.

– Oh ! ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne était fausse. Elle valait au plus cinq cents francs !…

PUIS, POUR VOUS FAIRE LIRE DES NOUVELLES DE MAUPASSANT, TOUJOURS JUSTES, J’OFFRE SOUS FORMAT PDF LES “CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT”, LA OU SE TROUVE “la parure”. TOUTES LES NOUVELLES SONT BONNES…UN PETIT BONHEUR DE LECTURE, JUSTE QUELQUES DIZAINES DE MINUTES AVEC UN VERRE DE RIBERA DEL DUERO A LA MAIN

Juste la photo d’un enfant

Ez

Une injonction de publier. Je ne peux faire autrement. Mais j’ai refusé le commentaire : sur un nom, une histoire de scribe, la théorisation sur les désacralisation des textes. Et ce alors qu’il ne s’agissait que de ça. C’est ce qu’on m’a demandé : commenter et, encore écrire. Et non coller une simple photo. La demanderesse va être déçue…

La déception

Remarquable penseuse, extraordinaire analyste, toujours dans le mot adéquat, que cette   philosophe Laurence Devillairs que je découvre dans le dernier numéro de Philomag, par ses commentaires sur La Rochefoucauld et ses maximes.  Époustouflé par la justesse de ses propos, le style exact de la paraphrase, au centre de qu’il faut écrire pour dire encore l’exactitude et le centre de celui qu’on donne à lire, ici notre grand moraliste français. Et je me dis que nous avons la chance en France de posséder de tels penseurs, loin des tergiversations creuses et primaires allemandes ou américaines qui font du lieu commun enjolivé une pensée qui n’est accueillie que parce qu’elle vient d’ailleurs, joliment titrée par les traducteurs.

Lisez, par exemple un extrait de son entretien et son commentaire sur l’immense distance entre Descartes et La Rochefoucauld :

Laurence Devillairs.  Descartes dit : Quand je pense, je sais que je suis et qui je suis : un être capable, à travers tous les changements et tous ses actes, de dire “je suis, j’existe”.

 La Rochefoucauld taille cette idée en pièces ; sa philosophie sabre, tranche, donne l’estocade. C’est le paradoxe du langage du XVIIe siècle d’être très feutré mais d’une violence inouïe. Il éviscère pour ainsi dire le cogito cartésien pour montrer qu’on ne s’appartient pas, que la maîtrise de soi est une illusion coupable et ridicule. Même le caractère réflexif, qui caractériserait le sujet – s’appartenir, se connaître, se vouloir, se penser –, n’est qu’illusion. Le moi n’est qu’un mot, le pur produit des passions, et de la première d’entre elles : l’amour-propre. Nous ne sommes que le théâtre où viennent se jouer nos intérêts, nos envies changeantes et nos vanités. Il n’y a pas de connaissance de soi. Il n’y a pas même de soi. La pensée ne donne aucun accès à quoi que ce soit, ni à nous-mêmes ni au réel. Les Maximes ne cessent de parler de ce qui est invisible, caché, inconnu. La fameuse maxime (supprimée) sur l’amour-propre en donne un parfait exemple : “Rien n’est si impétueux que ses désirs, rien de si caché que ses desseins […]. On ne peut sonder la profondeur, ni percer les ténèbres de ses abîmes. Là il est à couvert des yeux les plus pénétrants ; il y fait mille insensibles tours et retours. Là il est souvent invisible à lui-même […]. Mais cette obscurité épaisse, qui le cache à lui-même, n’empêche pas qu’il ne voie parfaitement ce qui est hors de lui, en quoi il est semblable à nos yeux, qui découvrent tout, et sont aveugles seulement pour eux-mêmes.” Pour La Rochefoucauld, je suis et j’existe toujours ailleurs qu’en moi-même : dans les mensonges – et principalement le mensonge à soi – dans les passions, les vices, l’orgueil et les ambitions. L’amour même est une illusion : on tombe amoureux parce qu’on a entendu parler de l’amour, parce qu’on aime aimer, sans vraiment savoir pourquoi. »

Je reviens : tellement juste, admirablement dit. On se dit donc qu’on va aller voir ses bouquins et relire La Rochefoucauld. Chic !

On va en ligne voir un peu ce qu’elle a pu écrire cette philosophe. Et on tombe sur ces titres :

“Guérir la vie par la philosophie”, “Un bonheur sans mesure”, “Être quelqu’un de bien”.

On se dit que non, non et non : encore ce que l’on combat, à longueur de billet ici : de la recette de développement personnel, du soi, le cabinet de philosophie pour être heureux. Ce qu’on peut honnir.

On relit plus haut et on comprend mieux le propos sur le concept de singularité de l’homme (non « général ») qu’elle extrait du propos de La Rochefoucauld. Qui peut la servir dans ses leçons de développement harmonieux de l’être qui se cherche.

Bref, la bouillie visqueuse qui inonde le tout. Et on se dit encore que c’est dommage de ne pas relire un moraliste immense (on n’en a plus envie) et de n’avoir pas découvert une philosophe qui se concentre, dans l’air du temps, dans la maxime personnelle du grand bonheur à apprendre.

Dommage, dommage…

Le soutien

Bruno Le Maire : « Nous continuerons de soutenir massivement ceux qui en ont besoin »

Extrait d’une déclaration de Bruno Le maire, hier (CLUB DE L’ÉCONOMIE DU « MONDE », JEUDI 1ER OCTOBRE)

L’on m’a posé la question de savoir quel serait le motif qui amènerait à soutenir ceux qui n’en ont nul besoin.

Le rire m’a empêché de répondre immédiatement.

Mais on va y réfléchir…