brasse coulée

Reprise, avant, vraiment de l’offrir à un ami, une vision de l’autobiographie qu’il compte, légitimement, écrire. J’efface le précédent billet intitulé “bio”.

Ami,

Deux manières d’écrire sa vie.

Soit, par un roman ou même un essai, une théorisation du monde qui comprend, toujours, une distillation subreptice ce qui est de soi, qu’on croit unique. Sans cependant s’exposer frontalement, Juste du verbe emmailloté dans des rondeurs stylistiques sans corps ni cris, dans l’immersion convenue dans le style littéraire, la phrase choisie, le synonyme maitrisé. Un narrateur frileux, transformé en simple bon « écrivant » qui attend le dithyrambe, le but ultime de son écriture (m’as-tu lu ? m’as-tu vu ?). En oubliant le corps concret et agissant, pour le fondre dans la page. L’autobiographie, ici, ne devient donc qu’un prétexte d’écriture et ce qui reste de soi secondaire face à la soutenance d’un verbe magnifié, pour le faire apprécier. Donc une manigance.

Soit, y aller, se donner, sans fioritures, comme un testament à l’attention des proches, ne cherchant que le souvenir, l’agrémentant de ce qui a pu être appris dans les années qui l’ont succédé, pour lui donner son poids. Sans être ni sur le divan ni dans la réserve polie. Sans rechercher l’exceptionnel qui serait à la mesure de ce que l’on croit être (une exception) puisqu’on a l’audace d’écrire sa vie. En acceptant donc la banalité. Qui ne l’est jamais. En n’oubliant jamais que seul le temps nous fait, que nous nous auto-engendrons jamais. Et qu’évidemment, seul Dieu est cause de soi.

Puis deux manières de revenir vers soi :

Soit, toujours dans la théâtralité littéraire, donner à lire le prétendu « écœurement » de soi, faisant sien le mot du salaud de Céline dans son « Voyage » pour qui « la grande fatigue de l’existence n’est peut-être en somme que cet énorme mal qu’on se donne pour ne pas être profondément soi-même, c’est-à dire immonde, atroce, absurde ». Bref une chronique de sa destruction qu’on prétend être vérité alors qu’elle n’est que petite tactique romanesque pour attirer toutes les mouches du monde sur du papier gluant. Glu de l’esbroufe. On peut ne pas être atroce.

Soit, se dire comme on a pensé pouvoir être dit, y compris, encore une fois, dans la banalité qui ne l’est jamais lorsqu’elle est humaine. Sans parti-pris du « contre soi », quelquefois jouissant même d’une sorte de fierté d’un de ses instants, sans volonté d’enjoliver. En se respectant, comme on respecte son voisin, en ne faisant pas trop de bruit, sans tomber dans l’exacerbation des moments, ni dans la grande fureur à l’égard du monde et des autres. Juste l’histoire de son temps, parmi des milliards d’autres. Qui peut ne pas être absurde.

Ce qui va donc constituer, sans inventions ni détours, l’histoire d’une vie ordinaire, sans faire le choix du roman, qui est une manœuvre.

Quelquefois, dans les écarts du récit, l’on peut s’égarer dans la minuscule théorie, dans la prétendue réflexion. Et dans ces contre-allées, être sincère, persuadé de ne pas détenir une parcelle de vérité qui serait originale. En clamant aussi qu’il ne s’agit pas de donner à lire une faculté de la critique raisonnée ou brillante, peut-être universitaire. Juste de minimes respirations hors de l’histoire des jours.

En réalité, les pages d’une autobiographie sont réservés à ses proches. Et peut-être à soi. Pour juste savoir si l’on peut se frôler sans tomber dans le ridicule ou sur le divan.

Enfin, l’autobiographie permet de plonger, un peu mieux, dans toutes ses histoires culturelles lorsqu’elles sont, comme souvent, plurielles. Dans l’entre-deux culturel, souvent aussi géographique. Une brasse coulée, que l’on peut ne pas savoir nager, hydrodynamique, entre deux postures. D’abord tout le corps dans l’eau, puis relever la tête pour inspirer. Ne jamais oublier l’inspiration, celle des siècles dans le corps.

MB.

Platitudes et illuminations

Badge illuminati

La « Flat Earth Society » est un mouvement fondé en 1956 aux USA. Il regroupe les personnes qui croient que la terre est plate. En Février 2020, l’un de ses membres qui avait construit, seul, sa petite fusée, pour y embarquer et démontrer, d’en haut, de l’espace, la platitude de la terre est mort dans son engin.

Selon un sondage Ifop, 9% des Français seraient des “Terreplatistes”. Aux États-Unis, ils seraient 16% à partager cet avis. Mais dans cette terre plate, ne sont pas gouvernants ceux que nous élisons. Non, non, ceux qui nous gouvernent sont les illuminati, une élite internationale secrète dont aurait fait partie George H. W. Bush qui veut asservir l’humanité. Une main invisible. Tout est d’eux : World Trade Center, l’assassinat de Kennedy, ou même la Révolution française, les crises financières, les attentats, la drogue et même les messages subliminaux violents du rock’n’roll.

Une Société secrète fondée en Bavière en 1776, sur le modèle des francs- maçons, qui est restée un peu en sommeil , jusqu’à l’explosion d’internet, qui leur a redonné une nouvelle visibilité, surtout dans les années 2010.

Interrogez vos adolescents : tous connaissent les Illuminati, parfois déclinés dans une version extraterrestre ou reptilienne.

Selon un sondage Ifop, à peine décrié, de 2019, 21% de la population française croirait à leur influence.

Le 1776 sur le billet de banque américain est un indice, Macron a fait son discours d’investiture devant une pyramide, et c’est quand même un hasard étrange que George Bush senior ait évoqué un nouvel ordre mondial,  un 11 septembre 1990, après l’invasion de l’Irak, non?

En ce moment, le virus donne des ailes à tous les complotistes. Et le film « hold up » fait des ravages, des millions de visionnage sur Youtube.

Le virus aurait été créé de toutes pièces par je ne sais qui, « Google flat Earth » ou « Amazonuti ».

Devant de telles affirmations, plusieurs attitudes sont possibles :

-soit le grand rire, mais comme dit Pierre Dac, il fait trop oublier la vie

-soit l’analyse du complotisme, mais les revues et journaux en sont remplies. Et ils ont tous raison. Faut analyser.

-soit la colère contre ceux qui attaquent nos vieux, en niant la contamination, mais elle est vaine et inutile.

-soit l’indifférence qui est la voie de l’après-rire, de l’après-colère, de l’après-attaque.

Devinez quelle est la meilleure des postures. Si vous restez « cool », vous êtes un irresponsable. Vous n’aimez pas nos ados qui adorent, souvent, les platitudes et sont aussi souvent, par des pétards inoffensifs, comme disait Deleuze, des illuminés. Ils sont gentils.

Non, non, pas « Les Illuminations » de Rimbaud, vont-ils vous répondre, tu as mal entendu, tu dois être un peu sourd, c’est quoi ces illuminations, je te dis « Illuminati », c’est aussi clair que la terre est ronde, tu piges pas ?

Personne ne m’a encore sorti que le Covid-19 est un anagramme d’un mot reptilien, extra-terrestre que nous ne connaissons pas et qui veut dire dans “leur” langue “extermination”. Peut-être demain, par un message Whatsappétit”.

PS. Comme dans mon précédent billet, mon propos est très sérieux. Il est dommage qu’on ne comprenne pas qu’il faut en finir avec ce virus. Et que la barrière et le confinement peuvent être des solutions décisives. Puis rebondir dans notre espace et caresser toutes les rondeurs du monde, peaux sublimes.