fanny !

Fanny version 1896
“Pour avoir, joueur maladroit,
manqué de touche,
tu devras, au meilleur endroit,
poser ta bouche

Où il s’agit de jeu de boules. Dans ce petit bourg d’Afrique du Nord, ce petit garçon était le seul à être blond. Cheveux bouclés et yeux bleus. Mais cela n’a aucune importance pour ce minuscule récit. Il était juif, mais, là encore, ce n’est pas l’objet de cette petite histoire, des milliers de pages sur les juifs d’Afrique du Nord, souvent quelconques, ont pu être écrites sur cette communauté.

Le petit bourg, sous l’influence des colons avait son court de tennis et, juste attenant mais bien séparé, son boulodrome.

On n’a pas écrit son espace de pétanque aménagé car il s’agissait d’un vrai boulodrome où se jouait la « Lyonnaise », même si à l’intérieur un « coin pétanque » avait été aménagé.

La « boule lyonnaise » est donc apparue à Lyon au 18ème siècle et se distingue de la pétanque provençale. La boule lyonnaise est en bronze, celle de la pétanque, plus légère, est en acier. Le cochonnet utilisé est le même.

C’est en réalité le terrain sur lequel on jour-e qui distingue les deux jeux

Dans la boule lyonnaise, on a une bande de terre de 27,50m de longueur et de 3m de large environ Elle est divisée  en trois zones principales : un rectangle central de 12,50 m de long dans lequel le joueur fait rouler sa boule, et à chaque extrémité deux autres espaces mesurant chacun 5 m de long : le 1er où le joueur prend son élan pour lancer, le 2 nd où se trouve le but.

Rien à voir avec la pétanque qui se pratique partout.

Pour la Boule Lyonnaise comme pour la Pétanque, le but du jeu est de placer le maximum de boules près du but, appelé aussi “bouchon”, “petit” ou “cochonnet”.

Le joueur dispose d’une zone de 7,5 mètres de longueur pour prendre de l’élan jusqu’à la ligne de pied de jeu, où il doit lancer sa boule, et les parties se jouent en 11 ou 18 points. La Pétanque étant plus accessible rapidement, ses règles s’en sont trouvées simplifiées : libre choix du terrain, tireur immobile et pieds joints dans un cercle tracé au sol de 35 à 50 cm de diamètre. Les parties se jouent en 13 points.

Il fallait, pour ce petit récit, au titre énigmatique pour ceux qui ne savent pas, insérer ces éléments techniques.

Donc le petit bourg d’Afrique du Nord et son boulodrome possédant son terrain de « Lyonnaise ».

Le petit garçon aux cheveux très blonds allait très souvent au boulodrome, les mains toujours dans ses poches de son pantalon, les mains dans les poches donnant, on le sait, une allure plus adulte et une apparence d’assurance qui peut, dans certaines circonstances, aider à sauter un obstacle vital.

Il y allait certes pour regarder les joueurs, noter leur élégance dans l’élan, entendre les jurons lorsque la boule était mal tirée ou les éclats de rire de ceux qui gagnaient.

Il restait debout, à distance de sécurité.

De temps à autre, l’un des joueurs lui demandait un acquiescement, un applaudissement quand un point sublime avait été marqué (notamment lorsqu’on “tirait”. Mais il gardait toujours ses mains dans ses poches, impassible comme un vrai solitaire. Peut-être hochait-il de la tête, pour encourager. Pas sûr.

La vérité, c’est qu’il attendait Fanny, rare il est vrai.

Fanny, c’est perdre en ne marquant aucun point. La honte. Et quand on est « Fanny », à la Lyonnaise ou à la pétanque, on va, humilié, profondément humilié, embrasser Fanny.

Dans le petit boulodrome du petit bourg nord-africain, se trouvait un local assez exigu dans lequel était entreposé le matériel des boulistes, mais qui possédait, outre la table pour l’apéritif ou la rasade après le jeu, un pan de mur sur lequel avait été posée une sorte d’armoire en vieux bois un peu vermoulu, poignées argentées, un peu  rouillées, pour son ouverture. Et quand on l’ouvrait, Fanny apparaissait. Une toile assez grossière, non maitrisée. 

Les perdants devaient donc embrasser les fesses d’une femme prénommée Fanny, peinte, sur un tableau ou même sur le mur ou sous la forme d’une sculpture. Tous les clubs boulistes en possèdent une. Dans le bourg sur une toile très bon marché.

Donc la honte pour l’équipe perdante et des rires tonitruants (les perdants n’avaient pas le droit de rire). « Embrasser Fanny », c’était donc la défaite innommable. Battu, mais au surplus par 11 ou 13 à 0 ! 

Ce moment de l’embrassade (malheureusement rare, mais toujours potentielle des fesses de Fanny) constituait, évidemment, le but ultime de la venue régulière du petit garçon blond aux cheveux bouclés. Et c’est dans ce moment éblouissant, improbable qu’il sortait les mains de ses poches, applaudissait et rentrait chez lui. Les mains dans les poches, sourire aux lèvres, et sur son chemin,  disait à l’épicier qui se tenait devant sa porte, à quelques centaines de mètres du boulodrome : “l’équipe de Mr François a été fanny”. L’épicier éclatait de rire.

PS. En tête du billet, une Fanny de 1896. Ci-dessous, des Fanny plus modernes et une réplique de la petite armoire du petit bourg nord-africain. On vous invite à lire les vers qui accompagnent l’image. A touch of class.

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