Georgia

Je ne savais pas que l’écoute du « Georgia » du grand Ray pouvait, à ce point d’exacerbation du sentiment, explosif, dans sa force ineffable, ébouriffante, féérique, miraculeuse, mirifique, amener à faire pleurer ceux qui le peuvent. Plus que la petite nostalgie des moments d’errance ou des slows d’adolescent ébahi par le corps collé d’une fille aux yeux verts. Encore un « serrement. Un « Georgia on my mind » enlaçant, prodigieusement le corps jusqu’à le ligoter dans la vérité profonde de son centre, sans l’étouffer.

Écoutez, écoutez. Et même si c’est la millième fois, vous comprendrez mes mots. Vous serez ébahis par les soubresauts indicibles de votre peau.

Pleurez, si vous le pouvez écoutez, pleurez, seuls ou, mieux avec d’autres.

J’offre ci-dessous la chanson et les paroles.

Pleurez, si vous le voulez, chantez. Et vous dormirez bien.

Georgia, Georgia
The whole day through
Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind (Georgia on my mind)

I said Georgia
Georgia
A song of you
Comes as sweet and clear
As moonlight through the pines

Other arms reach out to me
Other eyes smile tenderly
Still in peaceful dreams I see
The road leads back to you

I said Georgia
Ooh Georgia, no peace I find
Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind (Georgia on my mind)

Other arms reach out to me
Other eyes smile tenderly…

Krall, this dream of you

Diana Krall, sortie le 25 septembre 2020

Le jazz vocal est souvent assez bon, peu de chanteurs ou chanteuses ne s’aventurant dans cet espace sans un certain talent, les défauts se décelant de manière plus flagrante que dans le jazz instrumental, le soliste pouvant maquiller une incompétence ou une insensibilité dans des arrangements ou de la fausse modernité qui absorbe les fausses notes les mauvais accords, le mauvais goût.

Parmi les chanteuses, Stacey Kent, que peu apprécient, (Bill Gates l’a aidé au début de sa carrière en disant son admiration) alors qu’elle a un talent fou et Diana Krall, présente depuis assez longtemps, autant pianiste (excellente) que chanteuse, dominent assez largement la scène.

Les puristes, snobs comme tous les puristes dans leur tentative vaine et risible de distanciation, n’aiment pas Diana Krall, trop populaire à leur goût. Elle peut, en effet, remplir l’Olympia, ce qui leur semble insensé pour du Jazz, nécessairement intimiste et élitiste. Les puristes sont des aigris. D. Krall a énormément de talent qui n’est pas réservé aux inconnues dont les mêmes se vantent de relater l’existence.

Elle vient aujourd’hui de sortir un disque. Il est bon. Et les guitaristes, notamment Russel, qui ont trouvé un nouveau son, dans l’écho maitrisé, assez exceptionnel, sont vraiment, vraiment remarquables.

J’offre le premier titre et plus bas la critique de Qobuz, remarquable site de streaming, en Hi Res (musique de qualité haute résolution) dont la présentation, l’aide à la découverte, les commentaires et évidemment l haute qualité, sont remarquables. Il faut les aider à maintenir cette qualité et à exister.

Diana Krall. Extrait du dernier album THIS DREAM OF YOU (25/09/20). But not beautiful

PS. Pour me contredire, j’avoue mon admiration pour une quasi-inconnue du grand public, une française remarquable : Virginie Teychené. Allez écouter, en prenant un abonnement sur Qobuz, ou pire en “entendant” sur Youtube.

COPIE DE LA PRESENTATION DE L’ALBUM PAR QOBUZ. Le 13 mars 2017, Tommy LiPuma disparaissait à 80 ans. Le grand producteur couvert de Grammys avait commencé à travailler, un an plus tôt, sur le nouvel album de sa protégée Diana Krall. La Canadienne a donc dû boucler l’affaire toute seule. Avec quand même un joli casting comprenant notamment les guitaristes Russell Malone et Anthony Wilson, les bassistes John Clayton et Christian McBride et le batteur Jeff Hamilton. Une ultime session avec le guitariste Marc Ribot, le violoniste Stuart Duncan, l’accordéoniste Randall Krall, le batteur Karriem Riggins et le bassiste de Bob Dylan, Tony Garnier, vint clore l’enregistrement de ce This Dream of You. Dylan justement. C’est à lui qu’elle idolâtre tant et à une chanson extraite de Together Through Life, son album de 2009, que Krall a emprunté le titre de ce 15e album qui paraît chez Verve. Duo, trio et quartet, Madame Costello joue et chante ici dans divers contextes mais revient surtout à son répertoire de prédilection : le Great American Songbook. Des standards mille fois entendus et qu’elle réussit, comme par magie, à réinventer. Autumn in New York de Vernon Duke, How Deep is the Ocean de Irving Berlin, mais aussi Singing in the Rain indissociable de Gene Kelly et quelques autres classiques liés à des géants comme Sinatra et Nat King Cole deviennent SA propriété. Un chuchotement, un murmure, un arrangement épuré, une trouvaille instrumentale, et Diana Krall rafle la mise. A chaque fois ! On pourrait toujours lui reprocher de ne pas oser davantage de renouvellement mais lorsque le niveau de ses relectures atteint une telle classe et surtout une telle profondeur, on ne peut que s’incliner. A noter tout de même un changement de taille : pour la première fois, le visage de Diana Krall n’apparaît pas sur la pochette d’un de ses disques ! © Marc Zisman/Qobuz

18 op 62 n2

Ce matin, très tôt (le confinement casse les scansions d’avant) un coup de téléphone assez curieux d’une amie, d’une relation du moins que je n’avais pas entendue depuis longtemps : discussion sur le virus, les journées, les lectures, on parle, on râle, on rit.

Puis soudain (comme si c’était pour ça qu’elle m’appelait et j’en étais un peu contrit) :

“Dis M, quel est le nocturne de Chopin que tu écoutais tous les jours et que tu voulais absolument mettre en fin de soirée chez toi ?”

Je lui ai répondu. Et le donne évidemment ici :

Chopin Nocturne No. 18 – E-dur Op.62 No.2 (Claudio Arrau)

PS. Je rappelle que vous voulez un peu de musique, il y a sur ce site un lecteur et une playlist que j’ai fabriquée (dans le menu)

cavatina

Dans un de mes précédents billets (“saccades du chagrin”, j’ai collé un texte écrit il y quelques années sur le chagrin sans cause, juste le poids. J’écrivais que : “Il tombe sur vous, sec et râpeux sans s’annoncer, souvent lorsqu’une musique surgit alors que votre pensée a quitté le sol dans l’on ne sait quoi. Moi, par exemple, c’est en écoutant celle du générique de « Deer Hunter », le « voyage au bout de l’enfer » de Cimino. A côté de moi, la femme que j’aime. Je devrais lui prendre la main, danser dans les étoiles, jongler avec tous les sentiments du cosmos, mais non, je pleure en silence et tombe dans ce foutu chagrin.

L’un de mes lecteurs m’a demandé de quelle musique il s’agissait. Je lui ai répondu qu’il était fainéant, qu’il y en avait mille versions en ligne, que c’était “Catavina”, à la guitare composé par Stanley Myers, que cette musique était simple et serrait les corps. J’ai regretté immédiatement mon propos. J’ai compris qu’il voulait que la donne à écouter dans un billet et que c’était à moi de choisir la version…

Je propose d’abord l’originale sous les photos du film qui défilent :

LE LIEN

Puis une autre, ci-dessous par deux guitaristes en concert.

CAVATINA

PS1. Je n’aurais pas du écrire ce billet et écouter. Je suis idiot. Les saccades. Inutile en confinement.

PS2. Dans ma page d’accueil, j’ai précisé que les commentaires sur les billets n’étaient ni obligatoires ni désirés. Pour une fois, je me départis de cette règle. N’hésitez pas, si vous en trouvez une version magnifique.