






















BILLETS, PHOTOGRAPHIES, LIENS
Ceux qui lisent un peu ici connaissent ma réserve à l’égard d’Albert Camus, même si je le préférais à Sartre. Un peu brouillon, faiseur et fabricant de l’individu unique.
Mais voilà qu’on l’attaque, qu’on veut “l’oublier”. Un bouquin vient de sortir, écrit par un oxfordien.
Je cite l’extrait de la présentation de l’éditeur.
Des programmes scolaires aux discours politiques, dans les médias et les conversations mondaines, Camus est partout le parangon d’un humanisme abstrait qui a ceci de commode – et de suspect – qu’il plait à droite comme à gauche. Peu d’ouvrages se sont penchés sur les contradictions du personnage comme le fait ici Olivier Gloag à partir d’une relecture de Camus dans le texte – contradictions qui constituent pourtant la force motrice de l’œuvre camusienne, une clé de son « style », et expliquent sa popularité actuelle.
Olivier Gloag rappelle l’attachement viscéral de Camus au colonialisme et au mode de vie des colons qui traverse ses trois romans majeurs, L’Étranger, La Peste et Le Premier Homme. Il examine ses engagements politiques à la lumière de sa brouille avec Sartre : la tension entre révolte et révolution, son recours à l’absurde comme refus du cours de l’Histoire, son anticommunisme et son déni de la lutte des peuples colonisés. Il se penche enfin sur les récupérations de Camus : l’auteur le plus populaire en France et le Français le plus lu dans le monde est devenu un enjeu politique et idéologique. L’invocation d’un Camus mythifié projette un reflet flatteur mais falsificateur de l’histoire coloniale. C’est ce Camus-là qu’il faut oublier pour reconnaître les déchirements d’un écrivain tout aussi passionnément attaché aux acquis sociaux du Front populaire qu’à la présence française en Algérie.
Olivier Gloag est Associate Professor à l’université de Caroline du Nord (UNC) à Asheville. Ses recherches portent notamment sur les représentations coloniales dans la littérature hexagonale, l’histoire culturelle et littéraire de la France au xxe siècle. Il est l’auteur de Albert Camus, A Very Short introduction (Oxford university press, 2020).
Je cite aussi le mail reçu de”Philosophie Magazine” qui devient une sorte de blog adolescent.
“Bonjour,
À l’occasion d’un passage au Vendanges de Malagar, un week-end de débats qui se tient chaque année dans l’ancienne propriété de François Mauriac, le domaine de Malagar, près de Bordeaux (33), j’ai découvert que Camus avait défendu, au moment de l’épuration, en 1944, la légitimité de la peine de mort. De quoi alimenter l’appel que lancent certains à Oublier Camus (La Fabrique, 2023), l’accusant d’avoir été un défenseur du colonialisme, un anticommuniste primaire et un machiste patenté ?
Je vais lire le dossier dans Philomag.
Mais ça y est, je commence à apprécier Camus. Il faut canceller les cancellers.
1 – Voici le genre de photos que les photographes (ici Cécile Plaisance) feraient mieux de ne pas prendre ou montrer. Elles ne font pas honneur à la photographie, sauf à considérer qu’elle est désormais concomitante de la médiocrité produite par la recherche vaine du vide ou de l’écart.
2 – ET VOICI LE GENRE DE COMMENTAIRES A BANNIR DES REVUES EN LIGNE. Je reste, cependant, abonné à la revue “L’oeil de la photographie” qui est capable d’autre chose. J’ai relu 10 fois, je n’ai pas pardonné l’impéritie d’une telle prose.
On doit dire au rédacteur ou à la rédactrice de l’article (qui n’offre pas son nom) que “patriarcal” s’écrit sans h.
“Deux galeries présentent en cette fin de septembre le travail de Cécile Plaisance : la galerie Lagrange, à Bordeaux et la galerie Clémentine de Forton à Paris. Et dans son dossier de presse, on peut lire :
Cécile Plaisance a abandonné sa carrière dans la finance il y a plus de 15 ans pour se consacrer à sa passion : la photographie. Elle est connue pour ses photos lenticulaires de Barbie ou de modèles , où elle dénonce l’emprise patriarchale et religieuse sur la vie du sexe féminin : “À un moment de l’histoire, les hommes ont commencé à craindre le pouvoir des femmes. Et le patriarcat est né. Et la religion aussi. La perversion et la mauvaise interprétation des textes religieux ont imposé des codes de modestie aux femmes du monde entier. Aujourd’hui, après des milliers d’années de répression, les femmes peuvent sortir de leur coquille. Toutes avec des missions différentes mais avec la même force vitale et (parfois même) la liberté de parler.”
Avec ses photos animalières, c’est une autre forme de liberté qu’elle cherche à mettre en avant. Avec son modèle Marisa Papen, bien connue pour ses clichés de nus en toutes circonstances, incarnation de la «Liberté», elle prône la liberté de se vêtir comme elle le veut tout comme de pouvoir se dévêtir. » Marisa est LIBRE et en lien avec son authenticité presque sauvage, animale ». Il en va de même pour Olga Kent, en totale osmose avec les fauves et autres espèces en voie d’extinction en Afrique . A travers cette série, Cécile Plaisance a souhaité ainsi montrer la fragilité de l’espèce humaine face à celle des espèces en danger de disparition. L’un sans l’autre, la vie ne sera plus la même.
Galerie Lagrange, du 22 Septembre au 7 octobre 2023.
7 Allée de Tourny. 33000 Bordeaux
www.galerielagrange.fr
Galerie Clémentine de Forton, du 22 au 28 Septembre 2023.
6 rue de la Paix, 75002 Paris
www.clementinedefortongallery.com
Cécile Plaisance
www.cecileplaisance.com
2021. Je reviens toujours à la photographie dans les billets de ce maudit site. On m’a demandé de mettre en ligne, dans un seul billet, les photos préférées. Donc un musée imaginaire. Part I.
PS. Extrait wiki, pour piqûre de rappel. “Un musée imaginaire est un ensemble d’œuvres d’art qu’une personne tient pour essentielles ou considère comme ses préférées, de sorte que, si elle en avait la possibilité, elle les réunirait dans un même musée idéal. L’expression est étroitement associée à l’essai d’André Malraux de 1947 où le principe qu’elle désigne est mis en scène”
EXTRAIT. Je viens d’écrire que “je ne m’ennuyais pas dans mes heures ». L’expression est venue sans que je ne la cherche. En réalité, je ne sais ce qu’étaient « mes heures ». Tout s’emmêlait, dans une sorte de tournis permanent, sans centralité, sans emploi « adéquat », du temps. C’est le propre du solitaire que de ne pas s’attacher aux heures qui s’écoulent et les prendre comme elles viennent, sans organisation, sans stratégie, presque sans futur. Il n’y a pas de ligne droite dans les solitudes. A défaut, c’est le mur. Et une dernière bosse sur le front, avant de sombrer.
Mes heures étaient celle de la musique, de l’apprentissage d’un instrument, de la percussion permanente, comme un second battement du corps, de la petite drague, sans grands succès, encore les boums, le cinoche, pas encore les boites de nuit, de la lecture, y compris celle de la revue des Témoins de Jéhovah lesquels, sans répit arpentaient les couloirs, sonnaient à toutes les portes de la grande cité où j’habitais, pour la proposer. Je m’en souviens encore, elle s’appelait « Réveillez-vous ! », cette revue sans images ou peut-être des dessins religieux au fusain.
Je ne sais pourquoi, ma mère avait accepté de les aider, d’acquérir leurs fascicules, évidemment sans les lire, les posant sur la table de la cuisine, avec les prospectus. Un jour, je lui ai posé la question, à ma mère. Mais pourquoi donc les accueillir, leur acheter leur revue qui n’était pas juive, même si “Jéhovah” n’était pas le Christ et sonnait assez “Ancien testament” ? Elle m’a répondu qu’ils n’étaient « pas méchants ». Bon…
C’est ici qu’il faut que je raconte Chandler.
J’étais seul chez nous. Du moins presque, la vieille tante étant endormie dans sa chambre, parents et famille non encore rentrés, et moi grippé, je ne m’en souviens plus. On sonne à la porte. C’est une femme, entre deux âges, le sourire permanent, mais non figé, assez jolie, cheveux très lisses, brillants, en chignon, yeux noirs intelligents, pommettes saillantes, comme on dit, jupe au-dessus du genou, torse également saillant sous une sorte de tee-shirt serré, moulant. Presque belle, corps souple, comme on les aime immédiatement. C’est un témoin de Jéhovah. Elle me tend la revue. Je ne sais ce qui m’a pris, je l’ai invité à entrer, à s’asseoir, à boire un verre d’eau. Sans même un regard d’étonnement, elle s’est assise, a bu le grand verre, s’apprêtait à repartir, en me remerciant, sans tenter une conversation dans le champ de la conversion (les « témoins » sont très prosélytes). Je devais être trop jeune.
Mais je lui ai demandé, presque autoritairement, de rester assise. J’avais une question à lui poser. Là, je crois qu’elle était éberluée, ce qui n’était pas, au demeurant, mon objectif. Un adolescent lui intimait l’ordre d’écouter sa question. Moi, je voulais juste parler. Il est vrai qu’elle avait un corps magnifiquement souple.
Et je lui ai posé la question idiote, téléphone, prévisible, san talent de la transfusion. Je ne comprenais pas ce principe. Les Témoins de Jéhovah bannissent la transfusion sanguine, une sorte de pêché, une impossibilité en tous cas. Je l’avais lu quelque part. J’avais à peine plus de quinze ans. Elle ne pouvait imaginer soutenir une telle conversation avec un gamin. Ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui, les adolescents étant à pied d’égalité dans les discussions avec les adultes, ados désormais, « sachants », doxa en ligne oblige, Facebook, Instagram en marche.
Donc, la transfusion sanguine interdite. Leur croyance se rattache à certains textes bibliques. Le sang serait « sacré ». Ils sont donc végétariens, ces témoins de Jéhovah.
Je répète la question à la femme. Laisserait-elle mourir son enfant, si une transfusion sanguine s’imposait comme solution radicale pour éviter sa disparition ? Question bateau, question idiote et prévisible. Certainement, juste pour par à une femme aux courbes souples et aux seins exactement agressifs.
Elle ne m’a pas répondu, mais son sourire s’est, quelques secondes, évanoui. Puis après quelques minutes de silence, elle m’a demandé ce que je lisais en ce moment. C’était Raymond Chandler (« Adieu ma jolie »). Elle m’a répondu qu’elle adorait Chandler. J’étais stupéfait. Un Témoin de Jéhovah qui connaissait le roman policier et le maître Chandler. Et, immédiatement, elle m’a dit que sa plus belle réplique dans ses romans était celle des « deux verres ». Je ne connaissais pas.
Elle me l’a dite, je crois très exactement. C’est Chandler qui écrit dans l’un de ses romans, (“Sur un air de Navaja”). Il revient dans un salon de réception qu’il avait quitté quelques instants pour discuter, dans la cuisine, je crois, avec l’un de ses amis.
“Il ouvrit la porte du living-room, et le vacarme des conversations nous submergea. L’ambiance était encore plus bruyante, si possible, qu’avant. Le ton semblait avoir monté de deux verres environ. “
Et, je l’assure, elle est partie, assez longuement sur le style de Chandler, puis celui de Dashiell Hammet et sa « moisson rouge », qui égalait, me disait-elle, tous les Balzac du monde.
Elle est partie et je ne l’ai plus revue. Mais c’est par elle que j’ai appris « la surprise », celle qui vient, sans qu’on ne l’attende d’une personne.
Cette femme m’a persuadé que tous les êtres n’étaient pas ceux que l’on croyait qu’ils étaient. Une nouvelle conviction, une certitude, qui m’a toujours aidé à tenter d’éviter le jugement immédiat, à chercher ailleurs que dans l’instant et, partant, à toujours « pardonner » un mot ou un comportement intempestif, après avoir pesté conte la bêtise pendant au moins une semaine. Ce qui n’est pas toujours la solution. Je pardonne moins désormais, pour d’autres motifs qui se battent méchamment avec moi. Il faut ajouter que les idiots ne pardonnant jamais le minuscule écart, je n’ai pas, avec eux, à leur accorder un pardon. Ils sont déjà partis, loin de moi.
MB. Extrait de “Béja et la suite”, deuxième tome (La France)
“À l’été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu’on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l’Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l’écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne.
La première fois que Coleman avait vu cette femme, elle lessivait le parterre de la poste : il était arrivé tard, quelques minutes avant la fermeture, pour prendre son courrier. C’était une grande femme maigre et anguleuse, des cheveux blonds grisonnants tirés en queue-de-cheval, un visage à l’architecture sévère comme on en prête volontiers aux pionnières des rudes commencements de la Nouvelle-Angleterre, austères villageoises dures à la peine qui, sous la férule du pasteur, se laissaient docilement incarcérer dans la moralité régnante. Elle s’appelait Faunia Farley, et plaquait sur sa garce de vie l’un de ces masques osseux et inexpressifs qui ne cachent rien et révèlent une solitude immense. Faunia habitait une chambre dans une laiterie du coin, où…”
Je donne cet extrait, pour rappeler le talent de Balzac qui ne se fond pas exclusivement dans la narration et le feuilleton sans fin. Un mystère, que cette faculté d’écrire au ras du sublime, par celui qui clamait qu’il ne faisait que juste écrire des histoires. Il est dommage qu’il ait trop écrit, la quantité, selon certains, se substituent nécessairement à la qualité. Ce faisant, l’on cherche sans trouver, des pages véritablement superfétatoires. Flaubert et Stendhal, plus précieux, sont les plus aimés des parisiens des boulevards et impasses près du Marais parisien. Pour un seul motif : la prétendue rareté, la réserve littéraire. Le ru, pas le fleuve, dit-on. Dommage que le plus, l’exacerbé, le volume sans limites, l’ampleur, la démesure, ne trouvent pas grâce aux yeux des petits critiques de salon, aux yeux fatigués après 50 pages de lecture, dans la recherche des adjectifs pédants, pompeux peut-être. J’écris ceci alors que tous savent mon admiration pour Flaubert. Donc, l’extrait de Balzac. A Natalie. Sans H, sans celle du bûcheron, dirait l’apprenti freudien.
À MADAME LA COMTESSE NATALIE DE MANERVILLE.
« Je cède à ton désir. Le privilége de la femme que nous aimons plus qu’elle ne nous aime est de nous faire oublier à tout propos les règles du bon sens. Pour ne pas voir un pli se former sur vos fronts, pour dissiper la boudeuse expression de vos lèvres que le moindre refus attriste, nous franchissons miraculeusement les distances, nous donnons notre sang, nous dépensons l’avenir. Aujourd’hui tu veux mon passé, le voici. Seulement, sache-le bien, Natalie : en t’obéissant, j’ai dû fouler aux pieds des répugnances inviolées. Mais pourquoi suspecter les soudaines et longues rêveries qui me saisissent parfois en plein bonheur ? pourquoi ta jolie colère de femme aimée, à propos d’un silence ? Ne pouvais-tu jouer avec les contrastes de mon caractère sans en demander les causes ? As-tu dans le cœur des secrets qui, pour se faire absoudre, aient besoin des miens ? Enfin, tu l’as deviné, Natalie, et peut-être vaut-il mieux que tu saches tout : oui, ma vie est dominée par un fantôme, il se dessine vaguement au moindre mot qui le provoque, il s’agite souvent de lui-même au-dessus de moi. J’ai d’imposants souvenirs ensevelis au fond de mon âme comme ces productions marines qui s’aperçoivent par les temps calmes, et que les flots de la tempête jettent par fragments sur la grève. Quoique le travail que nécessitent les idées pour être exprimées ait contenu ces anciennes émotions qui me font tant de mal quand elles se réveillent trop soudainement, s’il y avait dans cette confession des éclats qui te blessassent, souviens-toi que tu m’as menacé si je ne t’obéissais pas, ne me punis donc point de t’avoir obéi ? Je voudrais que ma confidence redoublât ta tendresse. À ce soir.
» FÉLIX.
Honoré de Balzac. Le lys das la vallée.
PS. Balzac freudien : “oui, ma vie est dominée par un fantôme, il se dessine vaguement au moindre mot qui le provoque, il s’agite souvent de lui-même au-dessus de moi. J’ai d’imposants souvenirs ensevelis au fond de mon âme comme ces productions marines qui s’aperçoivent par les temps calmes“
Le titre (“la fécondité des malentendus”) est une jolie formule empruntée à Jean Pouillon, fin analyste, bon philosophe, pourtant ami de Jean-Paul Sartre..
Des lectures actuelles m’ont permis d’en déceler deux, assez cocasses.
Lectrice, avant même sa parution des “Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss” en 1949 qui pourtant assomme et enterre l’existentialisme triomphant de l’après guerre, elle écrit un article élogieux sur l’ouvrage dans les Les Temps modernes, revue sartrienne, celle la plus lue par les intellectuels de l’époque. En écrivant “Voici longtemps que la sociologie française était en sommeil.”
Et elle considère que l’oeuvre de Claude Lévi-Strauss s’inscrit parfaitement dans le système sartrien, la pensée existentialiste.
Relevant que Lévi-Strauss ne dit pas d’où proviennent les structures dont il décrit la logique, elle donne sa réponse, sartrienne :
“Lévi-Strauss s’est interdit de s’aventurer sur le terrain philosophique, il ne se départit jamais d’une rigoureuse objectivité scientifique ; mais sa pensée s’inscrit évidemment dans le grand courant humaniste qui considère l’existence humaine comme apportant avec soi sa propre raison.”
Immense, immense malentendu tant l’anthropologie structurale se situe dans une autre galaxie que celle de Sartre et son sujet agissant, de sa praxis et de son histoire.
On a presque envie de rire aux éclats, mais on se retient pour ne pas alimenter la critique de l’intellectualisme.
Mais, on s’interroge encore sur ce qui peut être considéré comme assez idiot et peut donner la mesure de l’auteure…
Sartre a du lui souffler l’éloge tant il est vrai que, lui aussi, avait (encore un malentendu) admiré le fameux bouquin de Claude Lévi-Strauss, “Tristes Tropiques”, en considérant, en se trompant encore, que l’ouvrage mettait en valeur de la présence de l’observateur dans l’observation et la communication instituée entre les indigènes et l’observateur. Le sujet constituant, si l’on préfère, dans sa praxis qui fabrique du sens.
Immense bévue. Tout le contraire : à l’époque, le sujet, la conscience vont s’effacer au profit de la règle, du code et de la structure…
L’autre malentendu est celui de l’acceptation par Roland Barthes d’une critique positive, additionnelle, de Claude Lévi-Strauss
CLS qui a vu les dérives délirantes du structuralisme dira dans une de ses conférences “le structuralisme, heureusement, n’est plus à la mode depuis 1968”. Il s’en félicitait et voulait en rester à la méthode et non à la constitution d’un système philosophique, une philosophie, une spéculation.
Sa critique allait de pair avec l’apparition des modes en réprouvant toute l’évolution vers le déconstructionnisme et la pluralisation des codes, contemporain de 1968.
Roland Barthes, dans cette mouvance écrit son fameux “S/Z”.
On cite la présentation de l’éditeur :“Sous ce titre, ou ce monogramme, transparaît une nouvelle particulièrement énigmatique de Balzac : Sarrasine. Texte qui se trouve ici découpé en « lexies », stratifié comme une partition inscrite sur plusieurs registres, radiographié, « écouté » au sens freudien du mot. Si l’on veut rester attentif au pluriel d’un texte, il faut bien renoncer à structurer ce texte par grandes masses, comme le faisaient la rhétorique classique et l’explication de texte : point de construction de texte: tout signifie sans cesse et plusieurs fois, mais sans délégation à un grand ensemble final, à une structure dernière. »
CLS adresse une lettre argumentée à Barthes dans laquelle il signale à celui-ci une autre clé de lecture possible de la nouvelle de Balzac : l’inceste. Barthes, ravi de cet intérêt, prend très au sérieux cette proposition qu’il qualifie d’”éblouissante et de convaincante”, alors qu’il s’agissait, aux dires de Lévi-Strauss, d’une blague : Ce qu’il confirme en écrivant :
“S/Z m’avait déplu. Les commentaires de Barthes ressemblaient par trop à ceux du professeur Libellule dans le A la manière de Racine, de Muller et Reboux. Alors je lui ai envoyé quelques pages où j’en rajoutais, un peu par ironie (Lévi-Strauss, De près et de loin, Paris, Odile Jacob, 1988, p. 106.)
Je reviens sur le titre. Le “malentendu” est-il fécond ?
Certainement lorsqu’il, permet de clarifier une pensée en faisant comprendre à l’autre qu’il se trompe en restant dans ses catégories. Le malentendu est une aubaine pour la claire synthèse.
Cependant lorsqu’elle prend des proportions aussi cocasses, elle devient presque inféconde, par une démonstration de l’inanité de l’intellectuel et, partant par une nouvelle pierre donnée aux haineux de l’intellectualité.
“L’intellectuel idiot” est un bon sujet. Non pas l’idiotie de ce qu’il écrit (tous, et d’abord nous, ont cette capacité d’écrire des bêtises) mais celle de son comportement nécessairement adolescent.
Il faudra, un jour, faire la relation entre le malentendu et le “malécrit”.
F, encore moi. La haute mer, disais-je. Seule l’eau efface ses cicatrices, impitoyablement gommées par ses propres remous. Vous souvenez-vous ? L’air était radieux et la lumière se posait, timidement, sur vos cheveux. Vous vous êtes levée et avez pris ma main. Et je cherchais les mots pour les plaquer, violemment, sur vos épaules. Rien ne vint. Vous souvenez-vous ? La cicatrice. Je la vois encore. Vous avez souri et sur vos joues le soleil s’amusait.
Je les cherche aujourd’hui ces mots, pour vous dire, pour vous inventer. Et ne les trouve pas. Plus qu’une lettre de moi et tout sera acquis.
Vous souvenez-vous encore de votre amour pour les oliviers ? Vous m’aviez dit qu’ils étaient comme le résumé du magnifique, couleur passée et inouïe du temps, branches rêches et feuilles drues, immobiles sous le vent, instants en suspens, compagnons du bleu et souvenirs exsangues.
L’homme passa. Vous l’avez regardé, assidûment et avez retiré votre main. Il était beau. Il s’arrêta, posa un long regard sur nous. Vous êtes partie. Avec lui, en lui prenant le bras, le corps à plat. Vous souvenez-vous ?
Dans le ciel, pas un nuage. La brute éclaboussure du temps, arrogance du jour, explosion placide.
Vous êtes vite revenue vers moi, en riant très fort. Vous m’avez embrassé, éperdument, longtemps. Et nous avons, ensemble, pleuré. Nous sommes vite partis, en courant et dans cette chambre, fenêtres ouvertes, dans l’air tiède, je vous ai prise. Roulis du désir, peaux en suspens. Vous pleuriez encore lorsque nous nous sommes quittés. Vous m’avez demandé de partir, en m’embrassant la main.
L’homme était là, dehors.
Le ciel. Cintre des vies, gouffre des yeux. Il reviendra cet instant, courbe de votre peau, bouffées de volupté, tourbillons d’extase.
F, qu’avez-vous fait ? Qu’ai-je ainsi mérité ?
Le temps de nous a disparu. Loin, très loin, dans les trous noirs de l’absolu, je vous écris. Il ne me reste que ces mots écartés. Lancés dans l’interstice de notre moment, vacuité du désir, flèches inaccessibles.
Plus qu’une lettre à vous F, et tout sera acquis.
M. Extrait de “La pieuvre”, roman désormais achevé.
Depuis très longtemps, je tempête contre la recherche effrénée par les petits journalistes de Libé du titre de la Une, prétendument plein d’esprit. Il démontre la bêtise.je donne la dernière. J’ai assez honte pour eux.
J’en donne une autre. Dieu, les pauvres…
PS. “Nigate” est un mot “tune” qui doit trouver sa source dans celui de “nigaud”. “Nigate de Libé”, ça sonne assez bien.
Le tire fait, évidemment de l’oeil au précédent billet.
Deux Singer, deux Fellous, Deux Haupburn, deux Roth…
Le Mendelssohn dont il s’agit (Moses) est le grand-père de Felix, le compositeur. Philosophe et rabbin, il est né en1729, mort à Berlin en 1786. Défensuer de l’émancipation juive, “troisième Moise”, selon les commentateurs après le biblique et Maimonide. Au coeur de la “Haskala”, mouvement de pensée juive, inspirée des “Lumières” révolutionnaires. Moses Mendelssohn est celui qui a convoqué la modernité philosophique dans le judaisme.
Dominique Bourel est un immense connaisseur de la pensée juive. Il lui a consacré une extraordinaire biographie que tous devraient, juif ou non, lire et avoir à sa portée, pour trouver les mots t les concepts devant le fanatisme, l’intolérance, le sectarisme, la non-pensée qui peuvent dominer dans la pratique non pensée du judaisme contemporain (Moses Mendelssohn. La naissance du judaisme moderne. Paris. Gallimard. 2004)
Un livre de Moses Mendelssohn vient d’être traduit (Heures matinales. Leçons sur l’existence de Dieu, Puf).
Dominique Bourel le commente, en ligne sur le site “La vie des idées”. Il donne envie de lire. On va donc acheter, en espérant le format numérique, pour les motifs qu’on connait. Le lien pour lire le commentaire de Bourel :
https://laviedesidees.fr/Mendelssohn-Heures-matinales.html
Et un extrait qu’il donne, où il est question “d’entendement infini” et de “l’ensemble de tous les possibles” :
“Il est donc nécessaire qu’il y ait un unique être pensant, une unique intelligence, qui se représente non seulement moi, avec tous les traits qui me caractérise et me distinguent, mais aussi l’ensemble de tous les possibles en tant que possibles, l’ensemble de toutes les réalités – en un mot, l’ensemble et la liaison de toutes les vérités de la manière la plus développée possible et sous la forme la plus claire, la plus complète et la plus précise. Il existe donc un entendement infini” (p. 267-270).
L’intellectualité, ou, dans ce qui va suivre, plutôt la part du roman et du mot, est, à l’évidence, une ligne de partage.
Lorsque l’on parle « d’intellectualité qui partage” , les chevaliers blancs du « correct » vont, immédiatement, se cabrer. S’abritant, pour ne pas oublier le chic du discours, derrière le concept de « common decency » (« le bon sens moral inné du peuple ») fabriqué par Georges Orwell, ils fustigent, pour le nier, l’écart, pourtant réel dans l’appréciation du monde, que l’apprentissage de la théorie, la lecture des fondamentaux, génère.
Qualifiant les « cultivés », les « intellos », de faiseurs, d’esbroufeurs, accordant à l’opinion commune une valeur intrinsèque (« ce n’est pas mon avis », c’est ton opinion sont des expressions récurrentes), ils magnifient la culture populaire, donnée, inextinguible. Loin de l’abscons philosophique ou théorique infécond. Le peuple n’a rien à leur envier, à ces pédants, à ces producteurs de texte trop long, pas suffisamment culinaires ou vacanciers.
A vrai dire, ce qui précède constitue une introduction un peu énervée à mon billet sur « les deux Fellous ».
Ceux qui s’aventurent ici peuvent, éventuellement, connaitre ce que j’ai pu écrire ici sur « les deux Singer » (Isaac Bashevis et Joshua, deux écrivains) ou « les deux Roth » (Joseph et Philip », encore deux écrivains)
Je donne les liens :
LES SINGER : http://michelbeja.com/singer-lautre
LES ROTH : http://michelbeja.com/roth-again
Il s’agit, désormais, de Sonia et Colette Fellous, deux juives tunisiennes.
Sonia Fellous est née en 1956 à Tunis. Docteur en en sciences des religions, c’est une historienne, une anthropologue, « spécialiste de l’identité judéo-chrétienne de l’Europe » et de l’art juif, des manuscrits hébreux illuminés. La relation entre les juifs et les chrétiens, notamment en Espagne, constitue l’un de ses axes de recherche.
Sonia Fellous, femme de qualité donc, est assez connue dans les milieux juifs et de leurs revues (Tribune juive, l’Arche) ou des sites de judaïsme en ligne (Akadem, Centre Elie Wiesel). Sa « redécouverte » de son pays natal, la Tunisie, il y a vingt ans, pas avant dit-elle dans un récent entretien « Akadem », l’a entrainée dans une nouvelle recherche sur cette singulière culture, emplie de soleil et de miel, autant que de judaïsme érudit.
Sa connaissance absolue du « judéo-tunisien » permet à beaucoup, dans cette communauté de ne pas rester dans l’exclamation culinaire (la cuisine tune) ou le passé enjolivé (le rire, réel, du « dhimmi » dans le pays arabe, la prétendue insouciance quotidienne).
Sonia Fellous est donc une intellectuelle qui fait jaillir, sous l’histoire et la culture historique la quotidienneté du juif tune, pour le placer dans ses temps mémoriaux.
On donne sa photo
On donne quelques liens qui permettent de l’entendre.
UN COURS DOCUMENTE
UNE INTERVENTION RECENTE
https://www.arabnews.fr/node/173631/culture
Colette Fellous, elle, est une pure romancière, une théoricienne du récit, diplômée de l’École Pratique des Hautes Études, de la Faculté des Lettres de Paris, productrice d’émissions sur France Culture (« Carnet nomade » ou « les nuits magnétiques », directrice de collection aux Éditions Le Mercure, « barthienne » (Roland Barthes), durassienne (Marguerite Duras), hugolienne (Camille Claudel). Son mot est poétique, théorique, élaboré, dans la pure intellectualité.
Comédienne, mais avant tout « écrivaine » de nombreux romans et essais, dans une plume élaborée, « durassienne » (Prix Marguerite Duras ») encore, intellectuelle si l’on veut.
Son « sujet » n’est pas exclusivement la Tunisie et sa judéité, même si ses romans sur sa famille et son fameux et délicieux « Avenue de France », sur ma table de chevet, (du nom d’une Avenue de Tunis) pouvait pour certains la placer dans la judéo-tunisianité.
On donne sa photo
On donne quelques liens qui permettent de lire sur elle ou l’entendre.
https://www.etonnants-voyageurs.com/FELLOUS-Colette.html
https://www.lecteurs.com/auteur/colette-fellous/3093241
Les deux Fellous sont donc, au risque de la répétition, des femmes de qualité. Comme les deux Singer, les deux Roth.
Mais Sonia est plus connue des milieux juifs tunisiens dont les membres ne connaissent pas du tout Colette, laquelle voyage ou réside des mois dans l’année en Tunisie.
A l’occasion de la sortie du film au titre facile « du TGM eu TGV » (le TGM est le « Tunis-Goulette- Marsa », petit train qui reliait Tunis aux plages légendaires) dont j’imagine le pire, à tort, dans l’exacerbation de la « tunerie » (gâteaux au miel, cuisine d’épinards brûlés et de thon à tout va, déambulations nonchalantes et rires tonitruants), le sujet est venu dans une conversation d’un soir.
Moi :
– Fellous, auteur du film ? Sonia ou Colette ?
– L’autre :
– Colette ? Connais-pas…
– un intrus
– C’est une intello, Bla-bla, France Culture antisémite
– une intruse (intelligente) :
– ça ne nous intéresse pas, nous les tunes. On veut du pays, du rire, de la nostalgie. Ils nous embêtent ces intellos qui cassent l’ambiance.
Je suis rentré chez moi, me suis planté devant mon écran, puis, d’un trait, je l’assure, ai écrit ce billet qui commence par une ode à l’intellectualité, presque du moins.
J’aimerais inviter à diner les deux Fellous. Évidemment qu’elles doivent bien se connaitre et jouer de la dualité. Presque des jumelles en suspens dans le soleil carthaginois. Elles doivent être assez excédées lorsqu’on les ramène au makroud (un succulent gâteau “jiuif tune” dans lequel se combattent semoule, miel de sucre et dattes).
PS. j’entends quelqu’un, au-dessus de mon épaule, qui vient de lire et pouffe de rire.
Beaucoup, lorsqu’il s’agit de vanter le piano de jazz, toujours très mal joué ( je crois savoir le motif que je ne veux devoiler) par les plus grands pianistes dits « classiques » qui s’y sont quelquefois essayé, y compris Barenboïm, citent d’abord Bill Evans. Of course. Puis ceux qui se veulent plus « connaisseur », Errol Garner, Earl Hines, Ahmad Jamal, Thelonius Monk, ceux qui vont encore plus loin, Mc Coy Tyner, Hank Jones, puis les plus snob, Keith Jarret et les faiseurs qui confondant la compassion (humaine et évidemment nécessaire) et l’écoute Petrucianni.
Nul ne cite l’unique, l’immense Red Garland, que personne, on se demande pourquoi, ne connait.
Il a été le pianiste de John Coltrane (en réalité, Coltrane était dans son quintet), celui de Miles Davis, a fait des disques de rêve. Son piano est tout en accords qui se battent avec la touche intime. Clameur du sentiment. Il va va chercher ce qui transporte au-dessus du bitume, dans on ne sait quoi. Qu’il trouve.
On peut aller en ligne voir qui il est. Ici, simplement, un de ses morceaux. : son « My romance » qui a été joué par tous, y compris les précités. Écoutez, en cliquant ci-dessous (bonne qualite Vorbis),vous n’en reviendrez pas et dormirez admirablement, en étant heureux de vivre dans un monde où des notes de ce type peuvent sortir du clavier avec une si douce force. A 2mn, après ses accords, Garland nous offre une impro d’une finesse mémorable qu’on réécoute toujours la joie dans le torse.
PS. Ce billet, ecrit non publié en Aout 2021 par M, qui constituait un mail qui m’était destiné, se devait de l’être, posté. Ceux qui s’aventurent ici (comme il dit) dans ce site, savent qu’il a déja offert, mais sans commentaires, le disque dans sa totalité. J’ai juste changé le “tu” (tu écoutes) en “vous”. Ce qui en a fait un billet. J’aurais du l’intituler “My romance”. F
Lecture du « Premier homme », roman posthume d’Albert Camus qui l’avait dans sa besace en cuir, le jour de sa mort, à l’âge de 47 ans, en 1960, dans un accident de voiture, sur une petite route, dans l’Yonne, près de Montereau.
Ce qui permet de revenir sur Camus que je ne peux, comme beaucoup séparer de Sartre, la prétendue « déchirure » de leur amitié, calée à vrai dire sur leur passion des femmes plutôt faciles, du moins disponibles par l’admiration vouée aux deux intellectuels (une passion des femmes non répréhensible, n’en déplaise aux idéologues du moment qui confondent les campus américains avec le monde réel). Une « amitié » également, il est vrai, structurée par leur idéologie partagée un temps (le communisme) et l’amour du théâtre (Camus a failli être l’acteur des « Mouches » de Sartre).
Évidemment qu’il faut préférer Camus à Sartre, en réalité la petite liberté, même illusoire, à l’apologie du totalitarisme, camouflé par l’apologie de la libertéet la vente a l’etalage de l’existence. Oui, oui, Sartre est un vrai philosophe, pas Camus « philosophe pour classes terminales », selon le titre de l’essai de J.J Brochier, paru en 1970, un sartrien dévot, haineux du « petit Camus ».
Mais je n’aime pas Sartre, héraut très paradoxal, un stalinien existentiel, ce qui est assez martien, quoiqu’en disent les tournoyeurs abrutis de la pensée « complexe », grand faiseur donc de « l’existence » libre qui précède le tout, y compris l’Univers et le Cosmos, un libertaire (pas un libertarien) existentiel qui a donc soutenu d’abord les staliniens de première génération avant, sur un tonneau qui n’était celui de Diogène, d’haranguer les foules en les exhortant à se mettre à genoux devant la deuxième génération (de staliniens) : les Maos idiots de Libération qui avaient même investi les « Cahiers du Cinéma », faisant de Godard un petit soldat chinois, insultant le grand Truffaut…
Mais, tout en défendant alors Camus, idéologiquement, s’entend, je n’aimais pas sa prose théâtrale d’apprenti humaniste de service, faisant, son « marché du petit pauvre”, « voyou d’Alger », comme le nommait Sartre qui ne connaissait pas Alger, parmi les bourgeois des salons et cafés de Saint-Germain, solaire, comme il disait, au-dessus du monde dans sa volonté impériale qui s’extrayait de l’histoire disait Sartre, de la structure, disais-je, dans mes petits écrits structuralistes du temps assez marqué, des débuts des années 70, foucaldistes, lacaniens, althussériens, poulantzasiens, Levi straussiens, bourdieusiens…
Voilà pour mon introduction à cette incursion du Dimanche dans les idéologies.
Sartre, le terroriste. Quelques jours après la mort de Camus, Sartre écrit : « Pour tous ceux qui l’ont aimé, il y a dans cette mort une absurdité. Fastoche. Comme si toute mort n’était pas absurde. Mais c’est du Sartre et il ajoutait : « Nous étions brouillés, lui et moi ». Ce n’est pas peu dire. Ce n’est pas la faute à Voltaire mais bien celle de Sartre dont le talent théoricien est gâché par sa soupe quotidienne, à la mesure de la peur de sa disparition physique.
Camus a connu Sartre par « la Nausée », en en faisant l’apologie dans un journal d’Alger. Le maître a apprécié. Il « rend » par une critique élogieuse de « L’étranger », puis le reçoit à Paris dans les salons mondains et en fait son petit protégé (il a 8 ans de plus). Le grand bourgeois s‘amourache du voyou pauvre, une histoire presque stendhalienne. Mais, pourquoi pas. Ils seront vraiment amis, inséparables, les femmes, le whisky et de temps à autre une petite pensée sur le monde. C’est comme ça que ça se passe partout. Ne croyez pas qu’un intellectuel intellectualise jour et nuit. Les corps des femmes (l’essentiel pour un homme) l’alcool et la fatigue les en empêchent.
Jusqu’au jour de la brisure. Elle, idéologique, même si je ne suis pas certain que Sartre, un peu vieillissant ne jalousait pas l’ardeur camusienne. Mais j’affabule. Donc, jusqu’au jour où tous les deux se révèlent l’absence radicale de proximité de leur pensée. Camus ne digère pas facilement le marxisme.
Tout part de Koestler (« le Zéro et l’infini »), un bouquin qui m’avait fasciné et dont j’ai regretté de ne pas être le contemporain lorsque je l’ai lu, post-étudiant, chercheur de pensées. Koestler s’en prend au stalinisme de la Terreur et Camus le soutient. La brouille s’annonce.
Puis Camus, s’essayant à la philosophie, publie en 1951 « L’homme révolté » dans lequel il oppose révolution et désir, que l’État et les révolutions confisquent, du haut de la soumission. L’État assassine la révolte, la Russie étant ainsi devenue une « terre d’esclaves balisée de miradors ». Il écrit, encore que tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique », et enfin : « Je me révolte, donc nous sommes ».
Sartre n’et pas content du tout. Camus est devenu le « renégat, le traitre » et laisse le soin à l’un de ses dévots (Jeanson) dans la revue sartrienne (« Les temps modernes ») d’assassiner son « ami ». Ils se fâchent., Évidemment puisque Sartre écrit ailleurs que « tout anticommuniste est un chien ».
Puis vient l’épisode de la phrase de Camus à Stockholm, lorsqu’il reçoit le Prix Nobel et est interpellé par un algérien alors que les attentats à Alger sont vraiment meurtriers et que sa mère (sourde et illettrée peut se trouver dans un tramway qui explose sous les bombes du FLN. ..)
La Presse rapporte sa réponse : « « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère », citation apocryphe puisqu’en effet, il a dit autre chose :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »
Le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l’échange, rapporte beaucoup plus tard une version un peu différente :
« En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère.»
C.G. Bjurström, Discours de Suède, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1997.
Et là, Sartre ne peut, si l’on ose dire, qu’exploser.
Conclusion. Je constate que je voulais partir d’un paradoxe (je n’aimais ni l’un ni l’autre, mais j’en préfèrais un) et me suis laissé entrainer par la minuscule érudition que j’ai pu emmagasiner sur cette affaire « Camus-Sartre » qui a pris pas mal de nos soirées animées. Et ce alors que les choses étaient vieilles. Mais Sartre faisait toujours l’idiot de la famille (ce qu’il a écrit sur Flaubert) en susurrant qu’il ne ‘fallait pas désespérer Billancourt » (ne pas dire toute la vérité sur les camps en URSS afin de ne pas désespérer ceux qui croient dans le progrès historique incarné par la patrie de la révolution. Les ouvriers donc).
En réalité, je voulais faire le point, le mien à vrai dire.
Car, en effet, ma réserve, à l’époque à l’égard de Camus (je n’en avais pas à l’attention de Sartre, traitre à la pensée de la structure qui racontait des balivernes existentialistes, en contradiction avec la globalité diabolique de la totalité stalinienne, entre deux sauteries avec ses étudiantes et admiratrices. Il fallait que je lui torde le cou, à l’aune de quelques décennies de petite réflexion.
Alors, Camus ? Toujours un petit solaire de la petite poésie à quatre sous, magnifiant la nature et le bleu d’une mer, dans des mots de lycéens, au demeurant agréable à entendre l’été avec un pastis dans une main bronzée ?
Et bien non. Je “travaille” (c’est une plaisanterie) actuellement sur cette locution que je viens d’inventer : « dans le cadre en aluminium ou en bois d’une photographie, il y a un sujet photographié qui a son autonomie au regard de la matière qui l’entoure, mais sans laquelle elle ne serait q’un morceau de papier jeté sur un sol goudronné”.
J’en suis là depuis longtemps, donc loin de ma petite presque-détestation de Camus : le mot solaire peut être dit, sans référence à la pensée qui le structure.
Le soleil est autonome, en soi, et les humains peuvent, même dans l’emphase proclamer sa beauté sans que sa lumière ne fléchisse. Les deux champs ne sont pas en concurrence puisqu’en effet le tout universel et immobile, majestueux règne, sans cependant qu’une voix, même solitaire ou « solaire » ne s’interdise de la magnifier.
Tout ça, pour ça. Le Dimanche excuse tout.
C’est la photographie la plus connue d’Eliot Erwitt. On m’a demandé la commenter. J’ai refusé. Mais j’en donne ci-dessous une autre. Il est facile, en les associant de commenter;
Nec certam sedem, nec propriam faciem, nec munus ullum peculiare tibi dedimus, o Adam, ut quam sedem, quam faciem, quae munera tute optaveris, ea, pro voto, pro tua sententia, habeas et possideas. Definita ceteris natura intra praescriptas a nobis leges coercetur. Tu, nullis angustiis coercitus, pro tuo arbitrio, in cuius manu te posui, tibi illam praefinies. Medium te mundi posui, ut circumspiceres inde commodius quicquid est in mundo. Nec te caelestem neque terrenum, neque mortalem neque immortalem fecimus, ut tui ipsius quasi arbitrarius honorariusque plastes et fictor, in quam malueris tute formam effingas…
Pic de la Mirandole, Oratio de hominis dignitate.
Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même. Je t’ai placé au milieu du monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme.
Pic de la Mirandole, Oratio de hominis dignitate.
CLIC SUR LE LIEN
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-culture-change-le-monde
CETTE SERIE DE FRANCE CULTURE DE POSCASTS SUR LES LIVRES, LES FILMS, LES MANIFESTES QI ONT PU CHANGER LE MONDE EST REMARQUABLE. UNE MINE. UN CLIC ET OBTENIR PLUS D’ÉPISODES AU BAS DE CHAQUE PAGE WEB.,
0
Une de mes filles m’avoue lire encore Flaubert,. Après la Bovary, les “trois contes”. En jurant que ce n’est pas par mimétisme ou course effrénée ou désordonnée après le père qui encense cet écrivain à longueur de vie. Comme Il vante Ian Mac Ewan ou Philip Roth. Ou Ishiguro ou encore Boulgakov.
M’est posée la question du fondement de cet engouement. Je réponds que l’explication nuirait à la jouissance du texte, que la lecture est comme un plongeon et n’a nul besoin de connaitre le taux d’oxygène dans le sang pour absorber la beauté des fonds.
insistance. Emporté par le langage qui, comme on le sait, ne fait que couvrir le vide sidéral et aspirer l’inutile, je réponds. Idiotement. En revenant, comme à mon habitude, mais tellement ancrée sous le front, si récurrente qu’elle doit avoir une part de vérité, sur une formule sur la structure qui combat le sujet et, dans le roman, l’intentionnalité.
Je dis que Balzac, Zola ou les romantiques sont dans le petit sentiment générateur d’une attitude, d’un minuscule comportement, périphérique du réel en marche, lequel n’a nul besoin d’une intention ou d’une prétendue volonté qui n’existe pas. La pierre tombe d’une falaise, sans intention de tomber. Et pourtant existe. Je dis tout ça. J’ajoute que rien ne vaut la description, sans torrents romantiques, sans mots qui dégoulinent sur le torse de l’angoisse. Je crois que ce sont les mots que j’ai employés. J’ajoute encore que, cependant, cette sueur des sens, ce sentiment torrentiel, en instance constante d’explosion, forgent, incandescents, la vie, la jouissance de la vie. Et que là aussi, rien ne vaut quatre yeux qui se fondent dans l’extase de leur union qui fait connaître l’infini. Rien.
Alors, on me rétorque que je suis dans la contradiction : d’un côté la froideur de la structure, de la description géométrique, de l’autre une flambée, presque un cataclysme des sentiments. Du sentiment.
Je sais quoi répondre, tant j’ai entendu, en réalité, très peu dans la bouche d’êtres en quête de moments lisses et profonds, cette remarque, pas anodine, sur le tout et le particulier, sur la figure et son éclatement.
Mais je ne réponds pas comme je sais le faire, par les mots que j’ai collationnés depuis des siècles, pour ma réponse idoine.
je dis, simplement que Flaubert, en quelques lignes décrit le sentiment, sans s’y arrêter comme les romantiques qui en font une sauce visqueuse et sans fin. Des tas. Ce qui nous ramène au centre. Comme ici, dans l’extrait des trois contes : ” Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour ! “. Lisez et arrêtez vous à chaque paragraphe. En quelques lignes, Flaubert concentre l’histoire du monde et de ses écrasements. Je voulais commenter entre chaque ligne. J’ai commencé et abandonné tant la manière est désuète. Lisez, lisez. (“Ce fut un chagrin désordonné. Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le Bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu’au soleil levant. Puis elle revint à la ferme“)
Je reviendrai plus tard sur le “Samedi” de Ian Mac Ewan et “La tâche” de Philip Roth.
Flaubert, extrait des “Trois contes”:
« Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour !
Son père, un maçon, s’était tué en tombant d’un échafaudage. Puis sa mère mourut, ses sœurs se dispersèrent, un fermier la recueillit, et l’employa toute petite à garder les vaches dans la campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait à plat ventre l’eau des mares, à propos de rien était battue, et finalement fut chassée pour un vol de trente sols, qu’elle n’avait pas commis. Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades la jalousaient.
Un soir du mois d’août (elle avait alors dix-huit ans), ils l’entraînèrent à l’assemblée de Colleville. Tout de suite elle fut étourdie, stupéfaite par le tapage des ménétriers, les lumières dans les arbres, la bigarrure des costumes, les dentelles, les croix d’or, cette masse de monde sautant à la fois. Elle se tenait à l’écart modestement, quand un jeune homme d’apparence cossue, et qui fumait sa pipe les deux coudes sur le timon d’un banneau, vint l’inviter à la danse. Il lui paya du cidre, du café, de la galette, un foulard, et, s‘imaginant qu’elle le devinait, offrit de la reconduire. Au bord d’un champ d’avoine, il la renversa brutalement. Elle eut peur et se mit à crier. Il s’éloigna.
Un autre soir, sur la route de Beaumont, elle voulut dépasser un grand chariot de foin qui avançait lentement, et en frôlant les roues elle reconnut Théodore.
Il l’aborda d’un air tranquille, disant qu’il fallait tout pardonner, puisque c’était « la faute de la boisson ».
Théodore, si bien que pour le satisfaire (ou naïvement peut-être) il proposa de l’épouser. Elle hésitait à le croire. Il fit de grands serments.
Bientôt il avoua quelque chose de fâcheux : ses parents, l’année dernière, lui avaient acheté un homme ; mais d’un jour à l’autre on pourrait le reprendre ; l’idée de servir l’effrayait. Cette couardise fut pour Félicité une preuve de tendresse ; la sienne en redoubla. Elle s’échappait la nuit, et, parvenue au rendez-vous, Théodore la torturait avec ses inquiétudes et ses instances.
Enfin, il annonça qu’il irait lui-même à la Préfecture prendre des informations, et les apporterait dimanche prochain, entre onze heures et minuit.
Le moment arrivé, elle courut vers l’amoureux.
À sa place, elle trouva un de ses amis. Il lui apprit qu’elle ne devait plus le revoir. Pour se garantir de la conscription, Théodore avait épousé une vieille femme très riche, Mme Lehoussais, de Toucques.
Ce fut un chagrin désordonné. Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le Bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu’au soleil levant. Puis elle revint à la ferme, déclara son intention d’en partir ; et, au bout du mois, ayant reçu ses comptes, elle enferma tout son petit bagage dans un mouchoir, et se rendit à Pont-l’Évêque. »
Je “remonte” un billet de plus de deux ans. Remontée obligée.
Un clic sur le lien ci-dessous :
Lubitsch, Wilder, Stewart, Coe et les autres
F.
Archives 03/2015. J’ai commencé un livre photos dans lequel j’insérerai mes photographies de l’au, sous toutes ses formes, mer, lacs, rivières, fontaines, pluies. M’est venu à l’instant même le souvenir des peintures de Gustave Courbet sur la mer. Jeune adolescent, j’avais dans ma chambre, l’une d’elles, affiche d’une exposition à laquelle je ne m’étais jamais rendu. Je la tenais d’un lot d’affiches du même type que j’avais déniché chez Gibert-Jeune, Boulevard Saint-Michel, là ou m’emmenait mon train de banlieue (station Place Saint-Michel)
Je donne un aperçu dans cette petite galerie (clic sur une image pour défilement, comme à l’accoutumée)
QUELQUES PHOTOS DE L’ALBUM, INSIGNIFIANTES, DANS TOUS LES SENS DU TERME.
Puis, ce à quoi je voulais en venir : Hokusai et sa vague.
Archives MB 04/2018 (brouillons). La photo est de Franck Horvat, l’un de mes photographes français préférés (voir mon menu “grands photographes”). Je m’étais interrogé en 2012 sur le désarroi de la femme. Amoureuse, certes, mais dans la panique. Ce qui est incompatible pour le romancier de gare et nécessaire dans le drame romantique américain qui ne décrit que des amoureux défaits. Je reviens apres 6 ans de réflexion, pour rendre hommage à la présence fébrile de l’amoureuse. On ne peut être amoureuse sans être fébrile. A défaut, la mécanique du couple est molle, plate, inutile. Je m’étais donc trompé dans mon premier commentaire que je ne donne même pas à lire.
Cette photo est de Doug Menuez. En 2012, j’avais titré “belle amoureuse“. Puis en réécrivant, je suis dit qu’elle était ailleurs, donc non amoureuse, du moins de celui qui l’enlace. Elle pensait soit à son confort d’amoureuse enfin obtenu, soit au jour de son mariage, mais surtout pas au corps enlacé. Cette femme est une fausse amoureuse. La première, celle d’Horvat elle, l’était (amoureuse) dans la panique de son sentiment donné à voir, brutalement, par un objectif de métal noir, par un photographe français…
Copier/coller de commentaires dans le Le Figaro sur des propositions d’hôtels dans l’arrière pays nicois(magnifique l’été
14 commentaires
La potentialité de la rencontre des “congés payés” par un prix non suffisamment élevé d’une chambre d’hotel merite un réflexion estivale
«Savez-vous pourquoi il n’y a pas de philosophe espagnol ? », demande un jour Heidegger à Ortega y Gasset. Réponse de celui-ci : « Savez-vous pourquoi il n’y a pas de torero allemand ? »
Archives M 03/2020. “En faisant le tri de mes photos de rue, pour un album à offrir à un proche, je n’en suis pas revenu. Il m’a semblé, un court instant, que ce n’était pas moi qui avait déclenché, que cet hasard n’existait pas, qu’une force dite “immatérielle” s’était emparé de mon appareil pour créer une image dont je ne me souvenais pas de la prise. Comment avais-je pu, sans guetter, porté par je ne sais quoi, prendre ces photos ? Presque une amnésie du moment du déclenchement qui persuade d’un mystère, la seule persuasion qui vaille aurais-je dit, adolescent. J’ai, dans un texte long, ailleurs, écrit sur les anges et les moments. Mais je n’avais pas compris qu’il fallait, en réalité, pour saisir la chose, s’arrêter à la photo de rue. Elle vient d’ailleurs, comme si une bulle, ronde et invisible, se créait, enveloppant l’espace, le temps du déclenchement, la lumière, dans un cercle qui nous dépassait, sans que le photographe ne sache ce qu’il va advenir de la seconde qui suit, de l’image qui va surgir, pour s’imprimer dans l’appareil. Ce n’est pas le fameux “instant décisif “du prétentieux Cartier-Bresson. C’est une brume qui flotte, efface le sujet de la fabrication de l’image (le photographe), lequel n’est que le support simplement musculaire de de l’appareillage. Si j’avais osé, j’aurais écrit que ces moments sont quantiques. Mais je n’ai pas osé, tant la formule, mystérieuse, s’il en est, était facile.
Archives M 06/2020. Je relis ce texte. J’ai, à dire vrai, oublié l’essentiel : il est impossible pour un photographe de capter cette image insensée. Elle existe en dehors du temps du photographe, de son espace, comme un coquelicot au milieu d’un champ de blé. Le grand photographe a été béni par les donneurs d’images déja prises, nécessaires (les forces, les anges en réalité). Le photographe ne fait que prendre ce qui a déjà été fabriqué avant son déclenchement physique. Les artistes ne sont que des cueilleurs, les photographes des ramasseurs. Ils n’ont aucun mérite, comme les doués qui n’ont pas généré leur don. Regardez les images ci-dessous : qui peut imaginer le hasard décisif ? Entre le moment d’un collage de l’oeil sur l’appareil et le déclenchement, il se passe des millions de millénaires. Impossible d’imaginer ce qui va être fabriqué. Certain donc que les anges les ont déjà façonnées, s’amusent de nous, quand nous nous croyons créateurs. Même Dieu a cueilli une image du monde. La création est nécessairement une copie du déjà donné et construit. Une nécessité captée. Les artistes sont les esclaves amnésiques des forces qui n’ont pas le droit de se montrer.
Moi M, je copie dans l’espace des images deja-là. C’est encore plus jouissif. Comme une chasse aux papillons invisibles déjà dessinées dans l’espace des forces.
C
UN CLIC SUR UNE PHOTO, GLISSEMENT OU FLECHES POUR DEFILEMENT
Il faut, sans répit, le répéter. Ce réalisateur, P.T Anderson, est un génie. L’on ne comprend pas que le fait ne soit pas crié sur tous les toits. Ses films sont, tous, sans exception, des bijoux. Ici, il y a quelques mois, il était question de “Liquorice Pizza”, petit chef-d’œuvre de sensibilité, à ne pas conseiller aux nigauds qui n’adorent que “la vérité si je mens” ou “Camping à Courbevoie”. Il est dommage de voir pérorer lesdits nigauds, alors que ce Anderson existe. Dieu que la hiérarchie doit être, constamment, rappelée, Dieu qu’il est bon, de temps à autre, de clamer les différences entre les humains, les hiérarchies dans les prétendues “opinions”…
On donne la liste de ses films
Mon préféré est Liquorice, d’une fraîcheur inégalée, qui fait pleurer de joie et nous fait oublier les infamies de la petitesse et nous ramène au sentiment, la seule chose pour laquelle nous venons au monde, à partager. Puis, évidemment, l’immense “Phantom Thread” avec Day-Davis. Pas peur de répéter. Un génie et une bonne tête cet Anderson (P.T, pas Wes)
PS. Évidemment, il y a l’autre : James Gray.
Le “pont de fer”, encore nommé le “Pont Eiffel”, du nom de son architecte renommé, surplombe le fleuve “Onyar” à Gérone. Les habitants de Gérone rappellent toujours qu’il n’y a pas que “la Tour”. Je leur répond qu’ils se trompent, qu’il y a loin entre un pont de fer solide, construit pour permettre le passage d’un train entre deux rives et la Tour. Tout ça finit dans un polpo a la plancha, accompagné d’un ribera del duero. J’ai toujours affirmé qu’il’s’agirait du menu de mon dernier repas. Je plaisantais, à l’époque où je ne l’imaginais, évidemment pas. C’était il y a longtemps, lorsque la Catalogne ne voulait pas faire sécession et n’avait pas interdit la corrida.
MB. Écrit en 2016.
“It’s as well to be prepared.”
“No—it’s as well not to be prepared.”
“Why?”
“Because—”
Her thought drew being from the obscure borderland. She could not explain in so many words, but she felt that those who prepare for all the emergencies of life beforehand may equip themselves at the expense of joy. It is necessary to prepare for an examination, or a dinner-party, or a possible fall in the price of stock: those who attempt human relations must adopt another method, or fail. “Because I’d sooner risk it,” was her lame conclusion.
“But imagine the evenings,” exclaimed her aunt, pointing to the Mansions with the spout of the watering can. “Turn the electric light on here or there, and it’s almost the same room. One evening they may forget to draw their blinds down, and you’ll see them; and the next, you yours, and they’ll see you. Impossible to sit out on the balconies. Impossible to water the plants, or even speak. Imagine going out of the front-door, and they come out opposite at the same moment. And yet you tell me that plans are unnecessary, and you’d rather risk it.”
“I hope to risk things all my life.”
“Oh, Margaret, most dangerous.”
“But after all,” she continued with a smile, “there’s never any great risk as long as you have money.”
“Oh, shame! What a shocking speech!”
“Money pads the edges of things,” said Miss Schlegel. “God help those who have none.”
“But this is something quite new!” said Mrs. Munt, who collected new ideas as a squirrel collects nuts, and was especially attracted by those that are portable.
“New for me; sensible people have acknowledged it for years. You and I and the Wilcoxes stand upon money as upon islands. It is so firm beneath our feet that we forget its very existence. It’s only when we see some one near us tottering that we realise all that an independent income means. Last night, when we were talking up here round the fire, I began to think that the very soul of the world is economic, and that the lowest abyss is not the absence of love, but the absence of coin.”
“I call that rather cynical.”
“So do I. But Helen and I, we ought to remember, when we are tempted to criticise others, that we are standing on these islands, and that most of the others are down below the surface of the sea. The poor cannot always reach those whom they want to love, and they can hardly ever escape from those whom they love no longer. We rich can. Imagine the tragedy last June, if Helen and Paul Wilcox had been poor people, and couldn’t invoke railways and motor-cars to part them.”
“That’s more like Socialism,” said Mrs. Munt suspiciously.
“Call it what you like. I call it going through life with one’s hand spread open on the table. I’m tired of these rich people who pretend to be poor, and think it shows a nice mind to ignore the piles of money that keep their feet above the waves. I stand each year upon six hundred pounds, and Helen upon the same, and Tibby will stand upon eight, and as fast as our pounds crumble away into the sea they are renewed—from the sea, yes, from the sea. And all our thoughts are the thoughts of six-hundred-pounders, and all our speeches; and because we don’t want to steal umbrellas ourselves, we forget that below the sea people do want to steal them and do steal them sometimes, and that what’s a joke up here is down there reality.”
“There they go—there goes Fraulein Mosebach. Really, for a German she does dress charmingly. Oh!—”
“What is it?”
Dans les archives, on trouve toujours l’Emporda. La Baix, pas l’alta. C’est la catalogne des criques et des petits villages médiévaux, loin du béton de Platja d’Aro, de Palamos et de la frime épuisante de Cadaques, c’est Gérone, Begur, Aiguablava, Pals. Torrelata, Torrent.
Archives, by F.
PS. L’Empordà (Ampourdan en français) est une région (ou comarque) catalane historique comprise entre le massif des Albères et les Gavarres, qui fut divisée en deux régions administratives dans la division de 1936, l’Alt Empordà et le Baix Empordà, ainsi qu’en une douzaine de communes limitrophes de cette zone, et disséminées entre les régions du Gironès et du Pla de l’Estany.
Ses archives. Perpignan, passage Frontière, !a Bisbal, Begur, Aiguablava- Parador, Pals, S Agaro-Hostal La Gavina, San Feliu de Guixols, Girona, Hôtel Palau de Bellavista, Juderia ,Convent Sant Domenec, Plaza Independezia, Rambla la Libertad, Cathedrale, jardins, Gironnella. TXOPS, Peratalada, Palau Sator, San Feliu de Boada, Mas de Torrent.
By F.
Un chef d’œuvre par le magicien de l’objectif qui caresse magnifiquement les visages des femmes, surtout les amoureuses. Anderson est un génie de ces plans de mise en valeur de ses héroïnes magiques. Toutes les femmes sont belles dans la caméra dure et doucereuse. Il concurrence James Gray.
Cherchez en ligne les films de ces deux, Gray et Anderson, ajouter Fincher et Villeneuve et vous aurez les inratables qui donnent L’intelligence du cinéma.
Archives M.
Devant le miroir, je trouve mon visage un peu terreux, je scrute mes rides, douloureuses, qui apparaissent non pas au coin des yeux ou sur le front, mais, curieusement, sous la peau de mes paumes, qui sont certainement un révélateur, au sens photographique du terme, du début d’une sorte de vilain incendie du corps, une inflammation générale, subrebptice de mes cellules. Sûr. Il me semble avoir lu ça, en ligne, il y a longtemps, lorsque, les apercevant déjà, et retournant mes mains, je cherchais, sans en parler, l’origine de ces rougeurs sous un épiderme affreusement, anormalement fripé. Je les mettais sur le compte d’une allergie au faux cuir de l’étui de mes Ipad. Ca me rassurait. J’ai donc acquis des étuis en vrai cuir de veau, couleur cognac. Elles ont, presque, disparu ces plissures violacées. Mais j’aurais du rechercher plus encore en ligne la cause du phénomène d’inflammation, sans m’en remettre, comme à l’habitude, au destin, lequel n’était pourtant pas, à l’époque, encore advenu. Mais là, je m’égare, ce n’était pas à la grisaille, celle d’un visage, au lendemain d’une nuit agitée ou à de l’écarlate sur les paumes, que je voulais vigoureusement m’atteler lorsque j’ai décidé, ce soir, de me mettre à écrire. Cependant, comme on le sait, il faut toujours une introduction, une sorte de mise en jambes pour placer les mots, trouver le rythme et faire venir la régularité dans le cliquetis du clavier, le style ou l’ambiance de l’écriture, si l’on veut, attachés aux premières lignes et évidemment variable au gré des jours et des humeurs.
J’ai donc ouvert un nouveau fichier, suis resté quelques secondes, pas plus, devant l’écran blanc, puis j’ai commencé à écrire ce qui précède, qui m’est venu après m’être recoiffé, je ne sais pourquoi, puisque je n’attendais personne, devant le miroir de ma salle de bains, là où j’ai constaté qu’à nouveau, mes paumes rougissaient.
A vrai dire, je voulais écrire, ce qui n’a vraiment rien à voir, une lettre à une disparue, Chantal Akerman.
J’ai, en effet, appris hier que la revue britannique du « British Film Institute », publication de renom, dénommée « Sight and Sound », décernait un « palmarès décennal » des films ; que tous les 10 ans donc, elle nous donnait la liste, de ce qui, pour elle, constituait les 10 meilleurs films de tous les temps, non pas ceux des dix dernières années, qui pouvaient ne pas figurer dans le palmarès, un œil, ou plutôt l’appréciation, étant de nature changeante dans le tourbillon des décennies. Evidemment, beaucoup sont présents, immuables, dans tous les palmarè, quelque soit la décennie observée.
Une démarche jubilatoire. Il n’y a que les Anglais pour capter de telles idées, comme il n’y a que les Anglais pour faire d’excellentes séries télévisées. Du type de celle de « Slow Horses » ou « Bad Sisters ». On peut trouver en ligne ces palmarès, incluant, évidemment, chaque décennie, ce que j’ai nommé”les immuables”, les deux films qui se battent toujours pour la première place : celui de Hitchcock « Vertigo », « Sueurs froides » en français et « Citizen Kane » d’Orson Welles.
J’ai donc lu, hier, par hasard, que, selon le palmarès de 2022, Chantal Akerman avait réalisé le meilleur film de tous les temps”. Je n’en suis pas revenu. J’ai failli hurler de joie ou de surprise, peu importe, mais, persuadé de la dangerosité de la parole intérieure qui ne serait pas muette, le « parler-seul », pour tout dire, je me suis abstenu.
Je donne la liste 2022 :
1 – Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles 2 -Sueurs froides 3 –4 -Citizen Kane 5 –Voyage à Tokyo 6- In the Mood for Love 7 – 2001, l’Odyssée de l’espace 8 – Beau Travail 9 – Mulholland Drive 10 –L’Homme à la caméra, Chantons sous la pluie
Je sais, désormais, le motif pour lequel je me suis coiffé avant de commencer à écrire : je voulais, sérieux, je l’assure, écrire une lettre d’amour à Chantal Akerman, tant j’étais joyeux, joyeux pour elle, qui devait se débattre avec tous les anges, là-haut, pour leur expliquer que la beauté se terrait dans la fixité, comme soi devant un miroir, et que le plan fixe, dans sa pertinence, permettait lorsqu’il était choisi par l’artiste, de mesurer l’acuité de son regard. Chose que les anges ont sûrement du mal à comprendre tant, pour eux, la beauté est lumineuse et n’émerge pas d’un plan sur une vieille cuisinière rouillée, que Jeanne (Dielman) s’escrime à polir, par un vieux torchon effiloché, dans ce film qui date de 1975 et qui a donc attendu près de cinq décennies avant d’être consacré, directement, sans être passé par les accessits, sans avoir figuré dans les précédents palmarès, le meilleur des meilleurs.
Les anges, même s’ils sont uniques et pleins de cœur, ne retiennent, évidemment, de la beauté que l’image exacte, nette et sans flou, sans « bokey », dirait un photographe.
J’ai aimé, d’amour, Chantal Akerman. J’ai d’abord aimé ses films qu’une femme, il y a longtemps, m’avait fait découvrir, à l’heure où il me fallait me détacher du réel, justement en le scrutant, c’est une longue histoire, puis ses installations d’art, avant que je ne réfute le concept d’esbroufe. Mais, ici, il me faut m’arrêter d’enjoliver en plaçant l’art ou la théorie avant le corps, pour camoufler le désir : j’avoue avoir surtout aimé ses yeux, lumineux, trop intelligents. Donc plus que des yeux. Rien ne vaut un œil éclatant d’intelligence pour vous emporter dans toutes les frénésies. Il est dommage que la génération actuelle, dans la réalité ou le cinéma, ce qui devient identique, ait délaissé le long baiser romantique, précédé de minutes interminables les yeux-dans-les yeux, embués de tendresse pré-érotique, comme il se doit. Je me suis fait cette petite réflexion quand, justement, dans un film assez récent (« Drive ») j’ai apprécié les regards indécollables des deux amoureux (Ryan Gosling et Carey Mulligan) littéralement enlacés dans leurs yeux, des minutes entières, sans un mot qui ne vienne troubler cette magie. Il devient rare de transcrire l’amour, autrement que par la sempiternelle scène, au milieu de tous les films lorsque le héros, haletant et volontaire plaque violemment la femme qui n’attendrait que ça, corps chiffonné, sur l’îlot de cuisine californien, plan obligé de toutes les séries Netflix, pour faire contemporain. En même temps que les amours homosexuels et les fusillades très sanglantes, nécessairement tournées, de nature à convaincre le regardeur de l’ouverture, sans faille, du réalisateur à la Grande Modernité. Pour revenir aux yeux, le regard dans celui de celle qu’on aime est le plus beau des clichés.
Donc Akerman. Il y a quelques années, lorsque, dans la nuit, cassée par l’insomnie, je regardais le plafond gris, j’imaginais toujours ce qui devait obligatoirement apparaître sur la paroi, par bribes, des sursauts d’images ou des éclaboussures de la vérité, je ne sais plus, avais-je dit un jour où, certainement éméché, je me prenais pour Dos Passos devant des amis médusés. J’ose donc écrire aujourd’hui, ce que je n’ai jamais avoué que je fabriquais les yeux de Chantal Akerman, que je n’ai pourtant jamais rencontré, pour en couvrir tout le plafond de l’insomniaque, comme dans un jet unique. J’étais obsédé par son intelligence qui transparaissait dans la photo que je donne en tête de mon texte, elle avec sa cigarette, donnant à montrer au monde entier, sans même le savoir, ce qu’était une femme belle et intelligente. Et, même, plus tard, je donne l’image ci-dessous, elle a continué à nous offrir ses yeux de l’intelligence.
Elle s’est donné la mort en octobre 2015.
L’on peut naviguer en ligne pour connaitre son destin, ses œuvres, et, encore, son intelligence.
Je voulais donc lui écrire une lettre, non pas de félicitations, pour lui rendre hommage, mais une lettre d’amour, revenir cependant sur sa relation increvable à son peuple, à sa mère, à l’art, à sa fabrication de nouveaux mondes, ses plans fixes qui extirpent l’ennui de son centre, qui démontrait le bénéfice du geste et sa répétition, avec une Delphine Seyrig dans sa merveille de femme. Ce n’était pas « Fauda », la série israélienne, assez prenante il est vrai, et dans laquelle j’ai vu la plus belle femme du monde (Maya, l’arabe) ou de « Emily à Paris », la série mièvre et pimbêche, produite par les marques françaises.
J’ai donc écrit des heures et des heures ma lettre d’amour à Akerman. J’ai même imaginé, en le commençant, un petit récit, celui d’une rencontre, avec, derrière nous, en chaperons, mille femmes juives, vieilles, non pas vêtues de noir, mais par mille robes légères, de toutes les couleurs du monde, qui souriaient en nous suivant, retenant leur souffle, lorsque Chantal, frêle et amoureuse et, partant, non concentrée, trébuchait par l’ornière invisible du sentier tortueux, avant que je ne retienne sa chute d’un bras assuré. Comme en Sicile lorsque Al Pacino, futur parrain, se promène sur les routes caillouteuses, près de Corleone, avec sa fiancée sicilienne au profil grec.
Puis j’ai mis ma lettre à la corbeille, idiotement, alors que suis certain qu’il y avait bien deux ou trois mots qui auraient pu être lus.
En Octobre 2015, lorsqu’elle a décidé de partir, j’aurais du l’appeler et lui dire que même si des anglais allaient décréter, sept ans plus tard, qu’elle avait fait, en 1975, le « meilleur film de tous les temps », l’important était ses yeux. Intelligents, comme je viens de l’écrire. J’imagine la fougue si j’avais pu l’embrasser.
Il s’agit du titre d’un roman italien de Filippo Timi et Edoardo Albinati, non paru en France et qu’on peut traduire par :
« AU PIRE, JE MEURS ».
Donc : évidemment, le pire est la seule chose certaine. Il se terre dans le réel, la réalité si on veut. Laquelle est autonome et antérieure à tout. Et d’abord à l’idée, surtout celle de sens ou de nature. Le réel qui n’est que silence et insignifiance, le hasard pour tout dire, sans enrobage dans la pensée. Et la seule philosophie qui aide les humains ne peut être que celle de l’approbation joyeuse, enjouée de ce réel qui fait du pire la certitude.
ps. La photo a été volée à la terrasse de l’u’ de mes restaurants habituels japonais (pas le cacher) Avenue de Villiers. Mais je suis devenu infidèle depuis que j’ai découvert la cuisine coréenne et un excellent reste boulevard Pereire . Je ne donne ps le nom, de peur d’etre assailli par des groupies, mais on peut vite trouver, du ’ou du plat populaire coréen,
PS. Je suis assez embêté, je deviens amoureux fou des belles coréennes des séries Netflix, comme dans ma jeunesses des belles italiennes sur les hors-bords de Capri ou Ischia…Mais plus de force pour la Corée pour un voyage impressionniste. De quelques jours (contraintes obligent)
“Je suis moi, je ne suis pas mon frère”. immense pianiste, immense chanteur, jazzman de référence pour les amoureux. Freddy Cole, frère de Nat King Cole, “artiste Steinway”.
My mood is you, et paroles
Lyrics
The strangest feeling is all around me
A feeling I can’t begin to explain
A kind of ecstasy
A kind of misery
A kind of symphony of sweetness and pain
My mirror tells me
That I’m a stranger
Someone I really don’t know at all
But I know the mood I’m in
And if I lose, I win
But I have never had a lover before
And now I’m high
And now I’m low
And now I’m blue
And now I glow
The days are too long
The nights too sweet
It all depends on when we meet
Take my hand, and I’ll go mad
and turn away, and I grow sad
I’m in love, what can I do?
My mood is you
Now I laugh and now I cry
You clipped my wing and made me fly
You entered the room and stopped my heart
And when you leave, I come apart
Hold me close, I’m overjoyed
And let me go, then I’m destroyed
I’m in love, what can I do?
My mood is you
Dans un bon jour, j’en donne deux autres :
Il fallait traverser. Nous sommes sortis dans le frimas. Deux créatures, enlacées, enrobées de doudounes, d’écharpes, de bonnets, de gants fourrés, malgré tout frigorifiées sous la bourrasque. Il s’est arrêté, a détaché sa main, m’a caressé la joue, puis nous sommes repartis. Arrivés à l’autre bout, il m’a dit, sans même me regarder, des mots, d’amour je suppose. Mais le vent, la tempête, étaient trop violents pour que je les entende. F.
Photographie “à lire”.
Le père et l’enfant sont les seuls devant l’objectif. On ne croit pas que ce sont les mêmes. C’est pourtant le même instant, Regardez. Les autres sont ailleurs. Derrière le miroir, dirait Lewis Caroll. Matrix dans le 17ème. F
Exportateurs de postures woke et correctes, les anglo-saxons n’ont pas de corrida. On les plaint. Mais ce n’est pas une raison pour nous l’interdire, par mille serpents visqueux et idéologiques qui rampent insidieusement, toujours gluants, sous nos terres joyeuses, portés par leurs petits vassaux médiatiques.
On entend parfois certains politiciens de la Catalogne espagnole, région naguère taurinement brillante, se déclarer aujourd’hui anti-taurins au nom de la résistance de la « catalanité » face au centralisme espagnol. On sait que, symétriquement, certains aficionados de la Catalogne française s’affirment radicalement taurins au nom de cette même résistance de la « catalanité » face au centralisme français. (À Céret, on joue « Els Segadors », hymne national catalan, avant la sortie du sixième taureau.) On sait aussi que tout nationalisme doit en permanence réinventer son passé et se construire un ennemi tout-puissant en face duquel il doit présenter sa propre « nation » en victime, il n’y a là rien de nouveau. Ce qui est plus nouveau et serait presque comique, si la corrida demain ne risquait pas d’en être la vraie victime, c’est que cette résistance à l’impérialisme supposé le plus proche (espagnol), se fait au nom des valeurs, des principes et des normes de l’impérialisme culturel le plus puissant (voir argument [33]), l’impérialisme culturel anglo-saxon et ses principes animalistes, qui ont des sources historiques, idéologiques, et même religieuses propres, et qui sont aux antipodes des traditions culturelles, idéologiques et religieuses des peuples méditerranéens. Quelques exemples : le sens de la fête de rue, la ritualisation de la mort ou la stylisation emphatique du tragique, tous éléments constitutifs de la corrida, sont au fondement de toutes les cultures méditerranéennes. Ils sont bien éloignés des traditions des pays anglo-saxons ou des cultures de tradition protestante auxquelles s’alimente aujourd’hui toute la morale animaliste. En prétendant s’affranchir de la domination d’un frère, certains mouvements anti-taurins ne tombent-ils pas sous l’emprise d’un cousin bien plus lointain ?
Francis Wolf. Sur la corrida.
L’affaire Gad Elmaleh a fait couler beaucoup d’encre (assez délébile) dans les milieux synagogaux et les cercles de juifs friands de sketches au Palais des Congrès, lesquels l’auraient fabriqué, sans reconnaissance. Après Gad, Alain (Finkielkraut) qui vient glisser, sans néanmoins tomber, sur le terrain chrétien.
L’échange reproduit ci-dessous est assez clair pour qu’on n’ait pas à relater les mots, les enjeux, les dérapages et les questions.
Juste une appréciation, en passant :
Le propos du juif Pierre Lurçat est plat, sans relief, inutile et vain. Sur le mode de « l’admonestation ». Il n’aborde pas le fond et en reste à des lieux communs, en critiquant petitement, du haut de l’on ne sait quelle chaire inconnue, l’ignorance théologique de Finkie. Il est encore heureux qu’Alain Finkielkraut soit ignorant des textes bibliques. A défaut, son athéisme et ses propos radiophoniques d’un Samedi, plus sur le ton de la badinerie que de la discussion ontoligico-religieuse pourraient être pris au sérieux et leur donner crédit.
Celui du chrétien Weill est dans le même espace creux, sous l’entendement. Inintelligent et faussement éclairé. Même si, lui aussi, se place dans l’ignorance des textes du locuteur pour vilipender et prétendre, en tentant, par l’humour, malheureusement lourd et non maitrisé, donner la leçon.
Il est dommage, d’abord de faire une montagne d’un échange plaisant, puis tenter de se placer dans un débat inexistant pour exister dans le champ médiatique.
PS ; Pour détendre l’atmosphère dramatique qui ne devrait pas l’être (juste deux juifs qui causent, Gad, Alain), je note qu’à l’inverse de la conversion, faux sujet ici, il y a bien une « inversion », peut-être décisive : Weill a un nom juif que n’a pas Lurçat. Ce débat ne mérite que ce PS idiot.
MB.
14 novembre 2022 Tribune Juive Pierre Lurçat 14
Cher Alain Finkielkraut,
J’avais tout d’abord pensé adresser cette lettre ouverte à Gad Elmaleh et à vous conjointement, pour les raisons que vous allez bientôt comprendre. Finalement, j’ai décidé de vous l’envoyer à vous seul. J’ai souvent ri – comme beaucoup – en regardant les sketches de Gad, y compris celui où il évoque sa préférence pour les enterrements catholiques, tellement plus grandioses et impressionnants que les enterrements juifs… J’ai ri alors, parce que j’ignorais évidemment que l’humoriste parlait très sérieusement et que ce “ballon d’essai” annonçait d’autres révélations bien plus fracassantes encore. Celle qu’il dit avoir reçue de la Vierge Marie, qui “l’accompagne à chaque instant, y compris sur scène” et celle qu’il a faite tout récemment au grand public, de sa conversion à la religion catholique.
J’ai donc choisi de vous écrire à vous seul, cher Alain Finkielkraut. Car bien entendu, votre cas n’a rien à voir avec celui de l’humoriste. J’aurais presque envie de dire que tout vous sépare… Il est originaire du Maroc, alors que vous êtes né à Paris de parents Juifs venus de Pologne, tout comme mes grands-parents. Il est un homme de spectacle, alors que vous êtes un homme de pensée et de plume. Il se dit attiré par la religion catholique depuis tout jeune, alors que vous êtes un philosophe non croyant et ne pratiquez aucune religion.
Et pourtant… Dans votre dernière émission Répliques, en compagnie de l’acteur Fabrice Lucchini, avec lequel vous entretenez des liens d‘amitié, vous répondez à une question très personnelle sur vos liens avec la religion catholique. Je cite mot à mot votre échange :
Fabrice Lucchini : Ce qui est beau c’est votre amour de Pascal, illustré admirablement dans l’émission avec Pierre Manent… J’ai l’impression que vous êtes à deux doigts,..
A Finkielkraut : De me convertir ?
F. L. Je le dis solennellement, vous qui êtes d’une communauté qui n’est pas chrétienne, vous êtes à deux doigts de franchir… Un Finkielkraut chrétien, un Finkielkraut réconcilié, voilà ce qui va se passer dans les mois qui vont arriver…
A.F. (Rires)
F.L Oui, auditeurs de France Culture, ce moment est rare… Cet homme qui a si bien parlé du judaïsme, cet homme qui a démontré sa passion pour la langue française, n’est pas loin de se convertir !
A.F. Je pourrais répondre quand même…”
L’entretien alors change de sujet, car Fabrice Lucchini déclame une fable de La Fontaine et on reste sur l’impression que l’échange précédent était une farce… Mais votre interlocuteur revient à la charge, comme un missionnaire zélé, avec un plaisir gourmand dans la voix :
F.L. Et la conversion, Alain ?
A.F. Alors… Et ensuite je reviendrai à la question de la langue. Non il n’est pas question que je me convertisse, mais il est vrai que je suis… fasciné par la proposition chrétienne[2]. Je ne me convertirai pas, parce que les Juifs persistent dans leur être, quand bien même ils ne croient plus en Dieu, majoritairement… C’est d’ailleurs pour moi-même un mystère, mais c’est comme ça. Pour ce qui est de la proposition chrétienne, je suis fasciné par le fait que le Christ a dit sur la Croix, “Mon Dieu, Mon Dieu, ou mon Père, mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ? Non seulement il l’a dit ; mais c’est dans les Évangiles. Et la peinture, les grands chefs d’œuvre de la peinture, sont des descentes de Croix. Donc, le christianisme nous montre la mort… Il ne nous dissimule rien de la mort. Alors il retire à la mort son dard venimeux, il y a la résurrection du Christ, peut-être, mais il y la mort..
Et il y a cette phrase bouleversante, je trouve que c’est le génie du christianisme et ça je n’ai pas peur de le dire, parce qu’aucune religion n’est allée jusque-là, jusque faire mourir son Messie, mourir Dieu même. Voilà ce que j’aime, mais il n’est pas question de conversion…
F.L. Ce n’est pas évident, votre exaltation… Pourquoi c’est unique ?
A.F. Tout d’un coup il y a la finitude, la souffrance de la mort, dont le Christ lui-même, par laquelle passe le Christ… Et au cœur de l’Evangile, au cœur de la Bonne nouvelle, il y a cette phrase-là, pourquoi m’as-tu abandonné., je trouve que c’est au cœur de la croyance quelque chose d’incroyable”.
Si j’ai retranscrit intégralement cet échange étonnant, qui ne défigurerait pas un roman de votre ami Philip Roth ou de son jeune émule Joshua Cohen, c’est parce qu’il nous dit beaucoup sur la condition juive en France (et ailleurs en exil) aujourd’hui. Bien entendu, vous avez, tout comme Gad Elmaleh, choisi le ton de l’humour et de la farce pour aborder ce sujet délicat et douloureux. Mais il n’aura échappé à aucun de vos auditeurs que, rebondissant sur l’amorce se voulant drôle de Lucchini, qui prend à parti les auditeurs de France Culture en prétendant annoncer votre conversion, vous avez répondu le plus sérieusement du monde, et malgré votre refus de la conversion, votre ami Lucchini n’a pas été déçu…
Je ne fais pas partie des “gardiens de la foi” juive, et mon propos n’est pas de vous faire reproche d’envisager une conversion, que vous dites écarter sans hésitation et sans la moindre ambiguïté, contrairement à votre compatriote Gad Elmaleh. La question, à mes yeux, dépasse de loin celle de la conversion, qui est d’ailleurs beaucoup plus répandue qu’on ne le pense. Après tout, des milliers de Juifs se convertissent chaque jour à toutes sortes de religions, parfois sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Il y a eu et il y a encore des Juifs communistes, des Juifs trotskystes, des Juifs staliniens, et il y a aujourd’hui des Juifs bouddhistes, des Juifs wokistes et même des Juifs convertis à l’islam radical[3]…
Ce qui est grave à mes yeux, c’est la fascination que vous dites ressentir pour le christianisme, et la manière dont vous l’expliquez à votre interlocuteur, en citant le passage des Evangiles, “Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné”… Car voyez-vous, cher Alain Finkielkraut, cette phrase que vous dites bouleversante et qui illustre à vos yeux le “génie du christianisme”, cette phrase n’est pas chrétienne, mais bien juive, puisqu’elle est tirée des Psaumes du Roi David ! “Eli, Eli, lama hazavtani ?” est un verset du Psaume 22, bien connu de tout Juif qui respecte sa tradition, verset qui a été souvent mis en musique par des artistes israéliens contemporains. En faire la preuve éclatante du “génie du christianisme” est aussi erroné que d’affirmer, par exemple que le christianisme aurait “inventé” l’idée d’amour ou que “tu aimeras ton prochain comme toi-même” serait une maxime chrétienne.
Voilà toute la tragédie que révèle cet échange badin entre deux amoureux de la littérature française sur France Culture : il révèle l’étendue insondable de l’assimilation juive en France et de son corollaire, l’ignorance ! Oui, on peut être comme vous, cher Alain Finkielkraut, un lettré et un amoureux des Lettres françaises, avoir été élu à l’Académie française, et être dans le même temps, un ‘Am-Haaretz’[4]. J’imagine la déception que notre ami commun Benny Lévy éprouverait en écoutant cet échange, et quelle admonestation il aurait pu vous faire, lui qui avait vainement tenté d’inculquer quelques notions de judaïsme à ses deux anciens camarades de la rue d’Ulm, BHL et vous…
En vous réécoutant, en constatant une fois de plus combien était sincère votre rejet de la conversion et votre fascination concomitante pour le Christ (oui le Christ, dont vous prononcez le nom sans la moindre réserve ; “Oï ya broch!” comme disait ma grand-mère, qui parlait la même langue que la vôtre), j’ai repensé à un grand écrivain et un grand Juif français, Edmond Fleg. Fleg avait en effet tout comme vous été fasciné par le Christ. Mais cela se passait avant la Shoah, et il n’avait pas 73 ans comme vous mais une vingtaine d’années. Il avait lui aussi joué avec l’idée de la conversion et était même parti visiter la Palestine d’alors, “sur les traces du Christ”.
Le récit de ce voyage est un magnifique témoignage de “Techouva“, de retour à son peuple, à sa terre et à la tradition de ses pères. Livre que je vous invite à relire, cher Alain Finkielkraut, en même temps que le Livre des Psaumes et celui de Kohelet. Je vous invite donc à étudier votre héritage juif, avant d’en percevoir la beauté plagiée dans la religion et dans la culture des autres. Vous y trouverez les trésors que notre peuple a donnés à l’humanité et vous verrez aussi que, quoi qu’en pense Fabrice Lucchini et quoi que vous en pensiez vous-même, le christianisme n’a rien à “proposer” à Israël, pas plus aujourd’hui qu’hier.
© Pierre Lurçat
Bernard Weill. Réflexions sur la “Lettre ouverte de Pierre Lurçat à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise”
L’ensemble de la lettreest très intéressant et je l’approuve totalement. J’ai deux remarques à formuler – qui, d’ailleurs, renforcent peut-être l’argumentation de Pierre Lurçat :
Cependant on remarque que la parole de Jésus est rapportée dans les évangiles en araméen et non en hébreu telle que Pierre Lurçat la cite.
Ainsi, il n’est pas certain que Jésus ait cité le Ps 22 sur la croix, mais la parole que deux des évangélistes lui attribuent est parfaitement cohérente avec la spiritualité juive et avec les invocations de Jésus au jardin des oliviers, avant son arrestation (Marc, 14, 35-39 ; Luc 22, 41-45 ; Matthieu 26, 39-44) : confiance en Dieu et fidélité absolues dans l’épreuve inexplicable.
Ainsi, Jésus est né juif ; il a vécu en Juif et est mort en Juif. Jésus n’était pas chrétien : ce sont ses disciples qui, à la lumière de sa Résurrection, ont fondé le christianisme (cf ma dernière intervention au Centre communautaire en 2018). Il n’est donc pas nécessaire de devenir chrétien pour être ébloui par les paroles et le comportement de Jésus au cours de sa passion.
Quand un Juif demande le baptême chrétien, je redoute toujours qu’il ou elle passe à côté de la vraie différence entre judaïsme et christianisme et que ce qu’il/elle admire en Jésus soit son judaïsme ! La vraie différence ne se situe ni dans le comportement de Jésus ni dans sa prédication, mais dans sa résurrection par laquelle Il s’est révélé Messie Fils de Dieu et Dieu Lui-même incarné en son Messie.
Je suis donc d’accord avec Pierre Lurçat pour inciter A. Finkielkraut à la prudence et à la réflexion avant de se convertir !
© Bernard Weill, Professeur de médecine. Docteur en Théologie de l’Institut Catholique de Paris
Juste pour lui, pour le mouvement de la Symphonie de Brahms, écouté presque tous les jours. F.
Par Bruno Bonnefoy 1 mars 2021
On trouvé ce devoir en ligne. C’est un devoir de prépa grandes écoles…Niveau suffisant pour discussions du week-end…F.
Dans cet article, nous nous penchons sur la pensée vanti-animaliste du philosophe contemporain Francis Wolff.
Quelques mots sur Wolff et son livre
Wolff, philosophe français contemporain, est professeur émérite à l’ENS. Il s’est intéressé à des sujets aussi divers que la philosophie antique, la musique ou encore la tauromachie à travers un ouvrage intitulé Philosophie de la corrida.
Nous allons présenter ici son livre 50 raisons de défendre la corrida, plus particulièrement les principales considérations qui touchent directement à l’éthique animale.
Le thème général de ces réflexions est le statut moral de l’animal en général, ou du taureau en particulier.
Wolff cherche à répondre à la question suivante : peut-on justifier moralement la corrida ?
Wolff répond par l’affirmative à cette question. Autrement dit, la corrida n’est pas moralement condamnable.
Le plan du texte
Nous nous concentrerons uniquement sur ses arguments pro-corrida de nature purement éthique, qui sont présentés dans l’Avant-Propos, l’Introduction et les trois premières parties du livre.
Dans l’Avant-propos et l’Introduction, Wolff propose deux arguments généraux contre l’animalisme : premièrement, il n’a pas de valeur morale objective parce qu’il est relatif à une sensibilité morale particulière ; secondement, la corrida n’est responsable que d’une part infinitésimale de la souffrance animale produite par l’homme.
Dans la première partie du livre, Wolff montre que l’idée que la corrida est un spectacle sadique est fausse. La souffrance et la mort du taureau sont certes des éléments du spectacle, mais ils n’en sont pas le but.
Dans la deuxième partie, Wolff combat les objections relatives à la souffrance du taureau. Selon lui, le taureau, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne souffre pas ou souffre peu pendant le combat, voire y prend un certain plaisir car il est dans sa nature de combattre.
La troisième partie consiste à réfuter l’idée que tous les vivants auraient un droit à la vie. En réalité, la logique de la vie elle-même implique la mort de certains vivants au profit des autres.
Dans l’Avant-propos du livre, Wolff présente deux choses importantes. La première est tout simplement la thèse qu’il va défendre, et qu’il formule avec ce qui peut être considéré comme un brin de provocation :
La corrida n’est pas seulement un spectacle magnifique. Elle n’est pas seulement excusable. On peut la défendre parce qu’elle est moralement bonne.
La deuxième information importante de cet Avant-propos est que la réflexion portera directement sur la moralité intrinsèque de la pratique de la corrida, et non sur ses éventuels bienfaits extrinsèques. Wolff argumentera pour prouver la valeur de la corrida en elle-même, et non la valeur de ses conséquences, comme par exemple ses retombées économiques :
Même s’il est vrai que la corrida, en Espagne, dans le Sud de la France ou en Amérique latine, induit des dizaines de milliers d’emplois directs ou indirects, et constitue une source importante de revenus pour l’État ou les collectivités locales, etc., cet argument ne vaut rien si la corrida est immorale
Dans son Introduction, Wolff présente un premier argument contre les militants anti-corrida : l’argument de la relativité de la sensibilité morale. Cet argument consiste à souligner que les sentiments qui poussent ces militants à réprouver la corrida sont dépourvus de valeur morale objective, à peu près comme les goûts ou dégoûts culinaires. On ne peut pas plus interdire pour tous la pratique de la corrida au motif qu’elle nous dégoûte personnellement, qu’on ne peut interdire pour tous la consommation du chocolat au motif qu’il nous dégoûte personnellement. Transformer sa propre sensibilité morale en sensibilité morale universelle est le geste fondamental de l’intolérance :
Une chose est de tirer les conséquences personnelles de sa sensibilité (ainsi, moi, je ne vais plus à la pêche), autre chose est de faire de sa propre sensibilité un standard absolu et de ses convictions le critère de la vérité. C’est la définition de l’intolérance.
Un deuxième argument présenté dès l’Introduction est l’argument de la hiérarchisation des souffrances animales : certes, la corrida cause certaines souffrances aux taureaux qui y sont utilisés, mais ces souffrances sont infiniment moins grandes que celles produites par d’autres formes d’exploitation animale, notamment celles qui ont cours dans l’industrie de la viande et dans le domaine de l’expérimentation scientifique. Un militant animaliste cohérent doit donc combattre ces dernières pratiques avant de s’attaquer à la corrida, qui n’est responsable que d’une toute petite partie de la quantité totale des souffrances animales provoquées par les hommes :
La corrida est le cadet des soucis des militants sérieux de la cause animale
Mais comment expliquer que les militants anti-corrida n’aient pas eux-mêmes perçu cette hiérarchie pourtant évidente ? Selon Wolff, c’est le caractère public et spectaculaire de la corrida qui explique qu’elle fasse l’objet d’une condamnation si disproportionnée. L’industrie de la viande produit certes beaucoup plus de souffrance chez les animaux, mais cette souffrance est cachée et suscite donc moins d’indignation :
L’objet des plus fortes émotions collectives est toujours irrationnel. Elles se portent moins volontiers aux grands malheurs réels qu’à des maux chimériques mais spectaculaires, dès lors qu’ils frappent l’imagination.
L’une des objections morales majeures à la corrida est de dire que, pour apprécier un spectacle qui consiste dans la torture et la mise à mort d’un taureau, il faut nécessairement être sadique, être habité par des tendances morales qui sont en elles-mêmes mauvaises.
Wolff ne nie pas qu’aimer le spectacle de la souffrance du taureau pour lui-même relève du sadisme. Son argument, ici, consiste au contraire à nier que le but de la corrida soit la souffrance et la mort du taureau.
Pour comprendre ce point, il faut distinguer les effets nécessaires de la corrida d’une part, et le but de la corrida d’autre part. Il est indéniable que, par définition, la corrida implique le combat et la mise à mort du taureau. Mais ce n’est pas pour autant le but de la corrida. Wolff fait ici une analogie avec la pêche : on ne pêche pas pour faire souffrir et tuer le poisson, quoique la pêche ait nécessairement pour effet de faire souffrir et de tuer le poisson :
La corrida n’est donc pas plus une torture que la pêche à la ligne : on pêche par défi, divertissement, passion, ou pour manger le poisson ; on torée les taureaux par défi, divertissement, passion, et on peut manger le taureau.
Un argument complémentaire, destiné à montrer également que la corrida n’est pas réductible à une forme de torture du taureau, est le suivant : la torture implique que l’individu torturé soit dans l’impossibilité de se défendre. Or, l’esprit même de la corrida exige au contraire que le taureau se défende et combatte, sans quoi le spectacle n’aurait aucun intérêt. Ce n’est pas le spectacle de la souffrance du taureau qui fait le plaisir de l’amateur de corrida, mais le spectacle du combat du taureau.
Admettons que la souffrance du taureau ne soit qu’un effet nécessaire de la corrida, et non son but. On peut néanmoins penser que cette souffrance est en soi un problème, et qu’une pratique qui la cause nécessairement est condamnable pour cette seule raison. C’est une objection évidente et forte à la corrida.
Wolff oppose plusieurs arguments à cette objection. Ces arguments visent tous à relativiser l’intensité de la souffrance du taureau.
Le premier est le suivant : d’après les études expérimentales d’un professeur espagnol de physiologie, Illera del Portal, le taureau, contrairement à ce qu’on pourrait penser, souffre plus du stress qu’il ressent durant les moments où il est transporté que des blessures qu’il reçoit durant le combat.
Le deuxième argument, toujours fondé sur les études d’Illera del Portal, consiste à dire que le taureau est un animal unique au monde en ce qu’il est naturellement adapté au combat. Cette adaptation physiologique a pour conséquence qu’en situation de combat, il ne sent même pas la douleur :
Cet animal, particulièrement adapté au combat, [a] des réactions hormonales uniques dans le monde animal face à la « douleur » (qui lui permettent de l’anesthésier presque immédiatement), notamment par la libération d’une grande quantité de bêta-endorphines (opiacé endogène qui est l’hormone chargée de bloquer les récepteurs de douleur)
Mieux encore, le taureau prend plaisir au combat. Ce qui serait une douleur pour un autre animal est ressenti chez lui comme un « stimulant au combat ».
Admettons maintenant que le taureau ne souffre pas, voire est excité par le combat. Un problème moral demeure : le combat est déloyal, parce que l’homme est plus puissant que le taureau. On sait tous déjà que le taureau va mourir.
Wolff ne nie pas ce dernier point. Sa réponse consiste à distinguer l’inégalité et la déloyauté. Un combat est inégal quand la puissance de l’un est supérieure à la puissance de l’autre. Mais le combat n’est déloyal que quand l’un des deux combattants est empêché d’employer toute sa puissance.
Dans la corrida, le combat est effectivement inégal, car l’homme est plus fort que le taureau. Mais le combat n’est pas déloyal, car, selon les exigences mêmes du spectacle, le taureau est en pleine possession de ses moyens d’attaque :
La démonstration de la supériorité des armes de l’homme sur celles de l’animal n’a de sens que si celles-ci (la corpulence ou les cornes) sont puissantes et n’ont pas été diminuées artificiellement. Telle est l’éthique tauromachique : un combat inégal mais loyal.
On pourrait admettre tout ce qui précède (le but de la corrida n’est pas la souffrance de l’animal, qui d’ailleurs ne souffre pas, et le combat est loyal), et pourtant juger que la corrida est immorale parce que l’homme n’a tout simplement pas le droit de tuer les animaux, car tous les êtres ont un droit à la vie.
Mais Wolff refuse l’idée que tous les êtres aient un droit à la vie. Ce droit est impossible à faire respecter, donc absurde. En effet, la logique même de la vie implique qu’un vivant doit se nourrir d’un autre vivant pour se perpétuer. Le respect universel du droit à la vie reviendrait en réalité à la mort de tous les vivants :
Proclamer que tous les vivants ont un droit à la vie est donc une absurdité, puisque, par définition, un animal ne peut vivre qu’au détriment du vivant.
Pour résumer :
Le sentiment d’indignation devant la corrida est relatif à une sensibilité morale particulière, et n’a donc aucune valeur morale objective. Vouloir interdire la corrida sur la base de ce seul sentiment relève donc de l’intolérance.
D’autres formes d’exploitation animale, comme l’industrie de la viande, produisent infiniment plus de souffrance animale que la corrida.
La corrida n’est pas un plaisir sadique : le but est avant tout de voir le taureau combattre, et non de le voir souffrir ou mourir.
D’ailleurs, le taureau ne souffre presque pas pendant le combat : il est physiologiquement doté de la capacité à s’auto-anesthésier.
Le combat est inégal, mais pas déloyal : le taureau dispose de toute sa puissance.
Enfin, il n’existe rien de tel qu’un droit de tous les êtres à la vie, qui interdirait de tuer le taureau. La mise à mort de certains vivants au profit d’autres vivants est la logique même de la vie.
NOS AUTRES ARTICLES ICI 😉
13 août 2020
Dans “Culture générale”
2 novembre 2022
Dans “Culture générale”
21 août 2019
Dans “Espagnol”
50 raisons de défendre la corridaanimalanimalismeCG 2021corridadroit à la vieéthique animaleFrancis WolffintoléranceMortphilosophie de la corridasadismesouffrancetaureauthème CG 2021wolff
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Tumblr E-mail
Article précédentLe café en Italie : ce qu’il faut savoir
Article suivant Quiz actualité – 22-28 février 2021
Bruno Bonnefoy
18 novembre 2022
15 novembre 2022
15 novembre 2022
Le livre à avoir sur le Monde !
Nos classements 2023 des prépas
Rejoins notre Discord
Le nouveau podcast géopolitique de Major-Prépa
Portail Prépa
Simulateur de notes BCE & ECRICOME
Nos engagements
Engagé pour l’égalité des chances aux concours, Major-Prépa est le seul site indépendant créé par des étudiants en école qui vous propose du contenu 100% gratuit et qui n’a rien à vous vendre ! 🙂
Un site du groupe média & tech 2Empower.
null
JE COLLE UNE COPIE DE LA PETITION CONTRE L’INTERDICTION DE LA CORRIDA. DOMMAGE QUE M N’AIT PAS ECRIT LE TEXTE. COMBATTRE LES PSEUDO-ECOLOGISTES EN SE PLANTANT DANS LA CONCURRENCE ECOLOGIQUE EST ASSEZ CRITIQUABLE. ON N’EN A RIEN A FAIRE QUE LA CORRIDA PERMETTE “LA FERTILISATION DES TERRES ET L’ABONDANCE DES VERS DE TERR”E OU QU’ELLE PARTICIPE A LA LUTTE CONTRE “LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE”. L’ARGUMENT DE LA COMPARAISON AVEC LES MILLIONS DE BETES A L’ABATTOIR EST DU NIVEAU DE L’ASSOCIATION TERRORISTE ANTISPECISTE L214. LE PROPOS SUR LA DEMOCRATIE EST COLL2GIEN. L’ESSENTIEL RESIDE DANS LE DRAME ET SON BALLET. DOMMAGE QUE M NE PUISSE PAS ECRIRE. DOMMAGE. F
LE TEXTE DE LA PETITION
Par Tribune collective
TRIBUNE COLLECTIVE – De nombreuses personnalités du monde de la culture, tels Christophe Barratier, Philippe Caubère, Agnès Jaoui, Françoise Nyssen, Jean Nouvel et Denis Podalydès, s’élèvent contre la proposition de loi visant à interdire la corrida en France.
Le député Aymeric Caron a déposé une proposition de loi visant à interdire en France la corrida, au nom du respect – légitime et indispensable – du bien-être animal.
Pour les régions méridionales françaises concernées, la disparition de la tauromachie signerait la fin de toute une écologie sur des territoires rares ou protégés (pâturages de l’Astarac gersois, prés et marais de la Camargue, de la Crau ou de l’embouchure de l’Aude, garrigues languedociennes). Le modèle d’élevage du taureau, extensif et respectueux, unique en France, produit les derniers représentants d’une race très ancienne, patiemment sélectionnée de génération en génération pour favoriser l’expression de ses instincts sauvages, dont la présence en semi-liberté sur des centaines d’hectares, par la fumure qu’elle répand sur de grandes étendues, sans saturer les sols, assure à la fois une fertilisation naturelle des terres et l’abondance de vers et d’insectes qui sont une ressource pour les oiseaux, offrant aux migrateurs des relais saisonniers indispensables à leur survie.
À lire aussi«La corrida ou le droit des peuples à conserver leurs traditions locales»
L’écosystème remarquable des élevages taurins extensifs, par les équilibres bioécologiques qu’il préserve, participe à la lutte contre le réchauffement climatique. La fin de ce type d’élevage supposerait bien sûr l’abattage complet des troupeaux, vaches reproductives comprises, puisqu’il n’y aurait plus de débouchés rentables, et laisserait ces terres marginales aux appétits immobiliers, ou à d’autres formes d’exploitation pouvant dégrader l’environnement. Elle ruinerait des économies domestiques et des vies fondées sur des modèles patrimoniaux, tuerait les fêtes populaires géantes de capitales régionales ou de petites villes, telles que Nîmes, Arles, Béziers, Céret, Vic-Fezensac, Dax, Mont-de-Marsan, Bayonne, etc., porterait atteinte à un art unique, une culture et une sociabilité particulières, favorables à l’intégration de jeunes gens issus de milieux modestes, qui par le biais d’écoles spécialisées, trouvent dans l’art tauromachique une voie de reconnaissance sociale.
Si pour certains la mort de l’animal scandalise dans la tauromachie, pour d’autres, elle est montrée et assumée, exécutée de façon noble et respectueuse sur un animal vénéré, par des humains qui prennent leurs responsabilités jusqu’à risquer leur vie dans l’épreuve, au lieu d’être déshumanisée et dissimulée par l’industrie alimentaire. La tauromachie s’inscrit à sa manière dans le sentiment animaliste largement partagé par les Français.En France, la tauromachie représente 800 taureaux de combats tués annuellement, contre 3 millions d’animaux d’élevages industriels mis à mort anonymement tous les jours dans les abattoirs
Contrairement à ce qu’on entend, elle n’est pas un spectacle sadique de la mort mais une liturgie rituelle qui inspire tous les arts autant que la philosophie et l’anthropologie. Ses racines culturelles et populaires sont incontestablement profondes et vivaces pour ceux, nombreux, qui la partagent. On peut ne pas apprécier une pratique ancienne ancrée dans la ruralité, penser qu’elle est condamnée autant que la nature à l’ère de l’anthropocène. Mais on peut aussi s’interroger sur les motifs réels de M. Caron et des antispécistes qu’il représente: pourquoi une niche culturelle devient-elle un enjeu national et ferait-elle l’objet de l’anathème collectif?
Dans notre pays, la tauromachie représente en effet 800 taureaux de combats tués annuellement, contre 3 millions d’animaux d’élevages industriels mis à mort anonymement tous les jours dans les abattoirs, et des dizaines de milliers d’animaux de compagnie abandonnés et euthanasiés chaque année.
À lire aussiCorrida: l’exécutif face à un clivage géographique et générationnel
Déclarer hors la loi en France un symbole, celui du modèle paysan noble et séculaire d’élevage et de consommation animale individuée, n’est-ce pas plutôt livrer le marché de l’alimentation mondiale aux industriels et aux pires spéculations? Un prochain eldorado financier qui signerait la fin des animaux domestiques élevés traditionnellement et une relation plurimillénaire: ce serait un vrai basculement de civilisation.
Faire interdire une pratique culturelle minoritaire par la majorité ne s’apparente en rien à la démocratie respectueuse des particularismes, mais à l’autoritarisme ; le respect de la diversité culturelle est inscrit dans notre Constitution française, et protégé par une convention de l’Unesco de 2005, ratifiée par la France. La République n’est pas l’intégration de tous dans un modèle unique, mais implique ce respect, comme celui des conventions internationales qu’elle a signées au nom du peuple français. C’est pourquoi nous, signataires de cet appel, demandons aux députés français de se prononcer fermement contre la proposition de loi présentée par M. Aymeric Caron.
Les personnalités signataires, qui soutiennent ce texte ouvert à tous et qui a recueilli 11.000 signatures:
Christophe BARRATIER, cinéaste ; Jean BENGUIGUI, comédien ; Marie-Laure BERNADAC, historienne de l’art, conservatrice générale honoraire du patrimoine ; Olivier BÉTOURNÉ, historien et éditeur ; Carmen BERNAND, anthropologue, professeur émérite Université Paris 10 ; Pierre BORDAGE, écrivain ; Sophie CALLE, artiste, auteur ; Michel CARDOZE, journaliste ; Marc CARO, cinéaste ; Simon CASAS, entrepreneur de spectacles, écrivain ; Philippe CAUBÈRE, auteur et metteur en scène ; Antoine COMPAGNON, de l’Académie française ; Patrick DE CAROLIS, maire d’Arles ; Florence DELAY, écrivain, membre de l’Académie française ; Hervé Di ROSA, artiste-peintre ; Jean-Pierre DIGARD, anthropologue, directeur d’études émérite CNRS, membre de l’Académie d’agriculture de France ; Jean-Pierre DIONNET, producteur, scénariste, journaliste, éditeur, animateur ; Jacques DURAND, journaliste, écrivain ; Alex DUTILH, producteur d’Open Jazz à France Musique ; Lucien GRUSS, écuyer, artiste de cirque ; Erik HASTA LUEGO, artiste équestre ; Jean-Baptiste JALABERT, directeur des arènes d’Arles et ancien matador ; Agnès JAOUI, comédienne réalisatrice ; Marie-José JUSTAMOND, fondatrice et présidente du Festival Les Sud à Arles ; MARIE SARA Lambert, ancienne rejoneadora, gérante de société ; Francis MARMANDE, professeur émérite de l’université Paris-Cité ; François MARTHOURET, comédien ; Marion MAZAURIC, éditrice ; Véra MICHALSKIHOFFMANN, éditrice ; Catherine MILLET, critique d’art, écrivain, directrice de la rédaction d’Art Press ; Alain MONTCOUQUIOL, écrivain ; Sophie NAULEAU, écrivain, directrice du printemps des poètes ; Jean NOUVEL, architecte ; Françoise NYSSEN, éditrice ; Ernest PIGNON-ERNEST, artiste peintre ; Denis PODALYDES, sociétaire de la Comédie-Française, metteur en scène, scénariste et écrivain ; Nicolas REY, écrivain ; Rudy RICCIOTTI, architecte, Grand Prix national de l’architecture ; Renaud RIPART, footballeur ; Frédéric SAUMADE, anthropologue, professeur d’université ; Francis SOLER, architecte, Grand Prix national d’architecture ; André VELTER, poète ; Claude VIALLAT, artiste peintre ; Léa VICENS, rejoneadora ; Marc VOINCHET, directeur de France Musique ; Francis WOLFF, philosophe, professeur émérite à l’École normale supérieure ; Vincent Bourg ZOCATO, journaliste, auteur ; François ZUMBIEHL, écrivain, docteur en anthropologie culturelle.
Ce soir, M ne peut écrire. C’est donc moi, F, qui revient. Vous savez.
S’il avait pu, il aurait écrit mille pages ici sur la corrida qu’on veut interdire.
Il serait allé chercher au fond de tous les écrits du monde, sous son front aussi (large et généreux), là où s’agglutinent délicieusement, dramatiquement, tous ses mots « exacts », comme il dit, pour dire, juste dire.
Mais il ne peut pas M, ce soir.
Moi, F, je ne sais pas dire, comme lui, la flamboyance.
Dans l’arène, Il m’avait pris la main à l’heure de l’estocade, il m’avait caressé le poignet au moment de la musique qui surgissait, lumineuse, dans le drame, pointant l’instant magique. Il m’avait aimé intensément à l’Imperator nîmois, pestant contre les murs de la chambre, tapissés de Soleiado.
M ne peut écrire ce soir. Mais lisez.
Gad, une affaire nationale
Les juifs célèbres font parler d’eux. Ici Gad Elmaleh, après Horvilleur et ses derniers errements sur l’identité. Il parait que dans les synagogues ou dans les restaurants Cacher, on ne parle que de ça, que de lui.
Gad ferait donc l’apologie du christianisme, annonce presque et complètement (on ne sait pas vraiment) sa conversion au catholicisme, la Vierge-Marie, qu’il porte au cou, en médaillon, trônant, par ailleurs, sur le marbre de ses cheminées. C’est, au demeurant, le sujet de son dernier film qui sort bientôt, entre docu et fiction. Et certains, persuadés d’une plaisanterie ou d’une arnaque, font le pari d’un coup de pub, un coup de buzz.
La conversion est un vaste sujet, un vrai. Statistiquement, elle va, évidemment, plus du judaïsme vers le catholicisme, au compte-gouttes, d’ailleurs, même si les chercheurs de drame, assez nombreux dans la communauté, en font une montagne.
En effet les juifs se convertissent peu au catholicisme. Ils n’ont pas été élevés dans la proximité de la foi intérieure et ont plutôt tendance à devenir non-pratiquants, ou juifs athées, sans embrasser une nouvelle religion de l’intériorité romantique, peut-être douloureuse pour l’âme, dont ils ne savent, réellement, que faire. Et lorsqu’un catholique se convertit au judaisme (chose encore plus rare), le sujet ne fait pas la une, même dans les milieux juifs puisqu’en majorité la conversion est “libérale” et que les orthodoxes rejettent le libéralisme, autant que le prosélytisme, toujours méfiants lorsque la mère n’est pas juive pour conférer le statut, l’état de juif.
Gad Elmaleh est, certainement, un homme intelligent, même si la recherche frénétique du bon mot et de la posture grimaçante, le lot des humoristes, le rend, souvent, assez lourdaud. Comme pouvait l’être Devos n’en déplaise aux prétendus puristes un peu snobs. En tous cas, Elmaleh n’est pas Guy Bedos, lequel tentait, sans peur du ridicule, de s’accrocher aux “gros titres qui faisaient la “une” de Libération, en faisant le malin avec la politique , pour ânonner des lapalissades primaires d’apprenti gauchiste sur le déclin. Mais, heureusement, il n’était pas juif et pouvait donc être pro-palestinien…
Elmaleh, lui, tente, dit-on, en forçant un peu le trait, de s’interroger sur «son être ». Même si, comme ses spectateurs, il ne sait pas lui- même s’il est sincère. Mais, dans ce dernier avatar, une carrière est en jeu, si l’on ose dire. Il doit trembler, soit de peur, soit de rire.
Gad (on va lui accorder ce crédit) navigue ainsi, sans stratégie de rez-de-chaussée, assez sincèrement, sans le savoir, en le sachant, entre les deux postures. Ne sachant où il se terre, convaincu de son affirmation, mais également persuadé d’un artifice scénique. Un placement dans l’entre-deux, qui est un suspens et, partant, encore théâtral, au-delà de la conviction Oui, Il fait semblant, tout en étant convaincu tant de sa sincérité que de sa perfidie. On peut dire ça, sans juger, ni évaluer.
Dans sa dernière virée, celle dans le christianisme, il est donc, nécessairement, sur scène, convaincu de la portée de son jeu.
Vierge-Marie et Bernardins
Gad Elmaleh, donc amoureux de la Vierge-Marie, donc converti au catholicisme, sans cependant frontalement l’annoncer, fréquente assidument le Collège des Bernardins, cercle de réflexion catholique de haute tenue. Ce qui, au demeurant, ne veut presque rien dire et, mieux encore, permet de flairer la combine puisqu’en effet ledit Collège comporte un Département “Judaisme et Christianisme” et qu’un juif peut s’y trouver, sans heurter la communauté hors celle des orthodoxes, pour participer au fameux dialogue constructif entre les deux religions.
On le cite (Entretien dans “Le Pèlerin” du 7 novembre)
En quelques mots, quel est le sujet du film dans lequel vous interprétez le rôle de Gad, votre double ?
Après trois années passées aux États-Unis, Gad revient en France et retrouve ses parents juifs sépharades, ainsi que ses amis. Secrètement, il vient aussi poursuivre un chemin spirituel au côté de la Vierge Marie...
Est-ce parce que vous vous sentez profondément ancré dans la tradition juive que vous êtes prêt à l’interroger ?
Si je n’avais pas été à la yeshivah (centre d’étude de la Torah, NDLR), si je n’avais pas pris des cours d’hébreu, étudié le Talmud et les psaumes que nous partageons avec les chrétiens, si je n’avais pas été juif pratiquant, je n’aurais pas été prêt à questionner ma propre tradition. Je n’aurais pas non plus été aussi sensible à la figure de Marie.
Elle vous touche depuis longtemps ?
Marie s’est présentée à moi lorsque j’étais enfant. Alors qu’on nous l’avait formellement interdit, ma sœur et moi sommes entrés dans l’église de Notre-Dame, à Casablanca. J’ai été ébloui par la statue de la Vierge au point d’éclater en sanglots. Je n’ai jamais oublié cet instant dont je tiens à témoigner. Depuis cette première rencontre, j’ai une véritable relation avec Marie qui m’accompagne et veille sur moi.
(…) c’est tellement bon d’avoir des personnes dans la vie qui vous disent: “ Je prie pour toi. ” Prier les uns pour les autres, je trouve ça génial. Les groupes de prière chrétiens c’est quelque chose de magnifique !
les juifs sauveurs dans l’ordre spirituel
SOS ! Les juifs sont ainsi montés au créneau. Les juifs tout court, les juifs athées et les juifs orthodoxes. Et toute la communauté s’envoie sur WhatsApp des messages sur ce sujet qui balaie tous les autres, y compris, évidemment, celui d’une guerre en Europe, même si l’on est persuadé que la Coupe du Monde de Football va remiser l’affaire dans les oubliettes médiatiques..
Les juifs tout court lui reprochent de “trahir” sa communauté, laquelle, parait-il, lui aurait offert un strapontin de choix pour asseoir sa gloire d’humoriste, en remplissant les salles et en bénissant sa notoriété qui participait, en passant, à celle des juifs en France. On sait que les juifs de France sont fiers des juifs de grande réputation et passent d’ailleurs beaucoup de leur temps à savoir qui est juif ou ne l’est pas dans les sphères adulées.
Le propos est assez curieux, il est même malsain. D’abord, on ne soutient pas un talent parce qu’il est juif. Et si les juifs “font” un juif parce qu’il est juif et que ce juif n’est pas reconnaissant en ne se montrant pas à la synagogue tous les jours, lesdits juifs n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes et à leur propension à admirer ou “faire” un juif parce qu’il est juif. On pourrait continuer sur ce thème, à profusion, Et rappeler que si la judéité, qui n’est pas le judaisme doit, impérativement, être défendue contre les loups gris de l’antisémitisme qui se terrent dans tous les interstices du monde, le statut de juif n’est pas, obligatoirement, concomitant du talent. Et que la recherche du “feuj” (par les feujs) sur les écrans ou les scènes, est assez harassante.
Mais ce n’est pas notre sujet ici. On ne veut s’intéresser qu’à la réaction des juifs orthodoxes (les juifs religieux qui fréquentent régulièrement la synagogue) et des “rav” (les rabbins qui sont, dans mon langage, des “rabbis” ou, mieux des “rabbins”) dont la réaction a été d’une violence inouïe, une association se créant même pour combattre l’infamie : SOS pour « Sauvetage d’Ordre Spirituel ! Et des “rav” hurlant sur WhatsApp que ce combat est central, vital, qu’il y va, sans rire, de la “survie” du peuple juif…
Ils s’en prennent donc, dans une langue primaire, soit à Gad, diable qui mérite son enfer, soit, encore, au christianisme, pour démontrer l’insanité de cette religion qui ose se substituer au judaisme dans la proposition spirituelle du monde. En convoquant le Texte (la Torah), sans possibilité de s’en abstraire, toute philosophie ou réflexion qui ne sortirait pas directement de la Bible étant rejetée (on sait que la religion juive se veut antinomique de la philosophie, laquelle ne peut, évidemment, être confondue avec le texte biblique).
Une critique violente du christianisme assez classique et vaine articulée autour, en gros, de “Jésus n’est pas le Messie, la vierge est une statue, le Chabat nous sauve, la chrétienté est une méchante religion d’idolâtres”. Bref du déjà-lu.
Je cite des extraits de cette « Lettre à Gad », de “SOS”, encensée par tous les « rav » parisiens qui considèrent que ce combat est crucial :
Jésus n’est pas le Messie : “Ceci dit, la principale divergence est sûrement qu’être chrétien implique intrinsèquement le fait de croire que Jésus est le messie annoncé par les prophètes juifs, or …Si aujourd’hui je ne crois pas en Jésus, c’est parce qu’il n’a rien, absolument rien réalisé des prophéties qui sont inscrites par dizaines dans la Bible hébraïque concernant explicitement le messie et les temps messianiques, qui sont …..”
Les statues de l’Eglise. “Si aujourd’hui je ne rentre pas dans une église, ce n’est pas par superstition, c’est parce que dans ces lieux, les chrétiens blasphèment mon Dieu, mon Dieu qui a créé l’univers, qui nous a créé, qui nous a sanctifié par le don de la Torah, qui nous fait subsister, qui nous comble de bienfaits chaque instant, en disant qu’il est un homme mortel, qu’on a reconstitué par de la pierre et du bois et devant qui ils se prosternent.
Si aujourd’hui je ne rentre pas dans une Église, c’est parce que mon Papa nous a répété et répété des centaines de fois, jusqu’à l’inscrire dans les 10 commandements qu’Il prend en horreur les idoles
L’amour de Hachem. “Si aujourd’hui je suis juif c’est parce que je vis une vraie histoire d’amour avec Hashem, je n’ai besoin d’aucun intermédiaire pour L’atteindre”
“Je n’ai besoin d’aucune statue pour mieux me l’imaginer ! Lui et moi, nous nous parlons, nous nous aimons, Il me fait grandir, Il me remplit de bonheur, Il m’aide à prendre les bons choix, c’est mon Dieu, mon confident, mon guérisseur, mon Papa adoré, l’Être pour qui je donnerais ma vie, sans Lequel je ne pourrais pas vivre et sans Lequel je serais vide de sens.“
la.vie morne et inutile sans chabat. “Si aujourd’hui je suis juif, c’est parce que je serais tellement malheureux qu’Il me retire mon souccot que j’attends toute l’année, mon Hanouka, mes tsitsit, mes tefilin, mon étude de la Torah que j’aime tant, mon Chabbat que j’attends toute la semaine, mon pessah, mon kippour, mon shema Israël, mes bénédictions après le repas et j’en passe… Je serai tellement malheureux et triste sans tout ça…Combien j’aime ta Loi! Tout le temps elle est l’objet de mes méditations“.
Je donne, ci-dessous, pour ceux qui aiment se son et la voix, tout le texte, audio et transcrit du “SOS”
Donc, une critique, dans la concurrence, du Christianisme.
Je pourrais, ici, m’arrêter et, simplement, marteler que ces “rav” qui ne savent pas écrire, dire, abstraire, distinguer foi et loi, philosopher, encore abstraire, réfléchir et sortir de la primarité sont des idiots. Cependant, je ne le dis pas.
Il faut lire ce qui suit pour être convaincu de l’intrusion de la bêtise dans le judaïsme qui mérite mieux que cette foire d’empoigne de cour de récré envahie par des rustres. Une “lettre ouverte au con“, d’un certain Lellouche, qui s’intronise grand spécialiste de l’insulte vulgaire, laquelle trouve sa source dans la guerre des religions instituée en combat de catch et de crachats. J’ai opéré des coupures, mais l’ambiance du texte est là.
“lettre ouverte à un con”
” Extraits de Lettre ouverte à un con, Gad ElAmalek (note : Amalek est l’archétype dans la Torah de l’ennemi du Peuple juif, sa descendance étant assimilée, entre autres, à Haman et ses fils, persécuteurs du Peuple Juif à l’époque d’Esther et Mardochée et plus tard à Hitler et ses nazis).
Gad, le con : Ce n’est pas une farce, pas une de tes clowneries, pas un de ces sketches que tu as honteusement plagiés chez d’autres… tu es simplement con.…
Nous ne sommes plus ta communauté et grand bien nous fasse, un con de moins.
Toujours le Con : ” Le con, En fait il se justifie et se venge de la Communauté juive qui a rejeté globalement qu’il ait assisté, dans une église de Monaco, au baptême catho de son fils et y avoir entraîné sa pauvre mère… son père garant lui de nos valeurs, ayant refusé de rentrer dans une église catho et pour un baptême non juif “
L’humour juif trahi : En fait pour résumer, c’est minable pour nous tous qui estimions un certain Gad Elmaleh et fiers qu’il représente notre humour juif ;
Mais ce n’est pas grave, juste un amour déçu, et un divorce sans aucun regret non pas “Reste” comme le titre de ton film, mais “Tu peux partir” Gad ElAmalek.
La Vierge-Marie : À présent je reviens à tes arguments de petit sans envergure, pour expliquer ta conversion (en deux mots) de renégat et je vais prendre des arguments bien plus factuels.…Le texte “de référence” dans la Torah, en hébreu, indique :
“et la jeune femme enfantera Emmanuel” Et la fausse traduction est devenue “et la jeune fille enfantera Emmanuel”.
Voilà pourquoi pour les Catholiques, mais plus du tout pour les Protestants, Marie se devait d’être “vierge”., la fameuse fausse “immaculée conception”.
2.Autre différence entre les Protestants et les Catholiques, eux respectant à la lettre le Commandements du décalogue de ne pas adorer, comme toi, ni de statues ni d’idoles surtout en un lieu de culte.Je vais mes permettre de rajouter, en mes tripes de Juif, que Myriam, devenue, par traduction, Marie, mère de Jésus, respectait évidemment les Lois juives et elle doit pleurer Là-Haut qu’on l’ait statufiée et adulée comme une idole, comme tu le fais !
Jésus le Juif : je vais également rajouter que Jésus qui pour nous n’a été qu’un Juif érudit, un révolté sans doute devant des excés, troublion des traditions mais surtout un rebelle des autorités romaines ;
Il a respecté, selon les Évangiles les Lois juives jusqu’à sa mort car et entre autres
” Plus sérieusement, je suis persuadé que fréquenter les églises me fortifie dans ma judéité”C’est quoi cette phrase d’un renégat prosélyte ? Je te traduis : “En vérité je vous le dis mes frères juifs : selon moi, Gad ElAmalek, allez dans une église pour vous sentir plus juifs“
Mais pour qui tu te prends ? Tu es fou ou simplement ignoble !
Bien sûr tu n’es pas fou.
J’en ai encore tellement à dire… Charly Chalom Lellouche
romantisme et légalisme
Il est dommage de constater que les stéréotypes demeurent et que, comme souvent, plutôt que de penser, éventuellement hors du Texte biblique, ce qui permettrait un débat, les juifs orthodoxes (comme, au demeurant les catholiques qui n’osent cependant plus depuis Vatican II), s’en tiennent à l’opprobre et au discrédit. Ce qui dévalorise la pensée juive qui a pourtant sur le sujet de vrais penseurs. Et de vrais mots, malheureusement enfouis sous la langue, on ne sait pourquoi.
Il nous semble, dès lors utile, avant de revenir sur l’affaire Elmaleh, et de la ramener à ce qu’elle est (le pas de côté d’un artiste) de rappeler quelques fondamentaux, qui peuvent, éventuellement, nous aider à comprendre.
D’abord la manière dont la pensée juive peut aborder le christianisme, dans son “romantisme” intérieur, sans effet, opposé à la pratique, à l‘observance de la Loi génératrice d’un monde futur en construction.
Martin Buber (1878-1965) tient Paul (Saint -Paul) pour responsable du christianisme de foi, qui remise la Loi hors du de la foi. Dans son livre (“Deux types de foi“, sous-titré “Foi juive et foi chrétienne“), il rappelle l’impossibilité pour Paul de l’accomplissement de la loi, à laquelle il faut substituer une foi soit dite de “connaissance” (orthodoxie) soit celle qui frôle le sentiment romantique. Sans place pour la pratique, périphérique. Un foi qui transforme le christianisme en pure intériorité, sans effet ni miroir sur le monde extérieur. Léo Baeck, un autre penseur voit effectivement le christianisme comme une religion romantique. Romantisme poussé à ses extrémités lorsque, méprisant le monde extérieur, il fait l’apologie de l’ascétisme, le sens ou le sensoriel, le corps étant dans l’ordre des expériences pécheresses.
La foi chrétienne est donc « romantique », presque extatique (on ne conçoit pas l’extase dans le judaisme même si le hassidisme flirte presque avec le concept, mais c’est u’e autre histoire) et, en tous cas, « passive ». Reçue, donc passive. Passivité (dans un don) clamée comme telle, même par la chrétienté. Une orthodoxie (connaissance de la foi, foi de la connaissance), sans mise en pratique, dans « l’intériorité de l’être », sans relation entre le porteur de foi et son environnement immédiat, son acte concret dans l’instant qui accompagne ou suit son extase permanente ou ponctuelle n’étant générée que par sa foi, qui suffit.
La foi juive , elle, est dans un tout autre champ. Elle conçoit la relation avec Dieu dans la pratique quotidienne, de tous les instants, dans tous les millièmes de secondes, un Dieu avec lequel il a une relation d’exclusivité puisque nouée par une alliance qui n’est pas intime mais collective. Un Dieu Présent, sans que ce juif n’ait besoin de « foi » passive et reçue. Une dialectique entre le faire et la certitude que Dieu transparait par elle. Il n’apparait pas, ne se “révèle pas dans une « foi » en suspens, qui serait détachée de la quotidienneté, de l’acte, du rite, de la pratique et la prière (au demeurant encore collective et rarement personnelle). Donc confiance dans le futur, certitude sans besoin d’un « coup de foi », si l’on ose dire, une religiosité simple ancrée dans le temps qui coule, sans arrêt poétique sur soi qui resterait avec soi.
Nul besoin donc de foi profonde et personnelle, intime pour “deviner” Dieu. Certains convoquent, néanmoins, la notion d’Emounah, en relation avec le futur qui est une relation d’espérance et de confiance qui certifie, sans passer par la foi intime, l’existence de Dieu. Le verbe « connaitre », chez les juifs a une valeur particulière : Emounah : il est impossible à l’homme juif de vivre sans rapport au futur. Il faut avoir l’assurance d’espérer, et c’est ce que donne la confiance en Dieu. Tel est le sens du mot “connaître” dans “Nous ferons et nous connaîtrons“.
Prééminence du faire sur le dire, de l’action, c’est-à-dire du rite, de la pratique sur la compréhension. Orthopraxie.
La foi chrétienne se situe hors de cette confiance-alliance-pratique, l’existence de Dieu (invisible) ne va pas de soi. Il ne peut exister que dans une vérité reçue. Croire en Dieu est un article de foi, une décision intérieure venant de l’on ne sait où (reçue), dans un moment crucial dans lequel la pratique et la confiance dans le futur, par l’alliance, n’ont pas leur place.
C’est d’ailleurs ce que les chrétiens, longtemps, et encore maintenant critiquent dans le judaisme, lequel serait un “légalisme”opposé à l’éthique chrétienne de “l’amour »
Le Dictionnaire de théologie catholique en 1909 dit à propos de « l’abus de la Loi » dans le judaïsme du temps de Jésus : « La pratique religieuse avait pris une forme presque exclusivement extérieure… Les scribes se contentaient d’observer la lettre sans se soucier de l’esprit. La justice légale leur suffi- sait à tel point qu’ils se donnaient plus de peine pour être extérieurement corrects par rapport à un détail insignifiant que pour réaliser la justice intérieure… Ce culte tout extérieur de la Loi a même créé des vices, tels que l’orgueil et l’hypocrisie… Leur fierté était d’autant plus grande qu’ils croyaient devenir ainsi les artisans de leur propre justice et les créanciers de Dieu ».
Donc, un Judaisme déconnecté d’une vie intérieure de relation avec Dieu, “Ancien testament” respecté, mais “caduc”. La seule observance que les chrétiens respectent est spirituelle, hors de la “littéralité sans compréhension” (les juifs ne feraient que lire sans comprendre, le chrétien atteint la connaissance de Dieu, par la foi.
Si l’on veut bien, on retiendra, à ce stade, l’idée de “romantisme” et “d’intériorité” qui peut nous permettre de revenir sur “l’affaire Elmaleh”, du nom d’un “artiste seul sur scène” (on commence déjà à comprendre).
Les voies de l’intériorité
On traduit Torah par Loi, mais la signification est plus ample : enseignement, chemin, comparée à une fiancée, à un joyau. Elle est “ce qui soutient le monde”.
Mais quid de l’intériorité dans le judaïsme ? Peut-on être romantique quand la pratique (dans le judaisme) concerne tous les détails de la vie et que la quotidienneté balaie, nécessairement l’arrêt (romantique) sur soi ?
Le conflit avec “l’intériorité chrétienne” est patent, même si le judaïsme convoque également la kavana, une attention personnelle, intérieure, qui “dirige le cœur et toute la personne vers le Père des cieux“. Kavana elle-même engendrée par la mise en pratique de la Torah : les actes que celle-ci ordonne “purifient le cœur”, comme le dit le philosophe juif Abraham Heschel (Dieu en quête de l’homme).
Rien à envier à la chrétienté dans l’intériorité, même si l’immédiateté du contact direct avec Dieu n’est pas aussi flagrante que dans le christianisme. La Loi est un moyen, un outil, autant qu’une fin en soi (la pratique est autant une fin en soi qu’un moyen de générer la possibilité d’une atteinte)
Dans l’Alliance, la relation entre Dieu et son peuple passe donc par la pratique qui n’est pas que pratique. Sauf que les rabbins rechignent, on y reviendra, à rappeler des évidences, pour en rester aux détails laborieux de l’observance sans “compréhension”.
la nécessité de l’artiste
On a donc tenté de comparer, sans insulter ou hiérarchiser, même si, évidemment, on ne peut s’en empêcher, subrepticement, sans volonté affichée, comme Gad. Il s’agissait, en réalité, de rappeler les différents concepts qui configurent les deux religions en concurrence dans les mots. Nul ne connaissant les espaces supérieurs, il ne peut, en effet, s’agir que d’un combat dans les mots, lesquels ont cependant la faculté potentielle de saisir l’immatériel et l’infini ou du moins d’accompagner une conviction.
Les deux religions n’en sont pas avares et l’une ne peut « dépasser l’autre ». Très gentiment, je dis ici qu’à l’inverse de ce qui se clame, les chrétiens sont les plus bavards, malgré l’invention monastique du silence. Et peut-être, malgré l’abondance du discours et le choix de mots fulgurants dans la nébuleuse théologique, plus “immédiats”. Il est, éventuellement, plus facile de s’extasier devant un sourire sculpté dans l’albâtre, d’adhérer à un message « d’amour » intérieur, de discourir abondamment sur la Trinité (Gad aurait, dit-il, du mal avec le concept) que de concevoir la construction d’une eschatologie par l’acte simple, quotidien, banal, dans la pratique religieuse.
Il me faut désormais écrire ce qui nous ramène à l’affaire Elmaleh.
A dire vrai, Elmaleh fait son malin d’artiste et il a raison. Pour ce faire, il ne peut passer que par l’écart d’abord, l’intériorité ensuite. Etilna besoin du support chrétien pour installer un discours artiste, nécessairement “intérieur”
Si l’on reprend les invariants du judaïsme et du christianisme, qu’on a tenu à rappeler, justement pour alimenter et construire une hypothèse, il parait évident que l’artiste, au surplus habitué de sa solitude sur scène, choisira, facilement, immédiatement, donc très facilement, le christianisme lorsqu’il s’agira de se confronter au Cosmos et à l’infini, pour tout dire à l’immatériel. Il préfèrera l’intériorité romantique, extatique, exacerbée, époustouflante, éclatante, à l’acte quotidien fait de contraintes sans poésie ni exclamation “théâtrale”.
Et, toujours sans provoquer, on peut affirmer que c’est la faute aux “rav”, en réalité aux tenants d’un judaïsme sans intellectualité, sans réflexion, qui a abandonné la poésie du monde aux autres, qui ne s’en tient qu’au Texte et ne laisse pas de place à la beauté affirmée des instants, lui préférant l’ordonnancement des pratiques souvent dénués de sens, déconnectées de la modernité et sans conceptualisation. Et pas, immédiatement comprises.
Gad Elmaleh a plongé dans le christianisme, faute de mots et de concepts juifs qui pouvaient le connecter à l’Univers. Car les mots du christianisme (l’amour, la prière de rencontre, la Trinité, le sang du Christ, la douleur du monde, la réflexion intérieure, la poésie s-du pêché original, les larmes encore de sang, l’individu dans son combat solitaire pour l’existence) sont autant de marchepieds aisés et confortables pour l’artiste qui ne peut se prendre que pour un artiste.
Le Collège des Bernardins, lieu de rencontres en clair-obscur, envahi par les images et l’art, investi par le silence poétique ne peut que convenir à l’artiste.
Dès lors, la conversion (?) de Gad n’est pas une surprise. Elle est presque programmée. Ce n’est ni une vengeance contre la critique des juifs qui n’ont pas supporté le baptême chrétien de son fils, pour des motifs étatiques (Monaco), ni une disjonction ou une trahison, mais, plus simplement, un destin de l’artiste auquel il manque des mots pour soutenir sa solitude, potentiellement inventée, pour justement se convaincre de son statut particulier qui ne peut qu’enlacer l’intériorité de son être.
Le judaïsme a besoin de conteurs, de poètes, de jongleurs des mots qui contribuent à ne pas faire s’éloigner de son champ les conteurs, les jongleurs de mots, les poètes.
Les “rav” devraient, plutôt que de s’énerver, revenir aux mots qui accrochent les âmes et les cœurs. Il en existe des milliers dans le Zohar, qui viendraient s’amonceler sous les fronts des artistes, d’un autre niveau que le sourire poétique d’une Vierge embellie par les vitraux d’une Église.
L’affaire Elmaleh ? romantica, “je suis romantica, c’est pour ça que je m’aime “. Dalida sourit…
Un clic sur le bouton “Télécharger” pour accéder au fichier pdf.
Vivre, pour une civilisation, c’est être capable de donner, et de recevoir et d’emprunter… Mais on reconnaît, non moins, une grande civilisation à ce qu’elle refuse parfois d’emprunter, à ce qu’elle s’oppose avec véhémence à certains alignements.
Fernand Braudel
Les alignements dont il doit être désormais question sont, évidemment, ceux des campus américains, l’immense danger actuel, presque le seul. Car il s’agit plus que d’une guerre.
Comment a -t-on pu devenir américains ? Nous, à la pensée si forte. La pensée française.
Les séries podcast de France Culture, à écouter, pendant ses insomnies, qui s’intitulent “comment ce film, ce livre, cette peinture a changé le monde sont assez remarquables, même si, au gré de son humeur ou de son histoire, on peut critiquer les choix. On les donne ici en format MP3 déjà téléchargés (sans consommation de data sur votre téléphone). On peut même les enregistrer sur votre appareil (appui long sur la bande audio/menu/enregistrer) Dans cette page, les films. Sur d’autres pages, les livres et les oeuvres d’art.
Remarquable émission de Finkielkraut, “répliques“, ce matin, avec Fabrice Lucchini qui vieillit magnifiquement et s’améliore d’heure en heure. Autour de la langue française et des fables de la Fontaine. Lucchini a même prédît à Finkielkraut sa future conversion au christianisme. Finkielkraut, sans s’offusquer, a fait l’éloge d’un mot de l’Évangile : “Dieu, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Lucchini n’est pas loin de la vérité.
Ce n’est pas la faute à Voltaire, comme on on dit mais à Pascal. Et à celle de Pierre Manent et sa “proposition chrétienne”.
Mais Finkielkraut s’en sortira par l’affirmation de son athéisme qui est une “langue au chat” ou un “tour qu’on passe” ou un “je passe” au Poker.
LE FICHIER AUDIO OU LE LIEN PODCAST POUR ÉCOUTER LE DUO FINKIELKRAUT/LUCCHINI
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/fabrice-luchini-le-confinement-4091878
LE LIEN POUR LE “REPLIQUES” AVEC PIERRE MANENT SUR PASCAL
Ou il est question de la nature du discours contemporain de l’Allemagne, du moins de sa frange wokiste qui confond l’intellectualité avec le combat “décolonial”, qui se fond dans une sorte de délice post-tout,, presque revanchard, non pas dans le déni (trop facile) mais dans l’universalisation (la cassure des hiérarchies dans les épouvantes, et ainsi celles qui configuraient la Shoah. En la relativisant, dans un paradoxe non perceptible. C’est ici, dans ce discours diffus, dangereux que se nouent les enjeux et les combats à mener. Nulle part ailleurs. Et s’agissant de judéité ou de juifs, certainement pas dans la religion qui n’a rien à dire ici. MB.
Liminaires du Figaro. On rappelle que la foire d’art contemporain Documenta, à Cassel, près de Francfort, qui ferme ses portes ce dimanche, aura été au cœur de la polémique de l’été en Allemagne. L’« œuvre » vidéo reprenant des slogans antisémites et une bannière représentant des Juifs avec des têtes de porcs, au nez crochu, et un cigare au coin des lèvres, a finalement été décrochée. Ce retour de contenus hostiles aux Juifs est lié à l’ouverture aux revendications mémorielles et politiques des « pays du Sud », anciennement colonisés, selon le sociologue germano- israélien Natan Sznaider, qui étudie la mutation de la mémoire de la Shoah. Son dernier livre, Fluchtpunkte der Erinnerung (chez Hanser, non traduit), a fait partie de la sélection finale du prestigieux prix Tractatus.
ENTRETIEN AVEC Natan SZNAIDER, sociologue germano-israélien. Le Figaro, 23/09
LE FIGARO. – Cette édition de la Documenta restera comme celle d’un scandale antisémite. Quel bilan tirez-vous de cet événement ?
Natan SZNAIDER. – J’en garde un goût amer. Cette édition fut le choc de deux mondes, confrontant la plus grande exposition d’art moderne en Europe à ce qu’on pourrait appeler le « Sud Global », cet art anticolonial aux revendications très politiques, de justice sociale et climatique, teintée d’anticapitalisme. Pour certains artistes, la critique à l’égard d’Israël s’est transformée en une critique à l’égard d’un projet de colonisation des Territoires palestiniens.
Vous reprochez à une certaine élite culturelle allemande de cautionner cette manière de penser ?
Oui, ces gens, qui se disent de gauche, affirment : nous sommes pour une justice globale et, sans être antisémites, nous faisons une critique de l’occupation israélienne. Et c’est précisément là que réside le problème. Comment peut-on convaincre des gens qui laissent exposer des motifs clairement antisémites, datés du Moyen Âge, à l’image des dents de vampire ? Eux pensent que ces motifs ne le sont pas. On se trouve là dans une situation absurde où il est difficile de dialoguer. Pour moi, c’est une forme d’anti-israélisme qui permet de s’arrimer, disons, à un milieu global et progressiste, ce que j’appelle un antiracisme antisémite. Les personnes de confession juive doivent y faire face, non seulement en Allemagne, mais aussi en France.
Comprenez-vous cette volonté d’élargir la focale sur l’histoire de l’Allemagne, en revisitant son histoire coloniale en Afrique ?
Il existe, bien sûr, des revendications très claires et légitimes pour que les crimes du colonialisme fassent l’objet d’un travail de recherche. Et l’Allemagne s’est lancée lentement dans ce travail de mémoire sur son propre passé colonial. Mais il y a aussi des recherches, influencées par le courant woke, qui visent à mettre l’Holocauste au même niveau que les crimes de la colonisation. Aimé Césaire, lui-même, a écrit dans son Discours sur le colonialisme, dès 1950, que les crimes commis par Hitler contre les Juifs étaient, en fait, l’une des continuités des crimes commis par les Européens contre les Noirs.
Un alignement que vous contestez…
En effet. Ce discours post-colonialiste et tiers- mondiste, qui arrive des États-Unis ou de France, veut que l’Allemagne ne se considère plus comme responsable vis-à-vis des Juifs, mais qu’il existe une sorte de responsabilité européenne vis-à-vis de tous les opprimés. Ce qui revient à universaliser l’extermination des Juifs d’Europe. Ainsi, une grande partie de la politique culturelle allemande entend « déprovincialiser », dans un certain sens, l’Allemagne. Elle veut en faire un pays plus international, presque transnational. Le Humboldt Forum, nouveau centre culturel, à Berlin, entend rivaliser ainsi avec le Louvre ou le British Museum ! Mais l’Holocauste a été un crime essentiellement allemand contre les Juifs, une particularité ne serait-ce que par sa dimension industrielle. Alors que s’estompe le souvenir de la culpabilité des grands-pères ou même des arrière-grands-pères dans le génocide des Juifs, des gens comme moi ou les représentants du Conseil central des Juifs en Allemagne viennent rappeler la Shoah.
La critique à l’égard d’Israël est-elle permise ?
Bien sûr qu’elle est permise. C’est tout à fait légitime. Cependant, la question n’est pas de critiquer l’exécution d’une certaine politique, mais de s’opposer clairement à l’exercice de toute souveraineté politique juive dans cette région. Je constate que le terme allemand « Israelkritik », qui définit ce mouvement, n’existe pas pour des pays comme la France, la Grande-Bretagne ou la Finlande. On n’utilise jamais le mot de « Frankreichkritik » par exemple.
Selon une enquête de l’institut Bertelsmann publiée début septembre, 49 % des Allemands interrogés estiment que l’on ne devrait plus autant parler de la persécution des Juifs. Qu’en pensez-vous ?
L’Allemagne est devenue beaucoup plus un pays d’immigration ces dix ou quinze dernières années. Les élites européennes veulent ainsi privilégier la dimension européenne de l’Allemagne, tandis que l’élite politique, à l’image de l’ancienne chancelière AngelaMerkel et/ou de l’actuel président Frank-Walter Steinmeier, a fait de la sécurité de l’État d’Israël une raison d’État allemande. C’est à l’aune de cette tension qu’il faut comprendre les résultats de l’étude Bertelsmann.
Comment vivez-vous cette tension en tant qu’Israélien travaillant en Allemagne ?
J’ai 67 ans et je suis né à Mannheim, comme fils de survivants de l’Holocauste qui ont perdu toute leur famille dans les camps. J’ai émigré à 20 ans en Israël, mais je reviens régulièrement pour des travaux de recherche à l’université de Munich. Ville où fut célébrée récemment la mémoire des athlètes israéliens assassinés lors des Jeux olympiques de 1972, qui furent, pour moi, un événement très marquant.
Pourquoi ?
J’avais alors ressenti la parfaite indifférence de mon entourage allemand face au sort de ces sportifs israéliens. On avait également l’impression que nous, Israéliens, ou même nous, Juifs, gênions le bon déroulement des Jeux ! Tout comme nous sommes maintenant des empêcheurs de tourner en rond avec la Documenta, en nous mettant en travers de la route de ce grand mouvement global. Tout juste si on ne nous accuse pas d’avoir gâché la fête des Allemands ! En fait, je vois la politique de la mémoire allemande comme un lavabo bouché. Quand on s’en occupe, des choses désagréables remontent à la surface. Mais il faut bien le faire.
Pour F, pour ses suites, amoureuse du noir et blanc
portfolio, defilement