Chic et obscur

Le titre ? un mot de Pierre Bourdieu que beaucoup, a tort, détestent en le rangeant dans la catégorie des sociologues terroristes ou diseurs “obscurs” (sic) de ce qui peut se dire plus clairement.

C’est pourtant lui qui à propos de Wittgenstein, philosophe très à la mode dans les années 90, très largement cité en bas de pages écrivait : « Wittgenstein a aujourd’hui un certain nombre de propriétés sociales qui lui confèrent une grande force d’attraction. C’est un auteur à la fois prestigieux et énigmatique, ou, mieux, chic et obscur (…). Le rapport de liberté et de rupture qu’il entretient avec la tradition philosophique et la forme aphoristique dans laquelle il s’exprime autorisent ou même encouragent à le traiter comme un auteur n’exigeant ni connaissances préalables ni conditions d’accès : c’est ainsi que des spécialistes en sciences sociales qui le citent ou s’en réclament peuvent trouver en lui le moyen d’échapper aux disciplines ingrates de leur discipline tout en se donnant à bon compte des airs de penseurs. ». Pierre Bourdieu, « Fieldwork in Philosophy », Choses dites, Éditions de Minuit, 1987.

Pourquoi donc revenir sur le sujet ? Simplement parce qu’aujourd’hui les penseurs chics et obscurs nous manquent : tous ne font que répéter, même pas savamment, même pas joliment, sans style, le réel confondu avec le prix du ticket de métro. L’on se souvient encore des bouquins de Michel Foucault, penseur chic pour certains, mais dont l’éblouissement dans l’écriture procurait, au-delà du contenu souvent opportun, la jouissance du lecteur. Le style journalistique est devenu la norme, comme d’ailleurs l’idée, passée dans le champ morne

Il nous faudrait du chic, de l’obscur. Ma fille, impolie, qui lit par dessus mon épaule ce que je suis en train d’écrire me souffle : obscur objet d’un désir ?

Je hausse les épaules et clique pour publier le post. Ce qui crée un peu d’obscurité sur mon écran dernier cri.

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