le dérapage d’Horvilleur

le sacerdoce pesant et la fatigue de DH.

L’écriture de cette pièce, c’est un geste de rébellion, lié à ma fonction rabbinique, son caractère pesant et parfois liberticide” Delphine Horvilleur. Libération, 2/10/2022, à propos de son monologue sur l’identité, mis en scène au théâtre, lu par Johanna Nizard.

J’ai failli titrer, pour mimer DH et son “il n’y a plus d’Ajar” : “Horvilleur, Agar de Gary. Par référence à Agar, un personnage biblique, servante égyptienne de Sarah, la femme d’Abraham. Sarah étant stérile, elle donne Agar à Abraham. De cette union naîtra Ismael. Dans ce qui suit, il est question de la dernière oeuvre de Delphine Horvilleur qui fabrique Abraham Ajar, fils du fictif “Emile Ajar”, pseudo de Romain Gary. J’ai failli ajouter que DH, servante de l’air du temps idéologique, enfante le pire. J’ai evité ce type de jeu de mots, passion triste des journalistes de Libération qui chercheront, encore le jour de leur mort un titre de “Une” de grande finesse, dans le détournement sémantique, pour graver sur leur tombe. Je veux ajouter que, dans ce billet, je ne prends aucun gant et revendique, comme DH, qui l’écrit apres moi, l’exagération. MB.

La rabbine

Toujours deux réactions, s’agissant de Delphine Horvilleur, “la rabbine” (je n’aime pas ce mot qui sonne mal. Serait-ce que je n’aime pas ce féminin ?) : soit dire qu’on “l’aime beaucoup”, soit dire qu’on ne l’aime pas. Jamais, le discours ne se construit sur une théorisation du monde, sur un concept, même futile. On est dans l’ordre des passions immédiates, celui qui traverse les convictions spontanées et incontrôlables, devant un personnage.

Les plus passionnés dans la détestation sont les juifs orthodoxes rustres, incultes et sans efficience, qui sont assez nombreux. Ils sont, ces orthodoxes, les idiots utiles de l’orthodoxie. Ils ont inventé le rabbinat mâle juif (presque du mâle blanc, dirait des étudiants de Baltimore). On ne peut, disent-ils, être “rabbine”, fonction dévolue (on ne sait où) aux hommes, si possible barbus. Le judaisme aurait ainsi imposé une division des tâches, même si évidemment, les exclamations sur le rôle éminemment primordial de la femme dans le foyer juif ou dans la reproduction du peuple sont toujours, hypocritement, stratégiquement, de mise. On connait par coeur.

Quant à ceux qui l’aiment ou l”adorent”, (“elle est formidable !”), ils ne sont pas en reste dans le déjà-dit et le prêt-à-penser, tant ils ne sont pas capables, eux non plus, d’expliquer et de sortir du réflexe non organisé, et passent, inexorablement, par la curieuse case “jolie-rabbine-intelligente-au top”, constitutive d’un pied-de-nez à l’idiote tradition et d’une glorification de l’égalité des sexes, enfin producteur d’un réel acceptable.

Les deux camps, dans leur exacerbation, se rejoignent puisqu’aussi bien leur appréciation, leur jugement s’articule, identiquement, autour d’une réaction spontanée, dans l’immédiateté qui ne fait que reproduire les champs du “discours de masse”, de la doxa si l’on veut. L’exception DH fait simplement jaser. Sans que l’on ne s’intéresse au lieu d’où elle parle, le religieux. A vrai dire, et c’est le paradoxe, c’est le sexe et, beaucoup, la beauté, comparée aux autres rabbins (et rabbines moins jolies) de DH qui efface la religiosité de la fonction. Ce n’est peut être pas le rabbin qui parle, mais une femme publique dont le corps, entier et mobile engloutit, la parole

Nous, on lui a pardonné la mise en scène d’elle-même. Jusqu’à aujourd’hui où on le regrette. On affirmait que cette intrusion dans l’intellectualité juive, même si elle se nourrissait de notoriété ravageuse, était assez salvatrice. Elle permettait, justement, eu égard à la spécificité de la fonction, par cette exception (la femme) qui la redoublait, une sortie de la religion textuelle. Un rabbin, une rabbine, pouvaient penser sans laisser le champ libre, dans les espaces de la judéité, à ceux qui, lissant avec pénétration leur barbe, yeux mi-clos ressassaient les interprétations intrinsèques du texte biblique, en prétendant innover, après avoir rejeté toute possibilité de philosophie juive (une pensée sur le monde), laquelle ne pouvait émerger, absorbée qu’elle était, par La Torah, l’Unique Texte, qui expulsait tout discours qui ne serait pas exégétique.

Puis, beaucoup de ses détracteurs, éloignés du discours religieux (à vrai dire assez périphérique s’agissant de DH, qui se revendique, impudiquement, “autrice”) considéraient qu’on ne l’écoutait que parce qu’elle était “rabbine de gauche” et que les colonnes de Télérama, Libération et les émissions de France Culture ou France Inter lui étaient largement ouvertes; qu’elle n’avait rien à dire, sinon que dire qu’elle était “rabbine” et ne faisait qu’accumuler des mots, comme les mauvais étudiants dans les années de Barthes ou de Foucault. On pouvait lui faire ce reproche. Mais lancé de la bouche de détracteurs qui se plaçaient exclusivement dans l’orthodoxie (pas de femme rabbin, pas de libéralisme dans le judaisme, je ne mêlais pas ma voix à ce qui n’était pensé.

DH est donc un phénomène, presque de foire (contemporaine) qu’on regarde ou qu’on écoute, comme un animal dans l’arène médiatique, étant ici observé que, beaucoup, parmi ceux qui la critiquent, sont souvent des jaloux de la notoriété, qui ne supportent pas qu’elle puisse occuper le devant de cette scène, pour activer un réel talent qu’ils rêvent de posséder.

Il fallait donc, en un temps, la défendre, contre les mufles, les rustres, même si la défense n’était que stratégique (contre la bêtise) et non de fond. Comme un juif qui n’a pas le droit de critiquer les juifs devant un antisémite. Et puis, j’avais aimé l’un de ses mots : elle répondait, il y a quelques années à la question suivante :  Est-il nécessaire de croire en Dieu ainsi : “La vérité est que non. Cela ne veut pas dire que Dieu est complètement sorti de l’équation. Ce que disent nos textes est que Dieu se moque de savoir si on croit en lui. C’est là où la pensée juive est très différente du christianisme ; elle n’est pas fondée sur la foi, vous pouvez croire ou non, ce n’est pas le problème de Dieu”.

Puis son dernier bouquin, qui contient un “monologue” destiné à être lu sur une scène de théâtre est paru. L’exclamation dithyrambique m’a amené à m’y intéresser. Sans aucun à-priori, même si son sous-titre “contre l’identité” pouvait m’interpeller, le combat contre l’identité étant toujours celui contre une pointe d’universel. Mais, ne la détestant pas, ne l’adorant pas, la défendant quand il faut la défendre, j’étais assez à l’aise quand je me suis attaqué, sur injonction, dans ce billet, à ce truc de théâtre que je n’aime pas (le théâtre, voir https://michelbeja.com/le-theatre-meme-pas-en-songe) Je craignais, néanmoins, le pire, s’agissant de Ajar, de Gary, d’identité. Je me suis dit que j’allais trouver dans cette contre-“identité” de quoi, sans que je ne le veuille, la vilipender, persuadé, déjà intuitivement, qu’elle trahissait un peuple en se mettant au service de ses boycotteurs. Je ne croyais cependant pas que j’allais être aussi violent dans cette attaque. Je n’avais pas encore tout lu. Et notamment pas ses entretiens à cette Presse ravie d’engranger dans ses troupes une nouvelle juive de service.

Ajar et Gary dans la tourmente

D.H vient donc de publier “IL N’Y A PAS DE AJAR. MONOLOGUE CONTRE L’IDENTITE” Ed Grasset. Le sujet ne pouvait me laisser indifférent (voir, par un clic, mon billet sur “le pseudo” (https://michelbeja.com/pseudo).

Formidable, formidable ! ai-je entendu à la parution de ce Ajar de DH.

J’ai donc lu, après avoir écouté DH, reçue par Nicolas de Morand, sur France-inter du matin, une radio que je m’empêche de juger, pour ne pas me laisser m’emporter, laquelle, semble t-il, est celle qu’écoute DH. Ce qui, déjà, est un signe.

Le youTube, ci-dessous (DH bouge très bien et son buste est exact) :

résumé

Et, pour ne pas, dans cette présentation, déjà arborer un ton de massacre, je livre, pour résumer le propos, la présentation de de l’éditeur Grasset :

L’étau des obsessions identitaires, des tribalismes d’exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l’idée d’un ” purement soi ” , et d’une affiliation ” authentique ” à la nation, l’ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d’après l’auteure, une clé d’émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n’existe pas… Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu’on n’est pas que ce que l’on dit qu’on est, qu’il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu’offre le texte de se glisser dans la peau d’un autre. J’ai imaginé à partir de lui un monologue contre l’identité, un seul-en-scène qui s’en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme…) affirme qu’il est Abraham Ajar, le fils d’Emile, rejeton d’une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre ” trou juif ” de La Vie devant soi : es-tu l’enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l’identité que tu prétends incarner ? En s’adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l’univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l’humour juif…

Puis, pour bien aller à l’abordage, je colle la première page de la préface de DH au monologue d’Abraham Ajar, fils fictif du fictif Emile :

préface

“Gary, mon dibbouk“, par Delphine Horvilleur

Avouez que c’est une drôle de coïncidence. Précisément l’année où je viens au monde, il commence à signer du nom de l’Autre. Comme par hasard, au moment même où un officier d’état civil écrit soigneusement mon nom dans un registre municipal et estampille ma déclaration de naissance, Romain Gary choisit, lui, de publier ses livres sous pseudo. Il s’invente à cette date un patronyme qui offre à sa carrière littéraire un virage dramatique, une renaissance.

En 1974, année des débats de la future loi Veil dans le gouvernement Chirac, et du Tigre dans l’horoscope chinois, Romain Gary s’autorise une interruption volontaire de bibliographie officielle. Il décide soudain de rugir sous un autre nom et se crée une identité littéraire qui fera couler beaucoup d’encre. 1974, c’est l’année où Gary brouille toutes les pistes et donne naissance à Émile Ajar. Je viens donc au monde au moment précis où Gary élargit le sien de toute une palette de possibles. Il écrit Gros-Câlin, La Vie devant soi, Pseudo et L’Angoisse du roi Salomon sous sa fausse identité, tout en continuant à publier simultanément sous sa première signature Clair de femme, Charge d’âme ou Les Cerfs-Volants…

Il rit de l’entourloupe ahurissante dont il a accouché. Il jubile, surtout lorsqu’il constate que les plus grands critiques littéraires de son temps n’y voient que du feu, et affirment qu’avec Ajar est né un vrai écrivain, une « grande plume », un auteur qui a tout de même autre chose à apporter au monde que la petite littérature « ringarde et surestimée » d’un Gary dépassé. À peine né, ce double littéraire lui rapporte un deuxième prix Goncourt, en plus de celui qu’il avait déjà gagné sous son premier nom d’auteur.

L’affaire Gary/Ajar devient la plus grande supercherie littéraire du xxe siècle. Voilà comment un homme se met à écrire simultanément sous un nom et sous un autre et signe là une stratégie de survie littéraire – ou de survie, tout court – un stratagème qui rendrait jaloux tous les désespérés de la terre : renaître de son vivant et déjouer le morbide qui vient toujours de la conscience d’être arrivé quelque part. Gary réussit ainsi à sortir de l’impasse existentielle dans laquelle tombe tout homme reconnu pour son œuvre. Il retrouve un avenir. Bien sûr, aucun canular n’est éternel. La mort rattrape les filouteries, comme les hommes qui les mettent au point.

Après quelques années, Romain Gary se donne la mort, sans avoir révélé au monde qu’il était cet Ajar – supposément plus « talentueux » que lui-même. Avant de mourir, il prend soin de laisser un document à publier à titre posthume : il y confesse son entourloupe mais insiste pour que la révélation ne soit pas immédiate. Il tient à mourir un peu avant son mensonge. De retour d’un déjeuner, il tire les rideaux de son appartement et une balle dans sa gorge. Nous sommes en 1980. J’ai alors à peine six ans. Au cours préparatoire, comme tous les gens de mon âge, je tiens entre mes doigts un stylo. J’apprends à lire et à écrire. Avouez que c’est troublant : c’est exactement à ce moment-là que Romain Gary se débrouille pour ne plus jamais pouvoir faire ni l’un ni l’autre… ni lire ni écrire, ni sous un nom ni sous un autre. Il se débrouille pour interrompre sa vie d’auteur et de lecteur, et pour qu’on ne puisse jamais, lui et moi, se rencontrer ailleurs que dans son œuvre.

Croyez-moi, je ne suis pas prête à lui pardonner ce timing. Pas prête à l’excuser de m’avoir posé un tel lapin, et à m’obliger à dialoguer avec lui exclusivement entre les lignes de ses livres ou des miens : quel égoïsme !

la blog- langue et l’anti-théorie

Dans un entretien France Info, dans lequel, DH, trop adroitement, exprime son “choc” devant son propre texte. Très chic cette surprise de soi.

Delphine Horvilleur : Oui, je l’ai écrit pour qu’il soit joué, car la question qui m’obsède depuis des décennies est celle de l’interprétation. Bien entendu, elle est le cœur de mon métier de rabbin, qui est d’interpréter les textes sacrés. Mais je n’avais jamais fait l’expérience de l’interprétation théâtrale. Grâce à Johanna Nizard, qui cosigne la mise en scène avec Arnaud Aldigé et incarne ce personnage d’Abraham Ajar, je découvre que le texte interprété a des résonances beaucoup plus vastes que mon intention d’autrice. Si bien que la première fois que j’ai vu le spectacle, j’étais interloquée : «Ce n’est pas moi qui ai écrit ça ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Qu’est-ce j’ai fumé ?» Alors que je l’ai tout de même relu, ce manuscrit ! Je l’ai confié à Grasset. Mais sur scène, il prenait une dimension de culot, qu’on appelle en hébreu la chutzpah, que je n’avais pas perçu pendant l’écriture. C’était un choc.

Je ne veux m’arrêter au titre (“lI n’y pas de Ajar”). Il s’agit, ici, de déceler d’où DH parle. Peut-être de nulle part hors les mots amassés, dans un style barthien. Mais je vais trop vite. Tout de même, comment, sans peur du ridicule, titrer de la sorte, par un jeu de mots qui fait assez honte à ceux que les juifs ont pu, disent les chroniqueurs, dans un tourbillon de désarroi, inventer. Le prétendu humour juif. Même si, au passage, à l’inverse de beaucoup, je ne peux croire au mythe absolu de “l’humour juif”, lequel, je le crois, n’est que mélancolie maîtrisée assez répandue dans les peuples, que peut, aisément, s’approprier un cosaque. L’humour juif n’existe pas, comme le bleu ou le noir et blanc n’existent pas. Autre sujet. Comme dirait DH, “M, ne te laisse pas embarquer !”

Ce jeu de mots sur Ajar et le hasard est assez mauvais, dans la mouvance d’un “Gare à Gary !” ou “Ajar, pas un roman de gare” J’affirme que ce type de titre, à la Libé, m’empêche dèja de lire la suite. J’ai même assez honte pour l’auteur, comme je peux l’être devant un mauvais acteur, qui sur une scène, joue à être acteur.

Le rabbinat n’est pas gage de talent, du moins dans l’écriture et la pensée, surtout celle sur l’identité, laquelle à l’inverse de l’idéologie dominante, n’est pas une tare et peut, justement configurer un peuple. Nul besoin de balivernes sur “l’Autre”, confondu idiotement avec un pseudo.Ni dans le texte, assez désuet dans la réflexion.

Delphine devrait prendre un pseudo. Mais elle ne vendrait pas. Son texte n’émerge que que de son statut.

Mais j’arrive à l’essentiel : “la pensée rabbine”. Car, en effet, ce qui intéresse se terre, exclusivement, dans la réponse à la question suivante : que peut nous dire un religieux sur le monde ?

Mais ne pouvant me résoudre à aborder frontalement le sujet de ce billet (DH devrait se reposer), je continue dans un détour : sur la “blog-langue”, disais -je. Il faut que je m’explique. Relisez cette dernière phrase. (Il faut que…). C’est, exactement ce dont il s’agit : une écriture qui ne s’empare pas du monde, pour lui tordre le cou ou le magnifier dans l’exclamation, mais la formule pour tourner autour de soi, dans une prétendue proximité de la franchise littéraire. Pour, un peu, imiter Céline, sans, évidemment, approcher son talent damné. Presque du “Charlie Hebdo” en vadrouille. “Relisez” (un verbe de blog-langue) la préface et vous comprendrez. “Avouez que”, “avouez que”, répété à l’envi, “je” suis une égotiste… C’est la blog-langue.

Alors, dira-t-on : soit. Et alors ? Simplement que cette manière d’écrire est à la mesure d’un vide qu’on veut combler. Je connais très exactement le subterfuge (conscient ou inconscient) puisqu’en effet j’en use ici et connais parfaitement les locutions qui sont collées, mécaniquement ou volontairement, dans un billet, pour remplir une absence de propos, une déshérence dans le creux. On a besoin de ces trous pour remonter et respirer dans les heures qui suivent dans un air moins convenu. Le seul problème, c’est quand on s’y arrête, immobile dans la posture, mots plantés dans la glaise, dans cette blog -langue, sans en sortir pour dire où tenter d’écrire une minuscule pensée qui n’est pas nombriliste, on nage dans le rien. Le style n’est pas sans sens, secondaire, anodin. Il révèle le fond. Musso n’est pas Garcia Marquez et Garcia Marquez pense plus juste que Musso (la littérature est, évidemment, une pensée)

Dès lors, lorsqu’on se meut dans cette langue, prétendument proche, amicale, presque complice du lecteur qu’on prend par une main tremblante de sincérité, on donne à lire ce qu’on est. DH, “dans une entourloupe”, écrit comme une collégienne, en laissant accroire qu’elle fait semblant de l’être, affirmant, sans l’écrire, qu’on peut la prendre comme telle. Son aveu par une écriture primaire, l’implantation dans son jeu d’écriture directe démontrerait qu’elle ne l’est pas, collégienne. Le seul problème (ici je deviens cruel), c’est qu’elle l’est, collégienne, en jouant à l’être. Et que le sujet “Gary-Ajar” mérite mieux qu’un style de blog du dimanche. Ou, pire, se transformer en prétexte sur “l’identité “, en confondant la manigance du pseudo avec une expulsion de soi ou de son être, qui serait salutaire, l’être en soi ou l’appartenance à un groupe étant fictifs, inexistants, factices. J’y reviendrai, s’agissant du point nodal de ce billet. Mais, ici je m’arrêté à la conviction de ce qu’il s’agit tant d’une bévue (la coincidence basique entre la non-identité et le pseudo ) que d’un méfait (l’utilisation de Gary, mal résumé, dans une admiration laborieuse, pour construire une autre “entourloupe”, pour dire comme elle).

Mais, dira-t-on encore, votre assassinat de l’écriture de DH est inutile, partial, diabolique, injuste. On peut prendre le style qu’on veut pour exprimer sa “pensée”. Votre injonction au classicisme de l’exposé théorique est totalitaire, du fascisme hideux qui se plante dans “le style”. Je réponds, “si vous permettez”: le badinage, dans le style d’un courrier de lecteurs, n’est peut-être pas compatible avec la réflexion théorique. Il faut oser le dire. La langue usuelle, verbale, prétendument claire, peut ne pas suffire, sauf pour asséner la banalité, à la mesure du verbe sain “de vérité,”, comme disent les escrocs de l’analyse. Et, puis, surtout, le style reflète le fond et fait émerger autre chose qu’un simple assemblage de mots et de locutions, qui s’agrippent, pour accrocher le lecteur, aux expressions-clefs, utilisées à profusion dans le discours à la mode (ici sur le thème de l’identité).

On ne va pas cependant s’arrêter à la blog-langue, même si elle “dit” beaucoup de DH. Il nous faut continuer pour arriver à notre centre qui est celui du propos, qu’à vrai dire, on a eu beaucoup de mal à discerner, à cerner plutôt : celui sur l’identité.

Horvilleur, l’écart dans son centre

Dans la blog-langue, j’aurais écrit “T’as pas honte, Delphine ?, t’as pas honte de faire ce coup à la judéité, toi la rabbine ?” Mais c’aurait été trop facile. C’est un mot de saltimbanque de Elkabbach à Marine Le Pen, il y a longtemps, celui de Lea Salome, un masque “libéré” de France-Inter à Marion Maréchal, c’est le mien à tous ceux qui ne donnent rien et prennent tout, le mot qu’on sort lorsqu’un humain s’éloigne, malgré tout, d’une obligation. Il était trop facile de le sortir ce mot à Delphine Horvilleur, tant il était vrai et central. Mais ce n’est qu’une formule que je voulais dépasser.

Alors, je ne l’ai pas écrit ce “t’as pas honte ?”. Mais je dis, très simplement, qu’Horvilleur est un creux, un vide, dans l’air sans fond de la frime. Frimeuse devant ceux qui sont pantois devant tant de culture, ceux qui se laissent avoir, Gary et Ajar et l’identité, quelle force ! Horvilleur, elle, sans concept, court après la notoriété. Ca l’ennuie, d’être rabbine, dit-elle presque. Elle a fait le tour. On a déjà tout dit la-dessus. Alors Horvilleur cherche à être une intellectuelle adulée des auditeurs de France Inter, les seuls à lire ses livres. Et comment intéresser sinon en provoquant avec un “merde à l’identité !”; Et surtout une posture de juif de service qui renie sa reproduction, fabriquée par l’identité, usurpée ici. Ce qui fait grand bien aux lecteurs de Libé et autres auditeurs de France Inter. Quand un juif ou une juive est de gauche et critique l’identité juive, il est de service pour les antisémites, pardon, les antisionistes, évidemment. L’identité israélienne doit être combattue et le discours de DH est un vrai appui. On comprend Libé et Télérama.

Mes mots à l’endroit de la rabbine sonnent comme des insultes. Ce sont des insultes, des mots. Je l’ai écrit : je l’ai défendue contre tous, notamment les orthodoxes qui l’attaquaient sur son sexe et sa périphérie. Mais s’il s’agit de se trémousser devant Nicolas de Morand, pour hurler, on ne sait pourquoi, sans même savoir conceptualiser (Horvilleur c’est un mot en vadrouille qui ne s’arrête pas, qui se tortille autour de mots sans assise) que l’identité doit être combattue, alors qu’il s’agit, au-delà de la religion, mais par la religion tout de même aussi, que le peuple juif (qui existe ou n’existe pas, ce n’est pas le problème) trouve le ciment de sa persévérance, dans son être et dans le temps, dans cette “identité”, alors “merde”, comme tu dis à tout bout de champ, Delphine, va faire ton cinéma sur les campus et ne te sers pas de ton statut particulier pour faire vendre de la soupe qui est exactement la même que celle qu’on trouve dans les rayons désordonnés et antisémites du supermarché contemporain, à base de mélange de riens dans le tout, pour faire tourner l’intersectionnalité qui démolit les noeuds vitaux, pour transformer un ordre potentiellement universel, de paix et de repos terrestre, en un magma, pour impétrants de Science Po, lecteurs de Télérama et transtouts !

Désolé, désolé du ton et de l’invective. Delphine Horvilleur ne dit rien, elle tente de dire, certaine de l’écoute, parce qu’elle est “rabinne”. Car, en effet, si elle n’était rabinne, que resterait-il d’elle ? Rien. Absolument rien. Cherchez dans ses écrits un concept travaillé, une idée géniale, une proposition philosophique vous n’en trouverez pas. Les orthodoxes, dans leurs sermons font mieux que cette bouillie. Elle est donc juste “rabinne”. Cherchez ce qui la rapproche de Gary dont elle estime qu’il est son auteur préféré ? Rien, aucune citation, aucune embrassade de l’oeuvre. Aimer Gary fait chic, juste “j’aime Gary”. Et le coup du pseudo (qui n’en est qu’un parmi mille) n’est qu’une supercherie de l’entourloupe, une confusion entre l’autre, même pas levinassien, et pseudonyme. Elle croit avoir inventé la notion de l’autre dans le Pseudo. Ridicule.

On est, ici, sur notre faim, lorsqu’on se relit. On se dit qu’on ne fait, plus haut, que vilipender, agresser DH. On laisse le clavier en suspens et on revient et on se redit que non, il n’est pas possible d’argumenter, de critiquer, comme on pourrait le faire devant un texte construit et structuré, persuadé que peut-être, on se trompe, qu’une vérité doit bien exister dans le texte de DH.

Et bien, non. Rien, juste du “merde à l’identité”. Sans conceptualisation, juste comme elle dit, après son bouquin sur les morts qui s’est vendu à profusion chez les endeuillés, il fallait (ses Mots, revenir à son travail “d’auteure”, on se demande lequel. En réalité son travail sur sa notoriété usurpée par le statut de rabinne. On continue.

jE COLLE, POUR ETRE COMPLET, UNE AUTRE CONTRIBUTION DE DH , SUR AKADEM

une pause : un tweet, retour de Rome

Vive moi ! nous dit-elle entre deux “monologues”

Son dernier tweet du 25/10

@rabbidelphineH

Retour d’un voyage à Rome avec le Pt de la République pour la conf Inter-religieuse Sant’Egidio. Vouloir que les responsables religieux ne « justifient jamais (…) des projets politiques qui viendraient à asservir ou nier la dignité de chaque individu »: belle idée. Vœux pieux ?

Ridicule et vide. Delphine à Rome, presque le titre d’un roman de Colette qui aurait vraiment, avec ses mots d’une délicieuse obscurité, une férocité adéquate, démoli DH.

Avec DH on accompagne la fonte de tous les glaciers éternels, les dérèglements idéologiques, la sacro-sainte dissolution des identités qui ne veut dire qu’un piétinement d’une histoire ou d’une ossature, DH est à bord, sur le grand navire qui détruit le monde, avec les wokistes, les indigénistes, les boycottistes, les franceinteristes, les libérationnistes. Fin de pause.

sur l’identité

Il nous faut continuer. Même s’il est dommage que DH ne nous offre pas la matière pour entrer dans une critique construite, ancrée dans cette dilution de l’identité (dont la juive) dans cette gélatine à la mode, au prétendu carré des existences multiples qui écrasent “l’obsession identitaire” :

D’abord un mot sur le parallèle que les médias se sont empressés de construire entre son “monologue sur l’identité” et celui de Paul Audi (voir Youtube ci-dessus), philosophe, un libanais de naissance qui se défait, librement, de toute sa “colle” identitaire sur son pays de naissance, enduite par tous les bien-pensants. Audi est un homme d’une intelligence fulgurante. Il se défait de ce dont il s’est détaché, sereinement, “sa libanitude”, dirait l’autre. C’est un chemin personnel qui n’a rien à voir avec DH qui défait un peuple, une identité religieuse, culturelle, de souvenir, de siècles, comme l’on voudra en la dissolvant dans les pelouses désormais bondées des campus américains. Il y a loin entre la réflexion et le désir de paraitre (avec le Président de la République) qui passe par l’écrasement de la saine identité, celle de tous. Dans un peuple, dans une nation, dans une région, dans soi-même, peut-être, mais sur la pointe des pieds, silencieusement.

On cite France Culture : “Il n’y a pas de Ajar” : pour Delphine Horvilleur, Romain Gary est “une clé pour nous aider à traverser ces temps d’obsessions identitaires”

L'écrivain Delphine Horvilleur photographiée pendant le premier congrès "Les femmes et le judaïsme" à Troyes le 17 juin 2017 (BERTRAND GUAY / AFP)que Gary, ou Ajar, détient une clé pour nous aider à traverser ces temps d’obsessions identitaires”, poursuit-elle.

Il faudrait être aveugle pour ne pas percevoir combien, depuis quelques années, il y a de gens autour de nous obsédés par leur identité…, tout en étant incapable de la définir, mais qui la lient à quelque chose de leur origine, de leur naissance, de leur ethnie, de leur ‘race’, de leur genre, de leur ressenti.”Delphine Horvilleur

“Ces assignations identitaires nous enferment et nous assassinent littéralement !” affirme-t-elle.

“Il a quelques années, je m’étais dit qu’il faudrait créer une journée nationale, à l’image de la Pâque juive ou des Pâques chrétiennes, une Fête du ‘pas que’, où on se rappellerait qu’on n’est pas qu’une chose. C’est parti d’une blague mais c’est parce que je constatais – beaucoup après les attentats de 2015 – que lorsque j’étais interrogée, je n’était plus que ‘juive'”, explique-t-elle.

L’oeuvre de Gary permet donc “de revisiter les éléments de millefeuille de nos identités” et de “tout ce qu’on pourrait encore être”, dit-elle.

“L’écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L’identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité.”Delphine Horvilleur

Commentaires : encore de l’écriture de “rédac de 3ème”. Qui n’est “pas que” ? Qui ne veut être enfermé dans le regard des autres ? Qui n’a pas plusieurs identités, à part celle, centrale, qui peut le sauver (comme le juif par exemple, qui l’a sauvé de l’effacement de la surface terrestre +, Ces “propositions sont adolescentes, sans intérêt, de la bouillie de chat pour lecteurs de Télérama ou plutôt de Paris-Match, niveau courrier des lecteurs. Comment peut-on encore écrire de telles fadaises sans rougir de son impossibilité d’une théorisation. Il est vrai que le théâtre, lorsqu’il n’est pas shakespearien, peut se le permettre, le jeu des acteurs absorbant la que-alité du verbe.

La seule chose vraie dans ce précède : la lucidité sur la “fiction de soi” : DGH s’invente “autrice” (auteure sonne mieux), Une fiction de soi.

Enfin, quelle identité serait “figée” ? Aucune, à part celle d’une rabbine, fatiguée qui voudrait se réinventer et qui le fait sur le dos de tout un peuple qui a pu survivre, y compris par ses rabbins qui ne se sont pas enfuis, un jour de déprime, dans les collines de l’absurde ou de l’impiété (cj infra, le mot de Finkielkraut sur Delphine)

Poiur être complet, je colle ci-dessous le YouR_Tube de l’émission de France Culture “Book club” dans laquelle DH s’exprime.

le moteur du “too much” , la fierté d’être une “sale gosse”

Libération :DELPHINE HORVILLEUR ET JOHANNA NIZARD «On ne grandit que dans la transgression, dans la bordure» 3 octobre 2022

Rencontre avec la rabbin et la comédienne qui interprète sur scène «Il n’y a pas de Ajar», écrit par la première. Un spectacle excessif et iconoclaste qui a permis à son autrice de se détacher de sa fonction religieuse.

D.H. : C’est la première fois que j’écris un texte dont je ne suis pas la narratrice. Abraham n’est pas tout à fait moi, il outrepasse mes pensées. S’il s’était agi d’adapter au théâtre En tenue d’Eve ou pourquoi pas un sermon, je pourrais donner une conférence ! Le personnage Abraham est dans une colère dans laquelle je ne suis pas, il exagère.

Y a-t-il une vertu de l’exagération ?

D.H. : Cette semaine, j’ai témoigné en appel au procès de Charlie Hebdo sur la fonction de la caricature, la différence entre le blasphème et la profanation. Je pense qu’on ne grandit que dans la transgression, dans la bordure, dans le too much. Jamais dans la mesure.

D.H. : L’écriture de cette pièce, c’est un geste de rébellion, lié à ma fonction rabbinique, son caractère pesant et parfois liberticide. Je l’ai écrit en réaction au succès de Vivre avec nos morts. J’ai une reconnaissance immense à l’égard des lecteurs qui m’ont expliqué combien ce livre les avait aidés. C’était bouleversant. Ce grand placard dans mon salon est rempli de cartons de courriers, des lettres de trente pages, avec des photos des morts de ceux qui m’écrivent, des récits dont je suis parfois la seule dépositaire. Vivre avec nos morts a permis à beaucoup de parler de leurs morts et leurs deuils. Mais, avec Il n’y a pas de Ajar, j’ai éprouvé le besoin de hurler : je ne suis pas que cette grande prêtresse de l’au-delà. Je suis aussi une adolescente, une sale gosse. Je ne suis pas coincée dans ma fonction rabbinique, cléricale, sacerdotale et je peux aussi écrire d’énormes bêtises. Il fallait que j’écrive quelque chose d’iconoclaste, comme mon personnage Abraham. Evidemment il va trop loin lorsqu’il dit : «On doit tant… à l’Allemagne.» Mais je connais des anciens déportés amis de mes grands-parents qui pourraient faire des blagues de très mauvais goût comme lui.

Certains passages d’Il n’y a pas de Ajar ne sont audibles que parce qu’ils sont signés par vous. S’ils étaient dits par Dieudonné, par exemple, ils ne passeraient pas…”

D.H. : Oui, bien sûr, certains éléments ne tiennent que parce qu’ils sont portés par moi. Quand quelqu’un dit : «Merde à toute croyance», ça a plus d’intérêt s’il est rabbin que journaliste de Charlie Hebdo. La lutte contre les identités assignées consiste toujours à casser ce qu’on attend de vous.

Votre Abraham énonce également une phrase que vous pourriez reprendre à votre compte : «Je me suis débarrassé de cette idée morbide qu’il y aurait une possibilité d’être vraiment soi.» A contrario du souvent cité «Deviens ce que tu es» de Pindare ?

D.H. : C’est plutôt un pied de nez aux obsessions actuelles : c’est quand même incroyable le nombre de gens qui se laissent définir par un unique élément. Ils sont entièrement végan, catho, juif, gay ! J’ai au contraire le sentiment que nos identités ne se laissent jamais boucler. Récemment, on m’a demandé de répondre du tac au tac à ce que ce serait mon dernier mot le jour de mon dernier souffle. Je me suis surprise à prononcer un peu euphonique et très sonore : «Et.» Et effectivement, j’adorerais terminer ma vie dans une conversation sans point final, avec l’idée qu’on n’en a jamais fini de se définir, qu’on est toujours, «pas que ça», pas qu’ashkénaze, pas que rabbin.

Sauriez-vous dater l’arrivée de cette obsession identitaire ?

D.H. : Je n’y parviens pas. Je suis née dans les années 70, j’ai grandi en France. Il me semble que dans les années 80, personne n’a jamais parlé de moi en disant : «Elle est membre de la communauté juive.» Qu’est-ce qui s’est passé ? Avant j’étais comme tout un chacun, une multitude, et à partir d’un moment, le «nous» s’est invité partout : «Nous, les gays», «nous, les juifs», «nous, les femmes». Est-ce une importation du modèle communautariste américain ? Jacques Derrida disait que chaque fois qu’on disait «nous», c’était un abus de langage car on incluait de force quelqu’un qui ne vous a rien demandé mais à qui on parle en son nom.

Recevez-vous une pluie de critiques pour ce spectacle ?

D.H. : Cela viendra. J’avais un peu peur car pas mal de gens pour qui je suis «le rabbin» sont venus voir le spectacle. Le texte a évolué au gré de l’actualité, et il doit encore bouger. Puisque la clé du texte est d’être le reflet d’un inconscient qui continue d’être modelé, il important que lui-même puisse sans cesse accueillir des éléments nouveaux, des débats contemporains… J’aime la métamorphose. Et aussi que par moments, Abraham me dérange. Car je pense que l’inconfort est salutaire.

Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur, m.s. Arnaud Aldigé et Johanna Nizard, avec Johanna Nizard, aux Plateaux sauvages (75020) jusqu’au 7 octobre. Anne Diatkine

détournement

Je reviens et retiens une mauvaise foi absolue et une mise en scène de soi assez sidérante. Le besoin d’exister de DH balaie tous devant elle, y compris ce qu’elle prétend être (un rabbin). Elle le regrette un peu, tant le trait “contemporain” est forcé. Soit elle boit trop, ce que je ne crois pas. Soit elle a disjoncté et en a marre d’être rabbine, comme elle le dit (rabninat pesant et liberticide, a-t-elle précisé).

Mais dans tous les cas, elle nous prend pour des zozos qui peuvent avaler toutes les couleuvres de l’univers. Elle ose nous dire qu’elle combat l’identité (un comble pour un juif religieux) au nom de l’hyper-identité qui emplit l’espace idéologique. Elle invente sa justification par le”pas que” alors que justement, dans l’idéologie contemporaine, on prétend combattre, justement, la notion d’identité formelle, concentrée sur l’histoire, contre son monologue universel qui empêche la convergence (intersectionnelle). Ce n’est pas le “pas que” qui est combattu mais le “vous devez”. Dès lors, DH se trouve exactement dans le même créneau que ceux qu’elle pré rend combattre. Ceux qui hurlent contre l’identité. Le discours de DH, pour se démarquer, est de mauvaise foi. Elle est dans le wokisme, contre la reproduction qui peut passer par l’identité. Surtout s’agissant de la judéité. Et sur ce point je laisse la parole à AF.

En effet, plutôt que de mal dire, je laisse Finkielkraut dire, à propos de DH. Il dit, mieux que moi, dans un dialogue avec Pierre Manent, fabuleux présentateur de Pascal que :

Finkielkraut

A. F. – En effet, je n’ai pas été élevé dans la tradition, je ne suis pas non plus juif de culture. Je ne connais que quelques bribes du yiddish, qui était la langue maternelle de mon père. Mais il va de soi que je suis juif. Levinas dit : « Le recours de l’antisémitisme hitlérien au mythe racial a rappelé aux juifs l’irrémissibilité de leur être. » Je suis juif par l’avant-bras tatoué de mon père mais je sais aussi qu’on n’est pas déporté de génération en génération. La condition de victime, si recherchée aujourd’hui, n’est pas héréditaire. J’essaye donc de ne pas me raconter d’histoires, je ne me prends pas pour un persécuté, mais je garde les yeux ouverts. Je suis attentif aux métamorphoses de l’antisémitisme. Je constate son passage de l’extrême droite, où il subsiste à titre résiduel, à l’extrême gauche, où il se répand par électoralisme, par clientélisme, pour attirer le nouveau peuple. Je constate aussi son changement de langage. L’antisémitisme n’est plus une modalité du racisme, mais une modalité de l’antiracisme. Israël, État d’apartheid, État judéo-nazi, dit-on dans les cercles de l’ultragauche. J’observe aussi avec anxiété l’incompatibilité qui se fait jour entre l’hypermodernité et la persévérance juive, l’obstination juive. Ce que le christianisme a appelé longtemps l’endurcissement juif.

Je me souviens d’un article du Débat de Tony Judt en 2004 où il disait : « Dans le monde du mélange, où les obstacles à la communication sont presque effondrés, où nous sommes toujours plus nombreux à avoir des identités multiples, des identités électives, Israël est un véritable anachronisme. » Ce mot m’a fait sursauter. Il actualise le vieux réquisitoire, développé également, il faut le dire, par Pascal, contre le juif charnel, le juif de génération en génération.

Ce réquisitoire, je le retrouve, à ma grande stupéfaction, dans des propos et dans le dernier livre de Delphine Horvilleur : Il n’y a pas de Ajar. Le héros de ce monologue, fils putatif du pseudo de Romain Gary, n’y va pas avec le dos de la cuiller : « Merde à l’identité, merde à l’engendrement », dit-il. Et il fustige les appartenances, il s’appuie sur Abraham pour rompre avec la filiation. Delphine Horvilleur invente un judaïsme tout entier dressé contre le destin juif. Elle réussit le prodige de judaïser le procès du juif charnel. C’est pour moi une imposture, et même une impiété. T

Tendre à l’hypermodernité, en guise de judaïsme, un miroir où elle rit de se voir si mélangée, ce tour de force me met hors de moi. À l’opposé de cet enrôlement de la foi de nos pères au service de l’air du temps, Raymond Aron écrit, dans Le Spectateur engagé : « Aujourd’hui, je justifie, en quelque sorte, mon attachement au judaïsme par la fidélité à mes racines. Si, par extraordinaire, je devais apparaître devant mon grand-père qui vivait à Aubervilliers, encore fidèle à la tradition, je voudrais devant lui ne pas avoir honte. Je voudrais lui donner le sentiment que, n’étant plus juif comme il l’était, je suis resté d’une manière fidèle. Comme je l’ai écrit plusieurs fois, je n’aime pas arracher mes racines, ce n’est pas très philosophique peut-être mais on s’arrange avec ses sentiments et ses idées le moins mal qu’on peut. » En effet, ce n’est pas philosophique mais c’est peut-être en un certain sens religieux. Je ne vis pas, pour ma part, sous le regard de Dieu, mais je vis sous le regard des morts, de certains morts, qui ne sont pas toujours juifs, d’ailleurs, et j’essaie de m’en montrer digne.”

impiété hypermoderne ?

UNE IMPIÉTÉ : il va plus fort que moi, AF. Il a raison. Car,.en réalité, DH, en prétendant lutter contre l’identité, se fait le héraut de la multiplicité des identités, comme les wokistes. C’est ici que la duplicité s’installe et que DH qui n’a rien d’autre à dire qu’elle même, rabbine de luxe, pour juifs des beaux quartiers, peureux d’être athées, fait “juste” l’intéressante, en regrettant de ne pas avoir l’aura ou la plume de Rosa Luxembourg ou, encore le rayonnement de Lou Salomé.

DH est devenue, dans sa soif de paraître, notre petite Nietzsche de quartier. Je l’entends se dire : “Rabbine, trop rabbine, il me faut devenir ma star. Je compte sur Libé, France Inter et les libéraux, pour me hisser au rang des incontournables, accompagner notre Président jusque dans la Lune brumeuse, faire la Une de tout, prête à dire le Rien. Je suis Delphine, celle qui côtoie Dieu, non pour le glorifier, mais parce que je le mérite, moi hyper-douée de l’esbroufe”

PS. Je n’ai jamais été aussi critique, sans même argumenter plus encore. Je comptais le faire, revenir sur l’identité, les façonnages, les interstices et la nodalité. Puis, je me suis dit que c’était faire trop d’honneur au vide. J’en suis donc resté aux mots. Comme DH. Désolé.

J’ajoute que DH sait parfaitement qu’elle s’est fourvoyée, en l’avouant, pour faire l’interessante, un peu fatiguée. Je suis persuadé que dans quelques mois, elle sortira un bouquin au titre joyeux, du style “Sœur de Moïse”, en racontant, qu’en réalité, c’est elle qui est entrée sur la terre promise, au grand dam de son frère. Que parmi les élus, Dieu l’avait choisie. Pour son sens incommensurable du Théâtre. Il en fallait pour l’avenir du monde. Elle pourra également,.dans son prochain ouvrage nous dire ce qu’elle a pu changer dans le texte d’Abraham Ajar après les premières représentations. Décalogue des identités ?

la bévue

En réalité, Delphine Horvilleur, à force de dire et dire, de parler et parler, sans s’arrêter, ne s’est pas donnée une peine essentielle : definir l’dentité et différencier son emploi sémantique.

Car, en effet, d’un côté, elle identifie l’identité à ce nouveau mouvement de revendication de soi, noir, gay, transgenre, et tutti quanti, en prétendant, pour donner bonne figure à ses détracteurs, sans avoir avant la production de son texte, imaginé qu’on puisse la ranger dans le wokisme, qu’elle ne comprend pas ce mouvement pluridentitaire ( “Ils sont entièrement végan, catho, juif, gay ! J’ai au contraire le sentiment que nos identités ne se laissent jamais boucler”, dit-elle plus -haut dans son entretien).

Cependant, il y a loin entre l’individu, son être ou son devenir qu’il peut, malgré les outrances générées par les idéologues de service et un peuple, une histoire. Ne pas confonde l’identité française, l’identité juive, l’identité noire ou indienne avec la multiplication des “soi”, du “je”.

Justement, comme elle dit, sans en tirer les conséquences logiques, on n’est pas “que, mais on est “aussi ça ou ça”.

C’est cette confusion entre l’identité individuelle et celle d’une communauté qui provoque la bévue et la colère de Finkielkraut (et la mienne).

Comment peut-on ne pas faire une différence entre un juif et un gay ? (cf supra). Il y a, évidemment des juifs gays et le gau n’est pas “que” et le juif n’est “pas que”.

C’est dans l’outrance et l’exacerbation des devenirs et des êtres que la confusion s’installe entre un statut fédérateur et une identité personnelle, évidemment à protéger, sauf si elle remet en question les universels. Mais c’est une toute autre question.

Dans le déferlement des identités, il y a d’abord le mot. Et l’absence de réflexion. On est certain qu’Horvilleur défend l’identité juive même si elle la dit -“entre-deux”, pour faire l’intellectuelle, alors qu’il ne s’agit que d’une potentielle définition. Son immense tort, qui trouver sa source dans son incapacité à théoriser et faire s’agglutiner du verbe (es d’avoir confondu individu et identité).

Mais, la contradiction trouve son enroulement et sa fin dans cette bévue : en effet, en luttant contre la pluralité pléthorique des identités (en réalité des multiples individus), Delphine Horvilleur se bat, encore plus férocement que ceux qu’elle combat, pour un individu qui ne serait pas “que, qui serait donc la réalité de l’individu, hors du social, du terrain, du champ.

C’est un monologue contre la petite identité et une glorification non pas de la non-identité, mais, plutôt de l’hyper-identité.

Elle aurait du sous-titrer son ouvrage : monologue contre les petites identités ou encore “monologue contre l’individu’. Une sacrée contradiction quand on se fait le chantre du moi, dans son existence non identitaire…

Un paradoxe à vrai dire : un monologue contre l’identité qui glorifie l’individu.

PS. Delphine, toute fonction est “pesante” et liberticide”. Même la liberté est pesante et liberticide. Mais nous dire, pour tenter de jongler avec des mots mal maîtrisés, qu’être rabbin vous prive de liberté, c’est un peu curieux et même indécent. Il est vrai qu’à trop fréquenter les salles de presse antisionistes et les avions présidentiels, on peut oublier qu’il s’agit d’un sacerdoce.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.