Je ne feins pas d’hypothèses…

Tramway. Lisbonne.

Dans une conversation pourtant banale, je me suis entendu répondre : “je ne feins pas d’hypothèses”. Je ne savais pas que je pouvais encore employer cette formule, désuète et un peu désarmante,  assénée, régulièrement, à l’heure d’une post-adolescence submergée par les concepts mal engrangés et la volonté de se donner à voir ou entendre, jongleur de philosophie alphabétique.

Elle est de Newton : connaître, c’est observer et mesurer. Sans s’interroger sur le « pourquoi » des choses. Seul importe le « comment » et le mesurable. Relations mathématiques du Monde, sans circonvolutions hypothétiques, sans blablas, pour ainsi dire, qui tournent autour des idées qui tournoient dans l’air, sans reposer sur le socle de la certitude finie, observée.

« Je ne feins pas d’hypothèses. » Je ne fais qu’observer et décrire, objectivement, structurellement, y compris ce que je ressens, lucide, sans questionnements autre que ceux qui ont la réponse dans la simple observation et la description froide et entière.

Ce n’est pas exactement ce que disait Newton qui se plaçait dans la science qui combat l’hypothèse et magnifie l’observable, en rejetant la métaphysique, laquelle se p!ace dans ce qui est au-delà de la nature.

Alors, pourquoi ai-je balancé dans la conversation cette citation ?

Pour combattre les sempiternelles locutions de circonstance sur les recherches inutiles, sur le mode langagier des faux poètes qui campent sur l’exacerbation de l’individu qui pense, volontaire et sûr de lui, en clamant qu’il suffit de penser pour comprendre. Et bien non. La pensée est inutile quand on décrit l’observable. Simplement. Peu importe l’emballement de la pensée.

Bref, la lucidité de l’observation, y compris celle de soi.

Mais, évidemment, ce n’est qu’une locution de circonstance, même pas acceptable pour le chercheur du sens (comme je le revendique ailleurs), lequel, évidemment encore, se situe au-delà de l’observation scientifique ou donnée.

Mais ça ne fait aucun mal de temps en temps de rappeler qu’il faut s’éloigner de l’hypothèse, de la “feindre”, pour se rapprocher du “réel vrai”. C’est ce qu’on peut se dire lorsque l’hypothèse vous empêche de voir, avec bonheur un simple poivron jaune, dont la couleur se différencie de celui qui le côtoie, le rouge. Avec un verre à la main.

Relisez attentivement, et vous oublierez la divagation.

PS; Il ne me semble pas inutile dans ce billet de revenir sur la photo en tête. C’est une photo que j’ai prise à Lisbonne, moi sur un trottoir et un tramway qui passe. Trois bras accoudés dehors, un graphisme photogénique. Puis, récemment, dans mon mon logiciel de photo, j’éclaircis les ombres et j’aperçois cette femme au visage que je ne veux qualifier tant la formule serait prévisible. Je recadre, rogne,  enlève un bras parmi les trois et propose à l’intersection adéquate (la règle des tiers en peinture et photo) la femme qui vient dévorer l’image, jetant par dessus-bord le graphisme initial des trois bras. L’on pourrait, si l’on était un “circonvoluteur” faire le lien avec Newton. Mais ça serait trop facile. Il faut simplement savoir que de trois bras graphiquement et idéalement posés, une femme est venue les absoudre, en bouleversant la structure de la photographie. Je n’en reviens pas encore. Et ne veux gloser sur les réalités.

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