Jouissance de la faim

Dans mes “cahiers numériques”, faits de copies, de photos de pages de livres, de commentaires au stylo feutre “Pilot”, que j’ai retrouvé récemment, que j’ai feuilletés, évidemment abondamment depuis quelques jours, je tombe sur une page de Kafka que j’avais photographié (à l’époque de l’argentique, c’était assez curieux, mais j’étais certain qu’il fallait le faire, la photographie ne pouvant que se figer er revenir, le carnet écrit étant trop collégien. Je n’ai pas eu tort).

Je la donne (j’ai du retaper, ce qui à l’époque du numérique, est fastidieux quand l’on sait qu’il est des choses plus faciles à faire que de recopier et de retaper) :

C’est un extrait de « Un champion de jeûne  » de Franz Kafka

(«Un champion de jeûne», «Joséphine la cantatrice») sont les derniers textes écrits par Kafka (1923). Il en corrigeait encore les épreuves la veille de sa mort, le 2 juin 1924.)

« — Je voulais toujours vous faire admirer mon jeûne, dit le jeûneur.

— Nous l’admirons, dit l’inspecteur affable.
— Vous ne devriez pourtant pas l’admirer, dit le jeûneur.
— Eh bien, soit ! nous ne l’admirons pas, dit l’inspecteur. Et pourquoi ne devons-nous donc pas l’admirer ?
— Parce que je suis obligé de jeûner, je ne saurais faire autrement, dit le jeûneur.
— Voyez-moi ça ! dit l’inspecteur, pourquoi ne peux-tu faire autrement ?
— Parce que, répondit le jeûneur (en relevant un peu sa tête minuscule et en parlant avec la bouche en o, comme pour donner un baiser, dans l’oreille de l’inspecteur, afin que rien ne se perdît), parce que je ne peux pas trouver d’aliments qui me plaisent. Si j’en avais trouvé un, crois-m’en, je n’aurais pas fait de façons et je me serais rempli le ventre comme toi et comme tous les autres.
Ce furent là ses derniers mots, mais dans ses yeux mourants brillait la conviction, ferme encore, malgré sa fierté disparue, qu’il continuait à jeûner.

J’avais, d’une plume assez ridicule noté qu’il fallait écrire sur le “bonheur de la faim, le bonheur de la fin“.

Oui, le ridicule ne tue pas.

Je raille souvent l’écriture ou l’exposé collégiens.

J’ai tort.

 

 

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