la modestie

Extrait. C’est encore ici, avant de retourner à mes 18 ans et mes virées en boite, de Playa de Aro (Espagne) jusqu’ à Charleroi (Belgique), que je me dois aussi de revenir sur ma relation au sujet, au « moi », « haïssable », s’il en est. Certains pourraient juger suspecte cette détestation du sujet, peut-être clamée pour ne pas avoir à faire, justement, à moi et m’enfouir dans un « déni », un mot affreux et fourre-tout. Je laisserais dire. C’est faux, c’est juste une conviction philosophique. Ce rejet de la conception humaniste du sujet libre et conscient, pour écrire vite, ne m’aura pas aidé à dire la bévue, pour ne pas dire la bêtise de quelques uns qui se targuaient de posséder une “pensée ” qui n’était que billevesée, sornette sans fond ni structure. De quartier latin. Je ne pouvais dire que l’opinion n’existait pas, innée dans le cerveau de ces grands empereurs, aurait dit Spinoza. Et que l’invention dans l’analyse était inexistante depuis longtemps. Que seul le style, qui n’est pas rien, faisait les différences. Et qu’il ne fallait pas s’emballer dans sa croyance. Et qu’un peu de travail, peut-être dans le style uniquement, était nécessaire pour se détacher du lieu commun, jamais entrevu comme tel par celui ou celle qui donne son “opinion”, évidemment majeure.

Donc, persuadé de l’ineptie de ce que je pouvais bien écrire ou dire sur des plateaux, je ne sortais pas, modeste, je l’assure, de cette coquille de l impossibilité de la parole féconde. La modestie est une plaie. Comme l’immodestie. Il faut savoir se dire. Et savoir se taire. Au regard des moments et de sa compétence.

C’est ce que je me suis dit dans un moment difficile dans ma vie, peut-être celui dans lequel j’écris ces lignes. Juste dire, sans laisser les autres s’emparer de ce que vous leur avez offert en ne disant pas et en leur laissant dire ce que vous ne disiez pas, que vous pouviez dire mieux qu’eux. Et que, souvent, vous leur avez soufflé. La modestie est une plaie, disais-je. Le don sans retour une perte. De soi. Comme une énergie volée jusqu’au jour où il ne vous reste qu’une peau flétrie, tant vous avez donné ce que vous auriez pu garder. Mots mystérieux que ces derniers mots. Mais l’on peut comprendre. Et, évidemment, j’y reviendrais. C’est, peut-être, ce qui me fait écrire ce récit.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.