Le frisson

Budapest. Hôtel Gellert. C’est l’image qui m’a fait plonger dans le commentaire (voir mon « à propos » en page d’accueil page de menu “sous les images”) L’on était debout, regardant le plafond du hall, suspendu comme une coupole, presque une soucoupe, tentant avec l’appareil de capter un détail, une courbure esthétique, juste une forme, la courbe du haut en suspens, sa prétendue essence, rivé vers le haut. Et on baisse les yeux, vers le hall. La femme passe, vite. Le flou, encore de l’esthétique, est assuré par le mouvement rapide et les hommes sont exactement placés.
On déclenche, on a chopé le flou de la vitesse, toujours fantasque. On est assez satifait du
cadrage et de la configuration, un triangle, trois têtes, dont deux comme des piliers dans l’espace et une femme en blanc qui passe, poussant du blanc. Puis par l’ambiance, un peu mystérieuse, vitesse et obscurité mordorée. L’image est un peu améliorée, à peine recadrée et rangée dans les collections. Ici Budapest. C’était dans le hall de l’hôtel Gellert, là où se trouvent les fameux bains qui font la réputation de la ville, hôtel désormais désuet mais toujours et justement photogénique.
Plusieurs fois, on y est revenu à la photo. On a peut-être compris son centre signifiant. On livre ici cette petite compréhension.
Cette femme en blanc, c’est peut-être la mort qui passe entre deux hommes, chauves, absorbés à oublier le monde, l’un dans son livre, l’autre dans son smartphone. Chacun son monde d’absorption. Non, nous ne sommes pas dans un hôpital, mais bien dans un hôtel, encombré de piscines et de bains publics.
Mais la femme est vêtue comme une infirmière, dans ce blanc gériatrique, presque décisif et final. Et les hommes vont bientôt mourir.
Triste ce commentaire? Mais non, mais non, jamais triste le sublime (encore) dont l’on rappelle ici, pour ceux qui l’avaient oublié, qu’il ne s’agit pas, lorsqu’on place le mot dans le champ esthétique, du beau puisqu’il le transcende, le détrône, y compris dans l’horreur qui soulève un sentiment, pour le figer dans un grandiose qui peut ne pas être beau. Mais qui « soulève » le regardeur.
L’image dans ce hall est ailleurs, elle fait passer, flou et obscur dans ce blanc maléfique, le frisson.

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