Le placement

Retour à la théorie, par nécessité. Il s’agit de faire comprendre ce que j’ai voulu dire hier soir lorsque j’ai, très calmement, pour la millionième fois, affirmé que « l’opinion n’existait pas », en ajoutant que je ne voulais pas vexer ou être sourd à ce qu’on me racontait. Puis j’ai répondu à celui qui, dans la vérité, me posait la question de savoir ce qu’on en faisait de nos « idées », nos « réflexions . J’ai, frontalement dit qu’il fallait simplement savoir où elles se plaçaient. En ajoutant, je l’assure sans aucune pédanterie, je l’assure encore, que savoir si la prétendue proposition de pensée se plaçait ou non dans « l’essentialisme » était le grand pas, l’immense avancée. Celle qu’un maitre m’avait apprise, il y a bien longtemps.

Donc (encore) une injonction de l’explication. Je tente, ici,  de dire, en essayant de ne pas sombrer dans l’exposé conférencier.

Allez, on va partir de Platon. Ca accroche. Tous connaissent, en tous cas beaucoup, sa philosophie de la « forme » de « l’idée ». Toute chose a son « essence », sa forme. La table n’est pas du bois assemblé. C’est une idée de table, sa forme, son essence, qui se donne à voir dans l’illusion de son concret. Et Platon nous donnait à penser le « monde des formes », le vrai, ailleurs, loin de l’illusions concrète de la réalité qui n’existe pas.

L’essentialisme, c’est ça : une essence immuable, certainement venue d’ailleurs, qui n’est pas la réalité ou un mot. Une essence qui préexiste à la chose, qui n’est pas dite par les humains, qui existe en dehors de leur nom donné par les humains.

Aristote suit avec sa théorie des « espèces ». Il existe une jument, une vache, pas une jument-vache. Il y a toujours une essence d’une espèce.

Pour, encore tenter d’être un peu plus clair, je vais dans la comparaison (c’est en comparant qu’on comprend ce qu’on comprend) avec une autre théorie qui construit la réflexion. Ici l’essentialisme qui s’oppose au nominalisme.

Les espèces donc. En biologie, l’on classe les diverses espèces animales et végétales. En quoi diffèrent-t-elles ? Soit je dis, qu’elles ont chacune leur essence, je suis dans l’essentialisme, la catégorie nommée étant le succédané de leur essence qui vient d’ailleurs (Dieu, pour ne pas le nommer). Soit je dis non, non, ce ne sont que des catégories que l’homme a inventé pour mieux s’y retrouver. Il n’a fait que nommer divers objets qui n’ont aucune essence en elle, des réalités tangibles. L’homme a construit ces catégories. Il les a nommés : c’est le nominalisme.

On va croire que tout ceci n’est que bavardage. Et bien non. Cette distinction, ce « placement idéologique » dans l’essence des choses, domine toutes les pensées, toutes les controverses. Comme par exemple le féminisme qui ne peut accepter l’essence de l’homme ou celui de la femme. Essentialisme du genre traditionnel contre le constructivisme sociétal qui clame l’inexistence des natures (des essences) féminine et masculine, qui lutte contre cette différence, cette ségrégation que pose d’emblée l’essentialisme. Tout est construit socialement et nommé par les humains, nous disent-elles, peut-être un peu rapidement. Mais je ne veux ici dans cette injonction de l’explication initier ici la controverse. Homme, femme « on ne nait pas femme, on le devient », comme le disait De Beauvoir), étoile ou cheval, sans aucune essence.

Mme De Beauvoir se « plaçait » en vérité dans une minime contradiction. Contre son compagnon, l’existentialisme philosophique supposant, en effet, que l’essence d’une chose précède son existence. Sauf pour les hommes.

il existe bien, nous dit Sartre une « essence » du canif : celle d’avoir un manche et une lame qui permettent de couper, bien en main. L’essence du canif est sa finalité matérielle.

L’homme, lui se construit par son histoire, sa géographie, sa culture. L’humain, lui, se construit principalement par l’histoire, la culture.

Et donc “l’Existence précède l’essence”, formule du marché sartrien. Pas de nature humaine. Pas d’essence humaine.

Bon j’arrête, je vais ennuyer. Merci à ceux qui ont eu le courage de me lire jusque-là. Et j’espère que celui qui m’a enjoint de clarifier s’y retrouve un peu dans cette histoire du “placement” du “dire” (pas l’opinion)

Je voulais donc juste dire que « l’opinion n’existe pas » et que l’intelligence est celle qui le sait et va chercher où se “place” ce qu’on vient de dire. Ça éviterait les milliards de redites sur Facebook. Lorsque l’on sait où l’on se terre et d’où l’on crie (ce qui n’a aucune importance si on ne fait de mal à personne), ça rend un peu modeste. On sait que ça déjà été dit ce qu’on veut dire. Et, peut-être, on se tait, en sachant que l’opinion n’existe pas. Juste celle de savoir si on n’est pas dans un « entre-deux » qui serait une contradiction. Ce qui, donc, permettrait une discussion assez acceptable.

Un « Ou suis-je ? » vaut mieux que « Je crois que ».

Spinoza nous a appris que la véritable liberté est celle qui sait qu’elle n’existe pas.

Ce billet n’est pas « essentiel ».

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