Le temps cassé, El Greco

On fait toujours l’expérience , depuis de nombreuses années.

On est dans la fin de la soirée, le début de la nuit. Et les brumes éthérées, effilochées, les heures désagrégées s’installent, pour planer au-dessus de nos corps délassés. Là on sort son téléphone, on cherche, on trouve, on met l’image plein écran et l’oeil riant, l’on pose la question :

-Regardez ce beau tableau. “La dame à la fourrure”. Quelle époque ? Qui ?

Tous, absolument tous, sauf ceux encore ivres ou ailleurs, répondent :

-1930 ? Début du siècle ?

Je colle ici l’image :

Non, non, c’est Le Greco (1541-1614), notre peintre presque préféré, le génie, le peintre de l’ineffable, celui qui fait éclater les siècles, celui qui est tellement, toujours, dans la modernité qu’il a touché l’éternité…

Elle, elle a son Iphone dans la poche et s’en va l’oeil “moderne”, prendre un TGV pour Genève ou Barcelone.

Son attention (à nous, au monde) est un peu indifférente. Un peu comme une adolescente qui vient de comprendre. Eternel, donc actuel.

On ne délire pas. c’est le Greco qui délire dans le temps qu’il a cassé.

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