Logique de l’Éternel

Einstein et le jeune Godel

Le titre n’est, évidemment pas explicite. Il s’agit, ni plus ni moins, de la preuve mathématique ou logique de l’existence de D.ieu (la césure dans le nom est un signe de respect pour les potentiels lecteurs juifs religieux, le maître de l’Univers étant indicible, et, partant non écrit, sauf dans le texte sacré, même si le sujet est controversé. Les juifs Massorti ont, eux, adopté la règle de l’entièreté. Mais ce n’est pas l’objet de ce billet)

Dans un numéro spécial de Science et Vie, un dossier intitulé « Pourquoi on croit en D.ieu ? ».

A vrai dire, le titre ne reflète pas vraiment l’essentiel du dossier. Il laisse entendre qu’il faut donner une explication scientifique de la croyance alors qu’il s’agit, ce qui est plus intéressant, de savoir si la preuve de l’existence du Maître peut être apportée scientifiquement, à l’aide d’algorithmes et de logiciels qui absorbent équations et hypothèses…

Le dossier est assez inégal dans ses différentes parties, pas toujours très clair. Cependant, la complexité du sujet nous fait pardonner l’imperfection.

Je connaissais, pas trop mal, Godel et sa preuve ontologique, pour avoir un peu joué sur ses mots et, très jeune, persuadé du génie de ma trouvaille, m’être essayé, appuyé sur ce travail scientifique, à la nouvelle, genre littéraire trop délaissée en France.

Il s’agissait de raconter l’histoire d’un homme, devenu, par magie presque luciférienne, une formule mathématique, qui se débattait jusqu’à l’épuisement, dans ladite ontologie et tentait, devenu formule donc, de pénétrer dans celles de Godel qui démontraient l’existence de Dieu. Il lui fallait démonter le théorème, faux selon lui, et par l’intrusion de lui-même, déstructurer cette démonstration. Une immixtion méchante. Des cerbères encore plus mathématiciens que lui, l’empêchaient de pénétrer dans les arcanes des axiomes et autres théorèmes. Il ne pouvait entrer mais ne renonçait pas, une formule étant têtue. Il y est, ainsi, parvenu. Mais il ne put réussir, sortit du fonds Godel, redevint homme et prit la soutane, en ruminant son échec, même s’il finit par devenir Pape.

Il faut le faire ! Inventer de telles sornettes ! Mais, jeune, on ne peut que se croire Kafka ou Ionesco, le fantastique camouflant la recherche du style. J’ai perdu ces pages. Dommage, j’aurais bien ri dans leur lecture a voix haute avec une ou un ami a l’heure d’un Minuty frais, apéritif de l’Eté qui peut allègrement remplacer l’alcool de figue ou le Picon-bière..

Vous connaissez Godel, bien sûr. Mais je rafraîchis les mémoires. Le trop-plein qui nous est donné dans la connaissance est de nature à le confondre avec Turing ou Fermat.

Kurt Godel est un mathématicien, logicien (1906-1978), autrichien devenu américain, connu de tous par son fameux théorème de l’incomplétude qui a généré des milliers de pages d’interprétation. Évidemment, même pour un écrivain ou un apprenti philosophe, la notion d’incomplétude est féconde. Tout autant, justement, que la perfection finie (laquelle, selon la majorité, ne peut être que Dieu ou son avatar).

Godel était donc un obsédé de la logique, qui le menait à tout ( y compris a ses immenses troubles psychiques).

A 70 ans, son grand mysticisme l’amène a proposer une preuve ontologique de l’existence de Dieu, inspirée de l’argument d’Anselme Cantorbéry et de travaux de Leibniz, connue aujourd’hui sous le nom de « preuve ontologique de Gödel ». 

J’avoue que j’en étais là. Et n’ai pas continué de suivre l’épopée mystico-logique.

Et voilà que je tombe sur la revue « Science et Vie » sur Dieu et sa preuve mathématique, du moins logique.

Je colle ci-dessous un extrait sur Godel sur lequel on ne pouvait faire l’impasse. Lisez, je reviens plus bas, si vous le voulez bien.

UNE QUÊTE PHILOSOPHIQUE. Cela fait plus de mille ans que cette nécessité de l’existence divine est pressentie. Si les prémisses en sont attribuées au philosophe latin Boèce, c’est la formulation du moine bénédictin du XIe siècle Anselme de Cantorbéry qui rend l’entreprise célèbre (voir p. 72-73). Que d’encre elle a fait couler ! Elle a été retravaillée par Descartes, Hegel et Leibniz, débattue par Pascal, Kant et Spinoza, mais elle a toujours tourné autour d’un argument à la simplicité déconcertante : “Dieu a toutes les perfections, or l’existence est une perfection, donc Dieu existe.”

Plus littéraires que logiques, de tels arguments peuvent sembler du domaine de la discussion philosophique, bien loin d’une approche logico-mathématique. C’est sans compter Kurt Gödel. Ce pur logicien est célèbre pour avoir prouvé, au début des années 1930, qu’il existe des vérités mathématiques non démontrables. Jusqu’alors, on pouvait croire que toute difficulté était surmontable. Eh bien non ! En s’appuyant sur le langage formel de la logique moderne, le mathématicien autrichien démontre que certaines vérités ne peuvent être atteintes. Auréolé d’un prestige inégalable, Kurt Gödel commence à travailler sur la fameuse preuve ontologique à partir des années 1940, d’abord à Vienne, puis à Princeton, aux États-Unis.

Car contrairement à ce prédisait Kant, qui déclarait “close et achevée” la logique philosophique traditionnelle, celle-ci n’a en fait jamais cessé d’évoluer et s’est même métamorphosée à la fin du XIXe siècle, après son union avec les mathématiques formelles. Le mathématicien allemand Gottlob Frege a notamment conçu, en 1879, un des premiers langages formalisés qui permettent de vérifier un raisonnement philosophique de la même manière qu’un calcul arithmétique. Suivi, en 1910, par le logicien américain Clarence Lewis, dont la logique modale explose au cours des décennies suivantes. “Des concepts tels que ‘nécessité’ ou ‘possibilité’, utilisés en théologie et en logique, acquièrent alors la respectabilité attachée à la calculabilité ou à tous les objets calculables, qui font autorité dans le milieu des sciences”, commente le philosophe Frédéric Nef. Kurt Gödel s’attache donc à traduire Dieu dans ce langage de la logique modale, suivant les règles du système logique K.

“En termes de rigueur, ce sont les moins suspectes car elles répondent au plus grand nombre de contraintes logiques”, souligne Baptiste Mélès. Gödel s’inspire des raisonnements théologiques de Leibniz, précurseur de ces langages modernes, notamment de son concept de “perfections”, qu’il transforme en “propriétés positives” – Dieu est alors défini comme celui qui les possède toutes. Il cherche les meilleurs axiomes, les postulats les plus minimalistes et féconds. Et, après des décennies de travail solitaire, il finit par être satisfait de son résultat.

Sa preuve ontologique circule pour la première fois en 1970 dans les couloirs de son université : 12 lignes cabalistiques contenant 5 axiomes, 3 définitions, 3 théorèmes et 1 corollaire (voir p. 71), menant à la conclusion que le mathématicien, selon la légende, aurait résumée à sa mère avec ces quelques mots tendres sur une carte postale : “Maman, tu vas être contente, Dieu existe !” Cette démonstration sera publiée officiellement en 1987, neuf ans après sa mort.

Me revoilà. Juste pour deux observations.

D’abord sur les espaces supérieurs et l’au-delà de la logique. Il faut, en premier lieu, savoir que la voie pessimiste (la mort du libre-arbitre), spinoziste s’il en est, serait concomitante de la preuve de l’existence de Dieu, l’homme ne pouvant être un empire dans un empire, selon la formule fameuse du maître. L’on ne pouvait, dans la lignée de Godel démontrer, mathématiquement, logiquement, l’existence de Dieu que si l’on abandonnait ce mythe du “libre-arbitre”.

Cependant, rien n’était moins vrai, le “libre-arbitre”-” est compatible avec l’existence de Dieu. Mieux encore, il s’agirait selon les croyants de la véritable fondation de Dieu qui l’invente pour nous laisser les choix (devant lui ou à son égard, même s’il est omniscient, présent partout et connaissant tout jusqu’au moindre détail d’une vie)

Le débat est âpre. Mais s’agissant du “supérieur”, la notion de conviction peut être féconde. Et ma conviction me semble au demeurant plus forte que la mathématique. Il y a, nécessairement, un dépassement de la logique, dans des espaces supérieurs. A défaut, l’on ne comprendrait pas d’où vient le monde puisqu’à l’infini, on chercherait son début, sans succès possible dans cette causalité primaire. Il doit donc bien exister une pensée qui sort de la logique commune, de la mathématique causale. Bref une physique non causale sans être quantique, cette dernière physique, la quantique, se concentrant lâchement sur les détours de la causalité en devenant donc une simple théorie de la causalité déviante ou improbable,

Sans cette croyance d’un au-delà de la logique (et, partant de la cause), la seule question de l’existence de Dieu ne surgirait pas. C’est le paradoxe qu’intuitivement, je soutiens, dans la logique et contre et nécessairement au-delà, ce qui est une autre logique qui peut d’ailleurs subir le même raisonnement à l’infini, qui démontrerait même l’existence de Dieu. Par l’impossibilité de son appréhension par les humains, du moins en l’état. La cause de la cause, infinie, nous place obligatoirement dans l’existence d’un autre monde (logique).

Désolé d’infliger l’intuition non démontrée du dépassement spatial, sûrement cabalistique dans des espaces-forces supérieurs, de la logique mathématique. Je devrais plus la travailler et je crains le questionnement de deux de mes nouveaux lecteurs, inconnus, à la grande intelligence taquine. Il faudrait que je passe ce printemps dans un Parador à structurer cette intuition. Elle est réelle, comme une pierre qui roule.

Puis un regret des papiers perdus. Je regrette d’avoir déchiré ou perdu ma petite et très mauvaise nouvelle sur l’intrusion dans les formules de Godel par l’homme devenu lui-même formule. En effet, si vous lisez le dossier, vous constaterez que les équations de Godel étaient fausses ou incomplètes et remettaient en cause sa démonstration.

Une femme mathématicienne les a reprises, a rectifié une erreur de Godel, pour le faire retomber sur ses pattes. Il avait raison (mathématiquement, s’entend).

C’est le pendant en miroir inversé de ma nouvelle improbable de jeune apprenti écrivain. Elle, la logicienne, elle est entrée pour sauver. Godel.

Mon personnage, lui, voulait forcer les barrières pour casser la démonstration.

Elle ne l’avait pas encore fait lorsque j’ai écrit. Ou sinon, imaginez le beau roman qui aurait pu être écrit, de la lutte entre deux humains-formules. Ils seraient devenus après la bataille perdue par l’au-delà de la logique, dans l’emportement des mots et des situations que je me connais dans ce genre, les plus grands amoureux de l’Univers. Presque l’éclatement des équations sous la canicule de Vérone.

LE DOSSIER DE SCIENCE ET VIE

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