résonance, Harmut Rosa, encore.

Hartmut Rosa, philosophe.

Il y presque deux années, j’avais évoqué ici  le concept de résonance au monde proposé par Harmut Rosa, philosophe allemand. Son bouquin n’était pas traduit. Il vient de l’être (

il vient de sortir un bouquin justement intitulé “Résonance
Une sociologie de la relation au monde” ( Editions de la découverte).

J e suis en train de le lire et y reviens bientôt.

je livre cependant ci-dessous des extraits d’un entretien (avec Alexandre Lacroix) paru dans la dernière livraison de Philosophie Magazine (Octobre 2018) et dans lequel “il expose sa conception de l’existence vraiment digne d’être vécue. Qu’est-ce que la vie bonne, aujourd’hui ? Elle n’est pas à chercher, selon Rosa, dans le yoga, la méditation, l’alimentation bio ni la randonnée. Encore moins sur une île grecque ou dans une cabane au fond des bois. Alors, que faire ? Il nous incite à emprunter les voies de la résonance, une notion plus politique qu’il n’y paraît de prime abord.” (PM)

Mes choix sont évidemment subjectifs. Pour ceux qui veulent lire le texte en entier, il suffit de se rendre au premier kiosque de coin de rue.

Certaines de ses réflexions seront commentées dans mon futur bouquin (arlésien) sur “le romantica”.

“Avec le cycle de la Table ronde, le mot « aventure » change de sens. Il est dérivé du latin adventura, « ce qui doit arriver », lui-même issu du verbe advenire. Ce qui advient, aux yeux des Grecs ou des Latins, c’est le destin. Vivre une aventure est donc passif, il s’agit de subir une fatalité, d’accueillir les événements que le cours du monde nous impose. Mais dans les romans de chevalerie, l’aventure devient active : le héros erre, renverse des obstacles, découvre l’amour, il a une destinée individuelle.

Les chevaliers seraient les premiers existentialistes.

Exactement, ils sont en quête, le sens de leur existence ne leur est pas donné par avance

Les romantiques ont inventé de nouvelles relations au monde. En amour : si vous êtes romantique, vous ne vous accommodez pas d’un mariage justifié par la tradition ou par des considérations économiques, vous exigez que le couple soit le lieu d’une communication des âmes

Pour eux, la nature nous communique des sentiments. Le paysage épanche son caractère mélancolique ou sublime en nous. De même pour l’art : l’œuvre romantique doit vous toucher, s’adresser à votre sensibilité, pas seulement à votre intellect. En cela, les Modernes sont à la fois des chevaliers – c’est leur pôle actif, ils tiennent en main leur destinée – et des romantiques – c’est leur pôle passif, ils veulent que leur âme soit ouverte sur le monde.

Non, je ne me reconnais pas du tout dans le mouvement du slow, de la slow food aux « villes lentes », cela me paraît un argumentaire marketing, comme si l’on essayait de nous vendre de l’authenticité. Je suis arrivé à la conclusion que nous vivons une crise profonde des relations. Des relations avec la nature – c’est évident avec la crise écologique. De la relation à nous-mêmes – la consommation de psychotropes a explosé dans l’ensemble des pays développés. Mais aussi de la relation aux autres. Cette crise est produite par l’accélération, dans la mesure où cette dernière ne nous laisse pas le temps de nous poser, de nous approprier les êtres et le monde, d’entrer vraiment en relation avec eux. Mais la vitesse n’est que la cause indirecte du problème.

Vous citez une belle phrase d’Adorno : « Il suffit d’écouter le vent pour savoir si l’on est heureux. »

Elle contient beaucoup de vérité. Elle m’évoque un exemple de Maurice Merleau-Ponty, l’un de mes philosophes préférés. Parfois, au réveil, vous traversez un premier état de conscience où le monde vous apparaît dépourvu de ses significations habituelles. Vous ne savez plus dans quelle chambre vous êtes, ni votre nom. Mais il y a la présence de ce monde nu autour de vous. Cette présence peut être agréable ou au contraire menaçante. C’est ce que signifie la phrase d’Adorno, à mon sens : oublie toutes tes préoccupations ordinaires, écoute le vent, tu comprendras ce qu’il en est vraiment de ta présence au monde.

Je crois qu’il importe de distinguer nos conceptions du monde et nos relations au monde. Selon nos conceptions du monde, à nous Occidentaux du XXIe siècle, il est clair que seuls les êtres humains parlent vraiment. Le monde physique est constitué d’une matière morte, sans voix. Je ne discuterai pas cela, mais nos relations au monde sont bien différentes. Du point de vue scientifique, la neige est composée de cristaux de glace ; mais quand je découvre un manteau de neige en ouvrant les volets le matin je fais une expérience d’un autre ordre. Si je me promène en forêt, je peux dire que les feuillages murmurent. Cette métaphore renvoie à une certaine qualité de ma relation aux arbres. De nombreux intellectuels et membres de la classe moyenne supérieure mangent bio. Je suis certain que vous en fréquentez ! Sur le plan de la connaissance scientifique, il n’est pas prouvé que les aliments bio soient meilleurs pour la santé, car ils transportent des bactéries et sont plus vite avariés. Mais pourquoi aimez-vous la terre collée sur la tomate ? Parce qu’à travers l’aliment bio, vous cherchez une connexion à la nature dont la condition urbaine vous prive. Même dans une civilisation matérialiste, rationaliste, cartésienne si vous voulez, les liens affectifs avec le monde sont avidement recherchés. C’est pourquoi la phénoménologie de Merleau-Ponty est si éclairante : dans mon expérience subjective, le monde et le moi ne sont pas séparables. Je perçois le monde, il est donc en moi, mais je suis également en lui. C’est au niveau de ce nœud originel du Moi et du Monde que se joue la possibilité d’une conversation, d’un jeu de questions et de réponses, de la résonance. Alors oui, quand je résonne, je parle au monde et il me répond. Le vent a quelque chose à m’apprendre sur moi.

Mais j’estime que la résonance est malgré cela un phénomène objectif. Si je m’approche de l’être aimé, mon cœur bat plus vite. Si une musique me bouleverse, j’ai des frissons qui courent sur ma peau. En tant que la résonance est une relation entre le sujet et le monde, elle n’est pas simplement subjective, mais objective – c’est ce que je défendrais

Même si je suis le seul à pouvoir affirmer que je suis en résonance. Oui, j’admets que c’est un problème. C’est un phénomène objectif dont le sujet seul constate l’existence.

la résonance verticale. De quoi s’agit-il ? C’est l’expérience d’une rencontre avec une grandeur et une beauté qui vous dépassent, avec le monde lui-même. Ce ciel étoilé, ce soleil couchant, cette symphonie sont tellement saisissants… ils vous transportent au-delà de vous-même.

Bon, évidemment, je reviendrai après avoir lu au moins la moitié de son gros bouquin. Je ne suis pas certain de tout gober….

Mais là, je vais trop vite…

 

 

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