Simenon, génie. 

A l’heure très tardive où l’on enlace l’essentiel, les sens en suspension, les yeux impressionnistes, l’intelligence comme un éther laborantin, les pores de la peau bouillants, l’on s’en va, comme dans une montgolfière de feu, dans les cieux ou les souterrains, comme l’on veut, là où se nichent les choses.
Par exemple son musée imaginaire. On l’a dit. On a posté.

Puis on pose sa tablette sur une table de chevet, doucement, pour ne réveiller personne et on se demande ce qu’on aimerait bien redécouvrir hormis nos tableaux de musée. Juste deux pages. Juste de la littérature.

Aujourd’hui, pas Roth, pas Cohen, pas Flaubert. Pas Ian MC Ewan, pas Ishiguro. Il nous a fallu 2 minutes pour trouver notre envie de la nuit : Simenon. L’immense, le génie, l’unique. L’écrivain qui écrase ceux adorés par les lecteurs rapides de quotidiens gris dont l’encre bon marché salit les doigts ou de regardeurs d’émissions-spectacles dans lesquelles la couleur des cravates ou le sourire de l’imposteur, adulé par des femmes trop rapides ou des apprentis-hobereaux en mal de dandysme trop difficile à choper, a plus d’importance que le texte simple du génie littéraire.

Simenon, un texte simple, du sublime, au sens originel du terme.

Je rappelle qu’il n’a pas écrit que du MAIGRET. Mais déjà là, il est un géant, un géant.

EXTRAIT AU HASARD D’UN MAIGRET. PREMIÈRE PAGE DE “L’HOMME DE LA RUE”. Au hasard.
“Les quatre hommes étaient serrés dans le taxi. Il gelait sur Paris. À sept heures et demie du matin, la ville était livide, le vent faisait courir au ras du sol de la poussière de glace.

Le plus maigre des quatre, sur un strapontin, avait une cigarette collée à la lèvre inférieure et des menottes aux poignets. Le plus important, vêtu d’un lourd pardessus, la mâchoire pesante, un melon sur la tête, fumait la pipe en regardant défiler les grilles du Bois de Boulogne.

— Vous voulez que je vous offre une belle scène de rouscaille ? osa gentiment l’homme aux menottes. Avec contorsions, bave à la bouche, injures et tout ?…

Et Maigret de grommeler, en lui prenant la cigarette des lèvres et en ouvrant la portière, car on était arrivé à la Porte de Bagatelle :

— Fais pas trop le mariole !

Les allées du Bois étaient désertes, blanches comme de la pierre de taille, et aussi dures. Une dizaine de personnes battaient la semelle au coin d’une allée cavalière, et un photographe voulut opérer sur le groupe qui s’approchait. Mais P’tit Louis, comme on le lui avait recommandé, leva les bras devant son visage.

Maigret, l’air grognon, tournait la tête à la façon d’un ours…

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