2 secondes pour 2 éclats de rire



Tous mes amis connaissent ces deux photos prises à La Laguna (Île de Tenerife). 

Regardez…

Dans la première image,  ils sont là, tous les deux, sérieux, la fille penchée sur son portable et lui regardant l’on ne sait exactement, elle ou son téléphone. 

Dans la seconde photo, prise 2 secondes plus tard, ils éclatent de rire. 

Donc, à l’évidence, le sujet, c’est  le message. Celui envoyé par l’un ou l’autre. D’après moi par la belle jeune fille. 

Lorsqu’on pose la question du contenu du message aux regardeurs, devant les photos, la réponse dépend de l’interlocuteur, de son humeur, de son état, de sa vie, de sa forme, du  ciel bleu ou gris, bref du statut de son lien  vibrant avec le monde et de “la résonance”  avec les images offertes. 

Qu’était-il donc écrit dans ce message ? 

Allez, imaginez ! Moi, j’ai trouvé. Et ne vous dirai pas. 

Bachelard, la poétique de l’infini 


Le billet sur Bergson m’a ramené sur Bachelard lequel l’a d’ailleurs critiqué sur sa conception de la durée et du temps. 

Bachelard est homme dont la plume,  autant théorique que poétique, gratte la périphérie de l’absolu, de la pureté de l’air d’en haut.

Un ami, Thierry Paquot, que je ne vois plus depuis des décennies a relu et relu “La poétique de l’espace“,  un chef-d’œuvre et à relevé des perles,  des “aphorismes improvisés” (c’est dans Philomag, mais je n’ai plus la référence sous la main. Je reviendrai la glisser) 

Le billet sur les énoncés-remèdes m’ont invité à coller ce que Thierry a glané 

aphorismes improvisés : « L’image, dans sa simplicité, n’a pas besoin d’un savoir. » (p.4) ; 

« Une telle peinture est donc un phénomène de l’âme. L’œuvre doit rédimer une âme passionnée. » (p.5) ; 

« L’espace saisi par l’imagination ne peut rester l’espace indifférent livré à la mesure et à la réflexion du géomètre. Il est vécu. « (p.17) ;

 « … un tiroir vide est inimaginable. Il peut seulement être pensé. » (p.19) ; 

« N’habite avec intensité que celui qui a su se blottir. » (p.19) ; 

« La maison natale est plus qu’un corps de logis, elle est un corps de songes. » (p.33) ; 

« Et la maison ne connaît plus les drames d’univers. » (p.43) ; 

« De toutes les saisons, l’hiver est la plus vieille. » (p.53) ; 

« l’image n’est plus descriptive,elle est résolument inspirative. » (p.63) 

 « Il y a des idées qui rêvent. Certaines théories, qu’on a pu croire scientifiques, sont de vastes rêveries, des rêveries sans limites. » (p.111). 

Bachelard, ce génie, cet ange des ondes, est mort seul et pauvre. L’injustice devrait être bannie. Par qui ? 

La fonte du sucre et l’Univers

J’entre ici, alors qu’il ne s’agit pas du genre de notre maison , presque dans la confidence.

Mais, c’est pour la bonne cause : revenir sur un concept : celui de la durée. Et la perception de l’Univers. Ce n’est pas rien.

Il y a donc très très longtemps, vraiment longtemps, j’avais adressé une lettre à une femme. Je m’en souviens assez bien. Il s’agissait de lui dire quelques mots sur le temps, l’attente, la durée et encore le temps.

J’avais trouvé chez Henri Bergson, philosophe de “l’intuition”, de “l’élan vital”, autant de concepts dont l’obscurité chic peut aider le faiseur (encore), avide d’admiration ou de compliments qui peuvent le convaincre de son génie.

Et peut-être, avais-je moi-même plongé dans ce petit comportement, à l’heure où il fallait construire contre tous.

Le “temps” passant, persuadé que la “tactique” était indigne de l’intelligence, j’ai abandonné le procédé, détruit les textes de la fausse élégance pour revenir, du moins dans la relation aux autres au mot direct, -sans tomber toutefois dans celui primaire et répétitif. Du moins je m’y essaie.

Etant cependant observé, je l’assure, que dans les correspondances précieuses, au style certainement ampoulé que j’entretenais, il y avait toujours la volonté de l’écriture du vrai. Certes un peu trop chic. Au moins 99%.de vérité perçue comme telle. Cependant le solde (donc 1%) qui relevait de la stratégie m’a fait un peu honte quand, relisant lesdits textes, désormais disparus, comme d’ailleurs leurs destinataires (du moins de ma vie), je souriais en me traitant de petit tacticien de Saint-Germain- des-Près.

Peut-être que, là encore, en exposant la clairvoyance de moi, je me place encore dans la même logique tacticienne. J’assure que telle n’est pas ma volonté et le lecteur est libre de sa pensée. Il n’est d’ailleurs pas contraint de lire ces billets du soir, à l’heure où la confidence peut poindre, publiés la journée.

A vrai dire, je ne savais pas que j’étais pour un peu certes, dans la machinerie, et me pardonne donc moi-même. Mieux, peut-être ne l’étais-je pas…

Donc Bergson m’avait aidé dans cette lettre à une femme qui ne peut être, selon les taxinomistes, les rois du classement, qu’une lettre sur le temps.

Bergson et son morceau de sucre.

J’ai retrouvé le concept et vous le livre, en tentant de le résumer.

Prenez un sucre, plongez le dans un liquide (un verre d’au par exemple) que vous voulez boire.. Vous devez attendre qu’il fonde. Dissolution.

Et, là, votre expérience s’éloigne de la science et de ses acquis.

En effet, pour la science, la durée est perceptible dans sa division par unités (secondes, minutes, heures…), elle est mesurable, quantifiée.

Cette division, cette quantification est aussi nécessaire et acceptable pour les actes de la vie quotidienne : la durée minutée d’une réunion, d’un film, etc..etc…

C’est donc le temps mesuré.

Mais, dès qu’il s’agit de l’attente de la dissolution du sucre dans le verre d’eau que l’on va boire, la notion de durée divisée, mesurée n’existe plus. A l’intérieur de ce temps d’attente, quelque chose de nouveau surgit, un bloc de durée, sans division possible, sans mesures de longueur. C’est un temps qui s’écoule, dans un flux, qui “se creuse, s’intériorise, au lieu de s’écouler mécaniquement d’un point à un autre”. Le temps ici n’est pas une “juxtaposition d’instants T isolés et figés”. En réalité, nous percevons l’univers même en train de se faire. 

Et ce sans que l’on sache ce qui va se produire, le temps perçu dans intériorité n’est pas celui de la division attendue, celle de la science.

Et si nous attendons que le sucre fonde, c’est parce que rien n’est donné, le futur n’existe pas et se crée sans cesse.

Nous faisons donc, dans notre conscience et par notre intuition l’expérience de “l’indétermination du futur”.

Certains ajoutent de “la possibilité de notre liberté”. Là c’est aller où je ne veux pas aller, tant l’hypothèse est risible. Et c’est un autre sujet.

L’on note ainsi, à la lecture de ce qui précède que par les concepts de temps, de durée, d’intuition, de perception,, d’univers, d’expérience abstraite, l’on peut écrire une lettre à une femme sans simplement lui dire “il y a trop longtemps que je ne t’ai pas vue, un temps universel, tant il ne se mesure pas.”.

Vous savez quoi ? Je me relis et me trouve encore plus chic et obscur que dans le passé. Je pense que je vais abandonner les voyages vers les concepts bergsoniens qui ne sont pas toujours féconds, sauf quelquefois dans l’esbroufe (mot qui peut d’ailleurs s’écrire avec deux f, mais l’écrire avec un seul, pour provoquer la question et la réponse dans l’esbrouffe, devient le propre comble).

Je vais donc abandonner ce type de circonvolutions conceptuelles. Je l’assure

J’étais pourtant certain d’avoir gagné en clarté. J’en suis d’ailleurs persuadé.