contre l’inintelligence artificielle

Yann Le Cun

J’avoue avoir été stupéfait d’entendre un adolescent clamer que « ceux qui ne s’intéressent pas à l’intelligence artificielle sont inintelligents et artificiels ». Il ne faut pas perdre espoir.

Un article dans Le Point de cette semaine (12/04/2024, propos recueillis par Guillaume Grallet) nous présente Yann Le Cun, lauréat du prix Turing (du nom de l’inventeur du « deep learning » Alan Turing, voir le film « Imitation game ») l’équivalent du prix Nobel en informatique.

Yann Le Cun est né le 6 juillet 1960 à Soisy-sous-Montmorency.

LE JEPA

Yann Le Cun est désormais  professeur à l’université de New York et scientifique en chef pour l’intelligence artificielle de Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp).

Il travaille sur « un nouveau modèle de réflexion ». Il explique au journaliste du Point « comment pourraient raisonner les machines à l’avenir ». 

Un dépassement du mode de fonctionnement de ChatGPT, Claude ou encore Midjourney, issus de l’IA générativeincapables, en l’état de « raisonner », de penser pour tout dire. 

Le projet de Yann Le Cun se nomme JEPA (Joint Embedding Predictive Architecture). 

Il précise : « Le problème que l’on essaie de résoudre est de comprendre comment les machines vont apprendre à comprendre le monde par observation en regardant des vidéos », explique le chercheur dans son interview vidéo accordée au Point.

 « L’idée est de s’inspirer de la manière des enfants qui, eux, vont regarder des bandes dessinées ».

Dans les premières années de notre vie, nous apprenons par observation. Il donne comme exemple la Loi de la pesanteur. L’enfant constate que tout tombe sur le sol, de haut en bas, sans qu’il ne connaisse la Loi de Newton, sans être grand physicien.

Un « modèle mental s’installe dans le cerveau et prédit (« predictive ») que ça va tomber.

« L’objectif, en s’appuyant sur des vidéos, est de construire une intelligence artificielle avancée capable d’apprendre davantage comme le font les humains, en formant des modèles internes du monde qui les entoure afin d’apprendre, de s’adapter et d’élaborer des plans de manière efficace au service de l’accomplissement de tâches complexes », explique Yann Le Cun 

Il s’agit donc, pour l’IA, de « comprendre le monde »

Il continue : « Nous voulons trouver une représentation abstraite de la réalité qui contient toute l’information qui permet de faire des prédictions utiles. »

Quand on peut « prédire », le système sera « capable de comprendre le monde, avoir un certain sens commun et planifier des séquences d’action pour avoir un but particulier ».

Avec les Meta Ray-Ban, les lunettes connectées de l’entreprise, “on pourra aider la machine à se représenter le monde, intégrées dans un assistant IA qui, entre autres choses, anticiperait le contenu numérique à montrer à l’utilisateur pour l’aider à accomplir des tâches et à s’amuser. Le modèle aurait, dès le départ, une compréhension audiovisuelle du monde à l’extérieur des lunettes, mais pourrait ensuite apprendre très rapidement les caractéristiques uniques du monde de l’utilisateur grâce aux caméras et aux micro intégrés de l’appareil.

En réalité, l’observation par l’IA, par vidéo du monde tel qu’il est, sans autre explication, qui va l’aider à deviner comment il fonctionne et prédire les comportements, les séquences et enchainements.

Lors d’un colloque parisien, le 10 avril, Yann Le Cun a assassiné les « intelligences génératives » actuelles.

Elles seraient inintelligentes, se contentant de produire « un mot après l’autre sans réflexion », et « commettent toujours des erreurs stupides », les fameuses hallucinations régulièrement relevées par tous.

Il pousse le bouchon assez loin lorsqu’il précise que, pour lui, « l’intelligence artificielle générative est 50 fois moins intelligente qu’un enfant de 4 ans ».

Celle qu’il veut implanter, plus aboutie, pourrait comprendre les conséquences de ses actions (les prédire donc), et dès lors de raisonner. En se posant des questions, par exemple, sur la dangerosité d’une action avant d’agir, tout comme réfléchir aux conséquences de ses actes.

Le chercheur, revient, par ailleurs sur le fameux deep learning « apprentissage profond » ? 

En 2017, l’intéressé répondait : « Il s’agit d’architectures de réseaux de neurones artificiels qui apprennent à représenter les données de manière hiérarchique.  Les machines apprennent ainsi à représenter le monde avec de multiples niveaux d’abstraction. » 

Il s’agit, dans ce cadre d’apprendre désormais aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage, puis à parler et, enfin, à prendre les meilleures décisions au meilleur moment.

ALORS ?

J’avoue ne pas avoir été ébranlé par de telles « révélations » sur le futur de l’I.A. 

Je n’imaginais pas qu’il puisse en être autrement, l’IA actuelle n’étant aucunement impressionnante, se contentant de recracher, après un deep learning adapté, des données, parmi lesquelles figurent autant le style que la couleur.

Mieux encore, j’étais persuadé que, déjà, le prédictif, la compréhension du monde étaient dans la boucle.

A défaut, on ne comprendrait pas les cris d’orfraie de ceux, y compris, curieusement, les grands entrepreneurs dans l’informatique qui nous alertent sur les « dangers » de l’IA laquelle, comme dans Matrix, va nous avaler. « Soumission à l’A », nouveau roman de Houellebecq.

Je viens de découvrir que je m’étais donc trompé et l’IA que j’imaginais à portée de quelques mois, n’est pas encore là, qu’il lui faut un « JEPA » de « META » ;

On va donc attendre les progrès. Avec impatience. Pour aller encore plus loin. 

Il y a fort longtemps que j’applaudis à l’émergence de l’IA, que je l’ai écrit ailleurs. Y compris dans ma sphère professionnelle.

D’abord, elle va nous aider, comme tous les progrès nous ont aidé.

Ensuite parce que la « maitrise de la production humaine » à l’ère de l’anthropocène, va devenir la seule idéologie possible dans le politique (comme la maitrise du progrès dans la pensée écologique malheureusement malmenée par des « inintelligents artificiels » inventés par l’ado du bon mot, qui errent dans les décombres du politique).

Puis, enfin, parce que l’on ne comprendrait pas un humain qui ne servirait pas de l’intelligence qui lui a été donnée (peut-être par une force immatérielle dans l’Univers affirmeraient les croyants qui ne peuvent être contredits, la thèse ne pouvant être « falsifiée ») pour « augmenter » le réel, comme il l’a fait en inventant le feu qui n’est qu’une trouvaille.

Inventer, c’est trouver ce qui ne demande qu’à être trouvé par des humains. Ou si l’on préfère, Trouver, c’est ne pas laisser l’invention dormir.

Mettre en sommeil l’intellectualité de la recherche et l’invention serait enfermer une faculté humaine au fond de l’on ne sait quelle coffre maléfique qui serait ouvert par l’on ne sait quel démon occulte. Surtout lorsque l’on sait, comme l’écrit Shakespeare, (La Tempête) “l’enfer est vide, les démons sont ici”

PS. On aura compris mon titre (“Contre l’inintelligence artificielle”) puisqu’aussi bien, depuis longtemps donc, je milite pour un développement sans limites, non “naturelles”, si j’ose dire, de l’intelligence artificielle.

MB

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.