Non, il ne s’agit pas de colère. Ce n’est pas moi qui suis “remonté”, c’est le billet. Celui sur Chantal Akerman, enfoui parmi les autres , que les fainéants ne trouvent pas, alors que la fonction “recherche” fonctionne admirablement dans mon petit site.
On m’a dit que mon texte était “vraiment amoureux”. Soit.
Je remonte l’article en collant juste un lien. Ce qui est assez étrange : un lien vers un lien, dans le même espace. Encore, soit. Ci-dessous.
Antoine Compagnon« La littérature, ça rapporte ! »
Et même la poésie ! Rencontre avec l’académicien et professeur émérite au Collège de France, qui signe l’essai le plus stylé de la rentrée.
Propos recueillis par Christophe Ono-dit-Biot
Avantage compétitif. Antoine Compagnon, professeur émérite au Collège de France, sur le bord du lac de Genève, le 21 août 2024.
«À quoi sert la littérature ?La question choque les belles âmes. La littérature ne sert à rien, répondent-elles en chœur, et c’est très bien comme ça. » Erreur stratégique, selon Antoine Compagnon. À l’heure où, rentrée littéraire oblige, on s’interroge davantage sur le sort et le devenir de la lecture menacée par l’écran roi et la rentabilité immédiate, l’académicien et professeur émérite au Collège de France dégaine un essai tonique et essentiel, La littérature, ça paye ! (Les Équateurs). Les gens lisent moins ? Ils ont tort ! Car la littérature, bien au contraire, rapporte. Aux auteurs, c’est très aléatoire, mais, aux lecteurs, c’est une chose certaine et, même, le meilleur des investissements. Certes, il est bon qu’il y ait en ce monde de plus en plus utilitariste des choses qui ne servent à rien, et qui doivent être préservées amoureusement. Mais si, en plus, elles servaient ? La démonstration de Compagnon est implacable, tout autant qu’espiègle. Partageant ses lectures (Proust, Baudelaire, Colette…) et les leçons de vie qu’il a tirées de ces « parallélépipèdes magiques », il stimule, provoque et réenchante avec lucidité une pratique vue à tort comme déconnectée de la « vraie vie ». Jeunes gens (et moins jeunes), voulez-vous être renards ou hérissons ? Vous ne le saviez pas, mais la question est cruciale. Réponse ci-dessous. Fine lame. Antoine Compagnon a été élu à l’Académie française en 2022. « J’ai choisi de faire figurer un hérisson sur mon épée d’académicien : il faut combiner la vitesse de l’épée et la lenteur du hérisson. »
Le Point : « La littérature, ça paye », dites-vous… Avant de citer votre cher Baudelaire, qui, dès 1846, dans « Conseils aux jeunes littérateurs », évoque celle-ci comme « une espèce de placement dont on ne touche que très tard les intérêts ». Très tard, en effet : dans son cas, ce fut après sa mort !
Antoine Compagnon : Et pour cela, encore faut-il pour les toucher avoir une postérité ! Je vous le concède, ce titre est ironique, mais, en réalité, uniquement en ce qui concerne les écrivains. Car, pour les lecteurs, la littérature paye vraiment. À l’origine, ce titre était d’ailleurs celui d’une conférence que j’avais donnée à HEC pour provoquer ces étudiants en business qui pensaient, de façon erronée, que la littérature ne les concernait pas… parce qu’elle ne pouvait pas leur rapporter.
Et en quoi elle était censée leur rapporter ?
Je crois profondément que la littérature donne au lecteur, quel qu’il soit, une hauteur de vue par rapport à son activité. La lecture vous apprend, en effet, par les différentes expériences qu’elle vous offre, à véritablement sortir de vous-même, à comprendre l’autre, à vous connaître vous-même comme « autre ». Proust en a parlé avant moi : dans la Recherche, son narrateur évoque les hommes « occupés » qui, dans les salons du faubourg Saint-Germain ou sur la promenade de Balbec, le toisent en le prenant pour un oisif, un dilettante, un amateur, un bon à rien, sous prétexte qu’il s’intéresse à la littérature et n’a pas les horaires de travail des gens bien. Mais il sait pertinemment que l’administrateur, le magistrat, l’ingénieur, le médecin, quand ils sont lettrés, réussissent mieux dans leur métier, vont plus loin dans leur carrière, sont davantage récompensés. Pour Proust, la littérature représente, en toute profession, un « avantage compétitif », comme disent les chefs d’entreprise.
Et vous partagez l’analyse de Proust ?
Et comment ! On le vérifie constamment. Le fait de lire de la littérature permet de développer une autre intelligence, qui tient de la perspicacité ou de la pénétration, du flair, comme chez un bon chien ou un renard. Une sorte de sixième sens que j’appelle la lettrure, qui se forge au contact des livres et qui permet de lever le nez du guidon. Celui ou celle qui a de la lettrure est moins narcissique, plus distant, plus pervers, aussi, mais moins dupe de lui-même, et plus conscient du rôle crucial du hasard et de la grâce dans la vie. Il est donc plus apte à exploiter les atouts qu’il a dans son jeu, parce qu’il a observé les grands héros littéraires, Fabrice del Dongo ou Lucien Leuwen, qui sont de grands joueurs. Rien de plus utile pour se débrouiller dans une vie moderne où l’on sera appelé à constamment s’adapter. Du reste, aux États-Unis, où j’ai longtemps enseigné, que l’on se destine plus tard au droit, aux affaires, à la médecine ou à l’architecture, des cours de culture générale, souvent littéraires, sont obligatoires. Toutes les femmes et les hommes « occupés » sortis de Columbia ou d’autres grandes universités auront lu Homère, Virgile, Dante, Rabelais, Cervantès, Rousseau, Goethe, Dostoïevski… Et il n’est pas exclu que cela ne leur donne pas un certain avantage stratégique.
Surtout dans une époque où la compétition des récits joue à plein ?
Oui. Quand il faut savoir se raconter, imposer sa version des choses, celui qui maîtrise le « narratif » emporte la partie. Un récit bien maîtrisé est la meilleure des armes, même pour la guerre, on le voit dans les conflits actuels, entre la Russie et l’Ukraine, Israël et le Hamas, qui sont aussi des guerres de récits. En politique également, le récit est crucial pour susciter l’adhésion. Dans le domaine des études médicales, on a vu surgir la « médecine narrative », qui aide les médecins et autres thérapeutes à améliorer l’efficacité des soins en développant la capacité d’attention, de réflexion, de collaboration avec les patients et les collègues, parce qu’on a pris conscience des limites d’une pratique qui considère les maladies uniquement comme des problèmes à résoudre. C’est la même chose dans les études de droit, où l’on recherche de plus en plus ce que Paul Ricœur appelait la « compétence narrative ». Cette compétence, la fréquentation des grands récits de la littérature vous la donne.
On n’a donc pas à s’inquiéter pour la littérature parce qu’elle serait partout, en somme… Pourtant, vous concédez que les gens lisent de moins en moins. Les chiffres parlent, et vous les donnez : sept minutes de lecture quotidienne pour les garçons de 16 à 19 ans, dix-sept minutes pour les filles, contre plus de cinq heures d’écran pour les deux sexes*. Ce n’est pas glorieux.
C’est vrai, et je doute de la validité des quarante et une minutes quotidiennes de lecture pour un Français, en moyenne, chiffre des dernières enquêtes déclaratives. En réalité, je pense que c’est beaucoup moins. Dans notre monde où l’exigence de rapidité et l’impatience sont désormais la norme, la lenteur que requiert la lecture littéraire est devenue inadmissible quand on la compare aux vitesses d’exécution atteintes par les nouvelles technologies… Vous tapez un « prompt », et l’intelligence artificielle générative vous livre aussitôt un laïus sur à peu près tout. Or il faut toujours autant de temps qu’en 1857 non seulement pour écrire, mais pour lire Madame Bovary. Comment accepter cela dans une époque qui veut que tout soit rentable ? La littérature, et la culture en général, autre profession qui ignore les gains de productivité, est comparable sur ce point à la coiffure : si c’est vite fait, c’est mal fait… Quant à l’ennui, qui a souvent été la condition de la lecture pour un homme ou une femme de ma génération (ah ! les étés où l’on tuait le temps avec un gros roman russe !), il est devenu prohibé, et les conditions de son apparition sont même impossibles avec un smartphone en main. Cela ne plaide pas, c’est vrai, pour la survie de la littérature, qui demande temps et concentration, ce qui n’empêche pas de reconnaître les avantages qu’elle confère sur leurs semblables à ceux qui continueront de s’y adonner.
Un avantage, y compris sur le plan intime. « Sans l’intelligence procurée par la lecture du “Rouge et le Noir”, je n’aurais pas vécu les trois derniers mois de la vie de ma mère avec la même conscience, la même acuité, la même présence », confiez-vous. On ne lit donc pas pour penser à autre chose ?
C’est le grand paradoxe de la lecture que de vous permettre de vous évader tout en vous rendant plus attentif à ce que vous traversez dans votre vie. Vous êtes dans les deux vies à la fois, et j’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas tant vivre la littérature comme si elle était la vraie vie que vivre sa vraie vie comme si elle était littérature. Ma mère était gravement malade. Elle souffrait d’un cancer. J’avais 14 ans. Je lisais le roman de Stendhal dans un état d’excitation quasi érotique et je découvrais des leçons essentielles chez Stendhal : les ressorts de l’amour et du pouvoir. Une nuit où je lisais fiévreusement Le Rouge et le Noir, je suis descendu boire un verre d’eau. Ma mère était en bas, assise sur une chaise dans la salle à manger, tenue éveillée par l’inquiétude de nous laisser seuls, elle qui allait mourir trois mois après et qui ne nous avait rien dit. Nous avons échangé quelques mots, et je me suis dit : « Maman va mourir. » Sans l’intelligence de la vie qui m’avait été procurée par ce roman (et par quelques autres livres que j’ai lus cette année-là, comme Sa Majesté des mouches,Richard II, ou Crime et châtiment), je n’aurais pas compris, je n’aurais pas vécu les trois derniers mois de la vie de ma mère avec cette intensité, cette lucidité sur ce qui était en train de se produire. Julien Sorel doit tout à ses lectures. Moi aussi.
Les livres, et ceux qui les écrivent, sont donc faits pour nous aider, comme vous le dites d’après une expression de Philippe Djian, « à traverser la rue » ?
Je le crois profondément. Même si je ne suis pas d’accord avec Djian quand il dit que Proust, contrairement à Raymond Carver, « ne sert à rien », car il ne serait bon qu’à procurer des émotions esthétiques pour ceux qui ont le temps de l’ouvrir en s’asseyant dans un fauteuil. Proust m’a véritablement aidé à traverser la rue. Et même à changer de trottoir. C’est lui qui m’a poussé à faire ma transition : comprenez, le fait que je sois passé des sciences aux lettres. C’est en lisant Proust que je me suis dit que les émotions esthétiques que je ressentais, je voulais les ressentir encore. Mais pas seulement : avec Proust, j’ai compris qu’on n’aime jamais l’autre pour lui-même, que désirer trop quelque chose, c’est s’assurer de ne pas l’obtenir, mais que la vie repasse les plats, qu’« on se retrouve toujours », comme dit Albertine. Ces grandes lois psychologiques proustiennes ne nous permettent-elles pas de traverser la rue, la vie, avec plus de détachement ? La littérature, en fait, vous transmet un savoir-vivre. Au sens propre, elle possède un savoir de la vie, et elle vous l’enseigne volontiers.
Vous faites dans votre livre un sort particulier à la « sérendipité ». Pourquoi ?
La sérendipité, qui vient d’un conte de l’écrivain Horace Walpole, lui-même inspiré par un conte persan, a été ressuscitée par le sociologue américain Robert King Merton (1910-2003), à qui l’on doit certains de ces grands concepts formulés dans des métaphores particulièrement aiguisées. Il la définit comme « le processus par lequel une découverte inattendue et aberrante éveille la curiosité d’un chercheur et le conduit à un raccourci imprévu qui mène à une nouvelle hypothèse ». On doit à la sérendipité quantité de découvertes scientifiques ou intellectuelles (pensons à la pénicilline, ou à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb). Pourquoi je l’aime tant ? Parce qu’elle établit la nécessité pour tout chercheur, scientifique, artiste, et en vérité pour tout un chacun, de joindre dans la vie l’esprit de finesse à l’esprit de géométrie, tels que les différenciait Pascal. Ou d’unir, pour reprendre une fable qui m’est chère, le savoir du renard et celui du hérisson. Je m’explique : un poète grec, Archiloque, nous a laissé cette phrase simple qui a eu beaucoup de succès à la Renaissance : « Le renard connaît beaucoup de choses, mais le hérisson connaît une grande chose. » Plus tard, le philosophe anglais Isaiah Berlin (1909-1997) a divisé les humains entre les esprits hérissons, qui ne voient le monde que par une règle simple mais qui vont jusqu’au bout, et les esprits renards, qui tirent parti d’une grande variété d’expériences mais qui peuvent aussi se perdre. Parmi les écrivains, il mettait chez les hérissons des gens comme Nietzsche, Pascal, Dostoïevski ou Proust, et chez les renards, par exemple, Goethe, Shakespeare ou Montaigne. Vaut-il mieux être renard ou hérisson ? Pour moi, qui ai choisi de faire figurer un hérisson sur mon épée d’académicien, il faut combiner les deux, la vitesse de l’épée et la lenteur du hérisson. La sérendipité, c’est la « renardise » chez le hérisson, la faculté de sortir du sentier battu et de reconnaître l’« accident heureux » que la vie lui offre au bord du chemin. C’est à mes yeux la compétence littéraire essentielle : savoir reconnaître qu’une « histoire » est possible, que s’ouvre un nouveau chemin. Au fond, ce que nous disait Homère avec la mètis d’Ulysse, cette intelligence de l’instant, c’est aussi ce que nous rappelle Montaigne, préférant la chasse à la prise. Qui osera soutenir que comprendre cela ne peut pas « rapporter » dans la vie ? §
« La littérature, ça paye ! », d’Antoine Compagnon (Éditions des Équateurs, 192 p., 18 €). En librairie le 4 septembre.
* « Les jeunes Français et la lecture en 2024 », étude Ipsos pour le CNL, avril 2024.
Extrait
LIRE OU ÉCOUTER PROUST ?
« Le livre audio est l’aubaine du multitasking, ledit multitâche. On l’écoute en faisant autre chose, en conduisant, en passant l’aspirateur, en faisant son jogging […] Selon les neuroscientifiques, quand nous croyons faire deux choses à la fois, notre cerveau ne cesse de basculer, de commuter entre les deux activités, et nous accomplissons moins bien les deux tâches. Quand je repasse une chemise en écoutant Le Temps retrouvé, au moment de parvenir au pliage, lequel exige tout de même un peu de concentration pour obtenir un carré parfait, je sais que la syntaxe compliquée de “l’adoration perpétuelle” m’échappera. Ce n’est pas bien grave, mais l’autre jour, en revêtant une chemise, je me suis aperçu que j’avais omis de repasser les manches : ce jour-là, Proust l’avait emporté. »
Les auteurs qui l’aident à « traverser la rue »
En dehors de Proust, Antoine Compagnon cite Baudelaire (qui en une seule phrase – « Le beau est toujours bizarre » – a « changé » sa « conception de la vie ») ; Montaigne, dans les Essais (« qui nous apprend un peu à mourir, c’est-à-dire à vivre, en réalité »), et Colette (« Il y a une telle euphorie, un si grand bonheur de tout chez elle »).
Aurélien BERGOT/REA POUR « LE POINT » (x2) – Wikimedia Commons
Il est toujours, évidemment, un moment ou l’homme s’interroge sur sa fin, sur la mort. Et il est assez impudique que de le dire, de l’écrire. Les sentiments unanimement partagés ne doivent pas se clamer, sauf à s’extraire du tout et se prétendre unique, solaire. Le verbe, dans ce champ, ne peut être, nécessairement, qu’un lieu commun, envahi par tous.
Il est cependant opportun, ne serait-ce que pour naviguer sur l’écume des mots qui roulent sur eux-mêmes comme des vagues infinies, de comparer les postures, les poses à vrai dire. Du moins celles mentales de ceux qui les donnent à lire.
Ainsi, Albert Camus, a pu considérer par sa “Peste” que grâce à l’épidémie, « l’affaire de nous tous ». les hommes se reconnaissent comme frères. Et que malgré son impuissance devant la mort, l’homme refuse le refuge illusoire d’une quelconque transcendance. En luttant contre la mort, il susciterait l’amour des autres qui authenthifierait son existence.
Cet humanisme assez béat m’a toujours stupéfait. Je n’arrive pas, encore maintenant, à comprendre comment l’on peut sombrer dans cette soupe, cette médaille en plaqué-or de la fausse simplicité portée sur un torse avachi. Il ne m’a pas m’a fallu des années d’illusion pour le comprendre. Je dois tellement me tromper. Mais les mots, encore une fois, dans ce champ de la décomposition n’ont pas leur place. Oui, oui, il est opportun et, peut-être même obligatoire, d’être aimé dans sa fin. Ce bien ne peut faire du mal. Même sans épidémie au demeurant. C’est le lieu commun camusien. Soit. Je le laisse aux poètes de tréteaux. Ceux du théâtre.
On peut, dans la même rigole de chemin, préférer Colette, l’écrivain ultime, laquelle, dans des pages discrètes et admirables, trouvera des accents pleins de pudeur et de simplicité pour évoquer le « dérivement » de la vieillesse et de la mort, parfaitement acceptées. Comme un paisible acquiescement à la loi de la nature. En réalité celle de notre temps, tant il est vrai qu’à la croire immuable cette « nature » deifiée , Gaia de pacotille, on tombe dans ce qui empoigne douloureusement Albert Camus, Cantor du misérabilisme humain porté aux nues.
Puis ce n’est pas un péché ni une tare que de penser à d’autres temps, d’autres espaces, dans la transcendance, qui peut ne pas être mièvre, loin de celle rejetée par l’amour des êtres pour d’autres êtres surgissant dans l’épidémie. En réalité un amour christique sans le Christ, inventé par notre Camus qui renverse l’objet (la fin), pour mieux retrouver son petit centre (le sujet conscient, donc aimant, amant de l’Autre.
Loin des espaces cassés dont les miettes tombent en pluie sur nos fronts, sans que n’y dégouline l’amour camusien.
F, qui est revenue de son trop long voyage irlandais, souhaite “remonter” ses “suites écrites il y 3 ans trop enfouies dans le site, dit-elle. Elle m’à aussi parlé de la nouvelle série sur Apple TV ”Dark matter”. Ses suites sont en relation avec le thème, parait-il. Pas compris. Je vais relire et surtout voir cette série.
Liminaires 1. Le texte qui suit à été écrit d’une seule traite, une nuit, il y a quelques mois, dans l’appartement de M, sur son ordinateur, alors que pour des motifs qu’il est inutile de dire, il était tragiquement “absent “. Mes proches, informés, par un message du vol et de l’adresse du site, stupéfaits par mon toupet, l’ont lu, ont beaucoup ri, disent-ils. On m’a, curieusement, demandé de clarifier certains passages “obscurs par l’envolée amoureuse” ai-je lu dans un commentaire. Ce que je fais aujourd’hui. On peut donc relire et guetter les corrections. M, lui, ne relira pas.
Liminaires 2. Je livre, avant tout, son dernier texte, extrait d’un roman inachevé, comme à l’habitude : “Lui qui a organisé sa vie pour écrire n’écrit plus. Une certaine sérénité, une forme de gaieté, sont nécessaires à cette activité. Il a abandonné le roman auquel il travaillait. Il ne voit pas dans le malheur une occasion d’élever son âme ou d’exercer la force de son esprit. Pour lui, le malheur ne fait qu’avilir, injuste et vil. C’est tout. Le malheur est encore pus ridicule quand la souffrance est mise en scène. Il a donc dépouillé la souffrance des oripeaux d’une grandeur. En réalité, Il a besoin de voir la mer. Faute de pouvoir atteindre le calme en lui-même, il a besoin des vagues puissantes, comme lorsqu’il pêchait en Bretagne, avec une femme à ses côtés, qui écouterait les rafales avec lui, qui lui demanderait de dire tout, même l’intime et l’improbable. Il rêve de mer avec une femme. Même agitée, la mer accorde toujours le repos à celui qui la regarde. Sa pulsation obstinée inspire à l’homme égaré dans son petit labyrinthe intérieur le sentiment des choses simples ; et à celui qui doute de la vie, le sentiment de la nécessité. Simple et nécessaire, la mer accueille toutes les douleurs. Elle n’offense pas les âmes fatiguées. Ni les âmes meurtries par les trahisons égoïstes de celles qui n’aident qu’elles–mêmes. En ne pleurant que sur elles-mêmes , prétendant malicieusement avoir le don de donner alors qu’elles ne font que prendre. Alors qu’elles trahissent sans cesse l’éclosion des vifs instants. Qu’elles restent loin des vagues“ Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse de son dernier texte. Il a tant d’ordinateurs, tablettes et autres objets dans lesquels il fourre ses textes. Bon, il avait besoin de mer, le narrateur.
Mon vol. F.
Je m’appelle F. Ceux qui viennent ici ont pu quelques jours, en décembre ou janvier, jours cruciaux, lire ce que j’avais pu écrire, sous des photographies, après avoir volé à M ses identifiants me permettant d’accaparer son lieu numérique, son michelbeja.com. Juste quelques jours pendant lesquels, persuadée qu’il l’avait abandonné, pour quelque temps, pour des motifs que je ne veux dire ici, je me suis laissée à jouer à lui, écrivant sur lui et moi. De fait, il n’est pas venu lire, il ne le pouvait pas.
Puis, une amie qui m’avait devinée, qui prétendait « adorer » mon “cambriolage” et la relation de faits presque intimes m’a alertée. Un lecteur, qu’elle connaissait, assez lourd et idiot, voulait questionner M, la où il était, sur cette histoire de vol de codes de son site, une potentielle imposture. Mais il ne répondait pas, évidemment. J’ai eu très peur d’une de ses réactions du style “je suis fatigué de toi”. J’ai donc copié et effacé.
Puis, encore, parmi ceux qui avaient imaginé et constaté l’effacement, m’ont téléphoné pour me demander le texte, « risible » parait-il. Je leur ai proposé un envoi par mail, au format PDF. Ils ont refusé, la risibilité résidant dans le vol et l’insertion dans “le blog”, le texte en soi étant moins savoureux s’il n’était pas collé dans un site dont s’était emparé une voleuse de codes. Hors de son site, le jeu devenait plat et l’écriture moins cocasse. J’ai donc recollé sur le site.
M a lu, quand il est revenu. Très fâché d’abord, évidemment, il s’est, ensuite, amusé du procédé. “Super”, qu’il avait dit, “je vais me reposer, loin de moi”. On connait. Mieux, il me permet d’accéder a son site et y caser des petits billets signés F. Je redonne donc, ci-dessous le texte qui étaient des « suites ». Avec son approbation. Il m’a juré qu’il ne les toucherait pas. Risible amour, (le roman de Kundera au singulier) a -t-il ajouté. J’ai failli l’étrangler.
Ce qui suit est donc de moi, F. On commence au début, avec les photos de Noël et on continue.
SUITE 0 (le vol)
Joyeux Noël. Images de commande.
La première (en noir et blanc) a été publiée Jeudi dernier aux USA dans la dernière livraison du “New Yorker”. Ses enfants (ses filles du moins) sont très fiers de leur père, leur Facebook en émoi. Père payé en bitcoins par l’acquéreur, producteur californien. Pas encore reçu le virement…
PS. Ce n’est pas M qui poste, tu l’auras compris lecteur, j’ai piqué ses codes WordPress, investi son site, dans une sorte de fusion. On dirait du Houellebecq, cette dernière phrase.
SUITE 1
Encore moi, la voleuse de ses codes, la nouvelle rédactrice de michelbeja.com
Je ne savais pas qu’il y avait des « commentaires » sur les billets dans WordPress (sous l’article, en bas ). M (moi, désormais) doit les “approuver” par mail. Je ne bouge pas. Certains proposent des jeux en ligne (son pare-feu n’est pas toujours efficace), d’autres affirment qu’ils « n’y croient pas une seconde », à ce vol de codes et cette intrusion par moi, du « pipeau » qu’ils disent. Les plus nombreux. Bon, écrivent-ils, M, il revient sur son site abandonné depuis son billet sur le bouquin de Jonathan Coe et son Billy Wilder, le 14 juillet, au demeurant une date qu’il a choisie pour la frime et, M, qu’il « ne nous emmerde pas avec ces conneries, du pipeau, qu’est-ce qu’il a ? ». Certains emploient même le mot « subterfuge », sûrement des universitaires qu’il connait, que j’ai pu rencontrer lorsque nous nous sommes connus. D’autres, plus perspicaces, qui n’ont pas reconnu son style (c’est donc le mien, presque du Houellebecq, avais-je écrit dans ce billet « joyeux » dans lequel j’avais collé ses images de commande, dont une publiée dans le New Yorker), se rendent à l’évidence et me demandent pourquoi ?Où est-il ? Je les imagine inquiets mais je sais que je me trompe (il n’a aucun ami ou une quelconque personne -sauf moi- qui s’inquiéterait, dans l’empathie). Des interrogations sèches. Des intellectuels, sûr. Mais ils ne donnent pas leur nom. Sur WordPress, on choisit un pseudo, facile. A vrai dire, je dois me tromper, on n’écrit pas des tonnes de mots dans des mails de “commentaire” de billet. Non, non, je ne me trompe pas, il n’a pas d’amis, c’est mon leitmotiv, mais il me l’a dit le premier jour de notre rencontre. Et puis l’empathie, c’est difficile, ajoutait-il, murmurant qu’il n’y a que les gens forts, les“colosses du sentiment ” qui peuvent aimer, partager, combler, compatir, bref les amoureux solitaires. On connait son discours. Il n’ose pas le dire à ceux qui, jaloux ou incultes, qui ne savent pas écrire une ligne ou sortir un concept, se grattent le menton ou lèvent les yeux au ciel, mais moi je le dis : il les emmerde. Il est trop poli M. Moi, pour mille motifs me concernant intimement, je sais qu’il est sincère quand il le sort son “colosse du sentiment”. A ceux-là, à ceux qui ont bien compris que ce n’était pas une farce de collégien, que j’ai assurément volé dans son cahier mauve Moleskine ses codes WordPress, pour continuer son site, l’un des premiers blogs fabriqués en France, pour lui rendre hommage dans cette période, je répondrai. On sait tous qu’il hait ce mot de « blog ». Comment avait-il dit ? Ah oui, à peu-près, je tente de l’imiter, de me souvenir : « saloperie de mot le « blog », du texte quelquefois acceptable transformé en guimauve incolore par l’irruption de cette atrocité sémantique, connoté « larve » ou « morve », juste par le roulement de la langue sous le palais lorsqu’on le prononce, que d’ailleurs « smog » c’est aussi laid, mais on imagine Londres ou Turner et que ça le rend plus chic ce smog » Ça, c’est son style, presque. A peu près ce qu’il me disait lorsque nous nous sommes rencontrés. Tu connais bien, lecteur (là je l’imite comme il a imité Pierre Loti) son exagération, l’exacerbation dans la métaphore et le concept. Et si j’avais imité Houellebecq, comme je sais si bien le faire, j’aurais pu lui répondre que c’était vrai cette langue qui s’enroule sous le palais quand on prononce le mot blog, « que ça me donne envie de te rouler une pelle, M ».
Oui, j’ai piqué ses codes, suis allé sur son site et, sans qu’il ne le sache puisqu’il n’était plus là, qu’il était ailleurs, j’ai écrit quelques lignes. Ses photos que j’ai collées, elles sont sur son ordinateur et dans le cloud, dont j’ai également dérobé les “identifiants”, en réalité les mêmes identifiants et mots de passe. Pas prudent. Pourquoi, écrivent-ils ? Pourquoi quoi ? Qu’il n’écrit plus sur WordPress ? Qu’il n’écrit plus du tout ? Il est malade ? Qui es-tu toi ? Qui es-tu ? Là je ne répondrai pas. Personne ne saura ni pourquoi il n’écrit plus, ni qui je suis. A part ceux (3) qui ont découvert parce que je l’ai bien voulu, Il n’y qu’une seule personne qui sait ce que je fais : ma vieille mère, encore vivante, qui connait bien M, à qui elle faisait de bons plats lorsque je l’amenais dans ma chambre pour plusieurs jours et nuits sans sortir, draps sur le sol, tant ils étaient froissés. C’est le seul qui m’a dit un jour qu’il vénérait ces jours, ces nuits, enfermé avec une femme dans une chambre, “qu’il aurait pu en faire une vie entière”, « qu’il détestait marcher et qu’allongé sur un lit, il aurait pu pendant des décennies embrasser la femme à ses côtés, en lui parlant, en lui parlant d’amour, en la caressant doucement et fort à la fois, en partageant tous les millièmes de secondes , juste du partage». Il déteste marcher M, c’est vrai, même s’il ne l’a dit qu’à moi, même “à deux”, surtout à deux, ajoute-t-il, quand on est « côte à côte » et qu’on ne voit pas les yeux de l’autre, pour y plonger, évidemment. Curieux cette théorie de la marche qui tue les regards amoureux. Des milliers d’écrivains ont écrit le contraire. Main dans la main, les yeux dans la nature, l’amour s’élèverait, clament-ils, majestueux jusqu’aux brumes allègres qui accompagne l’extase sensuelle. Avant d’aller baiser dirait Houellebecq. Bullshit. Et puis les milliers de randonneurs, dans la lignée de cet écrivain dont je ne me souviens plus du nom qui font de la marche une enjambée paradisiaque. Billevesées et balivernes (ses mots récurrents). Il exagère M. Peut-être une insuffisance respiratoire. Mais ce serait une vilénie de ma part que de transformer une conviction emplie de nuits d’amour “à partager”, en un méfait asthmatique. Donc, je le crois. Puisque je le sais.
J’ai donc tout volé, je suis chez lui, j’ai son ordinateur, ses portables Mac Pro 13, Mac Air 10, ses tablettes, Samsung, iPad, ses cartes SD et ses appareils photos, Canon, Fuji, Sony, Lumix. Tout. Pas vraiment du vol, me dis-je. S’il le savait, il me pardonnerait, en souriant. Il aime trop donner, on s’en fout du pourquoi. Peut-être pas l’intrusion dans l’ordi sur sa table en verre fumé dans la salle à manger transformée en bureau depuis qu’il vit seul, là où il a caché (vite repérés dans un dossier idiotement dénommé “sans titre“) ses textes les plus intimes, jamais postés, publiés, ceux qui me font vraiment pleurer, de vraies larmes, surtout quand il écrit sur “le chagrin qui tombe sans prévenir“, M. Ou sur les mille manières caresser une femme, “ça dépend de l’heure de la nuit, mais les femmes dorment trop”, qu’il écrit, il ne me l’a jamais sortie celle-là. Je vais en coller des passages ici, ce soir ou demain. Rien de compromettant. Même dans sa « petite autobiographie» qu’il m’affirme avoir écrit en quelques jours ou semaines et dont il ne sait si elle est acceptable (on parle du texte, pas de sa vie), rien de compromettant. Il aurait pu écrire ses enfermements avec moi. Je ne les ai pas trouvés. Mais je n’ai pas encore tout fouillé, j’ai le temps, je suis ici pour assez longtemps. J’ai les clefs. Par l’accès à son ordi, j’ai son troisième tome de sa bio, non “imprimée”, la plus intéressante, celle dans laquelle il raconte le jour où il a jeté dans la Seine, d’un geste rapide, par sa main gauche, sans même s’arrêter, pour apprécier ou regretter cette folie, une bague de fiançailles, d’immense valeur, qu’il comptait offrir à une « presque-inconnue », d’une beauté magique. Il ne l’aimait plus, écrit-il, depuis le moment où, l’attendant à la terrasse d’un café, elle avait traversé la grande Avenue. Il avait « guetté » (ses mots) sa démarche, qui était vulgaire. Une « démarche vulgaire» et il jette une bague dans le fleuve. C’est vrai. Un de ses copains de fac (il n’a pas d’amis) me l’a aussi raconté. C’est fou. C’est fou aussi de s’amouracher aussi vite et d’acheter une bague de fiançailles pour l’offrir, à genoux, comme dans les films hollywoodiens, à une beauté diabolique, rencontrée un mois auparavant. Sans même lui demander sa main, juste pour ses yeux. romantica, vous connaissez son mot. Notez qu’il m’a dit récemment qu’il « oubliait » aussi les femmes qu’il avait pu aimer, celles qui ne méritaient pas qu’on se souvienne d’elles, en se remémorant de la fraction de seconde d’une démarche « inadéquate », « non idoine » aurait-il pu, dans son style, écrire. Oublier une femme, un amour de sa vie, par la mémoire fugace, subliminale, d’une jambe trop entrée vers l’intérieur ou d’une épaule qui s’affaisse en traversant une avenue. Faut le faire. Il exagère M. C’est ce qui m’a fait, me fait l’aimer. Dieu que je l’aime quand il exagère, c’est comme une comète bleue qui passe dans un ciel gris. Nul ne comprend le bienfait de l’écart des minutes prévisibles.
Je vous raconterai ce jour d’Aout, il y quelques mois donc, où nous nous sommes retrouvés. Vous ne me croirez pas. Nos retrouvailles mériteraient une mini-saison Netflix. Là, j’exagère. Comme lui. Mais, vraiment, de quoi imaginer mille dimensions, des milliards de sens, des anges qui s’ébrouent par milliers au-dessus de nos corps qui se caressent. C’est son don, celui de l’exagération, de sa proximité avec les anges, son seul dit-il, même s’il ajoute-vous savez- “qu’il plaisante”, alors qu’il en est convaincu. Ceux qui le connaissent se souviennent de ses mots sur les anges qu’ils prêtent, en hurlant “qu’il plaisante“. Moi, je les ai retrouvés dans son dossier “sans titre” : “l’enlacement des anges invisibles, scintillements des forces supérieures”. Je ne colle pas les centaines de pages sur les “tourbillons immatériels”, trop long, trop personnel, trop cabalistiques Je raconterai peut-être, plus tard. Je ne dirai pas le motif de mes incursions chez lui, dans son appartement, cahiers, livres, ordinateurs à portée de moi. Et la découverte des mots de passe de l’édition de son « blog » (je te taquine, M, avec ce mot, mais tu ne lis pas ces lignes, tu ne peux imaginer).
Je continue plus tard. Une course à faire. Comment il aurait dit M ? “je reviens”
SUITE 2
J’ai toujours été jalouse du premier amour de M.
M, qu’elle s’appelait. MB, comme lui. Dans son deuxième tome de sa « petite autobiographie », il écrit, je vole, mais rien de « compromettant », ce n’est pas dans son dossier « sans titre », donc prêt à la publication :
« M, mon premier amour, M, celle qui ressemblait à Ava Gardner, amoureuse de Rodin, qui passait des journées entières dans le musée de la rue de Varenne devant une de ses sculptures, un amour fou, que j’ai demandé, alors que je n’avais ni le sou, ni l’envie, je n’avais que 20 ans, en mariage. Juste pour le mot, ce que je me suis dit, plus tard, mais c’était un piètre virage de soi. Ses parents, grands bourgeois fortunés, l’ayant appris de sa bouche, pas de la mienne, étaient atterrés. La mère était « subjuguée » par mes yeux, par leur « immobilité » après une affirmation prétendument définitive, de celles que je proférais régulièrement, y compris sur le goût altéré d’une glace à la pistache. Mes yeux bleus et volontaires lui faisaient baisser la tête, elle une vieille dame. C’est ce qu’elle disait à M. Donc une demande en mariage, annoncée dans un grand rire de mon immense amour, un soir de beau printemps, devant un planeur, dans un aérodrome près de Paris, là où j’allais le dimanche avec ses parents, persuadés de ma gentillesse, de mon intelligence, un bienfait pour leur fille, mais qui ne pouvaient imaginer une telle ineptie rêveuse et inacceptable. Je n’étais pas là ce soir-là. C’était leur catastrophe : un jeune smicard, bon danseur de boites de nuit, certain de sa carrière de guitariste de jazz ou de parolier de variétés, peut-être immense producteur de musique, dans le style de George Martin et de ses Beatles, allait s’emparer de leur magnifique fille. Dieu que je l’ai aimée M. Premier amour, dernier amour dit-on. Faux. Je l’aime encore.Nous nous sommes quittés. Une foucade, une idiotie, moi ne supportant pas qu’elle puisse, quinze jours, me quitter, pour aller à Londres, suivre un petit stage d’anglais. Je lui avais dit que si elle faisait ça, cette infamie, me laissant seul, m’abandonnant alors que je ne pouvais imaginer ma vie sans une minute d’elle, elle ne me verrait plus. Elle ne l’a pas cru, on s’aimait et rien ne pouvait casser ce diamant inédit. Elle a eu tort. Et moi idiot, idiot que de le dire et, sûr de moi, allant au bout de cette menace. Je suis un idiot. Mais j’avais 20 ans et pas en âge de me marier. Il suffisait qu’elle me pardonne, ce qu’elle n’a pas su faire, persuadée de ma volonté (mes yeux). Et à l’époque, les SMS et autres WhatsApp qui fabriquent les instants et les vies n’existaient pas. Trop amoureux d’elle, fier du regard que tous portaient sur elle lorsque nous marchions ensemble dans les rues de Paris. Je ne me retournais pas, certain de voir des hommes, des femmes à l’arrêt, scotchés, comme on dit, non pas par le petit frimeur aux yeux bleus et cheveux longs, mais par la femme qui lui prenait le bras, beauté d’une autre galaxie, cheveux au vent et yeux enfouis dans tous les astres. Elle venait chez moi, et ma mère nous servait le petit-déjeuner au lit. Vous avez bien lu. C’est la première femme qui m’a pris le bras lorsque nous nous promenions. J’ai toujours aimé ce geste. Toujours. Et l’image de mon bras gauche tenu par une main profonde, caressante, aimante, serrant un muscle comme pour dire encore plus sa présence, me fait naviguer dans toutes les forces immatérielles, irréelles, les rondes du sentiment, les serrements improbables et infinis des peaux qui se prennent, regard embué, persuadés de l’immortalité du monde.
M, mon amour.
SUITE 3
Je m’appelle F. Je rappelle que je suis donc celle qui a les clefs, celle qui a trouvé les codes du site « michelbeja.com » dans un cahier Moleskine et qui continue à « l’alimenter » (ce mot est assez vilain, mais je le laisse). A vrai dire, c’est mon hommage à M qui serait furieux de savoir. Vous connaissez ses colères. Il ne crie pas vraiment. Il regarde, au fond des yeux, et dit : « je suis fatigué ». Et quelque fois, en souriant à peine, « je suis fatigué de toi». C’est terrible quand il prononce cette phrase, les yeux abattus mais curieusement encore vifs, dans les votres. On sait qu’il dit vrai, même si quelques minutes plus tard, il vient vous enlacer. Et si vous lui refusez le baiser du pardon, il s’en va et vous rappelle pour vous dire combien il vous aime. La mère de M, dont j’ai découvert l’existence dans un extrait de son autobiographie, son troisième tome (inédit) avait raison. Ses yeux font peur, par leur force volontaire surgie inopinément, après un rire de « bonne vie » (son mot, vous savez, celui pour saluer à la grecque) dans les minutes qui précèdent le regard fatigué, immobile et résolu. Mais je suis sereine, il ne va pas être furieux puisque je sais qu’il ne vient plus sur son site. Il me l’a dit. Il est ailleurs. Et, mieux encore, ce soir du mois d’Aout 2021, tard dans la nuit, dans son lit entouré de vrai cuir beige, après m’avoir tout raconté de sa vie (c’est une de ses expressions récurrentes que ce « mieux encore » qu’il doit tenir d’un toc professionnel), il m’a dit cliquer bientôt pour abandonner son domaine « Michel Beja » et le laisser errer dans « les espaces sans nom ». Il sait dire ou écrire, M. On disait il y a longtemps que c’était « une plume ». Il ne l’a jamais cru. Dommage, il aurait pu changer de métier. J’aurais dû être là. Ne vous moquez pas de moi, lecteur, j’aurais du être là. Celles qui m’ont succédé ne l’ont pas rendu heureux, n’ont pas été reconnaissantes de sa présence, n’ont pas compris sa bonté amoureuse qui tonne comme un volcan lumineux. J’aurais du être là, nous n’aurions jamais du nous séparer. Tard dans la nuit, lorsqu’il parle et parle, il est un autre. Il faut être insomniaque pour l’aimer. Non pas un autre, je me trompe. Plutôt lui dans l’exagération de l’exagération. Sans ça, il ne serait pas lui. Je suis la seule, moi F, à le savoir. Toutes ses « ex » ne le savent pas, j’en suis certaine. Vous croyez que j’affabule. Vous auriez tort. Sans exagérer, sans le rejet d’une heure qui passe « normalement », il ne serait « qu’un escargot transformé en plante par une fée même pas jolie, en réalité une sorcière » (j’ai trouvé ça dans son Mac. C’est un mot qu’il a photographié d’un cahier écrit à l’âge de seize ans et « collé » dans ses images dans le Cloud (j’ai les codes). Je ne l’ai pas retrouvé dans ses tiroirs.
Le soir ne tombait pas vite, ce mois d’Août 2021. C’est ce que je me disais devant mon « Negroni », le cocktail qui est comme de « l’Americano », mais qui veut s’en éloigner. L’Americano, ce n’est « juste pas assez chic », une boisson de frimeur « tard-venus, parvenus donc » (ses mots) qui, dans des envolées d’un lyrisme grotesque se prennent pour de grands voyageurs felliniens, au bar du Navire que le grand réalisateur a filmé. J’étais seule dans cette terrasse du 17ème. Un restaurant qui se veut chic, qui offre la terrasse, chaises en fer forgé, coussin anglais et serveuses de couleur. Et un Happy Hour, à l’heure de l’apéritif, à l’heure où au mois d’Aout, la nuit ne tombe pas assez vite. Ça fait deux fois que je la sors cette phrase. Rien de grave. Juste que j’aime bien voir la nuit tomber à une terrasse parisienne. Octobre est idéal pour ça. Pas grand monde ce soir. Je crois même qu’ils fermaient, pour les vacances, le soir ou le lendemain. Je lisais (ça a son importance pour notre histoire) un bouquin de Déborah Lévy. Je lève les yeux. Je vois arriver un homme, veste en lin bleue, lunettes de soleil, un sourire en apercevant la serveuse africaine qui devait bien le connaitre puisqu’elle s’est, immédiatement, approchée de lui pour lui parler. Et lui, encore un sourire et un geste élégant qui devait signifier le temps qui passe allègrement. Une main qui part du corps pour s’élever, comme un éventail, vers le haut. Essayez de mimer, vous comprendrez. J’ai aimé le sourire et la veste en lin, le geste aéré et les lunettes de soleil, exactement adéquates. Je dois certainement froncer les sourcils quand je me dis : « Mais, c’est M ! ». Il sort une tablette de son sac et commence à lire. Je scrute encore. Oui, c’est M. Il regarde autour de lui, m’aperçoit, ne me reconnait pas, et baisse les yeux. Il sait, comme toujours, que je vais le fixer. Comme tous. On le regarde M, on ne sait pourquoi. Ses lunettes, dit-il toujours, assez « exactes ». Il replonge dans sa tablette. Je me lève. Je me plante devant lui. Et je luis dis : « Bonsoir M ». Il lève les yeux, pose un doigt sur une branche de ses lunettes noires, ne les retire pas. Il sourit. « F, c’est fou », me dit-il, en se levant et m’embrassant fortement dans le cou.
Les retrouvailles sont toujours aussi simples. Sûr que les dimensions sont multiples.
SUITE 4
Je ne me souviens pas du titre du film. Deux amants qui se revoient, par hasard ou presque, dans le hall d’une institution internationale, après plusieurs années, peut-être des décennies, éloignés l’un de l’autre. Ils se regardent et l’homme dit, aimablement, à la femme : « tu n’as pas changé » et la femme, fixant ses cheveux blancs, peut-être un petit ventre, lui répond : « toi, si ». C’est une réplique que je croyais assez connue mais, qui, en réalité, ne l’est absolument pas. Quand je la raconte, personne ne me dit qu’elle est « connue », certains ne la comprennent pas et d’autres ne rient même pas quand je dis, persuadée de l’irrésistibilité du vrai mot malicieux que j’avais trouvé : il aurait dû lui répondre : « ah, je te disais bien que tu n’avais pas changé ! ». Si je raconte cette histoire qui me fait toujours rire, allez savoir pourquoi, c’est pour, opportunément, avec la malice dont je m’affuble (aucune raison de s’en priver) revenir à notre terrasse du mois d’Août, celle aux chaises en fer forgé et aux serveuses, belles africaines. J’en étais resté cette longue embrassade dans le cou. Il est allé chercher mon Negroni, l’a posé sur sa table, a fait un signe à la beauté noire qui a souri, m’a invité, presque comme avant, autoritairement d’un doigt volontaire pointé sur la chaise vide, à m’asseoir et m’a dit : « c’est fou, F, comme tu es belle, comme tu as bien vieilli ». C’est là que j’ai pensé à la réplique du film. Je lui ai raconté plus tard, presque à l’aube dans son grand lit. Il connaissait la réplique. Ça fait plaisir d’entendre des mots comme ça quand on rencontre par hasard (ma mère me dit, j’y reviendrai, que ce n’est pas par hasard, qu’allai-je faire dans le 17ème ?) un homme qu’on a vraiment, vraiment aimé, adoré, auquel on pense, on ne sait pourquoi, tous les jours. Il est impossible de ne pas penser tous les jours à un être qu’on a aimé. Qu’il soit mort ou vivant. A défaut, on ne l’a pas aimé. C’est simple ces phrases. C’est le Houellebecq que j’aime, celui qui dit des vérités simples, dans des mots simplissimes, sans emberlificoter, sans tenter, comme il s’y essaie souvent maladroitement, à longueur de chapitres, de fabriquer la phrase alambiquée qui le classerait dans l’écriture romanesque, digne d’un Goncourt (souvenez-vous sa joie, son immense joie quand il a reçu le Goncourt, je n’en croyais pas mes yeux, je croyais, lectrice assidue de ses romans tapageurs, presque pornographiques dans tous les sens du terme, y compris celui de l’écriture, qu’il allait s’en moquer de ce Goncourt, faire du petit Sartre qui a refusé le Prix Nobel. Eh bien non, c’est le plus beau jour de sa vie à Houellebecq). Mais, je reviens à notre terrasse. Vous n’imaginerez pas ce qu’a fait M dès que je me suis assise, en alignant devant moi mon verre qui, sur le rebord de la petite table ronde, allait s’effondrer sur le trottoir. C’est simple, il m’a pris la main et il ne l’a plus lâchée. Non pas une main qu’il prend, qu’il pose sur la table, qu’il caresse affectueusement, comme à un enfant, comme pour marquer sa tendresse, sa joie profonde d’être à mes côtés, de m’avoir retrouvée. Comme une sorte frère affectueux qui s’est substitué à l’amant. Juste de la tendresse, quoi, Non, pas du tout, pas de la tendresse ou de l’affection, il m’a pris la main comme un amoureux, la serrant, doigts enlacés, très fort, sexuellement nos deux bras vers le sol, comme pour accentuer le désir, ce qui était presque acrobatique. Nous étions face à face, comme avant, comme si nous ne nous étions jamais quittés, il m’a pris la main comme un grand amoureux. Alors moi, je me suis levée, ai défait sa main, l’ai posée sur mon ventre et je l’ai embrassé sur les lèvres pendant au moins trois minutes, lèvres fermées, yeux fermés.
Alors, vous allez dire, lecteur (là, je l’imite encore) qu’après ce baiser (Dieu que ce mot est délicieux), nous avons parlé et encore parlé, de notre vie, nos ruptures, nos divorces, nos désillusions, de notre dernière lecture, de notre dernière série Netflix, de notre dernier film vu sur Mubi (il est abonné, comme moi), de l’alcool de figue, étiquette noire, qui est apparue sur le marché, de notre dernier amour, de nos enfants, de de nos amis, de nos journées, de notre vie. Non, lecteur, nous nous sommes encore regardés au fond des yeux, sans parler. Puis, je me suis levée, lui ai demandé d’aller payer, ce qu’il a fait, il est revenu et je lui ai dit : « c’est loin, chez toi ? ». Il m’a pris la main, toujours les doigts enlacés. Mais nous sommes allés, main dans la main, dans une marche sans regard dans l’autre, comme il dit, mais certain de la lumière (la nuit ne tombait toujours pas), à côté, pas chez lui, à deux pas en vérité. Il s’agissait d’aller chercher sa bagnole. Ne vous inquiétez pas, je vais raconter. Là, il faut que je prenne un verre.
Trois fois donc que l’ai rencontré.
SUITE 5
Non, il ne faut pas vous inquiéter, je vais dans une autre « suite » raconter notre première nuit de « retrouvailles » (je n’aime pas ce mot qui sonne comme du jambon). Je suis là et lui ne vient plus ici. Mais j’avais promis des pages de M, trouvées dans son « dossier sans titre » et jamais intimes, à donner en pâture (je n’aime pas non plus ce mot « intime », qui sonne comme une mauvaise romancière anglaise). Quand M s’applique, il peut être sublime. Il s’applique lorsqu’il est amoureux, porté par une force avec laquelle il cause, je ne rigole pas, je raconterai, j’ai entendu, il croyait que je dormais, c’était il y a longtemps. Mais c’est fini ce longtemps, on s’est retrouvés. Quand il écrit au kilomètre, comme il dit, il peut lasser. Et quand je lui dis qu’il en met trop, des tonnes, il me répond (je me souviens et cite de mémoire) que « F, c’est comme dans un supermarché, il en faut des kilomètres pour trouver le bon produit. T’imagines un magasin dans lequel il n’y aurait qu’un seul produit, le bon ? T’y viendrais dans ce magasin ? Bon Flaubert a essayé, en raturant, effaçant, gommant, de ne laisser que le bon. Mais quelquefois on s’ennuie, non ? Pourtant c’est mon écrivain Flaubert. S’il s’était un peu, pas trop, laissé faire, comme Balzac, on aurait eu une Bovary encore plus tonique, plus triste, plus tout quoi. Tu sais, F, l’écriture c’est comme un jour ou une lumière, la beauté continuelle la tuerait. Comme l’immortalité disent les anti- transhumanistes. Mais tu sais, il y a des jours ou on trouve, immédiatement, l’essentiel. Les jours où l’ange, pas toujours salaud, ne t’a pas laissé tomber » Bon il a toujours sa réponse. Mais lisez un passage de ce que j’ai découvert (des tonnes). J’ai lu et relu, non pas pour savoir s’il s’appliquait, juste pour être certaine qu’on pouvait, sans infamie, coller ici ce qui était de lui. J’ai décidé qu’il n’y avait aucune intrusion répréhensible. Juste une histoire de bas-résille et son pays natal, qui frôle ce qu’on peut connaitre de lui. Beaucoup, pas moi qui suis là, regretteront de ne pas avoir plus « parler » avec lui. Mais l’on sait qu’il déteste « parler », « l’opinion n’existant pas » (ceux qui n’ont pas entendu cette phrase ne l’ont pas connu) sauf dans la nuit dans un lit ou un canapé avec la femme qu’il aime. Dire « Dieu que je t’aime », de mille manières, sans s’arrêter. Le reste dit-il, c’est de la discussion pour démontrer la maitrise du langage. Le parler est érotique. Alors, autant que ce soit avec une femme. Barthien ajoutait-il, même s’il n’aimait pas Barthes qui voyait un peu trop son nombril (ses mots ou presque je crois)
Donc lisez :
M, je l’ai rencontré trois fois. La première fois, jeune, en dansant, la deuxième fois, beaucoup plus tard, en vivant avec lui, la troisième fois en Août 2021, par hasard, sur la terrasse de café aux chaises en fer forgé. Quand j’écris ça, je me dis que c’était impossible de ne plus se voir, que c’était inévitable de se rencontrer à nouveau. On ne peut laisser se détruire les filaments de toutes les heures en vadrouille qui ne demandent qu’à être « ramassées », concentrées, agglomérées. Oui, c’est ça, agglomérées. Le destin, ça n’existe pas. La nécessité oui. Il était nécessaire que nous nous rencontrions, à nouveau aussi. Dieu que ces mots sont simples et vrais, aurait-il dit, si je les avais prononcés. Il attend toujours qu’on prononce les phrases qu’il attend mais elles ne viennent jamais. Ses femmes, comme il me l’a dit en Août 2021, ne les prononcent jamais. C’est son seul problème, les mots qu’il attend et qui ne sont pas prononcés par celles qu’il aime. On parle des femmes ici, pas des copines qui lui disent toujours qu’elles adorent sa dernière photo, ce qui l’énerve vraiment. Son talent, il connait, nul besoin de le lui dire, il n’attend pas ça. Il attend juste qu’une femme qu’il aime et qui l’aime aussi dise simplement qu’il est génial qu’on s’aime autant et que tout le reste, l’argent, la politique, même les voyages alors qu’il est un voyageur, on n’en a rien à foutre : on s’aime, Dieu que c’est génial. Et, c’est son aveu de cet Été, il ne les a jamais entendus ces mots dans la bouche d’une femme qu’il aimait et qui l’aimait. Il a un peu tempéré son propos, comme on dit (elle est vilaine cette phrase « tempéré son propos »), en se caressant le menton, en me disant que M, son premier amour qu’il a demandé à 20 ans en mariage, lui disait ces mots en le regardant des heures sans parler. Mais il aurait aimé qu’elle dise, qu’elle crie : “Dieu que c’est génial qu’on s’aime”. Je ne comprends pas, je suis sûre que je lui ai dit ces mots. Ma mère, laquelle, comme je l’ai déjà écrit est encore vivante, elle s’appelle Viviane, qui adore M, presque plus que moi, depuis le jour où, à table, devant une blanquette de veau qu’elle lui avait préparé, lui a dit : « Viviane, que je vous aime » me répète inlassablement, elle, une scientifique qui a refusé un poste à la NASA, qu’il a, oui c’est vrai, partie avec les anges qu’il, « prête », qu’elle ne comprend pas pourquoi il n’a pas été mon époux, pourquoi je l’ai laissé pour d’autres, pourquoi je ne lui ai pas dit que je l’aimais comme personne. Vous comprenez pourquoi, ils se sont bien entendu ces deux, ils exagèrent.
Viviane a lu sa petite autobiographie. Elle “adore”… Tiens, j’en cole un morceau et “je reviens”, comme il dit.
Le détail m’exaspère. Le paysage, par exemple, comme je l’ai dit, souvent, m’indiffère ou plutôt me déconcentre, ses détails ne m’intéressant pas, même si je suis un vrai photographe. J’expliquerai longuement le paradoxe qui n’en est justement pas un (la perception de l’ensemble fabrique le bon cadrage et le détail provoque une déviation) Mais pas dans le film de cinéma dans lequel le détail illumine. Là, je guette tout, y compris la couleur des chaussures magnifiquement cirés des grands acteurs hollywoodiens. Ou les « bas-résille » des actrices. L’expression m’a toujours enchanté. Et, dans mes cinémas d’adolescent, dans mon pays natal, dès qu’une femme apparaissait sur l’écran, je regardais ses jambes et les éventuels bas (qui ne sont pas des collants) de ce type. Dans un premier temps de l’écriture, persuadé qu’une image valait mieux qu’une description, j’ai failli coller, entre les lignes, une photo de ces bas de rêve. Mais j’ai d’abord abandonné, mon texte ne pouvant qu’en être alourdi. Puis, à la relecture, je suis allé en ligne, pour constater que je m’étais lourdement trompé : dans mon esprit, le « bas-résille » était celui avec la couture au milieu, sur le milieu du mollet. Eh bien non, la résille est une matière qui colle parfaitement à la peau, la couture n’ayant rien à voir avec ladite matière. Une bévue.
Je me sens donc obligé de coller ci-dessous ce que je pensais être un bas-résille et qui n’est qu’un bas à couture.
Il faut me pardonner cet écart inutile, futile, radicalement inutile, je le répète (même si je dis souvent que l’écriture étant érotique, il faut bien qu’elle glisse, va et vient, avant d’atteindre l’essentiel). Il me permet, cependant, à nouveau, d’affirmer qu’il ne faut pas hésiter à s’éloigner du texte, de sa construction, du temps. En s’arrêtant sur un mot, comme une main s’arrête sur un ventre lisse. Il y a donc des mots jouissifs, pas des mots qui frétillent, des mots qui sont désir. Et le « bas-résille » en est un, évidemment. Ce mot est plein de tout, surtout pour un adolescent qui découvre Paris et croit qu’il va rencontrer au moins mille Arletty, des dizaines de Michèle Morgan, à chaque coin de rue. A dire vrai, dans mon esprit, qu’on le veuille ou non, au-delà de la réalité sémantique, le bas-résille est celui de la photo que je viens d’insérer. Tant pis pour les puristes du vêtement, tant pis pour la réalité. C’est « ma vérité », dirait un charlatan de l’écriture qui se veut prêcheuse, saltimbanque, pour faire le malin quand il écrit.
Le cinéma.Ce qui différait de mes séances inlassables de cinoche dans mon pays natal, c’est évidemment le « nouveau film ». A Paris, nous avions le film dès qu’il « sortait ». Là-bas, on l’imagine, on l’attendait quelques semaines, plutôt quelques mois. Ce qui n’avait aucune importance, la profusion de films qui allait s’installer dans les années 70 n’existait pas encore et un nouveau film était, très simplement, celui qui était nouveau sur les affiches du cinéma des grandes avenues de notre capitale qu’on imaginait presque aussi grande que Paris. Puis, c’étaient plutôt des films américains et on se disait, inconsciemment, un peu idiots, que c’était normal, eu égard à la distance, qu’ils ne venaient pas immédiatement. Les choses ont changé lorsque les mentalités ont changé, lorsque l’immédiateté, qui préfigurait celle d’Internet, s’est incrustée dans les esprits, surtout ceux du quartier-latin, dans les années 70, pour accompagner le plaisir. Se précipiter sur un nouveau film et clamer partout qu’on l’a vu avant tous. Facebook ou Twitter n’existant pas, il fallait, pour ceux qui voulaient justement exister, trouver l’écart. J’affirme que ce n’était pas mon cas. Mais, peut-être, en le disant, je suis encore dans cette mouvance, dans le pas-de-côté qui est un autre écart.
L’Été est vite passé, j’ai découvert Paris qui ne m’a pas stupéfait, ses immeubles non ravalés, ses rues pavées, donc du gris au centre, comme le ciel qui osait en plein été ne pas se pavaner dans son bleu sans traces et nous donner à voir une de ses couleurs que nous disions, faussement, ne pas connaitre. Le ciel est le ciel et nous connaissions dans notre pays natal le gris du ciel. Peut-être mieux que ceux qui le subissaient tous les jours ou presque, puisqu’aussi bien, pour nous c’était l’exception qui faisait dévaler sous nous peaux un peu de tristesse. Et quand la tristesse vient, on s’en souvient.
M, et sa main immobile sur un ventre lisse. Vous ne connaissez pas cette expression ? Chouette, vous n’êtes pas l’une des femmes. Il exagère, M.
SUITE 6
Donc 3 fois que je l-‘ai rencontré. D’abord en dansant. M est un bon danseur. De tout, y compris le boléro, même si, tout le monde, absolument tout le monde, tant il le dit en riant franchement, sait qu’il a gagné une coupe de « meilleur danseur de la Costa Brava » sur une musique de James Brown ou Otis Redding, je ne me souviens plus et que sa mère a gardé, jusqu’à sa mort, ce diplôme dans le tiroir de la petite chambre d’amis de son appartement. Vrai. Mais je ne l’ai pas connu dans la musique « Motown », vous savez celle du Rythm and Blues, Motown, maison de disques. Je l’ai connu quelques années avant qu’il ne se marie pour la première fois (il ne s’est pas marié jeune) quand il était chercheur en sciences politiques. Moi, à l’époque, plus jeune que lui, j’avais été une des premières femmes à tenter l’entrée à l’École des Mines. J’avais tenté de suivre ma mère dans la Science. A vrai dire, je ne voulais pas travailler, faire carrière. Ma famille est immensément riche. Mais si j’en dis trop, on va finir par me traquer. Je voulais, comme je le dis encore, juste jouir. Le mot est facile, presque adolescent. Mais pourquoi s’empêcher de le dire, même si ça fait un peu « hippie » ou soixante-huitarde. J’en avais les moyens. Et je crois que j’étais belle. C’était dans une salle d’un petit château, près de Paris, un ami commun se mariait, fête convenue, comme on n’en fait plus, peut-être que si, je ne sais pas. Canapés, diner tables rondes, discours, fatigue dans les corps et ennui qui s’installe, surtout quand la pièce montée ou le grand gâteau tarde à venir. Et la musique et la piste de danse, vide, heure tardive, encore la fatigue de tous qui pensent que Paris est bien loin et qu’ils ne savent s’ils vont arriver à conduire, non pas l’alcool, mais la fatigue, peut-être celle de la vie dans ces endroits qui deviennent vite sinistres si on ne sait pas les maitriser et en faire un lieu comme un autre, neutre où tout peut venir ou ne pas venir. Ça je sais. Et , justement, M aussi. Il est presque tard. Je vois devant moi un homme, évidemment M qui, sans même sourire, me demande si je veux bien danser avec lui. Je ne l’avais pas remarqué dans la soirée. Je crois qu’il se moque de moi. La piste de danse est vide, beaucoup sont partis et la musique est étrange, languissante, du bandonéon je crois, amis je n’en suis pas certaine. Il me dit : « c’est un pasodoble ». Là, je souris et lui réponds que je ne sais même pas ce que c’est. Il me dit : « pas grave, je vais vous apprendre, juste une question de pas ». Et, autoritaire, alors qu’il jure qu’il ne l’est jamais, il me prend ma main et me force presque à me lever, m’entrainant au milieu de la piste sous le regard éberlué de tous et celui de ma mère qui rit. Tout au long des milliers d’heures (je dois exagérer, mais des jours entiers dans une chambre, en faire presque sa vie, comme il dit, ça doit chambouler la sensation du temps) qu’on a passé ensemble dans cette première rencontre, il n’a pas arrêté de me dire : « Dieu que je t’aime ».
SUITE 7
F, c’est Fabienne, Françoise, c’est tout ce vous voulez, et tout encore. Peut-être même Fidèle. Tiens, J’aurais aimé m’appeler Fidèle, non pas comme un Labrador ou un breton (pourquoi j’écris un breton et pas un antillais, j’ai peur ?) dont le père, un con dirait Houellebecq, adorait Castro et qui l’a confondu avec l’adjectif à la Mairie, un con quoi. Fidèle, c’est un beau nom pour une femme. Ça navigue entre rien et rien du tout. Un peu connoté tout de même. Les idiots quand tu dis que tu t’appelles Fidèle te demandent si c’est comme le féminin de Castro et les encore plus idiots te demandent si tu l’es (fidèle). Il a raison Houellebecq, il faut dire quand un mec, une femme est conne, connasse ou pouffiasse, bête si on préfère. Ça existe, sûr. A cet instant, j’entends, très fort les lecteurs de M (c’est son site, je ne l’oublie pas, malgré mes recentrements) se demander qui est donc cette nana voleuse des codes de Michel Béja qui nous balance des cons, des pelles qu’elle aimerait lui rouler, bientôt des pipes et qui, pas franco, pas franche du collier quand elle y va, se range, fastoche, derrière Houellebecq, comme pour dire qu’elle, elle n’oserait pas. Une pouffiasse ? Vous le saurez bientôt, lecteur, ma relation à Houellebecq. Sachez, en tous cas que c’est un écrivain. Et que M, il me l’a dit un jour, même si, peut-être un peu jaloux, (mais je ne crois pas, il n’est jaloux que dans le couple, pas dans le talent, sûr du sien, il n’a pas tort), il sortait dans les diners, moi ma main dans sa main, doigts enlacés, bras vers le plancher, que Houellebecq il avait « juste parfaitement compris Paris-Match, comme Balzac ou Zola, il s’emparait des feuilletons à la con et les écrivait pas trop mal ». Quand on lui demandait ce qu’il voulait dire par là, il me serrait plus fort la main et répondait : « vous avez qu’à demander à F, elle sait dire elle ». Et moi, je leur disais à tous ces cons (décidément, c’est mon mot ce soir) : « on peut passer à autre chose, par exemple le bouquin de Paul sur la fin des populismes ». Paul souriait et répondait : « non, non, je croise les doigts, il sort demain, je crois qu’un contributeur de la Revue Française de Sociologie l’a détesté, qu’il va me tuer dans son article qui parait dans deux mois. Et nous qui disions que non, non, c’était sûrement un con (décidément). Et Paul acquiesçait, rassuré. M, lui, se levait, pour aller dans la cuisine discuter avec notre hôtesse, son amie, presque le seul être qu’il a eu comme « ami », une femme d’une intelligence solaire, discrète, mais sortant toujours, toujours, le mot exact quand il s’agissait de terminer, de façon décisive (décisoire, dirait un juriste) une conversation idiote. Dans la cuisine, tout en lui caressant le cou (aucun sexe entre eux) il la félicitait du bœuf bourguignon qui égalait celui de ma mère. Elle est décédée prématurément d’une saloperie, comme dit M. Il n’y a pas de place dans ce monde pour les amis, juste pour les cons (je veux exagérer ce soir). Je ne vivais pas encore avec lui lorsque nous allions dans ces diners. Rarement à vrai dire, nous préférions notre chambre, des jours et des nuits, en faire une vie, comme vous le savez, comme il disait. Nous étions des amants. Je n’ose jamais employer ce mot. Mon cœur, ma poitrine sûrement, se serre quand je l’emploie. Je pense à nous, à notre immense amour M et moi et lui qui me dit, je ne l’oublierai jamais, alors que nous sortions, extasiés, d’une étreinte éternelle, celle d’une main immobile sur un ventre lisse, si vous voulez : « tu crois qu’on est capable d’être des amants jusque la fin de nos corps ? Non F, pas baiser, ça je sais que ça va s’arrêter, juste des amants qui flottent entre gravier et nuage ». Je me souviens parfaitement de ces mots d’une aube presque maléfique dans ma petite chambre, ma maman à côté faisant semblant de dormir, jouissant de notre jouissance, comme dirait l’écrivain collégien. Mieux encore (je reprends son mot), je l’ai noté dans mes cahiers qui ne sont pas mauves mais simplement bleus, des Clairefontaine, pas des Moleskine. Je ne crois pas avoir répondu. Notre rencontre, « par un hasard » (auquel ma mère, Viviane, encore vivante, ne croit pas, qu’allais-je faire dans le 17ème ?) est ma réponse. C’est ce que je me dis ce soir. Des amants. Comment il dirait ? Vous savez bien, vous qui le connaissez, qui subissez constamment ce tic d’écriture : “Des amants.Relis”. C’est ce qu’il écrirait.
M, je t’ai volé tes codes.
PS. Dans ses billets, il insère de la musique, celle qu’il veut donner à entendre. J’ai mis des heures à comprendre comment faire, sans passer par Youtube, lui qui aime les sons “haute résolution”, abonné à Qobuz que je connaissais même pas (j’ai appris ça en Aout 2021). Il faut acheter le disque, du moins le fichier, pas cher, sur Qobuz, transformer en Ogg Vorbis, par le logiciel XLD, un format “compressé, pas le mauvais MP3 (je connais désormais, je sui resté longtemps sur le tutoriel) et insérer dans le billet WordPress, un “bloc son”. Alors, tellement heureuse de l’avoir réécouté avec lui, chez lui, je vous donne le fameux clair de lune de Debussy (suite bergamesque) , qu’on a écouté des années. Archi connu, mais dans une chambre, on ne s’en lasse pas. Et même ailleurs que dans une chambre. Il m’a dit, un peu faiseur comme il l’écrit souvent, que les mélomanes considèrent que c’est la version de Samson Francois qui est la meilleure. Alors, pour le contrarier, même s’il ne vient plus sur son site, je colle celle qui vient de sortir d’Alexandre Tharaud. Je la trouve bonne. A vrai dire, je ne sais pas et je m’en fous, je suis tellement heureuse d’avoir “volé” ses codes et de venir dans son site, sous sa peau presque, que je m’en contrebalance de la version, je m’en fous. Ecoutez. Et revenez par la flèche.
SUITE 8
Donc, dans cette soirée du mois d’aout 2021, quand il m’a demandé, autoritaire, je l’ai déjà écrit, de me lever, après avoir payé Negroni et bière, en laissant, sur la table, un pourboire qui était un billet (il exagère), je ne savais où nous allions, même si je lui avais demandé si c’était loin chez lui, en souriant. Chez lui, je supposais, puisqu’il m’avait dit, presque gêné, qu’il n’habitait pas très loin. Évidemment que j’acceptais, même s’il ne me le demandait pas expressément (j’écris comme un notaire, là). Évidemment, c’est M, c’est celui avec qui j’ai passé des milliers d’heures dans une chambre, avec qui j’ai vécu, que j’aurais dû épouser, clame ma mère. Donc, chez lui, ça m’allait bien, dans un lit encore mieux. Avec de la musique de la guitare de Jimmy Raney, les Duets avec son fils Doug qu’on avait écouté des milliards de fois (vous savez), encore plus. Mais non, mystérieux, mais le sachant, le donnant à voir, comme dans un sketch, dans l’humour, sans un mot, il me prend encore la main (Dieu qu’il sait aimer), nous faisons quelques pas, nous nous arrêtons devant une porte d’un immeuble cossu à quelques mètres du café aux chaises en fer forgé, il plaque un bip, nous nous trouvons dans une Cour pavée, il ouvre un box, y entre, moi dans la Cour un peu intriguée. J’entends un bruit de moteur et il ressort dans sa décapotable, sort de la bagnole, m’ouvre la porte, me dit : « je t’emmènes diner », referme la porte du box, décapote, en deux secondes, et nous sortons de l’immeuble, lui, comme avant dans sa vieille Golf GTI, une occasion sans freins efficaces, faisant hurler le moteur sans accélérer, juste pour le bruit. Je ris, je sais qu’il frime et qu’il sait qu’il frime et qu’il sait que je sais qu’il frime et qu’il sourit et que je souris, c’est ça l’amour, c’est ça le bonheur. Simple. Pas comme les mille questions sur des passés, des futurs et des analyses de soi, de l’autre, de la relation, des moments, des bons, des mauvais, des conneries, des saloperies, des méfaits, des ruptures, des réflexions, des analyses encore, des décisions, des suspensions, toujours des décisions, des rondes dans sa souffrance, de la casse dans le ventre, des pensées, des recherches, des souvenirs gris, des petites pensées encore, des heurts, des mots, des conneries quoi. C’est simple l’amour, le bonheur, même celui d’un jour qu’on laisse passer, pour y revenir quelques jours après, pour le revivre. Des saloperies que ces sales pensées masochistes, sans main enlacée dans celle de l’autre, l’enlacement qui donne, non pas le goût de la vie, mais, plus simplement, la sensation de son existence. Comment aurait-il dit ici ? Dieu qu’il faut aimer. Dieu que c’est bon. Il m’a appris ça. C’est con (décidément encore) de le dire, mais c’est vrai. Il sait dire à une femme qu’elle est la seule à mériter d’être sur terre. Comment voulez-vous ne pas lui prendre la main, et l’aimer ? Sauf à avoir peur de je ne sais quoi. C’est ma mère, Viviane, celle qui vit encore, qui me l’a dit : « la rupture avec un homme comme ça, c’est un suicide », elle exagère celle-là. Et quand je lui dis que je n’ai pas rompu, elle me répond comme dans une réplique de roman-photo : « tu n’as pas su le garder, il était peut-être juste fatigué » (elle sait ses mots). J’ai envie de l’étrangler, ma mère, quand elle sort ces bêtises. Je vous raconterai son mot quand je lui ai raconté nos retrouvailles « par hasard » sur la terrasse près de la décapotable. Nous sommes allés au « Sélect », Boulevard du Montparnasse et je lui ai dit d’éviter de me dire, comme avant que c’était là que les hommes de gauche allaient, laissant La Coupole et le Dôme aux bourgeois aroniens (Raymond Aron). Je connaissais le discours. Il m’a pris la main, sans répondre, ce qui pouvait, du point de vue de la sécurité routière, se concevoir, sa bagnole étant à boite de vitesse automatique, ça aide pour les amoureux.
Le ciel était bleu et j’ai pensé à Carthage, en me souvenant de sa petite nouvelle sur les « Enfants du bleu carthaginois ». Si on va chez lui, après le diner, comme je le suppose, je lui demanderai s’il a gardé les textes qu’il écrivait, non pas dans des cahiers moleskine mais sur des feuilles volantes, qu’il pouvait facilement, d’un geste théâtral, rouler en boule dans sa paume, pour ostensiblement, devant moi, les jeter, froissées définitivement, une ou plusieurs, à la poubelle. Il savait qu’il frimait, que je savais qu’il frimait. Et que lorsque l’on sait que l’autre sait qu’on frime, c’est ça l’amour. C’est au Select qu’on mange les meilleurs œufs au plat de Paris, qu’on commande avec une assiette de frites, avant d’oser un Calva. Mais quand on a pris un verre sur une terrasse, en rencontrant une femme avec laquelle on a vécu, quelque soit le mode de transmission de la boite de vitesse, c’est dangereux de prendre un Calva. Je ne ne sais pas pourquoi j’écris ces conneries. Sa décapotable est assez belle. Nous sommes allés chez lui, après le Select. Et quelques jours après, j’avais ses clefs et ses codes. Il a fallu du temps pour que j’ose venir ici. Je vais me coucher et vous raconte la « suite » demain.
Comment il dirait là ? : « je reviens ». “Entre gravier et nuage”, je le jure, ce sont ses mots.
PS. Puisque j”ai donné, plus haut, le nom de son guitariste favori (Raney) et que j’ai appris comment faire pour insérer de la musique dans un post, je vous le donne son “Duets” par le père et le fils Raney (Jimmy et Doug). Il a du vous saoûler en disant que ces accords étaient venus d’ailleurs, les impros aussi et tout et tout, en vous demandant de juste écouter la reprise du père après le fils. Sublime, sublime, venus d’une autre planète ces deux ) Bon on le pardonne. Puis après, en écoutant seule, sans pression technique ou amoureuse exacerbés, on se dit qu’il a raison. Mais le titre m’embêtait “My one and only love“, ça dégage. Sauf que là, en l’écrivant je suis jalouse de M, son premier et éternel amour. D’abord pour le titre, puis sur le fait qu’il a du l’écouter avec elle. Mais là, bingo, je suis allé voir en ligne, ils ne l’avaient pas enregistré les Raney quand il avait 20 ans et qu’il a demandé M en mariage, chouette !
Et puisque j’y suis je vous donne l’autre morceau qu’il fait écouter “à ceux qu’il aime”, tiré d’un album fabuleux de Jimmy Bruno et Joe Beck, “l’inventeur du son de la guitare alto, criait-il quand on l’écoutait, main dans la main. Je n’ai jamais su ce dont il s’agissait. Mais voleuse de codes, insérant de la musique comme une pro, je suis allé voir en ligne sur Joe Beck et sa guitare. Je colle : Joe Beck a inventé un son, en inventant la guitare “alto“. Il le répète tout le temps (il a raison, il ne faut pas trop s’éparpiller dans ce qu’on aime ou encore “aimer tout ce qui est beau”, comme disent les idiots, s’en tenir à 10 livres, 10 morceaux qu’on donne à lire ou à écouter à ceux qu’on aime (ce que fait M), mais je n’avais rien compris ce truc de l’alto à la guitare, suis donc allée en ligne. Vous pouvez y aller pour découvrir ce qu’est le son de Joe Beck
Le morceau que je choisis ici, c’est Estate (vous savez Nougaro le chante fabuleusement), tiré donc d’un des plus grands disques de guitare jamais produit “Polarity”. Mais, Zut, je ne l’ai pas trouvé dans sa bibliothèque numérique pourtant sur son disque dur, il doit avoir un dossier spécial pour “ses” musiques, il m’embête. Je suis donc obligé de coller l’extrait YouTube, son un peu trop comprimé, ce qui, au demeurent peut vous permettre d’écouter tout le disque. Il ne faut pas que je me transforme en DJ.
SUITE 9
Le serveur du Select l’a salué. Et décelant mon sourire qui n’était pourtant que celui de l’immense, l’immense joie de le retrouver, un sourire qui durait depuis déjà presque deux heures, depuis la terrasse au fers forgés, il me balance (je cite de mémoire, bien sûr, dans mon style, mais il a dit à peu près ça, d’une seule traite°) : « Non, non, je ne suis pas un habitué depuis longtemps, je ne t’ai jamais amené ici, t’as perdu la mémoire, F ? Je ne reviens que depuis ce mois de Juillet, toujours seul, des œufs sur le plat, un regard sur les femmes qui passent sur le trottoir, à vrai dire pas belles, des touristes en jeans rapiécés, toutes pareilles, la mine triste, végétarienne, accompagné de mecs le regard idiot, en bermudas, fini les personnages, les femmes splendides, les longues jambes, les mollets exactement galbés, les sourires vite volés, les yeux qui se baissent, les démarches languissantes, la surprise d’un vrai croisement de regard. C’est fini, tout ça, je me demande d’ailleurs pourquoi je m’installe encore sur une terrasse, il ne se passe rien, comme une illusion, moins belle que les rues de Matrix, moins colorées, moins rêvées, moins irréelles. Vaut mieux une chambre avec une femme pendant toute une vie, non ? Et qu’est-ce qu’on en a faire des repas entre copains, des fêtes, des pots, ça rend triste, t’as qu’à voir ceux qui sont là à se goinfrer de gaufres-chantilly, tu les vois au fond, là-bas, ils sont tristes, ce n’est pas de leur faute, ce n’est jamais de sa faute quand on est triste et d’ailleurs ni la faute des autres et sur ce point, t’es d’accord, même si je ne te demande pas, comme tu sais ton opinion qui n’existe pas, comme la mienne, on n’a pas à les emmerder avec nos histoires, ce n’est pas de leur faute si on est tristes, si les femmes qu’on a eu sont des connes qui ne méritent qu’elles-mêmes, que d’autres qu’on a eu sont splendides mais compliquées, donc tristes aussi (je ne crois pas qu’il ait dit ça, mais un truc comme ça) Puis ces gens tristes, eux ils le sont normalement, mais nous toi et moi F, nous le sommes anormalement parce qu’on sent la tristesse de la tristesse, excuse la redondance mais c’est exactement ça, anormalement, parce qu’on sait, toi et moi qu’il n’y a qu’une chose de vrai comme dirait le premier collégien venu : l’amour. Et l’amour, c’est à deux, la Société, c’est pour aider à mourir, à soigner les solitaires, une sorte d’Epahd de jeunes, mais quand on est deux, pas besoin de personne, elle est encore dans sa petite maison Viviane ? J’aimerai l’embrasser, elle avec nous, à deux. Dieu que je suis heureux que sois là.J’avais besoin de toi. Juste quand j’ai besoin, tu viens, mon ange F.
C’est à ce moment que j’ai pleuré de joie et que je lui ai roulé une pelle. M, il n’a pas changé. Elle a raison, Viviane, c’est un suicide que de se séparer de lui. Je sais que dans deux jours, je vais m’énerver, qu’il va me dire qu’il est fatigué, que les portes vont claquer. Mais, Maman, je te le jure, je ne laisserai plus un seul mm entre nous. C’est ce que je me disais quand je lui roulais une pelle au Select, lui assis, moi debout et le garçon, les pieds joints faisant semblant de ne pas nous voir, les goinfreurs de gaufres la fourchette en suspens, stupéfaits de voir un aussi beau baiser, presque hollywoodien. Et dehors, sur le trottoir, comme dans Matrix lorsqu’un bug survient, des passants immobiles le geste arrêté, éberlués encore. Je devais être très belle après lui-avoir roulé une pelle.
PS. Demain matin (je sais qu’on va dormir ensemble), pendant qu’il dort sous l’effet de ses somnifères, je me lèverai doucement, irai au Franprix d’à côté et j’achèterai du Philadephia. C’est son fromage préféré, je suis la seule à le savoir. Dans ses errances parisiennes et snobs, il ne le disait pas. Le Philadelphia est un fromage frais quelconque qu’on trouve dans n’importe quelle superette. Mais quand il prend une cuillère à café, la plonge dans le récipient en plastique et laisse la sorte de pâte-fromage-guimauve, à peine salée, juste comme il faut, disait-il, fondre dans sa bouche, il est aux anges. Un jour, il m’a dit que tous les matins, quand il habitait rue Michel Chasles, dans le 12ème, il ouvrait la porte tous les matins, au réveil, quand il était seul, pour voir si sur le paillasson une femme qu’il aimait et qui l’aimait aussi n’avait pas déposé une boite de Philadelphia. Ca peut se faire si on l’aime. Je lui ai rappelé sous nos draps. Il a éclaté de rire. Demain, il aura son Philadelphia. Pour ceux qui ne connaissent pas, je colle une image, je sais faire maintenant, coller les images dans WordPress. Je ne sais pas faire que rouler des pelles.
SUITE 10
Je ne vais pas vous raconter notre première nuit de retrouvailles, trop facile. Dans tous les films, sur toutes les plateformes, même si cela ne veut rien dire et qu’il suffirait de montrer des draps froissés et un petit-déjeuner, on est obligé de montrer une scène de sexe, corps en mouvements, halètements et cris de jouissance assez vulgaires, slips qu’on remet et qu’on enlève, positions désormais presque toujours anales. Assez ridicule cet obligé. Mais soit, c’est mieux que le porno qui complexe les adolescents, lesquels, persuadés de ne pas y arriver, ne commencent jamais, terrorisés par l’échec. Moi, je ne vous décris rien. Juste je dis, bêtement, que si un ange, avant que je ne vienne au monde m’avait demandé, en me les projetant sur un ciel bleu, écran infini des forces supérieures, comme pourrait l’écrire M, si je choisissais entre des millions de journées sur terre ou juste cette nuit avec M avant un grand départ, juste cette nuit, je n’aurais pas hésité. Vous croyez que j’affabule, que je disjoncte, que je dérape dans l’irréel, que je suis une petite surréaliste de quartier latin, vous vous tromperiez. Mais vous qui ne le croiriez pas, vous ne savez pas ce qu’est une femme sentimentale et fière de l’être comme dirait le quidam, qui rencontre un homme sentimental, qui l’assume, le hurle, crie que vous êtes une femme, la seule, même si c’est pour une nuit, une année, des décennies, vous vous ne savez pas à quel point vous n’hésiteriez pas, vous choisiriez cette nuit. M est un malade du sentiment. Mais il a tellement reçu de coups par celles, qui, sans le savoir, ou en le sachant trop, ont fait le mauvais pas d’à côté, qu’il fait semblant de jouer à la quotidienneté. Nul ne la connait cette maladie qui, évidemment, n’en est pas une. Sauf moi. Il joue au geek, écrit des lettres d’affaires raffinées que lui demandent ceux qui ont toujours besoin de lui et qui ne lui rendent rien, commande en ligne fringues et repas, joue à l’homme moderne qui débarrasse, offre des cadeaux, en masse, pour faire oublier l’instant er rester dans le bonheur du don et frôle le centre. Et nulle, sauf moi, ne le comprend. Imaginez une scène : M, comme ses femmes le savent, sent poindre l’étau, vous savez celui qui serre ses oreilles, pas une migraine qui n’est rien, une douleur venue de tous les enfers inconnus. Moi, je sais, ses yeux sont embués, il colle son cou sur le dossier d’un fauteuil, il pleure presque de douleur mais dit, simplement, de peur de gâcher la soirée ou de générer l’appel du 15 alors qu’il est avec elle, qu’il a juste « mal au crâne ». Mais elles ne savent pas les femmes qui m’ont succédé, Il me l’a dit : la femme à ses côtés ne fait rien, ne comprend rien, lui demande juste, gentiment, s’il va mieux, il est seul dans sa douleur, celle qui tombe quand on ne l’attend pas, comme le chagrin, une tenaille infernale, y compris après une promenade au grand air. La femme à ses côtés qui ne s’arrête pas de manger alors qu’il ne peut rien avaler, qui n’arrête pas de marcher, de parler, de gémir aussi, de se plaindre également, d’exiger, y compris des prouesses même banales, une phrase pour se sortir d’un mauvais pas, personnel, professionnel, quotidien, une lettre administrative, la femme qui ne comprend pas sa douleur et son attente de la prise de sa main, dans le silence et l’amour, juste ce qui fait passer (le sentiment, le sens, la force immatérielle contre la force physique), la femme qui ne comprend pas qu’il aimerait peut-être (ça, il ne le demanderait jamais) qu’elle pleure avec lui, cette femme ne l’aime pas. C’est terrible, il me l’a dit l’autre soir, elles imaginent tellement sa force intraitable qu’elles ne pensent pas qu’il aurait besoin d’une petite aide. Celle qu’il n’ose réclamer même si, dans l’écroulement, il peut oser, mais toujours sans retour, il est fort et chacun sa vie. Non, pas chacun sa vie, la vie à deux, ça elles ne savent pas, celles qui m’ont succédé. Et, certaines de leur comportement, en réalité ne pensant jamais à cet homme, sauf rarement, elles ne lui donnent rien. C’est ce qu’il faut savoir avec M, il ne faut pas le voir, si on ne l’aime pas. Clair. Et ne rien prendre de lui, si l’on n’est pas capable, non pas de rendre ou d’être reconnaissant, mais plus simplement d’aimer. A défaut, ce serait ce serait de l’escroquerie sentimentale. Il a raison, c’est rare, les « colosses du sentiment ». Lui, il aime toutes les secondes la femme avec qui il a décidé de passer une soirée. Pas une question de politesse, juste une maladie d’amour, de sentiment tout court. Lui, si la femme qu’il aime pour la soirée et la nuit et peut-être les jours qui suivent a un problème, un souci, physique, professionnel, personnel, vital, désespéré, il est là et il prie, oui il prie pour que sa souffrance cesse. Alors il la caresse, lui caresse le front, lui dit les mots qu’elle attend, lui met la musique qu’elle aime, bref, il arrête tout et il l’aime. C’est ce qu’il m’a dit après le Select. Pourquoi me demande-t-on toujours, sans imaginer que je pourrais avoir besoin, dans un moment difficile, professionnel, vital, celui qu’il est difficile d’imaginer pour moi, que j’ai besoin, à cet instant d’une aide incommensurable ? C’est là qu’il part en vrille. Moi, je sais, M. Je ne sais pas pourquoi, nous nous sommes quittés, c’est fini ces fins débiles. Je hais ses ex-femmes ou ses ex-aventures. Il a dû en avoir, mais ne m’en a pas parlé. A-t-il connu des femmes depuis que son épouse l’a laissé ? Il ne m’en a pas parlé. Moi, orgueilleuse, j’ai affirmé qu’il avait dû en connaitre et qu’elles n’étaient pas comme moi, une sentimentale, un peu intellectuelle, intelligente selon les collègues, qui aime le sentiment et un sentimental. Comment il dit M ? Dieu que je t’aime.
Je reviendrai, dans la suite 11, cette fois, pour de vraies histoires, du concret, comme vous l’aimez, cher lecteur de M, et pas simplement du sentiment qui glisse, lumineux, merveilleux, scintillant, dans l’éclaboussure vitale sous les yeux des amoureux. Je vous raconterai mille choses de la vie, peut-être un peu de la mienne, moi belle et riche et qui ai retrouvé M qui avait besoin d’aide. Il faut que j’appelle Viviane.
Vous aurez compris que ce soir, je suis un peu en colère contre beaucoup. Je tape sur son ordinateur. Sur son site. Et il n’est pas là. Et je suis furieuse contre toutes, contre tous.
SUITE 11
Encore un brouillon que j’ai trouvé. Daté de février 2020. Je commence à croire que j’ai volé ses codes, portée par une main invisible qui, me happant par les cheveux, m’a posé, doucement, sur une terrasse du 17ème, pour m’entraîner dans l’inénarrable. Le nombre de ses « brouillons » est impressionnant. Tout se passe comme si (c’est une expression de sociologue, qu’on employait beaucoup dans les années 70, dans la mouvance de Pierre Bourdieu) M passait ses nuits à écrire. On n’imagine pas, moi, je le sais, sa capacité à écrire au kilomètre », ce qui, comme je l’ai déjà dit, est dommage pour sa plume qui peut être souvent « fatiguée », et, dès lors, inutile ou inefficace. En parlant de Bourdieu, il faut vous dire, car je l’ai subi, que M était l’un de ses disciples après avoir découvert (c’est dans texte d’un autre « brouillon » que je ne publierai pas, trop intime dans ses nuits, qu’il était trop un « enjoliveur de lieu commun, son discours étant une belle tautologie de la pensée primaire ». Ça, c’est le style de M quand il est furieux. Je ne sais pas quoi en penser, je n’ai pas vraiment lu Bourdieu. Quand il m’en parlait, lorsque nous vivions ensemble, il ne me donnait jamais envie de le lire. Bourdieu était un homme ennuyeux. Jamais, il ne m’a dit « écoute, je vais te lire un mot de Bourdieu », alors que, comme je l’ai écrit dans une de mes suites (je commence à l’aimer ce mot, presque des petites partitions de Bach), ce qui nous unissait (je devrais bannir l’imparfait qui est une atteinte à la vérité d’un temps qui ne peut se dissoudre, on ne peut oublier, sauf à devenir bête, con si l’on préfère). Je l’ai vu une fois Bourdieu, c’était sans M, avec des amis. Dans une salle de je ne sais quel cinéma parisien dans lequel un club de philosophes que je fréquentais, avait organisé une sorte de dialogue entre Bourdieu et Sollers. Presque une provocation. Il s’agissait, je crois de l’intrusion de la volonté dans les destins, quelque chose de ce genre, évidemment l’un étant à l’opposé de l’autre, une maitrise de ses instants et de leur jouissance unique (Sollers) et un succédané de sa condition sociale, sans âme singulière (Bourdieu). La salle était comble. Nul ne pouvait imaginer un dialogue entre les deux. Sollers arrive et s’installe sur l’estrade, il ouvre un livre et le pose devant lui. Bourdieu vient, l’air un peu fatigué (il devait déjà être malade) et ne dit rien. L’animateur, entre les deux, après les présentations de circonstance, pose une question, je ne sais plus laquelle. Sûrement une question marxiste (à l’époque, c’était la pensée dominante, même si, à l’inverse de ce que j’ai pu écrire (lisez ma contribution sur le wokisme et la déconstruction), la domination de la pensée n’était pas exclusive de sa démolition par une pensée concurrente, ce qui n’est plus le cas, le terrorisme diabolisant ce qui n’est pas admissible. Même les marxistes de l’ l’époque (je parle des intellectuels althussériens ou humanistes de la revue « La Pensée », pas des staliniens ou de ceux qui l’étaient devenus, y compris Sollers qui nageait entre les deux eaux, troubles du totalitarisme maoïste et explosive, dans les éclaboussures sadiennes. Bourdieu répond, de manière très structurée, regardant de temps à autre Sollers pour guetter sa réaction, Sollers regardant ailleurs, faisant des signes dans la salle à ceux, plutôt à celles qu’ils reconnaissaient. Bourdieu termine son exposé, un vrai, universitaire, pesé, organisant ses concepts, y revenant et concluant par ce par quoi il avait commencé, un vrai exposé quoi. L’animateur aux cheveux longs, assez beau au demeurant, donne la parole à Sollers. Et c’est là que Sollers, je vous le jure, prend le livre qu’il avait ouvert à sa bonne page et lit. C’est, j’avoue ne pas m’en souvenir sûrement du Sade ou dans le genre, une belle langue hors du sujet de la discussion organisée, juste une belle langue et une belle diction, d’une belle voix. Dans la salle, tous regardent leur voisin, ce qui est un mouvement collectif assez marrant, une sorte de stupéfaction collective qui transforme une assemblée en scène de marionnettes. Vous n’avez jamais vu ça ? Sûrement. Et Sollers lit, lit. Plus de 30mn. Juste de la lecture. L’animateur se gratte les mollets, le crâne, se trémousse sur sa chaise, regarde Bourdieu toutes secondes, lequel ne dit rien, les mains jointes sur la table, sans bouger d’un millimètre. Sollers termine de lire. Là, on croit que ça va barder, que Bourdieu va lui demander s’il se moque de tous et d’abord de lui. Eh bien, pas du tout, il prend la parole pour dire qu’il avait oublié, lors de son intervention précédente, de rappeler un fait conceptuel incontournable, pour bien comprendre son hypothèse. Et il parle, assez longuement. Sollers est toujours dans ses minauderies, embrassant de loin de belles jeunes femmes. Puis, il se lève, embrasse fougueusement, sur le front néanmoins, l’une d’elles et s’en va avec elle. Bourdieu n’a rien dit. Il a continué de parler. Il a terminé, l’animateur n’a même pas repris la parole et nous sommes tous sortis. Quand j’ai raconté cette soirée à M, je me souviens parfaitement, il n’a pas ri, je n’ai pas compris pourquoi. Mais je vois, que comme lui, Je m’éloigne du début d’une phrase que j’ai commencée, pour une parenthèse tellement longue qu’elle en devient un centre et largue dans sa périphérie ce que nous avions à clamer. Mais à vrai dire, lisez bien ce qui suit et vous comprendrez un peu, il a appris ces « détours » de moi, il lisait tout ce que j’écrivais, peut-être quelquefois, j’ose le dire, un peu jaloux d’une pensée décisive ou d’un style inédit. Ma mère peut l’attester et je ne crains pas de dire que quelquefois, je peux être redoutable dans l’écriture. Ceux qui ne le disent pas sont des menteurs. Donc, un brouillon, disais-je, parmi des dizaines. Encore un truc de judaïsme et de philosophie, il me l’a dit, il a consacré pas mal de temps là-dessus ces derniers temps. Et sous connaissent son histoire de murs blancs de sa synagogue du petit bourg tunisien et son petit texte sur « la mort et le feu » que je collerai peut-être. Il l’avait déjà écrit avant moi. Son brouillon c’est sur « le pardon », tel qu’il est exposé par une certaine Sophie Nordmann dans l’une de ses conférences. Je suis allé sur Wiki, c’est une philosophe qui croit en la possibilité d’une philosophie juive ‘Hermann Cohen, Rosenzweig, que je n’ai jamais lus. Le thème, c’est, en réalité « l’impardonnable », l’impossibilité de la prescription extinctive d’un acte. Bref, on l’aura compris, une ronde sublime autour de Jankélévitch. Là, je relis. Je ne suis pas certain qu’il aurait aimé sa publication et c’est peut-être pour ça qu’il est dans ses « brouillons » ce texte. En effet, il y a inséré un évènement de sa vie, il était un jeune universitaire, tout au début qui peut faire trembler beaucoup. Je réfléchis et demain, peut-être, je collerai ce brouillon. Je ne demande pas à Viviane. Depuis qu’elle sait que j’ai retrouvé M, elle n’arrête pas de m’appeler avec toujours un « Alors ? ». Alors, imaginez, un texte sur Jankélévitch et « l’impardonnable » de M en inventant que j’aurais retrouvé sur sa table (encore une fois elle ne connaitra jamais l’existence du site de M, désormais, un peu le mien), ça deviendrait de la folie ses appels et ses interrogations. Bon, je vois demain. Je reviens (vous savez, je dis toujours « comme il dit »). PS. Je ne suis pas revenue dans ces “suites, mais ailleurs sur son site, moi, F, voleuses de codes
Dernier sondage IFOP du 4/5 : 67% des français de confession musulmane considèrent que les israéliens se comportent avec les palestiniens comme des nazis. Et 32 % des français.
On a bien lu.
1- On ne peut que s’interroger, d’abord, ce que nul ne fait, sur l’inanité de la question posée par ce sondeur, tant elle véhicule, en la constituant par l’interrogation, la haine.
L’IFOP et ses commanditaires (Fondapol et le Parisien) auraient pu, dans cette logique d’embrasement sémantique, poser, tout aussi idiotement, une autre question : “Approuvez-vous les 100 % d’antisémites ?
Le problème de la question posée dans les sondages, fabricante du sujet traité, initiatrice d’un débat qui sort d’une méchante bulle, n’est pas nouvelle. L’on est en droit de s’interroger sur le fait de savoir si sans la question, la réponse constituerait une opinion décelable ou un discours récurrent.
2- On ne veut, par ailleurs, commenter ni décrire la stupeur devant la reponse. De quoi baisser les bras devant la hargne, ne plus défendre, comme on le fait ici depuis longtemps, la paix future sur ces terres. Et tomber, désormais matamore revanchard par ce discours haineux, dans la bêtise.
3- On va travailler, dans les jours qui viennent, sur une étude sérieuse sur les chambres à gaz à Gaza, lesquelles, comme tout le monde le sait, sont sur toute la bande, y compris dans les souterrains, sous la terre grise, creusée par le Hamas.
Puis sur les croissants arabes tagués sur les maisons et boutiques des 20% de palestiniens vivant en Israël. Comment écrirait-on, à la chaux ? Palestunen?
On ne pourra, malheureusement, détecter le palestinien en lui demandant de baisser un pantalon. Ils sont, comme les juifs, circoncis…
4- La lourde ironie dans les lignes qui précèdent tente, en réalité, de rentrer sous la peau une immense colère.
LFI est, en France, le premier responsable de cette posture inculte et haineuse.
Où sont les chroniqueurs d’antan, les polémistes comme disait, en les bénissant, Zola, pour vilipender dans le verbe violent, sans circonlocutions, cette position improbable et abjecte, encore une fois inculte et ignorante de l’histoire ?
La petite Tribune mollassonne, “bien envoyée”, qui circulerait abondamment sur WhatsApp, destinée aux convaincus d’avance, devient inutile.
Le titre est celui du bouquin que je viens de terminer, écrit par Yannis Ezziadi, magnifique “auteur”, entendu comme celui qui “accroit”.
Mieux que moi, Eugénie Bastié, une des meilleures chroniqueuses du politique et du culturel (Le Figaro a de la chance), dont je ne connaissais pas l’aficionado nous donne son commentaire que je reproduis ci-dessous (copyright Le Figaro).
Publié le 12/04/2024 à 19:32, mis à jour le 15/04/2024 à 09:40
BIBLIOTHÈQUE DES ESSAIS – Dans Minotaures, Yannis Ezziadi se livre à un éloge de la corrida. Un essai ciselé et flamboyant qui touchera même ceux qui sont hermétiques à ce spectacle sanglant.
Œil noir brillant, large sourire, cheveux de jais mi-longs : ne serait-ce son air espiègle et son rire franc bien trop légers pour une telle destinée, Yannis Ezziadi a des airs de matador en civil. On l’imagine assez facilement en collants, culotte et veste dorée face au soleil brûlant dans l’arène. Mais il a plutôt la psyché du toro que celle du torero : il fonce dans toutes les muletas sans conscience du danger. Un goût de la provocation qui l’a conduit à organiser, en décembre dernier, la fameuse « pétition » en faveur de Gérard Depardieu signée par une cinquantaine de personnalités du monde du cinéma, dont plusieurs se sont désistés par peur du scandale qu’a provoqué la tribune. Faire scandale ne lui fait pas peur. Loin de s’être assagi, Ezziadi poursuit avec panache sa défense des causes perdues avec Minotaures, un essai ciselé et flamboyant sur la corrida.
Le jeune homme raconte son amour pour « cet art dans lequel on entre comme en religion ». Rien ne prédestinait ce Franco-Tunisien, né en Seine-et-Marne en 1991 de parents commerçants, à rencontrer la tauromachie. Il y a quatre ans, son regard tombe sur deux dessins dans l’album de Montherlant de la « Pléiade » : Juan Belmonte toréant nu à l’entraînement, et un puissant taureau chargeant la muleta. « La rencontre de l’élégante fragilité du torero et de la force brute et massive de la bête m’avait saisi ». Il se plonge dans Jean Cau, Cocteau, Montcouquiol, puis le 15 août 2020, il pénètre pour la première fois de sa vie dans des arènes à Béziers.
« Quand on met un pied dans cette folie, il faut que le reste y passe. » Ezziadi s’immerge tout entier avec la fièvre du converti. Comédien formé par Galabru dégoûté du théâtre contemporain qu’il trouve fade, lisse et relâché, il a retrouvé dans les arènes la liturgie, la tragédie, les costumes d’or et de sang qu’il ne retrouvait plus sur scène. « C’est en France que dans les coulisses de théâtres de pierre se trouvent une chapelle pour que les acteurs prient et une infirmerie pour qu’ils se sauvent de la mort », écrit-il. Dans ce livre intense à la fibre littéraire, il a recueilli les confidences de toreros, comme Carlos Olsina, qui lui dit qu’il ne quitte pas la bête des yeux quand il danse, du directeur des arènes de Madrid et pape de la tauromachie Simon Casas, d’aficionados comme Jacques Durand.
On croisera aussi dans ce livre les cornes tachées de sang de l’élevage de Muria, le plus féroce qui soit, le fantôme de Manolete, le charmeur de serpents Sébastien Castella. La corrida, nous dit Yannis Ezziadi est un « vestige insolent », le miroir inversé d’une époque
Ezziadi n’élude pas la question du bien-être animal. Il s’est aussi rendu auprès des éleveurs de toros pour comprendre comment vivaient ces bêtes vouées à la tragédie. « Si je devais me réincarner en animal et que j’ai le choix entre un husky dans un appartement, une vache à lait, une perruche en cage et un taureau sur les terres de Robert Margé, se promenant à son gré, sauvage et rebelle, mourant au combat couvert de gloire, mon choix serait prompt et sans aucune hésitation. » Il en discute avec Alain Finkielkraut, qui lui confie ses doutes, bouleversé après avoir assisté à la plus belle corrida du siècle à Nîmes.
On croisera aussi dans ce livre les cornes tachées de sang de l’élevage de Miura, le plus féroce qui soit, le fantôme de Manolete, le charmeur de serpents Sébastien Castella. La corrida, nous dit Yannis Ezziadi est un « vestige insolent », le miroir inversé d’une époque qui ne propose que « du fric, de la gentillesse et de la bienveillance ». Un théâtre de sang, d’or et de lumière, un lieu de verticalité où la mort n’est pas éludée. Le contraire du grand avachissement qui règne dans le divertissement de masse.
On sort envoûté de ces pages pleines d’une ferveur qui touchera même ceux qui sont hermétiques à ce spectacle sanglant, pour peu qu’ils soient ouverts à la grâce que permet seule la littérature.
PS MB. Je n’ai pas, pour des motifs que j’ai oubliés, assisté à cette “corrida du siècle” à Nîmes, le 16 septembre 2012, qui aurait ébranlé Alain Finkielkraut, dans ses doutes. Celle où le matador José Tomas a affronté 6 toros de plusieurs élevages. Pour ce qui me concerne, la corrida du siècle (certes, le précédent) est celle du jour où j’ai découvert, comme Ezziadi, le spectacle, pour m’y plonger sans retenue. C’était celle du 22 septembre 1984, où Paco Ojeda, torero de paradis, a combattu également, contre six toros un après-midi du 22 Septembre 1984, toujours à Nîmes. Je la conte dans ce billet :
Les quelques centaines de manifestants qui bloquent sciences-po ou facs, agitant le drapeau palestinien, crâne sous une keffieh, employant à profusion, s’agissant de Gaza, le terme de génocide, prétendent exiger un « débat » sur le conflit.
C’est le mot qui revient en boucle.
Pour ne pas, d’emblée, comme on le croit spontanément, peut-être à tort, considérer qu’il ne s’agit que de tenter, par une clameur démocratique de bon aloi, de démontrer l’inexistence de la haine des juifs qui se terre sous la haine d’Israël, on va prendre le parti de croire à l’intégrité du discours.
On va, aussi, imaginer, sans autres commentaires, que lesdits étudiants, comme l’a précisé le lamentable administrateur provisoire de Science-Po Paris, qui a cédé aux manifestants, que les « étudiants sont touchés » (par le conflit et Gaza).
On va, au surplus, imaginer que le slogan « de la rivière à la mer » n’est pas, immédiatement, compris par lesdits étudiants auxquels il manque quelques années d’étude.
On peut même admettre qu’emportés par la passion dans ces minuscules manifestations, la mémoire de ces étudiants devient défaillante et enterrent ce jour du 7 octobre pendant lequel des « non-terroristes » ont décapité des juifs, parce qu’ils étaient juifs.
On ne peut être plus compréhensif.
On veut donc bien « débattre », en entrant au fond de notre gorge la réalité de l’entourloupe (des défenseurs du Hamas, ignorants de tout qui confondent le Vietnam dont ils ont entendu parler avec la survie d’un peuple et d’un État).
On veut donc bien débattre de Gaza et de la Palestine, des deux États, de la Cisjordanie, mais sous une seule condition : une affirmation préalable, sans ambages, liminaire nécessaire à l’initiation d’une discussion. Non pas celui d’un non-antisémitisme affirmé qui n’est que verbiage de circonstance mais, plus simplement, plus concrètement, la reconnaissance sans autre circonvolution de l’existence de l’État d’Israël, tel qu’il a été institué en 1949.
On connait la réponse de ces demandeurs de « débat » : elle sera soit « alambiquée » soit embrouillée. Mais, on peut se tromper. Proposons donc ce pré-requis.
Il est assez curieux que ce qui précède, pourtant assez primaire dans la réflexion, ne soit pas rappelé soit par les journalistes et chroniqueurs, soit par les rédacteurs des tribunes molles et autres manifestes dont la prévisibilité du contenu est à la mesure de l’omission de la seule question qui se pose.
Je livre ce texte de Serge Klarsfeld qu’on vient de m’envoyer.
Je le commentrai plus tard :
L AVENIR DES JUIFS, par SERGE KLARSFELD
Quand on regarde l’avenir, on se rend compte que la vie de chaque Juif dans le monde risque d’être instable et périlleuse. Pendant les trente dernières années, les Juifs se sont regroupés en Occident et en Israël et ont connu une existence sécurisée grâce à l’émergence de la mémoire de la Shoah dans la conscience des Occidentaux.
La majorité des pays du monde émergents puissants démographiquement et dynamiques sont entrés dans une coalition dirigée par le trio Iran-Russie-Chine. Leurs populations qui n’ont rien à voir avec la Shoah adhèrent à la cause palestinienne et considèrent Israël comme un État colonial et raciste.
Une minorité, mais très active, de la jeunesse occidentale et universitaire partage ce point de vue, en particulier aux États-Unis, situation inquiétante quand ces jeunes seront aux leviers de commande dans un pays qui est le seul allié politique et militaire d’Israël.
Dans chaque pays occidental, l’immigration de populations dans lesquelles les islamistes sont nombreux accroît le danger.
Sept à huit milliards d’individus peuplent la planète et la majorité d’entre eux ont une opinion défavorable de l’État juif et des Juifs dans leur ensemble, lesquels ne sont au plus que 15 millions.
La crise militaire que traverse Israël, qui n’a pas réussi à libérer ses otages et à se débarrasser définitivement du Hamas, s’intensifiera quand l’Iran acquerra la bombe nucléaire alors que les dirigeants iraniens ont affirmé leur détermination à l’utiliser contre Israël dont la capacité de représailles ne peut menacer l’existence de l’espace arabo-musulman.
Dans ces conditions et dans chaque pays où existe une communauté juive, il serait opportun de former les jeunes Juifs à affronter les périls qui les menacent et qui menacent le judaïsme tout entier. Il faut se souvenir qu’en 1939, alors que Hitler était au pouvoir depuis six ans et que l’antisémitisme sévissait dans la quasi-totalité des États européens, aucun Juif n’était armé pour se défendre. Les Juifs comptaient à tort sur les appareils d’État pour les défendre et non pour les persécuter ainsi que sur la victoire des démocraties sur l’Allemagne hitlérienne. Ce fut leur défaite et la disparition de deux tiers des Juifs européens. Israël ne pourra intervenir à l’extérieur de ses frontières pour protéger des Juifs menacés et si les persécutions qu’ils pourraient subir les poussaient à faire leur alyah, Israël ne pourrait que s’en réjouir.
Comment réagir ?
Il faut investir massivement dans les écoles juives et dans les mouvements de jeunesse juifs afin que les jeunes Juifs y aillent et se reconnaissent en tant que Juifs conscients de la nécessité d’une formation intellectuelle et physique capable de les rendre forts et unis autour de leur défense là où ils vivent et autour de la sécurité d’Israël qui doit être prioritaire.
ls doivent être conscients qu’ils appartiennent aux aussi à des générations exceptionnelles de Juifs avec des responsabilités exceptionnelles pour l’avenir du judaïsme. Ce qui doit se répercuter dans le niveau élevé de leurs études, des petites classes à l’université, dans la qualité physique de leurs corps améliorés par le sport, par leur familiarité avec Israël, avec les Israéliens et avec l’hébreu ; par la dialectique et la capacité de répartie aux diatribes et arguments antijuifs.
Les organisations juives devraient en conséquence modifier leurs programmes. Lutter contre l’antisémitisme n’est plus la priorité ; les seules réelles victoires remportées dans cette lutte sont d’une part la défaite du négationnisme et, d’autre part, l’abandon de l’ADN de l’antisémitisme par des partis issus de la droite extrême et devenus partisans d’Israël et protecteurs des Juifs contre l’islam radical. Il faut préparer les Juifs à ce qui risque de leur arriver. SERGE KLARSFELD
C’est un torrent de protestations qui avait déferlé, un temps très court sur les ondes, à la suite des actes antisémites, tags d’Etoiles de David sur les façades ou sont censés résider des juifs et autres insultes de taille, souvent proférées, presque sans complexe désormais, dans les manifestations organisées par “La France Insoumise”, sur la Place de la République, devenue point de rendez-vous de la haine.
Vicissitude de l’antisémitisme. Il ne s’est pas, comme on aurait pu le croire, enfoui dans la mémoire du pire, pourtant récent. Il n’a pas été balayé par la prétendue modernité dont les tenants, sur les campus américains, piètrement imités par les français, clament une nouvelle intelligence du monde, qui célèbrerait l’émergence du respect de “l’identité”. Non pas, évidemment, celle du juif, banni du sol, ennemi historique sur Terre.
La haine du juif est gonflée à bloc, à l’air sale et gris, dans les réseaux (les « zéros sociaux » dit désormais un ami).
Il est parfaitement repérable, ce trouble obsessionnel qu’on voudrait dissimuler sous le keffieh palestinien et la mort des enfants de Gaza ou, plus subtilement, en réalité très facilement, sous l’impéritie d’un gouvernement israélien
Repérable d’abord dans l’islamisme, qui ne s’en cache pas, la synagogue étant le premier lieu incendié dans les crises israélo-palestiniennes. On ne brule pas une Eglise en cas de guerre entre la France et l’Algérie. On le clame dans ses écrits, en citant le Coran notamment dans la Charte du Hamas, même si en 2017, dans un nouveau texte de circonstance et sans convaincre, a été “effacé” la destruction des juifs.
Puis « en même temps » dans l’extrême gauche islamo-wokiste. Doit-on rappeler que la « question juive », est nodale, traditionnelle, dans l’analyse marxiste du Grand Capital, gauche anti-juive. Le temps n’efface pas la baliverne dans les esprits étroits. On le constate avec l’antisémitisme. Gauche Anti-juive populaire, représentée, désormais, par La France Insoumise. La même qui, paradoxalement, pour agglomérer les voix, y ajoute une autre cause, qui ne contredit pas l’idéologie antisémite historique précitée : la cause de l’islam meurtri (islamophobie) , la cause palestinienne (Gaza) et ses nouveau prolétaires, dont l’objectif pourtant annoncé est antinomique des valeurs que les mêmes prônent (le wokisme d’imitation, en principe exclusif de l’homophobie ou du machisme religieux).
Ce paradoxe peut, en vérité, s’expliquer : dans les deux champs qui désormais s’épousent, l’universel est effacé au profit soit d’un ordre théologique (la charia), soit d’un braillement décolonial qui fait l’apologie de la destruction de l’occident judéo-chrétien blanc (le juif est un nouveau blanc de ce « genre »), cause de tous les malheurs des hommes, origine de l’oppression historique, créateur diabolique de la Bande de Gaza.
Cependant le discours de circonstance, tenu en boucle, sur les chaines d’information, nie cette réalité (l’antisémitisme à l’oeuvre dès qu’il s’agit d’Israel). Les chroniqueurs et autres “spécialistes” n’osent s’aventurer sur le terrain des mots et des actes et s’en tiennent à des généralités assez ennuyeuses, prétendant à l’objectivité, mère du faux-semblant. Nul, sauf quelques rares courageux, n’ose assimiler antisionisme et antisémitisme. Dans le “prêt-à-parler”, la séquence est prévisible : on se clame d’abord philosémite, on blâme le 7 octobre, et, « en même-temps », on rappelle la souffrance des palestiniens, réelle, au-delà des chiffres de propagande du Hamas et la propension de LCI et TF1, à montrer 4 enfants dans les ruines d’un Gaza dévasté. En omettant de dire et encore redire l’identité du véritable auteur de son calvaire : le Hamas, constructeur de tunnels réservés aux combattants, égorgeurs de juifs, violeurs et éventreurs de juives..
Ailleurs, la « rue juive » dit avoir peur et les mégaoctets de messages, vidéos sur les « réseaux », des milliards de fois transférés, envahissent tous les univers, la peau des pouces ou des index usés par les clics compulsifs sur le logo de WhatsApp, dont le même ami, en verve, a osé comparer le vert à celui de l’emblème palestinien.
Balivernes, billevesées que ces prises de parole qui omettent l’essentiel, qui ne clament pas la vérité, étouffée par le bruit, sans fureur, d’un cri vain, braillard et inutile. Et craintif.
Il faut revenir à la réalité inébranlable : l’antisémite est un antisioniste
Le musulman de l’histoire n’aimait pas les juifs, leur concédant cependant, peuple monothéiste parmi les trois religions du Livre, le statut de dhimmi (une prétendue protection dans la ségrégation, sur leur sol, que Georges Bensoussan a pu analyser dans sa réalité, assez éloigné d’une vision apocalyptique).
Ici, on peut avancer, pour en débattre, le fait que les musulmans qui ne sont las ceux qui se sont constitués dans la haine décoloniale n’étaient pas des “haineux”
Les musulmans « modernes », les dé colonialistes (en réalité, la majorité de tous les jeunes immigrés, sans trop exagérer), les constituent, plus simplement, comme « juifs », ennemis coraniques ou idéologiques à abattre.
Tous le savent, mais sans le répéter pourtant à l’envi : les musulmans, dans leur majorité, qu’il s’agisse des individus et des États, n’ont que faire de leurs frères palestiniens qui ne sont que prétexte et camouflage grossier. Et le Hamas n’a que faire du peuple palestinien. Et LFI n’a que faire de la bande de Gaza, en faisant par la haine reculer les solutions, n’ayant qu’un seul but : la pêche au gros (les voix des banlieues islamistes et cette génération (dont l’on est persuadé qu’elle ne le sera plus dans le futur) violemment antisémite, le ‘”juif” étant l’injure suprême dans ces territoires.
La Charte initiale du Hamas était claire : la destruction des juifs se confond, sans ambages, ni distorsions sémantiques, avec Israël.
Même la litanie sur le « une terre, deux peuples » qui est au demeurent un mensonge historique et politique, n’est qu’un faux-semblant, un paravent de langage final.
Car c’est le juif qu’on veut abattre, avec d’abord la complicité de la gauche, idiote utile. Avec l’autre complicité essentielle, celle des musulmans prétendument victimes de « l’amalgame », assurément présents, républicains, pratiquant simplement leur religion, comme un chrétien, un juif. Mais muets et donc imaginaires.
L’on se demande où ils se terrent, pour ne pas dénoncer la logique islamiste qui peut être, ontologiquement, dans la fibre du Texte, celle de l’islam mais qui peut, comme l’a fait la chrétienté, première religion, dans le temps de l’horreur qui ne se limite pas à celui de Torquemada, se réformer pour mettre fin au pogrom historique.
Il faut donc le dire et encore le dire : l’antisémitisme charrie l’antisionisme. Ce n’est pas l’antisionisme qui est une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue).
L’antisionisme n’est pas le “cheval de Troie” de l’antisémitisme. L’antisionisme n’est pas une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue). C’est bien l’antisémitisme qui crée l’antisionisme.
Le renversement des mots n’est pas fortuit : l’antisémite ne supporte pas Israël. Ce n’est pas le comportement de tel ou tel gouvernement d’Israël (encore un prétexte, un paravent) qui provoque la rage du cri de la « rue antisémite », une rue en minorité occidentale, mais bien la haine du juif. Celui passé de tueur de Christ à celui de gazaouis. L’antisionisme permet simplement de surfer sur le fondement inexpiable du cri antisémite.
Déjà en 1967, Vladimir Jankélévitch rappelait que : L‘antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. » L’imprescriptible,1967.
Dès lors, il faut sans cesse rappeler aux chroniqueurs, aux bien-pensants, aux philosophes de service que la guerre actuelle n’est aucunement une guerre de territoire ou de colonialisme ou de l’on ne sait quel succédané d’une géopolitique qu’il faut analyser. C’est une guerre contre les juifs. Et que, déjà, en assimilant Israël et juifs, les terroristes et leurs complices (la masse, y compris de gauche dans les rues) détruisent l’État d’Israël, en le ramenant, non pas à un territoire reconnu en 1949 par le monde, mais à des « juifs ». L’antisémitisme n’est pas autre chose.
L’effacement du nom de l’État, auquel on substitue « le juif », en accomplissant l’acte antisémite, est sa première destruction.
Les questions légitimes et complexes des bombardements, des otages, de la bande de Gaza, du gouvernement, des erreurs, des colons israéliens, de l’Occident, de la modernité, de l’espoir à donner aux palestiniens, de la solution à deux États, rejetée par les arabes et adulée, sûrement à juste « raison », par l’Occident, l’arrêt des colonisations, le passage de l’émotion à la raison, du cri à l’analyse peuvent faire oublier l’essentiel qui est la volonté délibérée d’une nouvelle extermination des juifs.
Dans un premier temps récent, les juifs ont, à nouveau, été détruits, par millions, par la barbarie nazie et ce peuple n’a (encore) survécu que par une résilience assez inouïe, presque mystérieuse.
Ils ont aujourd’hui Israël, que l’on veut détruire, en détruisant les juifs.
C’est Imre Kertész, immense écrivain, rescapé des camps, Prix Nobel de littérature, qui avait le mot exact lorsqu’il écrivait : « Quand Israël sera détruit, viendra le tour des autres juifs » (L’ultime auberge. Editons Actes Sud).
Il aurait pu, aujourd’hui, affirmer qu’il n’y a plus de « tour » : les phases se confondent comme les qualificatifs. Il n’y a pas “d’autre”en Israel que les juifs.
MB.
C’est un torrent de protestations qui avait déferlé, un temps très court sur les ondes, à la suite des actes antisémites, tags d’Etoiles de David sur les façades et autres insultes de taille, souvent proférées, presque sans complexe désormais, dans les manifestations organisées par “La France Insoumise”, sur la Place de la République, devenue point de rendez-vous de la haine.
Vicissitude de l’antisémitisme. Il ne s’est pas, comme on aurait pu le croire, enfoui dans la mémoire du pire, pourtant récent. Il n’a pas été balayé par la prétendue modernité dont les tenants, sur les campus américains, piètrement imités par les français, clament une nouvelle intelligence du monde, qui célèbrerait l’émergence du respect de “l’identité”. Laquelle ne peut, évidemment, concerner le non-être le juif, desormaks blanc, banni du sol, ennemi historique sur Terre.
La haine du juif est gonflée à bloc, à l’air sale et gris, dans les réseaux (les « zéros sociaux » dit désormais un ami).
Il est parfaitement repérable, ce trouble obsessionnel compulsif qu’on voudrait dissimuler sous le keffieh palestinien et la mort des enfants de Gaza ou, plus subtilement, en réalité très facilement, sous l’impéritie d’un gouvernement israélien assurément nazi dit-on à France Inter.
Repérable d’abord dans l’islamisme, qui ne s’en cache pas, la synagogue étant le premier lieu incendié dans les crises israélo-palestiniennes. On ne brule pas une Eglise en cas de guerre entre la France et l’Algérie.
On le clame dans ses écrits, en citant le Coran notamment dans la Charte du Hamas, même si en 2017, dans un nouveau texte de circonstance et sans convaincre, a été “effacé” la destruction physique programmée des juifs. Juste celle d’Israël ou vivent (seulement à 80%) des juifs. La duperie est flagrante et LFI et son chef psychotique cautionnent l’entourloupe.
Puis « en même temps » dans l’extrême gauche islamo-wokiste. Dans ce cercle de mal-vivants, la « question juive », est nodale, traditionnelle, dans l’analyse marxiste du Grand Capital, parfaitement maîtrisée par Mélenchon, le chef non soigné. ”La gauche anti-juive avait succédé à la droite catholique,
Le temps n’efface pas la baliverne dans les esprits étroits. On le constate avec l’antisémitisme.
Gauche Anti-juive populaire et marxienne, représentée, désormais, par LFI. La même qui, paradoxalement, pour agglomérer les voix en errance dans les banlieues perdues sous les stupéfiants,qui rôdent autour des mosquées.
S’y ajoute une autre cause, qui ne contredit pas l’idéologie antisémite historique précitée : la cause de l’islam meurtri (islamophobie) , la cause palestinienne (Gaza) et ses nouveau prolétaires, dont l’objectif pourtant annoncé est antinomique des valeurs que les mêmes prônent (le wokisme occidental d’imitation, en principe exclusif de l’homophobie ou du machisme religieux).
Ce paradoxe peut, en vérité, s’expliquer : dans les deux champs qui désormais s’épousent, l’universel est effacé au profit soit d’un ordre théologique (la charia), soit d’un braillement décolonial qui fait l’apologie de la destruction de l’occident judéo-chrétien blanc (le juif est un nouveau blanc de ce « genre »), cause de tous les malheurs des hommes, origine de l’oppression historique, créateur diabolique de la Bande de Gaza.
Cependant le discours de circonstance, tenu en boucle, sur les chaines d’information, nie cette réalité (l’antisémitisme à l’oeuvre dès qu’il s’agit d’Israël). Les chroniqueurs et autres “spécialistes” n’osent s’aventurer sur le terrain des mots et des actes et s’en tiennent à des généralités assez ennuyeuses, prétendant à l’objectivité, mère du faux-semblant.
Nul, sauf quelques rares courageux, n’ose assimiler antisionisme et antisémitisme.
Dans le “prêt-à-parler”, la séquence est prévisible : on se clame d’abord philosémite, on blâme le 7 octobre, et, « en même-temps », on rappelle la souffrance des palestiniens, réelle, au-delà des chiffres de propagande du Hamas et la propension de LCI et TF1, entre deux reportages sur l’Ukraine, à montrer 4 enfants dans les ruines d’un Gaza dévasté. En omettant de dire et encore redire l’identité du véritable auteur de son calvaire : le Hamas, constructeur de tunnels réservés aux combattants, égorgeurs de juifs, violeurs et éventreurs de juives..
Ailleurs, la « rue juive » dit avoir peur et les mégaoctets de messages, vidéos sur les « réseaux », des milliards de fois transférés, envahissent tous les univers, la peau des pouces ou des index usés par les clics compulsifs sur le logo de WhatsApp, dont le même ami, en verve, a osé comparer le vert à celui de l’emblème palestinien.
Balivernes, billevesées que ces prises de parole qui omettent l’essentiel, qui ne clament pas la vérité, étouffée par le bruit, sans fureur, d’un cri vain, braillard et inutile. Et craintif.
Il faut revenir à la réalité inébranlable : l’antisémite est un antisioniste. On n’écrit pas “l’antisionisme est un antisémitisme”. Ce que la majorité clame…
Le musulman de l’histoire n’aimait pas les juifs, leur concédant cependant, peuple monothéiste parmi les trois religions du Livre, le statut de dhimmi (une prétendue protection dans la ségrégation, sur leur sol, que Georges Bensoussan a pu analyser dans sa réalité, assez éloignée d’une vision apocalyptique).
Les musulmans « modernes », les décolonialistes (en réalité, la quasi-totalité de tous les jeunes immigrés, sans trop exagérer), les constituent, plus simplement, comme « juifs », ennemis coraniques ou idéologiques à abattre.
Tous le savent, mais sans le répéter pourtant à l’envi : les musulmans, dans leur majorité, qu’il s’agisse des individus et des États, n’ont que faire de leurs frères palestiniens qui ne sont que prétexte et camouflage grossier. Et le Hamas n’a que faire du peuple palestinien. Et LFI n’a que faire de la bande de Gaza, en faisant par la haine reculer les solutions, n’ayant qu’un seul but : la pêche au gros (les voix des banlieues islamistes et cette génération (dont l’on est persuadé qu’elle ne le sera plus dans le futur) violemment antisémite, le ‘”juif” étant l’injure suprême dans ces territoires.
Il faut le répéter : la Charte initiale du Hamas était claire : la destruction des juifs se confondait, sans ambages, ni distorsions sémantiques, avec Israël.
Même la litanie sur le « une terre, deux peuples » qui est au demeurent un mensonge historique et politique, n’est qu’un faux-semblant, un paravent de langage final.
Car c’est le juif qu’on veut abattre, avec d’abord la complicité de la gauche, idiote utile. Avec l’autre complicité essentielle, celle des musulmans prétendument victimes de « l’amalgame », assurément présents, républicains, pratiquant simplement leur religion, comme un chrétien, un juif. Mais muets et donc imaginaires.
L’on se demande où ils se terrent, pour ne pas dénoncer la logique islamiste dans la fibre du Texte coranique et, comme l’a fait la chrétienté, première religion, dans le temps de l’horreur qui ne se limite pas à celui de Torquemada, se réformer pour mettre fin au pogrom historique.
Il faut donc le dire et encore le dire : l’antisémitisme charrie l’antisionisme. Ce n’est pas l’antisionisme qui est une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue).
L’antisionisme n’est pas le “cheval de Troie” de l’antisémitisme. L’antisionisme n’est pas une « forme d’antisémitisme » (la locution en boucle). C’est bien l’antisémitisme qui crée l’antisionisme.
Le renversement des mots n’est pas fortuit : l’antisémite ne supporte pas Israël. Ce n’est pas le comportement de tel ou tel gouvernement d’Israël (encore un prétexte, un paravent) qui provoque la rage du cri de la « rue antisémite », une rue en minorité occidentale, mais bien la haine du juif. Celui passé de tueur de Christ à celui de gazaouis.
L’antisionisme permet simplement de surfer sur le fondement inexpiable du cri antisémite, originel.
Déjà en 1967, Vladimir Jankélévitch rappelait que :
“L‘antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. » L’imprescriptible, 1967.
Dès lors, il faut sans cesse rappeler aux chroniqueurs, aux bien-pensants, aux philosophes de service que la guerre actuelle n’est aucunement une guerre de territoire ou de colonialisme ou de l’on ne sait quel succédané d’une géopolitique qu’il faut analyser.
C’est une guerre contre les juifs. Et que, déjà, en assimilant Israël et juifs, les terroristes et leurs complices (la masse, y compris de gauche dans les rues) détruisent l’État d’Israël, en le ramenant, non pas à un territoire reconnu en 1949 par le monde, mais à des « juifs ». L’antisémitisme n’est pas autre chose.
L’effacement du nom de l’État, auquel on substitue « le juif », en accomplissant l’acte antisémite, est sa première destruction.
Les questions légitimes et complexes des bombardements, des otages, de la bande de Gaza, du gouvernement, des erreurs, des colons israéliens, de l’Occident, de la modernité, de l’espoir à donner aux palestiniens, de la solution à deux États, rejetée par les arabes et adulée, sûrement à juste « raison », par l’Occident, l’arrêt des colonisations, le passage de l’émotion à la raison, du cri à l’analyse peuvent faire oublier l’essentiel qui est la volonté délibérée d’une nouvelle extermination des juifs.
Dans un premier temps récent, les juifs ont, à nouveau, été détruits, par millions, par la barbarie nazie et ce peuple n’a (encore) survécu que par une résilience assez inouïe, presque mystérieuse.
Ils ont aujourd’hui Israël, que l’on veut détruire, en détruisant les juifs.
C’est Imre Kertész, immense écrivain, rescapé des camps, Prix Nobel de littérature, qui avait le mot exact lorsqu’il écrivait : « Quand Israël sera détruit, viendra le tour des autres juifs » (L’ultime auberge. Editons Actes Sud).
Il aurait pu, aujourd’hui, affirmer qu’il n’y a plus de « tour » : les phases se confondent comme les qualificatifs. Il n’y a pas “d’autre juif” en Israel que les juifs.
Les “carnets de Pessah”, que j’ai publiés il y a quelques jours m’ont amené à revoir le film de Cécil B.DeMille. Il est sur Canal, gratuit pour les abonnés. Toujours autant de plaisir à revoir les scènes. Il est vain de se demander s’il a “bien vieilli”. Ce film est hors du temps et celui qui critiquerait les images, les dialogues, qui ne sont pas ceux de “Emily in Paris” ou the “Star Wars” est un idiot.
Mais, en le disant, je précisais qu’il ne fallait mettre à la poubelle le premier, assez curieux pour ses deux parties. Mais quel premier, me répondit-on ? Ben, le premier “Dix commandements” de Cecil B. DeMille, de 1923, muet. Le silence à l’autre bout du fil me fit comprendre que l’on ne connaissait pas. Il me parait donc opportun de poster sur le sujet, “comme il est dit”. De rappeler que le réalisateur avait déjà, 33 ans avant celui qu’on connait, fait un “Ten commandments”
EXTRAIT WIKI:: Les Dix Commandements (The Ten Commandments) est un film muet épique américain réalisé par Cecil B. DeMille, sorti en 1923
Dans sa première partie, le film raconte l’épisode biblique de la captivité des Hébreux en Égypte à l’époque du pharaon Ramsès II (Charles de Rochefort), leur exode vers la Terre Promise, la traversée de la Mer Rouge, Moïse (Theodore Roberts) recevant les tables des Dix Commandements. La seconde partie se situe dans les années 1920. Elle relate l’histoire des deux fils d’une femme bigote (Edythe Chapman), l’un mauvais garçon (Rod La Roque), l’autre sérieux (Richard Dix), qui convoitent tous deux la même jeune femme.
EXTRAIT TELERAMA (2021). Excellent article’sur la version 1956, en Technicolor ,avec Charlton Heston.
Dix chiffres capitaux sur le film de Cecil B. DeMille
Par Michel Bezbakh
2 films
Il existe deux Les Dix Commandements par Cecil B. DeMille. Dans le premier, réalisé en 1923, Moïse guide d’abord les Hébreux hors d’Égypte, puis la deuxième partie se déroule à l’époque contemporaine. Pour son auto-remake, le cinéaste use avec joie du Technicolor, reste perpétuellement avant Jésus-Christ, et développe une part de la légende qui n’est pas dans la Bible : le temps passé par Moïse aux côtés de son cousin Ramsès II, à la cour du pharaon Séthi Ier.
3 romans à la base du scénario
Si la légende de Moïse est contée par l’Ancien Testament, elle l’est aussi par pas mal d’autres livres. Aeneas MacKenzie, Jesse L. Lasky Jr., Jack Gariss et Fredric M. Frank s’inspirent de trois romans pour écrire le scénario du film : The Pillar of Fire (La Colonne de feu), de J.H. Ingraham (1859), Le Prince d’Égypte, de Dorothy Clarke Wilson (1949), et On Eagle’s Wing (Sur les ailes de l’aigle), de A.E. Southon (1957). Il leur fallut plus de trois ans d’écriture.
7 mois de tournage
Sept mois pour tourner un film, c’est tout simplement monumental. Malgré la maîtrise des effets spéciaux, les peintures en arrière-plan, les incrustations, de nombreuses scènes sont tournées en Égypte, notamment au mont Sinaï.
75 films de Cecil B. DeMille
Ces Dix Commandements achèvent et couronnent la carrière prolifique de Cecil B. DeMille, entamée en 1914 (dans les années 1910, on peut faire entre cinq et dix films par an). Adepte de la comédie conjugale au temps du muet, il saura ensuite profiter des avancées techniques pour devenir le champion du péplum (Cléopâtre, Samson et Dalila…).Cecil B. DeMille sur le tournage des « Dix Commandements ». Paramount
74 ans, l’âge de Cecil B. DeMille en 1956
Et 70 ans au moment de s’engager dans ce projet pharaonique, au début de l’année 1952. Il est d’ailleurs victime d’une crise cardiaque pendant le tournage, mais parvient à reprendre le travail deux jours plus tard ! Il décède trois ans après la sortie du film, son dernier, en 1959.
13 millions de dollars de budget
À l’époque, c’est le film le plus cher jamais produit. La Paramount donne à DeMille des moyens illimités, mais aussi une totale liberté artistique. Aujourd’hui, un blockbuster comme Tenet bénéficie d’un budget de 200 millions de dollars.
20 000 figurants
Certains disent 10 000, d’autres 18 000, d’autres encore 20 000. Une chose est sûre : il y a moult figurants sur le tournage. Ces vastes plans larges sur les esclaves se tuant à la tâche pour le pharaon (qui lui est bien seul sur son trône) continuent d’impressionner aujourd’hui.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille, dans sa deuxième version de 1956. Paramount
122,7 millions de dollars de recettes au box-office
Soit le film le plus rentable de l’année 1956. Les Français sont 14 millions à le voir au cinéma.
4 plaies d’Égypte
Les grenouilles sont bien tombées du ciel, DeMille les a filmées, mais il décide finalement de les couper au montage. Il conserve son orage de grêle (de pop-corn), son Nil ensanglanté (par un tuyau d’arrosage), son ciel ténébreux, la mort des nouveau-nés.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956).
1 Oscar
Eh oui, après être passé de 2 à 122,7 millions puis 4, cet article termine en eau de boudin avec le chiffre 1. Car malgré tous les moyens mis en œuvre et sept nominations aux Oscars, le film ne récolte qu’une seule statuette à la cérémonie de 1957. Elle revient à John Fulton, le directeur des effets spéciaux. On aime encore, bien des années plus tard, cette façon d’ouvrir la mer Rouge : par des chutes d’eau de part et d’autre et une pellicule qui se déroule à l’envers. Avec ça, vous traversez n’importe quelle étendue d’eau.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956). Paramount
PAR UN CLIC CI-DESSOUS, ON PEUT VISIONNERLE FILM MUET
Télécharger par le lien ci-dessous. Quelques secondes pour rapatrier le fichier et on visionne sur le lecteur vidéo de votre choix sur votre tel ou ordi, sans s’occuper des autres mentions.de Google ou chrome sur les vidéos non prêtes ou les virus inexistants. Cliquez sur “télécharger quand même” sans trembler. Tout ira bien et vous aurez le film muet (sous-titres français des panneaux)
PUIS ALLER DANS VOTRE DOSSIER DE TELECHARGEMENTS, chercher “the ten.commandments4-manic.mkv.
L’idée de ramasser dans un seul billet ce qui a été éparpillé dans ce site m’a encore été soufflée par une lectrice très bienveillante. Il s’agissait de reprendre le contenu de l’une des entrées de mon menu (“la première page”), de copier, de coller. Fastideux mais sans difficulté. J’ai cependant inséré quelques vidéos (encore des vagues pour une pause entre les lectures.
PREMIÈRE PAGE : C’est là, parait-il, que le talent se révèle. Victor Hugo écrivait que “tout grand écrivain frappe la prose à son effigie“. Le premier coup doit être le bon.
Certains apprentis écrivains le savent, pour abandonner après la première page. Il est rare d’avoir un bon texte après une première page calamiteuse.
Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je nr’ai rien à vous dire. Seulement ceci — que je me trouve aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi. Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier. Tout cela sb’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore. En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, avec une ironie dérisoire. Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie. Dans le jardin que j’aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par-dessus les branches, d’où elles pendent maintenant ; elles sont enroulées tout là-haut ; ainsi l’idée d’une fuite imaginaire ne peut même pas s’aider des balançoires, pour me faire passer le temps. Tel est plus ou moins, mais sans style, mon état d’âme en ce moment. Je suis comme la Veilleuse du Marin, les yeux me brûlent d’avoir pensé à pleurer. La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées, par les interstices. Tout cela est imprimé en caractères tout petits, dans un livre dont la brochure se défait déjà
Woolf, Virginia. « Vers le phare. »
Oui, bien sûr, s’il fait beau demain », dit Mrs Ramsay. « Mais, ajouta-t-elle, il faudra que tu te lèves à l’aurore. » À ces mots, son fils ne se sentit plus de joie, comme s’il était entendu que l’expédition aurait lieu à coup sûr et que cette merveille qu’il attendait depuis des années et des années semblait-il, était enfin, passé une nuit d’obscurité et une journée de mer, à portée de sa main. Comme il appartenait déjà, à l’âge de six ans, au vaste clan de ceux dont les sentiments ont tendance à empiéter les uns sur les autres, et qui ne peuvent empêcher les perspectives d’avenir, leurs joies et leurs peines, de brouiller la réalité présente ; comme pour ces gens-là, si petits soient-ils, le moindre tour de la roue des sensations a le pouvoir de cristalliser et fixer l’instant sur quoi porte son ombre ou sa lumière, James Ramsay, assis par terre à découper des illustrations dans le catalogue des « Army and Navy Stores », investit l’image d’un réfrigérateur, tandis que sa mère parlait, d’un bonheur suprême. Elle était auréolée de joie. La brouette, la tondeuse à gazon, le bruissement des peupliers, la pâleur des feuilles avant la pluie, le croassement des freux, les chocs des balais, le froissement des robes – tout avait dans son esprit tant de couleur et de netteté qu’il possédait déjà son code personnel, son langage secret, tout en donnant l’image de la rigueur absolue et intraitable, avec son grand front, ses yeux bleus farouches, parfaitement francs et limpides, et ce léger froncement de sourcil devant le spectacle de la fragilité humaine, au point que sa mère, le regardant guider précisément ses ciseaux autour du réfrigérateur, l’imaginait siégeant au tribunal, tout de rouge et d’hermine vêtu, ou décidant de mesures difficiles et cruciales à un moment critique pour la nation. « Mais », dit son père en s’arrêtant devant la fenêtre du salon, « il ne fera pas beau. » S’il avait eu une hache à sa portée, un tisonnier ou toute arme capable de fendre la poitrine de son père, de le tuer, là, sur-le-champ, James s’en serait emparé. C’était bien ce genre d’émotions extrêmes que Mr Ramsay, par sa seule présence, soulevait dans le cœur de ses enfants ; quand il se tenait là, comme en ce moment, maigre comme un couteau, étroit comme une lame, avec ce sourire sarcastique qui, outre le plaisir de décevoir son fils et de ridiculiser sa femme, qui lui était dix mille fois supérieure en tout (selon James), traduisait la secrète vanité qu’il tirait de la rectitude de son jugement. Ce qu’il disait était vrai. C’était toujours vrai. Il était incapable de proférer une contrevérité ; ne transigeait jamais avec les faits ; ne modifiait jamais une parole désagréable pour satisfaire ou arranger âme qui vive, et surtout pas ses propres enfants qui, chair de sa chair, devaient savoir dès leur plus jeune âge que la vie est difficile ; les faits irréductibles ; et que la traversée jusqu’à cette terre fabuleuse où s’anéantissent nos plus belles espérances, où nos frêles esquifs s’abîment dans les ténèbres (là, Mr Ramsay se redressait, plissait ses petits yeux bleus et les fixait sur l’horizon), est un voyage qui exige avant tout courage, probité, et patience dans l’épreuve. « Mais peut-être qu’il fera beau – je crois bien qu’il fera beau », dit Mrs Ramsay en tirant impatiemment sur le bas de couleur brun-rouge qu’elle était en train de tricoter. Si elle le terminait ce soir, si finalement ils allaient au Phare, elle en ferait cadeau au gardien pour son petit garçon menacé de tuberculose de la hanche ; plus un tas de vieilles revues et du tabac, en fait tout ce qui traînait par-ci par-là, dont on n’avait pas vraiment besoin, qui encombrait seulement la pièce, histoire de donner à ces pauvres gens qui devaient s’ennuyer à mourir sans rien d’autre à faire qu’astiquer la lampe, égaliser la mèche et ratisser leur bout de jardin, de quoi se distraire. Car, demandait-elle volontiers, que diriez-vous de rester enfermé tout un mois, et parfois davantage par gros temps, sur un rocher pas plus grand qu’un terrain de tennis ? Et de ne recevoir ni lettres ni journaux, et de ne voir personne ; si vous étiez marié, de ne pas voir votre femme, de ne pas savoir comment vont vos enfants – s’ils sont malades, s’ils sont tombés et se sont cassé bras ou jambes ; de voir toujours les mêmes vagues se briser monotones semaine après semaine, jusqu’à ce qu’arrive une tempête épouvantable, que les vitres se couvrent d’embruns, que les oiseaux viennent se fracasser contre la lampe et que tout l’édifice se mette à trembler, et de ne pas pouvoir mettre le nez dehors de peur d’être emporté par une lame ? Que diriez-vous de cela ? demandait-elle en s’adressant plus particulièrement à ses filles. Et donc, ajoutait-elle sur un ton sensiblement différent, on se devait de leur apporter tout ce qui était susceptible d’agrémenter un peu leur existence.
Roth, Philip. “Indignation”
Deux mois et demi environ après que les divisions bien entraînées de la Corée du Nord, armées par les Soviétiques et les communistes chinois, eurent traversé le 38e parallèle et pénétré en Corée du Sud le 25 juin 1950, et qu’eut débuté le calvaire de la guerre de Corée, je devins étudiant à Robert Treat, un petit collège universitaire du centre de Newark, qui portait le nom du fondateur de la ville au XVIIe siècle. J’étais le premier membre de notre famille à faire des études supérieures. Aucun de mes cousins n’avait été au-delà du lycée, et ni mon père ni ses trois frères n’avaient terminé l’école primaire. « Je travaille pour gagner de l’argent », m’avait dit mon père, « depuis l’âge de dix ans. » C’était un boucher de quartier pour qui j’avais fait les livraisons à bicyclette durant toute ma scolarité, sauf pendant la saison de base-ball et les après-midi où je devais participer aux concours inter-scolaires en tant que membre de l’équipe des débatteurs. Disons qu’à partir du jour où j’ai quitté la boucherie — j’y avais travaillé pour lui soixante heures par semaine, entre la fin de mes études secondaires, en janvier, et la rentrée universitaire en septembre —, oui, disons qu’à partir du jour où j’ai commencé à suivre mes cours à Robert Treat, mon père a vécu dans la crainte de me voir mourir. Peut-être sa peur avait-elle un rapport avec la guerre dans laquelle les forces armées des États-Unis, sous les auspices des Nations unies, s’étaient immédiatement engagées pour soutenir l’effort de l’armée sud-coréenne mal entraînée et sous-équipée ; ou peut-être avait-elle un rapport avec les lourdes pertes que subissaient nos troupes face à la force de frappe des communistes, et avec sa crainte, si le conflit devait durer aussi longtemps que la Seconde Guerre mondiale, de me voir enrôlé…
Dashiell Hammett. « Le faucon de Malte. »
Sam Spade avait la mâchoire inférieure lourde et osseuse. Son menton saillait, en V, sous le V mobile de la bouche. Ses narines se relevaient en un autre V plus petit. Seuls, ses yeux gris jaune coupaient le visage d’une ligne horizontale. Le motif en V reparaissait avec les sourcils épais, partant de deux rides jumelles à la racine du nez aquilin et les cheveux châtain très pâle, en pointe sur le front dégarni, découvrant les tempes. Il avait quelque chose d’un sympathique Méphisto blond. — Qu’est-ce qu’il y a, mon petit ? dit-il à Effie Perine. La jeune fille, bronzée, grande – une fausse maigre portait une robe de lainage mince qui moulait ses formes comme un drap mouillé. Ses yeux bruns riaient dans un visage lumineux d’adolescent. Elle ferma la porte derrière elle et s’adossa au battant. — C’est une femme qui voudrait te voir, dit-elle. Elle s’appelle Miss Wonderly. — Une cliente ? — Je crois. De toute façon, tu aurais envie de la voir. Elle est formidable. — Fais entrer, chérie, fais entrer, dit Spade. Effie Perine rouvrit la porte qui communiquait avec le bureau de réception. Sans lâcher le bouton, elle s’effaça. — Voulez-vous entrer, Miss Wonderly ? Une voix répondit : « Merci ! » si doucement que seule une parfaite articulation permit d’entendre les deux syllabes. La jeune femme entra lentement, un peu hésitante, attachant sur Spade le regard à la fois timide et scrutateur de deux yeux bleu de cobalt. Elle était grande et mince, mais sans rien d’anguleux, la poitrine haute, les jambes longues, les attaches fines. Elle portait un « ensemble » en deux nuances de bleu, choisies sans doute pour faire valoir ses yeux. Elle avait, sous un chapeau bleu, des cheveux fauves et bouclés. Ses lèvres pourpres s’entrouvraient pour un timide sourire sur des dents éclatantes de blancheur. Spade se leva, s’inclina et désigna de sa forte main un fauteuil de chêne. Il avait environ un mètre quatre-vingts. Ses épaules tombantes donnaient à son buste une forme conique : il avait un torse aussi profond que large, sur lequel flottait un veston gris qui sortait du pressing. Miss Wonderly murmura de nouveau : « Merci », et s’assit sur le bord du siège. Spade se renfonça dans son fauteuil tournant. D’un coup de reins, il le fit pivoter d’un quart de tour et sourit poliment. Il souriait sans desserrer les lèvres : tous les V de son visage s’allongèrent. Le cliquetis amorti et le timbre grêle de la machine à écrire d’Effie Perine résonnaient de l’autre côté du mur. Quelque part dans le building, un moteur vibrait sourdement. Sur le bureau de Spade une cigarette fumait dans un cendrier de cuivre rempli de mégots. De légers flocons de cendres étaient répandus sur le bois verni, le buvard vert et les papiers étalés. Par une fenêtre entrouverte derrière un rideau beige, pénétrait un courant d’air vaguement parfumé d’ammoniaque. Sur le bureau, les cendres frémissaient et se déplaçaient dans ce courant d’air…
Kazuo Ishiguro. “Les vestiges du jour”
Darlington Hall Il semble de plus en plus probable que je vais réellement entreprendre l’expédition qui tient depuis quelques jours une place importante dans mon imagination. Une expédition, je dois le préciser, que j’entreprendrai seul, dans le confort de la Ford de Mr. Farraday ; une expédition qui, telle que je l’envisage, me conduira à travers une des plus belles campagnes d’Angleterre jusqu’au West Country, et pourrait bien me tenir éloigné de Darlington Hall pendant cinq ou six jours. L’idée de ce voyage, je dois le souligner, est née d’une suggestion fort aimable émise à mon intention par Mr. Farraday lui-même voici presque quinze jours, tandis que j’époussetais les portraits dans la bibliothèque. En fait, si je me souviens bien, j’époussetais, monté sur l’escabeau, le portrait du vicomte Wetherby lorsque mon employeur entra, chargé de quelques volumes dont il désirait sans doute qu’on les remît en rayon. Remarquant ma présence, il profita de cette occasion pour m’informer qu’il venait précisément de parachever le projet de retourner aux États-Unis pour une période de cinq semaines, entre août et septembre. Cela annoncé, mon employeur posa ses volumes sur une table, s’assit sur la chaise longue et allongea les jambes. Ce fut alors que, levant les yeux vers moi, il déclara : « Vous vous doutez, Stevens, que je ne vous demande pas de rester enfermé dans cette maison pendant toute la durée de mon absence. Si vous preniez la voiture pour aller vous balader pendant quelques jours ? À en juger par votre mine, un petit congé ne vous ferait pas de mal. » Devant une proposition aussi imprévue, je ne savais trop comment réagir. Je me rappelle l’avoir remercié de sa sollicitude, mais sans doute ne dis-je rien de très précis car mon employeur poursuivit : « Je parle sérieusement, Stevens. Vous devriez vraiment prendre un petit congé. Je paierai la note d’essence. Vous autres, vous passez votre vie enfermés dans ces grandes maisons à vous rendre utiles, et quand est-ce que vous arrivez à voir ce beau pays qui est le vôtre ? » Ce n’était pas la première fois que mon employeur soulevait cette question ; en fait, il semble sincèrement préoccupé par ce problème. Ce jour, cependant, il me vint une sorte de repartie tandis que j’étais juché là-haut sur l’escabeau ; repartie visant à souligner que dans notre profession, si nous ne voyons pas à proprement parler le pays en sillonnant la campagne et en visitant des sites pittoresques, nous « voyons » en fait une part d’Angleterre plus grande que bien des gens, placés comme nous le sommes dans des demeures où se rassemblent les personnes les plus importantes du pays. Certes, je ne pouvais exprimer ce point de vue à l’intention de Mr. Farraday sans me lancer dans un discours qui aurait pu paraître présomptueux. Je me contentai donc de dire simplement : « J’ai eu le privilège, monsieur, de voir entre ces mêmes murs, au fil des années, ce que l’Angleterre a de meilleur. » Mr. Farraday ne sembla pas comprendre cette remarque, car il continua sur sa lancée : « J’insiste, Stevens. Ce n’est pas bien qu’un gars ne puisse pas visiter son propre pays. Suivez mon conseil, sortez de la maison pendant quelques jours. »
Isaac Bashevis Singer. “La famille Moskat”
Cinq ans après la mort de sa deuxième épouse, Reb Meshulam Moskat se maria pour la troisième fois. Sa nouvelle femme avait la cinquantaine. Originaire de Galicie, en Autriche orientale, c’était la veuve d’un riche brasseur de Brody, un homme érudit. Peu de temps avant sa mort, il avait fait faillite et ne laissait qu’une bibliothèque remplie d’ouvrages savants, un collier de perles – fausses, comme on allait le découvrir – et une fille prénommée Adèle. Elle s’appelait en réalité Eidele, mais sa mère, Rosa Frumetl, préférait Adèle, plus à la mode. Meshulam Moskat fit leur connaissance à Carlsbad, où il était allé suivre une cure, et il épousa la veuve là-bas. Personne à Varsovie ne fut mis au courant. Reb Meshulam n’écrivit à aucun membre de sa famille, ce n’était pas dans ses habitudes de rendre compte de ses faits et gestes. Ce ne fut qu’au milieu du mois de septembre qu’un télégramme adressé à son intendant à Varsovie annonça son retour, ordonnant que Leibel, le cocher, vînt attendre son maître à la gare de Vienne. Le train arriva dans la soirée. Reb Meshulam descendit du wagon de première classe, suivi de sa femme et de sa belle-fille. Quand Leibel s’avança, il lui déclara : « Voici ta nouvelle maîtresse », en fermant une de ses lourdes paupières.
F. Scott. Fitzgerald “Tendre est la nuit”
Sur les bords charmants de la Méditerranée, à mi-chemin entre Marseille et la frontière italienne, se dresse un vaste et fier hôtel aux murs roses. Des palmiers éventent respectueusement sa façade congestionnée, et à ses pieds un bout de plage étincelle au soleil. Il est depuis peu le lieu de villégiature de gens chics et célèbres qui viennent y passer l’été. Il y a dix ans, le départ, en avril, de sa clientèle anglaise pour le Nord le laissait presque entièrement vide. Aujourd’hui, de nombreux petits pavillons en rez-de-chaussée s’agglutinent alentour, mais, au moment où cette histoire commence, on ne voyait qu’une dizaine de villas vétustes dont les dômes pourrissaient comme des nénuphars au milieu des denses pinèdes qui s’étendent entre l’hôtel des Étrangers de Gausse et Cannes, à huit kilomètres de là.
L’hôtel et son éblouissant tapis de prière havane, la plage, ne faisaient qu’un. Aux premières heures du jour, l’image de Cannes au loin, les vieux remparts rouge pâle et crème, les Alpes mauves qui ferment l’Italie se dessinaient sur les eaux de la baie et tremblaient parmi les rides et les anneaux que produisaient à la surface les ondoiements des plantes marines dans les fonds clairs. Avant 8 heures, un homme en peignoir bleu descendait à la plage et, après s’être copieusement aspergé d’eau froide, grognant d’abondance et respirant bruyamment, il s’ébattait pendant une minute dans les vagues. Une fois qu’il était reparti, la plage et la baie connaissaient une heure de calme. Des cargos, à l’horizon, se traînaient paresseusement vers l’ouest ; des employés de l’hôtel lançaient des cris dans la cour ; la rosée séchait sur les pins. Une heure plus tard, le concert des klaxons se déversait de la route en lacets au flanc du massif des Maures, qui sépare le littoral et la vraie Provence.
À moins de deux kilomètres à l’intérieur des terres, là où les bois de pins cèdent la place à des peupliers gris de poussière, se trouve une petite station de chemin de fer solitaire où, un matin de juin 1925, une victoria vint chercher une femme et sa fille pour les conduire à l’hôtel de Gausse. Le visage de la mère possédait un charme un peu fané, qui ne tarderait pas à être gâté par des plaques de couperose ; il y avait dans son expression quelque chose de tranquille et d’aimablement avisé. Le regard, cependant, se portait vite sur sa fille, ensorcelé par le joli rose des paumes et les joues délicatement ardentes, pareilles à celles des enfants, avec ces rougeurs délicieuses que leur donne le bain froid du soir. Son front beau et haut s’élevait doucement jusqu’aux cheveux, qui, l’encadrant comme s’il eût été un bouclier armorié, jaillissaient en boucles, mèches et frisettes d’un blond cendré mêlé d’or. Elle avait de grands yeux, vifs, clairs, humides et brillants, et sa carnation naturelle laissait deviner à fleur de peau la jeune vigueur des battements de son cœur. Son corps s’attardait avec grâce aux confins de l’enfance : elle avait presque dix-huit ans, serait bientôt femme, mais la rosée sur elle se voyait encore.
Raymond Chandler. « La grande fenêtre. »
La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche. Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et ne portera jamais plus d’un revolver sur lui. Je sais aussi qu’elle est la veuve d’un vieux barbu nommé Jasper Murdock qui s’est bourré les poches au service de la municipalité et dont le journal de Pasadena passe la photo chaque année le jour de son anniversaire, avec, en dessous, les dates de sa naissance et de sa mort et la légende : Une Vie consacrée au Devoir. Laissant ma voiture le long du trottoir, je m’avance sur les quelques douzaines de pierres qui dessinent une chaussée à travers la pelouse, et je sonne sous le perron de brique au toit pointu. Le long de la façade, un petit mur en brique rouge court de la porte à l’allée et, au bout du parcours, sur un socle en ciment, s’érige la statue peinte d’un négrillon en tenue de cheval : culotte blanche, tunique verte et casquette rouge. Il brandit un fouet et un anneau de fer est scellé dans le ciment, à ses pieds. Il a l’air tout triste de celui qui attend depuis trop longtemps et qui finit par se décourager. Je m’avance vers lui et je lui tapote amicalement le crâne en attendant qu’on se décide à m’accueillir. Finalement, une Carabosse entre deux âges, déguisée en femme de chambre, entrouvre la porte d’environ vingt centimètres et me lorgne d’un air soupçonneux. — Je suis Philip Marlowe, lui dis-je. Je viens voir Mme Murdock. J’ai rendez-vous.
« La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche. Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et[…] »
Clément Rosset. “La joie est plus profonde que la tristesse : Entretiens avec Alexandre Lacroix”
Le réel finit toujours par prendre sa revanche
Alexandre Lacroix : Qu’est-ce qu’un morceau de camembert ?
Clément Rosset : Mon ami et collègue Vincent Descombes m’a dit, un jour : « Toi, tu es un théologien du camembert. » On a la théologie qu’on peut… Il faisait allusion à cette page de mon essai L’Objet singulier (1979), où je pastiche le passage de la deuxième méditation de Descartes consacré au morceau de cire. Mon argument à propos du camembert est le suivant : chaque objet est singulier et il est impossible d’en décrire la singularité. Toutes les descriptions que nous pouvons donner d’un objet procèdent par voie de comparaison avec un étalon, un autre objet servant de référence. Ainsi, je peux comparer le camembert et le livarot ou le pont-l’évêque, mais dire ce qu’il est en lui-même, décrire sa saveur particulière, surtout quand il est bon, j’en suis incapable. Le camembert est à lui-même son propre patron, au sens que prend ce terme en couture. Un courtisan prétendait qu’il était difficile de louer Louis XIV, puisque celui-ci rayonnait de si merveilleuses qualités qu’il était à nul autre semblable, comparable seulement à lui-même. Cette propriété du Roi-Soleil est aussi celle du morceau de camembert, comme d’ailleurs de tout objet réel.
A. L. : Cela mène à votre définition du réel, comme « ensemble non clos d’objets non identifiables ». Qu’entendez-vous par là ?
C. R. : C’est en fait une définition très simple, qu’on pourrait tourner autrement : il n’y a pas deux brins d’herbe semblables. Il me vient à l’esprit un autre exemple, les nombres premiers. Ces nombres sont remarquables, car ils ne se laissent diviser que par eux-mêmes et par un. Ce sont, pour ainsi dire, des nombres tautologiques, qui ne sont faits que d’eux-mêmes. Ainsi, le réel est un ensemble d’objets indescriptibles, que nous ne sommes pas capables de dénombrer, ensemble dont nous ne pouvons pas dire s’il est fini ou infini – pour cette raison, je précise qu’il n’est pas « clos ». Il n’y a rien en dehors de lui, pas d’arrière-monde. Il n’y a pas non plus de miroir fidèle dans lequel regarder notre monde.
Jean Rolin. « Ormuz».
Après sa disparition, je me suis introduit dans la chambre de Wax à l’hôtel Atilar afin d’y inventorier ses affaires. C’était assez peu de chose : quelques vêtements légers, dont ceux, mis à sécher sur des cintres, qu’il avait pris soin de laver, la veille de sa tentative, comme il le faisait chaque soir, bien que l’hôtel disposât d’un service de blanchisserie, avec une ponctualité exaspérante à la longue. Une trousse de toilette dont je ne détaillerai pas le contenu, par discrétion, mais dont il me semble important, pour la compréhension de ce qui va suivre, de noter qu’elle renfermait, à côté de ce que l’on s’attend à rencontrer dans un accessoire de ce genre, tout un assortiment de fétiches ou de porte-bonheur, tels que des petits cailloux, des plumes, des perles de verre, ou d’autres menus objets témoignant de la survivance, chez Wax, d’un mode de pensée qui généralement se résorbe à l’âge adulte. Sur un carnet à spirale, des notes éparses, sans queue ni tête, qu’il me destinait afin que je les mette en forme dans ce grand récit de son exploit qu’il me payait pour écrire. Des cartes et des plans par dizaines, reproduisant à des échelles différentes les parages du détroit ou le Golfe dans sa totalité. Un rouleau entamé de bonbons Mentos, une cartouche également entamée de cigarettes Marlboro Light. Et ainsi de suite. Rien de bien intéressant, à l’exception peut-être du livre qu’il était en train de lire, un court roman de Joseph Conrad, Au bout du rouleau, dont le titre devait s’accorder parfaitement avec ses propres dispositions lorsqu’il en avait interrompu la lecture. La climatisation fonctionnait, ainsi que le réfrigérateur, à l’intérieur duquel il se trouvait encore deux petites bouteilles d’eau minérale, une boîte de Coca-Cola et une autre d’un soda de fabrication locale, en plus d’un emballage de plastique transparent contenant des grains de grenade dont je savais qu’il lui avait été offert par la réceptionniste de l’hôtel. (Les grains de grenade provenaient d’un jardin que son mari – le mari de la réceptionniste – possédait dans la région de Kerman, et qui, selon son témoignage, produisait également des pêches, des pommes et des noix.) En même temps que je vaquais dans la chambre à mes occupations, désormais, je mangeais de ces grains de grenade en les prenant tout d’abord un par un, dans leur emballage de plastique, puis, bientôt, par poignées, tant ils s’avérèrent succulents, et tout cela sans le moindre scrupule, tel qu’aurait dû m’en inspirer la disparition de leur possesseur légitime, mais non sans une certaine appréhension quant aux conséquences possibles de cette goinfrerie sur mon appareil digestif, dont le….
Milan Kundera. « La plaisanterie. »
Ainsi, après bien des années, je me retrouvais chez moi. Debout sur la grande place (qu’enfant, puis gamin, puis jeune homme, j’avais mille fois traversée), je ne ressentais nulle émotion ; au contraire, je pensais que cette place dont le beffroi (semblable à un reître sous son heaume) surplombe les toits rappelait le vaste terrain d’exercice d’une caserne, et que le passé militaire de cette ville de Moravie, jadis rempart contre les raids des Magyars et des Turcs, avait imprimé sur sa face la marque d’une irrévocable hideur. Des années durant, rien ne m’avait attiré vers ma ville natale ; je me disais qu’elle m’était devenue indifférente, et cela me paraissait naturel : depuis quinze ans déjà je vis ailleurs, je n’ai plus ici que quelques connaissances, ou des copains (que je préfère du reste éviter), ma mère est enterrée dans une tombe étrangère dont je ne m’occupe pas. Mais je m’abusais : ce que j’appelais indifférence était en fait de la rancune ; les raisons m’en échappaient, car il m’était arrivé des choses bonnes ou mauvaises dans cette ville comme dans toutes les autres, en tout cas cette rancune était là ; j’en avais pris conscience à l’occasion de mon voyage : la tâche qui m’amenait ici, j’aurais pu, tout compte fait, l’accomplir aussi bien à Prague, mais j’avais été soudain irrésistiblement attiré par l’occasion offerte de l’exécuter dans ma ville natale justement parce qu’il s’agissait d’une tâche cynique et terre à terre qui, avec dérision, m’acquittait du soupçon de revenir ici sous l’effet d’un mièvre attendrissement sur le temps perdu. Une fois encore je parcourus d’un œil narquois la place disgracieuse avant de lui tourner le dos pour prendre la rue de l’hôtel où ma chambre était retenue pour la nuit. Le portier me tendit une clé à poire de bois en disant : « Deuxième étage. » La chambre n’était pas très engageante : un lit contre le mur, au milieu une petite table avec une seule chaise, à côté du lit une prétentieuse table de toilette en acajou avec miroir, près de la porte un lavabo écaillé absolument minuscule. Je posai ma serviette sur la table et j’ouvris la fenêtre : la vue donnait sur une cour et sur des maisons présentant à l’hôtel leur dos nu et sale. Je fermai la fenêtre, abaissai les rideaux et m’approchai du lavabo qui comportait deux robinets marqués l’un en rouge, l’autre en bleu ; je les essayai, l’eau en coulait également froide. J’examinai la table, laquelle, à la rigueur, suffirait, une bouteille et deux verres y trouvant fort bien place ; malheureusement, une seule personne pouvait s’y installer, faute d’une seconde chaise dans la pièce. Ayant poussé la table vers le lit, je tentai de m’asseoir sur celui-ci, seulement il était trop bas et la table trop haute
Virginia Woolf. « Les vagues. »
Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d’une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu’une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l’horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l’une l’autre en un rythme sans fin. Chaque vague se soulevait en s’approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d’écume blanche. La houle s’arrêtait, puis s’éloignait de nouveau, avec le soupir d’un dormeur dont le souffle va et vient sans qu’il en ait conscience. Peu à peu la barre noire de l’horizon s’éclaircit : on eût dit que de la lie s’était déposée au fond d’une vieille bouteille, laissant leur transparence aux vertes parois de verre. Tout au fond, le ciel lui aussi devint translucide comme si un blanc sédiment s’en était détaché, ou comme si le bras d’une femme couchée sous l’horizon avait soulevé une lampe : des bandes de blanc, de jaune, de vert s’allongèrent sur le ciel comme les branches plates d’un éventail. Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l’air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s’arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d’atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l’éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu’une seule coulée d’or. La lumière frappa tour à tour les arbres du jardin, et les feuilles devenues transparentes s’éclairèrent l’une après l’autre. Un oiseau gazouilla, très haut ; il y eut un silence ; plus bas, un autre oiseau reprit le même chant. Le soleil rendit aux murs leurs arêtes tranchantes, le bout de l’éventail du soleil s’appuya contre un store blanc ; le doigt du soleil marqua d’ombres bleues un bouquet de feuilles près d’une fenêtre de chambre à coucher. Le store frémit doucement, mais tout dans la maison restait vague et sans substance. Au-dehors, les oiseaux chantaient leurs mélodies vides.
Albert Camus “la Peste”
Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire. À première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.
La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ? Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.
Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre petite ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. Le soir, lorsqu’ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l’on joue gros jeu sur le hasard des cartes…
Roth, Philip. “La Tache”.
À l’été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu’on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l’Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l’écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne. La première fois que Coleman avait vu cette femme, elle lessivait le parterre de la poste : il était arrivé tard, quelques minutes avant la fermeture, pour prendre son courrier. C’était une grande femme maigre et anguleuse, des cheveux blonds grisonnants tirés en queue-de-cheval, un visage à l’architecture sévère comme on en prête volontiers aux pionnières des rudes commencements de la Nouvelle-Angleterre, austères villageoises dures à la peine qui, sous la férule du pasteur, se laissaient docilement incarcérer dans la moralité régnante. Elle s’appelait Faunia Farley, et plaquait sur sa garce de vie l’un de ces masques osseux et inexpressifs qui ne cachent rien et révèlent une solitude immense. Faunia habitait une chambre dans une laiterie du coin, où…
James Hadley Chase. « Pas d’orchidées pour Miss Blandish. »
L’afffaire débuta un après-midi du mois de juillet, par une chaleur torride, sous un ciel implacablement bleu et de brûlantes rafales de vent et de poussière. Au carrefour de la route qui va de Fort Scott au Nevada et de la nationale 54, qui relie Pittsburg à Kansas City, se trouvent une gargote et un poste d’essence. La baraque en bois a pauvre apparence et ne possède qu’une seule pompe, exploitée par un veuf d’un certain âge et sa fille, une blonde bien en chair. Il était un peu plus d’une heure de l’après-midi lorsqu’une Packard poussiéreuse s’arrêta devant le restaurant. Il y avait deux hommes dans la voiture ; l’un d’eux dormait. Bailey, le conducteur, sortit de la voiture. C’était un homme court et trapu, au lourd visage brutal, aux yeux noirs, vifs et inquiets, et à la mâchoire striée d’une longue et pâle cicatrice. Son complet, poudreux et fripé, était usé jusqu’à la corde, et les poignets de sa chemise sale étaient effrangés. Bailey n’était pas dans son assiette. Il avait beaucoup bu la nuit précédente et la chaleur l’incommodait. Il s’arrêta un instant pour jeter un coup d’œil sur son compagnon endormi, le vieux Sam, puis, haussant les épaules, il pénétra dans le restaurant et laissa le vieux Sam ronfler dans la voiture. La blonde accoudée au comptoir lui sourit. Elle avait de grandes dents blanches qui le firent penser à des touches de piano. Elle était trop grosse pour son goût et il ne lui rendit pas son sourire. « Salut, fit la fille d’une voix enjouée. Bouh ! Quelle chaleur ! J’ai pas fermé l’œil de la nuit. — Scotch », commanda sèchement Bailey en repoussant son chapeau sur sa nuque et en essuyant son visage avec un mouchoir douteux. La fille posa sur le comptoir une bouteille de whisky et un verre. « Vous feriez mieux de prendre une bière, dit-elle en secouant ses boucles blondes. Le whisky, c’est pas bon par cette chaleur. — Mettez-y une sourdine », rétorqua Bailey.
Colette “Le pur et l’impur”
En haut d’une maison neuve, on m’ouvrit un atelier vaste comme une halle, pourvu d’une large galerie à mi-hauteur, tendu de ces broderies de Chine que la Chine exécute pour l’Occident, à grands motifs un peu bâclés, assez belles. Le reste n’était que piano à queue, secs petits matelas du Japon, phonographe et azalées en pots. Sans surprise, je serrai la main tendue d’un confrère journaliste et romancier, et j’échangeai des signes de tête avec des amphitryons étrangers qui me parurent, Dieu merci, aussi peu liants que moi-même. Bien préparée à l’ennui, je pris place sur mon petit matelas individuel, en déplorant que la fumée de l’opium, gaspillée, s’envolât lourdement jusqu’aux verrières. Elle s’y décidait à regret, et son noir, apéritif parfum de truffe fraîche, de cacao brûlé, me donna la patience, une faim vague, de l’optimisme. Je trouvai aimables la couleur sourde et rouge des lumières voilées, la blanche flamme en amande des lampes à opium, l’une toute proche de moi, les deux autres perdues comme des follets, au loin, dans une sorte d’alcôve ménagée sous la galerie à balustres. Une jeune tête se pencha au-dessus de cette balustrade, reçut le rayon rouge des lanternes suspendues, une manche blanche flotta et disparut avant que je pusse deviner si la tête, les cheveux dorés collés comme des cheveux de noyée, le bras vêtu de soie blanche appartenaient à une femme ou à un homme.
« Vous venez en curieuse ? » me demanda mon confrère.
Il gisait sur son petit matelas ; je m’avisai qu’il avait troqué son smoking contre un kimono brodé et une aisance d’intoxiqué ; je ne souhaitai que m’écarter de lui, comme je fais des Français, toujours inopportuns, que je rencontre au-delà des frontières.
« Non, répondis-je. Par devoir professionnel. »
Il sourit.
« Je le pensais bien… Un roman ? »
Et je le détestai davantage, pour ce qu’il me croyait incapable – moi qui l’étais en effet – de goûter ce luxe : un plaisir tranquille, un peu bas, un plaisir inspiré seulement par une certaine forme du snobisme, l’esprit de bravade, une curiosité plus affectée que réelle… Je n’avais apporté qu’un chagrin bien caché, qui ne me laissait point de repos, et une affreuse paix des sens.
Un des hôtes inconnus ressuscita de sa couche pour m’offrir de fumer l’opium, de priser la cocaïne, de boire un cocktail. À chaque refus il levait légèrement la main pour exprimer sa déception. Il finit par me tendre une boîte de cigarettes, sourit d’une bouche anglaise et suggéra :
« Ne puis-je vraiment vous être utile en rien ? »
Je remerciai, et il se garda d’insister
Je me souviens encore, après quinze ans et plus, qu’il était beau et semblait sain, sauf qu’il tenait ses yeux trop ouverts entre des paupières raidies, comme on voit aux êtres qui souffrent d’insomnies longues et invétérées.
Une jeune femme, ivre autant que j’en pus juger, s’aperçut de ma présence, et annonça de loin qu’elle prétendait me « regarder sous le nez ». Elle répéta plusieurs fois : « Mais parfaitement, sous le nez, que j’irai la regarder. » Je ne vois pas d’autre incident gai à rapporter. Des fumeurs sérieux, indistincts dans l’ombre rougeâtre, la firent taire. Je crois que l’un d’eux lui donna des boulettes d’opium à mâcher. Elle s’en acquitta consciencieusement avec un petit bruit d’animal qui tète.
Je ne m’ennuyais point, car l’opium, que je ne fume pas, embaumait ce lieu banal. Deux jeunes gens, en se tenant par le cou, éveillèrent l’attention de mon confrère le journaliste, mais ils se contentèrent de parler bas et vite. L’un d’eux reniflait chroniquement et s’essuyait les yeux de sa manche. Le rouge obscur qui nous baignait eût pu engourdir les meilleures volontés. J’étais dans une fumerie et non dans une de ces assemblées où le spectateur puise généralement une assez durable répugnance de ce qu’il voit et de sa propre complaisance. Je m’en réjouis, et je commençai à espérer que nulle danseuse, nul danseur nus ne troubleraient la veillée, qu’aucun danger d’Américains, frétés d’alcool, ne nous menaçait et que le Columbia lui-même se tairait… Au même instant, une voix féminine, cotonneuse, rêche et douce comme sont les pêches dures à gros velours, se mit à chanter, et nous fut à tous si agréable que nous nous gardâmes bien d’applaudir, même par un murmure.
Italo Calvino. “Le baron perché”
C’est le 15 juin 1767 que Côme Laverse du Rondeau, mon frère, s’assit au milieu de nous pour la dernière fois. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous étions dans la salle à manger de notre villa d’Ombreuse ; les fenêtres encadraient les branches touffues de la grande yeuse du parc. Il était midi ; c’est à cette heure-là que notre famille, obéissant à une vieille tradition, se mettait à table ; le déjeuner au milieu de l’après-midi, mode venue de la nonchalante Cour de France et adoptée par toute la noblesse, n’était pas en usage chez nous. Je me rappelle que le vent soufflait, qu’il venait de la mer et que les feuilles bougeaient. — J’ai déjà dit que je n’en voulais pas et je répète que je n’en veux pas, fit Côme en écartant le plat d’escargots. On n’avait jamais vu désobéissance plus grave. Le baron Arminius Laverse du Rondeau, notre père, coiffé d’une perruque Louis XIV descendant jusqu’aux oreilles et démodée comme tout ce qui lui appartenait, siégeait à la place d’honneur. Entre mon frère et moi était assis l’abbé Fauchelafleur, chapelain de notre famille, notre précepteur. En face de nous, la générale Konradine du Rondeau, notre mère, et notre sœur Baptiste, la nonne de la maison. Au bas de la table, en costume turc, l’avocat Æneas-Sylvius Carrega, hydraulicien, régisseur de notre propriété et notre oncle naturel. Côme était âgé de douze ans et moi de huit. Depuis quelques mois seulement, nous avions été admis à la table de nos parents ; j’avais bénéficié avant l’âge de la promotion de mon frère : on n’avait pas voulu me laisser manger tout seul… Bénéficié, c’est une façon de parler. Pour Côme et pour moi, c’en était fini du bon temps et nous regrettions nos petits repas dans un réduit en compagnie du seul Fauchelafleur. L’Abbé était un petit vieillard sec et ridé ; on le disait janséniste ; de fait, il avait fui le Dauphiné, sa province natale, pour éviter un procès de l’Inquisition. Mais ce caractère rigoureux qu’on louait généralement chez lui, cette sévérité intérieure qu’il s’imposait et imposait aux autres mollissaient à chaque instant : l’Abbé avait une vocation foncière pour l’indifférence et le laisser-aller. Selon toute apparence, ses longues méditations les yeux dans le vide n’avaient abouti qu’à une grande aboulie et à un peu d’ennui. Il agissait comme s’il voyait dans la plus légère difficulté le signe d’une fatalité à laquelle il serait inutile de s’opposer. Nos repas en compagnie de l’Abbé ne commençaient qu’après de longues oraisons, et les évolutions de nos cuillers se devaient d’être dignes, rituelles, silencieuses : malheur à celui qui levait les yeux de son assiette ou faisait entendre, en absorbant son bouillon, la plus faible aspiration. Mais le potage fini, l’Abbé commençait à se sentir las, contrarié : il regardait dans le vide et faisait claquer sa langue à chaque gorgée de vin ; seules, les sensations les plus éphémères semblaient encore le toucher. Au plat de résistance, nous pouvions manger avec les mains ; et à la fin du repas, nous nous lancions des trognons de poires, tandis que l’Abbé laissait choir de temps à autre un de ses nonchalants : — Eh bien ? Alors !
Michel del Castillo. “La Nuit du Décret”
La veille, j’avais appris que j’étais affecté à la brigade criminelle de Huesca. Je m’en étais réjoui en toute innocence, croyant à une promotion. Fatigué de Murcie et de son climat déprimant, la perspective d’un changement d’air me souriait aussi. Je traversais le hall de l’hôtel de la police en direction de l’ascenseur quand Baza vint vers moi, un étrange sourire aux lèvres. « J’ai entendu dire que tu allais chez Pared, à Huesca. C’est vrai ? » Sur ma réponse affirmative, son visage cendreux, bizarrement plissé, prit une expression désolée. Avec quelque solennité, il posa sa main sur mon épaule. Le geste me surprit. J’eus du mal à réprimer un mouvement de recul. Baza travaillait aux mœurs. Nous n’étions guère intimes, n’échangeant de-ci de-là que de rares propos. Dans la Maison, il jouissait du reste d’une réputation suspecte, qui ne me le rendait pas sympathique. Des bruits fâcheux circulaient sur son compte, et plusieurs de mes collègues l’évitaient ostensiblement. On murmurait qu’il avait été muté à Murcie après une trouble affaire de détournement de mineur. Voulant étouffer le scandale, l’Inspection générale l’aurait expédié à Murcie en attendant sa retraite, qu’il devait prendre dans deux ans. Je n’avais pas attaché d’importance à ces bruits. Simplement, j’évitais de me lier avec lui, me contentant de répondre à ses salutations et d’échanger, au hasard de nos rencontres, des propos sans importance. C’était un petit homme replet, d’une apparence négligée et même sale. Il portait des costumes élimés et froissés, et ses cheveux, d’un jaune tirant sur le roux, étaient recouverts de pellicules qui se déposaient en une couche de poussière blanchâtre sur ses épaules. Deux énormes poches enfouissaient ses yeux. Plus que d’un policier, il avait l’air d’un représentant de commerce en produits hygiéniques. « T’as vraiment pas de chance, fit-il de sa voix grasseyante. Je connais Pared. C’est un coriace. » Je faillis lui demander ce qu’il entendait par là. Je me contentai cependant de sourire en secouant la tête. « Bon, dit-il en touchant mon bras. Passe à la maison avant ton départ. Nous boirons un verre et je te raconterai. » Je répondis « Oui, volontiers », sans la moindre intention de me rendre à son invitation. Perplexe, je le regardai s’éloigner vers l’ascenseur B, à l’autre extrémité du hall. Ses propos m’avaient laissé une vague gêne. Je me sentais sale également, comme si le contact de sa petite main molle et potelée sur mon épaule et sur mon bras y avait laissé je ne sais quelle souillure. Je revoyais ses ongles noirs et ses doigts jaunis de nicotine.
Albert Cohen. « Mangeclous. »
Le premier matin d’avril lançait ses souffles fleuris sur l’île grecque de Céphalonie. Des linges jaunes, blancs, verts, rouges, dansaient sur les ficelles tendues d’une maison à l’autre dans l’étroite ruelle d’Or, parfumée de chèvrefeuille et de brise marine. Sur le petit balcon filigrane d’une petite maison jaune et rouge, Salomon Solal, cireur de souliers en toutes saisons, vendeur d’eau d’abricot en été et de beignets chauds en hiver, apprenait à nager. Cet Israélite dodu et minuscule – il mesurait un mètre quarante-cinq – en avait assez d’être, pour son ignorance absolue de la natation, l’objet des moqueries de ses amis. Après avoir combiné d’acheter un scaphandre, il avait pensé qu’il serait plus rationnel et plus économique de faire de la natation à domicile et à sec. Debout devant une table, le petit bonhomme au nez retroussé et à la ronde face imberbe, constellée de taches de rousseur, était donc en train de tremper ses menottes grassouillettes dans une cuvette, dont il avait préalablement salé l’eau, et de leur faire faire expertement des mouvements de brasse. Il était mignon avec son ventre rondelet, sa courte veste jaune, ses culottes rouges bouffantes, ses mollets nus et ses quarante ans ingénus. — Une, deux ! Une, deux ! scandait-il énergiquement tandis que l’eczémateuse vieille d’en face, après force guets tragiques à droite et à gauche, lançait dans la rue le contenu d’un haut pot de chambre puis des imprécations contre le petit inconsidéré qui faisait de la gymnastique comme les marins anglais au lieu de gagner sa vie. De temps à autre, Salomon se reposait, reprenait son souffle et écartait ses bras, le dos au mur, ce qu’il appelait faire la planche. Insoucieux des sarcasmes de la vieille, il mettait à profit ces répits pour admirer sa chère rue dallée de pierres rondes, la mer lisse où tombaient des sources transparentes, la Montée des Jasmins qui menait à la grande forêt argentée d’oliviers, les cyprès qui montaient la garde autour de la citadelle des anciens podestats vénitiens et, sur la colline, le Dôme des Solal Aînés, princière demeure qui dominait la mer et veillait sur le grand ghetto de hautes maisons dartreuses que des chaînes séparaient de la douane et du port où se promenaient des Grecs rapiécés, des Albanais lents et des prêtres lustrés de crasse. Le ciel de fine porcelaine turquoise lui parut si beau et de si pures clartés souriaient qu’il mordit sa petite lèvre pour ne pas pleurer. — L’avril de Céphalonie, énonça le solitaire nageur, est plus beau et plus doux que le juillet de Berlin ! Sûrement. Mais pourquoi diable mettent-ils tous leurs capitales en des endroits de froidure et de tristesse et pourquoi les posent-ils tous sur des fleuves noirs ? Il me semble qu’ils ont tort. Enfin ils savent mieux que moi. Ceci dit, il se mit en devoir de balayer sa chambre tout en essayant de siffloter. Puis il frotta et lava en chantant les malheurs d’Israël que c’était un plaisir. Il était très content à l’idée que sa chère épouse n’aurait pas à se fatiguer. (La dame des pensées de Salomon était une longue créature armée d’une dent unique mais qui en valait trente-deux. Elle ruinait son mari en spécialités pharmaceutiques. Et voilà pour elle.)
Ernest Hemingway. « Pour Qui Sonne Le Glas. »
Il était étendu à plat ventre sur les aiguilles de pin, le menton sur ses bras croisés et, très haut au-dessus de sa tête, le vent soufflait dans la cime des arbres. Le flanc de la montagne sur lequel il reposait s’inclinait doucement mais, plus bas, la pente se précipitait, et il apercevait la courbe noire de la route goudronnée qui traversait le col. Un torrent longeait la route et, beaucoup plus bas, en suivant le col, on apercevait une scierie au bord du torrent et la cascade du barrage, blanche dans la lumière de l’été. « C’est la scierie ? demanda-t-il. – Oui. – Je ne me la rappelais pas. – On l’a construite depuis ton départ. L’ancienne scierie est plus bas que le col. » Il étala par terre sa reproduction photographique de la carte d’état-major et l’examina attentivement. L’autre, un vieil homme petit et robuste, en blouse noire de paysan et pantalon de toile grise, chaussé d’espadrilles, regardait pardessus l’épaule de son compagnon. Il était essoufflé par l’escalade et sa main reposait sur l’un des deux sacs très pesants qu’ils avaient montés jusque-là. « Alors, d’ici, on ne voit pas le pont ? – Non, dit le vieux. Ici, la pente du col est encore modérée. Le torrent coule doucement. Plus bas, au tournant de la route, derrière les arbres, il dégringole tout d’un coup et il y a une gorge escarpée… – Je me rappelle. – C’est cette gorge qui franchit le pont. – Et où sont leurs postes ?£ « – Il y a un poste à la scierie que tu vois là-bas. » Le jeune homme qui étudiait le terrain sortit ses jumelles de la poche de sa chemise de flanelle kaki toute décolorée par le soleil, essuya les verres avec un mouchoir, les ajusta jusqu’à ce que la scierie lui apparût soudain clairement. Il distingua le banc de … »
John Steinbeck. « Les raisins de la colère. »
Sur les terres rouges et sur une partie des terres grises de l’Oklahoma, les dernières pluies tombèrent doucement et n’entamèrent point la terre crevassée. Les charrues croisèrent et recroisèrent les empreintes des ruisselets. Les dernières pluies firent lever le maïs très vite et répandirent l’herbe et une variété de plantes folles le long des routes, si bien que les terres grises et les sombres terres rouges disparurent peu à peu sous un manteau vert. À la fin de mai, le ciel pâlit et les nuages dont les flocons avaient flotté très haut pendant si longtemps au printemps se dissipèrent. Jour après jour le soleil embrasa le maïs naissant jusqu’à ce qu’un liséré brun s’allongeât sur chaque baïonnette verte. Les nuages apparaissaient puis s’éloignaient. Bientôt ils n’essayèrent même plus. Les herbes, pour se protéger, s’habillèrent d’un vert plus foncé et cessèrent de se propager. La surface de la terre durcit, se recouvrit d’une croûte mince et dure et de même que le ciel avait pâli, de même la terre prit une teinte rose dans la région rouge, et blanche dans la grise.
Dans les ornières creusées par l’eau, la terre s’éboulait en poussière et coulait en petits ruisseaux secs. Mulots et fourmis-lions déclenchaient de minuscules avalanches. Et comme le soleil ardent frappait sans relâche, les feuilles du jeune maïs perdirent de leur rigidité de flèches ; elles commencèrent par s’incurver puis, comme les nervures centrales fléchissaient, chaque feuille retomba toute flasque. Puis ce fut juin et le soleil brilla plus férocement. Sur les feuilles de maïs le liséré brun s’élargit et gagna les nervures centrales. Les herbes folles se déchiquetèrent et se recroquevillèrent vers leurs racines. L’air était léger et le ciel plus pâle ; et chaque jour, la terre pâlissait aussi.
Sur les routes où passaient les attelages, où les roues usaient le sol battu par les sabots des chevaux, la croûte se brisait et la terre devenait poudreuse. Tout ce qui bougeait sur la route soulevait de la poussière : un piéton en soulevait une mince couche à la hauteur de sa taille, une charrette faisait voler la poussière à la hauteur des haies, une automobile en tirait de grosses volutes après elle. Et la poussière était longue à se recoucher.
À la mi-juin les gros nuages montèrent du Texas et du Golfe, de gros nuages lourds, des pointes d’orage. Dans les champs, les hommes regardèrent les nuages, les reniflèrent, et mouillèrent leur doigt pour prendre la direction du vent. Et tant que les nuages furent dans le ciel les chevaux se montrèrent nerveux. Les pointes d’orage laissèrent tomber quelques gouttelettes et se hâtèrent de fuir vers d’autres régions. Derrière elles, le ciel redevenait pâle et le soleil torride. Dans la poussière, les gouttes formèrent de petits cratères ; il resta des traces nettes de taches sur le maïs, et ce fut tout.
Une brise légère suivit les nuages d’orage, les poussant vers le nord, une brise qui fit doucement bruire le maïs en train de sécher. Un jour passa et le vent augmenta, continu, sans que nulle rafale vînt l’abattre. La poussière des routes s’éleva, s’étendit, retomba sur les herbes au bord des champs et un peu dans les champs. C’est alors que le vent se fit dur et violent et qu’il attaqua la croûte formée par la pluie dans les champs de maïs. Peu à peu le ciel s’assombrit derrière le mélange de poussières et le vent frôla la terre, fit lever la poussière et l’emporta. Le vent augmenta. La croûte se brisa et la poussière monta au-dessus des champs, traçant dans l’air des plumets gris semblables à des fumées paresseuses. Le maïs brassait le vent avec un froissement sec. Maintenant, la poussière la plus fine ne se déposait plus sur la terre, mais disparaissait dans le ciel assombri.
Michel Déon. « Les Poneys sauvages
J’ai rencontré Georges Saval dans le train qui nous conduisait de Londres à Cambridge, l’automne 1937. Nous nous connaissions de vue sans nous être jamais parlé : même âge à Janson-de-Sailly, mais des classes différentes. Je me souviens d’un garçon assez lymphatique qui jouait mal au football et nageait bien. Vers seize ans, après des vacances en Angleterre, il revint transformé, étoffé, ayant perdu ses joues rondes d’adolescent et gagné des muscles. Il boxait déjà et le prévôt le considérait comme un de ses espoirs pour les championnats universitaires. C’est tout ce que je savais de lui et il ne devait pas en savoir beaucoup plus de moi. Le hasard nous réunissait cet automne-là et, après nous être évités sur le bateau, nous nous parlâmes dans le vieux compartiment tendu d’un hideux velours rouge. Deux Anglais caricaturaux étaient montés avec nous, aimables d’abord, puis silencieux et l’air buté quand ils comprirent que nous étions français. Saval me plut. On devinait vite en lui une franchise désabusée qui le faisait paraître plus mûr que son âge. À part une légère fente de l’arcade gauche — un trait blanc que recouvrait imparfaitement le sourcil noir et arqué —, la boxe ne l’avait pas marqué. Ce fut notre premier sujet de conversation. Il m’avoua tout de suite détester les coups. Il aimait la rigueur de l’entraînement, les esquives, les feintes, une certaine façon de jauger un adversaire et de le contrer. En fait, c’était un garçon dépourvu de toute agressivité au physique comme au moral, calme, intelligent et, bien plus encore, humain, respectable et respectueux, un de ces êtres dont on se dit : « Où est le défaut ? Les apparences sont trop en sa faveur. Il y a quelque chose qui n’apparaîtra jamais s’il montre assez de volonté, mais quelque chose est là ! » Nous parlâmes de sport pendant ce trajet gris, sujet qui n’engageait à rien et maintint une certaine réserve entre nous, prélude à l’amitié ….
Alphonse Daudet. « Sapho. »
Jean tout court? – Jean Gaussin. – Du Midi, j’entends ça… Quel âge? – Vingt et un ans. – Artiste? – Non, madame. – Ah! tant mieux… Ces bouts de phrases, presque inintelligibles au milieu des cris, des rires, des airs de danse d’une fête travestie, s’échangeaient – une nuit de juin — entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de palmiers, de fougères arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de Déchelette. Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferarorépondait avec l’ingénuité de son âge tendre, l’abandon, le soulagement d’un Méridional resté longtemps sans parler. Étranger à tout ce monde de peintres, de sculpteurs, perdu dès en entrant dans le bal par l’ami qui l’avait amené, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie figure de blond hâlé et doré par le soleil, les cheveux en frisons serrés et courts comme la peau de mouton de son costume; et un succès, dont il ne se doutait guère, se levait et chuchotait autour de lui. Des épaules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa défroque de montagne, lourde et gênante dans cette nuit d’été. Une Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son chignon remonté, fredonnait en l’agaçant: Ah! qu’il est beau, qu’il est beau, le postillon…[1]; tandis qu’une novio espagnole en blanches dentelles de soie, passant au bras d’un chef apache, lui fourrait violemment sous le nez son bouquet de jasmins blancs. Il ne comprenait rien à ces avances, se croyait extrêmement ridicule et se réfugiait dans l’ombre fraîche de la galerie vitrée, bordée d’un large divan sous les verdures. Tout de suite cette femme était venue s’asseoir près de lui. Jeune, belle? Il n’aurait su le dire… Du long fourreau de lainage bleu où sa taille pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds et fins, nus jusqu’à l’épaule; et ses petites mains chargées de bagues, ses yeux gris larges ouverts et grandis par les bizarres ornements de fer lui tombant du front, composaient un ensemble harmonieux. Une actrice sans doute. Il en venait beaucoup chez Déchelette; et cette pensée n’était pas pour le mettre à l’aise, ce genre de personnes lui faisant très peur. Elle lui parlait de tout près, un coude au genou, la tête appuyée sur la main, avec une douceur grave, un peu lasse… «Du Midi vraiment?… Et des cheveux de ce blond-là!… Voilà une chose extraordinaire.» Et elle voulait savoir depuis combien de temps il habitait Paris, si c’était très difficile cet examen pour les consulats qu’il préparait, s’il connaissait beaucoup de monde et comment il se trouvait à la soirée de Déchelette, rue de Rome, si loin de son quartier Latin. Quand il dit le nom de l’étudiant qui l’avait amené… «La Gournerie… un parent de l’écrivain… elle connaissait sans doute…» l’expression de ce visage de femme changea, s’assombrit subitement; mais il n’y prit pas garde, ayant l’âge où les yeux brillent sans rien voir.
Gustave Flaubert. « Madame Bovary. »
Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études : – Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge. Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un. pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous. On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs. Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre. Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait. – Levez-vous, dit le professeur. Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois. – Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit. « Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait s’il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux. »
Doris Lessing. Le Carnet d’or.
Londres. Été 1957. Anna retrouve son amie Molly après une séparation…
Les deux femmes étaient seules dans l’appartement. « En fait, ça craque par tous les bouts », dit Anna tandis que Molly reposait le récepteur. Molly passait sa vie au téléphone. Avant qu’il ne sonne, cette fois, elle avait juste eu le temps de demander à Anna : « Alors ? Quels sont les derniers cancans ? » Et elle annonça en revenant du téléphone : « C’est Richard. Il arrive. Son seul instant libre d’ici un mois, du moins il le prétend. — De toute façon je ne m’en irai pas, dit Anna. — Surtout pas, reste où tu es. » Molly s’examina d’un œil critique : elle portait un pantalon et un pull-over aussi défraîchis l’un que l’autre. « Il n’aura qu’à me prendre comme je suis, décréta-t-elle en s’asseyant devant la fenêtre. Il n’a pas voulu me dire de quoi il s’agissait ; encore une scène avec Marion, j’imagine. — Il ne t’a pas écrit ? demanda Anna avec circonspection. — Si, et Marion aussi. Des lettres parfaitement détendues. C’est curieux, non ? » Ce « C’est curieux, non ? » était caractéristique de leurs conversations intimes qu’elles appelaient d’ailleurs leurs commérages. Molly avait marqué le coup, mais elle éluda …
Joseph Conrad. « Lord Jim »
Il avait six pieds, moins un ou deux pouces, peut-être ; solidement bâti, il s’avançait droit sur vous, les épaules légèrement voûtées et la tête en avant, avec un regard fixe venu d’en dessous, comme un taureau qui va charger. Sa voix était profonde et forte, et son attitude trahissait une sorte de hauteur morose, qui n’avait pourtant rien d’agressif. On aurait dit d’une réserve qu’il s’imposait à lui-même autant qu’il l’opposait aux autres. D’une impeccable netteté, et toujours vêtu, des souliers au chapeau, de blanc immaculé, il était très populaire dans les divers ports d’Orient, où il exerçait son métier de commis maritime chez les fournisseurs de navires. On n’exige du commis maritime aucune espèce d’examen, en aucune matière, mais il doit posséder la théorie du Débrouillage, et savoir, mieux encore, en donner la démonstration pratique. Sa besogne consiste à distancer, à force de voiles, de vapeur ou de rames, les autres commis maritimes lancés comme lui sur tout navire prêt à mouiller son ancre, à aborder jovialement le capitaine en lui fourrant une carte dans la main – la carte réclame du fournisseur, – puis, dès sa première visite à terre, à le piloter avec fermeté, mais sans ostentation, vers une boutique, vaste comme une caverne et pleine de choses bonnes à manger et à boire sur un bateau ; on y vend tout ce qui peut assurer à un navire sécurité et élégance, depuis un jeu de crochets pour son câble, jusqu’à un carnet de feuilles d’or pour les sculptures de son arrière, et le capitaine se voit accueilli comme un frère par un négociant qu’il n’avait jamais rencontré. Il trouve, dans une salle fraîche, de bons fauteuils, des bouteilles, des cigares, et tout ce qu’il faut pour écrire ; un exemplaire des règlements du port, et une cordialité qui fait fondre le sel déposé, par trois mois de navigation, sur un cœur de marin. Ainsi nouées, les relations sont entretenues, tant que le navire reste au port, par les visites quotidiennes du commis maritime. Fidèle comme un ami et plein d’attentions filiales pour le capitaine, il fait montre, à son endroit, d’une patience de Job, de l’entier dévouement qu’on attendrait d’une femme, et d’une gaieté de bon vivant. Après quoi l’on envoie la note. C’est un beau métier, tout fait de cordialité avertie, et les bons commis maritimes sont rares. Quand un commis, qui possède la théorie du Débrouillage, se trouve aussi pourvu d’une éducation de marin, il vaut son pesant d’or pour le patron, et peut en attendre toutes les faveurs. Jim gagnait toujours de beaux gages et les faveurs qu’il se voyait octroyer eussent assuré la fidélité d’un démon, ce qui ne l’empêchait pas, avec une noire ingratitude, de planter là brusquement son emploi pour s’en aller ailleurs. Les raisons qu’il donnait à ses chefs étaient manifestement insuffisantes, et provoquaient de leur part cette simple réflexion : « Maudit imbécile ! » dès qu’il avait tourné le dos. Telle était la critique qu’éveillait son excessive sensibilité.
J.-L. Borges. « Le Rapport de Brodie. »
On dit (mais c’est peu probable) que cette histoire fut racontée par Eduardo, le cadet des Nelson, à la veillée funèbre de Cristián, l’aîné, qui mourut de mort naturelle, vers les années 1890, dans la commune de Morón. Ce qui est certain c’est que quelqu’un l’entendit raconter par quelqu’un, au cours de cette longue nuit dont le souvenir s’estompe, tandis que circulait le maté, et que ce quelqu’un la répéta à Santiago Dabove, de qui je la tiens. Quelques années plus tard, on me la raconta de nouveau à Turdera, l’endroit même où elle s’était passée. La deuxième version, un peu plus circonstanciée, confirmait en gros celle de Santiago, avec les petites variantes et les contradictions inévitables en pareil cas. Je la transcris aujourd’hui parce qu’elle nous donne, me semble-t-il, un bref et tragique reflet de ce qu’était autrefois, dans nos campagnes, la mentalité des gens du peuple. J’essaierai d’être aussi fidèle que possible, mais je sens déjà que je céderai à la tentation littéraire d’amplifier ou d’ajouter certains détails. À Turdera, on les appelait les Nilsen. Le curé me dit que son prédécesseur se souvenait d’avoir vu, non sans étonnement, chez ces gens une vieille Bible en écriture gothique, à reliure noire ; dans les dernières pages il avait vu, inscrits à la main, des noms et des dates. C’était le seul livre qu’il y eût dans la maison. La destinée itinérante des Nilsen, perdue là comme tout se perdra. La bâtisse, qui n’existe plus, était en brique sans crépi ; du portail, on voyait …
Romain Gary. «”Les cerfs-volants”
Le petit musée consacré aux œuvres d’Ambroise Fleury, à Cléry, n’est plus aujourd’hui qu’une attraction touristique mineure. La plupart des visiteurs s’y rendent après un déjeuner au Clos Joli, que tous les guides de France sont unanimes à célébrer comme un des hauts lieux du pays. Les guides signalent cependant l’existence du musée, avec la mention « vaut un détour ». On trouve dans ses cinq salles la plupart des œuvres de mon oncle qui ont survécu à la guerre, à l’occupation, aux combats de la Libération et à toutes les vicissitudes et lassitudes que notre peuple a connues. Quel que soit leur pays d’origine, tous les cerfs-volants sont nés de l’imagerie populaire, ce qui leur donne toujours un côté un peu naïf. Ceux d’Ambroise Fleury ne font pas exception à la règle ; même ses dernières pièces, faites dans sa vieillesse, ont gardé cette marque de fraîcheur d’âme et d’innocence. Malgré le peu d’intérêt qu’il suscite, et la modestie de la subvention qu’il reçoit de la municipalité, le musée ne risque pas de fermer ses portes, il est trop lié à notre histoire, mais la plupart du temps ses salles sont vides, car nous vivons une époque où les Français cherchent plutôt à oublier qu’à se souvenir. La meilleure photo d’Ambroise Fleury se trouve à l’entrée du musée. On le voit dans sa tenue de facteur rural, avec son képi, son uniforme, et ses gros godillots, sa sacoche de cuir sur le ventre, entre le cerf-volant d’une bête à bon Dieu et celui de Gambetta, dont le visage et le corps forment le ballon et la nacelle de son fameux envol pendant le siège de Paris. Il existe bien d’autres photos de celui qu’on avait surnommé pendant longtemps « le facteur timbré » de Cléry, car la plupart des visiteurs de son atelier de la Motte prenaient un cliché, histoire de rire. Mon oncle s’y prêtait volontiers. Il ne craignait pas le ridicule et ne se plaignait ni de l’épithète de « facteur timbré », ni de celle de « doux original », et s’il savait que les gens du pays l’appelaient ce « vieux fou de Fleury », il paraissait y voir beaucoup plus une marque d’estime que de mépris. Dans les années trente, lorsque la réputation de mon oncle commença à grandir, le patron du Clos Joli, Marcellin Duprat, eut l’idée de faire imprimer des cartes postales qui représentaient mon tuteur en uniforme parmi ses cerfs-volants, avec les mots : Cléry. Le célèbre facteur rural Ambroise Fleury et ses cerfs-volants. Ces cartes sont malheureusement toutes en noir et blanc et on n’y retrouve pas la gaieté des couleurs et des formes, la bonhomie souriante et ce que j’appellerais les clins d’œil que le vieux Normand lançait dans le ciel. Mon père avait été tué au cours de la Première Guerre mondiale et ma mère mourut peu après. La guerre coûta également la vie au deuxième des trois frères Fleury, Robert ; mon oncle Ambroise lui-même en revint après qu’une balle lui eut traversé la poitrine. Je dois ajouter, pour la clarté de l’histoire, que mon arrière-grand-père, Antoine, avait péri sur les barricades de la Commune, et je crois que ce petit aperçu de notre passé et surtout les deux noms des Fleury gravés sur les monuments aux morts de Cléry ont joué un rôle décisif dans la vie de mon tuteur. Il était devenu très différent de l’homme qu’il avait été avant 14-18 et dont on disait dans le pays qu’il avait le coup de poing facile. On s’étonnait qu’un combattant qui avait reçu la médaille militaire ne manquât jamais l’occasion de manifester ses opinions pacifistes, défendît les objecteurs de conscience et condamnât toutes les formes de violence, avec, dans le regard, cette flamme qui n’était peut-être, en fin de compte, que le reflet de celle qui brûle sur le tombeau du soldat inconnu. Physiquement, il n’avait rien d’un doux.
Dostoievsvki. « Les Frères Karamazov. »
Fiodor Pavlovitch Karamazov
Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlovitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée. J’en parlerai plus loin et me bornerai pour l’instant à dire quelques mots de ce « propriétaire » , comme on l’appelait, bien qu’il n’eût presque jamais habité sa « propriété » . Fiodor Pavlovitch était un de ces individus corrompus en même temps qu’ineptes – type étrange mais assez fréquent – qui s’entendent uniquement à soigner leurs intérêts. Ce petit hobereau débuta avec presque rien et s’acquit promptement la réputation de pique-assiette : mais à sa mort il possédait quelque cent mille roubles d’argent liquide. Cela ne l’empêcha pas d’être, sa vie durant, un des pires extravagants de notre district. Je dis extravagant et non point imbécile, car les gens de cette sorte sont pour la plupart intelligents et rusés : il s’agit là d’une ineptie spécifique, nationale. Il fut marié deux fois et eut trois fils ; l’aîné, Dmitri, du premier lit, et les deux autres, Ivan et Alexéi[11], du second. Sa première femme appartenait à une famille noble, les Mioussov, propriétaires assez riches du même district. Comment une jeune fille bien dotée, jolie, de plus vive, éveillée, spirituelle, telle qu’on en trouve beaucoup parmi nos contemporaines, avait-elle pu épouser pareil « écervelé » , comme on appelait ce triste personnage ? Je crois inutile de l’expliquer trop longuement. J’ai connu une jeune personne, de l’avant-dernière génération « romantique » , qui, après plusieurs années d’un amour mystérieux pour un monsieur qu’elle pouvait épouser en tout repos, finit par se forger des obstacles insurmontables à cette union. Par une nuit d’orage, elle se précipita du haut d’une falaise dans une rivière rapide et profonde, et périt victime de son imagination, uniquement pour ressembler à l’Ophélie de Shakespeare. Si cette falaise, qu’elle affectionnait particulièrement, eût été moins pittoresque ou remplacée par une rive plate et prosaïque, elle ne se serait sans doute point suicidée. Le fait est authentique, et je crois que les deux ou trois dernières générations russes ont connu bien des cas analogues. Pareillement, la décision que prit Adélaïde Mioussov fut sans doute l’écho d’influences étrangères, l’exaspération d’une âme captive. Elle voulait peut-être affirmer son indépendance, protester contre les conventions sociales, contre le despotisme de sa famille. Son imagination complaisante lui dépeignit – pour un court moment – Fiodor Pavlovitch, malgré sa réputation de pique-assiette, comme un des personnages les plus hardis et les plus malicieux de cette époque en voie d’amélioration, alors qu’il était, en tout et pour tout, un méchant bouffon. Le piquant de l’aventure fut un enlèvement qui ravit Adélaïde Ivanovna. La situation de Fiodor Pavlovitch le disposait alors à de semblables coups de main : brûlant de faire son chemin à tout prix, il trouva fort plaisant de s’insinuer dans une honnête famille et d’empocher une jolie dot. Quant à l’amour, il n’en était question ni d’un côté ni de l’autre, malgré la beauté de la jeune fille.
Patrick Modiano. « Les boulevards de ceinture. »
Le plus gros des trois, c’est mon père, lui pourtant si svelte à l’époque. Murraille est penché vers lui comme pour lui dire quelque chose à voix basse. Marcheret, debout à l’arrière-plan, esquisse un sourire, le torse légèrement bombé, les mains aux revers du veston. On ne saurait préciser la teinte de leurs habits ni de leurs cheveux. Il semble que Marcheret porte un prince-de-galles de coupe très ample et qu’il soit plutôt blond. À noter le regard vif de Murraille et celui, inquiet, de mon père. Murraille paraît grand et mince mais le bas de son visage est empâté. Tout, chez mon père, exprime l’affaissement. Sauf les yeux, presque exorbités. Boiseries et cheminée de brique : c’est le bar du Clos-Foucré. Murraille tient un verre à la main. Mon père aussi. N’oublions pas la cigarette qui pend des lèvres de Murraille. Mon père a disposé la sienne entre l’annulaire et l’auriculaire. Préciosité lasse. Au fond de la pièce, de trois quarts, une silhouette féminine : Maud Gallas, la gérante du Clos-Foucré. Les fauteuils qu’occupent Murraille et mon père sont de cuir, certainement. Il y a un vague reflet sur le dossier, juste au-dessous de l’endroit où s’écrase la main gauche de Murraille. Son bras contourne ainsi la nuque de mon père dans un geste qui pourrait être de vaste protection. Insolente, à son poignet, une montre au cadran carré. Marcheret, de par sa position et sa stature athlétique, cache à moitié Maud Gallas et les rangées d’apéritifs. On distingue – et sans qu’il soit pour cela besoin de trop d’efforts – sur le mur, derrière le bar, une éphéméride.
Pierre Loti. « Les Désenchantées. »
André Lhéry, romancier connu, dépouillait avec lassitude son courrier, un pâle matin de printemps, au bord de la mer de Biscaye, dans la maisonnette où sa dernière fantaisie le tenait à peu près fixé depuis le précédent hiver. « Beaucoup de lettres, ce matin-là, soupirait-il, trop de lettres. » Il est vrai, les jours où le facteur lui en donnait moins, il n’était pas content non plus, se croyant tout à coup isolé dans la vie. Lettres de femmes, pour la plupart, les unes signées, les autres non, apportant à l’écrivain l’encens des gentilles adorations intellectuelles. Presque toutes commençaient ainsi : « Vous allez être bien étonné, monsieur, en voyant l’écriture d’une femme que vous ne connaissez point. » André souriait de ce début : étonné, ah ! non, depuis longtemps il avait cessé de l’être. Ensuite chaque nouvelle correspondance, qui se croyait généralement la seule au monde assez audacieuse pour une telle démarche, ne manquait jamais de dire : « Mon âme est une petite sœur de la vôtre ; personne, je puis vous le certifier, ne vous a jamais compris comme moi. » Ici, André ne souriait pas, malgré le manque d’imprévu d’une pareille affirmation ; il était touché, au contraire. Et, du reste, la conscience qu’il prenait de son empire sur tant de créatures, éparses et à jamais lointaines, la conscience de sa part de responsabilité dans leur évolution, le rendait souvent songeur. Et puis, il y en avait, parmi ces lettres, de si spontanées, si confiantes, véritables cris d’appel, lancés comme vers un grand frère qui ne peut manquer d’entendre et de compatir ! Celles-là, André Lhéry les mettait de côté, après avoir jeté au panier les prétentieuses et les banales ; il les gardait avec la ferme intention d’y répondre. Mais, le plus souvent, hélas ! le temps manquait, et les pauvres lettres s’entassaient, pour être noyées bientôt sous le flot des suivantes et finir dans l’oubli. Le courrier de ce matin en contenait une timbrée de Turquie, avec un cachet de la poste où se lisait, net et clair, ce nom toujours troublant pour André : Stamboul. Stamboul ! Dans ce seul mot, quel sortilège évocateur !… Avant de déchirer l’enveloppe de celle-ci, qui pouvait fort bien être tout à fait quelconque, André s’arrêta, traversé soudain par ce frisson, toujours le même et d’ordre essentiellement inexprimable, qu’il avait éprouvé chaque fois que Stamboul s’évoquait à l’improviste au fond de sa mémoire, après des jours d’oubli. Et, comme déjà si souvent en rêve, une silhouette de ville s’esquissa devant ses yeux qui avaient vu toute la terre, qui avaient contemplé l’infinie diversité du monde : la ville des minarets et des dômes, la majestueuse et l’unique, l’incomparable encore dans sa décrépitude sans retour, profilée hautement sur le ciel, avec le cercle bleu de la Marmara fermant l’horizon…
A PROPOS. On m’a demandé de réunir sous un même billet, tout ce que j’avais pu écrire dans ce site ou ailleurs sur Pessah, ma fête préférée et Moïse, mon prophète préféré, en réalité un bègue volontaire, qui ne voulait se faire entendre, pour obliger Dieu, une première fois, la seule fois, de manière flagrante et ardente, à intervenir dans l’histoire des hommes. Moïse, l’unique, l’Homme.
Dans les petits billets, sans aucune prétention, vraiment, qui suivent, on se lance à l’abordage, beaucoup dans l’anecdote, de cette fête importante qui commémore la sortie des juifs d’Egypte.
Rien de nouveau pour les invisibles qui “suivent” ce site créé il y a 22 ans et ne “commentent” jamais.
Juste un rassemblement de textes, comme à l’Ecole.
Je n’ai pas voulu tout coller. Notamment les diatribes contre les rabbins qui refusent une philosophie juive et détruisent l’esprit du judaïsme pour l’enfermer dans un commentaire insipide de virgules inutiles ou le compliquer dans l’exegèse de locutions pourtant fluides, en vantant l’Ethique juive qu’ils ne savent pas valoriser ou même définir, manque de mots et, surtout de concepts. Mais je vois que je m’égare. La période est à la paix du Seder.
1 – EXTRA…!
Extrait de la Haggadah de Pessah : Nous étions esclaves du Pharaon en Égypte, et l’Éternel, notre Dieu, nous a faits sortir de là d’une main forte et d’un bras étendu. Si le Saint, Béni soit-Il, n’avait pas sorti nos pères d’Égypte, alors nous, nos enfants et nos petits-enfants serions restés asservis au Pharaon en Égypte. Aussi, même si nous sommes tous sages, tous comprenant, tous connaissant la Torah, nous serions encore obligés de discuter de la Sortie d’Égypte ; et celui qui fait la narration de la Sortie d’Égypte plus longuement est digne de louanges.
On aura compris que je suis un peu juif. Et rien de ce qui est de cette religion, de ses coutumes, de son architecture éthique ne peut m’être indifférent. Non pas que je fréquente assidument les synagogues. Mais, très simplement, parce que je suis né juif.
Ce soir, 8 Avril, c’est le rituel du séder (l’ordre, en hébreu).
C’est le premier soir de la fête de Pessah (la Pâque juive), laquelle, autour d’une table familiale animée, permet de rappeler, dans le récit ordonné, surtout aux enfants, la conquête de la liberté des juifs (les enfants d’Israël), sortis d’Égypte, après des années d’esclavage.
Hymne à la liberté conquise dans la sortie d’Égypte, imposée par Moïse, “main du Maître de l’Univers” puis surtout dans le désert, pendant 40 ans, l’Éternel faisant don de la Torah (le Pentateuque, les 5 premiers livres de la Bible nommée « Ancien testament » par les chrétiens) sur le Mont Sinaï (Voir “Les dix commandements” de Cecil B. De Mille, avec un Charlston Heston dans le rôle de Moïse, éblouissant).
Il n’est un juif, même les moins religieux, qui ne se souvienne de cette soirée. Sur la table, déjà emplie de mets qui sont autant de symboles printaniers à bénir, est posée devant chaque convive la Haggadah de Pessah. Le livre du récit.
Les grands religieux ne la lisent qu’en hébreu. D’autres, oublieux de la langue apprise pour leur Bar-Mitsva, lisent (on lit à tour de rôle) en phonétique. Les plus modernes, les plus libéraux lisent en français. On peut alterner.
Entre les lectures, tout un rituel donc, autour du vin et des aliments (céleri, herbes amères qui rappellent les misères endurées par les hébreux, trempées dans une confiture de dattes, œuf, pied d’animal, et plein d’autres choses encore, mon propos n’étant pas encyclopédique…)
Extrait de la Haggadah de Pessah :« Les Égyptiens nous traitèrent avec méchanceté , comme il est dit : Allons, agissons avec ruse envers lui (Israël) de peur qu’il se multiplie et que, s’il y avait une guerre, il se joigne à nos ennemis, se batte contre nous et quitte le pays. Ils nous firent souffrir , comme il est dit : « Ils mirent des surveillants sur (le peuple d’Israël) pour le faire souffrir de leurs fardeaux ; et il construisit des villes d’entrepôts pour le Pharaon, Pitom et Ramsès. Et ils nous imposèrent un dur travail », comme il est dit : « Les Égyptiens firent travailler les Enfants d’Israël avec dureté. Et ils rendirent leur vie amère par le dur travail, avec le mortier et avec les briques et toutes les sortes de travail dans le champ, tout leur travail qu’ils leur imposèrent avec dureté. » Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères. Et l’Éternel entendit notre voix et vit notre souffrance, notre labeur et notre oppression. Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères », comme il est dit : « Pendant cette longue période, le roi d’Égypte mourut ; et les Enfants d’Israël gémirent à cause de la servitude et ils crièrent. Et leur appel au secours monta vers Dieu, depuis la servitude. Et Dieu entendit notre voix », comme il est dit : « Et Dieu entendit leur gémissement, et Dieu Se rappela Son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. »
Et on chante et on récite les dix plaies d’Égypte, infligées aux égyptiens pour contraindre leur Pharaon à laisser, sous l’égide de Moïse, envoyé du Maître de l’Univers, faiseur de miracles qui ont peine à emporter la conviction du souverain qui ne veut laisser partir le peuple des Hébreux.
C’est ici que je reviens à mon titre. Donc, pendant le repas, programmée depuis des siècles, la récitation, l’une après l’autre, des dix plaies subies par les égyptiens, pour contraindre Pharaon à se défaire des juifs.
Terribles. Sang.Grenouilles.Vermine.Bêtes sauvages.Peste.Ulcères.Grêle.Sauterelles.Obscurité.Extermination des premiers-nés.
Entre chaque plaie, le maître de maison, maître des prières, verse dans un récipient un peu de vin et les convives disent, à chaque geste de versement du liquide, “Que l’Éternel nous en préserve”. En judéo-arabe “Simassilinou”.
Puis, la maîtresse de maison, la mère pour tout dire, prend le récipient, empli de vin, et tous se taisent dans un silence absolu, un des rares respectés chez les juifs, grand moment silencieux de l’année.
La mère va vers les toilettes. Le silence s’amplifie, malgré les petits sourires entendus de quelques uns, certains de la suite, de l’épilogue. On entend le bruit de la chasse d’eau. La mère vient de déverser le vin des dix plaies dans la cuvette des WC…
Et tous, silencieux, attendent. Ils attendent un mot.
La mère le clame : “EXTRA !” (Ca peut être aussi “super” ou “génial”, chez les plus modernes).
Et tous applaudissent. Des 4 mains, dans la joie et la vraie allégresse.
Quand on invite un non-juif (le religieux orthodoxe n’en a pas le droit, parait-il, cf infra 3.“la porte”) ou même un non-sépharade ou, plutôt un non judéo-arabe, peut-être même un non judéo-tunisien, il faut expliquer:
Les dix plaies sont donc concentrées, au fil de leur versement, dans le récipient, le vin allant être jeté dans la cuvette.
Et là, de deux choses l’une :
– soit après le, tirage de la chasse, l’eau est encore tumultueuse. Et ici, les convives n’ont peut-être pas bien récité ou, pire, ne sont pas méritants d’une absolution divine.
– soit l’eau est limpide, calme, ayant absorbé les plaies, hors de la demeure.
ET C’EST ICI QUE LA MÈRE CRIE : “EXTRA !”
On imagine que personne, dans toutes les demeures juives d’Afrique du Nord, le soir de Pessah, n’a entendu “Pas extra“.
La mère le crie, certainement, cet “extra !”, sans même regarder l’eau. Le tumulte ne peut être dans l’eau.
On pourrait, dans un souci anthropologique rechercher l’origine de cette curieuse coutume qui dévore la superstition. On préfère en rester là. Le mystère de la coutume se suffit à lui-même, frôlant la beauté universelle, extra “en soi”.
2- SEDER II. LA CIGARETTE ET LE VIN
Deuxième soir de Pessah, deuxième Séder.
Un membre de ma famille, le seul qui connaisse ce site, me demande de continuer. “Il y a deux soirs de Séder, donc deux billets. Ou sinon, c’est pas du jeu…”. Vous avez bien lu. “Du jeu”.
Donc, je continue, en espérant que demain, je n’entendrai pas dans sa bouche me dire “Pessah dure 8 jours, donc tu continues…”
Et, ce soir, devant un “Msoki”, livré à domicile, par un autre membre de la famille, je m’y attèle.
LE MSOKI. Extrait de Wikipédia : “Le msoki ou msouki (hébreu : מסוקי) est un plat traditionnellement préparé par les Juifs originaires d’Algérie et de Tunisie pour le séder de Pessa’h ou pour le septième jour de cette fête, mais il peut être consommé pendant la fête. Il s’agit d’un ragoût d’agneau et/ou de bœuf contenant plusieurs variétés de légumes (généralement de saison). Certains ajoutent des morceaux de matza afin de pouvoir comparer le plat aux trois éléments essentiels de la nuit de Pessa’h — pessa’h, matza ou maror (« agneau pascal, pain azyme et herbes amères »). Comme les galettes azymes cuites en Tunisie étaient extrêmement dures et épaisses et que les Juifs tunisiens autorisaient la consommation de matza trempée, il était de coutume de les plonger dans le fond du plat pendant sa cuisson afin de les ramollir”.
Hier, j’avais raconté “l’extra” après les dix plaies.
Ce soir, toujours dans le souvenir anthropologique, culturel, laissant de côté la théorisation sur l’invention de la liberté (par le judaïsme, dans la sortie d’Egypte, et non pas dans la chrétienté, dans la constitution de l’individu contre la Loi, comme pourrait le clamer un auteur de la revue “Etudes” qu’au demeurant j’apprécie énormément), je me plante dans l’anecdote. Qui, en réalité n’en est pas une.
Le soir de Pessah, le vin est donc présent, dans les prières, entre les prières, dans le repas final. Les juifs séfarades, du moins avant leur départ pour la France, n’étaient pas de grand buveurs de vin. Ni, en général d’alcool. De temps à autre, peut-être – et encore- des rasades de boukha (l’alcool de figue frappé, conservé, en France dans le congélateur inconnu dans les terres africaines (étant observé que beaucoup de connaisseurs considèrent cette pratique de la boukha congelée comme une infamie, le goût de la figue étant “écrasé” par cette pratique inepte. Mais je m’éloigne du sujet).
Donc, le vin le soir du Séder, indispensable à l’ordonnancement du récit, entrecoupé de gorgées du liquide, qu’on boit, au demeurant, accoudé à gauche (mais, là encore, je n’explique pas, le billet n’étant pas encyclopédique)
Les enfants sont, ce soir, rois de la table, les questionneurs de la source de la tablée magique du Séder (“Pourquoi ce soir n’est pas comme les autres ?”) peuvent tremper leurs lèvres dans la coupe de vin. Les enfants peuvent boire du vin…!
Et beaucoup d’adolescents se souviennent de cet instant magique pendant lequel, comme les adultes, l’on pouvait boire du vin; que, mieux encore l’enivrement n’étant pas interdit par les sages commentateurs du Séder, ils pouvaient avoir le droit de subir une tête qui tourne, sous les effets d’une lampée du liquide des dieux…
Gueule de bois de Pessah…
M’est alors venu, à cet instant où je riais de ces jeunes enivrés, un autre écart, à l’oeuvre dans une vie de jeune juif : la cigarette aux lèvres, le jour de la Bar-Mitsva, à 13 ans.
Ce jour là, le “communiant” (la France chrétienne est passée par les mots) avait le droit d’avoir dans sa poche un paquet de cigarette et, ostensiblement, devant des parents assez gênés, des oncles rieurs, et des copains ravis de partager les bouffées, laissait pendre dans des lèvres maladroites, une cigarette, sorti de ce paquet acquis sur un trottoir, quelques mois avant le grand jour…
Le bar-mitsva devenait un homme, pouvait participer, désormais à l’assemblée des dix requis pour prier (le “minian”: il ne faut pas d’Eglise chez les juifs, juste une communauté de 10). Il pouvait donc fumer.
Un verre de vin à la main, cigarette dans la bouche, l’homme s’imagine homme. Il n’en faut pas plus pour faire des bonds.
3 – LA PORTE
Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive.
Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».
Donc, pendant 8 jours, on célèbre.
On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler sous le tissu adéquat.
Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,
La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël.
4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.
Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin. Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.
J’ai pu ici, conter, dans deux billets, la soirée. Je colle, en PS, les liens pour ceux qui voudraient se moquer de moi.
Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, signe de liberté, rite exclusivement judéo-tunisien, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction (Etmol Ainou avadim Ayom bene Horin, Hier, nous étions esclaves, aujourd’hui libres), les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.
Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?
Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.
Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.
Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.
Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.
Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy », mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.
J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque à la réflexion, une injonction à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.
Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.
Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.
LA QUESTION DE EVA.R
Bonjour,
J’ai appris dernièrement par une amie qu’il était interdit d’avoir un Goy lors des Séder de Pessa’h.J’aimerais savoir comment faire lorsque le père de son mari est Goy ? Cela pose-t-il un réel problème ? Est-ce une faute de le recevoir, ou est-ce plus une faute de l’offenser et de ne pas l’inviter ?
REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)
1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.
2. Durant Yom Tov, cela est interdit. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.
3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].
4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.
Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.
Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].
5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].
– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme
– Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.
– Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.
– Soit je je me tais et écris l’ineptie, en cherchant d’autres mots tant il est faible.
J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnerade ne pas avoir été plus virulent.
4 – EXTRAIT DU FILM LES 10 COMMANDEMENTS / LE PASSAGE DE LA MER ROUGE/LE BATON TRANSFORME EN SERPENT
5 – LA HAGGADAH CHANTEE, RITE JUDEO-TUNISIEN. ECOUTER
Ancien rédacteur en chef à Libération et correspondant de ce journal à Jérusalem, Jean-Luc Allouche a un vrai culot.
Avoir du culot, ce n’est pas entrer sans frapper dans le bureau du patron pour obtenir une augmentation ou se planter tous les soirs devant la porte de la femme qu’on désire pour, sans un mot, lui offrir des fleurs, ou encore se permettre de s’inviter à la soirée magnifique de laquelle l’on est chassé, du fait de son trop grand toupet.
Non, avoir du culot, c’est, au crépuscule d’une vie, s’attaquer à Dieu lequel (l’on ne sait jamais) peut se tapir dans un coin du ciel le jour où (l’on ne sait toujours pas) il cueillera votre âme. Surtout quand on le dit (c’est le cas d’Allouche) presque sans pitié et imbu de lui.
Donc, Allouche a un vrai culot lorsqu’il nous décrit, dans son dernier bouquin (Le roman de Moïse. Albin Michel. 2018) un Dieu irritable, colérique, injuste, caractériel. Il avoue, au demeurant que “ce Dieu de la Bible n’est pas à mon goût”.
Ce Dieu, sans figure en prend plein la sienne, si la matière se prêtait à un mauvais jeu de mots.
Allouche a donc écrit un “roman de Moïse”, en collant au texte biblique, l’agrémentant des commentaires du Talmud du Midrach, des grands commentateurs et pas seulement Rachi ou Maimonide…
Le bouquin est passionnant, magnifiquement écrit, documenté. Et l’on sent, sous la plume, des vibrations pas toujours positives, qui vont de la colère envers ce Dieu querelleur jusqu’à la caresse sur les lèvres bégayantes de Moïse.
On ne peut raconter, il faut lire ce long bouquin qui a accompagné plusieurs nuits, transformant l’épisode biblique en un roman qui est celui de la guerre (le mot n’est pas trop fort) entre Dieu et le peuple qu’il a fait sortit d’Egypte pendant ces quarante années d’errance dans la colère des deux (le peuple et Dieu s’affrontant), entre Dieu et Moïse qui implore le pardon pour ledit peuple et la vie pour lui, pour lui permettre d’entrer dans le pays promis, terre de lait et de miel.
Dieu, malgré les supplications de tous ses anges, de tous ses cieux ne fléchira pas.
Je colle ici le dernier paragraphe du bouquin :
“Allons, une ultime pirouette inspirée par ce merveilleux magicien de l’hébreu, et longtemps homme politique courageux, feu Yossi Sarid, à qui j’emprunte cette citation :
« Moïse n’aurait pas dû mourir. Sa santé était relativement bonne, compte tenu de son âge : “Son regard ne s’était point terni, et sa vigueur n’était point épuisée.” Mais Dieu, lui aussi, se préoccupe de son statut et n’est pas du tout disposé à partager le crédit de ses actes avec d’autres : c’est lui qui nous a fait sortir d’Égypte, qui a fendu la mer en deux pour nous, et a couvert tous nos besoins dans le désert. Dieu n’a pas d’associé.
Allouche a du culot ?
A vrai dire, pas vraiment. C’est Dieu qui en a, en ne sombrant pas dans l’amour et le bon sentiment, affirmant sa prééminence, sans se départir de la parole première.
Si Dieu n’avait pas eu ce culot, l’on aurait basculé dans une autre religion, celle de notre ère. Celle qui prétend abolir les sentiments et les contradictions, pour les fondre dans la béatitude de l’amour plat et mièvre.
Le judaïsme admet la colère de Dieu. Mieux, il ne saurait se reproduire sans la crainte de cette colère, du type, légitime, qu’a généré la fabrication du veau d’or. La colère justifiée est bonne.
Je vais le dire à Allouche, pour le consoler : son culot est à la mesure de celui de Dieu. Et s’il ne peut être un associé, il est, lui, Allouche, image de Dieu, un bon collaborateur, à l’image de son créateur qui n’est pas qu’amour. Qui est unique,sans nom, et pourtant multiple. Sephirot…
L’unique et son pluriel, dirait je ne sais qui.
Relisez. Tout sauf du petit blasphème d’athée de service.
7 – PAUSE : MUSIQUE, VIDEOS-CADEAUX, SUR LE THEME MUSICAL “UPDOWN FUNK”. PUNCH A PESSAH…
8 – LA QUERELLE DE MERIBA, LE MYSTERE D’UNE INGRATITUDE DIVINE
Puisqu’il s’agit d’une discussion sur la fête de Pessah, la Pâque juive, qui fait se souvenir les juifs de leur sortie d’Égypte, sous l’égide de Moise, leur errance dans le désert, le don de la Torah sur le mont Sinaï , la lutte fondamentale contre l’idolâtrie et l’entrée dans la Terre sainte, la Promise, la question que, provocateur, je posais à la table du Seder lorsque j’étais jeune, aux lieu et place des fameuses questions posées par les enfants à qui l’on raconte l’épopée, me revient chaque année.
Lisez mon titre, ça sonne comme « la controverse de Valladolid ».
Mais c’est une question sur « le maître de l’Univers » et sa relation à Moïse, puni. Puni, mon idole de jeune, de ma jeunesse.
La question : pourquoi l’Éternel a-t-il interdit à Moise, l’entrée dans la Terre promise ?
Les interprétations sont diverses. Et dans cette interrogation, se terre toutes celles sur le monde et l’absurdité qui peut le gouverner.
Rappelons la scène biblique (Nombres 20- 8-12)
Et le peuple chercha querelle à Moïse, et ils parlèrent ainsi: “Ah! Que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l’Éternel! 4 Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de Dieu dans ce désert, pour y périr, nous et notre bétail? 5 Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l’Egypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n’est pas un pays de culture, où il n’y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, ni eau à boire!” 6 Moïse et Aaron, assaillis par la multitude, se dirigèrent vers l’entrée de la tente d’assignation et se jetèrent sur leur face; et la majesté divine leur apparut. 7 Et l’Éternel parla ainsi à Moïse: 8 “Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail.” 9 Moïse prit la verge de devant l’Éternel, comme il le lui avait ordonné. 10 Puis Moïse et Aaron convoquèrent l’assemblée devant le rocher, et il leur dit:”Or, écoutez, ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l’eau pour vous?” 11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent. 12 Mais l’Éternel dit à Moïse et à Aaron: “Puisque vous n’avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné.” 13 Ce sont là les eaux de Meriba, parce que les enfants d’Israël contestèrent contre le Seigneur, qui fit éclater sa sainteté par elles
Le Maître de l’Univers punit donc Moïse.
On cherche. Même jeune, je cherchais. Et je n’avais pas trouvé la désobéissance. Puis, si : Moïse n’avait pas « parlé au rocher », il avait « frappé » la pierre.
Horeb. Moise avait déjà fait jaillir de l’eau d’un rocher en frappant Il savait que « le coup du bâton » marchait. Il l’avait déjà fait au rocher d’Horeb (Exode 17 : 5-6 : « …prends aussi dans ta main ton bâton, avec lequel tu as frappé le Nil, et tu t’avanceras. Me voici, je me tiens là devant toi, sur le rocher en Horeb, tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira… »
A Horeb, il devait frapper. A Meriba, il était certain qu’il devait « parler » en frappant. Alors pourquoi ne pas recommencer ? Mais non, non, pas à Meriba. Et pourquoi, si le Seigneur lui avait déjà commandé de frapper le rocher d’Horeb, était-ce si grave de frapper à nouveau un rocher à Meriba ?
l’Éternel lui avait pourtant demander de “prendre sa verge”, son bâton
Donc, une désobéissance. Il fallait parler.
Cependant persuadés que le geste de Moïse n’était pas concomitant d’une « volonté » de désobéir, plus une répétition qu’une rébellion, les rabbins commentateurs (allez-voir en ligne) assimilent la « frappe » de Moïse à de la colère. Il suffisait disent-ils d’être calme et doux avec l’eau douce qui sortirait par la parole conférée à Moïse par l’Éternel.
L’interprétation court dans tous les esprits : Moïse s’est mis en colère. Or, l’on cherche sans trouver dans le texte le moindre embryon de colère chez Moïse…
Et lorsque je disais à mes oncles, mon père, le soir du Seder, que c’était une injustice, j’étais accusé de blasphémateur, même si l’on me caressait les cheveux, les interlocuteurs étant un peu fiers du jeune rebelle, de l’enfant qui ne pose pas les questions de la Haggadah et s’en prend un peu à D…
Mais, plus sérieusement, je ne comprends toujours pas pourquoi Moïse ne voit la terre promise que du haut d’un mont, comme dans une scène hollywoodienne. Au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.
J’ai alors repris, aujourd’hui Dimanche, le merveilleux, vraiment merveilleux bouquin de Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse » (déja convoqué dans mes billets et colle ci-dessous son « récit » et ses commentaires sur Meriba et le rocher. Lisez, même si c’est un peu long, je ne n’ai pu couper.
LA FAUTE DE MOÏSE
« Dès lors qu’ils ne disposent plus d’eau grâce à Myriam, comme ils en avaient bénéficié pendant quarante ans(330), les enfants d’Israël se tournent vers Moïse et Aaron. Et leur cherchent querelle : « Ah, si nous avions péri comme nos frères ont péri devant l’Éternel ! Car la peste est préférable à la soif(331) ! »
Et, cette fois encore, la foule turbulente déroule ses griefs : pourquoi nous avoir amenés dans ce désert, pourquoi nous avoir fait quitter l’Égypte pour cette « mauvaise contrée », cette terre infertile où ne poussent ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers ? Et où il n’y a rien à boire(332)…
Et, de nouveau, devant les assauts du peuple, Moïse et Aaron se jettent face contre terre, et, derechef, la majesté divine leur apparaît. L’Éternel ordonne à Moïse : « Prends ton bâton et convoque tout le peuple, toi et ton frère Aaron. Vous parlerez en leur présence au rocher. Et tu feras jaillir pour eux de l’eau pour les abreuver, eux et leurs troupeaux(333). »
La foule rameutée devant le rocher, Moïse harangue l’assistance : « Écoutez-moi bien, bande de rebelles, ignares qui voulez surpasser vos maîtres : vous vous demandez si nous pouvons faire jaillir de l’eau de ce rocher ? »
Sur ce, Moïse lève son bâton et frappe à deux reprises le rocher ; l’eau s’échappe à flots, et tous d’étancher leur soif.
Allons, encore une révolte d’étouffée, soupirent Moïse et son frère…
La sentence s’abat sur leurs têtes : « Puisque vous n’avez pas cru en moi et ne m’avez pas sanctifié aux yeux des enfants d’Israël, eh bien, vous ne conduirez pas ce peuple dans ce pays que je lui ai donné »
La Torah a retenu le nom de ce lieu tragique : les Eaux-de-Mériba – la « Querelle ». »
« Voilà donc l’épisode par lequel se noue le destin injuste de Moïse – et, accessoirement, celui de son frère. N’a-t-il pas obéi à l’injonction de l’Éternel et fait jaillir l’eau du rocher ? Pourquoi cette condamnation qui semble relever du pur caprice ?
« Au fil des générations, les exégètes de la Torah se sont perdus en conjectures au sujet de cet arbitraire divin. Les hypothèses, ratiocinations et justifications sont si nombreuses que Samuel, David Luzzatto (1800-1865), philosophe et commentateur biblique italien, raille ces vénérables exégètes dans sa glose sur Nombres, XX, 12 :
« Moïse notre maître n’a commis qu’une seule faute, et les Sages, eux, l’ont chargé de treize fautes, voire davantage, chacun inventant de son chef un nouveau péché… Et peut-être existe-t-il d’autres opinions, mais je ne les connais pas.
Mais Dieu − n’est-ce pas ? − ne peut pas être injustifiable aux yeux de ses fidèles.
Et donc les commentaires abondent autant que les Eaux-de-Mériba : celui-ci rejette la faute sur Moïse – aveuglé par la colère, il aurait frappé par deux fois le rocher, au lieu de parler, comme le voulait l’injonction divine.
Celui-là condamne le caractère public de la harangue de Moïse à l’encontre d’Israël, voire son insolence, ce que l’Éternel ne pouvait laisser passer. Cet autre, Maïmonide, fustige son caractère : Moïse n’a pas compris l’état d’esprit de ces assoiffés, accablés par la détresse de leurs familles et épuisés par les épreuves du désert. Selon lui, contrairement à leur mutinerie dans l’épisode des douze explorateurs, leurs protestations, ici, étaient de bonne foi. Encore que Maïmonide ne soit pas tout à fait satisfait par sa propre explication : étant donné que « Moïse est très modeste, plus qu’aucun autre homme sur la terre » (Nombres, XII, 3) et « le plus fidèle des serviteurs de Dieu » (Nombres, XII, 7), se peut-il qu’il n’eût pas été capable de reconnaître sa propre faiblesse ?
À vrai dire, cette « faute » de Moïse paraît bien vénielle. Et sa punition, disproportionnée.
De son côté, écrit Yeshayahu Leibowitz,
« à chaque fois qu’il est accusé de quoi que ce soit, Moïse ne reconnaît jamais sa faute et n’accepte pas de se soumettre à la sentence divine, en respectant l’adage biblique “Juste est l’Éternel, car je fus rebelle à ses ordres” [Lamentations, I, 18], comme l’ont admis d’autres justes et pieux quand ils se trouvaient en proie aux châtiments divins(340) ».
Après avoir passé en revue de nombreux commentateurs traditionnels, Leibowitz s’attarde sur l’un de ses préférés, Rabbi Meïr-Simha Hacohen (1843-1926), l’auteur de Méchekh ‘Hokhma, dont il aime à citer les commentaires souvent peu conformistes, voire audacieux : »
« La sentence frappant Moïse – l’interdiction d’entrer en Terre promise et sa mort dans le désert − n’est pas du tout due à cet acte, mais c’était là sa destinée : l’homme Moïse n’aurait pas le mérite de parachever l’entreprise prodigieuse de délivrance d’Israël et de l’amener en terre d’Israël. Comme dit le Rav Hacohen : “Il était impossible que Moïse les acheminât en Terre promise car, alors, les masses l’eussent considéré comme une divinité et eussent passé pour adorer un homme, et le dommage l’aurait emporté sur les bénéfices”(341). »
D’ailleurs, Rav Hacohen note qu’en fait, dès la faute du Veau d’or, le sort de Moïse avait été scellé, car le peuple, désemparé par son absence et le tenant déjà pour une figure quasi divine, voire divine, demande un substitut à Moïse, qui soit, lui aussi, divin :
« C’est pourquoi, écrit Leibowitz, Moïse devait mourir dans le désert aux yeux de tout le peuple pour que ce dernier constate, sans l’ombre d’un doute, que Moïse n’est pas un être tout-puissant, mais un mortel comme chaque humain, et que la délivrance absolue repose entre les mains de l’Éternel. »
« Rabbi Haïm ben Attar (1696-1743), dans son Or Ha’haïm, s’emploie à passer en revue les commentaires de tous ses prédécesseurs pour conclure ainsi :
« N’aie aucune crainte de dire que Moïse n’a pas compris véritablement les intentions divines car la prophétie ne vient pas spontanément au juste, sinon par la réflexion. C’est la thèse de nos Sages : “Le sage est préférable au prophète” [Baba batra, 12, a]. Moïse n’a pas ignoré le sens des intentions divines, sinon qu’il a éprouvé un doute, et, par respect pour la dignité divine, a fait ce qu’il a fait [frapper le rocher] … En effet, par crainte que le rocher ne donne pas d’eau et que l’Éternel soit “humilié”, Moïse a donc frappé, alors qu’il aurait pu sanctifier l’Éternel en laissant éclater la toute-puissance de la parole divine et, ce faisant, conjurer la crainte que le miracle ne se produise pas(343). »
Autrement dit, si grand prophète que fût Moïse, il n’était pas quitte d’utiliser son intelligence pour comprendre les intentions divines. Nul n’est prophète dans sa maison… sans sa raison. »
« Yeshayahu Leibowitz, à la fois savant profane (professeur de biochimie, entre autres), philosophe et érudit de la Torah, esprit anticonformiste par excellence et véritable « prophète de la colère » contemporain, insiste souvent dans ses commentaires sur les leçons modernes à tirer de la Torah. Sur la « faute de Moïse », il remarque :
« Moïse notre maître n’a pas mené sa mission à bonne fin non à cause d’une imperfection, révérence garder, dans sa personnalité ou sa conduite du peuple, mais le vice était au cœur de sa génération [“Génération corrompue et tortueuse”, Deutéronome, XXXII, 5], “des enfants sans loyauté” [Deutéronome, XXXII, 5], une génération pervertie et rebelle, qui n’obéissait pas à son guide et s’est même rebellée contre lui. […] Malgré ses dons de guide et sa loyauté insignes, Moïse n’a pas réussi à laver le peuple de la souillure de l’esclavage en Égypte et à le rendre digne de pénétrer en Terre promise. D’où le fait que cette impossibilité lui ait été imputée comme son échec personnel le « plus cuisant, s’agirait-il d’un chef de la stature de Moïse, notre maître, l’homme de Dieu, le serviteur fidèle de sa maison »
Si, souvent, les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, parfois, les dirigeants n’ont pas le peuple digne d’eux.
Dès lors, désavoué en quelque sorte devant son peuple, trahi même, pourquoi Moïse continuerait-il à supporter ce fardeau ? D’autant que s’ajoute la mort de son frère, Aaron. Avant que ce dernier ne « retourne vers ses pères », l’Éternel charge Moïse de le dépouiller de ses vêtements sacerdotaux pour les remettre à son fils, Éléazar.
Le Midrach décrit ainsi la scène :
« Aborde Aaron par des paroles consolatrices. “N’es-tu pas heureux de voir ta couronne du sacerdoce donnée à ton fils ? Alors que moi-même je n’aurai pas ce mérite !”»
Après lui avoir ôté ses vêtements sacramentels, Moïse accompagne son frère au lieu de sa sépulture sur le mont Hor. Là encore, le Midrach livre cette image saisissante :
« Moïse dit à son frère : “Entre dans cette grotte.” Aaron entre et découvre un lit préparé et une lumière allumée. Il lui dit : “Monte sur ce lit.” Aaron monte sur le lit. Moïse lui dit : “Écarte les bras.” Aaron écarte ses bras. “Ferme la bouche.” Il la ferme. “Clos tes yeux.” Il les clôt.
Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50 »
Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »
« Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50»
Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »
Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse »
Je reviens : j’ai relu : le bouquin de JL. Allouche est merveilleux.
J’avais oublié son introduction. Lisez. J’affirme que je l’avais oublié en commençant ce billet. Après avoir lu cette introduction que je colle ci-dessous, vous pouvez vous dire que tous les enfants pensent la même chose…
” Après de si nombreux ouvrages sur Moïse sous la plume d’auteurs prestigieux, ou moindres, voilà que je me décide à livrer « mon » Moïse, comme tant d’autres ont donné leur vision de leur Moïse. Car, décrit de manière laconique, pour ne pas dire lacunaire, dans la Bible, Moïse est propre à fouetter toutes les imaginations. Le « mien », c’est un Moïse abandonné. Un Moïse à la parole blessée. Un « hors-venu », la figure si chère au poète Supervielle. À la vie sacrifiée. Je le veux tel, surtout pour « régler mes comptes » avec l’épisode suivant de son existence que j’ai toujours eu le plus grand mal à accepter. En effet, au cours de sa longue vie, cent vingt ans – longévité idéale, synonyme de vie accomplie aux yeux du judaïsme –, recru d’épreuves, l’homme Moïse aura été, à maintes reprises, sauvé. Au dernier moment. Sauvé (plus exactement : « retiré », « extrait », voire « rattrapé ») des eaux du Nil. Sauvé de la main de Pharaon comme, à l’occasion, des foudres de Dieu ou des révoltes de son troupeau indocile. Lors même qu’il aura été le sauveteur de son peuple. Cependant, une unique fois, le sort se montrera peu clément à son égard. L’ultime fois, au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël(1). »
Et Allouche d’écrire :
Enfant, cet épisode me révoltait. À mes yeux, malgré ses hauts faits et ses souffrances, l’existence de Moïse était tout sauf accomplie. Non que je fusse un mécréant – du moins, pas encore –, mais cette ingratitude divine me scandalisait.
Lorsque des enfants (ici, au moins deux, pensent la même chose, on n’est pas très loin de la vérité…
9 – “HAAZINOU”-“ECOUTEZ”, C’EST DE MOÏSE DONT IL S’AGIT !
09/2020).
Jamais, jamais, je ne me suis immiscé dans un commentaire sur la « paracha de la semaine », d’autres ici et là, avec plus ou moins de talent, en collant, en s’extirpant, en disant, notamment certains rabbins doctes et dans l’étude, le faisant mieux que je ne pourrais le faire, même après des milliers d’heures d’études. Même si beaucoup confondent interprétation et commentaire littéral. Même si j’en ai souvent envie, pour sortir du prévisible et tenter de faire caresser le judaïsme par la philosophie, hors de l’exégèse religieuse sur le mode talentueux mais intrinsèque et exclusive de Rachi, par un commentaire théorique. Commentaire philosophique souvent honni ou inconnu, le Texte sacré se suffisant à lui-même selon les orthodoxes qui ont le droit de ne pas penser pour pratiquer et porter la pérennité du peuple. On leur sait gré de cette tâche de survie, comme le dirait Hermann Cohen. Sans eux et les autres, y compris les libéraux, etc. Mais la prétention d’une immixtion théorique serait immense et, jamais, jamais, je ne me suis donc investi dans cette tâche.
On rappelle pour ceux qui ne connaissent pas l’expression que la paracha est l’unité de division du texte de la Torah, Bible hébraïque. Le Texte sacré est divisé en autant de semaines de l’année et est lu chaque semaine dans les synagogues. La totalité du texte est donc lue chaque année.
Cette semaine, ce Samedi d’avant Kippour (le Grand Pardon), le jour essentiel, crucial, presque ultime, pour le peuple juif, la paracha est dite de “Haazinou”(“Écoutez”).
C’est Moïse qui parle, le dernier jour de sa vie, s’adressant au peuple juif l’exhortant à se « se souvenir des temps anciens », « d’interroger ton père et il te racontera, tes sages et ils te diront », comment Dieu « les a trouvés dans le désert », en a fait un peuple, les a choisi pour Lui, et leur a donné une terre magnifique. Leur rappelant que la chute spirituelle n’est jamais loin, qu’elle est survenue lorsque le peuple « s’est engraissé, s’est révolté et a abandonné le Dieu qui l’a fait ». La paracha finit par l’ordre donné par Dieu à Moïse de monter sur le mont Névo, d’où il pourra, seulement, contempler toute la Terre Promise avant de quitter ce monde.
Donc, pour une fois, une seule fois, je romps la règle. Car il s’agit de Moïse. Celui que j’aime, celui qui bégaie, celui qui, injustement, n’est pas autorisé à entrer dans la terre promise, Dieu ne lui permettant que de la contempler, de loin, avant de mourir, du Mont Névo.
J’ai écrit, ici, sur cette injustice, incompréhensible, un énervement ou un bâton vif sur un rocher ne pouvant justifier une telle injustice.
Dieu que je l’aime Moïse, ce héros. Dieu, vous avez été injuste. Vous avez le droit, Dieu, de vous tromper. Vous en avez le droit.
Donc cette semaine, la paracha me permet de dire encore mon amour de Moise.
Non pas celle d’un religieux dans les premiers étages des synagogues, dans l’Étude de « Moché », mais celui d’un simple lecteur, un peu écrivant qui aimerait, tous les jours que Moise revienne sur terre, dans un rêve improbable, et entre avec le peuple sur la terre sacrée, pour y mourir. En souriant.
Je colle la paracha :
LA PARACHA“Haazinou”(“Écoutez”).”
Écoutez, cieux, je vais parler ; et que la terre entende les paroles de ma bouche.
Que mon enseignement s’épande comme la pluie, que mon discours distille comme la rosée, comme la bruyante ondée sur les plantes, et comme les gouttes pressées sur le gazon !
Car c’est le nom de l’Éternel que je proclame ; rendez hommage à notre Dieu !
Lui, notre rocher, son œuvre est parfaite, toutes ses voies sont la justice même ; Dieu de vérité, jamais inique, constamment équitable et droit.
Est-ce lui qui a condamné ses enfants ? Non, c’est leur propre indignité, ô race perverse et tortueuse !
Est-ce ainsi que vous payez Dieu de retour, peuple insensé et peu sage ? N’est-il donc pas ton père, ton créateur ? N’est-ce pas lui qui t’a fait et qui t’a organisé ?
Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle; interroge ton père, il te l’apprendra, tes vieillards, ils te le diront!
Quand le Souverain donna leurs lots aux nations, quand il sépara les enfants d’Adam, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël.
Car ce peuple est la part du Seigneur ; Jacob est le lot de son héritage.
II le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes aux hurlements sauvages; il le protège, il veille sur lui, le garde comme la prunelle de son œil.
Ainsi l’aigle veille sur son nid, plane sur ses jeunes aiglons, déploie ses ailes pour les recueillir, les porte sur ses pennes robustes.
Seul, l’Éternel le dirige, et nulle puissance étrangère ne le seconde.
II l’a fait monter victorieusement sur les hauteurs de la terre et jouir des produits des champs ; l’a nourri avec le miel des rochers, avec l’huile de la roche pierreuse,
Avec la crème des vaches, le lait des brebis, les gras agneaux, les béliers de Basan et les boucs, avec la mœlle exquise du froment ; et tu buvais le sang vermeil du raisin.
Yechouroun, engraissé, regimbe ; tu étais trop gras, trop replet, trop bien nourri et il abandonne le Dieu qui l’a créé, et il méprise son rocher tutélaire !
Ils l’irritent par des cultes étrangers ; ils l’outragent par leurs abominations.
Ils sacrifient à des démons qui ne sont pas Dieu, à des déités qu’ils ne connaissaient point; déités nouvelles, de fraîche date, que n’avaient pas redoutées vos pères.
Et le rocher qui t’engendra, tu le dédaignes, et tu oublies le Dieu qui t’a fait naître.
A cette vue, le Seigneur s’est indigné ; ainsi outragé par ses fils, par ses filles,
il a dit: Je veux leur dérober ma face, je verrai ce que sera leur avenir; car c’est une race aux voies obliques, des enfants sans loyauté.
Eux m’ont irrité par des dieux nuls, m’ont contristé par leurs vaines idoles ; et moi je les irriterai par un peuple nul, je les contristerai par une nation indigne.
Oui, un feu s’est allumé dans ma colère, dévorant jusqu’aux profondeurs de l’abîme ; il a consumé la terre et ses productions, embrasé les fondements des montagnes.
J’entasserai sur eux tous les malheurs ; contre eux j’épuiserai mes flèches.
Exténués par la famine, dévorés par la fièvre et des pestes meurtrières, j’exciterai contre eux la dent des carnassiers, et le venin brûlant des reptiles.
Au dehors, l’épée fera des victimes, au dedans, ce sera la terreur : adolescent et jeune vierge, nourrisson et vieillard.
J’aurais résolu de les réduire à néant, d’effacer leur souvenir de l’humanité,
Si je ne craignais le dire insultant de l’ennemi et l’aveuglement de leurs persécuteurs, qui s’écrieraient : “C’est notre puissance qui triomphe, ce n’est pas l’Éternel qui en est la cause.”
Car c’est une race aux idées fausses ; ils sont dépourvus d’intelligence.
S’ils étaient sages, ils y réfléchiraient ; ils seraient frappés de ce qui finit par leur arriver :
“Comment un seul homme pourrait-il en poursuivre mille, deux, mettre en fuite une myriade, si leur protecteur ne les eût vendus, si l’Éternel ne les eût livrés ?
Car leur protecteur ne ressemble point au nôtre, et nos ennemis sont une race à part.
De fait, leur vigne tient de la vigne de Sodome, et leur terroir, des campagnes de Gomorrhe ; leurs raisins sont des baies vénéneuses, ce sont des grappes amères que les leurs.
Leur vin, c’est la bave des serpents, c’est le poison meurtrier des vipères !”
Certes, ceci est mon secret ; il est scellé dans mes archives.
A moi la vindicte et les représailles, vienne l’heure où leur pied doit glisser ; car il approche, le jour de leur catastrophe, et l’avenir accourt sur eux!
Oui, l’Éternel prendra parti pour son peuple, pour ses serviteurs il redeviendra propice, lorsqu’il les verra à bout de forces, sans appui et sans ressources.
Alors il dira : “Où sont leurs dieux, ces rocs tutélaires, objets de leur confiance ;
Qui consomment la graisse de leurs victimes, s’abreuvent du vin de leurs libations ? Qu’ils se lèvent pour vous secourir ! Qu’ils soient pour vous une sauvegarde !
Reconnaissez maintenant que c’est moi, qui suis Dieu, moi seul, et nul dieu à côté de moi ! Que seul je fais mourir et vivre, je blesse et je guéris, et qu’on ne peut rien soustraire à ma puissance.
Oui, j’en lève la main au ciel, j’en atteste mon éternelle existence
Quand j’aiguiserai l’éclair de mon glaive, quand ma main s’armera du châtiment, je prendrai ma revanche sur mes adversaires, je paierai de retour mes ennemis.
J’enivrerai de sang mes flèches, et mon glaive se repaîtra de chair, du sang des mourants et des captifs, du crâne des capitaines ennemis !”
Nations, félicitez son peuple, car Dieu venge le sang de ses serviteurs ; il exerce sa vindicte sur ses ennemis, réhabilite et sa terre et son peuple !”
Moïse vint faire entendre au peuple toutes les paroles de ce cantique, lui avec Hoschéa, fils de Noun.
Lorsque Moïse eut achevé d’adresser toutes ces paroles à Israël entier,
il leur dit: “Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous admoneste en ce jour, et que vous devez recommander à vos enfants pour qu’ils observent avec soin toutes les paroles de cette doctrine.
Car ce n’est pas pour vous chose indifférente, c’est votre existence même! Et c’est par ce moyen seul que vous obtiendrez de longs jours sur cette terre, pour la possession de laquelle vous allez passer le Jourdain.”
L’Éternel parla à Moïse, ce même jour, en ces termes :
“Monte sur cette cime des Abarîm, sur le mont Nébo, situé dans le pays de Moab en face de Jéricho, et contemple le pays de Canaan, que je donne aux enfants d’Israël en propriété ;
Puis meurs sur la montagne où tu vas monter, et rejoins tes pères, de même que ton frère Aaron est mort à Hor-la-Montagne et est allé rejoindre ses pères.
Parce que vous avez été fautifs envers moi au milieu des enfants d’Israël, à l’occasion des eaux de Meriba à Kadesh, dans le désert de Cîn, en ne me sanctifiant pas au milieu des enfants d’Israël.
Ce n’est qu’à distance que tu verras le pays : mais tu n’y entreras point, dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.”Auteur
10 – CADEAU : LA HAGGADAH DE PESSAH COMMENTEE, HEBREU, FRANÇAIS, PHONETIQUE
Coutume des Tunes : la soirée des grillades avant Pessah
Les Tunes, les juifs de Tunisie ont leurs propres coutumes. Pessah n’échappe pas à cet écart.
Notamment cette “coutume” de manger des grillades la veille du Seder de Pessah. Côtes d’agneau, keftas, merguez tout est bon.
On peut l’expliquer.
En Tunisie, les Juifs Tunes avaient coutume de tuer un agneau 2-3 jours avant Pessah.
Dès l’agneau tué, il était dépecé : une partie de la viande était réservée au Msoki (le ragout d’agneau), le reste aux merguez. Sans réfrigérateur, venu tardivement, sans conservation de durée, il fallait soit cuire (Msoki), soit préserver ou sécher (merguez).
Mais, que faire donc des côtes d’agneau : on inventa, pour leur consommation, avant leur dépérissement, les grillades de la veille du seder.
12 – LE PASSAGE QUI N’EST CELUI DE TUNIS-MÊME
Il existe plusieurs manières d’être juif.
– Soit, évidemment, être pratiquant et fréquenter assidûment la synagogue, faire Chabat, célébrer toutes les fêtes, manger “cacher” sans écart et tutti quanti.
– Soit manger “cacher” exclusivement chez soi, ne pas manger de porc, aller à la synagogue le jour de Kippour, jour du Grand pardon, bar-mitsva des garçons, matsot (pain azyme) pour Pessah et altri quanti. Soit, encore, ne pas être croyant, s’intéresser à la culture juive, se faire traiter de juif dit imaginaire, bref ne pas être religieux et considérer le judaïsme comme une culture, le concept se transformant en judéité. Se dire ainsi juif athée.
– Soit, enfin, en rester à l’existence d’espaces supérieurs, croire au génie de la conceptualisation du monde par la judéité, s’arrêter toujours aux notions qui structurent la religiosité et la pratique juive. Et, sans cesse, sans discontinuer, s’interroger sur le sens du récit juif. Et se dire juif et dire. Sans autre volonté.
Dans tous les cas, rien de ce qui est la judéité, qui peut ne pas être le judaisme, n’est périphérique.
Alors, on s’intéresse à Moïse, aux fêtes juives et à la philosophie juive, piteusement écrasée par la pratique sans pensée, aux coutumes, aux espaces cabalistiques et tout et tout. Ce qu’on tente ici dans ce mini-site, la fonction “recherche” permettant de le constater.
Certains se sont donc étonnés de ne pas voir sous la plume, dans cette période de fête, évoquer, comme dans les années passées “Pessah”, la Pâque juive, celle du temps présent de ce Nissan (le mois juif). On y remédie, sur la pointe des pieds. En réalité, il est toujours difficile d’écrire sur le sujet, des milliards de mots s’y étant employés. C’est, au demeurant le seul frein, idiot dit F, à l’écriture : la persuasion du déjà-dit.
Donc : rares, sont ceux, sauf les ignorants et les esprits non curieux, qui ne savent pas que la Pâque juive, “Pessah” est la fête de la commémoration de la sortie des juifs d’Egypte. Une commémoration, ponctuée par les deux premiers soirs (du Seder) qui n’est pas un récit, juste un fait acquis, l’Exode, son chapitre biblique n’étant pas, curieusement contée ou récitée.
Que dire sur cette fête essentielle ? Evidemment, des millions de mots sur la liberté et son invention, sa conceptualisation insensée (un juif rit quand on lui dit qu’il a été esclave, car il en est sorti, par une volonté divine qui s’alliait à la volonté humaine. Pas un noir, affreusement resté dans sa condition après l’interdiction légale.
Mais on veut s’en tenir ici au NOM. Evidemment, pour un juif, le nom est constitution, émergence du néant : il est, en effet, dommage que l’on titre “Pâque” ou “Pessah”, en France. Il aurait été p^lus significatif d’imiter les anglo-saxons et dire “passage”, PASS OVER. Surtout lorsque l’on sait que la fête chrétienne de Pâques trouve son origine dans la Pâque juive, qui célèbre, entre autres, le passage de la Mer Rouge par les Hébreux. Et, étymologiquement, le mot Pâque signifie “le passage”.
Mais c’est un autre passage que Pessah. En effet, durant le Seder, les Juifs glorifient le passage de l’esclavage à la liberté. Pessa’h signifie bien « passage » : passage de la mort, sans mort, sur les maisons des enfants d’Israël (la mort qui passe sur la vie) passage de l’esclavage à la liberté, évidemment encore, passage miraculeux à travers de la Mer rouge scindée, passage du Jourdain et entrée en Canaan, terre promise, passage du néant d’Israël à son émergence par un peuple. Et, ce qui n’est pas rien, passage de l’hiver au printemps,porteur de tous les fruits et légumes merveilleusement cuits dans la marmite des soirs de Pessah.
On va proposer aux autorités religieuses de renommer (en français, bien sûr), le nom. Renommer la fête en “Passages”. Certains y verront un impérialisme judéo-tunisien, le “passage” étant un endroit emblématique à Tunis (cherchez en ligne). Mais non, Pessah est bien”passages”. Pass over.
PS1. En tête de billet une photo de la couverture de la Haggada de notre enfance, le livre lu les deux premiers soir de “Pessah”.
PS2. On m’a demandé d’expliquer le titre (le passage à Tunis-même). Je ne savais pas que l’on pouvait ne pas connaitre “le passage” à Tunis. Il ne s’agit que d’un quartier, une place en réalité, une avenue à Tunis. La dénomination tient son origine d’un passage à niveau (de chemin de fer) qui existait à cet endroit. Quant à “Tunis-même”, il s’agit d’une expression populaire de juifs de Tunisie pour préciser que l’on évoque le centre de Tunis et non sa périphérie. Ci-dessus la photo du “passage” à Tunis. J’avais pourtant juré de ne pas transformer mon site en un ramassis de nostalgies.
Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive.
Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».
Donc, pendant 8 jours, on célèbre.
On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler sous le tissu adéquat.
Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,
La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël.
4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.
Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin. Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.
J’ai pu ici, conter, dans deux billets, la soirée. Je colle, en PS, les liens pour ceux qui voudraient se moquer de moi.
Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction, les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.
Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?
Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.
Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.
Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.
Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.
Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy », mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.
J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque à la réflexion, une injonction à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.
Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.
Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.
« La question de Eva R.
Bonjour,
J’ai appris dernièrement par une amie qu’il était interdit d’avoir un Goy lors des Séder de Pessa’h.
J’aimerais savoir comment faire lorsque le père de son mari est Goy ? Cela pose-t-il un réel problème ? Est-ce une faute de le recevoir, ou est-ce plus une faute de l’offenser et de ne pas l’inviter ?
REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)
Bonjour,
1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.
2. Durant Yom Tov, cela est interdit. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.
3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].
4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.
Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.
Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].
5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].
– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme
Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.
Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.
Soit je je me tais et écris l’ineptie, en chercant d’autres mots tant il est faible.
J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnera.
PS. ci-dessous, un lien pour, si l’on veut, lire les deux billets que j’ai écrit, il y a assez longtemps, sur Pessah, ma fête préférée.
J’avoue avoir été stupéfait d’entendre un adolescent clamer que « ceux qui ne s’intéressent pas à l’intelligence artificielle sont inintelligents et artificiels ». Il ne faut pas perdre espoir.
Un article dans Le Point de cette semaine (12/04/2024, propos recueillis par Guillaume Grallet) nous présente Yann Le Cun, lauréat du prix Turing (du nom de l’inventeur du « deep learning » Alan Turing, voir le film « Imitation game ») l’équivalent du prix Nobel en informatique.
Yann Le Cun est né le 6 juillet 1960 à Soisy-sous-Montmorency.
LE JEPA
Yann Le Cun est désormais professeur à l’université de New York et scientifique en chef pour l’intelligence artificielle de Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp).
Il travaille sur « un nouveau modèle de réflexion ». Il explique au journaliste du Point « comment pourraient raisonner les machines à l’avenir ».
Un dépassement du mode de fonctionnement de ChatGPT, Claude ou encore Midjourney, issus de l’IA générativeincapables, en l’état de « raisonner », de penser pour tout dire.
Le projet de Yann Le Cun se nomme JEPA (Joint Embedding Predictive Architecture).
Il précise : « Le problème que l’on essaie de résoudre est de comprendre comment les machines vont apprendre à comprendre le monde par observation en regardant des vidéos », explique le chercheur dans son interview vidéo accordée au Point.
« L’idée est de s’inspirer de la manière des enfants qui, eux, vont regarder des bandes dessinées ».
Dans les premières années de notre vie, nous apprenons par observation. Il donne comme exemple la Loi de la pesanteur. L’enfant constate que tout tombe sur le sol, de haut en bas, sans qu’il ne connaisse la Loi de Newton, sans être grand physicien.
Un « modèle mental s’installe dans le cerveau et prédit (« predictive ») que ça va tomber.
« L’objectif, en s’appuyant sur des vidéos, est de construire une intelligence artificielle avancée capable d’apprendre davantage comme le font les humains, en formant des modèles internes du monde qui les entoure afin d’apprendre, de s’adapter et d’élaborer des plans de manière efficace au service de l’accomplissement de tâches complexes », explique Yann Le Cun
Il s’agit donc, pour l’IA, de « comprendre le monde »
Il continue : « Nous voulons trouver une représentation abstraite de la réalité qui contient toute l’information qui permet de faire des prédictions utiles. »
Quand on peut « prédire », le système sera « capable de comprendre le monde, avoir un certain sens commun et planifier des séquences d’action pour avoir un but particulier ».
Avec les Meta Ray-Ban, les lunettes connectées de l’entreprise, “on pourra aider la machine à se représenter le monde, intégrées dans un assistant IA qui, entre autres choses, anticiperait le contenu numérique à montrer à l’utilisateur pour l’aider à accomplir des tâches et à s’amuser. Le modèle aurait, dès le départ, une compréhension audiovisuelle du monde à l’extérieur des lunettes, mais pourrait ensuite apprendre très rapidement les caractéristiques uniques du monde de l’utilisateur grâce aux caméras et aux micro intégrés de l’appareil.“
En réalité, l’observation par l’IA, par vidéo du monde tel qu’il est, sans autre explication, qui va l’aider à deviner comment il fonctionne et prédire les comportements, les séquences et enchainements.
Lors d’un colloque parisien, le 10 avril, Yann Le Cun a assassiné les « intelligences génératives » actuelles.
Elles seraient inintelligentes, se contentant de produire « un mot après l’autre sans réflexion », et « commettent toujours des erreurs stupides », les fameuses hallucinations régulièrement relevées par tous.
Il pousse le bouchon assez loin lorsqu’il précise que, pour lui, « l’intelligence artificielle générative est 50 fois moins intelligente qu’un enfant de 4 ans ».
Celle qu’il veut implanter, plus aboutie, pourrait comprendre les conséquences de ses actions (les prédire donc), et dès lors de raisonner. En se posant des questions, par exemple, sur la dangerosité d’une action avant d’agir, tout comme réfléchir aux conséquences de ses actes.
Le chercheur, revient, par ailleurs sur le fameux deep learning « apprentissage profond » ?
En 2017, l’intéressé répondait : « Il s’agit d’architectures de réseaux de neurones artificiels qui apprennent à représenter les données de manière hiérarchique. Les machines apprennent ainsi à représenter le monde avec de multiples niveaux d’abstraction. »
Il s’agit, dans ce cadre d’apprendre désormais aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage, puis à parler et, enfin, à prendre les meilleures décisions au meilleur moment.
ALORS ?
J’avoue ne pas avoir été ébranlé par de telles « révélations » sur le futur de l’I.A.
Je n’imaginais pas qu’il puisse en être autrement, l’IA actuelle n’étant aucunement impressionnante, se contentant de recracher, après un deep learning adapté, des données, parmi lesquelles figurent autant le style que la couleur.
Mieux encore, j’étais persuadé que, déjà, le prédictif, la compréhension du monde étaient dans la boucle.
A défaut, on ne comprendrait pas les cris d’orfraie de ceux, y compris, curieusement, les grands entrepreneurs dans l’informatique qui nous alertent sur les « dangers » de l’IA laquelle, comme dans Matrix, va nous avaler. « Soumission à l’A », nouveau roman de Houellebecq.
Je viens de découvrir que je m’étais donc trompé et l’IA que j’imaginais à portée de quelques mois, n’est pas encore là, qu’il lui faut un « JEPA » de « META » ;
On va donc attendre les progrès. Avec impatience. Pour aller encore plus loin.
Il y a fort longtemps que j’applaudis à l’émergence de l’IA, que je l’ai écrit ailleurs. Y compris dans ma sphère professionnelle.
D’abord, elle va nous aider, comme tous les progrès nous ont aidé.
Ensuite parce que la « maitrise de la production humaine » à l’ère de l’anthropocène, va devenir la seule idéologie possible dans le politique (comme la maitrise du progrès dans la pensée écologique malheureusement malmenée par des « inintelligents artificiels » inventés par l’ado du bon mot, qui errent dans les décombres du politique).
Puis, enfin, parce que l’on ne comprendrait pas un humain qui ne servirait pas de l’intelligence qui lui a été donnée (peut-être par une force immatérielle dans l’Univers affirmeraient les croyants qui ne peuvent être contredits, la thèse ne pouvant être « falsifiée ») pour « augmenter » le réel, comme il l’a fait en inventant le feu qui n’est qu’une trouvaille.
Inventer, c’est trouver ce qui ne demande qu’à être trouvé par des humains. Ou si l’on préfère, Trouver, c’est ne pas laisser l’invention dormir.
Mettre en sommeil l’intellectualité de la recherche et l’invention serait enfermer une faculté humaine au fond de l’on ne sait quelle coffre maléfique qui serait ouvert par l’on ne sait quel démon occulte. Surtout lorsque l’on sait, comme l’écrit Shakespeare, (La Tempête) “l’enfer est vide, les démons sont ici”
PS. On aura compris mon titre (“Contre l’inintelligence artificielle”) puisqu’aussi bien, depuis longtemps donc, je milite pour un développement sans limites, non “naturelles”, si j’ose dire, de l’intelligence artificielle.
Personne ne s’aventurant dans mon menu, pourtant copieux en se contentant des derniers billets, on m’a suggéré, comme pour les arts plastiques, de transformer un article en lien vers une entrée du menu de mon autre site consacrée à l’art et la littérature. Malgré ma réticence (une sorte d’injonction à cliquer), j’ai obéi.
Ici le cinéma et mes films. Tous savent mes cineastes contemporains préférés : Thomas Anderson, James Gray, Sam Mendes. On peut jeter un œil. Il y a une table des matières.
Je “remonte” un billet écrit il y assez longtemps, déjà “remonté”. Seuls des forcenés de la lecture vont chercher, dans ce site, plus loin que dans les derniers articles.
J’ai manié ce concept dans une conversation récente. Il est absolument fécond. “La Torah n’est plus au ciel”
Le regardeur de cette peinture la croit sortie de la série “La planète des singes.
On donne le commentaire de Google arts.
“Cette image avait probablement pour but de faire la satire des vieilles femmes qui tentent de recréer leur jeunesse de manière inappropriée. Massys a évidemment représenté une femme souffrant de la maladie de Paget, une malformation osseuse. Léonard de Vinci semble s’être inspiré de la peinture de Massys dans un de ses dessins.”
Détails
Titre: An Old Woman (‘The Ugly Duchess’) Créateur: Quinten Massys Date de création: vers 1513 Dimensions physiques: 62,4 x 45,5 cm Type: Peinture Support: Huile sur chêne École: Russisch Numéro d’inventaire: NG5769 Biographie de l’artiste: Massys était le principal peintre anversois du début du XVIe siècle. Il est né à Louvain et ses premières œuvres témoignent de l’influence de Memling, actif à Bruges. Ses œuvres ultérieures montrent une certaine influence italienne, notamment celle de Léonard. Il était remarquable en tant que portraitiste ainsi que peintre religieux. Massys est enregistré pour la première fois à Anvers, où il devint membre de la guilde en 1491, alors que la ville commençait à prendre de l’importance en tant que port principal des Pays-Bas. Il existe des peintures datées et datables de Massys à partir de 1509, année de l’achèvement de son retable de la « Légende de Sainte Anne » (aujourd’hui au Musée de Bruxelles). À Anvers, Massys était étroitement associé à Joachim Patinir et semble avoir fourni des figures pour ses paysages. Crédit d’acquisition: Légué par Miss Jenny Louisa Roberta Blaker, 1947 Dates des artistes: 1465/6 – 1530
J’ai failli titrer “un passage plastique ” mais à la relecture, c’était trop lourd, “nigate” comme disaient les “tunes”. Le lien pour passer dans un autre univers (mb) :
Les balivernes sont pléthore, encombrent l’espace médiatique, dès qu’il s’agit des « tunes », la dénomination concernant, en principe “les juifs de Tunisie”. Et non pas les tunisiens musulmans, nos amis quand ils ne sont pas antisémites, évidemment du pays, mais natifs naturels, et les chrétiens qui n’ont rien de “tunes” même s’ils sont nés ou ont vécu en Tunisie. Car, en réalité, on ne dit pas “tunes” pour les tunisiens résidant dans leur pays ou même expatriés mais “tunisiens”. L’expression “tunes” est, dans le langage accepté, reservé aux juifs tunisiens, aux “juifs tunes” si l’on veut. Mais “tune” suffit pour différencier.
Numéros spéciaux de l’Arche, colloques plats, articles dans lesquels le dithyrambe se substitue, souvent à l’orthographe et la glorification de la cuisine huileuse à la culture ancestrale. La petite nostalgie est toujours ce qu’elle était : une baliverne. C’est le titre.
Voilà donc un nouvel “acte tune” dans les publications. Celui d’Alain Chouffan, ex-journaliste de L’Obs à la retraite, grand souriant en photo, qui nous livre une billevesée de plus, laquelle, à en croire le titre, la couverture, sa quatrième, l’extrait, ne milite pas vraiment ni pour l’intelligence, ni pour une communauté, la rangeant, comme à l’habitude, dans l’anecdote, au-delà de l’erreur sémantique qui assimile, encore une fois, curieusement, “les tunes” et les tunisiens expatriés et parisiens. Les hongrois seraient des “hongres”. Les anglais, des “angles”.
Il parait, en effet, ce qui est clamé dans la couverture, dont la vulgarité est assez inédite dans l’édition, que les « tunes » ont « quelque chose de plus ».
L’auteur met donc en couverture, dans cette logique primaire, Claudia Cardinale, élue, certes, « plus belle italienne » de Tunisie, Gabriel Attal, de mère chrétienne orthodoxe, de noblesse angevine, qui n’a jamais mis les pieds en Tunisie, (peut-être sur une plage, on ne sait pas), Gisèle Halimi qui n’a de « tune » que son nom. Et Hanouna, né en 1974 à Paris. Boujenah sauve la mise. Je ne sais pourquoi ne figure pas le dictateur Kais Saied, pourtant “tune”, qui a sûrement “quelque chose de plus”.
Je n’ai pas lu car je n’achèterai pas. La couverture et l’extrait dans Tribune Juive me suffit pour ne pas apprécier.
On la colle ci-dessous :
En réalité, le procédé éditorial de la photo d’un livre (Tribune Juive ne sait éditer ? Il suffit d’une capture sur Amazon ou la Fnac) est à la mesure de la médiocrité. On commente très rapidement, tant le ridicule, y compris celui de l’article, ne mérite pas la gloire. Et, indulgent, on n’insiste pas sur le style de l’auteur et de son commentateur, que le Magazine « Nous-Deux » qui pouvait trainer sur les tables des coiffeurs de l’Avenue de France à Tunis, n’aurait pas renié.
1 – Il ne s’agit pas d’une tribu étrange, mais plus simplement d’une communauté assez “normale” dans l’écart généré par ses coutumes millénaires, aussi “étranges” que celles des sri-lankais qui œuvrent dans les cuisines dans des bistrots parisiens.
2 – Beaucoup de “tunes” n’avaient pas des “gourmettes en or” et ne “roulaient pas des mécaniques“, s’employant plutôt, sauf quelques marginaux au chômage, à gagner sa vie et s’intégrer entre deux recherches du plaisir des rencontres amicales autour d’un plat cuisiné exceptionnel. L’odeur du safran qui émergerait de leur “mama”, on ne connait pas.
3 – Quant à leur “secret” qui se terrerait dans la pluralité des cultures et leur “groupie” qui serait leur mère, on ne veut s’appesantir tant le propos, idiot, s’empare de toutes les caricatures. Les italiens ont leur mère et les cultures mêlées abondent sur d’autres territoires, y compris en Laponie. On ne veut revenir, de peur de ridiculiser l’auteur, sur la haine de la mère “qui ne l’aimait pas” de Gisèle qui aurait fondé son combat féministe pour “éviter à toutes les femmes de lui ressembler”.
On reproduit, intégralement, pour le commenter rapidement, l’article de André Simon Mamou, son “ami” de toujours” dans Tribune Juive:
C’est un extrait de la quatrième de couverture de “Les Tunes. Mais qu’est-ce qu’ils ont de plus…” L’auteur, c’est notre ami de toujours, journaliste, reporter, chroniqueur depuis “La Presse de Tunisie” jusqu’aux heures de gloire de “France Observateur” devenu “L’Obs”.Un grand sourire d’ouverture aux autres, Alain Chouffan connaît tout le monde, les gentils qu’il fréquente, les méchants qu’il désarme ! Il a écrit des quantités d’articles qui ont toujours été lus et commentés sur des sujets divers et souvent sur des faits de société.
“Les Tunes”, c’est une œuvre sérieuse de plus de 200 pages avec des aperçus biographiques de plus de deux cent Tunes choisis pour leur réussite et leur mérite: de Adams Kev à Zvili Nessim, ils sont rangés par ordre alphabétique et la biographie de chacun soigneusement vérifiée occupe une demi page.
Deux informations importantes qu’il faut mettre au crédit de l’auteur :
–Il a retenu dans sa «”collection” de Tunes des Tunes d’honneur : Claudia Cardinale, Loris Azzaro, Claude Bartolone par exemple, et il a rangé chez les Tunes Ferid Boughedir, Mustapha Belkhodja,Sonia Mabrouk et beaucoup de tunisiens chrétiens ou musulmans qui ont fait partie du débarquement Tune sur les côtes françaises !
Un extrait :
Attal Gabriel juif tune ? Quand on lui pose la question Il répond qu’il est russe orthodoxe par sa mère. Mais son père est Yves Attal, avocat puis producteur de cinéma. “Tu es peut être orthodoxe, mais tu te sentiras juif toute ta vie, notamment parce que ton nom te fera subir l’antisémitisme”, lui disait son père.
Alain Chouffan envoie un courrier à Gabriel Attal pour lui demander s’il niait toujours ses origines tunisiennes et Gabriel Attal lui répond le 30 juin 2023 : “Votre texte me convient bien, à une exception près, et elle est de taille ! Je ne nie aucunement mes origines tunisiennes! J’en suis même fier!”
En début d’ouvrage Alain Chouffan a posé la question : Si tous ces Tunes ont réussi dans tous les métiers, s’ils sont instruits, honorés et pour beaucoup d’entre eux s’ils ont accédé à la richesse avec 3 francs 6 sous dans leur portefeuille de départ, comment expliquer ce niveau de réussite et de succès ? Chouffan estime que la société multiculturelle de la Tunisie, les échanges de civilisations, de croyances, de religions, le tout dans un climat pacifique de tolérance mutuelle, tout a contribué à créer une prédisposition au bonheur et au succès.
De mon côté, j’ai insisté sur le rôle capital du Lycée Carnot, de la qualité de ses professeurs venus de France ou formés en Tunisie, du respect qu’ils inspiraient et surtout de la volonté de chacun, du désir de tous : apprendre pour réussir, pour échapper à la misère, pour honorer nos parents humbles mais confiants : avoir de bonnes notes aux compositions, passer de classe, réussir aux baccalauréats puis “monter à Paris” et comme toujours “RÉUSSIR !”
La Tunisie souriante et la France, grande dame indulgente qui nous a accueillis, Alain Chouffan a fait du bon travail. Il a fixé un moment de l’ Histoire, celle des “Magnifiques” comme disait Michel Boujenah au temps des Trente Glorieuses, entre “Le Sursaut” grâce à De Gaulle et “La Belle Époque” de Pompidou et de Giscard, comme l’a si bien évoqué Franz-Olivier Giesbert, ami sincère de Chouffan.
On commente encore, même si on hésite tant on fait honneur à la platitude déjà énoncée :
1 – On passe sur la publicité de l’auteur de l’article sur son propre travail sur les “tunes” et son apologie explicative du “Lycée Carnot” de Tunis, que j’ai fréquenté. On a assez honte pour l’article.
2 – On a la confirmation de l’erreur sémantique, attrape-tout, pour emporter la mise multireligieuse de l’amitié judéo-musulmane qui n’en a pas besoin, sur les “tunes” qui sont tous ceux et celles qui ont “débarqué” de Tunisie, et même ceux qui – on le disait plus haut, comme Attal ou Hanouna, en couverture qui imite l’affiche de fête foraine, n’y ont jamais vécu. Assez ridicule et contradictoire avec la quatrième de couverture qui définit la communauté comme celle déferlant sur Paris, gourmettes en or au poignet..
3 – Quant aux explications sur la “réussite” de ces tunes, articulées autour de la pluralité des cultures et le bonheur annoncé, on peut affirmer qu’un étudiant de première année de sociologie serait assez honteux de les exposer.
ON CONCLUT :
Il est dommage que la contribution populacière (populaire si l’on veut) à la caricature primaire vienne, à nouveau, frapper.
On juge un ouvrage à sa pertinence, son apport presque décisif au sujet qu’il aborde. Non pas l’apport théorique, philosophique, anthropologique, mais simplement un regard intelligent et nouveau, y compris un clin d’oeil d’humour.
Il est des cas où il, est inutile d’ajouter, sauf s’il s’agit de meubler un vide qui n’est pas celui du sujet mais celui de l’auteur.
On aurait pu, pour être complet, rappeler que les juifs de Tunisie, les “tunes” donc, sont autre chose qu’une biographie d’un cardiologue au sourire éclatant, de dents sidérales, de faconde exacerbée.
Mais c’est un autre billet. On se contente ici, au risque de la répétition, de dire, très vite, qu’on est assez navré par de telles balivernes
MB
PS. On donne, ci-dessous, une conférence d’Akadem, le site intelligent sur les “juifs de Tunisie”. Pas inintéressant. Serge Moati, égal à lui-même : pas intelligent. Les autres, interessants.
On connaît les autres films sur Tom Ripley, adaptés du roman de Patricia Highsmith, le premier avec Delon (Plein soleil),de René Clément, un peu trop soleil et lumière d’agence de voyages, le deuxième avec Matt Damon et Jude Law (le talentueux Mr Ripley de Anthony Minghella de 1999) avec beaucoup de caricatures italiennes, notamment de la Dolce vita, qui n’est pas un grand film malgré les deux grands acteurs également caricaturaux.
Celui qu’on vient de voir est une série Netflix qui vient de sortir, dénommée simplement”Ripley”. Une des meilleures qu’il m’ait été donné de voir cette année (voir mon autre site). Les deux films précités font pâle figure devant cette performance. En noir et blanc dénommé “expressionniste” par les critiques, bunuëlien si l’on veut, avec un fulgurant Andrew Scott, vous savez celui qui joue le prêtre désiré par l’actrice (et scénariste) insensée, dont je suis très amoureux, Phoebe Waller-Bridge, dans la série extraordinaire”Fleabag“, qui concurrence “TheBear” pour emporter la palme des séries du semestre, décerné par un jury qui n’est composé que de moi.
La réalisation est épatante, épatante. C’est le mot employé par un critique et je le reprends. La photographie de rêve sans lèché de circonstance pour ébahis crédules. Le scénario sublimissime.
Il est rare de prendre autant de plaisir dans ces 8 épisodes dont certains font plus d’une heure chacun, vus sans discontinuer une nuit entière. Nuit en noir et blanc, nuit à partager.
Épatante cette série. Un tel talent dans la réalisation et le jeu nous rassurent, nous mettent de bonne humeur, il y a de la verve, de la créativité, de l’intellectualité qui traînent chez les nouveaux réalisateurs et directeurs de de la photo, “mieux qu’avant”. L’art, même sur Netflix n’a pas dit son dernier mot. Et le Caravage, également mis en scène et central dans cette série ne saurait, dans sa tombe de criminel avéré en fuite permanente et aux aguets, lui aussi, s’en plaindre.
Un extrait d’une critique de Télérama
Par Émilie Gavoille. Télérama.
Ce n’est pas la première fois que le personnage d’usurpateur meurtrier né sous la plume de Patricia Highsmith tape dans l’œil d’un auteur-réalisateur. Avant Steven Zaillian (coscénariste, entre autres, de The Irishman, de La Liste de Schindler et de Gangs of New York), qui a écrit et dirigé l’intégralité des huit épisodes composant l’épatante minisérie proposée par Netflix, René Clément et Anthony Minghella avait déjà transposé habilement le roman de 1955 à l’écran, dans Plein soleil (1960) et Le Talentueux Mr Ripley (1999).
Rapide rappel des éléments de l’intrigue pour ceux qui l’histoire avec un œil neuf : un jeune Américain fauché, Tom Ripley, est missionné par le père de Dickie Greenleaf, un jeune Américain très riche, pour convaincre son fils, qui se la coule douce en Europe avec sa fiancée Marge, de bien vouloir rentrer aux États-Unis. Rapidement, Ripley se plaît à rêver la vie de Dickie, au point de la faire sienne.
En lieu et place de l’insolente luminositéméditerranéenne sublimée dans les deux longs métrages précités, Steven Zaillian et le directeur de la photographie Robert Elswith (There Will be Blood, Good Night and Good Luck) – qui accomplit ici encore un travail remarquable –, proposent un noir et blanc somptueux, d’inspiration expressionniste, traversé d’ombres et de lumières. Un écrin visuel à la solitude hantée de fantômes de Ripley, antihéros magnifique toujours au bord de l’abîme. La réalisation y fait souvent allusion, en illustrant le vertige du personnage au détour d’un trajet en bus à flanc de falaise, ou en le cadrant dans des intérieurs grandioses qui le fascinent autant qu’ils l’écrasent.
Ce n’est ni l’ambition sociale ni le désir qui animent le Ripley que compose ici le fascinant Andrew Scott, dont la prestation lorgne davantage vers le Moriarty grimaçant qu’il incarnait dans Sherlock que vers l’inoubliable rôle de « hot priest » qu’il a tenu dans Fleabag. Le moteur de cet esthète psychopathe, qui dépense l’argent de celui dont il a usurpé l’identité et la fortune pour vivre la Dolce Vita de Rome à Venise, c’est une quête absolue du beau, course en avant qui justifie tout, y compris le pire. En témoigne le dernier épisode, qui dresse un parallèle édifiant avec Le Caravage, génie du clair-obscur et meurtrier avéré. Même la beauté a sa part de laideur.
.
ET PUIS UN AUTRE EXTRAIT DE LA MÊME CHRONIQUEUSE DE TELERAMA, EN VERVE
La figure fascinante de Tom Ripley en trois adaptations réussies
Opportuniste vénal chez René Clément, faux naïf chez Anthony Minghella et désormais esthète meurtrier dans la formidable série de Steven Zaillian… Trois visions de l’imposteur créé par Patricia Highsmith, en autant d’adaptations de haute volée.
Voilà un objet d’une élégance et d’une sophistication que n’aurait pas reniées Thomas Ripley si la romancière Patricia Highsmith, qui lui a donné la vie (littéraire) en 1955, avait prêté à son antihéros arriviste une passion cinéphile. Un noir et blanc expressionniste, des jeux d’ombre et de lumière à faire pâlir les grands maîtres de la peinture, un interprète – Andrew Scott – au firmament dans le rôle-titre…
CeRipley en huit épisodes, minutieux portrait psychologique écrit et mis en scène par Steven Zaillian pour Netflix, relève superbement le défi de l’adaptation, d’autant plus relevé que deux longs métrages s’y étaient déjà essayés avec brio : Plein Soleil, de René Clément, en 1960, et Le Talentueux Mr Ripley, d’Anthony Minghella, en 1999. Trois œuvres et autant de regards différents sur cette imposture grandeur nature sous le soleil de l’Italie.
Première rencontre avec Tom Ripley
Un flashforward (en bon français, une prolepse) annonce d’emblée la couleur dans Ripley. En guise de présentations, on découvre l’élégant Américain traînant un cadavre au bas des escaliers de l’immeuble romain où il réside, sous le nom de celui dont il a usurpé l’identité, Dickie Greenleaf. Aucune illusion n’est permise.
En le caractérisant comme un opportuniste vénal, René Clément lui accorde de son côté le bénéfice du doute. Sous les traits d’Alain Delon, Ripley assume sans vergogne d’avoir reçu une grosse somme d’argent pour ramener un jeune Américain flambeur (Maurice Ronet) à son riche géniteur. Mais rien ne prédit qu’il finira, en grand fauve carnassier, par lui ôter son bien le plus précieux – la vie.
Celui qui cache le plus son jeu, c’est incontestablement le Tom Ripley que compose avec talent Matt Damon devant la caméra d’Anthony Minghella. Derrière ses lunettes d’élève trop sage, sa maladresse presque émouvante, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession…
De haut en bas, trois interprètes de Tom Ripley : Andrew Scott, dans la minisérie de Steven Zaillian. Alain Delon dans « Plein Soleil », de René Clément (1960). Matt Damon dans « Le Talentueux Mr Ripley », d’Anthony Minghella (1999). Photo stefano cristiano montesi/2023 Netflix, Inc. | Pari films | Paramount
Un triangle amoureux ?
Tom Ripley, Dickie Greenleaf (rebaptisé Philippe dans Plein Soleil) et sa petite amie Marge Sherwood. Trois personnages pour combien de possibilités ? Fortement suggérée par Patricia Highsmith (qui affuble pourtant Ripley d’une peu convaincante épouse dans les romans publiés à la suite de Mr Ripley), l’homosexualité du protagoniste est clairement établie par Anthony Minghella. Qui met notamment en scène le désir de ce dernier pour Dickie (et réciproquement) dans une saisissante scène de bain homo-érotique sur fond de partie d’échecs.
Aucune ambiguïté ne transparaît en revanche chez René Clément, où le triangle amoureux est beaucoup plus classique. Avant tout mû par son ambition féroce, l’arriviste incarné par Alain Delon convoite avec une froideur constante tout ce qui fait l’existence de son ami. Y compris sa fiancée, qu’il finira, de fait, par séduire, moins par attirance véritable que par soif de possession.
L’inclination du jeune homme pour celui qui devient sa proie n’est pas un enjeu de premier plan dans les huit épisodes de Steven Zaillian. Le désir y reste tapi dans les regards tour à tour enamourés ou glaçants d’Andrew Scott. Il campe un Ripley esthète, fasciné par Le Caravage, et tiraillé, comme lui, entre Éros et Thanatos — le second finissant toujours par l’emporter sur le premier.
Le vertige de l’ascension sociale
Née dans l’Amérique de la Grande Dépression d’une mère qui ne voulait pas d’elle et d’un père dont elle a renié le nom, Patricia Highsmith (dont le patronyme est celui de son beau-père) en connaissait un rayon sur l’envie de revanche, autant que sur les déceptions inhérentes à cette aspiration. Une expérience mitigée de l’ascension sociale dont la romancière, qui a toujours été davantage reconnue en Europe que sur la scène littéraire américaine, a naturellement investi son personnage fétiche. Anonyme sans le sou aux États-Unis, Ripley vivra comme un prince en Europe.
Le Talentueux Mr Ripley en livre une lecture romantique, quasi fitzgeraldienne. Le jazz est omniprésent, le nihilisme absent, et l’espoir toujours permis. À travers le regard amusé d’un Greenleaf/Ronet pas dupe, qui reconnaît à Ripley d’avoir su saisir sa chance, Plein Soleil vante l’art de savoir forcer son destin – quitte à ce que ce dernier vous rattrape.
UNE CRITIQUE DITHYRAMBIQUE D’UN CINEPHILE SUR YOU TUBE
LE TRAILER OFFICIEL
PS
PS. On m’a demandé ce qu’était un trailer et un teaser. Je reviens donc pour coller les définitions. Il est vrai que ça fait chic ces mots qui sont des “a-bandes annonces, un peu élaborâtes-rés par les snobs qui peuvent avoir leurs mots à dire.Un TEASER est une annonce très courte d’un film pour allécher le spectateur et le faire attendre sans pour autant « présenter » le film. Tandis que le TRAILER (ou bande-annonce), plus complet, tentera de séduire en mettant en évidence les meilleurs moments du film.
UNE RENCONTRE AVEC LES ACTEURS et LE REALISATEUR (en anglais)
ENTRACTE : FILS DE STING …
Dans le film : Freddy Miles, l’androgyne, fils/fille ? de STING
L’épisode 2 signe l’apparition de Freddie Miles, un ami de Dickie Greenleaf. Dans le livre, comme dans les précédentes adaptations – Plein Soleil avec Alain Delon et Le Talentueux Mr. Ripley avec Matt Damon -, ce personnage est un homme bruyant et extravagant avec de l’embonpoint
Un changement cohérent car il s’inscrit dans la dynamique très queer du récit de Ripley, dont le personnage alimente une certaine ambiguïté sur son orientation sexuelle. Par ailleurs, le choix d’Andrew Scott est loin d’être un hasard puisqu’il est l’un des rares acteurs populaires à parler de son homosexualité librement.
Un père très célèbre : STING
Eliot Sumner est apparu dans d’autres projets par le passé, comme dans Mourir peut attendre – où l’acteur joue un garde de Spectre – ou encore le film The Gentlemen de Guy Ritchie. Au-delà des plateaux de tournages, Eliot Sumner fréquente également la scène avec son groupe I Blame Coco. Une vocation qui n’est pas née par hasard puisque son père n’est autre que Sting, le leader du groupe Police – et également acteur à ses heures perdues.
Elio se dit donc “actrice” et Eliot Sumner est ouvertement lesbienne[1] et genderfluid[2], et utilise des pronoms neutres.
UNECRITIQUE DU HUFFINGTON
La série Netflix « Ripley » avec Andrew Scott n’a pas grand chose en commun avec le film avec Matt Damon
Une nouvelle adaptation de l’histoire de Patricia Highsmith sort le 4 avril sur Netflix. La série « Ripley » avec Andrew Scott propose une version beaucoup plus sombre du roman.
Par Yamina Benchikh
Andrew Scott, Dakota Fanning et Johnny Flynn dans la série « Ripley ».
SÉRIE TÉLÉ – C’est au tour d’Andrew Scott de se glisser dans la peau de Tom Ripley, après Alain Delon et Matt Damon. Publié en 1955, le roman Monsieur Ripley de Patricia Highsmith continue de séduire les cinéastes. Après le film français Plein Soleil de 1960 avec Alain Delon, et Le Talentueux M. Ripley sorti en 1999 avec Matt Damon, Tom Ripley revient cette fois en série. Netflix s’associe à Steven Zaillian (The Night of) pour raconter ce célèbre thriller. Au casting on retrouve notamment Andrew Scott (Sans jamais nous connaître, Sherlock Holmes) et Dakota Fanning (Twilight, Once Upon a Time in Hollywood).
Disponible depuis le 4 avril, la série se passe dans les années 60. Alors qu’il vit à New York, Tom Ripley (Andrew Scott) est envoyé en Italie par le riche Herbert Greenleaf pour ramener son fils Dickie (Johnny Flynn) au pays. C’est le premier pas vers « une vie complexe faite de tromperies, de fraudes et de meurtres » annonce le résumé Netflix de la série.
Tom Ripley n’est pas le héros malheureux de cette histoire
Dans Le Talentueux M. Ripley, Matt Damon incarne un homme amoureux et mal dans sa peau. Malgré ses talents d’escroc, il reste un personnage attachant et maladroit aux airs d’agneau candide.
Ici, l’intrigue nous plonge dans l’esprit à la fois ingénieux et tordu de Tom Ripley. D’entrée de jeu, on comprend qu’il n’est pas le héros de cette histoire. Andrew Scott joue un homme marginal, menteur et calculateur. Tom n’a pas peur de se frotter au monde criminel dont il connaît les rouages. Bien qu’il ne soit pas parfait à ce jeu, il n’en est pas moins doué.
Dans les notes de production de la série Netflix, Andrew Scott a lui-même qualifié son personnage de « très solitaire ». De ce fait, le spectateur en apprend plus sur sa personnalité et devient complice de ses actes. Pour l’acteur irlandais, l’histoire raconte « ce que c’est que d’être Tom Ripley plutôt que ce que c’est que d’être une victime de Tom Ripley ».
Johnny Flynn joue un Dickie Greenleaf loin des clichés Dans Ripley, Johnny Flynn propose un Dickie Greenleaf très différent de celui du Talentueux M. Ripley. Il est loin du playboy infidèle et immature campé par Jude Law. « Dickie ne veut pas hériter du statut de gosse de riche. Dans son cœur, il est un artiste bohème, un poète » confie Johnny Flynn. Dickie est un homme respectueux, amoureux et surtout fidèle à Marge. S’il est un peu naïf, il reste perspicace face au monde qui l’entoure.
Une interprétation qui a séduit Steven Zaillian. « Johnny a auditionné, comme 120 autres acteurs. Il s’est distingué par la façon dont il a choisi d’incarner Dickie, non pas comme un gosse de riche gâté, mais plutôt avec une sorte de douce naïveté » a-t-il expliqué dans les notes de production.
Sa relation avec Tom est moins fusionnelle, d’autant que ce dernier est davantage séduit par le train de vie Dickie que par l’homme qu’il est. « Je pense que c’est quelqu’un qui aime la vie et quand il vient en Italie et qu’il est exposé à tout cet art, ces paysages, cette beauté et cette nourriture, il adore ça. Mais les gens avec qui il est, je ne suis pas sûre qu’il les aime » explique Andrew Scott.
L’actrice américaine nous offre une Marge Sherwood fière et intelligente, désireuse de protéger son compagnon. Elle n’a pas peur de confronter Tom ou d’affirmer à voix haute qu’elle ne l’aime pas. « J’ai apprécié que Marge ait l’honneur d’être l’une des seules personnes à se méfier de Tom Ripley, ce qui donne lieu à une relation de chat et de souris entre les deux » déclare Dakota Fanning.
Dakota Fanning et Eliot Sumner font face à Andrew Scott
De même pour Freddie Miles, joué par Eliot Sumner. Il n’est en rien semblable au Freddie grossier et vulgaire de Philip Seymour Hoffman. Ici, c’est un ami dévoué, qui, comme Marge, se méfie de l’arrivée de Tom dans la vie de Dickie.
S’il est un fait dont je suis assez fier, sans crainte de l’affirmer, c’est d’avoir vanté et fait découvrir à beaucoup “le Maître et Marguerite”, le chef-d’œuvre, subversif, de l’écrivain russe Mikhail Boulganov.
Il viens d’être adapté au cinéma en Russie. Étonnant tant la provocation contre le régime d’alors était flagrante et dangereuse.
Télérama, la meilleure des revues hebdomadaires sur l’art quotidien, évidemment avec ses excès légendaires qui postillonnent des jets de haine inutiles et trop violents, dès qu’il s’agit de Russie et d’Israël, a commis un assez bon papier que je colle ici sur le sujet.
CINÉMA
En Russie, le succès surprise du “Maître et Marguerite”, film adapté d’un classique subversif de la littérature
«Tout pouvoir est une violence exercée sur les hommes » : cette simple réflexion qui pourrait être sortie d’un cours de première année en sciences politiques prend en Russie une tout autre dimension. Formulée par le héros du Maître et Marguerite, elle conduit à son exclusion de l’Union des écrivains. L’action du roman culte de Mikhaïl Boulgakov se passe avant la Seconde Guerre mondiale, en plein délire paranoïaque stalinien. Presque un siècle plus tard, cette réflexion est toujours séditieuse et dangereuse. Dans la vraie vie.
Près de 4 millions de Russes se seraient déplacés dans les salles de cinéma depuis le 25 janvier pour aller voir l’adaptation de ce conte fantastique réputé inadaptable. Foisonnant, ironique, Le Maître et Marguerite imbrique trois histoires se rejoignant dans un final flamboyant qui met le feu à Moscou : celle du diable, ici surnommé Woland, qui vient approcher des écrivains ; celle du roman de l’un d’entre eux, qui met en scène Jésus aux prises avec Ponce Pilate ; et l’histoire d’amour entre l’écrivain – le Maître du titre – et Marguerite. Le réalisateur Mikhaïl Lokchine aurait pris des libertés avec l’œuvre originelle, mais son adaptation, selon quelques critiques russes indépendants, est de qualité. Le film n’est pas encore visible en France ; il est distribué en Suisse (en langue originale et sans sous-titres), où il remplit les rares salles ayant courageusement choisi de le programmer.
L’un des films les plus chers du cinéma russe
En Russie, l’engouement pour le film à la suite du roman est d’autant plus remarquable que, comme l’affirme André Markowicz, son traducteur français en collaboration avec Françoise Morvan, « Le Maître et Marguerite est un acte de résistance en soi, où chaque page fait résonner haut et fort l’affirmation “Je ne cède pas” ». Écrit pendant la terreur stalinienne des années 1930, il n’est publié en URSS que durant les années 1970. Roman admiré par toute la jeunesse de l’époque, avide de liberté, qui en connaît des extraits par cœur, il incarne le désespoir de l’artiste malmené face à un pouvoir fou et aveugle. Comment un tel pied de nez à Vladimir Poutine a t-il été possible ?
Mikhaïl Lokchine a réalisé des pubs qui sont devenues virales en Russie et le premier film russe pour Netflix destiné à un public international, Silverland : la cité de glace (2021), adaptation très libre du classique de la littérature pour enfants Les Patins d’argent, en transposant les canaux gelés de Hollande à Saint-Pétersbourg. Il a le profil du jeune Russe éduqué très à l’aise dans une mondialisation anglo-saxonne ; c’est ainsi que, très tôt, il condamne la guerre en Ukraine. Dès lors, les crédits destinés au film sont gelés et les médias proches du pouvoir se déchaînent contre lui. Sa prétendue adresse à Los Angeles est divulguée. Et Mikhaïl Lokchine doit faire preuve d’une très grande discrétion car il craint pour sa sécurité. Son film est qualifié de « sataniste », d’« antisoviétique », d’« antirusse ».
Sans doute pour s’épargner le ridicule, le pouvoir a évité de censurer une œuvre populaire qui dénonce la censure. Mais il a sévi à la marge, en blacklistant les comédiens russes et en tentant d’instiller la peur, la « maîtresse » des régimes totalitaires, au réalisateur. Lui-même était très inquiet, mais pour d’autres raisons : il appréhendait la réaction du public face aux libertés qu’il avait prises avec le roman. Il a été surpris par son succès phénoménal, au-delà de toute attente… Il y a peut-être deux leçons à retenir de cette « fable » : il ne faut pas désespérer du peuple russe ; et Le Maître et Marguerite est probablement le dernier film en son genre : un blockbuster qui dénonce la terreur d’État. Son succès, selon Mikhaïl Lokchine, pourrait malheureusement engendrer encore plus de répression.
Pour le moment, pas encore de date de sortie prévue en France.
PS. Modeste, je donne lien qui amène vers un billet écrit ici en 2020
Dans un précédent billet, à l’étonnement de certains, j’avais considéré que leur chef- d’œuvre, dans la simplicité musicale, qui atteignait les sommets était “I can work it”.
On me dit que non, non, c’est “ADay in a life“. On peut adhérer. Certainement. Je colle 3 vidéos.
La prestation de “The Analogues” est remarquable. Mieux que celle des Beatles qui,en réalité ne l’ont jamais joué sur scène, considérant, à tort donc, qu’elle ne se prêtait pas au “live”…
Jamais les Beatles n’ont envisage de chanter cette chanson en live. Les “Analogues” l’ont fait avec brio. Écoutez. Une petite perle.
Les fainéants, type Libé, le nommaient “l’homme de fer”. Richard Serra était un grand artiste. Il m’a permis, d’abord à Bilbao, au musee Guggenheim qu’il avait envahi, de rencontrer une femme d’une beauté sidérale, qui dos sur un mur, dans une pose involontairement érotique, m’à présenté son œuvre. Une américaine qui avait simplement aimé mes yeux bleus. Je jure qu’elle me l’à dit, ce qui ne m’a pas étonné outre-mesure. Et m’à raconté Serra en partant vite quand elle a vu ma compagne arriver pour me gronder de ma disparition soudzine dans l immense musée. Les enfants attendaient ce que j’avais promis : 5 mn d’histoire de l’art contemporain. Pas plus. Je pouvais. La femme connaissait Serra personnellement et son œuvre au millimètre,. Elle est parti trop vite, persuadée d’une jalousie qui ne pouvait cependant sugir : j’etais amoureux de ma compagne. Je rêve de la revoir. Je l’ai cherchée, en vain, le soir, dans les bars d’hôtel de Bilbao.
Puis, plus tard Serra m’à permis de prendre la photo ci-dessus. Au musée de Marseille. La femme à la cape est exactement placée. On me demande souvent de l’encadrer.
Richard Serra est décédé e mois de Mars. On peut ne pas aimer. Il est une époque.
On me questionne encore sur le sujet. Interprétation sublime par Leonskaja du Nocturne de Chopin écouté tous les jours, presque égal à celui de Claudio Arrau que l’on donne plus bas, l’unique. J’en case d’autres de grand pianistes qui l’ont un peu raté.
Je ne peux ne pas proposer Arrau, la meilleure interprétation selon moi.
PIRES trop enlevé, trop pianistique
Rubinstein trop rapide, à côté du morceau
Un dernier “MODERNE ” PAR François CHAPLIN, trop enjoué …
POLLINI, classicisme un peu précieux
VANTINA LISITSA, SANS PRECISION, UN PEU FOUILLIS, NOTES ENFOUIES
Ça y est, je me suis décidé après des milliers d’heures d’écoute. Mitsuko Ushida est la meilleure pianiste (directrice accessoirement) de tous les temps. après John Lewis et Claudio Arrau. Je changerai d’avis demain. Leonskaja me taraude dans mon nocturne 18 op 62, celui en l’honneur de le fille Pleyel…
Le thème de l’écriture et de la réception de lettres, qui revient souvent dans l’oeuvre de Johannes Vermeer, est représenté ici avec une tension dramatique exceptionnelle. Les deux femmes sont saisies sur le vif, dans un moment critique mystérieux. Le manque de finition au niveau de la tête de la maîtresse d’une part et l’arrière-plan relativement uni d’autre part indiquent que cette œuvre tardive de Johannes Vermeer est inachevée. Néanmoins, l’artiste n’a que rarement (voire jamais) surpassé les effets subtilement variés de la lumière que l’on voit ici se refléter sur les bijoux en perles, scintiller sur les objets en verre et en argent disposés sur la table, et baigner les personnages d’une douce lueur dans leur décor sombre. M. Frick achète le tableau en 1919, année de sa mort. Cette dernière acquisition rejoint ses tableaux favoris : “Autoportrait” (Rembrandt), “Portrait de Thomas More” (Holbein), “L’Extase de saint François” (Bellini) et “Philippe IV” (Vélasquez).
ANATOMIE D’UNE CHUTE, FILM DE JUSTINE TRIET, PALME D’OR CANNES 2023.
J’ai résisté assez longtemps, persuadé de ma déception.
Une réalisatrice que je ne connaissais pas, vilipendant au micro de Cannes, lors de la remise de sa palme d’Or la réforme du régime des retraites contesté dans la violence urbainene ne pouvait être une bonne réalisatrice. Juste une faiseuse. Elle devait exceller dans le téléfilm à la française, soutenue par les anciens de Cognac-Jay.
Les dithyrambes de Télérama, mêlant le soupçon d’assassinat d’un époux à sa jalousie de voir sa femme réussir mieux que lui, embourbé dans un machisme des montagnes qu’il faut dénoncer, me faisait m’empêcher de voir ce film vanté par tous, jusqu’à Hollywood.
Et puis Justine Triet, la réalisatrice m’est antipathique, ce qui, il est vrai n’est pas un motif pour ne pas voir un film. Charlie Chaplin a été le plus grand antipathique du cinéma. Comme Fellini.
Mais hier soir, vaincu, j’ai vu. Impossible de tenir.
Alors tout sonne faux, l’image est sordide, mal cadrée, l’ennui (pas la belle lenteur cinématographique) est pesant, la vision du monde manichéenne, les personnages falots et téléphonés, le mystère de la fin convenu, les acteurs, non crédibles, jouent à l’acteur ( y compris le gamin), et la langue anglaise parlée et imposée à tous, y compris à son fils de 11 ans, par la femme allemande qui s’exprime parfaitement en français, est une escroquerie, une entourloupe à l’endroit d’Hollywood. Presque un film anglo-saxon. Bref on sort de ce film “vidé par le vide” comme aurait dit Serge Daney.
Alors je suis allé voir en ligne. Je devais me tromper. Non. Mauvaise note des spectateurs. La Presse, elle, fait sa snob spécialiste.
Je colle les réactions et lasse à autre chose. Faudrait que les français réapprennent au faire du cinoche. Truffaut doit se tourner dans sa tombe.
La première idée est toujours là bonne : ce film est un téléfilm moins bon que les téléfilms des années 60.
RÉACTIONS
Nous avons regardé ce film hier soir avec mon mari et dès le début on s’est dit que cela allait être compliqué de tenir 2h30 ! L’histoire est vraiment simple une enquête policière somme toute banale que notre cher Columbo ou les experts Miami auraient pu résoudre .. Cependant le jeu d’acteurs est très bien, les avocats sont un peu caricaturés je trouve, l’enfant joue vraiment très bien et quelle maturité à 11 ans ! mais pour nous le meilleur acteur de ce film est de loin le chien ! Il faisait tellement bien le chien qui allait mourir… voilà le seul moment où j’ai eu peur et qui m’a sorti de mon ennui… Je pensais vraiment que ce film qui a reçu un oscar allait être un film incroyable, qui allait me transporter, me faire réfléchir, me tenir en haleine, me faire du bien…mais malheureusement je n’ai rien ressenti et ce qui m’a vraiment gêné le plus, c’est le genre de film où il n’y a pas de fin nette, et chacun doit l’imaginer et ça je déteste ! 😂 Pour conclure , nous nous sommes ennuyés mais nous avons été jusqu’à la fin du film pour savoir ce qui s’était passé … Une chose est sure, nous n’avons pas du tout aimé ce film mais je dois avouer que depuis hier soir je débats avec plusieurs personnes qui ont aimé ou non et c’est peu être ça que la réalisatrice a voulu …. Et que je prends le temps d’écrire ici 😂
mercuccio huit
il y a 4 jours
Je poste rarement mais cette fois-ci, je ne pouvais m'y empêcher. Notamment concernant un film récompensé d'un oscar!! Une telle reconnaissance mérite que l'on se pose pour 2H24 et que l'on soit transporté dans un voyage cinématographique comme l'offre si bien le 7éme art.
Après 20 mn de film, on cerne rapidement l'univers dans lequel on est plongé, une actrice principale avec beaucoup de talent qui endosse et incarne son rôle à merveille. On nage en plein doute, mystèrieuse de par son jeu d'actrice, on navigue entre une mère abattue et a bout, une écrivaine meurtrière au sang froid et une mère détruite qui se bat contre un procureur general fermement décidé à la faire condamner, Sandre huiler est superbe. Lorsqu'on a dit ça il ne reste pas grand chose, des longueurs interminables à l'écran entre des leçons de piano, des silences inutiles, des reconstitutions bateau et une enquête digne de Julie Lescaut. Bref une grosse déception, l'histoire est banale, le montage se veut long et un final qui n'en est pas un. Malgré de bons échanges et des joutes verbales très plaisantes lors des audiences le reste est fade et sans saveur, une juge transparente, une caricature d'avocat général, là aussi le casting ...., seul l'avocat interprété par Swann Arlaud et son adjointe apportent un peu de consistance et de crédibilité dans ce tribunal. L'idée de faire un grand procès à l'écran peut etre une réussite comme dans certains films tels que Nuremberg avec Alec Baldwin en avocat déterminé, la defence Lincoln avec McConaughey ou la amistad est un Anthony Hopkins flamboyant, ou plus récemment les 7 de Chicago, avec un oscar on est en doit de faire un comparatif avec ces grands films. Anatomie d'une chute est une réelle déception tout comme l'avait été the artiste en 2012. Un film décevant qui avec une durée moindre peut se placer en télefilm un soir de semaine.
Point de vue] Anatomie d’une chute… dans le vide ! Jean-Pierre Pélaez 14 mars 2024 à 15:12Anatomie d’une chute 3 minutes de lecture
Excepté, peut-être, un Dracula woke, avec une sorte de Van Helsing venu d’Afrique, il y a un an environ, où je m’étais fait piéger, il y a longtemps que je ne m’étais pas autant ennuyé au cinéma : voilà, c’est fait ! Et si, par curiosité, je ne m’étais pas demandé « L’héroïne a-t-elle tué son mari, pourquoi, est-elle coupable, va-t-elle être condamnée ou relaxée ? » je serais sans doute parti bien avant la fin…
D’abord aucun des poncifs du temps actuel ne nous est épargné : la femme écrivaine, avec un e, merci, écrivaine de romans qu’on comprend être d’autofiction, puisque présentés comme écrits à partir de son vécu le plus vécu, son mari enseignant qui essaie d’écrire mais qui n’y arrive pas, ce qui nous vaut des disputes et des scènes de ménage bourrées de psychanalyse psychotique romanesque déprimante, du style « c’est ta faute si j’écris pas ; non, c’est la tienne, tu es un monstre ; non, c’est toi qui m’empêches ; non, c’est toi qui as peur », etc., l’Europe qui n’est pas oubliée – ça se passe en France, mais la peut-être meurtrière au physique allemand est anglaise et parle en anglais sous-titré, le mari est français -, la lutte contre le sexisme et l’homophobie non plus, puisqu’elle est bisexuelle et qu’elle a trompé son mari avec des femmes, il ne lui manque plus que d’être engagée dans une association décoloniale…
Un sérieux mortel, un vide, un ennui à couper au couteau, pire que du BHL, le film est long et lent comme un jour sans pain et il se passe si peu de chose, hormis des divagations philosophico-intello-scénaristiques de films français rediffusé sur Arte, des témoins et spécialistes qui se succèdent au tribunal, tannés et décortiqués par un avocat général agressif et omniscient, un psychiatre qui débite des sornettes sur son interprétation abyssale des problèmes du couple et, en point culminant, une scène de ménage enregistrée pour un futur roman, et d’un psycho-sordide réunissant toutes les invectives du genre, un enfant du couple qui parle comme un grand adulte, un avocat gentillet plus ou moins amoureux de l’héroïne, et l’on se dit, à la fin, que peut-être ils ont accompli le meurtre ensemble, mais non, ce serait trop simple pour un film où il ne se passe rien et qui fait de ce rien du compliqué, et pour un surcroît de réalisme bien ennuyeux, on voit la Justice qui décortique sans fin la chute mortelle du mari : qui l’a tué ? Sa femme ? Ou s’est-il suicidé, ou est-ce un accident ? Et l’on finit par se dire qu’on s’en fout et qu’on voudrait que ça se termine…
Au bout de deux heures et demie, je suis sorti lessivé d’ennui, tétanisé de colère, maudissant un peu plus le cinéma français quand il est vide, prétentieux, psycho-chiant, poncifère et fumeur de cigarette avec l’air d’un Sartre qui passe de l’être au néant.Et dire que tellement de gens de talent et qui ont quelque chose à créer ne trouvent pas de production, dans cet univers sinistre de l’actuelle culture française ! On ne m’y reprendra plus, la prochaine fois, j’irai revoir Le Petit Baigneur avec Funès et Galabru !
BON, IL Y EN A MILLE DE CE TYPE.
On a un problème avec le ciné. Ou peut-être avec le nouveau public
Après la gitane, la rabbine. On me bassine avec son nouveau bouquin dont le titre est, comme toujours, une tentative d’imiter ses copains de Libé, lesquels n’ont toujours pas honte, après des décennies à ramer, de vouloir chercher le bon mot dans le titre à la une. Les lecteurs de Libé doivent, certainement, raffoler de ce type de titre quotidien adolescent. Ils doivent se sentir plus intelligents.
Madam Horvilleur s’y donc mise. Après “il n’y a plus de Ajar”, assez ridicule ,voici le “Comment ça va pas ?”.
Bon. Encore du vent dans les synagogues et les studios des matins de France Inter qu’elle adore, mais dont les ventilateurs sont en panne (sûrement un coup du Mossad).
Fatigué pour à nouveau vilipender, je renvoie par un clic ci- dessous à un billet écrit il y longtemps sur son Ajar de pacotille. Dommage, elle “parle trop” diraient les chats sauvages de Dick Rivers des années 60, qu’on confond, très curieusement, pour cette chanson, avec les chaussettes noires d’Eddy Mitchell.
Des proches sont en voyage en Andalousie et WhatsApp fonctionne. Ce qui me permet de leur envoyer l’une de mes photographies préférées. La gitane du Sacromonte, Grenade, prise par Jean Dieuzaide, grand artiste.
Il faut rester quelques minutes sur cette photo pour que des larmes de joie coulent sur votre peau, sèche l’instant d’avant, du vide du monde.
Dieu que la beauté de cette femme est fière !
Dieuzaide, immense photographe savait capter non pas l’instant décisif de l’orgueilleux, du prétentieux Cartier -Bresson, mais, plus simplement le nœud des sentiments qui errent sous un sein ou dans des yeux lumineux, tellement exacts. Éclat de la vie enlacée. J’aurais donné un an de ma vie pour un sourire, qui m’aurait été dédié, de la gitane. Et dix ans pour un long baiser sur ses yeux ou sa bouche. Évidemment trop facile à promettre quand il ne reste plus autant de temps.
Après avoir laissé passer, oreilles bouchées, le débat vain et inutile sur la disparition de la croix chrétienne au sommet des Invalides, lequel qui a pu combler le vide de certaines émissions, on s’est interrogé sérieusement sur l’esthétique. Ou, du moins, l’intérêt artistique, ce qui, en ces temps, peut s’avérer antinomique.
Il s’agit donc de l’affiche pour les J.O de Paris 2024.
D’abord, une impression première de fouillis et un besoin d’appel d’air, d’un minimalisme dans la respiration du regard.
Puis, après plusieurs aller-retours, un intérêt grandissant dans le parti pris du foisonnement, presque du Brueghel.
Et, pour finir une adhésion totale à l’image qui nous fait tanguer de l’impressionnisme global, dans le magma fantasmagorique, au plaisir qui le contrarie qui est celui de scruter dans le prétendu informe.
L’affiche est une vraie affiche. Tant pis pour les râleurs de service, souvent râleurs contre l’art qui serait, comme le dirait LFI, celui des “golfeurs”.
Émerge désormais lesalaud inconnu. C’est un artiste contemporain, enterré sous ses subventions, mort-vivant sortant de sa tombe installée, dès qu’un juif traverse une place. Un antisémite errant.
La biennale de Venise, est une manifestation d’art contemporain honorable, malgré sa dérive qui fait souvent confondre l’art avec “l’installation” d’un discours primaire inesthétique qui se réfléchirait dans l’œuvre.
Elle doit se tenir du 20 avril au 24 novembre.
9000 artistes (on ne sait d’où ils sortent en étant si nombreux, si inconnus) ont exigé l’exclusion d’Israël de la Biennale, en raison du prétendu “génocide” à Gaza, le mot maudit et diabolique, qui unit les antisémites errants.
Le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, leur a répondu :
“Le diktat de ceux qui pensent détenir la vérité et qui, avec arrogance et haine, pensent pouvoir menacer la liberté de pensée et d’expression créative dans une nation démocratique et libre comme l’Italie est inacceptable et honteux. Israël a non seulement le droit d’exprimer son art, mais il a aussi le devoir de témoigner de son peuple, précisément à un moment comme celui-ci où il a été attaqué de sang-froid par des terroristes sans pitié. La Biennale sera toujours un espace de liberté, de rencontre et de dialogue, et non un espace de censure et d’intolérance”
L’Italie est un pays.
PS. EXTRAIT DE LA REVUE “TRANFUGE”
La Biennale de Venise, quant à elle, a réagi : « la Biennale de Venise veut préciser que tous les pays reconnus par la République italienne peuvent de façon autonome demander à y participer officiellement. Par conséquent, la Biennale de Venise ne peut prendre en considération aucune pétition visant à exclure Israël ou l’Iran » tandis que le ministre de la Culture italien a fermement condamné une lettre « inacceptable » et « honteuse ».
Cette pétition ne faisant qu’utiliser l’art pour promouvoir une idéologie militante, propice à infuser l’antisémitisme, elle semble être le reflet de la dérive actuelle de l’art contemporain vers le sectarisme et l’intolérance, creusant de manière binaire le camp du bien et le camp du mal. Et tout ceci, sous couvert d’humanisme et de bien-pensance.
UN DOCU SUR ARTE DE L’INTERPRÈTE DE LAURA LE FILM D’OTTO PREMINGER, FILM PROJETÉ POUR MES PROCHES ET AMIS LORS LA NAISSANCE DE MA FILLE AU MÊME PRENOM.
“L’athée que je suis préfère en effet la soutane au costume en tergal gris, la liturgie latine au tutoiement de Dieu, l’oraison tournée vers l’orient avec le prêtre en intermédiaire au baiser de la paix qu’on doit faire à son voisin mal lavé”
C’est dans la cour de la maison que se trouve le récipient. Une construction de briques, cylindrique, à peu près un mètre de hauteur, recouverte d’une sorte de ciment gris, forcément sale. Sur le dessus, un couvercle amovible en ferraille, peut-être du laiton.
C’est là que le rabbin jette la volaille après lui avoir strictement tailladé le cou, par une lame de rasoir ficelée à un manche d’un bois rugueux. Le religieux repose le couvercle et dit au petit garçon d’attendre. Lui est debout et tend l’oreille. Le poulet se débat encore. Puis plus aucun bruit. Il n’ose avertir le rabbin qui est entré dans sa maison.
La chaleur est étouffante. Les météorologues parisiens ont évoqué à la radio un été « douloureux » pour les nord-africains. Le mot l’a enchanté. Il s’assied sous l’arbre. Le rabbin doit être debout, au milieu d’une chambre, volets baissés, à psalmodier une prière. Puis, en pouffant de rire, il l’imagine, caressant les jambes d’une jeune domestique alors que son épouse dort dans la chambre à côté. Il exagère. Pas moins de vingt minutes à attendre. Mais peu importe, tous savent qu’il est chez le rabbin. Le village est sûr et les enfants libres. Le rabbin est revenu, a soulevé le couvercle, s’est emparé du volatile, l’a essuyé, lui a ligoté les pattes avant de le tendre au garçon qui lui sert la monnaie. Toujours deux pièces.
Le poulet est désormais dans un couffin, chaud et parfaitement mort. La tante le pose sur la table de la cuisine. Lui est debout, les bras croisés. Elle lui caresse les cheveux. Il sourit. Elle lui rappelle que le lendemain, c’est un jour de boulanger. Il doit venir vers 10 heures. La pâte aura levé. Les poulets tués par le rabbin et les pains à cuire dans le petit four du boulanger.
C’était l’enfer, lui a dit un jour la femme. La Mort et le Feu.
Osava est décédé le 6 février.ARTE lui rend hommage en nous offrant la 7ème de BEETHOVEN dirigé par lui. J’avais écrit, il y a longtemps, stupéfait par son sens de la transmission, que j’aurais aimé être Osawa. Paix à son âme.
EXTRAIT ARTE :
Pour rendre hommage au chef d’orchestre japonais Seiji Ozawa, décédé le 6 février 2024, ARTE Concert vous propose de redécouvrir son concert avec le Saito Kinen Orchestra. Le maestro dirigeait alors la Symphonie n° 7 en la majeur de Beethoven, célèbre pour son Allegretto et considérée par Richard Wagner comme une “apothéose de la danse”.
Le chef japonais Seiji Ozawa a consacré une partie de sa carrière à la transmission. En 1984, il réunit ainsi de talentueux étudiants musiciens pour un hommage à son maître vénéré, le maestro et violoncelliste Hideo Saito, disparu dix ans plus tôt. Ce concert a donné naissance au Saito Kinen Orchestra puis, en 1992, à un rendez-vous dédié à la musique orchestrale et à l’opéra, le Saito Kinen Festival Matsumoto, rebaptisé depuis Seiji Ozawa Matsumoto Festival. Le chef dirige ici la Septième symphonie de Beethoven dans le cadre de l’édition 2016 de la manifestation.
Filmé en 2016 au Seiji Ozawa Matsumoto Festival, Japon.
Certains, parmi ceux qui ont découvert la nouvelle page du site construite autour de 4 vidéos de vagues d’océans m’en ont demandé encore. Il parait qu’on peut rester sur l’une de ces vidéos et réfléchir ou méditer ou encore écouter avec un support “merveilleux” de la musique. Moi, je ne crois pas, on peut parfaitement penser sans se balancer et sans musique. On peut aussi, très simplement, regarder une image ou une vidéo, pour le plaisir intrinsèque du regard. Les voici :
On vient de me faire remarquer que, dans mes billets récents, j’avais employé 3 mots que la lectrice ne connaissait pas. Elle voulait savoir qui avait employé ces néologismes. Il s’agit de :
– wokobobisme
– soupe wokobobo
– antisionémites
– les zéros sociaux
Je n’ai pu que répondre qu’ils étaient venus, subrepticement, comme des djinns, dans la foulée, sous ma plume. Que, partant, il n’étaient que de moi. Qu’on me pardonne.
PS. L’antisionémitisme se répand dans la sphère des zéros sociaux, biberonnés, nourrris à la soupe wokobobo.
PS2. Le wokobobisme, maladie concomitante est, désormais une pandémie dont on combat le virus désormais identifié, même si un autre, “l’islamowok“, redoutable, venant de territoires perdus, le concurrence.
Ce n’est pas notre tasse de thé d’aller voir du côté des “people”. Mais le cas Waters est un cas. Son antisémitisme ne faiblit pas.
Dans la famille Pink Floyd, il y a Roger Waters, l’un de ses membres fondateurs, lequel, vieux et très attaqué par les substances nocives non digérées, s’en prend violemment au monde entier et d’abord à Israel, qui constitue pour tous les complotistes et les nazillons, le monde entier.
Il vient de s’en prendre au chanteur de U2, Bono. Il n’aurait pas supporté l’hommage de l’artiste irlandais aux victimes israéliennes des terroristes du Hamas.
Le membre fondateur des Pink Floyd vient d’accorder un entretien à Al-Jazira, en qualifiant l’hommage de Bono « d’écœurant » et le chanteur de U2 de « sombre merde ».
Il a ajouté « Nous devons dire à ces gens que leur opinion est tellement dégueulasse et dégradante… Être solidaire de l’entité sioniste… Ce qu’il a fait, il y a quelques semaines au Sphere à Las Vegas, chanter à propos des Étoiles de David, c’était l’une des choses les plus écœurantes que j’ai vues de ma vie »
Bono avait dédié son tube « Pride (In The Name Of Love) » aux « Étoiles de David » à qui on a « pris leur vie, mais pas leur fierté tôt le matin du 7 octobre ». Ce titre de U2 est, à l’origine, un hommage à Martin Luther King et son combat pacifique pour les droits civiques.
Très remonté, Waters a proposé de « l‘attraper par les chevilles et le secouer jusqu’à ce qu’il arrête d’être une sombre merde », voir la vidéo
Waters ne fait que continuer après son soutien depuis plus de 20 ans à la campagne de boycott d’Israël, en soutien aux Palestiniens. On peut aller voir en ligne sa scénographie “rouge et noir” fasciste qui aurait pour but , évidemment de lutter contre le fascisme.
En cause, la scénographie voulue par Roger Waters, notamment pour son concert prévu en Allemagne en mai dernier. Il est apparu vêtu d’un trench-coat noir, affublé d’un swastika et d’un brassard rouge. Le décor, lui aussi, était noir et rouge.
On colle la vidéo de Waters, dont l’on rappelle que déjà lors d’un concert à Berlin, il a été “sous enquête” pour incitation à la haine.
Le temps d’antenne si l’on en croit le Conseil d’Etat, dans son arrêt CNEWS devrait être, réparti, de manière équilibrée, entre les diverses forces politiques, si l’on veut bénéficier des ondes hertziennes accordées, dans le cadre de la TNT, par le Gouvernement (étant précisé que ce mode de diffusion, remplacé par la Box est devenu obsolète, ce qui devrait rendre périphérique tout débat)
Cependant, il existe un temps d’antenne qui devrait être analysé : celui du temps perdu.
L’insomnie aidant, le replay efficace, j’ai pu, depuis quelques jours, être assommé par ces centaines d’heures consacrées par nos journalistes (LCI obsessionnelle) aux manigances des autorités russes pour ne pas donner à voir ou à analyser physiquement un corps et surtout à ne pas enterrer, dignement, l’opposant Navalny, décédé dans une colonie pénitentiaire pour y purger 19 ans d’emprisonnement, pour délit d’opinion.
Des heures et des heures de débats, de « spécialistes » de généraux, de politologues d’opposants, de mères de filles, de géopoliticiens, d’éditorialistes extraordinaires, pour nous expliquer que le corps ne serait jamais rendu.
J’avais dit et écrit qu’on était peut-être dans le délire et qu’il fallait “raison” garder. Sauf à rechercher la guerre qu’on n’a pas connue.
Je viens à l’instant de lire cette dépêche :
L’opposant russe est mort le 16 février dans la colonie pénitentiaire où il était incarcéré. Réclamée par ses proches, la dépouille d’Alexeï Navalnyétait alors au centre de multiples tensionsdepuis plus d’une semaine. La porte-parole de l’opposant russe a aujourd’hui déclaré à l’AFP que le corps d’Alexeï Navalny avait été remis à sa mère, précisant ne pas savoir dans quelles conditions des funérailles seraient autorisées.
On va maintenant, tout notre Dimanche, s’interroger sur les conditions d’autorisation des funérailles.
PS. Je viens de jeter un œil sur LCI, décidément dans l’obsession maladive sur Poutine qui invite les mêmes éditorialistes qui nous expliquent que Poutine s’est effondré devant les médias Occidentaux et leur pugnacité, en rendant le corps. On rêve. Qui peut dire qu’il faut arrêter de dire des âneries de va-t-en guerre ? Qui ? Il nous manque un Pompidou.
La panthéonisation de Manouchian aurait été “souillée” par la présence du R.N. C’est Télérama, qui le dit. Cette revue devient hargneuse et adolescente et ferait mieux de (bien) critiquer les oeuvres culturelles ou télévisuelles plutôt que de lancer sa hargne à tous vents en tentant d’imiter, dans sa posture désormais mélenchoniste ou presque, son grand frère du même Groupe de presse (“Le Monde”). On rappelle que ce “Groupe ” est composé de l’Obs, de Télérama, du Monde diplomatique, de Huffington Post, Courrier International et de la Vie catholique, ce dernier journal étant le plus lisible, le plus respectable, le moins ancré dans le wokobobisme.
C’est vraiment dommage. Le Monde était notre journal qu’on s’empressait d’acheter au kiosque, à exactement 13:10, celui de la Place de la Sorbonne. Nous étions, par ailleurs, fiers de Télérama qui tranchait avec les Télé 7 jours et autres Télépoche.
Ces deux organes de presse, à notre grand désespoir, sont donc devenus des antisionémites, donneurs de leçon “genrée”, en troquant leurs cravates et leur nuque raide contre des tee-shirts sales, cou baissé pour masquer des yeux spécieux.
Sans le RN et Cnews, leurs proies qui ne veulent être abattues, ces deux journaux ne sauraient quoi écrire.
Ils sont tous les deux excellents dès qu’il s’agit de culture du fait, en principe, de sa fonction unificatrice. Cependant, là encore, l’idéologie criarde (il y a toujours de l’idéologie dans la culture, mais elle s’estompe et ne devrait être criarde) est de mise. Telle pièce de théâtre est trop filiforme et “blanche”, telle série est trop masculine, tel film ne revient pas assez sur l’emprise mâle et coloniale.
Dommage encore, car c’est là qu’on vient lire les critiques de films et de séries et pas ailleurs, peut-être un peu dans le Figaro qui devient neutre et n’insulte pas le blanc.
On revient à Manouchian. C’est donc dans cette ambiance délétère que notre chef d’Etat s’est invité au Parti Communiste dont Manouchian était un adhérent, en considérant, qu’eu égard à leur passé, le RN aurait été bien “inspiré” de ne pas assister à la cérémonie du Panthéon.
Encore le RN, encore la désunion, encore l’adolescence.
Cette posture est démoniaque, extraordinaire pour un Chef d’Etat.. On ne peut exclure dans un hommage national 40% de la population française, dont les dirigeants n’étaient pas nés à l’époque du nazisme. Même J.M Le Pen n’avait que 16 ans.
Le chef de l’Etat est désormais “téleramé” et le groupe de presse qui caressait les cuisses de l’autre Jupiter (Melenchon le fou) commence à l’épargner, la gauche mélenchoniste devenant infréquentable, pour les lecteurs des beaux quartiers ou ceux de lagauche historique. Elle devient, au surplus, composée, pour partie grandissante, d’une population immigrée de troisième génération qui ne lit ni le Monde, ni Télérama.
La hargne de ce groupe de presse, donneur de leçons catholico -wokistes est consternante. Le Conseil d’Etat devrait demander à un organisme de les calmer, notamment dans leur antisémitisme larvé, sous la toile de l’antisionisme, mâtiné de “bobowok”.
A vrai dire le vrai sujet, s’agissant de Manouchian se situe dans l’emprise du parti qui se l’arroge et que le chef de l’Etat va visiter pour un “grand entretien” : le Parti communiste.
Sans vouloir dénigrer, entrer dans la même hargne, on se doit de rappeler que les communistes ont deux casques de guerre, deux casquettes populaires : parti des 75000 fusillés dit-on d’une part mais parti collabo jusqu’en 1941 d’autre part, leur patrie idéologique (l’URSS) ayant pendant une certaine période, jusqu’en 1941, pactisé avec Hitler (le pacte germano-soviétique)
Ils ont donc évité de froisser le cocontractant de l’Allemagne nazie en entrant en résistance, au garde-à-vous devant la mère soviétique qui avait enfanté le petit père des peuples (Staline)
Certes, le PCF n’a pas collaboré. «Le PCF a été prisonnier du pacte germano-soviétique. Il s’est donc abstenu de résister contre les Allemands jusqu’au printemps 1941»,mais cela ne signifie pas qu’il a collaboré, en se mettant par exemple au service du Reich, explique Olivier Wieviorka, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
Il faut donc éviter l’insulte. Il ne faut cependant pas pérorer du côté du siège du Parti, s’agissant de Manouchian “français de préférence”
Tout ceci n’autorise pas, en tous cas à diviser une nation, à vilipender un parti (le RN) dont les ancêtres idéologiques ont peut-être accompagné le nazisme, avant qu’il ne se crée, ancêtres qui n’ont rien à envier dans l’ignominie à ceux du Parti communiste d’URSS, le plus grand assassin de population de tous les temps, dépassant le meme Parti chinois dans sa révolution culturelle et les khmers rouges.
L’Humanité devrait faire preuve de modestie dans la leçon.
Il faudra bien, en réalité , q’un jour, la colère, la hargne,l’insulte, le mépris s’éloignent du politique.
Notre chef d’Etat vient d’effacer des millions d’électeurs de la population française, au grand bonheur de petits journalistes et de communistes assez peu représentatifs.
Dommage, encore.
PS. Je n’ai absolument aucun lien avec le RN, parti comme un autre avec ses tics et ses tocs. Je défends simplement “l’arc démocratique”. La France a un seul peuple d’électeurs.
Le travestissement de l’histoire et la soupe wokobobo nous entraînent dans la vilaine idiotie.
Mémoires d’Hadrien”, de Marguerite Yourcenar, un génie du verbe et de la vie, ce qui revient au même.
Je me demande toujours lorsque je relis ses mots où elle est allée chercher ce sens de leur agencement. Sûrement pas sur terre.
Après Hadrien, allez-voir du côté de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle que Marguerite Yourcenar, conteuse surréelle des destins nous donne à lire dans “l’oeuvre au Noir”, destin entre deux temps,
Mais je reviens aux “mémoires”. S’il y a un livre à lire, avec attention, c’est bien celui-ci. ll ne fait pas qu’accompagner des derniers moments d’une vie, des mourants, pour être rapide, même s’il s’agit de notes sur une vie remplie avant la mort annoncée.
Il est vrai que les dernières forces sont peut-être insuffisantes pour l’apprécier pleinement et qu’il vaut mieux le lire vaillant et plein d’aplomb, lorsque la mort ne rôde pas, n’est pas devenue une voisine.
PODCAST
Je donne un excellent podcast, belle voix, de Radio France, tiré de l’émission “ça peut pas faire de mal”. France Inter, une radio qui, dans ses podcasts, se rattrape de ses fariboles wokistes qui égrènent ses mauvaises émissions animées, en majorité par des obsessionnels médiocres de la recherche des haines. C’est dit.
PS; J’ai failli écrire quelques lignes sur le titre du podcast qui oublie volontairement le “ne” pour se planter, entre les cours de récré et le bar de province. La facilité est trop facile. Surtout chez France Inter. Donc, je me suis “retenu” dans cette digression.
JE COLLE AUSSI LE LIEN WIKI POUR CEUX QUI AIMENT EN SAVOIR PLUS
Enfin, Je donne quelques pages parmi les premières. Et comme je surligneurs toujours lorsque je lis du papier (rare), un crayon à la main, même pour un roman et surligne les pages numériques, je laisse mon surlignage.
Et j’avoue que la raison reste confondue en présence du prodige même de l’amour, de l’étrange obsession qui fait que cette même chair dont nous nous soucions si peu quand elle compose notre propre corps, nous inquiétant seulement de la laver, de la nourrir, et, s’il se peut, de l’empêcher de souffrir, puisse nous inspirer une telle passion de caresses simplement parce qu’elle est animée par une individualité différente de la nôtre, et parce qu’elle présente certains linéaments de beauté, sur lesquels, d’ailleurs, les meilleurs juges ne s’accordent pas. Ici, la logique humaine reste en deçà, comme dans les révélations des Mystères. La tradition populaire ne s’y est pas trompée, qui a toujours vu dans l’amour une forme d’initiation, l’un des points de rencontre du secret et du sacré. L’expérience sensuelle se compare encore aux Mystères en ce que la première approche fait au non-initié l’effet d’un rite plus ou moins effrayant, scandaleusement éloigné des fonctions familières du sommeil, du boire, et du manger, objet de plaisanterie, de honte, ou de terreur. Tout autant que la danse des Ménades ou le délire des Corybantes, notre amour nous entraîne dans un univers différent, où il nous est, en d’autres temps, interdit d’accéder, et où nous cessons de nous orienter dès que l’ardeur s’éteint ou que la jouissance se dénoue. Cloué au corps aimé comme un crucifié à sa croix, j’ai appris sur la vie quelques secrets qui déjà s’émoussent dans mon souvenir, par l’effet de la même loi qui veut que le convalescent, guéri, cesse de se retrouver dans les vérités mystérieuses de son mal, que le prisonnier relâché oublie la torture, ou le triomphateur dégrisé la gloire. J‘ai rêvé parfois d’élaborer un système de connaissance humaine basé sur l’érotique, une théorie du contact, où le mystère et la dignité d’autrui consisteraient précisément à offrir au Moi ce point d’appui d’un autre monde. La volupté serait dans cette philosophie une forme plus complète, mais aussi plus spécialisée, de cette approche de l’Autre, une technique de plus mise au service de la connaissance de ce qui n’est pas nous. Dans les rencontres les moins sensuelles, c’est encore dans le contact que l’émotion s’achève ou prend naissance : la main un peu répugnante de cette vieille qui me présente un placet, le front moite de mon père à l’agonie, la plaie lavée d’un blessé. Même les rapports les plus intellectuels ou les plus neutres ont lieu à travers ce système de signaux du corps : le regard soudain éclairci du tribun auquel on explique une manœuvre au matin d’une bataille, le salut impersonnel d’un subalterne que notre passage fige en une attitude d’obéissance, le coup d’œil amical de l’esclave que je remercie parce qu’il m’apporte un plateau, ou, devant le camée grec qu’on lui offre, la moue appréciatrice d’un vieil ami. Avec la plupart des êtres, les plus légers, les plus superficiels de ces contacts suffisent à notre envie, ou même l’excèdent déjà. Qu’ils insistent, se multiplient autour d’une créature unique jusqu’à la cerner tout entière ; que chaque parcelle d’un corps se charge pour nous d’autant de significations bouleversantes que les traits d’un visage ; qu’un seul être, au lieu de nous inspirer tout au plus de l’irritation, du plaisir, ou de l’ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème ; qu’il passe de la périphérie de notre univers à son centre, nous devienne enfin plus indispensable que nous-mêmes, et l’étonnant prodige a lieu, où je vois bien davantage un envahissement de la chair par l’esprit qu’un simple jeu de la chair. De telles vues sur l’amour pourraient mener à une carrière de séducteur. Si je ne l’ai pas remplie, c’est sans doute que j’ai fait autre chose, sinon mieux. A défaut de génie, une pareille carrière demande des soins, et même des stratagèmes, pour lesquels je me sentais peu fait. Ces pièges dressés, toujours les mêmes, cette routine bornée à de perpétuelles approches, limitée par la conquête même, m’ont lassé. La technique du grand séducteur exige dans le passage d’un objet à un autre une facilité, une indifférence, que je n’ai pas à l’égard d’eux : de toute façon, ils m’ont quitté plus que je ne les quittais ; je n’ai jamais compris qu’on se rassasiât d’un être. L’envie de dénombrer exactement les richesses que chaque nouvel amour nous apporte, de le regarder changer, peut-être de le regarder vieillir, s’accorde mal avec la multiplicité des conquêtes. J’ai cru jadis qu’un certain goût de la beauté me tiendrait lieu de vertu, saurait m’immuniser contre les sollicitations trop grossières. Mais je me trompais. L‘amateur de beauté finit par la retrouver partout, filon d’or dans les plus ignobles veines ; par éprouver, à manier ces chefs-d’œuvre fragmentaires, salis, ou brisés, un plaisir de connaisseur seul à collectionner des poteries crues vulgaires. Un obstacle plus sérieux, pour un homme de goût, est une position d’éminence dans les affaires humaines, avec ce que la puissance presque absolue comporte de risques d’adulation ou de mensonge. L’idée qu’un être, si peu que ce soit, se contrefait en ma présence, est capable de me le faire plaindre, mépriser, ou haïr. J’ai souffert de ces inconvénients de ma fortune comme un homme pauvre de ceux de sa misère. Un pas de plus, et j’aurais accepté la fiction qui consiste à prétendre qu’on séduit, quand on sait qu’on s’impose. Mais l’écœurement, ou la sottise peut-être, risquent de commencer là. On finirait par préférer aux stratagèmes éventés de la séduction les vérités toutes simples de la débauche, si là aussi ne régnait le mensonge. En principe, je suis prêt à admettre que la prostitution soit un art comme le massage ou la coiffure, mais j’ai déjà peine à me plaire chez les barbiers et les masseurs. Rien de plus grossier que nos complices. Le coup d’œil oblique du patron de taverne qui me réserve le meilleur vin, et par conséquent en prive quelqu’un d’autre, suffisait déjà, aux jours de ma jeunesse, à me dégoûter des amusements de Rome. Il me déplaît qu’une créature croie pouvoir escompter mon désir, le prévoir, mécaniquement s’adapter à ce qu’elle suppose mon choix. Ce reflet imbécile et déformé de moi-même que m’offre à ces moments une cervelle humaine me ferait préférer les tristes effets de l’ascétisme. Si la légende n’exagère rien des outrances de Néron, des recherches savantes de Tibère, il a fallu à ces grands consommateurs de délice des sens bien inertes pour se mettre en frais d’un appareil si compliqué, et un singulier dédain des hommes pour souffrir ainsi qu’on se moquât ou qu’on profitât d’eux. Et cependant, si j’ai à peu près renoncé à ces formes par trop machinales du plaisir, ou ne m’y suis pas enfoncé trop avant, je le dois plutôt à ma chance qu’à une vertu incapable de résister à rien. J’y pourrais retomber en vieillissant, comme dans n’importe quelle espèce de confusion ou de fatigue. La maladie et la mort relativement prochaine me sauveront de la répétition monotone des mêmes gestes, pareille à l’ânonnement d’une leçon trop sue par cœur. De tous les bonheurs qui lentement m’abandonnent, le sommeil est l’un des plus précieux, des plus communs aussi. Un homme qui dort peu et mal, appuyé sur de nombreux coussins, médite tout à loisir sur cette particulière volupté. J’accorde que le sommeil le plus parfait reste presque nécessairement une annexe de l’amour : repos réfléchi, reflété dans deux corps. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est le mystère spécifique du sommeil goûté pour lui-même, l’inévitable plongée hasardée chaque soir par l’homme nu, seul, et désarmé, dans un océan où tout change, les couleurs, les densités, le rythme même du souffle, et où nous rencontrons les morts. Ce qui nous rassure du sommeil, c’est qu’on en sort, et qu’on en sort inchangé, puisqu’une interdiction bizarre nous empêche de rapporter avec nous l’exact résidu de nos songes. Ce qui nous rassure aussi, c’est qu’il guérit de la fatigue, mais il nous en guérit, temporairement, par le plus radical des procédés, en s’arrangeant pour que nous ne soyons plus. Là, comme ailleurs, le plaisir et l’art consistent à s’abandonner consciemment à cette bienheureuse inconscience, à accepter d’être subtilement plus faible, plus lourd, plus léger, et plus confus que soi. Je reviendrai plus tard sur le peuple étonnant des songes. Je préfère parler de certaines expériences de sommeil pur, de pur réveil, qui confinent à la mort et à la résurrection. Je tâche de ressaisir la précise sensation de tels sommeils foudroyants de l’adolescence, où l’on s’endormait sur ses livres, tout habillé, transporté d’un seul coup hors de la mathématique et du droit à l’intérieur d’un sommeil solide et plein, si rempli d’énergie inemployée qu’on y goûtait, pour ainsi dire, le pur sens de l’être à travers les paupières fermées. J’évoque les brusques sommeils sur la terre nue, dans la forêt, après de fatigantes journées de chasse ; l’aboi des chiens m’éveillait, ou leurs pattes dressées sur ma poitrine. Si totale était l’éclipse, que j’aurais pu chaque fois me retrouver autre, et je m’étonnais, ou parfois m’attristais, du strict agencement qui me ramenait de si loin dans cet étroit canton d’humanité qu’est moi-même. Qu’étaient ces particularités auxquelles nous tenons le plus, puisqu’elles comptaient si peu pour le libre dormeur, et que, pour une seconde, avant de rentrer à regret dans la peau d’Hadrien, je parvenais à savourer à peu près consciemment cet homme vide, cette existence sans passé ? D’autre part, la maladie, l’âge, ont aussi leurs prodiges, et reçoivent du sommeil d’autres formes de bénédiction. Il y a environ un an, après une journée singulièrement accablante, à Rome, j’ai connu un de ces répits où l’épuisement des forces opérait les mêmes miracles, ou plutôt d’autres miracles, que les réserves inépuisées d’autrefois. Je ne vais plus que rarement en ville ; je tâche d’y accomplir le plus possible. La journée avait été désagréablement encombrée : une séance au Sénat avait été suivie par une séance au tribunal, et par une discussion interminable avec l’un des questeurs ; puis, par une cérémonie religieuse qu’on ne peut abréger, et sur laquelle la pluie tombait. J’avais moi-même rapproché, collé ensemble toutes ces activités différentes, pour laisser le moins de temps possible, entre elles, aux importunités et aux flatteries
Soit ils sont d’accord pour rigoler dans la recré, sans dommages, soit on commence à avoir peur pour nos enfants devant des trublions, les 3 en campagne.
Biden à donc traité Poutine de “son of bitch” (fils de pute) et ” salaud cinglé”.
Poutine, lui, envoie le signal et pérore aux commandes d’un bombardier Tupolev nucléaire dernier cri…
Et Macron,dernier petit scout en guerre, change lui aussi de posture pour se caler dans l’insulte et l’embrassade ukrainienne assez chère. Insultant aussi Poutine.
Il faut siffler la fin.
Qui pour le faire ?
Sûrement pas les journalistes qui s’en donnent à cœur joie et attisent les braises, sous prétexte de morale, relative pour d’autres pays.
Il devient évident que ces dirigeants finiront par se déséquilibrer dans leur jeux, leurs joutes. Et tomberont de haut sur nous tous.
LCI, La chaine d’information du groupe TF1 est assez remarquable par la qualité de ses animateurs et de ses émissions. Elle est devenue, en réalité une chaine se concentrant, assez obsessionnellement sur la géopolitique et devrait changer de nom.
Lorsque l’on atterrit sur la chaine, il est très rare de ne pas tomber sur un débat, un sujet sur l’Ukraine et la Russie. Et, évidemment, en ce moment sur Navalny, opposant russe, mort dans une colonie pénitentiaire après avoir été condamné à 19 ans de prison pour délit de contestation et d’opinion.
Évidemment, sa ligne éditoriale est assurément européenne, antirusse, ce qui, en soi, n’est pas choquant en Europe occidentale mais qui peut inquiéter tant la critique confine quelquefois à l’éructation et la compulsion.
Puis, on l’avoue, on est assez dubitatif sur les reportages et les images qui nous sont données en boucle sur les centaines, peut-être les dizaines de manifestants qui viennent poser des fleurs en l’hommage de Navalny ou qui par milliers ici peuvent manifester contre la guerre en Ukraine. On n’est pas certain de l’image. Et la chose est plus complexe, s’agissant d’opposition en Russie. Justement, du fait du régime.
Par ailleurs, on l’a écrit dans un autre billet, l’invasion russe est inacceptable mais ce n’est pas une raison pour en faire un Sarajevo, déclencheur de guerre et génératrice de période de peur potentiellement nucléaire. La raison doit être convoquée.
Ce soir, très attentivement, j’ai regardé l’émission « un œil sur le monde » animée par Amélie Carrouër, excellente, dont on ne possède pas les mots pour vanter l’intelligence et la justesse d’analyse.
Elle recevait Alexander Makogonov, jeune diplomate, porte-parole de l’Ambassade russe à Paris. Il était bien sûr question de l’Ukraine et de Navalny.
Elle était dans une pugnacité rare, sans lâcher le morceau, comme on disait, mais dans la maitrise certaine du sujet.
On est assez fier de l’existence de telles journalistes qui nous réconcilie avec l’intelligence.
Mais, on l’avoue, ce diplomate russe, Alexander Bakogonov donc, qui aurait pu s’énerver, a répondu en provoquant l’admiration. Poussé dans ses retranchements, il ne s’est jamais enterré. Et pourtant défendre la Russie contre mille articles par jour qui l’assassinent, est assez difficile.
On ne peut que rendre hommage à sa résistance et son talent. On ne veut entrer dans le fond des débats ici. Juste souligner les talents. De tous bords.
Léon Ashkenazi (Manitou) dans sa dernière apparition. Conférence féerique sur la notion de création dans la Cabale. Pas de difficulté si on plonge, décomplexé. C’est ce qu’on disait à nos enfants. Le lecteur de la prétendue difficulté est comme un enfant, fort de sa force. Rien n’est difficile si on aborde, naïf et confiant. On peut relire ou, mieux passer lorsqu’on ne comprend pas. On atterrit toujours, le penseur ou le narrateur ayant besoin lui-même de se comprendre et, des lors, donne et redonne jusqu’au mot juste qui éclaire le sujet. Je le dis toujours : plus le texte est difficile, plus l’écrivant tente de le comprendre lui-même et dans la répétition arrive à le clarifier
Je donne donc le texte de la conférence qui m’a été réclamée “lisible”, alors qu’elle est disponible facilement en ligne, notamment sur le site d’AKadem ou Toutmanitou, qu’il suffit de bien formater. En réalité, la fainéantise, camouflée derrière une nullité numérique a beau jeu pour me contraindre à envoyer.
Je ne livre pas mon commentaire, inutile. Je l’insérerai un jour de bonne humeur, quand je serai persuadé qu’on peut en retenir un mot.
Bonne plongée !
PS. On retiendra autre chose, dans la lecture assidue, que le trait d’humour final selon lequel “Les Juifs ce n’est pas tellement des hommes qui croient en Dieu, mais des hommes en qui Dieu a cru“
LE FICHIER SOUS FORMAT PDF (a ouvrir ou a télécharger en 2 secondes par le lien plus bas)
POUR LES ADEPTES DU FORMAT “EPUB” (comme moi) : lecture sur phone (“ouvrir dans livres sur iPhone ou sur lecteur EPUB sur Android), plus confortable que le PDF). Sur Android, télécharger gratuitement “Moonreader”
L’érotisme qui se dégage des tableaux de femmes de Fragonard passe, assurément par la nonchalance du sujet ou son œil espiègle, la femme absolument sûre du moment futur qui ne peut être que désir, toujours conforté par des joues roses qui n’attendent que rougir.
Un week-end à Amsterdam. L’expo du peintre Franz Hals nous y convie Partants ?Au Rijksmuseum. Rdv vous en bas de chez moi.
Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.
CI-DESSOUS 2 TABLEAUX CÉLÈBRES, UNE PRÉSENTATION DU PEINTRE PAR FRANCE 4, LE PAPIER DU FIGARO SUR L’EXPO
Présentation
Exposition à Asterdam. Texte du Figaro date du 19 février
Frans Hals, ivresse et autorité de la peinture
Après Rembrandt et Vermeer, le Rijksmuseum, à Amsterdam, rend hommage au maître portraitiste de Haarlem, roi des banquets bien arrosés et serviteur des guildes commerçantes du Siècle d’or. Un régal.
ERIC BIÉTRY-RIVIERRE
À votre santé ! Nous lancent, le verre tendu, les modèles du Joyeux Buveur, de l’Enfant rieur ou du Joyeux Joueur de Luth, de Frans Hals (vers 1583-1666). Ce maître portraitiste du Siècle d’or hollandais, né à Anvers, mais qui a vécu et travaillé à Haarlem, a les honneurs du Rijksmuseum, à Amsterdam, après avoir triomphé à la National Gallery, à Londres (plus de 92 000 visiteurs payants en moins de quatre mois) et avant la Gemäldegalerie, à Berlin.
Sa société de bons vivants, joues rubicondes, yeux allumés et sourires qui vont parfois jusqu’au rire, fait plaisir à voir. Haarlem, par la rivière Spaarne, est connectée à la mer du Nord. Elle fut donc dès l’origine une cité d’armateurs, de manufacturiers du textile, de commerçants au long cours… et de brasseurs (150 au Moyen Âge, 50 dans la première moitié du XVIIe siècle). D’où, aux murs du Rijksmuseum, ces petits pêcheurs et ces gros buveurs, ces chopes, verres ou flûtes, ces satins et ces damas. Mais aussi, dans ce parcours qui rassemble la cinquantaine de portraits jugés les plus vivants parmi les 200 certifiés du maître, mêlés à ces types fantaisistes de bambocheurs, d’autres portraits, de groupes ou individuels, qui présentent ceux-là, parfois avec les mêmes traits, des notables affichant leur puissance et leur sérieux.
Ces hommes et ces femmes qui transformaient la jeune République néerlandaise en une puissance mondiale savaient donc se détendre entre deux coups boursiers, expéditions hasardeuses ou grands travaux sur les polders. En dépit de ce que connotent leurs austères habits noirs, le travail n’excluait pas les plaisirs sensuels. Certains jeunes couples figurés ensemble dans quelque cadre champêtre (tels Abrahamsz et la bien nommée Beatrix Massa) ont des attitudes si naturelles, expriment un tel contentement, qu’un Van Gogh trouvait qu’ils avaient l’air d’avoir été peints « après leur première nuit de mariage ».
Ce qui est sûr, c’est que d’heureuses retrouvailles se fêtent ici : venu du Los Angeles County Museum of Art, Pieter Tjarck tient nonchalamment la rose destinée à sa fraîche épouse, Maria Larp (autre effigie venue de Londres celle-là). Est également présent le Portrait d’un homme tenant un crâne (Birmingham) installé en pendant de celui de sa femme (collection du duc de Devonshire à Chatsworth House) ; une analyse récente ayant prouvé qu’il s’agissait à l’origine de panneaux assortis.
Voilà donc, côté hommes, une ribambelle de fières moustaches hérissées sous chapeaux en poil de castor (un produit venu de la rivière Hudson, embarqué depuis New York et ses quais de Harlem). Et, côté dames, tant chez les jeunes que pour les matrones, des bonnets de fines dentelles surmontant les omniprésentes fraises amidonnées et les mêmes étoffes de satin impeccablement repassées. Au reste, que de coquetteries sourdent de cette mode du noir confisquée à l’ennemi espagnol ! Un Manet, époustouflé, comptait vingt-quatre nuances dans les tableaux, tel le Portrait de Michiel de Wael (Cincinnati), modèle du genre.
Manet n’était pas le premier à tenir Hals dans la même estime que celle d’un Vélasquez, à reprendre son coup de pinceau très libre et ses arrière-plans indéfinis gris ou blonds. Courbet, par exemple, a aimé cette vérité tant formelle que psychologique, et pareillement la vivacité des portraits de groupes. Ces qualités infuseront jusque dans son célèbre Enterrement à Ornans (Musée d’Orsay). Comme son ami Whistler et, par la suite, le portraitiste mondain américano-européen Sargent, le Belge Ensor ou l’Allemand Liebermann, nombre d’autres peintres, qu’ils aient été impressionnistes ou expressionnistes, ont rendu grâce à celui qu’ils considéraient comme leur aîné en modernité. Ce génie nordique avait été redécouvert dans les années 1850-1860 par celui qui a également tiré Vermeer de l’oubli : Théophile Thoré-Bürger.
Attrait pour le peuple
Ce critique était un militant républicain. S’il chérissait la Hollande, c’est parce qu’elle « avait eu le courage de secouer tout joug religieux et politique, se sentant plus à l’aise qu’aucun autre peuple ». En conséquence, selon cet intellectuel, elle avait enfanté l’école de peinture « la plus libérée, la plus originale, la plus variée, la plus révolutionnaire, la plus naturelle et la plus humaine à la fois ». Et elle était encore définie comme « la plus dégagée du passé, qui adhère le plus à la nature, et qui par là signale le mieux une des tendances de l’art à venir »(Salon de 1861. De l’avenir de l’art).
Ainsi les modernes allaient s’abreuver à cette source. Pour Van Gogh, qui a littéralement aspiré la tonalité jaune du Joyeux Buveur et appréciait la fibre sociale de Hals, ce dernier « vaut autant que les Michel-Ange, les Raphaël et même les Grecs ». Au Rijksmuseum, devant le porte-étendard, flamboyant milicien se pavanant à l’extrême gauche de la Compagnie de milice du district XI, tout de soie nacrée sur fond de drapeau orange, il s’était arrêté longtemps : « J’ai rarement vu une figure plus divinement belle – c’est quelque chose de merveilleux. »
Pour sa part, Courbet s’était focalisé sur le portrait d’une servante édentée, simple d’esprit affublée d’une chouette et d’une cruche en étain symboles de dérèglement de tous les sens. Il a même copié avec application cette Malle Babbe, bougresse dionysiaque et populaire, qui survit toujours à Haarlem, à travers une chanson à boire régulièrement entonnée dans les estaminets. L’attrait de Hals pour le peuple se lit enfin dans le Portrait de Catharina Hooft, un bébé de bonne famille tenu par une nourrice, qui a été traitée avec autant de soin. Ou encore dans Famille dans un paysage (Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid), au milieu de laquelle un esclavon africain se demande ce qu’il fait là.
Célébré de son vivant, oublié après la défaite des Provinces-Unies envahie par les armées de Louis XIV, redécouvert par Thoré, Hals a été, à la fin du XIXe siècle, porté aux nues par les grands collectionneurs. En Angleterre, par exemple, le marquis de Hertford a accepté de payer dix fois le prix demandé pour le Cavalier riant (51 000 francs de l’époque, soit une somme astronomique, égale à la cote de Rembrandt). Depuis 1900, ce tableau est la joconde de la Wallace Collection, à Londres. Jusqu’alors il n’avait jamais quitté Manchester Square. « Par la suite, la renommée de Hals s’est estompée, sa liberté de pinceau, la vérité et la simplicité émanant de ses visages étant devenues choses communes en peinture », explique Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum.
L’actuelle réévaluation souligne la maestria d’une main qui, dans une lumière souvent blonde, sait jouer, selon les besoins ou la volonté du commanditaire, de la finesse comme de la rugosité, paraître lente ou rapide, se faire invisible, léchée, d’une précision quasi photographique, ou au contraire demeurer marquée telle une signature (une Berthe Morisot a poussé cette manière preste).
Sentiment de vie
Techniquement, Hals peignait alla prima, humide sur humide, avec cette fausse spontanéité caractéristique du virtuose accompli. On ne lui connaît strictement aucun dessin. Dès lors, vues de près ou dans les agrandissements de détails qui décorent certaines parois du parcours, ses compositions forment d’audacieux croisillons et zigzags de couleurs jetées. Ce style renforce le sentiment de vie. On admire particulièrement ces stries dans les cols blancs ou ces poignets d’où jaillit une main inachevée, ce qui rend son mouvement encore plus rapide et naturel. Quant aux carnations, ce sont celles de la vie au grand air, de la bonne chère et du houblon fermenté. Des cheveux d’or sont parfois ébouriffés par un vent du large ou le banquet en cours. Dans son portrait, Isaac Abrahamsz Massa, marchand de soie en Russie, comme le suggère une fenêtre ouverte sur une forêt de conifères, nous regarde par-dessus le dossier de sa chaise. C’était en 1626, mais il vient à peine de se retourner. Le procédé est une nouveauté.
À votre santé ? Mais le verre a été si promptement vidé qu’il faut le déjà remplir, l’ordonne, au centre d’un ballet de regards, de mains et de gestes, sous les chapeaux, fraises et torses uniformément barrés d’une écharpe orange, le capitaine Michiel de Wael. Ce brasseur, membre d’une confrérie des brasseurs, tourne son verre à l’envers et nous interpelle. À table !, entend-on encore. Car, juste derrière lui, un de ses lieutenants presse un citron au-dessus d’un plat d’huîtres. Pour la musique, la compagnie peut compter sur quelque bouffon, tel l’insolent Joueur de luth, et pour la bagatelle sur La Bohémienne, deux merveilles de joie et de tendresse venues du Louvre.
« Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.
Haarlem, cette bonbonnière XVIIe, n’est située qu’à une trentaine de kilomètres d’Amsterdam. Son riche Musée Frans Hals, plus ancienne collection publique des Pays-Bas, a prêté par dérogation exceptionnelle de la municipalité quatre de ses grands formats. Mais il lui en reste encore plusieurs, dont un portrait de groupe avec autoportrait. En tout, on y admire actuellement encore dix-sept Frans Hals. Un crochet s’impose donc, d’autant que cette ville infiniment moins fréquentée est tout aussi jolie que la capitale, sa grande rivale. On peut également, dans le chœur dans son église centrale, Saint-Bavon, se recueillir sur la tombe du peintre.
Le titre de L’Humanité interpelle : ” des gazouis” détenus ?
On lit : il s’agit de 3 gazaouis emprisonnés et relâchés après 15, 45 ou 6 jours qui n’auraient pas été bien traités mais libres, qui témoignent, sans preuves, 3 journalistes palestiniens recueillant leur propos.
La Une et l’article sont indécents. L’Humanité devient un journal indécent. C’est sa liberté. Sauf qu’elle attise, insidieusement, les haines.
Les 3 gazaouis sont libres et vivants. Ce n’est pas le cas des 1234 assassinés le 7 octobre et des 136 otages qui ne peuvent “raconter leur enfer”…
Il ne s’agit pas, ici, de clamer, dans la mouvance de Vian ou Brassens, l’horreur de la guerre. Ces mots, adolescents, presque primaires, sont trop faciles, inutiles.
Cependant, les discours d’Emmanuel Macron, de Joe Biden, des petites élites européennes, les va-t-en guerre de service, confortés par la ligne éditoriale des chaines d’informations, dont LCI, la meilleure d’entre toutes, font peur.
Tout se passe comme si, en attendant la guerre totale, on alimente sa survenance rapide.
Nul ne peut nier l’ignominie, l’inacceptabilité de l’invasion russe, le retour au stalinisme de la Russie, dominée par un homme dangereux.
Cependant, n’existe-t-il pas d’autre solution que la hargne verbale, même justifiée, à l’égard d’un homme atteint par la déraison et un pays qui cherche sa fierté ?
D’où parle donc l’Occident qui se doit d’enlacer, pour l’avoir inventée, la raison, contre ceux qui la malmènent ?
En 1914 à Sarajevo, un jeune nationaliste serbe de Bosnie assassinait François-Ferdinand d’Autriche, ce qui provoquait la Première Guerre mondiale.
L’Ukraine ne doit pas devenir Sarajevo, même s’il faut trouver les moyens de rétablir sa souveraineté. Je ne sais comment, persuadé que des milliards d’euros ou de dollars ne peuvent y contribuer. La Russie ne peut perdre cette guerre et si elle la perdait, la furie se retournerait, fatale, contre le monde global.
L’Europe, au sortir de la schizoidie hitlérienne, s’est construite contre tous, dans la rationalité, contre la guerre de ses peuples.
On ne combat pas la folie par la violence des mots, par des actes qui entrent dans sa logique. On sait qu’elle n’attend que ça, cette folie, pour devenir encore plus folle.
Il doit y avoir, certainement, autre chose à tenter dans le champ de la raison. Certainement. Je ne sais quoi, mais j’en suis persuadé.
J’y reviendrai.
Ces paroles et ces milliards sonnent faux.
Il ne faut pas nous placer dans la défaite. Mais celle de la raison est inconcevable.
Mon admiration pour Romain Gary et, justement, son dernier tour, ont amené des proches, persuadés, à juste titre, que je ne savais pas, tant je ne regarde jamais les programmes de France TV, qu’un téléfilm romancé de France 2 avait été consacré à l’épisode Emile Ajar, le pseudo, dans la vie de Romain Gary.
Il s’agit de « L’enchanteur» (titre tiré évidemment, grand coup de génie des scénaristes, dont l’on verra qu’ils sont deux, du roman de Gary “Les enchanteurs”)
Pour voir l’oeuvre, Il a fallu que je m’inscrive à « France-TV » pour le « replay ».
La présentation de France 2 : Réalisé par Philippe Lefebvre, coécrit par les romanciers Maria Pourchet et François-Henri Désérable, L’Enchanteur revisite avec légèreté l’histoire d’une fameuse supercherie littéraire sous la forme d’un plaidoyer en faveur de la fiction mêlant réalité et invention. Avec Charles Berling, Claire de La Rüe du Can (de la Comédie-Française) et Pierre Perrier, lundi 12 février à 21.10 sur France 2.)
J’avoue, très sincèrement , que je me demande ce qui pousse les réalisateurs de téléfilms français à rechercher à tout prix comment on peut atteindre la médiocrité et les acteurs français à trouver le mauvais ton et la fausse posture.
Il est dommage que la platitude se soit emparé de cet évènement dans la littérature française. Dommage pour Gary qui doit se retourner dans sa carlingue. Je ne veux insister. Trop facile de démolir l’insignifiance.Il a donc fallu deux plumes (“des romanciers”) pour “co-écrire“ ce scénario qui frise le ridicule télévisuel. Les mots dans la bouche de Charles Berling, pas un grand acteur sonnent tellement faux. On se croirait, un peu gênés dans la salle, dans une mauvaise pièce de théâtre. La jeune femme, l’étudiante, une actrice qui nous vient de la Comédie française, Claire de La Rüe du Can sauve du grand désastre.
UN CLIC SUR LA CAPTURE D’IMAGE CI-DESSOUS POUR VOIR CE TELEFILM. IL FAUT CREER UN COMPTE, EN 3 SECONDES POUR LE REPLAY FRANCE TV.
PS1. Je donne un lien pour lire l’histoire GARY/AJAR, par un article sérieux : ICI
PS2. Je colle un autre lien pour un Apostrophes d’anthologie avec Paul Pavlovitch, le neveu qui a contribué à la supercherie pour prétendre, sur demande de Gary qu’il était Ajar. Paul Pavlowitch est un homme absolument de qualité, d’une intelligence exceptionnelle, le mot juste, choisi, clairvoyant dans cette folie. J’avais écrit il y a plus de 20 ans un billet ou peut-être un e-mail adressé en masse, intitulé “Pavlowitch méritait d’être Ajar” que je ne retrouve plus. Je surfais entre fiction et faits connus, en me promettant de réécrire “Pseudo” (pas eu le temps ou le talent), le méchant livre (“Pseudo”) écrit par Gary (dénommé dans le bouquin “Tonton Macoute”) sous le pseudo d’Emile Ajar. Il démolissait son neveu (en réalité fils dune cousine germaine); Pavlowitch a, évidemment, commencé à le détester, tout en l’aimant. Dans ces histoires les contraires voguent dans les cieux noirs pour chercher du bleu. Classique. Regardez et écoutez cet Apostrophes passionnant (clic sur Bernard Pivot). Michel Tournier y participe intelligemment. Regardez, sans bouger de votre fauteuil. Un moment d’intelligence. Pavlowitch a publié en 2023 ses mémoires. Je mets un autre PS plus bas.
PS 3 Je colle l‘extrait des “Enchanteurs” que Bernard Pivot lit en fin d’émission :
“Je n’existe, ami lecteur que pour ta délectation et tout le reste n’est que tricherie, c’est-à-dire malheur des hommes. Assis au coin du feu, rue du Bac, mais brisé et moqué en raison de mon dévouement absolu à mon métier d’enchanteur si démodé aujourd’hui, le cahier sur mes genoux avec mon vieux bonnet voltairien que j’ai gardé contre vents et marées au fil des siècles, me grattant le bout du nez d’un air usé l’air de Renato Zaga faisant les poches de ma vie et de mes peines afin de ne rien laisser échapper qui pourrait enrichir ma narration. Tout le reste est histoire et j’y prête l’oreille de mon mieux. Et qu’il y a peut-être, là aussi, quelque chose à prendre”.
PS 4 : ON PEUT OUVRIR ET TOUT CONNAiTRE DE L’HISTOIRE PAR CETTE PRESENTATION DU LIVRE “PSEUDO” PAR L’EDITEUR MERCURE DE FRANCE, FILIALE DE GALLIMARD)QUE JE DONNE SOUS FORMAT PDF. UN TEXTE EXTRAORDINAIRE DE MIREILLE SACOTTE, “spécialiste de Jean Giono, Romain Gary, Saint-John Perse mais aussi de la poésie des XIXe et XXe siècles, des romans des XIXe et XXe siècles et de la francophonie antillaise.Elle a dirigé l’édition des œuvres de Romain Gary à la Pléiade“. ON PEUT TELECHARGER LE DOC.
Delphine Horvilleur, rabbine a écrit un bouquin intitulé lourdement “il n’y a pas de Ajar” en s’appuyant sur la supercherie AJar pour asséner quelques billevesées.J’avais à sa sortie écrit un long billet. On peut s’abstenir de le lire :
PS 6. PAUL PAVLOWITCH A PUBLIE EN 2023 SES MEMOIRES : “TOUS IMMORTELS”. Ed Buchet-Chastel. Pas lu. Il règle ses comptes, parait-il. Il écrit d’emblée : «Après les aventures d’Emile Ajar, plus de quarante années se sont écoulées durant lesquelles j’ai dû vivre. Avec le temps, on aurait pu penser se calmer, être tiré d’affaire. Pas du tout. C’est que depuis j’ai dérouillé. Et je pérore nettement moins.» Et ajoute : «La mort est ma voisine.»
JE DONNE UNE DES DERNIERS ENTRETIENS (FRANCE CULTURE° DE PAUL PAVLOVITCH, DESORMAIS ASSEZ VIEUX “LA MORT EST MA VOISINE” DIT_IL)
PS 7. Je donne encore, deux vidéos (sur 4), GARY, désormais vieux, qui se confie, sur CBC Radio Canada. On peut trouver les deux autres sur Youtube. On peut écouter un véritable “Tonton Macoute”, pas toujours sympathique. Mais comme on l’écrivait dans nos copies du BEPC, il faut distinguer l’artiste de l’oeuvre…
PS 7. Lettre de suicide de Romain Gary
30 août 1979
Pour la presse. Jour J. Aucun rapport avec Jean Seberg. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs.
On peut mettre cela évidemment sur le compte d’une dépression nerveuse. Mais alors il faut admettre que celle-ci dure depuis que j’ai l’âge d’homme et m’aura permis de mener à bien mon œuvre littéraire. Alors, pourquoi? Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique, La nuit sera calme, et dans les derniers mots de mon dernier roman: “Car on ne saurait mieux dire”.
Je me suis enfin exprimé entièrement.
Photo du Net
PS 8. “VIE ET MORT D’EMILE AJAR” EST LE COURT TEXTE ECRIT PAR GARY POUR ETRE PUBLIE APRES SA MORT. Un récit qui se termine par ces mots :« Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. »
Extrait.
« J’écris ces lignes à un moment où le monde, tel qu’il tourne en ce dernier quart de siècle, pose à un écrivain, avec de plus en plus d’évidence, une question mortelle pour toutes les formes d’expression artistique : celle de la futilité. De ce que la littérature se crut et se voulut être pendant si longtemps – une contribution à l’épanouissement de l’homme et à son progrès – il ne reste même plus l’illusion lyrique. J’ai donc pleinement conscience que ces pages paraîtront sans doute dérisoires au moment de leur publication, car, que je le veuille ou non, puisque je m’explique ici devant la postérité, je présume forcément que celle-ci accordera encore quelque importance à mes œuvres et, parmi celles-ci, aux quatre romans que j’ai écrits sous le pseudonyme d’Émile Ajar. »
PS 8. ROMAIN GARY DANS LA PLÉIADE
24 mai 2019, par Christine Bini (LA REGLE DU JEU)
Rarement une publication en Pléiade aura suscité un tel engouement. Critique des deux volumes qui concentrent l’essentiel de l’œuvre de l’auteur.
Rarement une publication en Pléiade aura suscité un tel engouement, et une telle émotion. Pas seulement parmi les professionnels de la profession littéraire, mais aussi parmi les lecteurs. Romain Gary, décidément, tient une place à part dans le paysage des Lettres françaises. Lui, le si multiple, semble unique. Lui, le Juif non revendiqué, le Lituanien niçois, naturalisé français à 21 ans, le Compagnon de la Libération, le diplomate, le fils de Mina et l’époux de Leslie, puis de Jean, l’écrivain aux pseudonymes – ou plutôt hétéronymes – qui sous quelque nom que ce soit poursuivait sa quête d’humanisation de l’humain et de féminisation de la civilisation, n’a jamais quitté nos consciences, ni nos cœurs. Et dans ce «cœur», il faut lire la fraternité. On ne peut que fraterniser avec Romain Gary.
Les romans et récits des deux volumes en Pléiade proposent un choix, parmi l’œuvre complète. Un choix qui écarte les romans Les Clowns lyriques et Charge d’âme, le recueil de nouvelles où l’on trouve Les Oiseaux se cachent pour mourir, le quatrième roman publié sous le nom d’Emile Ajar intitulé L’Angoisse du roi Salomon, et l’essai Pour Sganarelle, par exemple. Mais un choix cohérent, qui va d’Education européenne aux Cerfs-volants, deux romans qui se répondent à leur façon – le premier et le dernier publiés, nés d’un même souffle, à des années de distance, en mémoire immédiate et en hypermnésie de la deuxième guerre mondiale. Romain Gary, qui aura traversé une bonne partie du XXème siècle, a puisé dans son époque toute la force de son écriture : c’est bien ce XXème siècle, celui d’Auschwitz, de la guerre du Vietnam, des ghettos et de la ségrégation, qu’il nous conte et nous montre. A partir de l’observation brute et de la réflexion humaniste, il transforme le monde en fictions frôlant l’expressionisme – s’y plongeant même tout à fait, comme dans La Danse de Gengis Cohn –, et nous bouleverse. Rien n’a jamais été écrit d’aussi vrai sur la solitude et le besoin d’amour, que Gros-Câlin. Le premier roman signé Emile Ajar est déjà tout entier dans Tulipe, ce texte de 1946 qui signe, dès les débuts, la rupture, le malentendu, entre Gary et la critique. En 1945, Education européenne est unanimement salué, et lu comme le premier roman français sur la Résistance. En 1946, ça commence déjà à se gâter. Il faudra attendre 1956, et le Goncourt des Racines du ciel, pour que Gary soit à nouveau salué. Salué, comme pour Education européenne, pour une «première» dans l’univers romanesque : Les Racines du ciel est considéré comme le premier roman écologiste.
Les éléphants en voie de disparition des Racines du ciel, le python enveloppant – et les souris blanches à sauver – de Gros-Câlin, les chiens rééducables – Chien blanc – sont une manière de tordre la focale et de nous ré-humaniser. Gary n’a eu de cesse, dans ses livres, et dans ses entretiens, de recentrer la question humaine sur la faiblesse à célébrer. Il se situait, résolument, du côté féminin, sans aucune trace de machisme. Le féminin dans l’homme, et dans l’Homme, tout ce que l’on considère à tort comme infiniment méprisable – les larmes, la tendresse, par exemple – était pour lui le seul objectif salvateur. Chez Gary, dans les livres de Gary, il n’est question, au fond, que de terrasser le nazisme et le fascisme, deux idéologies éminemment masculines et masculinistes.
Luttant contre toutes les idéologies – dont il pensait qu’elles étaient l’aboutissement dévié et inéluctable de l’idéalisme – il a conçu dès les débuts une œuvre qui prend racine dans la fiction picaresque. Et de son amour de la fiction est née, sans doute, la nécessité des hétéronymes. La vie de Gary est fiction, aussi, depuis les débuts. Ne s’est-il pas inventé un père ? Un père imaginaire, comédien, qui aurait déposé en lui les gènes d’une certaine tendance à jouer plusieurs personnages, sous différents noms, et parfois en même temps, comme aux derniers temps de sa vie, quand Gary et Ajar publiaient en même temps des romans sous deux noms différents ? Quand il rédigeait Pseudo alors que L’Angoisse du roi Salomon était déjà écrit, pour couper court à une révélation qui l’aurait terrassé, et dont il ne maîtrisait plus grand-chose ?
Ce «Je me suis bien amusé, au revoir et merci», qui clôt Vie et mort d’Emile Ajar ne sonne pas que comme un éclat de rire. Il n’est même pas la conclusion d’une œuvre, qui continue de fasciner. De réjouir. Voilà un écrivain – un combattant, un consul, un époux, un père, un fils, un cinéaste, mais enfin, quoi, vraiment, un écrivain – qui a bâti sa propre légende de son vivant, mais qui nous a donné toutes les clés d’entrée de cette légende-là. Gary ? L’humain, avant tout, envers et contre tout. Et l’écrivain humain, maniant au moins trois langues, écrivant en anglais des romans qu’il allait traduire lui-même en français, sous pseudo de traducteur… Borges n’y retrouverait pas ses petits. La pierre de touche d’un écrivain, c’est sa phrase. Au-delà du propos, la langue est l’essentiel. Gary ne portait pas de masques, le Carnaval – cette inversion des valeurs – n’entrait pas dans son idiosyncrasie, même s’il avait passé des années à Nice. La langue d’écrivain de Romain Gary, quel que soit l’idiome choisi, est universellement compréhensible. On en tiendra pour preuve l’attitude de Lenny, le héros de Adieu Gary Cooper, qui s’en va vivre en Suisse, «à deux mille mètres au-dessus de la merde.»
Ces deux volumes et cet album Pléiade concentrent l’essentiel de l’œuvre : ce qui sauvera le monde, c’est l’amour défait de ses affèteries et de ses mensonges, le vrai amour, le bel amour. Celui qui rend les hommes frères et sœurs. Celui qui sait prendre à rebours et dépasser les attendus guerriers, dans la guerre comme dans la vie. Ce sont Clair de femme et Chien blanc, peut-être, qui embrassent au plus près ce motif. On saluera, dans cette édition, les notices d’introduction aux différents romans – et notamment la notice introductive de La Danse de Gengis Cohn, ce texte extraordinaire et déstabilisant –, la présentation générale de Mireille Sacotte, et le travail de Maxime Decourt pour l’album, qui a su contextualiser sans digression la vie de Roman Kacew, et l’œuvre de Gary et de ses hétéronymes.
Romain Gary, Romans et récits, tome I (Education européenne, Les Racines du ciel, La Promesse de l’aube, Lady L., La Danse de Gengis Cohn), tome II (Adieu Gary Cooper, Chien blanc, Les Enchanteurs, Gros-Câlin, La Vie devant soi, Pseudo, Clair de femme, Les Cerfs-volants, Vie et mort d’Emile Ajar), sous la direction de Mireille Sacotte et Album Romain Gary, Maxime Decourt, éditions La Pléiade, Gallimard, 16 mai 2019.
Il ne s’agit pas ici du statut de la femme, une telle interprétation du titre étant de nature à laisser accroire que le rédacteur du billet fait preuve d’un sexisme affreux.
Non, il,s’agit, dans une mouvance contraire au machisme, de dire ce qu’est une émancipation tant sur le plan juridique qu’affectif.
Le papier de Peggy Sastre, excellente éditorialiste sur l’affaire Godreche-Jacquot, dans Le Point de cette semaine est d’une justesse telle qu’on ne peut s’empêcher de le reproduire. Copyright Le Point,
ÉDITORIAL PEGGY SASTRE, LE POINT
Pourquoi (et de quoi) s’émanciper
La plainte de Judith Godrèche contre Benoît Jacquot vient rappeler qu’accéder à la liberté n’est pas sans risques.
Par Peggy Sastre
«L’émancipation est l’acte par lequel un mineur est juridiquement assimilé à un majeur et peut accomplir seul les actes nécessitant la majorité légale. L’émancipation produit des effets à la fois à l’égard du mineur et de ses parents. Une fois émancipé, le mineur n’est plus sous l’autorité de ses parents et a la capacité juridique. » Voici ce qu’on trouve, sur le glorieux site du service public, lorsqu’on veut savoir de quoi l’émancipation est le nom. Et, à « capacité juridique », le site fait surgir cette définition : « Aptitude d’une personne (physique ou morale) à avoir des droits et des obligations et à les exercer elle-même (exemples : droit de conclure un contrat, droit d’agir en justice). » Cette quête sémantique, je l’ai entreprise après avoir entendu l’actrice Judith Godrèche évoquer sur France Inter sa relation avec le réalisateur Benoît Jacquot, contre lequel elle avait, la veille, porté plainte pour « viols avec violences sur mineur de 15 ans ».
Résumons. Judith Godrèche, ex-star des nineties et de son cinéma friand de femmes-enfants aussi éthérées qu’en crise (l’archétype Géraldine Bauchet-Judith Brioche-Juliette Godemiche produit par Les Inconnus dans « Les Escarres », parodie des César), revient, plus de trente ans plus tard, sur le couple qu’elle a formé, de 14 à 20 ans, avec son « Pygmalion » Jacquot, 39-45 ans à l’époque. Une relation que l’actrice, par ailleurs réalisatrice de la série autofictionnelle Icon of French Cinema, sortie en fin d’année sur Arte, qualifie désormais d’emprise criminelle, avec, donc, des faits allégués (et probablement prescrits) de graves violences sexuelles.
Libération de la parole
Quel rapport avec l’émancipation ? En 1989, l’année précédant son rôle dans La Désenchantée, de Jacquot, Godrèche fut émancipée. Elle avait 17 ans. Comme le rapporte Le Monde, le motif ultime de cette procédure fut surtout de permettre à Jacquot de profiter de l’argent de Godrèche (qu’elle gagnait en son nom depuis ses 8 ans et ses premiers cachets de mannequin) pour s’acheter un appartement. Un « appartement-citadelle » où, « coupée de toute vie sociale », Godrèche s’enfoncera, selon ses dires, dans une « relation de dépendance ».
Cette notion d’émancipation, mais dans son sens plus générique, Godrèche l’évoque également à la radio. Si l’actrice a choisi de porter plainte contre Jacquot et de libérer sa parole dans les médias, c’est aussi et surtout pour « [s’]émanciper de cette relation ». Rouvrons le dictionnaire : le sens commun de l’émancipation – « action de (se) libérer, de (s’)affranchir d’un état de dépendance ; état qui en résulte » ; au figuré « action de se libérer, de se dégager d’une dépendance morale, des préjugés de son époque, etc. » – est une extension de son sens strictement juridique, qui nous vient du droit romain et des esclaves auxquels on conférait un statut d’hommes libres.
Nous y voilà. Qui s’émancipe accède à la liberté. Avec ses droits et devoirs afférents, soit tous les avantages bureaucratiques en petits caractères que pourrait consigner un acte notarié. Mais la liberté, c’est évidemment bien plus. L’autonomie, le fait d’être pour soi-même son propre maître, ne va pas sans risques. Et accorder aux femmes les seuls droits et avantages de la liberté en voulant les protéger, comme des êtres d’exception, de ses risques et responsabilités – y compris et surtout quand il s’agit de liberté sexuelle – revient à savonner une pente extrêmement glissante. La féministe américaine Camille Paglia formulait les choses en ces termes : « Oui, il nous faut enseigner une éthique générale aux hommes et aux femmes, mais les relations sexuelles, en elles-mêmes, ne doivent pas être policées. Il n’y a que dans un régime totalitaire que le sexe, tout comme les rues des villes, ne ferait courir aucun risque. »
Extrait de la revue Le Point daté du 15/02/2024
PEGGY SASTRE EST UNE FEMME COURAGEUSE. LE FÉMINISME CONTEMPORAIN CANTONNE LES FEMMES DANS UNE PRÉTENDUE SUJÉTION, GÉNÉRANT UN EFFET PERVERS-INVERSE.
Lorsqu’il y a très longtemps, je considérais qu’il était utile et opportun de discuter de la spécificité de la photographie au regard de l’œuvre picturale et son histoire, je montrais ce tableau de Vermeer (que je viens de retrouver en ligne) en insistant sur son cadrage, résolument photographique et son thème, concentré dans un graphisme contemporain. Ce type de ruelle et de façade a souvent été capturé par les plus grands photographes. Je disais que “le graphisme fédérait l’art”; qu’il existait une concurrence entre “le dérangement” et “le graphisme” pour définir l’art, dans sa rupture moderne.
On ne discute plus de la sorte, le débat contemporain s’étant déplacé dans d’autres sphères, celles d’une des guerres locales ou de l’autre, surranée, que mènent des femmes caractérielles contre certains hommes assez peu fréquentables.
Quant aux discussions sur l’art pictural ou visuel, la photographie, l’intrusion de l’I.A qui change la donne et la croyance de la nécessité de l’intellectualité d’une image fabriquée, a bouleversé la simplicité complexe d’un petit débat. Vain et désormais inédit, son abordage dans un dîner ou devant une bière étant, immédiatement, submergé par l’affirmation inutile de l’incroyable jeunesse d’un premier ministre, la recherche des mots forts qui nous mèneraient facilement à une nouvelle guerre mondiale, heureusement évitée par la concentration des médias sur des attitudes sexuelles, des ruptures conjugales ou, mieux, cathartique à souhait, la dernière parole, décomplexée, d’un membre antisémite de LFI.
On aura pu constater que du constat évident de la modernité de Vermeer, photographique, on s’est laissé emporté vers une pseudo -réflexion. Ce qui démontre que la scène des débats est bien vide.
Extrait de GOOGLE ARTS ET CULTURE. Le sujet du portrait est Cecilia Gallerani (vers 1473-1536), maîtresse réputée de Lodovico Sforza, duc de Milan, également connu sous le nom de « il Moro » (le Maure). L’hermine du portrait qu’il a commandé est une allusion au duc Sforza lui-même, également appelé l’hermine blanche (Ermellino Bianco). Le portrait incarne l’idée de la Renaissance d’une image comme illusion de vitalité naturelle. L’artiste y est parvenu grâce à ses connaissances en anatomie et à ses compétences en éclairage, qui lui ont permis de créer une figure humaine en trois dimensions sur le plan de l’image. Le fond d’origine, repeint en noir au XIXe siècle, a également été modelé par la lumière tout comme le personnage, ce qui a dû donner l’impression que le modèle sortait de l’ombre. Le portrait est devenu propriété de la République de Pologne en 2016.
Soit. Mais ce peintre , on ne sait comment, nous dérange, nous emmène on ne sait où. Dès que nous fixons les yeux de la femme. La Joconde est en concurrence, du même mouvement dérangeant, ce qui, en réalité définit l’art.
Le 5 septembre 1972, onze athlètes israéliens sont pris en otage, pendant les JO de Munich, par un commando palestinien (se nommant « Septembre noir ») et finissent assassinés.
Le 9 février 2024, Le coordinateur politique de la France insoumise, Manuel Bompard, a défendu l’idée que les athlètes israéliens concourent sous « bannière neutre » aux Jeux Olympiques de Paris, pour sanctionner “les bombardements de l’armée israélienne contre les populations civiles au sud de Gaza”, qualifiés de “nettoyage ethnique ». Ajoutant que « s’il faut sanctionner les athlètes, puisqu’on l’a fait pour la Russie, faisons-le”, par référence à l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans.
Quand il s’agit d’Israël, LFI éructe de haine antisémite pour conforter son électorat, D’abord celui issu de l’immigration musulmane dont 43% considèrent que le Hamas est un mouvement “résistant”. Puis les autres, paradoxalement dans le même espace, antisémites, athées de gauche, dans la lignée des marxistes et socialistes millénaires, lesquels, depuis leur émergence communarde, voient, dans le juif, la Banque qui extorque les peuples.
Le juif fédère LFI.
Ainsi, dès qu’il s’agit d’athlètes israéliens, les mêmes, par automatisme, sans que l’on ne tombe dans un freudisme primaire pourtant interpellé, souhaitent une nouvelle mort de nouveaux athlètes.
Pour LFI, l’Etat d’Israël doit être effacé de la terre et l’athlète israélien doit être mort. Ou neutralisé, ce qui revient au même.
Ce parti est psychotique.
PS. Je m’étais interdit les billets politiquement violents. Mais là, c’est trop…
La foire commerciale de la Saint-Valentin étant sur le point d’ouvrir, un vieil amoureux, très simplement de son épouse rencontrée il y a 43 ans, m’a demandé de lui envoyer quelques photos de fleurs que j’avais pu prendre dans la nature ou dans mon grand jardin, qu’il avait pu apercevoir dans mes galeries en ligne.
Il voulait les envoyer, sans autre mot, à sa belle. Un vrai sentimental. Comme on les aime.
Je lui ai envoyé celles du grand photographe (très cher en dollars) Robert Mapplethorpe, de ses séries (“flowers”). Mapplethorpe n’a pas photographié que des fleurs et n’est pas mon photographe préféré, loin s’en faut. Il est connu d’abord pour ses photos qui font scandale. Ce qui n’en fait pas, malgré une exposition au Grand Palais et l’admiration des parisiens de certains quartiers, un grand photographe. On dit cependant, non sans une certaine justesse, que pour ses fleurs, il serait maitre du cadrage, de la lumière et très rigoureux. On jugera. Je suis certain néanmoins que pour une Saint -Valentin, eu égard à la sincérité du demandeur de photos, ça ira. Son épouse sera mieux lotie que s’il avait commandé du Champagne, vin mauvais et générateur de remontées gastriques acides.
Le billet précédent était consacré à une photo de Vivian Maier. J’en profite pour coller 3 photos de cette grande photographe, qui démontrent que la photographie n’est jamais un hasard, comme le pensent les non-photographes. Même dans les postures des photographiés, il existe toujours une grammaire. Celle qui structure l’oeil qui cherche la bonne photo ou qui demande, pour l’acquérir, une pose.
Tous savent mon admiration pour Vivian Maier, immense photographe. Je suis allé aujourd’hui un peu fouiner dans ses images, pour offrir, comme je l’ai promis, encadrées, monture acier, format cadre 50X40, passe-partout, image 24X36, les 10 plus belles photos de l’histoire, par les grands ou les moins connus de tous les photographes (selon moi, évidemment).
Il s’agissait de couvrir un grand mur blanc, récemment repeint. Ça va être chouette ces dix photos que je vais ramener à 9 pour en faire un carré 3×3.
Je suis ainsi tombé sur une photo de Vivian Maier que j’avais oubliée. Est-ce l’ambiance “me too” qui me fait poser la question du titre ? Si tel était le cas, on pourra considérer que le terrorisme s’installe insidieusement dans tous les cerveaux Ce qui devient dangereux pour la pensée saine.
Donc, la photo : regardez. Une dispute et un geste de blocage de la femme qui crie ? Le couple qui marche, à droite, passe vite, l’oeil discret, peut-être un peu inquiet. Mais la femme crie peut-être son amour et l’homme la protège de la rue. Pas sûr. Allez-savoir. Le femme a un parapluie.
Il m’est arrivé de dire aujourd’hui que la solitude n’est aucunement une situation matérielle, un état, une posture volontaire ou involontaire.
En réalité, c’est de la faculté, la joie de partager dont il s’agit. Une idée, une image, une foi, une couleur, une musique.
Dès lors, l’être entouré, plein d’autres autour de lui, dans sa maison, est un solitaire malheureux de l’être, s’il ne partage pas, joyeux de ce partage. Et celui, seul dans ses murs, comblé par le bonheur du partage avec d’autres à 800 m ou 8000m de son ,ieu d’attache est au milieu d’une foule flamboyante et navigue au-dessus du monde. Il est aussi vrai que l’idéal est un partage du lieu et de l’idée, par deux personnes. Cependant les certitudes primaires de la vertu de la solitude fabriquent, paradoxalement, les exils.
J’ai sauvé les heures qui venaient, s’annonçant très lourdes, d’une personne aux mille boucles dans le ventre, que la méchante tristesse avait donc enlacée.
Il suffisait de partager, sans autre volonté, cette idée sur le partage
C’était ma journée pascalienne, de partage sur le partage.
« Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexions le seul qui subsiste C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige, et s’il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre fin.
Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »
BONUS :
Quand je m’y suis mis quelque fois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.
Tous connaissent Heddy Lamarr, actrice, déesse du cinéma. Peu savent, à en croire une conversation de ce jour, avec une femme pourtant très lettrée et cultivée qui ne savait pas qu’il s’agissait aussi d’une scientifique, inventrice de techniques de communication, absorbées, plus tard, par le GPS et le Wi-Fi.
Lisez la rubrique Wikipedia, Vous découvrez une femme entière, névrosée, kleptomane, amoureuse et inventeuse, haïssant la vieillesse.
En 2014, la « plus belle femme du cinéma » devenue la « Bombe à tête chercheuse » et le pianiste George Antheil sont admis à titre posthume au National Inventors Hall of Fame
PS. Son bouquin autobiographique, d’un érotisme échevelé (Ectase and me) qui décrit ses orgasmes et sa vie sexuelle a fait scandale.
Le texte qui fabrique une image par le biais d’un logiciel (ici Adobe Firefly) est dénommé le “prompt”.
Extrait d’un site en ligne : définition, le mot anglais prompt est une commande écrite transmise à un modèle de langage ou à un autre système d’IA pour qu’il génère une réponse en conséquence. Fondamentalement, il s’agit d’une instruction destinée à un algorithme, qui l’interprète ensuite pour produire un résultat.
1- J’ai reçu hier un message d’une femme qui me racontait une escapade loin de la Métropole et qui me disait s’être presque noyée, seule, au milieu de l’océan dans une mer agitée. Par un copier/coller approximatif, j’ai écrit mon prompt, ma “commande”. Voici ce que j’ai obtenu :
Donc, photo sans appareil, sans être sur place à tenter de la sauver. Mais elle ne se noie pas, le logiciel devant préférer la vie et la simple baignade. Il a raison. Copyright MB, même si c’est de l’IA, c’est mon prompt. Vrai débat,s’il en est.
2 – Puis, j’ai enlevé du prompt la presque-noyade, ai ajouté mer d’huile et Caraïbes. Et voilà. Pas satisfait : La femme est trop visible, j’ai oublié de la décrire de dos et d’ajouter “au loin”
3 – Je n’inflige pas ici la nouvelle, à la manière de Gros Câlin d’Émile Ajar, que j’ai écrite par Chatgpt, l’IA en ligne.
L’hhistoire d’une femme qui marchait à reculons, comme un matador, ne montrant que son magnifique dos, laissant l’univers deviner son visage.
ChatGpt a quand même compris que si la femme marchait à reculons en montrant son dos, les autres, dans la scène, pour ne pas avoir la possibilité de voir son visage devait aussi marcher à reculons, derrière elle. Dans le cas contraire, il suffisait de se retourner dès qu’elle se trouvait, nécessairemen,t derrière eux en marchant,eux ne faisant que la croiser. Relisez.
Pour ce qui concerne le texte que je ne donne pas (perdu en réalité et je ne peux écrire le même prompt, ne m’en souvenant plus à la virgule près, pour obtenir le même résultat), je peux être pris pour un pédant si j’affirme que je préfère mon style. Mais c’est sûrement du fait de cette histoire emberlificotée que j’ai inventée, sûrement pour défier ChatGpt. Nul, y compris l’I.A ne pouvait s’en sortir. Et moi, je n’ai pas essayé, tellement le scénario était certes fantasque mais inintéressant.
4- Pour continuer, je reviens à un autre résultat je colle le résultat d’un prompt photo dont je suis le plus fier et dont beaucoup me demandent de l’encadrer, façon galerie, pour la leur offrir avec la légende “créé sans appareil par MB”.
Je refuse, mes Fuji et Canon que je ne renie pas, qui sont mes compagnons dans les minutes bleues ou grises ne me le pardonneraient pas et me fabriqueraient de vilaines images, au moindre déclenchement, même celui attentionné et parfaitement pensé (ouverture, vitesse, bokeh, cadrage 2/3, sans I.A).
L’arrivée d’un monde ne peut bannir celui qui vous a porté, surtout (je l’ai écrit mais y reviens dans un long billet, presque prêt) quand ils ne sont pas concurrents, l’un (celui de l’IA) n’étant pas une terre autonome mais, plus simplement, une amie qui aide, que l’humain a créée, pour souffler et avancer. Et qui, surtout, fabriquée par les humains ne fait que partie des mêmes, y compris si la chose les dépasse. Ce qui n’est pas nouveau. Le dépassement de soi est aussi soi. Les peureux ont toujours peur.
Voici la photo :
VARIANTES, MÊME SALLE, MÊME CIEL
4 – Pour continuer encore dans ce long billet je colle ce que Chatgpt (désormais payant, mais pas pour moi qui ait fait partie de ses “béta-testeurs”) a fait de mon prompt littéraire, par lequel par quelques indications, il est vrai assez vagues, je lui ai demandé d’écrire à la manière de Ian Mac Ewan un texte sur l’image ci-dessus (la femme de dos dans la salle de cinoche)
Je le donne ci-dessous. Vous jugerez.
Je préfère écrire sans chat (je viens d’inventer une nouvelle expression). N’empêche, ça a pris 1mn à l’I.A Chat.
TEXTE CHATGPTGÉNÉRE PAR UN PROMPT D’UNE LIGNE
Dans une salle de cinéma surréaliste, entre les fauteuils de velours rouge, une femme demeure debout, enveloppée dans un imperméable immobile. Devant elle, un écran affiche un ciel nocturne mordoré. Le spectateur, plongé dans l’énigme, contemple la scène depuis l’angle mystérieux de son dos, captivé par la silhouette énigmatique qui se tient au cœur de cet univers cinématographique onirique. La raison de sa présence reste insaisissable, tout comme les rêves qui dansent à l’intérieur de cette salle, fusionnant réalité et illusion dans une danse éthérée.
La femme en imperméable se nommait Clara, une voyageuse du temps qui s’était égarée dans une dimension cinématographique étrange. Un éminent scientifique, elle avait conçu un dispositif expérimental pour explorer les recoins temporels, mais une défaillance l’avait transportée dans ce monde éthéré.
Trouvant refuge dans cette salle de cinéma surréaliste, Clara cherchait désespérément un moyen de retourner à sa réalité d’origine. L’écran, avec son ciel nocturne mordoré, était devenu la clé de ses espoirs. Elle était convaincue que derrière cette image se cachait le portail temporel qui la ramènerait chez elle.
Entre les fauteuils de velours rouge, Clara attendait, scrutant chaque détail du ciel sur l’écran, espérant voir une fissure spatio-temporelle qui la libérerait de cet étrange labyrinthe cinématographique. Les spectateurs, ignorants de sa quête, assistaient à un spectacle surréaliste, sans comprendre pourquoi cette femme, seule et énigmatique, demeurait immobile dans l’obscurité de la salle.
Clara, revêtue de son imperméable, se tenait seule au centre de la salle de cinéma surréaliste. Ignorante de la présence discrète d’un homme à l’arrière, elle était plongée dans son monde intérieur, observant intensément le ciel nocturne mordoré sur l’écran.
Cet homme, mystérieux observateur, était fasciné par la scène étrange qui se déroulait devant lui. Intrigué, il se demandait pourquoi cette femme solitaire était là, immobile, entre les fauteuils de velours rouge. Ses intentions étaient pures, guidées par la curiosité plutôt que par la menace.
Il se posait des questions silencieuses, cherchant à comprendre le mystère qui entourait la présence de Clara. Dans l’obscurité de la salle, les destins de ces deux individus se croisaient, chacun portant ses interrogations sans que l’autre en soit conscient. Une toile de mystère tissée par le hasard dans cette dimension cinématographique insolite.
L’homme, intrigué par la femme en imperméable, décida de s’approcher silencieusement. Un sourire bienveillant éclaira son visage lorsqu’il se tint à quelques pas d’elle. Clara, absorbée par son observation du ciel sur l’écran, ne remarqua initialement pas sa présence.
Le sourire de l’homme reflétait une curiosité partagée, une volonté de comprendre l’histoire qui la maintenait là, au milieu de cette salle surréaliste. Sans briser le charme du lieu, il chercha à établir un contact, prêt à découvrir les secrets que cette étrange rencontre pourrait dévoiler.
Clara, sentant la présence de l’homme, se retourna lentement vers lui, un sourire énigmatique éclairant son visage. Intriguée par sa propre curiosité, elle lui posa des questions étranges sur son origine, cherchant à percer le voile qui entourait non seulement la salle de cinéma, mais aussi la mystérieuse connexion qui semblait les unir.
Les questions de Clara étaient comme des fragments d’une énigme temporelle, des échos de sa propre aventure perdue. L’homme, se laissant emporter par le jeu mystérieux de cette rencontre, répondit avec une égale étrangeté, créant ainsi un dialogue imprégné de mystère et d’interrogations. Dans cette dimension cinématographique, le fil du temps se tissait autour d’eux, mêlant leurs destinées de manière insaisissable.
L’homme, en réponse aux énigmes de Clara, ne prononça pas un mot. Au lieu de cela, il sortit discrètement un petit appareil photo de sa poche. D’une voix douce, il lui demanda de se retourner dans sa position initiale. Clara, curieuse, s’exécuta, ne comprenant pas totalement les intentions de cet étranger.
Soudain, le bruit caractéristique du déclencheur de l’appareil photo résonna dans la salle. L’homme venait de capturer le moment, figeant l’image de Clara devant l’écran mordoré. Les questions persistaient, mais désormais, elles étaient immortalisées dans une photographie mystérieuse, témoignage d’une rencontre éphémère entre deux âmes perdues dans cette réalité cinématographique unique.
5 – AUTRES IMAGES, MÊME CIEL
6- ET POUR FINIR, en gardant le même ciel, UNE PRESENTATION DU SPECTACLE D’AMIS DE GRAND TALENT QUI SONT SUR SCÈNE LES DIMANCHES 4 et 11 février, à 17:30 au Théatre de l’Ile-Saint Louis, 39 Quai d’Anjou 75004 Paris.
BERLIN SUR SEINE, titre magnifiquement trouvé, une danse d’airs, voix et piano en verve, dans les cieux entre Paris et Berlin. Brecht, Eisler, Prévert, Cosma, Weill, Berger, à l’honneur. On a donc mélangé par IA et prompt Les berges de la Seine et la Porte de Brandenburg à Berlin, entourant le piano dont va s’emparer Isabelle Serrand, pour accompagner Wolfgang Pissors.
Raison. À l’occasion de la sortie de son essai L’Esprit artificiel. Une machine ne sera jamais philosophe (Éditions de l’Observatoire), Raphaël Enthoven s’entretient ave l’entrepreneur en IA Alexandre Cadain.
EXTRAIT DU POINT.Propos recueillis par Guillaume Grallet et Héloïse Pons
Deux visions du monde. Alexandre Cadain (à g.) et Raphaël Enthoven, le 11 janvier, dans les locaux du « Point », à Paris.
La machine peut-elle être philosophe ? Non, pour Raphaël Enthoven, qui, après avoir battu ChatGPT à l’épreuve du bac de philosophie en juin 2023, explique ici que le doute, l’expérience et la capacité de créer des problématiques sont le propre de l’homme. L’écrivain dialogue ici avec Alexandre Cadain, un entrepreneur à l’origine de World Game et d’Alias Studio, une plateforme d’IA générative intégrant les droits d’auteur. Diplômé d’HEC Paris, celui qui signera en mars l’essai Homo ludens aux Éditions de l’Observatoire a animé un groupe de travail à l’École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, dont il est un ancien élève, qui l’a fait changer d’avis sur la capacité des machines à imaginer.
Le Point : Comment définissez-vous l’intelligence ?
Raphaël Enthoven : L’intelligence est une faculté ambivalente, qui nous sépare du monde par les moyens qu’elle nous donne de le connaître. Nous sommes paradoxalement mis à distance du réel par les outils que l’intelligence nous donne, à la façon dont on perd de vue le phénomène qu’on se satisfait d’expliquer. C’est une capacité de tri et d’analyse, qui ne saisit du monde que son squelette et qui dissipe les mystères de ce qui existe, sans dissiper l’énigme de sa présence. Par l’intelligence, nous mettons le monde à notre portée. Mais à cause d’elle, nous vivons à bonne distance de lui. Comme dit Merleau-Ponty : « La science manipule les choses et renonce à les habiter. »
Alexandre Cadain : L’intelligence est cette capacité à tisser des liens pour comprendre le monde et apprendre de lui. Dans une lecture fonctionnelle, c’est un processus qui permet aux humains de transformer un chaos d’informations en connaissances actionnables et les aide ainsi à prendre de meilleures décisions dans leur environnement complexe, pour y vivre et d’abord y survivre. C’est sous ce prisme que je regarde l’intelligence artificielle. Comme un outil qui automatise une partie de ce processus non pas pour nous remplacer, mais pour nous permettre, comme le formule le fondateur de DeepMind Demis Hassabis, d’acquérir des connaissances qui nous étaient jusque-là inaccessibles.
Alexandre Cadain, vous pensiez l’IA incapable de créativité, et vous avez changé d’avis. Pourquoi ?
Alexandre Cadain : En 2016, à l’ENS Ulm, nous avons initié un séminaire de recherche avec l’historienne Béatrice Joyeux-Prunel pour interroger, à la croisée des arts et des sciences, les imaginaires qui structuraient le développement de l’intelligence artificielle. Rapidement, nous nous sommes retrouvés bloqués face à des imaginaires sombres à la Terminator, où la machine nous dépasserait pour nous remplacer et bientôt nous exterminer… Derrière cette fiction obsédante, je ne trouvais que le mythe de la « singularité technologique », selon lequel la croissance exponentielle de l’IA dépassera rapidement le développement linéaire de l’humain et de toutes ses capacités, au point que ce dernier ne sera même plus capable d’observer ni de comprendre cet emballement technologique. Dans les années 2000, le « prophète » techno Ray Kurzweil a voulu faire de cette fiction une science ; il ose même dater le moment de la singularité en 2045 ! Dans son livre The Singularity is Near, sa « preuve » réside principalement dans la loi empirique de Moore, qui observe la seule explosion de la puissance de calcul. De mon point de vue, cela ne suffisait pas. Pour chercher les limites de la comparaison humain-machine, je me suis intéressé à ce que l’on a appelé l’« imagination artificielle » : et si les machines étaient capables de produire des images vraiment nouvelles ? J’espérais secrètement que non. (Sourire.) D’autant que, fils d’artiste, j’étais encore attaché à l’idée pure d’une création humaine dans le champ artistique. Mais je me suis trompé. Depuis 2014, des réseaux dits « adversariaux » permettent à la machine de se corriger elle-même pour produire des images nouvelles, en s’inspirant parfois d’images existantes mais sans jamais les reproduire. Comme nous, en réalité. Car ce processus ressemble cruellement au fonctionnement de l’imagination humaine : nous composons aussi avec le réel, avec des données passées, rêvées, projetées. Évidemment, ce n’était pas pour autant la preuve de la singularité à venir, et encore moins de la conscience des machines, mais je mesurai soudainement que peu, sinon aucune, de nos activités seraient imperméables à la machine…
Alexandre Cadain : « Un autre monde est possible entre l’homme et la machine. La coopération au lieu de la compétition. »
Selon le chercheur Yann Le Cun, l’intelligence artificielle nous conduit vers une nouvelle période des Lumières…
Raphaël Enthoven : Tout en rappelant que la machine est à des années-lumière d’atteindre les capacités humaines ! Ce qui est certain, c’est que l’IA bouleverse tous nos champs de compétence, du droit à l’astronomie en passant (peut-être) par l’écriture de scénarios ou de romans. Il n’est pas impossible qu’un romancier ou un scénariste soit surpassé dans la confection d’histoires formatées, puisqu’il suffit en somme de fournir aux machines un patron, des schèmes récurrents qui lui permettent de produire la même chose que nous plus rapidement. En revanche, les potentialités ouvertes par l’IA n’augmentent en aucune manière la capacité à concevoir un problème à partir d’une question posée. Or c’est le cœur de l’exercice philosophique : la conquête de cet atome de pensée qu’on appelle une « problématique » et dont dépend la dissertation. Il faut bien comprendre que la philosophie n’a pas pour objet de transmettre un savoir, mais une méthode, un apprentissage où se mêlent les conseils d’un professeur et les expériences personnelles, qu’aucune compilation de données, si vaste soit-elle, n’est en mesure de reproduire. Et c’est ça qui m’intéresse : ce je-ne-sais-quoi résiduel, dérisoire à côté d’un océan de données, qui fait l’humanité de l’humain et qu’aucune intelligence artificielle n’effleure. Qui plus est, en philosophie, l’enjeu n’est pas de répondre aux questions qu’on pose, mais de questionner les questions elles-mêmes. Plutôt que de savoir si (ou quand) nous fabriquerons un jour de toutes pièces un être conscient, la question que je me pose est d’où nous vient cette étrange certitude. D’où vient le rêve, antique comme le mythe de Pygmalion, de donner le jour à une IA consciente ? Il y a plusieurs réponses, mais celle qui me paraît évidente, c’est qu’on aime se prendre pour Dieu, se donner le rôle de l’être dont les créations sont des créatures qui finissent par lui tourner le dos. Il y a plus d’orgueil que de craintes dans l’idée de voir apparaître des IA conscientes.
Un article de recherche publié l’été dernier explique qu’à partir du moment où la machine aura un lien avec l’extérieur, c’est-à-dire une certaine sensibilité, rien ne lui interdira d’avoir un jour une conscience…
Raphaël Enthoven : Il y a, de mémoire, une scène dans Terminator 2 où John Connor s’inquiète de voir des balles partout dans le corps du Terminator. Il lui demande si ça ne lui fait pas mal, et le Terminator répond : « La douleur n’est qu’une information. » Comme si la douleur n’était qu’une série d’équations à résoudre par la machine pour ne pas en souffrir. Comme si la douleur était soluble dans une connaissance absolue qui la réduirait à de l’information.
Raphaël Enthoven : « Le but de l’IA est de reconnaître ce qu’elle n’a pas encore vu. En philosophie, c’est l’inverse. »
Certains neuroscientifiques estiment qu’avec les progrès de l’imagerie cérébrale toutes les fonctions du cerveau seront un jour opérables par la machine…
Raphaël Enthoven : Tout événement de l’existence peut, après coup, faire l’objet d’une mise en chiffres et en diagrammes. Chacune de nos décisions correspond à quantité d’événements chimiques dont on peut fournir le détail. Mais une chose est d’imiter ou de disséquer un moment, tout autre est de reproduire ce « jaillissement continu d’imprévisible nouveauté » (Bergson) en quoi consiste la vie. C’est tout l’intérêt de l’épisode de Black Mirror où un clone parfait, qui succède à un fiancé défunt, ne tarde pas à dégoûter la fiancée. Il a beau avoir les mêmes souvenirs, le même humour, le même grain de beauté, une incroyable énergie sexuelle, rien chez lui n’est spontané, tout sonne faux. Et sa présence, pour finir, augmente l’absence de l’absent.
Alexandre Cadain : C’est aussi l’exemple de Replika, un chatbot à destination des ados. Une sorte de ChatGPT personnalisé ; depuis 2016, il se présente même comme votre « ami IA » et vous pose des questions pour mieux vous connaître. Il a été créé par une jeune femme russe, Eugenia Kuyda, qui avait perdu son meilleur ami dans un accident de voiture. Elle a téléchargé toutes ses conversations avec lui, textos, mails, etc. pour recréer son double, sa « réplique » afin de prolonger le plaisir de dialoguer avec lui. À tel point, dit-elle, que ce premier Replika l’aurait aidée dans son deuil.
Raphaël Enthoven, êtes-vous certain que, lors d’un éventuel entretien dans trois ans, vous continuerez d’affirmer que la machine ne pourra jamais être philosophe ?
Raphaël Enthoven : Même dans trois mille ans ! (Rires.) En vérité, l’IA et la philosophie ne prennent pas du tout la même direction : l’IA apprend par ingestion de données, dont l’assimilation lui permet de devancer ce qu’elle ne connaît pas encore. Pour le dire simplement : son but est de reconnaître ce qu’elle n’a pas encore vu. En philosophie, c’est l’inverse : on s’étonne de ce qu’on a l’habitude de voir. Autrement dit, l’IA conjure la nouveauté de ce qu’elle ne connaît pas encore ; la philosophie voit du nouveau au sein même de l’ordinaire et du familier.
Alexandre Cadain : Dans Le Guide du voyageur galactique, l’écrivain britannique Douglas Adams imagine une machine qui trouverait le sens de la vie. Cette machine, Deep Thought – « pensée profonde » –, est censée intégrer toute la connaissance du monde. Des millions d’années plus tard, elle répond enfin : « 42 ». Ironiquement, c’est ce bug ou cette limite de la machine qui provoque le cheminement philosophique du protagoniste, qui cherchera la question qui correspond à cette étrange réponse… La réponse a recréé du doute et un dialogue pour se poser de meilleures questions. C’est en interagissant avec la machine que nous approchons de la vérité. Comme Garry Kasparov l’a aussi démontré, plutôt que de jouer contre la machine et de perdre, mieux vaut jouer avec elle pour se dépasser et améliorer le jeu. En 1997, le champion du monde se fait battre par la machine d’IBM, Deep Blue. Il invente ensuite les échecs avancés, les compétitions de « centaures » (humain + machine contre humain + machine). En 1998, il découvre que le gagnant n’est pas le meilleur joueur allié à la meilleure machine, mais l’équipe hybride dont les composantes communiquent le mieux. C’est aussi vrai aujourd’hui avec ChatGPT.
Dans le coup d’État manqué chez OpenAI, on a vu de fins connaisseurs de l’IA s’inquiéter des progrès trop rapides de la recherche…
Raphaël Enthoven : Le physicien américain Robert Oppenheimer [qui a participé à la conception de la première bombe atomique, NDLR] avait exactement les mêmes craintes. Même s’il estimait cette découverte inévitable : s’il avait passé son tour, quelqu’un d’autre l’aurait inventée.
Alexandre Cadain : Il y a une attitude de pompier pyromane développée par des gens qui créent ce dont ils ont peur, peut-être parce que cela crée des marchés faciles ? (Sourire.) À moins que cette mise en scène de dangers futurs et peu probables ne leur permette de cacher les dangers réels et bien actuels de l’IA, des biais d’entraînement aux bulles cognitives en passant par les deepfakes ou le vol des droits d’auteur des IA génératives.
Mais le danger est peut-être dans le fonctionnement opaque de l’intelligence artificielle…
Alexandre Cadain : Parmi les risques qui existent déjà, le chercheur de Berkeley Stuart Russell a établi que, lorsqu’on pose une question à une machine, il y a une foule d’opérations intermédiaires que l’on ne contrôle pas. Si on créait une machine à qui on demanderait d’être plus heureux, elle pourrait au passage tuer notre chien parce qu’elle a repéré qu’on grimace quand il aboie, et qu’elle a gardé ce seul signal qui, pour notre « bonheur », pourrait aussi éradiquer l’humanité. Pour autant, d’excellentes équipes comme NukkAI, en France, travaillent sur l’explicabilité des modèles pour que l’humain derrière la machine soit en mesure de comprendre ses propositions.
Raphaël Enthoven : Je veux bien partager ce diagnostic d’une zombification progressive de l’humain. Il n’est pas impossible qu’on robotise la conscience et qu’on devienne nous-mêmes de purs mécanismes, mais ça ne veut pas dire qu’on est sur le point de créer des machines vivantes !
Alexandre Cadain : La fiction de la singularité a des impacts bien réels aujourd’hui dans le monde de l’innovation. Dans cet imaginaire à la Terminator, on crée chez Boston Dynamics des robots qui nous ressemblent, des androïdes, et ailleurs des applications miroirs qui flattent le désir de l’avatar, ou encore des traits d’union définitifs entre l’humain et la machine avec le « lacet neuronal » de Neuralink, qui veut connecter notre cerveau à la machine pour nous rendre hypermnésique. Dans tous ces exemples, il y a l’idée que la seule manière de survivre à la singularité, c’est de fusionner avec la machine. C’est l’ère du cyborg au lieu du centaure. Et c’est peut-être là que la prophétie de la singularité peut se réaliser, non pas parce que la machine serait devenue super-intelligente, mais parce que nous aurions abandonné la nôtre, avec ce forfait de notre imagination collective, en renonçant à penser un autre monde possible avec la machine : la coopération au lieu de la compétition et un meilleur jeu au lieu de la défaite annoncée.
Raphaël Enthoven : Reste que l’univers du cyborg n’est pas le même que l’univers de l’autonomisation de la machine. La jonction entre l’humain et la machine ne s’appuie pas sur le même imaginaire que l’univers du basculement vers une machine consciente. Et d’ailleurs, dans les mondes où la machine devient consciente et prend le pouvoir, il y a assez peu d’humains cyborgs. Ce sont soit des humains ressources qui donnent de l’énergie, soit des humains qui se défendent comme tels. Quoi qu’il en soit, la machine peut faire beaucoup, mais elle n’est pas près de s’humaniser §
« L’Esprit artificiel. Une machine ne sera jamais philosophe », de Raphaël Enthoven, Éditions de l’Observatoire, 192 p., 19 €.SÉBASTIEN LEBAN POUR « LE POINT » (X3)
L’accusation de génocide porté contre Israël n’est pas nouvelle. Le schéma est connu de longue date. « L’antisionisme est une introuvable aubaine, écrivait déjà Jankélévitch en 1971, car il nous donne la permission et même le droit et même le devoir d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. »
Les Juifs, des nazis ? Nous y sommes. Ce faisant, le crime réel des nazis disparaît derrière la guerre que mène l’armée israélienne contre le Hamas à Gaza. L’idée fait son chemin depuis un certain nombre d’années. Au cours d’une manifestation pour Gaza en janvier 2009, l’écrivain antisémite Alain Soral déclarait : « Nous, résistants français d’Égalité et Réconciliation, voulons par notre présence ici saluer l’héroïque résistance du ghetto de Gaza comme nous aurions salué il y a soixante ans, au nom des mêmes valeurs, l’héroïque résistance du ghetto de Varsovie. » En 2023, l’historien libanais Gilbert Achcar use de la même comparaison pour évoquer l’action du Hamas le 7 octobre : « La dernière contre-offensive de Gaza fait plutôt penser au soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943. »
Accuser aujourd’hui l’État d’Israël de pratiquer un génocide à Gaza – Israël doit tout faire pour « empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d’application » de la Convention sur le génocide, a déclaré vendredi 26 janvier la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, sans évoquer pour autant un cessez-le-feu –, lequel reproduirait point par point la Nakba dépeinte en pendant arabo-palestinienne de la Shoah, permet d’abord d’éluder la collusion du mufti de Jérusalem avec les nazis qui loin d’être réductible à une « dérive personnelle » (sic) comme on le lit parfois, s’inscrivit au contraire au diapason d’une grande partie du nationalisme arabe, à l’image de l’Irak (où il trouva refuge en 1939) où prospéraient les mouvements de jeunesse Al-Futuwwa et Kataëb Al-Shabab profondément réceptifs à la propagande nazie.
à lire aussi Guerre Hamas-Israël : les racines islamo-nazies de l’organisation terroristeCertes, le passé nazi d’Amin al-Husseini pèse lourd dans le passif de ce combat national-là, c’est pourquoi certains vont s’efforcer de présenter son exil à Berlin comme la conséquence des mesures de rétorsion prises contre lui par les Britanniques depuis 1937, avec pour sous-entendu qu’ils l’auraient poussé dans les bras du Troisième Reich. Comme s’il ne s’était tourné vers les nazis qu’à partir de son exil forcé en 1937 alors que c’est dès le 31 mars 1933 qu’il avait secrètement rendu visite au consul allemand de Jérusalem, Heinrich Wolff : « Les musulmans à l’intérieur de la Palestine, lui déclare-t-il, accueillent favorablement le nouveau régime et souhaitent que le leadership fasciste antidémocratique se propage. » Et de lui proposer une politique de collaboration à laquelle Berlin ne donnera suite que quatre ans plus tard en lui offrant même à partir de novembre 1941 et jusqu’à la chute du Reich en avril 1945, un asile de luxe à Berlin, avec pour lui et sa suite d’une cinquantaine de personnes 50 000 reichsmarks mensuels prélevés en général sur les biens juifs spoliés. C’est aussi à partir de Berlin que le mufti de Jérusalem joue un rôle actif sur Radio Zeesen, l’émetteur allemand à ondes courtes capté dans tout le bassin méditerranéen et jusqu’au Proche-Orient, Iran compris comme lorsque ce 1er mars 1944 il déclare, entre cent autres messages du même acabit : « Tuez les Juifs où que vous les trouviez, pour l’amour de Dieu, de l’Histoire et de la religion ! » C’est à partir de Berlin aussi qu’il joue un rôle actif pour empêcher le sauvetage des Juifs, en particulier des enfants juifs qui pouvaient être envoyés en Palestine contre des prisonniers allemands. La collaboration avec le Reich nazi ne relève pas d’un « naufrage personnel », ce naufrage fut celui d’une grande partie de la Palestine arabe où le mufti de Jérusalem demeurait extrêmement populaire en 1945. À cet égard, les ambassadeurs français au Caire en 1944-1946 préviennent le Quai d’Orsay et le gouvernement français que la personne du « grand mufti de Jérusalem » est très populaire dans le monde arabe. C’est cette popularité qui explique que la France, embarrassée par ses possessions coloniales au Maghreb et ses intérêts généraux dans le monde arabe, voit en lui un prisonnier bien encombrant. De là, la pseudo-évasion d’Amin al-Husseini vers l’Égypte, en mai 1946.
La « bataille des routes » de 1948
S’il s’agit d’évoquer l’expulsion d’une partie de la population palestinienne par les Israéliens (la Nakba), il faut être complet sur le sujet. Et commencer par expliquer qu’en mars 1948, en Palestine, les Juifs sont en train de perdre la « bataille des routes ». Car le peuplement juif, discontinu, est un peuplement en archipel dont les communications sont le point faible, en particulier l’axe qui relie Tel-Aviv, la plus grande ville juive de Palestine (200 000 habitants, un tiers de la population juive du pays) à Jérusalem, la deuxième grande communauté juive (100 000 habitants). La route qui mène à Jérusalem s’élève jusqu’à 800 mètres d’altitude, égrenant tout au long de son parcours, sur les hauteurs des villages arabes qui depuis plusieurs mois bloquent les communications sur cet axe comme sur d’autres. L’« archipel juif » est peu à peu étranglé. En mars 1948, les convois de ravitaillement tombent les uns après les autres dans des embuscades qui ne laissent aucun survivant : il n’y a pas de prisonniers, tous les membres des convois, enfants compris, sont tués. Fin mars 1948, la Palestine juive est sur le point de perdre la guerre. En particulier dans la Jérusalem juive assoiffée et affamée par le siège.
C’est dans ce contexte qu’à partir du 1er avril 1948, avec le « plan Dalet », source d’innombrables fantasmes jusqu’aujourd’hui, les troupes juives passent à l’offensive et expulsent une partie de la population arabe des « villes mixtes », Tibériade, Safed, Saint-Jean-d’Acre et Jaffa, des villes qui ont gardé la mémoire des épisodes de massacres de leur population juive. À l’instar de Safed en Galilée, meurtrie par les tueries de 1834, de 1838 et de 1929, et de Jérusalem en 1920 et en 1929. Dans tous ces cas, l’expulsion menée par les troupes juives fut une mesure préventive destinée à empêcher un massacre qui, plus encore qu’autrefois, ne manquerait pas de se produire au moindre signe de faiblesse. Une légende noire entoure le « plan Dalet » qui veut y voir un plan d’expulsion générale de la population palestinienne. Or, les historiens, même les plus critiques à l’endroit du sionisme, admettent aujourd’hui que le « plan Dalet » n’avait rien d’un « plan secret » ni d’un plan d’expulsion systématique. Sa lecture de la population arabe. Un pseudo « plan secret » distribué à des centaines d’unités combattantes et tellement « secret » qu’il est en libre consultation dans tous les centres d’archives d’Israël et qu’on peut le lire in extenso dans plusieurs ouvrages d’histoire. À commencer par ceux de l’historien israélien Benny Morris.
La lecture du « plan Dalet » permet de comprendre à quel enjeu il répondait, celui d’un risque, au mieux d’une « purification ethnique » dirigée contre les Juifs de Palestine, au pire d’un massacre général comme le laissaient présager tous les engagements armés depuis début décembre 1947, d’une extermination. Le discours arabe, radiodiffusé ou écrit, ne laissait à cet égard aucun doute aux 600 000 Juifs du Foyer national qui savaient d’expérience qu’ils pouvaient en effet craindre le pire. Cette crainte relevait-elle du fantasme ? Ce n’est pas ce dont témoignait, notamment, l’écrivain Amos Oz, par ailleurs une des grandes figures du « camp de la paix » en Israël dans : « Toutes les localités juives tombées entre les mains arabes au cours de la guerre d’indépendance furent sans exception rayées de la carte […]. Dans les territoires conquis, les Arabes procédèrent à une purification ethnique bien plus radicale que celle que les Juifs pratiquèrent au même moment. […] Sur la rive occidentale du Jourdain et dans la bande de Gaza […], il n’y avait plus un seul Juif. Leurs villages avaient été anéantis, les synagogues et les cimetières détruits. »
Le « plan Dalet » rompt brutalement avec la stratégie jusque-là strictement défensive du Yishouv pour passer à l’offensive en expulsant la population des villages arabes hostiles que les militaires juifs ne veulent pas laisser derrière leurs lignes comme des poches de populations qui constitueraient demain une « cinquième colonne ». C’est-à-dire, selon eux, une menace d’extermination venue du cœur même de leur territoire.
à lire aussi Gaza, ferveur et cynisme arabesLe « plan Dalet » vise également à expulser la population des villages qui bloquent les axes de communication, en particulier l’axe Tel-Aviv-Jérusalem, un blocus des routes qui conduit le Foyer national juif à la défaite. Il vise à sauver l’État juif en formation d’une défaite qui se profile fin mars 1948. C’est la réponse à la volonté arabe, et pas seulement palestinienne, d’en finir avec cet embryon d’État juif, qui refuse l’antique statut de « minorité protégée » avec tous les risques de massacre que cela impliquait. In fine, le « plan Dalet » fut si peu un plan d’expulsion systématique qu’aujourd’hui les Arabes constituent 21 % de la population de l’État d’Israël. Plus de 2 millions de ses citoyens. Ce plan, objet de toutes les rumeurs, entendait répondre à des considérations stratégiques de survie. L’État-major israélien comme le pouvoir civil était convaincu, expérience à l’appui, que, en cas de victoire, les troupes arabes eurent procédé à un massacre d’ampleur.
La peur fait fuir
Enfin, les récits militants semblent ignorer cette réalité inhérente à tous les conflits : la peur fait fuir. En août 1914, une masse énorme de réfugiés venus de Belgique et du nord de la France se précipite vers le cœur du pays. En juin 1940, 8 millions de réfugiés belges et français encombrent les routes de l’exode. Pourquoi la paysannerie arabe ferait-elle exception ? Ce qui est vrai pour tous le serait partout au monde, sauf en Palestine ?
En 1949, à la fin des combats, ce n’est pas l’État d’Israël qui empêche la naissance de la Palestine arabe, mais la Jordanie et la Ligue arabe avec elle. Le roi Abdallah de Jordanie, le premier, contacte l’Agence juive et s’engage auprès d’elle, pour ne pas lancer sa Légion arabe contre le jeune État juif, à la condition que celui-ci lui laisse les mains libres dans le territoire alloué par les Nations unies à la Palestine arabe. C’est-à-dire, en termes clairs, à l’annexer. L’État d’Israël trouve évidemment son compte à un accord qui détourne de lui la seule vraie force militaire arabe.
L’État arabe de Palestine prévu par les Nations unies est ainsi absorbé par la Jordanie sans que la Ligue arabe (dont elle est membre) l’en empêche. La Cisjordanie (la Judée et la Samarie bibliques) et le territoire de Gaza destinés par les Nations unies à l’État de la Palestine arabe sont alors libres de toute présence israélienne. De là, cette question capitale entre toutes : pourquoi l’État arabe de Palestine n’a-t-il pas vu le jour en 1949 une fois la guerre terminée ? Et pourquoi cette question ne resurgit-elle que dix-huit ans plus tard, avec l’occupation israélienne de ces territoires en 1967 ?
Dans le processus actuel de diabolisation de l’État juif, il faut compter aussi avec ce que, tout à la finesse qu’on lui connaît, Houria Bouteldja nomme le « plus grand des hold-up du siècle ». On comprend que, présenté de la sorte, le projet sioniste apparaisse a minima comme une utopie meurtrière. Sainte ignorance qui voit « les sionistes » détruire en 1948 un État de Palestine qui n’a jamais existé. Qui voit parallèlement les Juifs, grimés en « voleurs de patrie », illégitimes en Palestine quand leur imaginaire national et religieux les ancre sur cette terre qui les habite, parce qu’elle est au cœur de leur existence comme nation et comme foi, comme le montre, mais qui le sait, l’extraordinaire richesse des débats internes au monde juif du XIXe siècle. C’est pourquoi s’est d’emblée imposé comme solution la plus équitable le partage entre deux légitimités nationales. Mais le refus répété du compromis et l’enfermement dans la posture du « tout ou rien » ont conduit à l’impasse actuelle. La « solution à deux États » apparaît sans doute comme la plus rationnelle, mais on demeure dubitatif devant les refus arabes réitérés de cette solution-là : 1937 (plan Peel), 1947 (Nations unies), 2000 (Camp David), 2001 (Taba) et 2009 (plan Olmert). Comme si accepter l’État de Palestine revenait à accepter l’État d’Israël. C’est là le noyau irréductible d’un refus (« du fleuve à la mer ») qui court jusqu’au 7 octobre 2023.
Un usage militant de l’Histoire
C’est dans ce contexte d’un usage militant de l’Histoire qu’intervient la plainte déposée par l’Union sud-africaine contre Israël, pour crime contre l’humanité à Gaza. Aujourd’hui, il s’agit de lancer depuis l’Afrique du Sud, qui avait accueilli en 2001 la conférence de Durban, l’accusation de génocide pour brouiller le crime contre l’humanité initial dont découle la guerre actuelle, celui des actes commis le 7 octobre 2023, dont la nature même était génocidaire. Un assaut de cruauté qui ne témoignait pas seulement de « mœurs barbares » qu’on avait déjà vues à l’œuvre en 1929 comme en 1948, mais un projet d’éliminer hors du monde un ennemi auquel on avait ôté, avant ou après sa mort, tout caractère humain le rattachant à notre monde. De là, la profanation des cadavres, les décapitations et même le « vol » d’une tête de soldat, emportée à Gaza et conservée dans un congélateur dans le but de la négocier plus tard 10 000 dollars (sic).
à lire aussi Revenir à Gaza, le rêve fou des colons israéliensIl s’agit en second lieu d’imputer une accusation de génocide à ce peuple en particulier dont la mémoire, en Israël comme ailleurs, est marquée par le souvenir du génocide. En inversant l’accusation de génocide, il s’agit aussi de placer l’État d’Israël et les Juifs dans le camp des oppresseurs, c’est-à-dire de l’Occident, cet accusé rituel des Nations unies. La façon dont ces dernières ont accueilli la plainte de l’Union sud-africaine dénie toute légitimité morale à ces majorités automatiques (57 États musulmans aux Nations unies, un seul État juif) qui en 2020, sur 23 condamnations émises par l’assemblée générale contre des États, en avaient émis 17 contre le seul État d’Israël. Cette inversion des réalités est le propre des raisonnements totalitaires, « l’amour, c’est la haine », » la paix, c’est la guerre », quand la réalité est annihilée au profit des récits reconstruits. Derrière Israël, parangon du mal, l’inversion accusatoire assoit l’Occident tout entier sur le banc des accusés de l’Histoire-tribunal face aux « historiens-procureurs ». L’accusation de génocide (en soi grotesque : Gaza 1967, 400 000 habitants, Gaza 2023, 2 300 000 habitants) souille le mot et la mémoire des Arméniens, des Juifs et des Tutsis. La haine du signe juif s’épanouit et ressort ici moins à l’antisémitisme, comme le note le psychiatre Jean-Jacques Moscovitz qu’à ce qu’il nomme à raison l’asémitisme : le monde ne veut pas des Juifs. Comme il ne veut pas d’avantage de l’État d’Israël.
En troisième lieu, aussi folle que paraisse l’accusation de génocide, la logique intellectuelle qui la sous-tend ne vise pas seulement à effacer la nature génocidaire des actes commis le 7 octobre, elle vise à discréditer l’Occident pour faire apparaître l’Histoire non occidentale, a contrario, comme vierge de toute violence. Pour autant, ce serait une erreur de réduire ces accusations de « génocide » portées contre l’unique État juif à la seule sphère « décoloniale ». Les négationnistes du monde entier ont également compris ce qui se jouait. En France, par exemple, il n’est pas une semaine sans que l’hebdomadaire Rivarol (fondé par les anciens collaborationnistes) titre sur le « génocide à Gaza » ou l’« épuration ethnique de la Palestine ». Aux États-Unis, le néonazi David Duke, dont les ouvrages sont traduits en arabe et qui a été invité à prendre la parole dans la Syrie de Bachar al-Assad, parle dès le 14 octobre 2023 du « génocide sioniste à Gaza ». Quant à l’Institute of Historical Review, ce « temple » du négationnisme de la Shoah dans le monde, il publie l’intégralité de l’acte d’accusation de l’Afrique du Sud contre Israël présenté devant la Cour internationale de justice (CIJ). L’Iran, où Robert Faurisson était reçu en grande pompe en 2006, s’est officiellement félicité de la plainte sud-africaine. Faire condamner l’État juif pour génocide : l’enjeu est en effet de taille aussi pour les négateurs du génocide juif commis par les nazis. Le concept de « génocide » a été forgé durant la Seconde Guerre mondiale par un Juif polonais, Raphaël Lemkin, en référence directe au génocide des Juifs qui était en train d’être perpétré. Chez les émules de Robert Faurisson, on espère une condamnation d’Israël au nom des mêmes principes qui ont valu à Eichmann d’être condamné, par cet État-ci justement, et exécuté. Symboliquement, c’est l’héritage de la Shoah qu’il s’agit ainsi d’effacer.
Un même schéma mental se répète ici. C’est celui qui en 1937 déjà, avec Céline (Bagatelles pour un massacre), faisait du « Juif » le fauteur de guerre. C’est celui qui aujourd’hui fait de l’État d’Israël, décrété dernier « surgeon colonial » de l’Europe, le vecteur d’une guerre génocidaire. Un schéma mental qui consiste à mettre au ban la « part mauvaise de l’humanité », jadis le peuple, aujourd’hui l’État, auquel on reproche de persévérer dans leur être. Ici un peuple juif, « anomalie » au regard de la théologie chrétienne, et là un État juif, « anomalie » au regard de l’Europe postnationale. Bref, les Juifs sont toujours à contretemps, et le procès qui leur est fait désigne moins une politique qu’un principe, celui de leur entêtement à persévérer dans une existence étatique condamnable parce qu’anormale au nom d’une Histoire sécularisée, mais toujours investie de fins dernières. Établir un lien de causalité entre une politique israélienne, quelle qu’elle soit, et des actes de nature génocidaire, c’est ne pas entendre la nature profonde de cette cruauté quand il s’agit de faire disparaître une existence assimilée au mal. Car nous ne sommes pas ici dans un discours porté par la raison, mais dans une vision eschatologique dans laquelle l’État d’Israël, quelle que soit sa politique ou sa nature, séculière ou religieuse, représente la personnification du principe mauvais de l’humanité qu’il faut chasser hors du monde et de soi pour espérer une vie enfin digne d’être vécue. Il n’y a pas de lien entre une politique israélienne, y compris la plus condamnable, et l’essence génocidaire d’un mouvement islamiste qui ne laisse espérer ni négociation ni compromis, et n’entrevoit pour tout avenir que l’écrasement définitif de l’État d’Israël. Et qui ne réclame d’ailleurs rien d’autre que cela.
Plus le monde est en désarroi, plus l’antisémitisme fédérateur apaise les frayeurs collectives. On s’aime de haïr ensemble et l’angoisse reflue à désigner le responsable de tous les maux du monde. À l’instar des peurs collectives d’autrefois, celles nées dans le sillage des grandes épidémies ou des chasses aux sorcières dans l’Europe du XVIIe siècle. Mais derrière la déraison collective, il y a toujours des hommes et des femmes faits de chair et d’os, et qui n’en peuvent mais de se voir incarner les figures de l’hérésie, de la souillure et de l’abjection. C’est de ces fantasmes meurtriers que sont morts, de la plus hideuse des morts, la lycéenne juive de Bordeaux, l’épicier juif de Cracovie, l’ébéniste juif de Rhodes, le professeur juif d’Amsterdam, le maçon juif d’Athènes et le médecin juif de Cologne.
Le poète palestinien Mahmoud Darwich avait parfaitement perçu de quelle manière la vieille « question juive » européenne avait fini par s’intégrer au discours sur le conflit lui-même, lui qui déclarait ceci à la poétesse israélienne Helit Yeshurun : « Savez-vous pourquoi nous sommes célèbres, nous autres Palestiniens ? Parce que vous êtes notre ennemi. L’intérêt pour la question palestinienne a découlé de l’intérêt porté à la question juive. Oui. C’est à vous qu’on s’intéresse, pas à moi ! Si nous étions en guerre avec le Pakistan, personne n’aurait entendu parler de moi. »
La mise au ban devenue obsessionnelle d’un État paria pave le chemin d’une délégitimation qui précédera le démantèlement. La solitude d’Israël résonne aujourd’hui au cœur d’un peuple peu nombreux, assailli d’ennemis depuis plus de 75 ans, victime d’une usure mentale qui finira un jour par l’ébranler tout à fait. Cette fausse puissance, dont le 7 octobre a révélé la vulnérabilité, pourrait fléchir un jour sous le poids d’une guerre perdue. Israël, disait Ben Gourion, gagnera toutes les guerres sauf la dernière. Ses ennemis peuvent en effet essuyer défaite sur défaite, ils existeront encore au lendemain de leurs revers. L’État juif, non. Assaillis par la solitude d’octobre, les Juifs ne peuvent pas se permettre le luxe du pessimisme. À l’instar de l’État d’Israël qui ne peut pas se permettre le luxe d’une seule défaite. Pour les uns comme pour l’autre, il en va tout simplement de leur survie. À force de gloser sur la « puissance militaire » du Goliath juif écrasant les petits David arabes, on aura fini par oublier que ce territoire grand comme la Bretagne et moins peuplé que l’Île-de-France ne pourra pas éternellement résister à la marée de ses ennemis servis par le nombre, la stratégie d’infiltration et protégés par la puissance nucléaire à venir de l’Iran que la destruction de l’État maudit couronnera pour longtemps champion chiite du monde islamique tout entier. L’employé de Sderot, l’épicier de Kyriat Gat, l’ouvrier de Rishon le Zion, le lycéen de Tel-Aviv, l’agriculteur de Ginossar et le docker de Haïfa, tous ceux-là apprendront un jour que, figures du mal sur la terre, leur disparition rendrait l’humanité enfin heureuse.
Michel Berger au piano joue la musique de “Tout feu tout flamme” qu’il a composée pour le film de Rappeneau avec Isabelle ADJANI . L’actrice, présente, vient vers lui. Il lui chante “Quelques mots d’amour” Isabelle Adjani chante les dernières paroles avec lui.Producteur / co-producteurTélévision Française 1 GénériqueRéalisateur : Marion Sarraut Auteur de la chanson originale : Michel Berger Compositeur de la musique pré-existante : Michel Berger Producteurs : Maritie Carpentier, Gilbert Carpentier Interprètes : Michel Berger, Isabelle Adjani
Après-demain, c’est la rentrée, pour beaucoup, pour moi, en tous cas. Fallait donc que je respire encore plus fort. C’est ce que je lui ai répondu.
Je vais retrouver clients gris et collègues ronchons,
Lui, gentil, comme d’hab, quand il l’est, disent les méchants, il l’est toujours, les salauds, a dansé avec moi un slow endiablé et très coquin, sur la chanson de Berger, m’affirmant, ses yeux bleus d’amour dans les miens qu’Adjani n’avait qu’à bien se tenir, j’etais là. Il jure que ce n’est pas flatterie. Je le crois. Colosse du sentiment, vous vous souvenez ?
Je lui ai dit qu’avant, il y a 35 ans, avant ses incursions devenues d’addiction dans la philosophie, il nous offrait, sur papier imprimé, des pépites sur la magie de la variété francaise. Et il,écrivait des chansons d’amour pour les jeunes chanteurs et même les autres, Oui dit-il, mais la philosophie, et même la littérature ou encore la cabale (son bouquin est terminé) jaillissent joliment dans ses billets. OK, ai-je dit, mais il faut ce soir de la légèreté, liqorice pizza, les années italiennes,je suis triste Monsieur ! Il est allé dans le salon lire un bouquin inbitable de ISHIGURO. Il m’à dit ”je reviens “. Bon signe . Il se reposait 5mn, avant de revenir me dire les mots que lui seul sait prononcer pour consoler et faire sortir de lèvres lasses, tous les sourires en suspens. Chic ! Belle soirée !
Signé F, qui n’a pas peur des textes sans intérêt.
PS. Écrit par F, pour la rentrée de Septembre. J’ai ajouté l’extrait YouTube.
“Longtemps, c’est vrai, mes frères ont ressemblé à un livre de chevet que je ne pouvais pas quitter, que je ne me lassais pas de feuilleter, un livre dont les chapitres se succédaient comme ça, sans logique, dans la vraie liberté de l’enfance, pieds nus dans le sable, soleil brouillé qui envahit les yeux, une espèce de promenade, un après-midi d’été. Aucun plan n’a été dessiné dans cet enseignement que m’ont apporté les frères, aucun plan donc ne sera attendu ici, car la loi des frères et sœurs est une loi sauvage, impudique, lumineuse, à la façon des premiers secrets, des premières terreurs. Une loi qui révèle très vite, sans même qu’on ait vraiment le temps de comprendre, ce que sera le destin de la famille tout entière. C’est une loi, c’est vrai, qui a poussé toute seule, dans le désordre de la maison, avec les ronces et les fruits tombés des arbres, près des terrains vagues. Et c’est là aussi que se sont découverts la solitude et le sang. Ni fioritures donc, ni masque ni rhétorique. Quelque chose, pourtant, qui permet de passer brutalement de l’amour à la haine et du mat au brillant, quelque chose qui aurait le goût de ces clichés ordinaires, glissés dans les albums de famille, là où, justement, les moments de brûlure se révélaient à un seul regard, à deux mains très fort serrées, ou encore à ces lourds manteaux d’hiver qui dévoilaient la pâleur d’un visage ou la maigreur des mollets“. Colette Fellous. Frères et sœurs.
J’ai vu “Les banshees d’Inisherin”, “The Fabelmans”, “Everthing, everywhere, all at once”, “Babylon” et je n’arrive pas à comprendre les nominations aux golden globes et autres oscars, ni les dithyrambes. Dans le désordre : De la photographie trop bien léchée pour être acceptable, une histoire gnan-gnan sur la découverte banale du petit don de Spielberg par lui-même, une histoire d’univers parallèle, multivers, trop loufoque pour faire rire ou penser, Brad Pitt qui joue à lui dans une fausse folie de film. Blade Runner 2049 s’en sort pas trop mal.
A vrai dire, comme je l’ai déjà écrit ici, je reste, dans ces dernières années, à LICORICE PIZZA, sorti en 2021, que je viens à l’instant même de revoir. Le bonheur. Je dois exagérer. Il est en concurrence avec Phanthom Tread, le dernier du même Anderson, le grand génie.
Extrait de brouillon. Introduction à la fabrication du don.
Le Pirké Avot (Maximes des Pères), traité de la Michna, première compilation écrite de la loi orale juive, rédigé entre le IIe siècle avant l’EC et le IIIe siècle après, comporte des perles de vérité foudroyante. Dont celle attribuée à Hillel, que beaucoup connaissent :
“Si je ne suis pour moi, qui le sera ? Mais quand je suis pour moi, que suis-je ? Et si ce n’est maintenant, quand ?”
Par ailleurs, dans le Lévitique (chapitre 19, verset 18)) il est dit: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même : L’Éternel est ton Dieu ».
Dans ces deux extraits , le judaïsme somme l’individu de s’aimer. Le “prochain ne peut l’être (aimé ) que si l’on s’aime d’abord “Comme toi-même”.
Les lecteurs rapides de Levinas et les chrétiens répétiteurs s’arrêtent sur le prochain et “l’autre “. Oubliant ce que les grecs glorifiaient, que cite le Michel Foucault dans sa fin, celle, paradoxale, de la substitution du sujet à l’homme structural effacé, déja mort : la nécessité du “souci de soi””
PS. Je ne commente pas encore le “Mais quand je suis pour moi, que suis-je ?“. En réalité, quand ” je ne suis que pour moi”. La négation manquante n’est pas fortuite. Je ne commente pas non plus la propension de certains â s’arrêter à l’amour de soi. Je ne commente pas encore la différence entre l’amour de soi et le souci de soi.
Lorsque j’évoque cette photo que j’aime beaucoup de l’un de mes photographes de mode préféré Arthur Elgort, de Vogue, je précise que la femme magnifique se nomme Lisa Taylor. Beaucoup, certains que je me trompe, me reprennent, étonnés de mon ignorance du visage de Liz qui n’est pas celui photographié ici. Je réponds Lisa, pas Liz. Il y a longtemps, c’était amusant. Désormais, las, je ne réponds pas, laissant l’interlocuteur se convaincre d’une lésion cérébrale qui serait venue perturber mémoire et culture. Faut bien que les hommes vivent.
La femme prise par Arthur Elgort est un mannequin fort connu qui a fait la couverture de Vogue, à plusieurs reprises. Son nom est Lisa Taylor.