Le juif sans pyjama

Je livre ce texte de Serge Klarsfeld qu’on vient de m’envoyer.

Je le commentrai demain :

L AVENIR DES JUIFS, par SERGE KLARSFELD

Quand on regarde l’avenir, on se rend compte que la vie de chaque Juif dans le monde risque d’être instable et périlleuse. Pendant les trente dernières années, les Juifs se sont regroupés en Occident et en Israël et ont connu une existence sécurisée grâce à l’émergence de la mémoire de la Shoah dans la conscience des Occidentaux.

La majorité des pays du monde émergents puissants démographiquement et dynamiques sont entrés dans une coalition dirigée par le trio Iran-Russie-Chine. Leurs populations qui n’ont rien à voir avec la Shoah adhèrent à la cause palestinienne et considèrent Israël comme un État colonial et raciste.

Une minorité, mais très active, de la jeunesse occidentale et universitaire partage ce point de vue, en particulier aux États-Unis, situation inquiétante quand ces jeunes seront aux leviers de commande dans un pays qui est le seul allié politique et militaire d’Israël.

Dans chaque pays occidental, l’immigration de populations dans lesquelles les islamistes sont nombreux accroît le danger.

Sept à huit milliards d’individus peuplent la planète et la majorité d’entre eux ont une opinion défavorable de l’État juif et des Juifs dans leur ensemble, lesquels ne sont au plus que 15 millions.

La crise militaire que traverse Israël, qui n’a pas réussi à libérer ses otages et à se débarrasser définitivement du Hamas, s’intensifiera quand l’Iran acquerra la bombe nucléaire alors que les dirigeants iraniens ont affirmé leur détermination à l’utiliser contre Israël dont la capacité de représailles ne peut menacer l’existence de l’espace arabo-musulman.

Dans ces conditions et dans chaque pays où existe une communauté juive, il serait opportun de former les jeunes Juifs à affronter les périls qui les menacent et qui menacent le judaïsme tout entier. Il faut se souvenir qu’en 1939, alors que Hitler était au pouvoir depuis six ans et que l’antisémitisme sévissait dans la quasi-totalité des États européens, aucun Juif n’était armé pour se défendre. Les Juifs comptaient à tort sur les appareils d’État pour les défendre et non pour les persécuter ainsi que sur la victoire des démocraties sur l’Allemagne hitlérienne. Ce fut leur défaite et la disparition de deux tiers des Juifs européens. Israël ne pourra intervenir à l’extérieur de ses frontières pour protéger des Juifs menacés et si les persécutions qu’ils pourraient subir les poussaient à faire leur alyah, Israël ne pourrait que s’en réjouir.

Comment réagir ?

Il faut investir massivement dans les écoles juives et dans les mouvements de jeunesse juifs afin que les jeunes Juifs y aillent et se reconnaissent en tant que Juifs conscients de la nécessité d’une formation intellectuelle et physique capable de les rendre forts et unis autour de leur défense là où ils vivent et autour de la sécurité d’Israël qui doit être prioritaire.

ls doivent être conscients qu’ils appartiennent aux aussi à des générations exceptionnelles de Juifs avec des responsabilités exceptionnelles pour l’avenir du judaïsme. Ce qui doit se répercuter dans le niveau élevé de leurs études, des petites classes à l’université, dans la qualité physique de leurs corps améliorés par le sport, par leur familiarité avec Israël, avec les Israéliens et avec l’hébreu ; par la dialectique et la capacité de répartie aux diatribes et arguments antijuifs.

Les organisations juives devraient en conséquence modifier leurs programmes. Lutter contre l’antisémitisme n’est plus la priorité ; les seules réelles victoires remportées dans cette lutte sont d’une part la défaite du négationnisme et, d’autre part, l’abandon de l’ADN de l’antisémitisme par des partis issus de la droite extrême et devenus partisans d’Israël et protecteurs des Juifs contre l’islam radical. Il faut préparer les Juifs à ce qui risque de leur arriver.  SERGE KLARSFELD

DeMille, ten, two

Les “carnets de Pessah”, que j’ai publiés il y a quelques jours m’ont amené à revoir le film de Cécil B.DeMille. Il est sur Canal, gratuit pour les abonnés. Toujours autant de plaisir à revoir les scènes. Il est vain de se demander s’il a “bien vieilli”. Ce film est hors du temps et celui qui critiquerait les images, les dialogues, qui ne sont pas ceux de “Emily in Paris” ou the “Star Wars” est un idiot.

Mais, en le disant, je précisais qu’il ne fallait mettre à la poubelle le premier, assez curieux pour ses deux parties. Mais quel premier, me répondit-on ? Ben, le premier “Dix commandements” de Cecil B. DeMille, de 1923, muet. Le silence à l’autre bout du fil me fit comprendre que l’on ne connaissait pas. Il me parait donc opportun de poster sur le sujet, “comme il est dit”. De rappeler que le réalisateur avait déjà, 33 ans avant celui qu’on connait, fait un “Ten commandments”

EXTRAIT WIKI:: Les Dix Commandements (The Ten Commandments) est un film muet épique américain réalisé par Cecil B. DeMille, sorti en 1923

Dans sa première partie, le film raconte l’épisode biblique de la captivité des Hébreux en Égypte à l’époque du pharaon Ramsès II (Charles de Rochefort), leur exode vers la Terre Promise, la traversée de la Mer Rouge, Moïse (Theodore Roberts) recevant les tables des Dix Commandements.
La seconde partie se situe dans les années 1920. Elle relate l’histoire des deux fils d’une femme bigote (Edythe Chapman), l’un mauvais garçon (Rod La Roque), l’autre sérieux (Richard Dix), qui convoitent tous deux la même jeune femme.

EXTRAIT TELERAMA (2021). Excellent article’sur la version 1956, en Technicolor ,avec Charlton Heston.

Dix chiffres capitaux sur le film de Cecil B. DeMille

Par  Michel Bezbakh 

2 films

Il existe deux Les Dix Commandements par Cecil B. DeMille. Dans le premier, réalisé en 1923, Moïse guide d’abord les Hébreux hors d’Égypte, puis la deuxième partie se déroule à l’époque contemporaine. Pour son auto-remake, le cinéaste use avec joie du Technicolor, reste perpétuellement avant Jésus-Christ, et développe une part de la légende qui n’est pas dans la Bible : le temps passé par Moïse aux côtés de son cousin Ramsès II, à la cour du pharaon Séthi Ier.

3 romans à la base du scénario

Si la légende de Moïse est contée par l’Ancien Testament, elle l’est aussi par pas mal d’autres livres. Aeneas MacKenzie, Jesse L. Lasky Jr., Jack Gariss et Fredric M. Frank s’inspirent de trois romans pour écrire le scénario du film : The Pillar of Fire (La Colonne de feu), de J.H. Ingraham (1859), Le Prince d’Égypte, de Dorothy Clarke Wilson (1949), et On Eagle’s Wing (Sur les ailes de l’aigle), de A.E. Southon (1957). Il leur fallut plus de trois ans d’écriture.

7 mois de tournage

Sept mois pour tourner un film, c’est tout simplement monumental. Malgré la maîtrise des effets spéciaux, les peintures en arrière-plan, les incrustations, de nombreuses scènes sont tournées en Égypte, notamment au mont Sinaï.

75 films de Cecil B. DeMille

Ces Dix Commandements achèvent et couronnent la carrière prolifique de Cecil B. DeMille, entamée en 1914 (dans les années 1910, on peut faire entre cinq et dix films par an). Adepte de la comédie conjugale au temps du muet, il saura ensuite profiter des avancées techniques pour devenir le champion du péplum (Cléopâtre, Samson et Dalila…).Cecil B. DeMille sur le tournage des « Dix Commandements ».  Paramount

74 ans, l’âge de Cecil B. DeMille en 1956

Et 70 ans au moment de s’engager dans ce projet pharaonique, au début de l’année 1952. Il est d’ailleurs victime d’une crise cardiaque pendant le tournage, mais parvient à reprendre le travail deux jours plus tard ! Il décède trois ans après la sortie du film, son dernier, en 1959.

13 millions de dollars de budget

À l’époque, c’est le film le plus cher jamais produit. La Paramount donne à DeMille des moyens illimités, mais aussi une totale liberté artistique. Aujourd’hui, un blockbuster comme Tenet bénéficie d’un budget de 200 millions de dollars.

20 000 figurants

Certains disent 10 000, d’autres 18 000, d’autres encore 20 000. Une chose est sûre : il y a moult figurants sur le tournage. Ces vastes plans larges sur les esclaves se tuant à la tâche pour le pharaon (qui lui est bien seul sur son trône) continuent d’impressionner aujourd’hui.« Les Dix commandements  », de Cecil B. DeMille, dans sa deuxième version de 1956.  Paramount

122,7 millions de dollars de recettes au box-office

Soit le film le plus rentable de l’année 1956. Les Français sont 14 millions à le voir au cinéma.

4 plaies d’Égypte

Les grenouilles sont bien tombées du ciel, DeMille les a filmées, mais il décide finalement de les couper au montage. Il conserve son orage de grêle (de pop-corn), son Nil ensanglanté (par un tuyau d’arrosage), son ciel ténébreux, la mort des nouveau-nés.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956). 

1 Oscar

Eh oui, après être passé de 2 à 122,7 millions puis 4, cet article termine en eau de boudin avec le chiffre 1. Car malgré tous les moyens mis en œuvre et sept nominations aux Oscars, le film ne récolte qu’une seule statuette à la cérémonie de 1957. Elle revient à John Fulton, le directeur des effets spéciaux. On aime encore, bien des années plus tard, cette façon d’ouvrir la mer Rouge : par des chutes d’eau de part et d’autre et une pellicule qui se déroule à l’envers. Avec ça, vous traversez n’importe quelle étendue d’eau.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956).  Paramount

PAR UN CLIC CI-DESSOUS, ON PEUT VISIONNER LE FILM MUET

Télécharger par le lien ci-dessous. Quelques secondes pour rapatrier le fichier et on visionne sur le lecteur vidéo de votre choix sur votre tel ou ordi, sans s’occuper des autres mentions.de Google ou chrome sur les vidéos non prêtes ou les virus inexistants. Cliquez sur “télécharger quand même” sans trembler. Tout ira bien et vous aurez le film muet (sous-titres français des panneaux)

PUIS ALLER DANS VOTRE DOSSIER DE TELECHARGEMENTS, chercher “the ten.commandments4-manic.mkv.

Le lien de téléchargement :

https://drive.google.com/file/d/1H4AwtVgfLEKFtnFOeXcmbtO2ycVPbCLn/view?usp=share_link

premières pages

Si vous restez quelques secondes sur l’image ci-dessus, vous constaterez qu’en réalité, il s’agit d’une vidéo. La flamme bouge, les gouttes et pluie et la fumée qui s’échappe de la tasse aussi. Imperception du monde vivant…

L’idée de ramasser dans un seul billet ce qui a été éparpillé dans ce site m’a encore été soufflée par une lectrice très bienveillante. Il s’agissait de reprendre le contenu de l’une des entrées de mon menu (“la première page”), de copier, de coller. Fastideux mais sans difficulté. J’ai cependant inséré quelques vidéos (encore des vagues pour une pause entre les lectures.

PREMIÈRE PAGE : C’est là, parait-il, que le talent se révèle. Victor Hugo écrivait que “tout grand écrivain frappe la prose à son effigie“. Le premier coup doit être le bon.

Certains apprentis écrivains le savent, pour abandonner après la première page. Il est rare d’avoir un bon texte après une première page calamiteuse.

En vrac

Pessoa, Roth, Singer, Gary, Lessing, Steinbeck, Hammett, Chandler, Rosset, Kundera, Woolf, del Castillo, Déon, Borges, Dostoievski, Modiano, Loti, Ishiguro, Conrad, Flaubert, Cohen, Rolin, Chase, Hemingway, Daudet, Calvino

Fernando Pessoa. « Le livre de l’intranquillité »

Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je nr’ai rien à vous dire. Seulement ceci — que je me trouve aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi.
Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier. Tout cela sb’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.
En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, avec une ironie dérisoire. Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie.
Dans le jardin que j’aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par-dessus les branches, d’où elles pendent maintenant ; elles sont enroulées tout là-haut ; ainsi l’idée d’une fuite imaginaire ne peut même pas s’aider des balançoires, pour me faire passer le temps.
Tel est plus ou moins, mais sans style, mon état d’âme en ce moment. Je suis comme la Veilleuse du Marin, les yeux me brûlent d’avoir pensé à pleurer. La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées, par les interstices. Tout cela est imprimé en caractères tout petits, dans un livre dont la brochure se défait déjà

Woolf, Virginia. « Vers le phare. »

Oui, bien sûr, s’il fait beau demain », dit Mrs Ramsay. « Mais, ajouta-t-elle, il faudra que tu te lèves à l’aurore. »
À ces mots, son fils ne se sentit plus de joie, comme s’il était entendu que l’expédition aurait lieu à coup sûr et que cette merveille qu’il attendait depuis des années et des années semblait-il, était enfin, passé une nuit d’obscurité et une journée de mer, à portée de sa main. Comme il appartenait déjà, à l’âge de six ans, au vaste clan de ceux dont les sentiments ont tendance à empiéter les uns sur les autres, et qui ne peuvent empêcher les perspectives d’avenir, leurs joies et leurs peines, de brouiller la réalité présente ; comme pour ces gens-là, si petits soient-ils, le moindre tour de la roue des sensations a le pouvoir de cristalliser et fixer l’instant sur quoi porte son ombre ou sa lumière, James Ramsay, assis par terre à découper des illustrations dans le catalogue des « Army and Navy Stores », investit l’image d’un réfrigérateur, tandis que sa mère parlait, d’un bonheur suprême. Elle était auréolée de joie. La brouette, la tondeuse à gazon, le bruissement des peupliers, la pâleur des feuilles avant la pluie, le croassement des freux, les chocs des balais, le froissement des robes – tout avait dans son esprit tant de couleur et de netteté qu’il possédait déjà son code personnel, son langage secret, tout en donnant l’image de la rigueur absolue et intraitable, avec son grand front, ses yeux bleus farouches, parfaitement francs et limpides, et ce léger froncement de sourcil devant le spectacle de la fragilité humaine, au point que sa mère, le regardant guider précisément ses ciseaux autour du réfrigérateur, l’imaginait siégeant au tribunal, tout de rouge et d’hermine vêtu, ou décidant de mesures difficiles et cruciales à un moment critique pour la nation.
« Mais », dit son père en s’arrêtant devant la fenêtre du salon, « il ne fera pas beau. »
S’il avait eu une hache à sa portée, un tisonnier ou toute arme capable de fendre la poitrine de son père, de le tuer, là, sur-le-champ, James s’en serait emparé. C’était bien ce genre d’émotions extrêmes que Mr Ramsay, par sa seule présence, soulevait dans le cœur de ses enfants ; quand il se tenait là, comme en ce moment, maigre comme un couteau, étroit comme une lame, avec ce sourire sarcastique qui, outre le plaisir de décevoir son fils et de ridiculiser sa femme, qui lui était dix mille fois supérieure en tout (selon James), traduisait la secrète vanité qu’il tirait de la rectitude de son jugement. Ce qu’il disait était vrai. C’était toujours vrai. Il était incapable de proférer une contrevérité ; ne transigeait jamais avec les faits ; ne modifiait jamais une parole désagréable pour satisfaire ou arranger âme qui vive, et surtout pas ses propres enfants qui, chair de sa chair, devaient savoir dès leur plus jeune âge que la vie est difficile ; les faits irréductibles ; et que la traversée jusqu’à cette terre fabuleuse où s’anéantissent nos plus belles espérances, où nos frêles esquifs s’abîment dans les ténèbres (là, Mr Ramsay se redressait, plissait ses petits yeux bleus et les fixait sur l’horizon), est un voyage qui exige avant tout courage, probité, et patience dans l’épreuve.
« Mais peut-être qu’il fera beau – je crois bien qu’il fera beau », dit Mrs Ramsay en tirant impatiemment sur le bas de couleur brun-rouge qu’elle était en train de tricoter. Si elle le terminait ce soir, si finalement ils allaient au Phare, elle en ferait cadeau au gardien pour son petit garçon menacé de tuberculose de la hanche ; plus un tas de vieilles revues et du tabac, en fait tout ce qui traînait par-ci par-là, dont on n’avait pas vraiment besoin, qui encombrait seulement la pièce, histoire de donner à ces pauvres gens qui devaient s’ennuyer à mourir sans rien d’autre à faire qu’astiquer la lampe, égaliser la mèche et ratisser leur bout de jardin, de quoi se distraire. Car, demandait-elle volontiers, que diriez-vous de rester enfermé tout un mois, et parfois davantage par gros temps, sur un rocher pas plus grand qu’un terrain de tennis ? Et de ne recevoir ni lettres ni journaux, et de ne voir personne ; si vous étiez marié, de ne pas voir votre femme, de ne pas savoir comment vont vos enfants – s’ils sont malades, s’ils sont tombés et se sont cassé bras ou jambes ; de voir toujours les mêmes vagues se briser monotones semaine après semaine, jusqu’à ce qu’arrive une tempête épouvantable, que les vitres se couvrent d’embruns, que les oiseaux viennent se fracasser contre la lampe et que tout l’édifice se mette à trembler, et de ne pas pouvoir mettre le nez dehors de peur d’être emporté par une lame ? Que diriez-vous de cela ? demandait-elle en s’adressant plus particulièrement à ses filles. Et donc, ajoutait-elle sur un ton sensiblement différent, on se devait de leur apporter tout ce qui était susceptible d’agrémenter un peu leur existence.

Roth, Philip. “Indignation”

Deux mois et demi environ après que les divisions bien entraînées de la Corée du Nord, armées par les Soviétiques et les communistes chinois, eurent traversé le 38e parallèle et pénétré en Corée du Sud le 25 juin 1950, et qu’eut débuté le calvaire de la guerre de Corée, je devins étudiant à Robert Treat, un petit collège universitaire du centre de Newark, qui portait le nom du fondateur de la ville au XVIIe siècle. J’étais le premier membre de notre famille à faire des études supérieures. Aucun de mes cousins n’avait été au-delà du lycée, et ni mon père ni ses trois frères n’avaient terminé l’école primaire. « Je travaille pour gagner de l’argent », m’avait dit mon père, « depuis l’âge de dix ans. » C’était un boucher de quartier pour qui j’avais fait les livraisons à bicyclette durant toute ma scolarité, sauf pendant la saison de base-ball et les après-midi où je devais participer aux concours inter-scolaires en tant que membre de l’équipe des débatteurs. Disons qu’à partir du jour où j’ai quitté la boucherie — j’y avais travaillé pour lui soixante heures par semaine, entre la fin de mes études secondaires, en janvier, et la rentrée universitaire en septembre —, oui, disons qu’à partir du jour où j’ai commencé à suivre mes cours à Robert Treat, mon père a vécu dans la crainte de me voir mourir. Peut-être sa peur avait-elle un rapport avec la guerre dans laquelle les forces armées des États-Unis, sous les auspices des Nations unies, s’étaient immédiatement engagées pour soutenir l’effort de l’armée sud-coréenne mal entraînée et sous-équipée ; ou peut-être avait-elle un rapport avec les lourdes pertes que subissaient nos troupes face à la force de frappe des communistes, et avec sa crainte, si le conflit devait durer aussi longtemps que la Seconde Guerre mondiale, de me voir enrôlé…

Dashiell Hammett. « Le faucon de Malte. »

Sam Spade avait la mâchoire inférieure lourde et osseuse. Son menton saillait, en V, sous le V mobile de la bouche. Ses narines se relevaient en un autre V plus petit. Seuls, ses yeux gris jaune coupaient le visage d’une ligne horizontale. Le motif en V reparaissait avec les sourcils épais, partant de deux rides jumelles à la racine du nez aquilin et les cheveux châtain très pâle, en pointe sur le front dégarni, découvrant les tempes. Il avait quelque chose d’un sympathique Méphisto blond.
— Qu’est-ce qu’il y a, mon petit ? dit-il à Effie Perine.
La jeune fille, bronzée, grande – une fausse maigre portait une robe de lainage mince qui moulait ses formes comme un drap mouillé. Ses yeux bruns riaient dans un visage lumineux d’adolescent. Elle ferma la porte derrière elle et s’adossa au battant.
— C’est une femme qui voudrait te voir, dit-elle. Elle s’appelle Miss Wonderly.
— Une cliente ?
— Je crois. De toute façon, tu aurais envie de la voir. Elle est formidable.
— Fais entrer, chérie, fais entrer, dit Spade.
Effie Perine rouvrit la porte qui communiquait avec le bureau de réception. Sans lâcher le bouton, elle s’effaça.
— Voulez-vous entrer, Miss Wonderly ?
Une voix répondit : « Merci ! » si doucement que seule une parfaite articulation permit d’entendre les deux syllabes. La jeune femme entra lentement, un peu hésitante, attachant sur Spade le regard à la fois timide et scrutateur de deux yeux bleu de cobalt.
Elle était grande et mince, mais sans rien d’anguleux, la poitrine haute, les jambes longues, les attaches fines. Elle portait un « ensemble » en deux nuances de bleu, choisies sans doute pour faire valoir ses yeux. Elle avait, sous un chapeau bleu, des cheveux fauves et bouclés. Ses lèvres pourpres s’entrouvraient pour un timide sourire sur des dents éclatantes de blancheur.
Spade se leva, s’inclina et désigna de sa forte main un fauteuil de chêne. Il avait environ un mètre quatre-vingts. Ses épaules tombantes donnaient à son buste une forme conique : il avait un torse aussi profond que large, sur lequel flottait un veston gris qui sortait du pressing.
Miss Wonderly murmura de nouveau : « Merci », et s’assit sur le bord du siège.
Spade se renfonça dans son fauteuil tournant. D’un coup de reins, il le fit pivoter d’un quart de tour et sourit poliment. Il souriait sans desserrer les lèvres : tous les V de son visage s’allongèrent.
Le cliquetis amorti et le timbre grêle de la machine à écrire d’Effie Perine résonnaient de l’autre côté du mur. Quelque part dans le building, un moteur vibrait sourdement. Sur le bureau de Spade une cigarette fumait dans un cendrier de cuivre rempli de mégots. De légers flocons de cendres étaient répandus sur le bois verni, le buvard vert et les papiers étalés. Par une fenêtre entrouverte derrière un rideau beige, pénétrait un courant d’air vaguement parfumé d’ammoniaque. Sur le bureau, les cendres frémissaient et se déplaçaient dans ce courant d’air…

Kazuo Ishiguro. “Les vestiges du jour”

Darlington Hall
Il semble de plus en plus probable que je vais réellement entreprendre l’expédition qui tient depuis quelques jours une place importante dans mon imagination. Une expédition, je dois le préciser, que j’entreprendrai seul, dans le confort de la Ford de Mr. Farraday ; une expédition qui, telle que je l’envisage, me conduira à travers une des plus belles campagnes d’Angleterre jusqu’au West Country, et pourrait bien me tenir éloigné de Darlington Hall pendant cinq ou six jours. L’idée de ce voyage, je dois le souligner, est née d’une suggestion fort aimable émise à mon intention par Mr. Farraday lui-même voici presque quinze jours, tandis que j’époussetais les portraits dans la bibliothèque. En fait, si je me souviens bien, j’époussetais, monté sur l’escabeau, le portrait du vicomte Wetherby lorsque mon employeur entra, chargé de quelques volumes dont il désirait sans doute qu’on les remît en rayon. Remarquant ma présence, il profita de cette occasion pour m’informer qu’il venait précisément de parachever le projet de retourner aux États-Unis pour une période de cinq semaines, entre août et septembre. Cela annoncé, mon employeur posa ses volumes sur une table, s’assit sur la chaise longue et allongea les jambes. Ce fut alors que, levant les yeux vers moi, il déclara : « Vous vous doutez, Stevens, que je ne vous demande pas de rester enfermé dans cette maison pendant toute la durée de mon absence. Si vous preniez la voiture pour aller vous balader pendant quelques jours ? À en juger par votre mine, un petit congé ne vous ferait pas de mal. »
Devant une proposition aussi imprévue, je ne savais trop comment réagir. Je me rappelle l’avoir remercié de sa sollicitude, mais sans doute ne dis-je rien de très précis car mon employeur poursuivit :
« Je parle sérieusement, Stevens. Vous devriez vraiment prendre un petit congé. Je paierai la note d’essence. Vous autres, vous passez votre vie enfermés dans ces grandes maisons à vous rendre utiles, et quand est-ce que vous arrivez à voir ce beau pays qui est le vôtre ? »
Ce n’était pas la première fois que mon employeur soulevait cette question ; en fait, il semble sincèrement préoccupé par ce problème. Ce jour, cependant, il me vint une sorte de repartie tandis que j’étais juché là-haut sur l’escabeau ; repartie visant à souligner que dans notre profession, si nous ne voyons pas à proprement parler le pays en sillonnant la campagne et en visitant des sites pittoresques, nous « voyons » en fait une part d’Angleterre plus grande que bien des gens, placés comme nous le sommes dans des demeures où se rassemblent les personnes les plus importantes du pays. Certes, je ne pouvais exprimer ce point de vue à l’intention de Mr. Farraday sans me lancer dans un discours qui aurait pu paraître présomptueux. Je me contentai donc de dire simplement :
« J’ai eu le privilège, monsieur, de voir entre ces mêmes murs, au fil des années, ce que l’Angleterre a de meilleur. »
Mr. Farraday ne sembla pas comprendre cette remarque, car il continua sur sa lancée : « J’insiste, Stevens. Ce n’est pas bien qu’un gars ne puisse pas visiter son propre pays. Suivez mon conseil, sortez de la maison pendant quelques jours. »

Isaac Bashevis Singer. “La famille Moskat”

Cinq ans après la mort de sa deuxième épouse, Reb Meshulam Moskat se maria pour la troisième fois. Sa nouvelle femme avait la cinquantaine. Originaire de Galicie, en Autriche orientale, c’était la veuve d’un riche brasseur de Brody, un homme érudit. Peu de temps avant sa mort, il avait fait faillite et ne laissait qu’une bibliothèque remplie d’ouvrages savants, un collier de perles – fausses, comme on allait le découvrir – et une fille prénommée Adèle. Elle s’appelait en réalité Eidele, mais sa mère, Rosa Frumetl, préférait Adèle, plus à la mode. Meshulam Moskat fit leur connaissance à Carlsbad, où il était allé suivre une cure, et il épousa la veuve là-bas. Personne à Varsovie ne fut mis au courant. Reb Meshulam n’écrivit à aucun membre de sa famille, ce n’était pas dans ses habitudes de rendre compte de ses faits et gestes. Ce ne fut qu’au milieu du mois de septembre qu’un télégramme adressé à son intendant à Varsovie annonça son retour, ordonnant que Leibel, le cocher, vînt attendre son maître à la gare de Vienne. Le train arriva dans la soirée. Reb Meshulam descendit du wagon de première classe, suivi de sa femme et de sa belle-fille.
Quand Leibel s’avança, il lui déclara : « Voici ta nouvelle maîtresse », en fermant une de ses lourdes paupières.

F. Scott. Fitzgerald “Tendre est la nuit”

Sur les bords charmants de la Méditerranée, à mi-chemin entre Marseille et la frontière italienne, se dresse un vaste et fier hôtel aux murs roses. Des palmiers éventent respectueusement sa façade congestionnée, et à ses pieds un bout de plage étincelle au soleil. Il est depuis peu le lieu de villégiature de gens chics et célèbres qui viennent y passer l’été. Il y a dix ans, le départ, en avril, de sa clientèle anglaise pour le Nord le laissait presque entièrement vide. Aujourd’hui, de nombreux petits pavillons en rez-de-chaussée s’agglutinent alentour, mais, au moment où cette histoire commence, on ne voyait qu’une dizaine de villas vétustes dont les dômes pourrissaient comme des nénuphars au milieu des denses pinèdes qui s’étendent entre l’hôtel des Étrangers de Gausse et Cannes, à huit kilomètres de là.

L’hôtel et son éblouissant tapis de prière havane, la plage, ne faisaient qu’un. Aux premières heures du jour, l’image de Cannes au loin, les vieux remparts rouge pâle et crème, les Alpes mauves qui ferment l’Italie se dessinaient sur les eaux de la baie et tremblaient parmi les rides et les anneaux que produisaient à la surface les ondoiements des plantes marines dans les fonds clairs. Avant 8 heures, un homme en peignoir bleu descendait à la plage et, après s’être copieusement aspergé d’eau froide, grognant d’abondance et respirant bruyamment, il s’ébattait pendant une minute dans les vagues. Une fois qu’il était reparti, la plage et la baie connaissaient une heure de calme. Des cargos, à l’horizon, se traînaient paresseusement vers l’ouest ; des employés de l’hôtel lançaient des cris dans la cour ; la rosée séchait sur les pins. Une heure plus tard, le concert des klaxons se déversait de la route en lacets au flanc du massif des Maures, qui sépare le littoral et la vraie Provence.

À moins de deux kilomètres à l’intérieur des terres, là où les bois de pins cèdent la place à des peupliers gris de poussière, se trouve une petite station de chemin de fer solitaire où, un matin de juin 1925, une victoria vint chercher une femme et sa fille pour les conduire à l’hôtel de Gausse. Le visage de la mère possédait un charme un peu fané, qui ne tarderait pas à être gâté par des plaques de couperose ; il y avait dans son expression quelque chose de tranquille et d’aimablement avisé. Le regard, cependant, se portait vite sur sa fille, ensorcelé par le joli rose des paumes et les joues délicatement ardentes, pareilles à celles des enfants, avec ces rougeurs délicieuses que leur donne le bain froid du soir. Son front beau et haut s’élevait doucement jusqu’aux cheveux, qui, l’encadrant comme s’il eût été un bouclier armorié, jaillissaient en boucles, mèches et frisettes d’un blond cendré mêlé d’or. Elle avait de grands yeux, vifs, clairs, humides et brillants, et sa carnation naturelle laissait deviner à fleur de peau la jeune vigueur des battements de son cœur. Son corps s’attardait avec grâce aux confins de l’enfance : elle avait presque dix-huit ans, serait bientôt femme, mais la rosée sur elle se voyait encore.

Raymond Chandler. « La grande fenêtre. »

La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche.
Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et ne portera jamais plus d’un revolver sur lui. Je sais aussi qu’elle est la veuve d’un vieux barbu nommé Jasper Murdock qui s’est bourré les poches au service de la municipalité et dont le journal de Pasadena passe la photo chaque année le jour de son anniversaire, avec, en dessous, les dates de sa naissance et de sa mort et la légende : Une Vie consacrée au Devoir.
Laissant ma voiture le long du trottoir, je m’avance sur les quelques douzaines de pierres qui dessinent une chaussée à travers la pelouse, et je sonne sous le perron de brique au toit pointu. Le long de la façade, un petit mur en brique rouge court de la porte à l’allée et, au bout du parcours, sur un socle en ciment, s’érige la statue peinte d’un négrillon en tenue de cheval : culotte blanche, tunique verte et casquette rouge. Il brandit un fouet et un anneau de fer est scellé dans le ciment, à ses pieds. Il a l’air tout triste de celui qui attend depuis trop longtemps et qui finit par se décourager. Je m’avance vers lui et je lui tapote amicalement le crâne en attendant qu’on se décide à m’accueillir. Finalement, une Carabosse entre deux âges, déguisée en femme de chambre, entrouvre la porte d’environ vingt centimètres et me lorgne d’un air soupçonneux.
— Je suis Philip Marlowe, lui dis-je. Je viens voir Mme Murdock. J’ai rendez-vous.

« La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche.
Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et[…] »

Clément Rosset. “La joie est plus profonde que la tristesse : Entretiens avec Alexandre Lacroix”

Le réel finit toujours par prendre sa revanche

Alexandre Lacroix : Qu’est-ce qu’un morceau de camembert ?
 
Clément Rosset : Mon ami et collègue Vincent Descombes m’a dit, un jour : « Toi, tu es un théologien du camembert. » On a la théologie qu’on peut… Il faisait allusion à cette page de mon essai L’Objet singulier (1979), où je pastiche le passage de la deuxième méditation de Descartes consacré au morceau de cire. Mon argument à propos du camembert est le suivant : chaque objet est singulier et il est impossible d’en décrire la singularité. Toutes les descriptions que nous pouvons donner d’un objet procèdent par voie de comparaison avec un étalon, un autre objet servant de référence. Ainsi, je peux comparer le camembert et le livarot ou le pont-l’évêque, mais dire ce qu’il est en lui-même, décrire sa saveur particulière, surtout quand il est bon, j’en suis incapable. Le camembert est à lui-même son propre patron, au sens que prend ce terme en couture. Un courtisan prétendait qu’il était difficile de louer Louis XIV, puisque celui-ci rayonnait de si merveilleuses qualités qu’il était à nul autre semblable, comparable seulement à lui-même. Cette propriété du Roi-Soleil est aussi celle du morceau de camembert, comme d’ailleurs de tout objet réel.
 
A. L. : Cela mène à votre définition du réel, comme « ensemble non clos d’objets non identifiables ». Qu’entendez-vous par là ?
 
C. R. : C’est en fait une définition très simple, qu’on pourrait tourner autrement : il n’y a pas deux brins d’herbe semblables. Il me vient à l’esprit un autre exemple, les nombres premiers. Ces nombres sont remarquables, car ils ne se laissent diviser que par eux-mêmes et par un. Ce sont, pour ainsi dire, des nombres tautologiques, qui ne sont faits que d’eux-mêmes. Ainsi, le réel est un ensemble d’objets indescriptibles, que nous ne sommes pas capables de dénombrer, ensemble dont nous ne pouvons pas dire s’il est fini ou infini – pour cette raison, je précise qu’il n’est pas « clos ». Il n’y a rien en dehors de lui, pas d’arrière-monde. Il n’y a pas non plus de miroir fidèle dans lequel regarder notre monde.  

Jean Rolin. « Ormuz».

Après sa disparition, je me suis introduit dans la chambre de Wax à l’hôtel Atilar afin d’y inventorier ses affaires. C’était assez peu de chose : quelques vêtements légers, dont ceux, mis à sécher sur des cintres, qu’il avait pris soin de laver, la veille de sa tentative, comme il le faisait chaque soir, bien que l’hôtel disposât d’un service de blanchisserie, avec une ponctualité exaspérante à la longue. Une trousse de toilette dont je ne détaillerai pas le contenu, par discrétion, mais dont il me semble important, pour la compréhension de ce qui va suivre, de noter qu’elle renfermait, à côté de ce que l’on s’attend à rencontrer dans un accessoire de ce genre, tout un assortiment de fétiches ou de porte-bonheur, tels que des petits cailloux, des plumes, des perles de verre, ou d’autres menus objets témoignant de la survivance, chez Wax, d’un mode de pensée qui généralement se résorbe à l’âge adulte. Sur un carnet à spirale, des notes éparses, sans queue ni tête, qu’il me destinait afin que je les mette en forme dans ce grand récit de son exploit qu’il me payait pour écrire. Des cartes et des plans par dizaines, reproduisant à des échelles différentes les parages du détroit ou le Golfe dans sa totalité. Un rouleau entamé de bonbons Mentos, une cartouche également entamée de cigarettes Marlboro Light. Et ainsi de suite. Rien de bien intéressant, à l’exception peut-être du livre qu’il était en train de lire, un court roman de Joseph Conrad, Au bout du rouleau, dont le titre devait s’accorder parfaitement avec ses propres dispositions lorsqu’il en avait interrompu la lecture. La climatisation fonctionnait, ainsi que le réfrigérateur, à l’intérieur duquel il se trouvait encore deux petites bouteilles d’eau minérale, une boîte de Coca-Cola et une autre d’un soda de fabrication locale, en plus d’un emballage de plastique transparent contenant des grains de grenade dont je savais qu’il lui avait été offert par la réceptionniste de l’hôtel. (Les grains de grenade provenaient d’un jardin que son mari – le mari de la réceptionniste – possédait dans la région de Kerman, et qui, selon son témoignage, produisait également des pêches, des pommes et des noix.) En même temps que je vaquais dans la chambre à mes occupations, désormais, je mangeais de ces grains de grenade en les prenant tout d’abord un par un, dans leur emballage de plastique, puis, bientôt, par poignées, tant ils s’avérèrent succulents, et tout cela sans le moindre scrupule, tel qu’aurait dû m’en inspirer la disparition de leur possesseur légitime, mais non sans une certaine appréhension quant aux conséquences possibles de cette goinfrerie sur mon appareil digestif, dont le….

Milan Kundera. « La plaisanterie. »

Ainsi, après bien des années, je me retrouvais chez moi. Debout sur la grande place (qu’enfant, puis gamin, puis jeune homme, j’avais mille fois traversée), je ne ressentais nulle émotion ; au contraire, je pensais que cette place dont le beffroi (semblable à un reître sous son heaume) surplombe les toits rappelait le vaste terrain d’exercice d’une caserne, et que le passé militaire de cette ville de Moravie, jadis rempart contre les raids des Magyars et des Turcs, avait imprimé sur sa face la marque d’une irrévocable hideur.
Des années durant, rien ne m’avait attiré vers ma ville natale ; je me disais qu’elle m’était devenue indifférente, et cela me paraissait naturel : depuis quinze ans déjà je vis ailleurs, je n’ai plus ici que quelques connaissances, ou des copains (que je préfère du reste éviter), ma mère est enterrée dans une tombe étrangère dont je ne m’occupe pas. Mais je m’abusais : ce que j’appelais indifférence était en fait de la rancune ; les raisons m’en échappaient, car il m’était arrivé des choses bonnes ou mauvaises dans cette ville comme dans toutes les autres, en tout cas cette rancune était là ; j’en avais pris conscience à l’occasion de mon voyage : la tâche qui m’amenait ici, j’aurais pu, tout compte fait, l’accomplir aussi bien à Prague, mais j’avais été soudain irrésistiblement attiré par l’occasion offerte de l’exécuter dans ma ville natale justement parce qu’il s’agissait d’une tâche cynique et terre à terre qui, avec dérision, m’acquittait du soupçon de revenir ici sous l’effet d’un mièvre attendrissement sur le temps perdu.
Une fois encore je parcourus d’un œil narquois la place disgracieuse avant de lui tourner le dos pour prendre la rue de l’hôtel où ma chambre était retenue pour la nuit. Le portier me tendit une clé à poire de bois en disant : « Deuxième étage. » La chambre n’était pas très engageante : un lit contre le mur, au milieu une petite table avec une seule chaise, à côté du lit une prétentieuse table de toilette en acajou avec miroir, près de la porte un lavabo écaillé absolument minuscule. Je posai ma serviette sur la table et j’ouvris la fenêtre : la vue donnait sur une cour et sur des maisons présentant à l’hôtel leur dos nu et sale. Je fermai la fenêtre, abaissai les rideaux et m’approchai du lavabo qui comportait deux robinets marqués l’un en rouge, l’autre en bleu ; je les essayai, l’eau en coulait également froide. J’examinai la table, laquelle, à la rigueur, suffirait, une bouteille et deux verres y trouvant fort bien place ; malheureusement, une seule personne pouvait s’y installer, faute d’une seconde chaise dans la pièce. Ayant poussé la table vers le lit, je tentai de m’asseoir sur celui-ci, seulement il était trop bas et la table trop haute 

Virginia Woolf. « Les vagues. »

Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d’une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu’une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l’horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l’une l’autre en un rythme sans fin.
Chaque vague se soulevait en s’approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d’écume blanche. La houle s’arrêtait, puis s’éloignait de nouveau, avec le soupir d’un dormeur dont le souffle va et vient sans qu’il en ait conscience. Peu à peu la barre noire de l’horizon s’éclaircit : on eût dit que de la lie s’était déposée au fond d’une vieille bouteille, laissant leur transparence aux vertes parois de verre. Tout au fond, le ciel lui aussi devint translucide comme si un blanc sédiment s’en était détaché, ou comme si le bras d’une femme couchée sous l’horizon avait soulevé une lampe : des bandes de blanc, de jaune, de vert s’allongèrent sur le ciel comme les branches plates d’un éventail. Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l’air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s’arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d’atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l’éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu’une seule coulée d’or.
La lumière frappa tour à tour les arbres du jardin, et les feuilles devenues transparentes s’éclairèrent l’une après l’autre. Un oiseau gazouilla, très haut ; il y eut un silence ; plus bas, un autre oiseau reprit le même chant. Le soleil rendit aux murs leurs arêtes tranchantes, le bout de l’éventail du soleil s’appuya contre un store blanc ; le doigt du soleil marqua d’ombres bleues un bouquet de feuilles près d’une fenêtre de chambre à coucher. Le store frémit doucement, mais tout dans la maison restait vague et sans substance. Au-dehors, les oiseaux chantaient leurs mélodies vides.

Albert Camus “la Peste”

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire. À première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.

La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ? Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.

Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre petite ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. Le soir, lorsqu’ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l’on joue gros jeu sur le hasard des cartes…

Roth, Philip. “La Tache”.

À l’été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu’on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l’Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l’écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne.
La première fois que Coleman avait vu cette femme, elle lessivait le parterre de la poste : il était arrivé tard, quelques minutes avant la fermeture, pour prendre son courrier. C’était une grande femme maigre et anguleuse, des cheveux blonds grisonnants tirés en queue-de-cheval, un visage à l’architecture sévère comme on en prête volontiers aux pionnières des rudes commencements de la Nouvelle-Angleterre, austères villageoises dures à la peine qui, sous la férule du pasteur, se laissaient docilement incarcérer dans la moralité régnante. Elle s’appelait Faunia Farley, et plaquait sur sa garce de vie l’un de ces masques osseux et inexpressifs qui ne cachent rien et révèlent une solitude immense. Faunia habitait une chambre dans une laiterie du coin, où…

James Hadley Chase. « Pas d’orchidées pour Miss Blandish. »

L’afffaire débuta un après-midi du mois de juillet, par une chaleur torride, sous un ciel implacablement bleu et de brûlantes rafales de vent et de poussière.
Au carrefour de la route qui va de Fort Scott au Nevada et de la nationale 54, qui relie Pittsburg à Kansas City, se trouvent une gargote et un poste d’essence. La baraque en bois a pauvre apparence et ne possède qu’une seule pompe, exploitée par un veuf d’un certain âge et sa fille, une blonde bien en chair.
Il était un peu plus d’une heure de l’après-midi lorsqu’une Packard poussiéreuse s’arrêta devant le restaurant. Il y avait deux hommes dans la voiture ; l’un d’eux dormait.
Bailey, le conducteur, sortit de la voiture. C’était un homme court et trapu, au lourd visage brutal, aux yeux noirs, vifs et inquiets, et à la mâchoire striée d’une longue et pâle cicatrice. Son complet, poudreux et fripé, était usé jusqu’à la corde, et les poignets de sa chemise sale étaient effrangés. Bailey n’était pas dans son assiette. Il avait beaucoup bu la nuit précédente et la chaleur l’incommodait.
Il s’arrêta un instant pour jeter un coup d’œil sur son compagnon endormi, le vieux Sam, puis, haussant les épaules, il pénétra dans le restaurant et laissa le vieux Sam ronfler dans la voiture.
La blonde accoudée au comptoir lui sourit. Elle avait de grandes dents blanches qui le firent penser à des touches de piano. Elle était trop grosse pour son goût et il ne lui rendit pas son sourire.
« Salut, fit la fille d’une voix enjouée. Bouh ! Quelle chaleur ! J’ai pas fermé l’œil de la nuit.
— Scotch », commanda sèchement Bailey en repoussant son chapeau sur sa nuque et en essuyant son visage avec un mouchoir douteux.
La fille posa sur le comptoir une bouteille de whisky et un verre.
« Vous feriez mieux de prendre une bière, dit-elle en secouant ses boucles blondes. Le whisky, c’est pas bon par cette chaleur.
— Mettez-y une sourdine », rétorqua Bailey.

Colette “Le pur et l’impur” 

En haut d’une maison neuve, on m’ouvrit un atelier vaste comme une halle, pourvu d’une large galerie à mi-hauteur, tendu de ces broderies de Chine que la Chine exécute pour l’Occident, à grands motifs un peu bâclés, assez belles. Le reste n’était que piano à queue, secs petits matelas du Japon, phonographe et azalées en pots. Sans surprise, je serrai la main tendue d’un confrère journaliste et romancier, et j’échangeai des signes de tête avec des amphitryons étrangers qui me parurent, Dieu merci, aussi peu liants que moi-même. Bien préparée à l’ennui, je pris place sur mon petit matelas individuel, en déplorant que la fumée de l’opium, gaspillée, s’envolât lourdement jusqu’aux verrières. Elle s’y décidait à regret, et son noir, apéritif parfum de truffe fraîche, de cacao brûlé, me donna la patience, une faim vague, de l’optimisme. Je trouvai aimables la couleur sourde et rouge des lumières voilées, la blanche flamme en amande des lampes à opium, l’une toute proche de moi, les deux autres perdues comme des follets, au loin, dans une sorte d’alcôve ménagée sous la galerie à balustres. Une jeune tête se pencha au-dessus de cette balustrade, reçut le rayon rouge des lanternes suspendues, une manche blanche flotta et disparut avant que je pusse deviner si la tête, les cheveux dorés collés comme des cheveux de noyée, le bras vêtu de soie blanche appartenaient à une femme ou à un homme.

« Vous venez en curieuse ? » me demanda mon confrère.

Il gisait sur son petit matelas ; je m’avisai qu’il avait troqué son smoking contre un kimono brodé et une aisance d’intoxiqué ; je ne souhaitai que m’écarter de lui, comme je fais des Français, toujours inopportuns, que je rencontre au-delà des frontières.

« Non, répondis-je. Par devoir professionnel. »

Il sourit.

« Je le pensais bien… Un roman ? »

Et je le détestai davantage, pour ce qu’il me croyait incapable – moi qui l’étais en effet – de goûter ce luxe  : un plaisir tranquille, un peu bas, un plaisir inspiré seulement par une certaine forme du snobisme, l’esprit de bravade, une curiosité plus affectée que réelle… Je n’avais apporté qu’un chagrin bien caché, qui ne me laissait point de repos, et une affreuse paix des sens.

Un des hôtes inconnus ressuscita de sa couche pour m’offrir de fumer l’opium, de priser la cocaïne, de boire un cocktail. À chaque refus il levait légèrement la main pour exprimer sa déception. Il finit par me tendre une boîte de cigarettes, sourit d’une bouche anglaise et suggéra  :

« Ne puis-je vraiment vous être utile en rien ? »

Je remerciai, et il se garda d’insister

Je me souviens encore, après quinze ans et plus, qu’il était beau et semblait sain, sauf qu’il tenait ses yeux trop ouverts entre des paupières raidies, comme on voit aux êtres qui souffrent d’insomnies longues et invétérées.

Une jeune femme, ivre autant que j’en pus juger, s’aperçut de ma présence, et annonça de loin qu’elle prétendait me « regarder sous le nez ». Elle répéta plusieurs fois  : « Mais parfaitement, sous le nez, que j’irai la regarder. » Je ne vois pas d’autre incident gai à rapporter. Des fumeurs sérieux, indistincts dans l’ombre rougeâtre, la firent taire. Je crois que l’un d’eux lui donna des boulettes d’opium à mâcher. Elle s’en acquitta consciencieusement avec un petit bruit d’animal qui tète.

Je ne m’ennuyais point, car l’opium, que je ne fume pas, embaumait ce lieu banal. Deux jeunes gens, en se tenant par le cou, éveillèrent l’attention de mon confrère le journaliste, mais ils se contentèrent de parler bas et vite. L’un d’eux reniflait chroniquement et s’essuyait les yeux de sa manche. Le rouge obscur qui nous baignait eût pu engourdir les meilleures volontés. J’étais dans une fumerie et non dans une de ces assemblées où le spectateur puise généralement une assez durable répugnance de ce qu’il voit et de sa propre complaisance. Je m’en réjouis, et je commençai à espérer que nulle danseuse, nul danseur nus ne troubleraient la veillée, qu’aucun danger d’Américains, frétés d’alcool, ne nous menaçait et que le Columbia lui-même se tairait… Au même instant, une voix féminine, cotonneuse, rêche et douce comme sont les pêches dures à gros velours, se mit à chanter, et nous fut à tous si agréable que nous nous gardâmes bien d’applaudir, même par un murmure.

Italo Calvino. “Le baron perché”

C’est le 15 juin 1767 que Côme Laverse du Rondeau, mon frère, s’assit au milieu de nous pour la dernière fois. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous étions dans la salle à manger de notre villa d’Ombreuse ; les fenêtres encadraient les branches touffues de la grande yeuse du parc. Il était midi ; c’est à cette heure-là que notre famille, obéissant à une vieille tradition, se mettait à table ; le déjeuner au milieu de l’après-midi, mode venue de la nonchalante Cour de France et adoptée par toute la noblesse, n’était pas en usage chez nous. Je me rappelle que le vent soufflait, qu’il venait de la mer et que les feuilles bougeaient.
— J’ai déjà dit que je n’en voulais pas et je répète que je n’en veux pas, fit Côme en écartant le plat d’escargots.
On n’avait jamais vu désobéissance plus grave.
Le baron Arminius Laverse du Rondeau, notre père, coiffé d’une perruque Louis XIV descendant jusqu’aux oreilles et démodée comme tout ce qui lui appartenait, siégeait à la place d’honneur. Entre mon frère et moi était assis l’abbé Fauchelafleur, chapelain de notre famille, notre précepteur. En face de nous, la générale Konradine du Rondeau, notre mère, et notre sœur Baptiste, la nonne de la maison. Au bas de la table, en costume turc, l’avocat Æneas-Sylvius Carrega, hydraulicien, régisseur de notre propriété et notre oncle naturel.
Côme était âgé de douze ans et moi de huit. Depuis quelques mois seulement, nous avions été admis à la table de nos parents ; j’avais bénéficié avant l’âge de la promotion de mon frère : on n’avait pas voulu me laisser manger tout seul… Bénéficié, c’est une façon de parler. Pour Côme et pour moi, c’en était fini du bon temps et nous regrettions nos petits repas dans un réduit en compagnie du seul Fauchelafleur. L’Abbé était un petit vieillard sec et ridé ; on le disait janséniste ; de fait, il avait fui le Dauphiné, sa province natale, pour éviter un procès de l’Inquisition. Mais ce caractère rigoureux qu’on louait généralement chez lui, cette sévérité intérieure qu’il s’imposait et imposait aux autres mollissaient à chaque instant : l’Abbé avait une vocation foncière pour l’indifférence et le laisser-aller. Selon toute apparence, ses longues méditations les yeux dans le vide n’avaient abouti qu’à une grande aboulie et à un peu d’ennui. Il agissait comme s’il voyait dans la plus légère difficulté le signe d’une fatalité à laquelle il serait inutile de s’opposer. Nos repas en compagnie de l’Abbé ne commençaient qu’après de longues oraisons, et les évolutions de nos cuillers se devaient d’être dignes, rituelles, silencieuses : malheur à celui qui levait les yeux de son assiette ou faisait entendre, en absorbant son bouillon, la plus faible aspiration. Mais le potage fini, l’Abbé commençait à se sentir las, contrarié : il regardait dans le vide et faisait claquer sa langue à chaque gorgée de vin ; seules, les sensations les plus éphémères semblaient encore le toucher. Au plat de résistance, nous pouvions manger avec les mains ; et à la fin du repas, nous nous lancions des trognons de poires, tandis que l’Abbé laissait choir de temps à autre un de ses nonchalants :
— Eh bien ? Alors !

Michel del Castillo. “La Nuit du Décret”

La veille, j’avais appris que j’étais affecté à la brigade criminelle de Huesca. Je m’en étais réjoui en toute innocence, croyant à une promotion. Fatigué de Murcie et de son climat déprimant, la perspective d’un changement d’air me souriait aussi.
Je traversais le hall de l’hôtel de la police en direction de l’ascenseur quand Baza vint vers moi, un étrange sourire aux lèvres.
« J’ai entendu dire que tu allais chez Pared, à Huesca. C’est vrai ? »
Sur ma réponse affirmative, son visage cendreux, bizarrement plissé, prit une expression désolée. Avec quelque solennité, il posa sa main sur mon épaule. Le geste me surprit. J’eus du mal à réprimer un mouvement de recul.
Baza travaillait aux mœurs. Nous n’étions guère intimes, n’échangeant de-ci de-là que de rares propos. Dans la Maison, il jouissait du reste d’une réputation suspecte, qui ne me le rendait pas sympathique. Des bruits fâcheux circulaient sur son compte, et plusieurs de mes collègues l’évitaient ostensiblement. On murmurait qu’il avait été muté à Murcie après une trouble affaire de détournement de mineur. Voulant étouffer le scandale, l’Inspection générale l’aurait expédié à Murcie en attendant sa retraite, qu’il devait prendre dans deux ans. Je n’avais pas attaché d’importance à ces bruits. Simplement, j’évitais de me lier avec lui, me contentant de répondre à ses salutations et d’échanger, au hasard de nos rencontres, des propos sans importance.
C’était un petit homme replet, d’une apparence négligée et même sale. Il portait des costumes élimés et froissés, et ses cheveux, d’un jaune tirant sur le roux, étaient recouverts de pellicules qui se déposaient en une couche de poussière blanchâtre sur ses épaules. Deux énormes poches enfouissaient ses yeux. Plus que d’un policier, il avait l’air d’un représentant de commerce en produits hygiéniques.
« T’as vraiment pas de chance, fit-il de sa voix grasseyante. Je connais Pared. C’est un coriace. »
Je faillis lui demander ce qu’il entendait par là. Je me contentai cependant de sourire en secouant la tête.
« Bon, dit-il en touchant mon bras. Passe à la maison avant ton départ. Nous boirons un verre et je te raconterai. »
Je répondis « Oui, volontiers », sans la moindre intention de me rendre à son invitation. Perplexe, je le regardai s’éloigner vers l’ascenseur B, à l’autre extrémité du hall. Ses propos m’avaient laissé une vague gêne. Je me sentais sale également, comme si le contact de sa petite main molle et potelée sur mon épaule et sur mon bras y avait laissé je ne sais quelle souillure. Je revoyais ses ongles noirs et ses doigts jaunis de nicotine.

Albert Cohen. « Mangeclous. »

Le premier matin d’avril lançait ses souffles fleuris sur l’île grecque de Céphalonie. Des linges jaunes, blancs, verts, rouges, dansaient sur les ficelles tendues d’une maison à l’autre dans l’étroite ruelle d’Or, parfumée de chèvrefeuille et de brise marine.
Sur le petit balcon filigrane d’une petite maison jaune et rouge, Salomon Solal, cireur de souliers en toutes saisons, vendeur d’eau d’abricot en été et de beignets chauds en hiver, apprenait à nager. Cet Israélite dodu et minuscule – il mesurait un mètre quarante-cinq – en avait assez d’être, pour son ignorance absolue de la natation, l’objet des moqueries de ses amis. Après avoir combiné d’acheter un scaphandre, il avait pensé qu’il serait plus rationnel et plus économique de faire de la natation à domicile et à sec.
Debout devant une table, le petit bonhomme au nez retroussé et à la ronde face imberbe, constellée de taches de rousseur, était donc en train de tremper ses menottes grassouillettes dans une cuvette, dont il avait préalablement salé l’eau, et de leur faire faire expertement des mouvements de brasse. Il était mignon avec son ventre rondelet, sa courte veste jaune, ses culottes rouges bouffantes, ses mollets nus et ses quarante ans ingénus.
— Une, deux ! Une, deux ! scandait-il énergiquement tandis que l’eczémateuse vieille d’en face, après force guets tragiques à droite et à gauche, lançait dans la rue le contenu d’un haut pot de chambre puis des imprécations contre le petit inconsidéré qui faisait de la gymnastique comme les marins anglais au lieu de gagner sa vie.
De temps à autre, Salomon se reposait, reprenait son souffle et écartait ses bras, le dos au mur, ce qu’il appelait faire la planche. Insoucieux des sarcasmes de la vieille, il mettait à profit ces répits pour admirer sa chère rue dallée de pierres rondes, la mer lisse où tombaient des sources transparentes, la Montée des Jasmins qui menait à la grande forêt argentée d’oliviers, les cyprès qui montaient la garde autour de la citadelle des anciens podestats vénitiens et, sur la colline, le Dôme des Solal Aînés, princière demeure qui dominait la mer et veillait sur le grand ghetto de hautes maisons dartreuses que des chaînes séparaient de la douane et du port où se promenaient des Grecs rapiécés, des Albanais lents et des prêtres lustrés de crasse. Le ciel de fine porcelaine turquoise lui parut si beau et de si pures clartés souriaient qu’il mordit sa petite lèvre pour ne pas pleurer.
— L’avril de Céphalonie, énonça le solitaire nageur, est plus beau et plus doux que le juillet de Berlin ! Sûrement. Mais pourquoi diable mettent-ils tous leurs capitales en des endroits de froidure et de tristesse et pourquoi les posent-ils tous sur des fleuves noirs ? Il me semble qu’ils ont tort. Enfin ils savent mieux que moi.
Ceci dit, il se mit en devoir de balayer sa chambre tout en essayant de siffloter. Puis il frotta et lava en chantant les malheurs d’Israël que c’était un plaisir. Il était très content à l’idée que sa chère épouse n’aurait pas à se fatiguer. (La dame des pensées de Salomon était une longue créature armée d’une dent unique mais qui en valait trente-deux. Elle ruinait son mari en spécialités pharmaceutiques. Et voilà pour elle.)

Ernest Hemingway. « Pour Qui Sonne Le Glas. »

Il était étendu à plat ventre sur les aiguilles de pin, le menton sur ses bras croisés et, très haut au-dessus de sa tête, le vent soufflait dans la cime des arbres. Le flanc de la montagne sur lequel il reposait s’inclinait doucement mais, plus bas, la pente se précipitait, et il apercevait la courbe noire de la route goudronnée qui traversait le col. Un torrent longeait la route et, beaucoup plus bas, en suivant le col, on apercevait une scierie au bord du torrent et la cascade du barrage, blanche dans la lumière de l’été.
« C’est la scierie ? demanda-t-il.
– Oui.
– Je ne me la rappelais pas.
– On l’a construite depuis ton départ. L’ancienne scierie est plus bas que le col. »
Il étala par terre sa reproduction photographique de la carte d’état-major et l’examina attentivement. L’autre, un vieil homme petit et robuste, en blouse noire de paysan et pantalon de toile grise, chaussé d’espadrilles, regardait pardessus l’épaule de son compagnon. Il était essoufflé par l’escalade et sa main reposait sur l’un des deux sacs très pesants qu’ils avaient montés jusque-là.
« Alors, d’ici, on ne voit pas le pont ?
– Non, dit le vieux. Ici, la pente du col est encore modérée. Le torrent coule doucement. Plus bas, au tournant de la route, derrière les arbres, il dégringole tout d’un coup et il y a une gorge escarpée…
– Je me rappelle.
– C’est cette gorge qui franchit le pont.
– Et où sont leurs postes ?£
« – Il y a un poste à la scierie que tu vois là-bas. »
Le jeune homme qui étudiait le terrain sortit ses jumelles de la poche de sa chemise de flanelle kaki toute décolorée par le soleil, essuya les verres avec un mouchoir, les ajusta jusqu’à ce que la scierie lui apparût soudain clairement. Il distingua le banc de …  »

John Steinbeck. « Les raisins de la colère. »

Sur les terres rouges et sur une partie des terres grises de l’Oklahoma, les dernières pluies tombèrent doucement et n’entamèrent point la terre crevassée. Les charrues croisèrent et recroisèrent les empreintes des ruisselets. Les dernières pluies firent lever le maïs très vite et répandirent l’herbe et une variété de plantes folles le long des routes, si bien que les terres grises et les sombres terres rouges disparurent peu à peu sous un manteau vert. À la fin de mai, le ciel pâlit et les nuages dont les flocons avaient flotté très haut pendant si longtemps au printemps se dissipèrent. Jour après jour le soleil embrasa le maïs naissant jusqu’à ce qu’un liséré brun s’allongeât sur chaque baïonnette verte. Les nuages apparaissaient puis s’éloignaient. Bientôt ils n’essayèrent même plus. Les herbes, pour se protéger, s’habillèrent d’un vert plus foncé et cessèrent de se propager. La surface de la terre durcit, se recouvrit d’une croûte mince et dure et de même que le ciel avait pâli, de même la terre prit une teinte rose dans la région rouge, et blanche dans la grise.

Dans les ornières creusées par l’eau, la terre s’éboulait en poussière et coulait en petits ruisseaux secs. Mulots et fourmis-lions déclenchaient de minuscules avalanches. Et comme le soleil ardent frappait sans relâche, les feuilles du jeune maïs perdirent de leur rigidité de flèches ; elles commencèrent par s’incurver puis, comme les nervures centrales fléchissaient, chaque feuille retomba toute flasque. Puis ce fut juin et le soleil brilla plus férocement. Sur les feuilles de maïs le liséré brun s’élargit et gagna les nervures centrales. Les herbes folles se déchiquetèrent et se recroquevillèrent vers leurs racines. L’air était léger et le ciel plus pâle ; et chaque jour, la terre pâlissait aussi.

Sur les routes où passaient les attelages, où les roues usaient le sol battu par les sabots des chevaux, la croûte se brisait et la terre devenait poudreuse. Tout ce qui bougeait sur la route soulevait de la poussière : un piéton en soulevait une mince couche à la hauteur de sa taille, une charrette faisait voler la poussière à la hauteur des haies, une automobile en tirait de grosses volutes après elle. Et la poussière était longue à se recoucher.

À la mi-juin les gros nuages montèrent du Texas et du Golfe, de gros nuages lourds, des pointes d’orage. Dans les champs, les hommes regardèrent les nuages, les reniflèrent, et mouillèrent leur doigt pour prendre la direction du vent. Et tant que les nuages furent dans le ciel les chevaux se montrèrent nerveux. Les pointes d’orage laissèrent tomber quelques gouttelettes et se hâtèrent de fuir vers d’autres régions. Derrière elles, le ciel redevenait pâle et le soleil torride. Dans la poussière, les gouttes formèrent de petits cratères ; il resta des traces nettes de taches sur le maïs, et ce fut tout.

Une brise légère suivit les nuages d’orage, les poussant vers le nord, une brise qui fit doucement bruire le maïs en train de sécher. Un jour passa et le vent augmenta, continu, sans que nulle rafale vînt l’abattre. La poussière des routes s’éleva, s’étendit, retomba sur les herbes au bord des champs et un peu dans les champs. C’est alors que le vent se fit dur et violent et qu’il attaqua la croûte formée par la pluie dans les champs de maïs. Peu à peu le ciel s’assombrit derrière le mélange de poussières et le vent frôla la terre, fit lever la poussière et l’emporta. Le vent augmenta. La croûte se brisa et la poussière monta au-dessus des champs, traçant dans l’air des plumets gris semblables à des fumées paresseuses. Le maïs brassait le vent avec un froissement sec. Maintenant, la poussière la plus fine ne se déposait plus sur la terre, mais disparaissait dans le ciel assombri.

Michel Déon. « Les Poneys sauvages

J’ai rencontré Georges Saval dans le train qui nous conduisait de Londres à Cambridge, l’automne 1937. Nous nous connaissions de vue sans nous être jamais parlé : même âge à Janson-de-Sailly, mais des classes différentes. Je me souviens d’un garçon assez lymphatique qui jouait mal au football et nageait bien. Vers seize ans, après des vacances en Angleterre, il revint transformé, étoffé, ayant perdu ses joues rondes d’adolescent et gagné des muscles. Il boxait déjà et le prévôt le considérait comme un de ses espoirs pour les championnats universitaires. C’est tout ce que je savais de lui et il ne devait pas en savoir beaucoup plus de moi. Le hasard nous réunissait cet automne-là et, après nous être évités sur le bateau, nous nous parlâmes dans le vieux compartiment tendu d’un hideux velours rouge. Deux Anglais caricaturaux étaient montés avec nous, aimables d’abord, puis silencieux et l’air buté quand ils comprirent que nous étions français. Saval me plut. On devinait vite en lui une franchise désabusée qui le faisait paraître plus mûr que son âge. À part une légère fente de l’arcade gauche — un trait blanc que recouvrait imparfaitement le sourcil noir et arqué —, la boxe ne l’avait pas marqué. Ce fut notre premier sujet de conversation. Il m’avoua tout de suite détester les coups. Il aimait la rigueur de l’entraînement, les esquives, les feintes, une certaine façon de jauger un adversaire et de le contrer. En fait, c’était un garçon dépourvu de toute agressivité au physique comme au moral, calme, intelligent et, bien plus encore, humain, respectable et respectueux, un de ces êtres dont on se dit : « Où est le défaut ? Les apparences sont trop en sa faveur. Il y a quelque chose qui n’apparaîtra jamais s’il montre assez de volonté, mais quelque chose est là ! »
Nous parlâmes de sport pendant ce trajet gris, sujet qui n’engageait à rien et maintint une certaine réserve entre nous, prélude à l’amitié ….

Alphonse Daudet. « Sapho. »

Jean tout court?
– Jean Gaussin.
– Du Midi, j’entends ça… Quel âge?
– Vingt et un ans.
– Artiste?
– Non, madame.
– Ah! tant mieux…
Ces bouts de phrases, presque inintelligibles au milieu des cris, des rires, des airs de danse d’une fête travestie, s’échangeaient – une nuit de juin — entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de palmiers, de fougères arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de Déchelette.
Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferarorépondait avec l’ingénuité de son âge tendre, l’abandon, le soulagement d’un Méridional resté longtemps sans parler. Étranger à tout ce monde de peintres, de sculpteurs, perdu dès en entrant dans le bal par l’ami qui l’avait amené, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie figure de blond hâlé et doré par le soleil, les cheveux en frisons serrés et courts comme la peau de mouton de son costume; et un succès, dont il ne se doutait guère, se levait et chuchotait autour de lui.
Des épaules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa défroque de montagne, lourde et gênante dans cette nuit d’été. Une Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son chignon remonté, fredonnait en l’agaçant: Ah! qu’il est beau, qu’il est beau, le postillon…[1]; tandis qu’une novio espagnole en blanches dentelles de soie, passant au bras d’un chef apache, lui fourrait violemment sous le nez son bouquet de jasmins blancs.
Il ne comprenait rien à ces avances, se croyait extrêmement ridicule et se réfugiait dans l’ombre fraîche de la galerie vitrée, bordée d’un large divan sous les verdures. Tout de suite cette femme était venue s’asseoir près de lui.
Jeune, belle? Il n’aurait su le dire… Du long fourreau de lainage bleu où sa taille pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds et fins, nus jusqu’à l’épaule; et ses petites mains chargées de bagues, ses yeux gris larges ouverts et grandis par les bizarres ornements de fer lui tombant du front, composaient un ensemble harmonieux.
Une actrice sans doute. Il en venait beaucoup chez Déchelette; et cette pensée n’était pas pour le mettre à l’aise, ce genre de personnes lui faisant très peur. Elle lui parlait de tout près, un coude au genou, la tête appuyée sur la main, avec une douceur grave, un peu lasse… «Du Midi vraiment?… Et des cheveux de ce blond-là!… Voilà une chose extraordinaire.»
Et elle voulait savoir depuis combien de temps il habitait Paris, si c’était très difficile cet examen pour les consulats qu’il préparait, s’il connaissait beaucoup de monde et comment il se trouvait à la soirée de Déchelette, rue de Rome, si loin de son quartier Latin. Quand il dit le nom de l’étudiant qui l’avait amené… «La Gournerie… un parent de l’écrivain… elle connaissait sans doute…» l’expression de ce visage de femme changea, s’assombrit subitement; mais il n’y prit pas garde, ayant l’âge où les yeux brillent sans rien voir.

Gustave Flaubert. « Madame Bovary. »

Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.
Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études :
– Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge.
Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un. pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.
On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs.
Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre.
Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait.
– Levez-vous, dit le professeur.
Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.
Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois.
– Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit.
« Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait s’il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux. »

Doris Lessing. Le Carnet d’or.

Londres. Été 1957. Anna retrouve son amie Molly après une séparation…

Les deux femmes étaient seules dans l’appartement.
« En fait, ça craque par tous les bouts », dit Anna tandis que Molly reposait le récepteur.
Molly passait sa vie au téléphone. Avant qu’il ne sonne, cette fois, elle avait juste eu le temps de demander à Anna : « Alors ? Quels sont les derniers cancans ? » Et elle annonça en revenant du téléphone : « C’est Richard. Il arrive. Son seul instant libre d’ici un mois, du moins il le prétend.
— De toute façon je ne m’en irai pas, dit Anna.
— Surtout pas, reste où tu es. »
Molly s’examina d’un œil critique : elle portait un pantalon et un pull-over aussi défraîchis l’un que l’autre. « Il n’aura qu’à me prendre comme je suis, décréta-t-elle en s’asseyant devant la fenêtre. Il n’a pas voulu me dire de quoi il s’agissait ; encore une scène avec Marion, j’imagine.
— Il ne t’a pas écrit ? demanda Anna avec circonspection.
— Si, et Marion aussi. Des lettres parfaitement détendues. C’est curieux, non ? »
Ce « C’est curieux, non ? » était caractéristique de leurs conversations intimes qu’elles appelaient d’ailleurs leurs commérages. Molly avait marqué le coup, mais elle éluda …

Joseph Conrad. « Lord Jim »

Il avait six pieds, moins un ou deux pouces, peut-être ; solidement bâti, il s’avançait droit sur vous, les épaules légèrement voûtées et la tête en avant, avec un regard fixe venu d’en dessous, comme un taureau qui va charger. Sa voix était profonde et forte, et son attitude trahissait une sorte de hauteur morose, qui n’avait pourtant rien d’agressif. On aurait dit d’une réserve qu’il s’imposait à lui-même autant qu’il l’opposait aux autres. D’une impeccable netteté, et toujours vêtu, des souliers au chapeau, de blanc immaculé, il était très populaire dans les divers ports d’Orient, où il exerçait son métier de commis maritime chez les fournisseurs de navires.
On n’exige du commis maritime aucune espèce d’examen, en aucune matière, mais il doit posséder la théorie du Débrouillage, et savoir, mieux encore, en donner la démonstration pratique. Sa besogne consiste à distancer, à force de voiles, de vapeur ou de rames, les autres commis maritimes lancés comme lui sur tout navire prêt à mouiller son ancre, à aborder jovialement le capitaine en lui fourrant une carte dans la main – la carte réclame du fournisseur, – puis, dès sa première visite à terre, à le piloter avec fermeté, mais sans ostentation, vers une boutique, vaste comme une caverne et pleine de choses bonnes à manger et à boire sur un bateau ; on y vend tout ce qui peut assurer à un navire sécurité et élégance, depuis un jeu de crochets pour son câble, jusqu’à un carnet de feuilles d’or pour les sculptures de son arrière, et le capitaine se voit accueilli comme un frère par un négociant qu’il n’avait jamais rencontré. Il trouve, dans une salle fraîche, de bons fauteuils, des bouteilles, des cigares, et tout ce qu’il faut pour écrire ; un exemplaire des règlements du port, et une cordialité qui fait fondre le sel déposé, par trois mois de navigation, sur un cœur de marin. Ainsi nouées, les relations sont entretenues, tant que le navire reste au port, par les visites quotidiennes du commis maritime. Fidèle comme un ami et plein d’attentions filiales pour le capitaine, il fait montre, à son endroit, d’une patience de Job, de l’entier dévouement qu’on attendrait d’une femme, et d’une gaieté de bon vivant. Après quoi l’on envoie la note. C’est un beau métier, tout fait de cordialité avertie, et les bons commis maritimes sont rares. Quand un commis, qui possède la théorie du Débrouillage, se trouve aussi pourvu d’une éducation de marin, il vaut son pesant d’or pour le patron, et peut en attendre toutes les faveurs. Jim gagnait toujours de beaux gages et les faveurs qu’il se voyait octroyer eussent assuré la fidélité d’un démon, ce qui ne l’empêchait pas, avec une noire ingratitude, de planter là brusquement son emploi pour s’en aller ailleurs. Les raisons qu’il donnait à ses chefs étaient manifestement insuffisantes, et provoquaient de leur part cette simple réflexion : « Maudit imbécile ! » dès qu’il avait tourné le dos. Telle était la critique qu’éveillait son excessive sensibilité.

J.-L. Borges. « Le Rapport de Brodie. »

On dit (mais c’est peu probable) que cette histoire fut racontée par Eduardo, le cadet des Nelson, à la veillée funèbre de Cristián, l’aîné, qui mourut de mort naturelle, vers les années 1890, dans la commune de Morón. Ce qui est certain c’est que quelqu’un l’entendit raconter par quelqu’un, au cours de cette longue nuit dont le souvenir s’estompe, tandis que circulait le maté, et que ce quelqu’un la répéta à Santiago Dabove, de qui je la tiens. Quelques années plus tard, on me la raconta de nouveau à Turdera, l’endroit même où elle s’était passée. La deuxième version, un peu plus circonstanciée, confirmait en gros celle de Santiago, avec les petites variantes et les contradictions inévitables en pareil cas. Je la transcris aujourd’hui parce qu’elle nous donne, me semble-t-il, un bref et tragique reflet de ce qu’était autrefois, dans nos campagnes, la mentalité des gens du peuple. J’essaierai d’être aussi fidèle que possible, mais je sens déjà que je céderai à la tentation littéraire d’amplifier ou d’ajouter certains détails.
À Turdera, on les appelait les Nilsen. Le curé me dit que son prédécesseur se souvenait d’avoir vu, non sans étonnement, chez ces gens une vieille Bible en écriture gothique, à reliure noire ; dans les dernières pages il avait vu, inscrits à la main, des noms et des dates. C’était le seul livre qu’il y eût dans la maison. La destinée itinérante des Nilsen, perdue là comme tout se perdra. La bâtisse, qui n’existe plus, était en brique sans crépi ; du portail, on voyait …

Romain Gary. «”Les cerfs-volants”

Le petit musée consacré aux œuvres d’Ambroise Fleury, à Cléry, n’est plus aujourd’hui qu’une attraction touristique mineure. La plupart des visiteurs s’y rendent après un déjeuner au Clos Joli, que tous les guides de France sont unanimes à célébrer comme un des hauts lieux du pays. Les guides signalent cependant l’existence du musée, avec la mention « vaut un détour ». On trouve dans ses cinq salles la plupart des œuvres de mon oncle qui ont survécu à la guerre, à l’occupation, aux combats de la Libération et à toutes les vicissitudes et lassitudes que notre peuple a connues.
Quel que soit leur pays d’origine, tous les cerfs-volants sont nés de l’imagerie populaire, ce qui leur donne toujours un côté un peu naïf. Ceux d’Ambroise Fleury ne font pas exception à la règle ; même ses dernières pièces, faites dans sa vieillesse, ont gardé cette marque de fraîcheur d’âme et d’innocence. Malgré le peu d’intérêt qu’il suscite, et la modestie de la subvention qu’il reçoit de la municipalité, le musée ne risque pas de fermer ses portes, il est trop lié à notre histoire, mais la plupart du temps ses salles sont vides, car nous vivons une époque où les Français cherchent plutôt à oublier qu’à se souvenir.
La meilleure photo d’Ambroise Fleury se trouve à l’entrée du musée. On le voit dans sa tenue de facteur rural, avec son képi, son uniforme, et ses gros godillots, sa sacoche de cuir sur le ventre, entre le cerf-volant d’une bête à bon Dieu et celui de Gambetta, dont le visage et le corps forment le ballon et la nacelle de son fameux envol pendant le siège de Paris. Il existe bien d’autres photos de celui qu’on avait surnommé pendant longtemps « le facteur timbré » de Cléry, car la plupart des visiteurs de son atelier de la Motte prenaient un cliché, histoire de rire. Mon oncle s’y prêtait volontiers. Il ne craignait pas le ridicule et ne se plaignait ni de l’épithète de « facteur timbré », ni de celle de « doux original », et s’il savait que les gens du pays l’appelaient ce « vieux fou de Fleury », il paraissait y voir beaucoup plus une marque d’estime que de mépris. Dans les années trente, lorsque la réputation de mon oncle commença à grandir, le patron du Clos Joli, Marcellin Duprat, eut l’idée de faire imprimer des cartes postales qui représentaient mon tuteur en uniforme parmi ses cerfs-volants, avec les mots : Cléry. Le célèbre facteur rural Ambroise Fleury et ses cerfs-volants. Ces cartes sont malheureusement toutes en noir et blanc et on n’y retrouve pas la gaieté des couleurs et des formes, la bonhomie souriante et ce que j’appellerais les clins d’œil que le vieux Normand lançait dans le ciel.
Mon père avait été tué au cours de la Première Guerre mondiale et ma mère mourut peu après. La guerre coûta également la vie au deuxième des trois frères Fleury, Robert ; mon oncle Ambroise lui-même en revint après qu’une balle lui eut traversé la poitrine. Je dois ajouter, pour la clarté de l’histoire, que mon arrière-grand-père, Antoine, avait péri sur les barricades de la Commune, et je crois que ce petit aperçu de notre passé et surtout les deux noms des Fleury gravés sur les monuments aux morts de Cléry ont joué un rôle décisif dans la vie de mon tuteur. Il était devenu très différent de l’homme qu’il avait été avant 14-18 et dont on disait dans le pays qu’il avait le coup de poing facile. On s’étonnait qu’un combattant qui avait reçu la médaille militaire ne manquât jamais l’occasion de manifester ses opinions pacifistes, défendît les objecteurs de conscience et condamnât toutes les formes de violence, avec, dans le regard, cette flamme qui n’était peut-être, en fin de compte, que le reflet de celle qui brûle sur le tombeau du soldat inconnu. Physiquement, il n’avait rien d’un doux.

Dostoievsvki. « Les Frères Karamazov. »

Fiodor Pavlovitch Karamazov

Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlovitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée. J’en parlerai plus loin et me bornerai pour l’instant à dire quelques mots de ce « propriétaire » , comme on l’appelait, bien qu’il n’eût presque jamais habité sa « propriété » . Fiodor Pavlovitch était un de ces individus corrompus en même temps qu’ineptes – type étrange mais assez fréquent – qui s’entendent uniquement à soigner leurs intérêts. Ce petit hobereau débuta avec presque rien et s’acquit promptement la réputation de pique-assiette : mais à sa mort il possédait quelque cent mille roubles d’argent liquide. Cela ne l’empêcha pas d’être, sa vie durant, un des pires extravagants de notre district. Je dis extravagant et non point imbécile, car les gens de cette sorte sont pour la plupart intelligents et rusés : il s’agit là d’une ineptie spécifique, nationale.
Il fut marié deux fois et eut trois fils ; l’aîné, Dmitri, du premier lit, et les deux autres, Ivan et Alexéi[11], du second. Sa première femme appartenait à une famille noble, les Mioussov, propriétaires assez riches du même district. Comment une jeune fille bien dotée, jolie, de plus vive, éveillée, spirituelle, telle qu’on en trouve beaucoup parmi nos contemporaines, avait-elle pu épouser pareil « écervelé » , comme on appelait ce triste personnage ? Je crois inutile de l’expliquer trop longuement. J’ai connu une jeune personne, de l’avant-dernière génération « romantique » , qui, après plusieurs années d’un amour mystérieux pour un monsieur qu’elle pouvait épouser en tout repos, finit par se forger des obstacles insurmontables à cette union. Par une nuit d’orage, elle se précipita du haut d’une falaise dans une rivière rapide et profonde, et périt victime de son imagination, uniquement pour ressembler à l’Ophélie de Shakespeare. Si cette falaise, qu’elle affectionnait particulièrement, eût été moins pittoresque ou remplacée par une rive plate et prosaïque, elle ne se serait sans doute point suicidée. Le fait est authentique, et je crois que les deux ou trois dernières générations russes ont connu bien des cas analogues. Pareillement, la décision que prit Adélaïde Mioussov fut sans doute l’écho d’influences étrangères, l’exaspération d’une âme captive. Elle voulait peut-être affirmer son indépendance, protester contre les conventions sociales, contre le despotisme de sa famille. Son imagination complaisante lui dépeignit – pour un court moment – Fiodor Pavlovitch, malgré sa réputation de pique-assiette, comme un des personnages les plus hardis et les plus malicieux de cette époque en voie d’amélioration, alors qu’il était, en tout et pour tout, un méchant bouffon. Le piquant de l’aventure fut un enlèvement qui ravit Adélaïde Ivanovna. La situation de Fiodor Pavlovitch le disposait alors à de semblables coups de main : brûlant de faire son chemin à tout prix, il trouva fort plaisant de s’insinuer dans une honnête famille et d’empocher une jolie dot. Quant à l’amour, il n’en était question ni d’un côté ni de l’autre, malgré la beauté de la jeune fille.

Patrick Modiano. « Les boulevards de ceinture. »

Le plus gros des trois, c’est mon père, lui pourtant si svelte à l’époque. Murraille est penché vers lui comme pour lui dire quelque chose à voix basse. Marcheret, debout à l’arrière-plan, esquisse un sourire, le torse légèrement bombé, les mains aux revers du veston. On ne saurait préciser la teinte de leurs habits ni de leurs cheveux. Il semble que Marcheret porte un prince-de-galles de coupe très ample et qu’il soit plutôt blond. À noter le regard vif de Murraille et celui, inquiet, de mon père. Murraille paraît grand et mince mais le bas de son visage est empâté. Tout, chez mon père, exprime l’affaissement. Sauf les yeux, presque exorbités.
Boiseries et cheminée de brique : c’est le bar du Clos-Foucré. Murraille tient un verre à la main. Mon père aussi. N’oublions pas la cigarette qui pend des lèvres de Murraille. Mon père a disposé la sienne entre l’annulaire et l’auriculaire. Préciosité lasse. Au fond de la pièce, de trois quarts, une silhouette féminine : Maud Gallas, la gérante du Clos-Foucré. Les fauteuils qu’occupent Murraille et mon père sont de cuir, certainement. Il y a un vague reflet sur le dossier, juste au-dessous de l’endroit où s’écrase la main gauche de Murraille. Son bras contourne ainsi la nuque de mon père dans un geste qui pourrait être de vaste protection. Insolente, à son poignet, une montre au cadran carré. Marcheret, de par sa position et sa stature athlétique, cache à moitié Maud Gallas et les rangées d’apéritifs. On distingue – et sans qu’il soit pour cela besoin de trop d’efforts – sur le mur, derrière le bar, une éphéméride.

Pierre Loti. « Les Désenchantées. »

André Lhéry, romancier connu, dépouillait avec lassitude son courrier, un pâle matin de printemps, au bord de la mer de Biscaye, dans la maisonnette où sa dernière fantaisie le tenait à peu près fixé depuis le précédent hiver.
« Beaucoup de lettres, ce matin-là, soupirait-il, trop de lettres. »
Il est vrai, les jours où le facteur lui en donnait moins, il n’était pas content non plus, se croyant tout à coup isolé dans la vie. Lettres de femmes, pour la plupart, les unes signées, les autres non, apportant à l’écrivain l’encens des gentilles adorations intellectuelles. Presque toutes commençaient ainsi : « Vous allez être bien étonné, monsieur, en voyant l’écriture d’une femme que vous ne connaissez point. » André souriait de ce début : étonné, ah ! non, depuis longtemps il avait cessé de l’être. Ensuite chaque nouvelle correspondance, qui se croyait généralement la seule au monde assez audacieuse pour une telle démarche, ne manquait jamais de dire : « Mon âme est une petite sœur de la vôtre ; personne, je puis vous le certifier, ne vous a jamais compris comme moi. » Ici, André ne souriait pas, malgré le manque d’imprévu d’une pareille affirmation ; il était touché, au contraire. Et, du reste, la conscience qu’il prenait de son empire sur tant de créatures, éparses et à jamais lointaines, la conscience de sa part de responsabilité dans leur évolution, le rendait souvent songeur.
Et puis, il y en avait, parmi ces lettres, de si spontanées, si confiantes, véritables cris d’appel, lancés comme vers un grand frère qui ne peut manquer d’entendre et de compatir ! Celles-là, André Lhéry les mettait de côté, après avoir jeté au panier les prétentieuses et les banales ; il les gardait avec la ferme intention d’y répondre. Mais, le plus souvent, hélas ! le temps manquait, et les pauvres lettres s’entassaient, pour être noyées bientôt sous le flot des suivantes et finir dans l’oubli.
Le courrier de ce matin en contenait une timbrée de Turquie, avec un cachet de la poste où se lisait, net et clair, ce nom toujours troublant pour André : Stamboul.
Stamboul ! Dans ce seul mot, quel sortilège évocateur !… Avant de déchirer l’enveloppe de celle-ci, qui pouvait fort bien être tout à fait quelconque, André s’arrêta, traversé soudain par ce frisson, toujours le même et d’ordre essentiellement inexprimable, qu’il avait éprouvé chaque fois que Stamboul s’évoquait à l’improviste au fond de sa mémoire, après des jours d’oubli. Et, comme déjà si souvent en rêve, une silhouette de ville s’esquissa devant ses yeux qui avaient vu toute la terre, qui avaient contemplé l’infinie diversité du monde : la ville des minarets et des dômes, la majestueuse et l’unique, l’incomparable encore dans sa décrépitude sans retour, profilée hautement sur le ciel, avec le cercle bleu de la Marmara fermant l’horizon…

carnets de Pessah

A PROPOS. On m’a demandé de réunir sous un même billet, tout ce que j’avais pu écrire dans ce site ou ailleurs sur Pessah, ma fête préférée et Moïse, mon prophète préféré, en réalité un bègue volontaire, qui ne voulait se faire entendre, pour obliger Dieu, une première fois, la seule fois, de manière flagrante et ardente, à intervenir dans l’histoire des hommes. Moïse, l’unique, l’Homme.

Dans les petits billets, sans aucune prétention, vraiment, qui suivent, on se lance à l’abordage, beaucoup dans l’anecdote, de cette fête importante qui commémore la sortie des juifs d’Egypte.

Rien de nouveau pour les invisibles qui “suivent”  ce site créé il y a 22 ans et ne “commentent” jamais.

Juste un rassemblement de textes, comme à l’Ecole.

Je n’ai pas voulu tout coller. Notamment les diatribes contre les rabbins qui refusent une philosophie juive et détruisent l’esprit du judaïsme pour l’enfermer dans un commentaire insipide de virgules inutiles ou le compliquer dans l’exegèse de locutions pourtant fluides, en vantant l’Ethique juive qu’ils ne savent pas valoriser ou même définir, manque de mots et, surtout de concepts. Mais je vois que je m’égare. La période est à la paix du Seder.

1 – EXTRA…!

Extrait de la Haggadah de Pessah : Nous étions esclaves du Pharaon en Égypte, et l’Éternel, notre Dieu, nous a faits sortir de là d’une main forte et d’un bras étendu. Si le Saint, Béni soit-Il, n’avait pas sorti nos pères d’Égypte, alors nous, nos enfants et nos petits-enfants serions restés asservis au Pharaon en Égypte. Aussi, même si nous sommes tous sages, tous comprenant, tous connaissant la Torah, nous serions encore obligés de discuter de la Sortie d’Égypte ; et celui qui fait la narration de la Sortie d’Égypte plus longuement est digne de louanges.

On aura compris que je suis un peu juif. Et rien de ce qui est de cette religion, de ses coutumes, de son architecture éthique ne peut m’être indifférent. Non pas que je fréquente assidument les synagogues. Mais, très simplement, parce que je suis né juif.

Ce soir, 8 Avril, c’est le rituel du séder (l’ordre, en hébreu).

C’est le premier soir de la fête de Pessah (la Pâque juive), laquelle, autour d’une table familiale animée, permet de rappeler, dans le récit ordonné, surtout aux enfants, la conquête de la liberté des juifs (les enfants d’Israël), sortis d’Égypte, après des années d’esclavage.

Hymne à la liberté conquise dans la sortie d’Égypte, imposée par Moïse, “main du Maître de l’Univers” puis surtout dans le désert, pendant 40 ans, l’Éternel faisant don de la Torah (le Pentateuque, les 5 premiers livres de la Bible nommée « Ancien testament » par les chrétiens) sur le Mont Sinaï (Voir “Les dix commandements” de Cecil B. De Mille, avec un Charlston Heston dans le rôle de Moïse, éblouissant).

Il n’est un juif, même les moins religieux, qui ne se souvienne de cette soirée. Sur la table, déjà emplie de mets qui sont autant de symboles printaniers à bénir, est posée devant chaque convive la Haggadah de Pessah. Le livre du récit.

Les grands religieux ne la lisent qu’en hébreu. D’autres, oublieux de la langue apprise pour leur Bar-Mitsva, lisent (on lit à tour de rôle) en phonétique. Les plus modernes, les plus libéraux lisent en français. On peut alterner.

Entre les lectures, tout un rituel donc, autour du vin et des aliments (céleri, herbes amères qui rappellent les misères endurées par les hébreux, trempées dans une confiture de dattes, œuf, pied d’animal, et plein d’autres choses encore, mon propos n’étant pas encyclopédique…)

Extrait de la Haggadah de Pessah :« Les Égyptiens nous traitèrent avec méchanceté , comme il est dit : Allons, agissons avec ruse envers lui (Israël) de peur qu’il se multiplie et que, s’il y avait une guerre, il se joigne à nos ennemis, se batte contre nous et quitte le pays. Ils nous firent souffrir , comme il est dit : « Ils mirent des surveillants sur (le peuple d’Israël) pour le faire souffrir de leurs fardeaux ; et il construisit des villes d’entrepôts pour le Pharaon, Pitom et Ramsès. Et ils nous imposèrent un dur travail », comme il est dit : « Les Égyptiens firent travailler les Enfants d’Israël avec dureté. Et ils rendirent leur vie amère par le dur travail, avec le mortier et avec les briques et toutes les sortes de travail dans le champ, tout leur travail qu’ils leur imposèrent avec dureté. » Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères. Et l’Éternel entendit notre voix et vit notre souffrance, notre labeur et notre oppression. Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères », comme il est dit : « Pendant cette longue période, le roi d’Égypte mourut ; et les Enfants d’Israël gémirent à cause de la servitude et ils crièrent. Et leur appel au secours monta vers Dieu, depuis la servitude. Et Dieu entendit notre voix », comme il est dit : « Et Dieu entendit leur gémissement, et Dieu Se rappela Son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. »

Et on chante et on récite les dix plaies d’Égypte, infligées aux égyptiens pour contraindre leur Pharaon à laisser, sous l’égide de Moïse, envoyé du Maître de l’Univers, faiseur de miracles qui ont peine à emporter la conviction du souverain qui ne veut laisser partir le peuple des Hébreux.

C’est ici que je reviens à mon titre. Donc, pendant le repas, programmée depuis des siècles, la récitation, l’une après l’autre, des dix plaies subies par les égyptiens, pour contraindre Pharaon à se défaire des juifs.

Terribles. Sang.Grenouilles.Vermine.Bêtes sauvages.Peste.Ulcères.Grêle.Sauterelles.Obscurité.Extermination des premiers-nés.

Entre chaque plaie, le maître de maison, maître des prières, verse dans un récipient un peu de vin et les convives disent, à chaque geste de versement du liquide, “Que l’Éternel nous en préserve”. En judéo-arabe “Simassilinou”.

Puis, la maîtresse de maison, la mère pour tout dire, prend le récipient, empli de vin, et tous se taisent dans un silence absolu, un des rares respectés chez les juifs, grand moment silencieux de l’année.

La mère va vers les toilettes. Le silence s’amplifie, malgré les petits sourires entendus de quelques uns, certains de la suite, de l’épilogue. On entend le bruit de la chasse d’eau. La mère vient de déverser le vin des dix plaies dans la cuvette des WC…

Et tous, silencieux, attendent. Ils attendent un mot.

La mère le clame : “EXTRA !” (Ca peut être aussi super ou “génial”, chez les plus modernes).

Et tous applaudissent. Des 4 mains, dans la joie et la vraie allégresse.

Quand on invite un non-juif (le religieux orthodoxe n’en a pas le droit, parait-il, cf infra 3.“la porte”) ou même un non-sépharade ou, plutôt un non judéo-arabe, peut-être même un non judéo-tunisien, il faut expliquer:

Les dix plaies sont donc concentrées, au fil de leur versement, dans le récipient, le vin allant être jeté dans la cuvette.

Et là, de deux choses l’une :

– soit après le, tirage de la chasse, l’eau est encore tumultueuse. Et ici, les convives n’ont peut-être pas bien récité ou, pire, ne sont pas méritants d’une absolution divine.

– soit l’eau est limpide, calme, ayant absorbé les plaies, hors de la demeure.

ET C’EST ICI QUE LA MÈRE CRIE : “EXTRA !”

On imagine que personne, dans toutes les demeures juives d’Afrique du Nord, le soir de Pessah, n’a entendu “Pas extra“.

La mère le crie, certainement, cet “extra !”, sans même regarder l’eau. Le tumulte ne peut être dans l’eau.

On pourrait, dans un souci anthropologique rechercher l’origine de cette curieuse coutume qui dévore la superstition. On préfère en rester là. Le mystère de la coutume se suffit à lui-même, frôlant la beauté universelle, extra “en soi”.

2- SEDER II. LA CIGARETTE ET LE VIN

Deuxième soir de Pessah, deuxième Séder.

Un membre de ma famille, le seul qui connaisse ce site, me demande de continuer. “Il y a deux soirs de Séder, donc deux billets. Ou sinon, c’est pas du jeu…”. Vous avez bien lu. “Du jeu”.

Donc, je continue, en espérant que demain, je n’entendrai pas dans sa bouche me dire “Pessah dure 8 jours, donc tu continues…”

Et, ce soir, devant un “Msoki”, livré à domicile, par un autre membre de la famille, je m’y attèle.

Le Msoki de Pessah

LE MSOKI. Extrait de Wikipédia : “Le msoki ou msouki (hébreu : מסוקי) est un plat traditionnellement préparé par les Juifs originaires d’Algérie et de Tunisie pour le séder de Pessa’h ou pour le septième jour de cette fête, mais il peut être consommé pendant la fête. Il s’agit d’un ragoût d’agneau et/ou de bœuf contenant plusieurs variétés de légumes (généralement de saison). Certains ajoutent des morceaux de matza afin de pouvoir comparer le plat aux trois éléments essentiels de la nuit de Pessa’h — pessa’h, matza ou maror (« agneau pascal, pain azyme et herbes amères »). Comme les galettes azymes cuites en Tunisie étaient extrêmement dures et épaisses et que les Juifs tunisiens autorisaient la consommation de matza trempée, il était de coutume de les plonger dans le fond du plat pendant sa cuisson afin de les ramollir”.

Hier, j’avais raconté “l’extra” après les dix plaies.

Ce soir, toujours dans le souvenir anthropologique, culturel, laissant de côté la théorisation sur l’invention de la liberté (par le judaïsme, dans la sortie d’Egypte, et non pas dans la chrétienté, dans la constitution de l’individu contre la Loi, comme pourrait le clamer un auteur de la revue “Etudes” qu’au demeurant j’apprécie énormément), je me plante dans l’anecdote. Qui, en réalité n’en est pas une.

Le soir de Pessah, le vin est donc présent, dans les prières, entre les prières, dans le repas final. Les juifs séfarades, du moins avant leur départ pour la France, n’étaient pas de grand buveurs de vin. Ni, en général d’alcool. De temps à autre, peut-être – et encore- des rasades de boukha (l’alcool de figue frappé, conservé, en France dans le congélateur inconnu dans les terres africaines (étant observé que beaucoup de connaisseurs considèrent cette pratique de la boukha congelée comme une infamie, le goût de la figue étant “écrasé” par cette pratique inepte. Mais je m’éloigne du sujet).

Donc, le vin le soir du Séder, indispensable à l’ordonnancement du récit, entrecoupé de gorgées du liquide, qu’on boit, au demeurant, accoudé à gauche (mais, là encore, je n’explique pas, le billet n’étant pas encyclopédique)

Les enfants sont, ce soir, rois de la table, les questionneurs de la source de la tablée magique du Séder (“Pourquoi ce soir n’est pas comme les autres ?”) peuvent tremper leurs lèvres dans la coupe de vin. Les enfants peuvent boire du vin…!

Et beaucoup d’adolescents se souviennent de cet instant magique pendant lequel, comme les adultes, l’on pouvait boire du vin; que, mieux encore l’enivrement n’étant pas interdit par les sages commentateurs du Séder, ils pouvaient avoir le droit de subir une tête qui tourne, sous les effets d’une lampée du liquide des dieux…

Gueule de bois de Pessah…

M’est alors venu, à cet instant où je riais de ces jeunes enivrés, un autre écart, à l’oeuvre dans une vie de jeune juif : la cigarette aux lèvres, le jour de la Bar-Mitsva, à 13 ans.

Ce jour là, le “communiant” (la France chrétienne est passée par les mots) avait le droit d’avoir dans sa poche un paquet de cigarette et, ostensiblement, devant des parents assez gênés, des oncles rieurs, et des copains ravis de partager les bouffées, laissait pendre dans des lèvres maladroites, une cigarette, sorti de ce paquet acquis sur un trottoir, quelques mois avant le grand jour…

Le bar-mitsva devenait un homme, pouvait participer, désormais à l’assemblée des dix requis pour prier (le “minian”:  il ne faut pas d’Eglise chez les juifs, juste une communauté de 10). Il pouvait donc fumer.

Un verre de vin à la main, cigarette dans la bouche, l’homme s’imagine homme. Il n’en faut pas plus pour faire des bonds.

3 – LA PORTE

Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive. 

Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».

Donc, pendant 8 jours, on célèbre. 

On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler sous le tissu adéquat.

Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,

La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël. 

4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.

Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin. Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.

J’ai pu ici, conter, dans deux billets, la soirée. Je colle, en PS, les liens pour ceux qui voudraient se moquer de moi.

Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, signe de liberté, rite exclusivement judéo-tunisien, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction (Etmol Ainou avadim Ayom bene Horin, Hier, nous étions esclaves, aujourd’hui libres), les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.

Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?

Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.

Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.

Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.

Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.

Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy », mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.

J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque  à la réflexion, une injonction à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.

Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.

Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.

LA QUESTION DE EVA.R

Bonjour,

J’ai appris dernièrement par une amie qu’il était interdit d’avoir un Goy lors des Séder de Pessa’h.J’aimerais savoir comment faire lorsque le père de son mari est Goy ? Cela pose-t-il un réel problème ? Est-ce une faute de le recevoir, ou est-ce plus une faute de l’offenser et de ne pas l’inviter ?

REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)

1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.

2. Durant Yom Tov, cela esinterdit. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.

3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].

4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.

Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.

Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].

5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].

Mékorot / Sources : Choul’han AroukhHilkhot Hamo’adimKol HatorahGlattHayachar VéhatovYom Tov Kéhilkhato‘Hachouké ‘HémedMichnat EliézerChévet HaléviPisské Techouvot.

Ici, j‘ai plusieurs solutions :

– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme

– Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.

– Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.

– Soit je  je me tais et écris l’ineptie, en cherchant d’autres mots tant il est faible.

J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnera de ne pas avoir été plus virulent.

4 – EXTRAIT DU FILM LES 10 COMMANDEMENTS / LE PASSAGE DE LA MER ROUGE/LE BATON TRANSFORME EN SERPENT

5 – LA HAGGADAH CHANTEE, RITE JUDEO-TUNISIEN. ECOUTER

https://youtu.be/hxnHb6Z2h30?si=Vph9nGRKcO9DbA9a

6 – DIEU N’A PAS D’ASSOCIE

Ancien rédacteur en chef à Libération et correspondant de ce journal à Jérusalem, Jean-Luc Allouche a un vrai culot.

Avoir du culot, ce n’est pas entrer sans frapper dans le bureau du patron pour obtenir une augmentation ou se planter tous les soirs devant la porte de la femme qu’on désire pour, sans un mot, lui offrir des fleurs, ou encore se permettre de s’inviter à la soirée magnifique de laquelle l’on est chassé, du fait de son trop grand toupet.

Non, avoir du culot, c’est, au crépuscule d’une vie, s’attaquer à Dieu lequel (l’on ne sait jamais) peut se tapir dans un coin du ciel le jour où (l’on ne sait toujours pas) il cueillera votre âme. Surtout quand on le dit (c’est le cas d’Allouche) presque sans pitié et imbu de lui.

Donc, Allouche a un vrai culot lorsqu’il nous décrit, dans son dernier bouquin (Le roman de Moïse. Albin Michel. 2018) un Dieu irritable, colérique, injuste, caractériel. Il avoue, au demeurant que “ce Dieu de la Bible n’est pas à mon goût”.

Ce Dieu, sans figure en prend plein la sienne, si la matière se prêtait à un mauvais jeu de mots.

Allouche a donc écrit un “roman de Moïse”, en collant au texte biblique, l’agrémentant des commentaires du Talmud du Midrach, des grands commentateurs et pas seulement Rachi ou Maimonide…

Le bouquin est passionnant, magnifiquement écrit, documenté. Et l’on sent, sous la plume, des vibrations pas toujours positives, qui vont de la colère envers ce Dieu querelleur jusqu’à la caresse sur les lèvres bégayantes de Moïse.

On ne peut raconter, il faut lire ce long bouquin qui a accompagné plusieurs nuits, transformant l’épisode biblique en un roman qui est celui de la guerre (le mot n’est pas trop fort) entre Dieu et le peuple qu’il a fait sortit d’Egypte pendant ces quarante années d’errance dans la colère des deux (le peuple et Dieu s’affrontant), entre Dieu et Moïse qui implore le pardon pour ledit peuple et la vie pour lui, pour lui permettre d’entrer dans le pays promis, terre de lait et de miel.

Dieu, malgré les supplications de tous ses anges, de tous ses cieux ne fléchira pas.

Je colle ici le dernier paragraphe du bouquin :

“Allons, une ultime pirouette inspirée par ce merveilleux magicien de l’hébreu, et longtemps homme politique courageux, feu Yossi Sarid, à qui j’emprunte cette citation : 

« Moïse n’aurait pas dû mourir. Sa santé était relativement bonne, compte tenu de son âge : “Son regard ne s’était point terni, et sa vigueur n’était point épuisée.” Mais Dieu, lui aussi, se préoccupe de son statut et n’est pas du tout disposé à partager le crédit de ses actes avec d’autres : c’est lui qui nous a fait sortir d’Égypte, qui a fendu la mer en deux pour nous, et a couvert tous nos besoins dans le désert. Dieu n’a pas d’associé.

Allouche a du culot ?

A vrai dire, pas vraiment. C’est Dieu qui en a, en ne sombrant pas dans l’amour et le bon sentiment, affirmant sa prééminence, sans se départir de la parole première.

Si Dieu n’avait pas eu ce culot, l’on aurait basculé dans une autre religion, celle de notre ère. Celle qui prétend abolir les sentiments et les contradictions, pour les fondre dans la béatitude de l’amour plat et mièvre.

Le judaïsme admet la colère de Dieu. Mieux, il ne saurait se reproduire sans la crainte de cette colère, du type, légitime, qu’a généré la fabrication du veau d’or. La colère justifiée est bonne.

Je vais le dire à Allouche, pour le consoler : son culot est à la mesure de celui de Dieu. Et s’il ne peut être un associé, il est, lui, Allouche, image de Dieu, un bon collaborateur, à l’image de son créateur qui n’est pas qu’amour. Qui est unique,sans nom, et pourtant multiple. Sephirot…

L’unique et son pluriel, dirait je ne sais qui.

Relisez. Tout sauf du petit blasphème d’athée de service.

7 – PAUSE : MUSIQUE, VIDEOS-CADEAUX, SUR LE THEME MUSICAL “UPDOWN FUNK”. PUNCH A PESSAH…

https://youtu.be/9v3xjf1kGlg

https://youtu.be/7Q7Jo7Fk

8 – LA QUERELLE DE MERIBA, LE MYSTERE D’UNE INGRATITUDE DIVINE

Puisqu’il s’agit d’une discussion sur la fête de Pessah, la Pâque juive, qui fait se souvenir les juifs de leur sortie d’Égypte, sous l’égide de Moise, leur errance dans le désert, le don de la Torah sur le mont Sinaï , la lutte fondamentale contre l’idolâtrie et l’entrée dans la Terre sainte, la Promise, la question que, provocateur, je posais à la table du Seder lorsque j’étais jeune, aux lieu et place des fameuses questions posées par les enfants à qui l’on raconte l’épopée, me revient chaque année.

Lisez mon titre, ça sonne comme « la controverse de Valladolid ».

Mais c’est une question sur « le maître de l’Univers » et sa relation à Moïse, puni. Puni, mon idole de jeune, de ma jeunesse.

La question : pourquoi l’Éternel a-t-il interdit à Moise, l’entrée dans la Terre promise ?

Les interprétations sont diverses. Et dans cette interrogation, se terre toutes celles sur le monde et l’absurdité qui peut le gouverner.

Rappelons la scène biblique (Nombres 20- 8-12)

Et le peuple chercha querelle à Moïse, et ils parlèrent ainsi: “Ah! Que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l’Éternel!
4 Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de Dieu dans ce désert, pour y périr, nous et notre bétail?
5 Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l’Egypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n’est pas un pays de culture, où il n’y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, ni eau à boire!”
6 Moïse et Aaron, assaillis par la multitude, se dirigèrent vers l’entrée de la tente d’assignation et se jetèrent sur leur face; et la majesté divine leur apparut.
7 Et l’Éternel parla ainsi à Moïse:
8 “Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail.”
9 Moïse prit la verge de devant l’Éternel, comme il le lui avait ordonné.
10 Puis Moïse et Aaron convoquèrent l’assemblée devant le rocher, et il leur dit:”Or, écoutez, ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l’eau pour vous?”
11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent.
12 Mais l’Éternel dit à Moïse et à Aaron: “Puisque vous n’avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné.”
13 Ce sont là les eaux de Meriba, parce que les enfants d’Israël contestèrent contre le Seigneur, qui fit éclater sa sainteté par elles

Le Maître de l’Univers punit donc Moïse.

On cherche. Même jeune, je cherchais. Et je n’avais pas trouvé la désobéissance. Puis, si : Moïse n’avait pas « parlé au rocher », il avait « frappé » la pierre.

Horeb. Moise avait déjà fait jaillir de l’eau d’un rocher en frappant Il savait que « le coup du bâton » marchait. Il l’avait déjà fait au rocher d’Horeb (Exode 17 : 5-6 : « …prends aussi dans ta main ton bâton, avec lequel tu as frappé le Nil, et tu t’avanceras. Me voici, je me tiens là devant toi, sur le rocher en Horeb, tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira »

A Horeb, il devait frapper. A Meriba, il était certain qu’il devait « parler » en frappant. Alors pourquoi ne pas recommencer ? Mais non, non, pas à Meriba. Et pourquoi, si le Seigneur lui avait déjà commandé de frapper le rocher d’Horeb, était-ce si grave de frapper à nouveau un rocher à Meriba ?

l’Éternel lui avait pourtant demander de “prendre sa verge”, son bâton

Donc, une désobéissance. Il fallait parler.

Cependant persuadés que le geste de Moïse n’était pas concomitant d’une « volonté » de désobéir, plus une répétition qu’une rébellion, les rabbins commentateurs (allez-voir en ligne) assimilent la « frappe » de Moïse à de la colère. Il suffisait disent-ils d’être calme et doux avec l’eau douce qui sortirait par la parole conférée à Moïse par l’Éternel.

L’interprétation court dans tous les esprits : Moïse s’est mis en colère. Or, l’on cherche sans trouver dans le texte le moindre embryon de colère chez Moïse…

Et lorsque je disais à mes oncles, mon père, le soir du Seder, que c’était une injustice, j’étais accusé de blasphémateur, même si l’on me caressait les cheveux, les interlocuteurs étant un peu fiers du jeune rebelle, de l’enfant qui ne pose pas les questions de la Haggadah et s’en prend un peu à D…

Mais, plus sérieusement, je ne comprends toujours pas pourquoi Moïse ne voit la terre promise que du haut d’un mont, comme dans une scène hollywoodienne. Au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.

J’ai alors repris, aujourd’hui Dimanche, le merveilleux, vraiment merveilleux bouquin de Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse » (déja convoqué dans mes billets et colle ci-dessous son « récit » et ses commentaires sur Meriba et le rocher. Lisez, même si c’est un peu long, je ne n’ai pu couper.

LA FAUTE DE MOÏSE

« Dès lors qu’ils ne disposent plus d’eau grâce à Myriam, comme ils en avaient bénéficié pendant quarante ans(330), les enfants d’Israël se tournent vers Moïse et Aaron. Et leur cherchent querelle : « Ah, si nous avions péri comme nos frères ont péri devant l’Éternel ! Car la peste est préférable à la soif(331) ! »

Et, cette fois encore, la foule turbulente déroule ses griefs : pourquoi nous avoir amenés dans ce désert, pourquoi nous avoir fait quitter l’Égypte pour cette « mauvaise contrée », cette terre infertile où ne poussent ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers ? Et où il n’y a rien à boire(332)…

Et, de nouveau, devant les assauts du peuple, Moïse et Aaron se jettent face contre terre, et, derechef, la majesté divine leur apparaît. L’Éternel ordonne à Moïse : « Prends ton bâton et convoque tout le peuple, toi et ton frère Aaron. Vous parlerez en leur présence au rocher. Et tu feras jaillir pour eux de l’eau pour les abreuver, eux et leurs troupeaux(333). »

La foule rameutée devant le rocher, Moïse harangue l’assistance : « Écoutez-moi bien, bande de rebelles, ignares qui voulez surpasser vos maîtres : vous vous demandez si nous pouvons faire jaillir de l’eau de ce rocher ? »

Sur ce, Moïse lève son bâton et frappe à deux reprises le rocher ; l’eau s’échappe à flots, et tous d’étancher leur soif.

Allons, encore une révolte d’étouffée, soupirent Moïse et son frère…

La sentence s’abat sur leurs têtes : « Puisque vous n’avez pas cru en moi et ne m’avez pas sanctifié aux yeux des enfants d’Israël, eh bien, vous ne conduirez pas ce peuple dans ce pays que je lui ai donné »

La Torah a retenu le nom de ce lieu tragique : les Eaux-de-Mériba – la « Querelle ». »

« Voilà donc l’épisode par lequel se noue le destin injuste de Moïse – et, accessoirement, celui de son frère. N’a-t-il pas obéi à l’injonction de l’Éternel et fait jaillir l’eau du rocher ? Pourquoi cette condamnation qui semble relever du pur caprice ?

« Au fil des générations, les exégètes de la Torah se sont perdus en conjectures au sujet de cet arbitraire divin. Les hypothèses, ratiocinations et justifications sont si nombreuses que Samuel, David Luzzatto (1800-1865), philosophe et commentateur biblique italien, raille ces vénérables exégètes dans sa glose sur Nombres, XX, 12 :

« Moïse notre maître n’a commis qu’une seule faute, et les Sages, eux, l’ont chargé de treize fautes, voire davantage, chacun inventant de son chef un nouveau péché… Et peut-être existe-t-il d’autres opinions, mais je ne les connais pas.

Mais Dieu − n’est-ce pas ? − ne peut pas être injustifiable aux yeux de ses fidèles.

Et donc les commentaires abondent autant que les Eaux-de-Mériba : celui-ci rejette la faute sur Moïse – aveuglé par la colère, il aurait frappé par deux fois le rocher, au lieu de parler, comme le voulait l’injonction divine.

Celui-là condamne le caractère public de la harangue de Moïse à l’encontre d’Israël, voire son insolence, ce que l’Éternel ne pouvait laisser passer. Cet autre, Maïmonide, fustige son caractère : Moïse n’a pas compris l’état d’esprit de ces assoiffés, accablés par la détresse de leurs familles et épuisés par les épreuves du désert. Selon lui, contrairement à leur mutinerie dans l’épisode des douze explorateurs, leurs protestations, ici, étaient de bonne foi. Encore que Maïmonide ne soit pas tout à fait satisfait par sa propre explication : étant donné que « Moïse est très modeste, plus qu’aucun autre homme sur la terre » (Nombres, XII, 3) et « le plus fidèle des serviteurs de Dieu » (Nombres, XII, 7), se peut-il qu’il n’eût pas été capable de reconnaître sa propre faiblesse ?

À vrai dire, cette « faute » de Moïse paraît bien vénielle. Et sa punition, disproportionnée.

De son côté, écrit Yeshayahu Leibowitz,

« à chaque fois qu’il est accusé de quoi que ce soit, Moïse ne reconnaît jamais sa faute et n’accepte pas de se soumettre à la sentence divine, en respectant l’adage biblique “Juste est l’Éternel, car je fus rebelle à ses ordres” [Lamentations, I, 18], comme l’ont admis d’autres justes et pieux quand ils se trouvaient en proie aux châtiments divins(340) ».

Après avoir passé en revue de nombreux commentateurs traditionnels, Leibowitz s’attarde sur l’un de ses préférés, Rabbi Meïr-Simha Hacohen (1843-1926), l’auteur de Méchekh ‘Hokhma, dont il aime à citer les commentaires souvent peu conformistes, voire audacieux : »

« La sentence frappant Moïse – l’interdiction d’entrer en Terre promise et sa mort dans le désert − n’est pas du tout due à cet acte, mais c’était là sa destinée : l’homme Moïse n’aurait pas le mérite de parachever l’entreprise prodigieuse de délivrance d’Israël et de l’amener en terre d’Israël. Comme dit le Rav Hacohen : “Il était impossible que Moïse les acheminât en Terre promise car, alors, les masses l’eussent considéré comme une divinité et eussent passé pour adorer un homme, et le dommage l’aurait emporté sur les bénéfices”(341). »

D’ailleurs, Rav Hacohen note qu’en fait, dès la faute du Veau d’or, le sort de Moïse avait été scellé, car le peuple, désemparé par son absence et le tenant déjà pour une figure quasi divine, voire divine, demande un substitut à Moïse, qui soit, lui aussi, divin :

« C’est pourquoi, écrit Leibowitz, Moïse devait mourir dans le désert aux yeux de tout le peuple pour que ce dernier constate, sans l’ombre d’un doute, que Moïse n’est pas un être tout-puissant, mais un mortel comme chaque humain, et que la délivrance absolue repose entre les mains de l’Éternel. »

« Rabbi Haïm ben Attar (1696-1743), dans son Or Ha’haïm, s’emploie à passer en revue les commentaires de tous ses prédécesseurs pour conclure ainsi :

« N’aie aucune crainte de dire que Moïse n’a pas compris véritablement les intentions divines car la prophétie ne vient pas spontanément au juste, sinon par la réflexion. C’est la thèse de nos Sages : “Le sage est préférable au prophète” [Baba batra, 12, a]. Moïse n’a pas ignoré le sens des intentions divines, sinon qu’il a éprouvé un doute, et, par respect pour la dignité divine, a fait ce qu’il a fait [frapper le rocher] … En effet, par crainte que le rocher ne donne pas d’eau et que l’Éternel soit “humilié”, Moïse a donc frappé, alors qu’il aurait pu sanctifier l’Éternel en laissant éclater la toute-puissance de la parole divine et, ce faisant, conjurer la crainte que le miracle ne se produise pas(343). »

Autrement dit, si grand prophète que fût Moïse, il n’était pas quitte d’utiliser son intelligence pour comprendre les intentions divines. Nul n’est prophète dans sa maison… sans sa raison. »

« Yeshayahu Leibowitz, à la fois savant profane (professeur de biochimie, entre autres), philosophe et érudit de la Torah, esprit anticonformiste par excellence et véritable « prophète de la colère » contemporain, insiste souvent dans ses commentaires sur les leçons modernes à tirer de la Torah. Sur la « faute de Moïse », il remarque :

« Moïse notre maître n’a pas mené sa mission à bonne fin non à cause d’une imperfection, révérence garder, dans sa personnalité ou sa conduite du peuple, mais le vice était au cœur de sa génération [“Génération corrompue et tortueuse”, Deutéronome, XXXII, 5], “des enfants sans loyauté” [Deutéronome, XXXII, 5], une génération pervertie et rebelle, qui n’obéissait pas à son guide et s’est même rebellée contre lui. […] Malgré ses dons de guide et sa loyauté insignes, Moïse n’a pas réussi à laver le peuple de la souillure de l’esclavage en Égypte et à le rendre digne de pénétrer en Terre promise. D’où le fait que cette impossibilité lui ait été imputée comme son échec personnel le « plus cuisant, s’agirait-il d’un chef de la stature de Moïse, notre maître, l’homme de Dieu, le serviteur fidèle de sa maison »

Si, souvent, les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, parfois, les dirigeants n’ont pas le peuple digne d’eux.

Dès lors, désavoué en quelque sorte devant son peuple, trahi même, pourquoi Moïse continuerait-il à supporter ce fardeau ? D’autant que s’ajoute la mort de son frère, Aaron. Avant que ce dernier ne « retourne vers ses pères », l’Éternel charge Moïse de le dépouiller de ses vêtements sacerdotaux pour les remettre à son fils, Éléazar.

Le Midrach décrit ainsi la scène :

« Aborde Aaron par des paroles consolatrices. “N’es-tu pas heureux de voir ta couronne du sacerdoce donnée à ton fils ? Alors que moi-même je n’aurai pas ce mérite !”»

Après lui avoir ôté ses vêtements sacramentels, Moïse accompagne son frère au lieu de sa sépulture sur le mont Hor. Là encore, le Midrach livre cette image saisissante :

« Moïse dit à son frère : “Entre dans cette grotte.” Aaron entre et découvre un lit préparé et une lumière allumée. Il lui dit : “Monte sur ce lit.” Aaron monte sur le lit. Moïse lui dit : “Écarte les bras.” Aaron écarte ses bras. “Ferme la bouche.” Il la ferme. “Clos tes yeux.” Il les clôt.

Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50 »

Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »

« Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50»

Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »

Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse » 

Je reviens : j’ai relu : le bouquin de JL. Allouche est merveilleux.

J’avais oublié son introduction. Lisez. J’affirme que je l’avais oublié en commençant ce billet. Après avoir lu cette introduction que je colle ci-dessous, vous pouvez vous dire que tous les enfants pensent la même chose…

” Après de si nombreux ouvrages sur Moïse sous la plume d’auteurs prestigieux, ou moindres, voilà que je me décide à livrer « mon » Moïse, comme tant d’autres ont donné leur vision de leur Moïse. Car, décrit de manière laconique, pour ne pas dire lacunaire, dans la Bible, Moïse est propre à fouetter toutes les imaginations.
Le « mien », c’est un Moïse abandonné. Un Moïse à la parole blessée. Un « hors-venu », la figure si chère au poète Supervielle. À la vie sacrifiée. Je le veux tel, surtout pour « régler mes comptes » avec l’épisode suivant de son existence que j’ai toujours eu le plus grand mal à accepter.
En effet, au cours de sa longue vie, cent vingt ans – longévité idéale, synonyme de vie accomplie aux yeux du judaïsme –, recru d’épreuves, l’homme Moïse aura été, à maintes reprises, sauvé. Au dernier moment. Sauvé (plus exactement : « retiré », « extrait », voire « rattrapé ») des eaux du Nil. Sauvé de la main de Pharaon comme, à l’occasion, des foudres de Dieu ou des révoltes de son troupeau indocile. Lors même qu’il aura été le sauveteur de son peuple. Cependant, une unique fois, le sort se montrera peu clément à son égard. L’ultime fois, au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël(1). »

Et Allouche d’écrire :

Enfant, cet épisode me révoltait. À mes yeux, malgré ses hauts faits et ses souffrances, l’existence de Moïse était tout sauf accomplie. Non que je fusse un mécréant – du moins, pas encore –, mais cette ingratitude divine me scandalisait.

Lorsque des enfants (ici, au moins deux, pensent la même chose, on n’est pas très loin de la vérité…

9 – “HAAZINOU”-“ECOUTEZ”, C’EST DE MOÏSE DONT IL S’AGIT !

09/2020).

Jamais, jamais, je ne me suis immiscé dans un commentaire sur la « paracha de la semaine », d’autres ici et là, avec plus ou moins de talent, en collant, en s’extirpant, en disant, notamment certains rabbins doctes et dans l’étude, le faisant mieux que je ne pourrais le faire, même après des milliers d’heures d’études. Même si beaucoup confondent interprétation et commentaire littéral. Même si j’en ai souvent envie, pour sortir du prévisible et tenter de faire caresser le judaïsme par la philosophie, hors de l’exégèse religieuse sur le mode talentueux mais intrinsèque et exclusive de Rachi, par un commentaire théorique. Commentaire philosophique souvent honni ou inconnu, le Texte sacré se suffisant à lui-même selon les orthodoxes qui ont le droit de ne pas penser pour pratiquer et porter la pérennité du peuple. On leur sait gré de cette tâche de survie, comme le dirait Hermann Cohen. Sans eux et les autres, y compris les libéraux, etc. Mais la prétention d’une immixtion théorique serait immense et, jamais, jamais, je ne me suis donc investi dans cette tâche.

On rappelle pour ceux qui ne connaissent pas l’expression que la paracha est l’unité de division du texte de la Torah, Bible hébraïque. Le Texte sacré est divisé en autant de semaines de l’année et est lu chaque semaine dans les synagogues. La totalité du texte est donc lue chaque année.

Cette semaine, ce Samedi d’avant Kippour (le Grand Pardon), le jour essentiel, crucial, presque ultime, pour le peuple juif, la paracha est dite de “Haazinou” (“Écoutez”).

C’est Moïse qui parle, le dernier jour de sa vie, s’adressant au peuple juif l’exhortant à se « se souvenir des temps anciens », « d’interroger ton père et il te racontera, tes sages et ils te diront », comment Dieu « les a trouvés dans le désert », en a fait un peuple, les a choisi pour Lui, et leur a donné une terre magnifique. Leur rappelant que la chute spirituelle n’est jamais loin, qu’elle est survenue lorsque le peuple « s’est engraissé, s’est révolté et a abandonné le Dieu qui l’a fait ». La paracha finit par l’ordre donné par Dieu à Moïse de monter sur le mont Névo, d’où il pourra, seulement, contempler toute la Terre Promise avant de quitter ce monde.

Donc, pour une fois, une seule fois, je romps la règle. Car il s’agit de Moïse. Celui que j’aime, celui qui bégaie, celui qui, injustement, n’est pas autorisé à entrer dans la terre promise, Dieu ne lui permettant que de la contempler, de loin, avant de mourir, du Mont Névo.

J’ai écrit, ici, sur cette injustice, incompréhensible, un énervement ou un bâton vif sur un rocher ne pouvant justifier une telle injustice.

Dieu que je l’aime Moïse, ce héros. Dieu, vous avez été injuste. Vous avez le droit, Dieu, de vous tromper. Vous en avez le droit.

Donc cette semaine, la paracha me permet de dire encore mon amour de Moise.

Non pas celle d’un religieux dans les premiers étages des synagogues, dans l’Étude de « Moché », mais celui d’un simple lecteur, un peu écrivant qui aimerait, tous les jours que Moise revienne sur terre, dans un rêve improbable, et entre avec le peuple sur la terre sacrée, pour y mourir. En souriant.

Je colle la paracha :

LA PARACHA“Haazinou” (“Écoutez”).”

Écoutez, cieux, je vais parler ; et que la terre entende les paroles de ma bouche.

Que mon enseignement s’épande comme la pluie, que mon discours distille comme la rosée, comme la bruyante ondée sur les plantes, et comme les gouttes pressées sur le gazon !

Car c’est le nom de l’Éternel que je proclame ; rendez hommage à notre Dieu !

Lui, notre rocher, son œuvre est parfaite, toutes ses voies sont la justice même ; Dieu de vérité, jamais inique, constamment équitable et droit.

Est-ce lui qui a condamné ses enfants ? Non, c’est leur propre indignité, ô race perverse et tortueuse !

Est-ce ainsi que vous payez Dieu de retour, peuple insensé et peu sage ? N’est-il donc pas ton père, ton créateur ? N’est-ce pas lui qui t’a fait et qui t’a organisé ?

Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle; interroge ton père, il te l’apprendra, tes vieillards, ils te le diront!

Quand le Souverain donna leurs lots aux nations, quand il sépara les enfants d’Adam, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël.

Car ce peuple est la part du Seigneur ; Jacob est le lot de son héritage.

II le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes aux hurlements sauvages; il le protège, il veille sur lui, le garde comme la prunelle de son œil.

Ainsi l’aigle veille sur son nid, plane sur ses jeunes aiglons, déploie ses ailes pour les recueillir, les porte sur ses pennes robustes.

Seul, l’Éternel le dirige, et nulle puissance étrangère ne le seconde.

II l’a fait monter victorieusement sur les hauteurs de la terre et jouir des produits des champs ; l’a nourri avec le miel des rochers, avec l’huile de la roche pierreuse,

Avec la crème des vaches, le lait des brebis, les gras agneaux, les béliers de Basan et les boucs, avec la mœlle exquise du froment ; et tu buvais le sang vermeil du raisin.

Yechouroun, engraissé, regimbe ; tu étais trop gras, trop replet, trop bien nourri et il abandonne le Dieu qui l’a créé, et il méprise son rocher tutélaire !

Ils l’irritent par des cultes étrangers ; ils l’outragent par leurs abominations.

Ils sacrifient à des démons qui ne sont pas Dieu, à des déités qu’ils ne connaissaient point; déités nouvelles, de fraîche date, que n’avaient pas redoutées vos pères.

Et le rocher qui t’engendra, tu le dédaignes, et tu oublies le Dieu qui t’a fait naître.

A cette vue, le Seigneur s’est indigné ; ainsi outragé par ses fils, par ses filles,

il a dit: Je veux leur dérober ma face, je verrai ce que sera leur avenir; car c’est une race aux voies obliques, des enfants sans loyauté.

Eux m’ont irrité par des dieux nuls, m’ont contristé par leurs vaines idoles ; et moi je les irriterai par un peuple nul, je les contristerai par une nation indigne.

Oui, un feu s’est allumé dans ma colère, dévorant jusqu’aux profondeurs de l’abîme ; il a consumé la terre et ses productions, embrasé les fondements des montagnes.

J’entasserai sur eux tous les malheurs ; contre eux j’épuiserai mes flèches.

Exténués par la famine, dévorés par la fièvre et des pestes meurtrières, j’exciterai contre eux la dent des carnassiers, et le venin brûlant des reptiles.

Au dehors, l’épée fera des victimes, au dedans, ce sera la terreur : adolescent et jeune vierge, nourrisson et vieillard.

J’aurais résolu de les réduire à néant, d’effacer leur souvenir de l’humanité,

Si je ne craignais le dire insultant de l’ennemi et l’aveuglement de leurs persécuteurs, qui s’écrieraient : “C’est notre puissance qui triomphe, ce n’est pas l’Éternel qui en est la cause.”

Car c’est une race aux idées fausses ; ils sont dépourvus d’intelligence.

S’ils étaient sages, ils y réfléchiraient ; ils seraient frappés de ce qui finit par leur arriver :

“Comment un seul homme pourrait-il en poursuivre mille, deux, mettre en fuite une myriade, si leur protecteur ne les eût vendus, si l’Éternel ne les eût livrés ?

Car leur protecteur ne ressemble point au nôtre, et nos ennemis sont une race à part.

De fait, leur vigne tient de la vigne de Sodome, et leur terroir, des campagnes de Gomorrhe ; leurs raisins sont des baies vénéneuses, ce sont des grappes amères que les leurs.

Leur vin, c’est la bave des serpents, c’est le poison meurtrier des vipères !”

Certes, ceci est mon secret ; il est scellé dans mes archives.

A moi la vindicte et les représailles, vienne l’heure où leur pied doit glisser ; car il approche, le jour de leur catastrophe, et l’avenir accourt sur eux!

Oui, l’Éternel prendra parti pour son peuple, pour ses serviteurs il redeviendra propice, lorsqu’il les verra à bout de forces, sans appui et sans ressources.

Alors il dira : “Où sont leurs dieux, ces rocs tutélaires, objets de leur confiance ;

Qui consomment la graisse de leurs victimes, s’abreuvent du vin de leurs libations ? Qu’ils se lèvent pour vous secourir ! Qu’ils soient pour vous une sauvegarde !

Reconnaissez maintenant que c’est moi, qui suis Dieu, moi seul, et nul dieu à côté de moi ! Que seul je fais mourir et vivre, je blesse et je guéris, et qu’on ne peut rien soustraire à ma puissance.

Oui, j’en lève la main au ciel, j’en atteste mon éternelle existence

Quand j’aiguiserai l’éclair de mon glaive, quand ma main s’armera du châtiment, je prendrai ma revanche sur mes adversaires, je paierai de retour mes ennemis.

J’enivrerai de sang mes flèches, et mon glaive se repaîtra de chair, du sang des mourants et des captifs, du crâne des capitaines ennemis !”

Nations, félicitez son peuple, car Dieu venge le sang de ses serviteurs ; il exerce sa vindicte sur ses ennemis, réhabilite et sa terre et son peuple !”

Moïse vint faire entendre au peuple toutes les paroles de ce cantique, lui avec Hoschéa, fils de Noun.

Lorsque Moïse eut achevé d’adresser toutes ces paroles à Israël entier,

il leur dit: “Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous admoneste en ce jour, et que vous devez recommander à vos enfants pour qu’ils observent avec soin toutes les paroles de cette doctrine.

Car ce n’est pas pour vous chose indifférente, c’est votre existence même! Et c’est par ce moyen seul que vous obtiendrez de longs jours sur cette terre, pour la possession de laquelle vous allez passer le Jourdain.”

L’Éternel parla à Moïse, ce même jour, en ces termes :

“Monte sur cette cime des Abarîm, sur le mont Nébo, situé dans le pays de Moab en face de Jéricho, et contemple le pays de Canaan, que je donne aux enfants d’Israël en propriété ;

Puis meurs sur la montagne où tu vas monter, et rejoins tes pères, de même que ton frère Aaron est mort à Hor-la-Montagne et est allé rejoindre ses pères.

Parce que vous avez été fautifs envers moi au milieu des enfants d’Israël, à l’occasion des eaux de Meriba à Kadesh, dans le désert de Cîn, en ne me sanctifiant pas au milieu des enfants d’Israël.

Ce n’est qu’à distance que tu verras le pays : mais tu n’y entreras point, dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.”Auteur 

10 – CADEAU : LA HAGGADAH DE PESSAH COMMENTEE, HEBREU, FRANÇAIS, PHONETIQUE

11 – LES GRILLADES DE LA VEILLE DU SEDER

Coutume des Tunes : la soirée des grillades avant Pessah

Les Tunes, les juifs de Tunisie ont leurs propres coutumes. Pessah n’échappe pas à cet écart. 

Notamment cette “coutume” de manger des grillades la veille du Seder de Pessah. Côtes d’agneau, keftas, merguez tout est bon.

On peut l’expliquer.

En Tunisie, les Juifs Tunes avaient coutume de tuer un agneau 2-3 jours avant Pessah. 

Dès l’agneau tué, il était dépecé : une partie de la viande était réservée au Msoki (le ragout d’agneau), le reste aux merguez. Sans réfrigérateur, venu tardivement, sans conservation de durée, il fallait soit cuire (Msoki), soit préserver ou sécher (merguez).

Mais, que faire donc des côtes d’agneau : on inventa, pour leur consommation, avant leur dépérissement, les grillades de la veille du seder.

12 – LE PASSAGE QUI N’EST CELUI DE TUNIS-MÊME

Il existe plusieurs manières d’être juif. 

Soit, évidemment, être pratiquant et fréquenter assidûment la synagogue, faire Chabat, célébrer toutes les fêtes, manger “cacher” sans écart et tutti quanti. 

Soit manger “cacher” exclusivement chez soi, ne pas manger de porc, aller à la synagogue le jour de Kippour, jour du Grand pardon, bar-mitsva des garçons, matsot (pain azyme) pour Pessah et altri quanti. Soit, encore, ne pas être croyant, s’intéresser à la culture juive, se faire traiter de juif dit imaginaire, bref ne pas être religieux et considérer le judaïsme comme une culture, le concept se transformant en judéité. Se dire ainsi juif athée. 

Soit, enfin, en rester à l’existence d’espaces supérieurs, croire au génie de la conceptualisation du monde par la judéité, s’arrêter toujours aux notions qui structurent la religiosité et la pratique juive. Et, sans cesse, sans discontinuer, s’interroger sur le sens du récit juif. Et se dire juif et dire. Sans autre volonté.

Dans tous les cas, rien de ce qui est la judéité, qui peut ne pas être le judaisme, n’est périphérique.

Alors, on s’intéresse à Moïse, aux fêtes juives et à la philosophie juive, piteusement écrasée par la pratique sans pensée, aux coutumes, aux espaces cabalistiques et tout et tout. Ce qu’on tente ici dans ce mini-site, la fonction “recherche” permettant de le constater.

Certains se sont donc étonnés de ne pas voir sous la plume, dans cette période de fête, évoquer, comme dans les années passées “Pessah”, la Pâque juive, celle du temps présent de ce Nissan (le mois juif). On y remédie, sur la pointe des pieds. En réalité, il est toujours difficile d’écrire sur le sujet, des milliards de mots s’y étant employés. C’est, au demeurant le seul frein, idiot dit F, à l’écriture : la persuasion du déjà-dit.

Donc : rares, sont ceux, sauf les ignorants et les esprits non curieux, qui ne savent pas que la Pâque juive, “Pessah” est la fête de la commémoration de la sortie des juifs d’Egypte. Une commémoration, ponctuée par les deux premiers soirs  (du Seder) qui n’est pas un récit, juste un fait acquis, l’Exode, son chapitre biblique n’étant pas, curieusement contée ou récitée.

Que dire sur cette fête essentielle ? Evidemment, des millions de mots sur la liberté et son invention, sa conceptualisation insensée (un juif rit quand on lui dit qu’il a été esclave, car il en est sorti, par une volonté divine qui s’alliait à la volonté humaine. Pas un noir, affreusement resté dans sa condition après l’interdiction légale.

Mais on veut s’en tenir ici au NOM. Evidemment, pour un juif, le nom est constitution, émergence du néant : il est, en effet, dommage que l’on titre “Pâque” ou “Pessah”, en France. Il aurait été p^lus significatif d’imiter les anglo-saxons et dire “passage”PASS OVER. Surtout lorsque l’on sait que la fête chrétienne de Pâques trouve son origine dans la Pâque juive, qui célèbre, entre autres, le passage de la Mer Rouge par les Hébreux. Et, étymologiquement, le mot Pâque signifie “le passage”.

Mais c’est un autre passage que Pessah. En effet, durant le Seder, les Juifs glorifient le passage de l’esclavage à la liberté. Pessa’h signifie bien «  passage  » : passage de la mort, sans mort, sur les maisons des enfants d’Israël (la mort qui passe sur la vie) passage de l’esclavage à la liberté, évidemment encore, passage miraculeux à travers de la Mer rouge scindée,  passage du Jourdain et entrée en Canaan, terre promise, passage du néant d’Israël à son émergence par un peuple. Et, ce qui n’est pas rien, passage de l’hiver au printemps,porteur de tous les fruits et légumes merveilleusement cuits dans la marmite des soirs de Pessah. 

On va proposer aux autorités religieuses de renommer (en français, bien sûr), le nom. Renommer la fête en “Passages”. Certains y verront un impérialisme judéo-tunisien, le “passage” étant un endroit emblématique à Tunis (cherchez en ligne). Mais non, Pessah est bien”passages”. Pass over.

PS1. En tête de billet une photo de la couverture de la Haggada de notre enfance, le livre lu les deux premiers soir de “Pessah”. 

Le “Passage”, Tunis.

PS2. On m’a demandé d’expliquer le titre (le passage à Tunis-même). Je ne savais pas que l’on pouvait ne pas connaitre “le passage” à Tunis. Il ne s’agit que d’un quartier, une place en réalité, une avenue à Tunis. La dénomination tient son origine d’un passage à niveau (de chemin de fer) qui existait à cet endroit. Quant à “Tunis-même”, il s’agit d’une expression populaire de juifs de Tunisie pour préciser que l’on évoque le centre de Tunis et non sa périphérie. Ci-dessus la photo du “passage” à Tunis. J’avais pourtant juré de ne pas transformer mon site en un ramassis de nostalgies.

la porte

Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive. 

Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».

Donc, pendant 8 jours, on célèbre. 

On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler sous le tissu adéquat.

Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,

La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël.

4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.

Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin. Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.

J’ai pu ici, conter, dans deux billets, la soirée. Je colle, en PS, les liens pour ceux qui voudraient se moquer de moi.

Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction, les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.

Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?

Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.

Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.

Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.

Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.

Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy », mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.

J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque  à la réflexion, une injonction à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.

Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.

Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.

«  La question de Eva R.

Bonjour,

J’ai appris dernièrement par une amie qu’il était interdit d’avoir un Goy lors des Séder de Pessa’h.

J’aimerais savoir comment faire lorsque le père de son mari est Goy ? Cela pose-t-il un réel problème ? Est-ce une faute de le recevoir, ou est-ce plus une faute de l’offenser et de ne pas l’inviter ?

REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)

Bonjour,

1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.

2. Durant Yom Tov, cela est interditVoir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.

3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].

4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.

Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.

Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].

5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].

Mékorot / Sources : Choul’han AroukhHilkhot Hamo’adimKol HatorahGlattHayachar VéhatovYom Tov Kéhilkhato‘Hachouké ‘HémedMichnat EliézerChévet HaléviPisské Techouvot.

FIN.

Ici, j‘ai plusieurs solutions :

– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme

Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.

Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.

Soit je  je me tais et écris l’ineptie, en chercant d’autres mots tant il est faible.

J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnera.

PS. ci-dessous, un lien pour, si l’on veut, lire les deux billets que j’ai écrit, il y a assez longtemps, sur Pessah, ma fête préférée.

https://michelbeja.com/extra

https://michelbeja.com/seder-ii-la-cigarette-et-le-vin

contre l’inintelligence artificielle

Yann Le Cun

J’avoue avoir été stupéfait d’entendre un adolescent clamer que « ceux qui ne s’intéressent pas à l’intelligence artificielle sont inintelligents et artificiels ». Il ne faut pas perdre espoir.

Un article dans Le Point de cette semaine (12/04/2024, propos recueillis par Guillaume Grallet) nous présente Yann Le Cun, lauréat du prix Turing (du nom de l’inventeur du « deep learning » Alan Turing, voir le film « Imitation game ») l’équivalent du prix Nobel en informatique.

Yann Le Cun est né le 6 juillet 1960 à Soisy-sous-Montmorency.

LE JEPA

Yann Le Cun est désormais  professeur à l’université de New York et scientifique en chef pour l’intelligence artificielle de Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp).

Il travaille sur « un nouveau modèle de réflexion ». Il explique au journaliste du Point « comment pourraient raisonner les machines à l’avenir ». 

Un dépassement du mode de fonctionnement de ChatGPT, Claude ou encore Midjourney, issus de l’IA générativeincapables, en l’état de « raisonner », de penser pour tout dire. 

Le projet de Yann Le Cun se nomme JEPA (Joint Embedding Predictive Architecture). 

Il précise : « Le problème que l’on essaie de résoudre est de comprendre comment les machines vont apprendre à comprendre le monde par observation en regardant des vidéos », explique le chercheur dans son interview vidéo accordée au Point.

 « L’idée est de s’inspirer de la manière des enfants qui, eux, vont regarder des bandes dessinées ».

Dans les premières années de notre vie, nous apprenons par observation. Il donne comme exemple la Loi de la pesanteur. L’enfant constate que tout tombe sur le sol, de haut en bas, sans qu’il ne connaisse la Loi de Newton, sans être grand physicien.

Un « modèle mental s’installe dans le cerveau et prédit (« predictive ») que ça va tomber.

« L’objectif, en s’appuyant sur des vidéos, est de construire une intelligence artificielle avancée capable d’apprendre davantage comme le font les humains, en formant des modèles internes du monde qui les entoure afin d’apprendre, de s’adapter et d’élaborer des plans de manière efficace au service de l’accomplissement de tâches complexes », explique Yann Le Cun 

Il s’agit donc, pour l’IA, de « comprendre le monde »

Il continue : « Nous voulons trouver une représentation abstraite de la réalité qui contient toute l’information qui permet de faire des prédictions utiles. »

Quand on peut « prédire », le système sera « capable de comprendre le monde, avoir un certain sens commun et planifier des séquences d’action pour avoir un but particulier ».

Avec les Meta Ray-Ban, les lunettes connectées de l’entreprise, “on pourra aider la machine à se représenter le monde, intégrées dans un assistant IA qui, entre autres choses, anticiperait le contenu numérique à montrer à l’utilisateur pour l’aider à accomplir des tâches et à s’amuser. Le modèle aurait, dès le départ, une compréhension audiovisuelle du monde à l’extérieur des lunettes, mais pourrait ensuite apprendre très rapidement les caractéristiques uniques du monde de l’utilisateur grâce aux caméras et aux micro intégrés de l’appareil.

En réalité, l’observation par l’IA, par vidéo du monde tel qu’il est, sans autre explication, qui va l’aider à deviner comment il fonctionne et prédire les comportements, les séquences et enchainements.

Lors d’un colloque parisien, le 10 avril, Yann Le Cun a assassiné les « intelligences génératives » actuelles.

Elles seraient inintelligentes, se contentant de produire « un mot après l’autre sans réflexion », et « commettent toujours des erreurs stupides », les fameuses hallucinations régulièrement relevées par tous.

Il pousse le bouchon assez loin lorsqu’il précise que, pour lui, « l’intelligence artificielle générative est 50 fois moins intelligente qu’un enfant de 4 ans ».

Celle qu’il veut implanter, plus aboutie, pourrait comprendre les conséquences de ses actions (les prédire donc), et dès lors de raisonner. En se posant des questions, par exemple, sur la dangerosité d’une action avant d’agir, tout comme réfléchir aux conséquences de ses actes.

Le chercheur, revient, par ailleurs sur le fameux deep learning « apprentissage profond » ? 

En 2017, l’intéressé répondait : « Il s’agit d’architectures de réseaux de neurones artificiels qui apprennent à représenter les données de manière hiérarchique.  Les machines apprennent ainsi à représenter le monde avec de multiples niveaux d’abstraction. » 

Il s’agit, dans ce cadre d’apprendre désormais aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage, puis à parler et, enfin, à prendre les meilleures décisions au meilleur moment.

ALORS ?

J’avoue ne pas avoir été ébranlé par de telles « révélations » sur le futur de l’I.A. 

Je n’imaginais pas qu’il puisse en être autrement, l’IA actuelle n’étant aucunement impressionnante, se contentant de recracher, après un deep learning adapté, des données, parmi lesquelles figurent autant le style que la couleur.

Mieux encore, j’étais persuadé que, déjà, le prédictif, la compréhension du monde étaient dans la boucle.

A défaut, on ne comprendrait pas les cris d’orfraie de ceux, y compris, curieusement, les grands entrepreneurs dans l’informatique qui nous alertent sur les « dangers » de l’IA laquelle, comme dans Matrix, va nous avaler. « Soumission à l’A », nouveau roman de Houellebecq.

Je viens de découvrir que je m’étais donc trompé et l’IA que j’imaginais à portée de quelques mois, n’est pas encore là, qu’il lui faut un « JEPA » de « META » ;

On va donc attendre les progrès. Avec impatience. Pour aller encore plus loin. 

Il y a fort longtemps que j’applaudis à l’émergence de l’IA, que je l’ai écrit ailleurs. Y compris dans ma sphère professionnelle.

D’abord, elle va nous aider, comme tous les progrès nous ont aidé.

Ensuite parce que la « maitrise de la production humaine » à l’ère de l’anthropocène, va devenir la seule idéologie possible dans le politique (comme la maitrise du progrès dans la pensée écologique malheureusement malmenée par des « inintelligents artificiels » inventés par l’ado du bon mot, qui errent dans les décombres du politique).

Puis, enfin, parce que l’on ne comprendrait pas un humain qui ne servirait pas de l’intelligence qui lui a été donnée (peut-être par une force immatérielle dans l’Univers affirmeraient les croyants qui ne peuvent être contredits, la thèse ne pouvant être « falsifiée ») pour « augmenter » le réel, comme il l’a fait en inventant le feu qui n’est qu’une trouvaille.

Inventer, c’est trouver ce qui ne demande qu’à être trouvé par des humains. Ou si l’on préfère, Trouver, c’est ne pas laisser l’invention dormir.

Mettre en sommeil l’intellectualité de la recherche et l’invention serait enfermer une faculté humaine au fond de l’on ne sait quelle coffre maléfique qui serait ouvert par l’on ne sait quel démon occulte. Surtout lorsque l’on sait, comme l’écrit Shakespeare, (La Tempête) “l’enfer est vide, les démons sont ici”

PS. On aura compris mon titre (“Contre l’inintelligence artificielle”) puisqu’aussi bien, depuis longtemps donc, je milite pour un développement sans limites, non “naturelles”, si j’ose dire, de l’intelligence artificielle.

MB

Arte, vite. Ozu, 10 films

I – Vite, vite, SUR ARTE (gratuit) Hommage à OZU, immense réalisateur japonais, en 10 films. Jusqu’au 29/04. 10 bijoux.

Le lien ARTE (belle bande annonce) et les 10 FILMS QUE NOUS OFFRE ARTE)

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024365/yasujiro-ozu-en-dix-chefs-d-oeuvre/

II – une PRESENTATION de Yasujiro OZU (Arte-Tube)

III – SENS CRITIQUE, Classement des films et fiches.

https://www.senscritique.com/top/resultats/les_meilleurs_films_de_yasujiro_ozu/1054270

IV – Un documentaire  “HISTOIRES DE CINÉMA ” OZU.

V- UNE PRESENTATION D’UNE RETROSPECTIVE PAR LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE EN 2014. Comme toujours, exacte et passionnante.

LE LIEN :

https://www.cinematheque.fr/cycle/yasujiro-ozu-47.html

PS. Mon préféré ? Comme presque tous : “voyage à Tokyo ” avant “le goût du’Saké “

films

Image Michel Béja, créée par logiciel d’intelligence artificielle, par mots, vernes, expressions de ce que je voulais.

Personne ne s’aventurant dans mon menu, pourtant copieux en se contentant des derniers billets, on m’a suggéré, comme pour les arts plastiques, de transformer un article en lien vers une entrée du menu de mon autre site consacrée à l’art et la littérature. Malgré ma réticence (une sorte d’injonction à cliquer), j’ai obéi.

Ici le cinéma et mes films. Tous savent mes cineastes contemporains préférés : Thomas Anderson, James Gray, Sam Mendes.  On peut jeter un œil. Il y a une table des matières.

LE LIEN :

https://mbeja.fr/films

Le ciel et les hommes.

Je “remonte” un billet écrit il y assez longtemps, déjà “remonté”. Seuls des forcenés de la lecture vont chercher, dans ce site, plus loin que dans les derniers articles.

J’ai manié ce concept dans une conversation récente. Il est absolument fécond. “La Torah n’est plus au ciel”

Donc, un clic sur le lien ;

https://michelbeja.com/le-ciel-dispute

anticipation ou tour maléfique, Quinten Massys.

Quinten Massys, ” Ugly old woman”.  “Vieille femme grotesque, ou La Duchesse très laide” Vers 1513

Le regardeur de cette peinture la croit sortie de la série “La planète des singes.

On donne le commentaire de Google arts.

Cette image avait probablement pour but de faire la satire des vieilles femmes qui tentent de recréer leur jeunesse de manière inappropriée. Massys a évidemment représenté une femme souffrant de la maladie de Paget, une malformation osseuse. Léonard de Vinci semble s’être inspiré de la peinture de Massys dans un de ses dessins.”

Détails

Titre: An Old Woman (‘The Ugly Duchess’)
Créateur: Quinten Massys
Date de création: vers 1513
Dimensions physiques: 62,4 x 45,5 cm
Type: Peinture
Support: Huile sur chêne
École: Russisch
Numéro d’inventaire: NG5769
Biographie de l’artiste: Massys était le principal peintre anversois du début du XVIe siècle. Il est né à Louvain et ses premières œuvres témoignent de l’influence de Memling, actif à Bruges. Ses œuvres ultérieures montrent une certaine influence italienne, notamment celle de Léonard. Il était remarquable en tant que portraitiste ainsi que peintre religieux. Massys est enregistré pour la première fois à Anvers, où il devint membre de la guilde en 1491, alors que la ville commençait à prendre de l’importance en tant que port principal des Pays-Bas. Il existe des peintures datées et datables de Massys à partir de 1509, année de l’achèvement de son retable de la « Légende de Sainte Anne » (aujourd’hui au Musée de Bruxelles). À Anvers, Massys était étroitement associé à Joachim Patinir et semble avoir fourni des figures pour ses paysages.
Crédit d’acquisition: Légué par Miss Jenny Louisa Roberta Blaker, 1947
Dates des artistes: 1465/6 – 1530

Un lien de passage (arts plastiques )

Lucrèce Borgia. Bartolomeo Veneto. 1515.

J’ai failli titrer “un passage plastique ” mais à la relecture, c’était trop lourd, “nigate” comme disaient les “tunes”.  Le lien pour passer dans un autre univers (mb) :

Clic sur lien ci-dessous

https://mbeja.fr/arts-plastiques-%e2%87%a3

Le contenu

https://mbeja.fr/arts-plastiques-%e2%87%a3

balivernes sur les tunes

Les balivernes sont pléthore, encombrent l’espace médiatique, dès qu’il s’agit des « tunes », la dénomination concernant, en principe “les juifs de Tunisie”. Et non pas les tunisiens musulmans, nos amis quand ils ne sont pas antisémites, évidemment du pays, mais natifs naturels, et les chrétiens qui n’ont rien de “tunes” même s’ils sont nés ou ont vécu en Tunisie. Car, en réalité, on ne dit pas “tunes” pour les tunisiens résidant dans leur pays ou même expatriés mais “tunisiens”. L’expression “tunes” est, dans le langage accepté, reservé aux juifs tunisiens, aux “juifs tunes” si l’on veut. Mais “tune” suffit pour différencier.

Numéros spéciaux de l’Arche, colloques plats, articles dans lesquels le dithyrambe se substitue, souvent à l’orthographe et la glorification de la cuisine huileuse à la culture ancestrale. La petite nostalgie est toujours ce qu’elle était : une baliverne. C’est le titre.

Voilà donc un nouvel “acte tune” dans les publications. Celui d’Alain Chouffan, ex-journaliste de L’Obs à la retraite, grand souriant en photo, qui nous livre une billevesée de plus, laquelle, à en croire le titre, la couverture, sa quatrième, l’extrait, ne milite pas vraiment ni pour l’intelligence, ni pour une communauté, la rangeant, comme à l’habitude, dans l’anecdote, au-delà de l’erreur sémantique qui assimile, encore une fois, curieusement, “les tunes” et les tunisiens expatriés et parisiens. Les hongrois seraient des “hongres”. Les anglais, des “angles”.

Il parait, en effet, ce qui est clamé dans la couverture, dont la vulgarité est assez inédite dans l’édition, que les « tunes » ont « quelque chose de plus ». 

L’auteur met donc en couverture, dans cette logique primaire, Claudia Cardinale, élue, certes, « plus belle italienne » de Tunisie, Gabriel Attal, de mère chrétienne orthodoxe, de noblesse angevine, qui n’a jamais mis les pieds en Tunisie, (peut-être sur une plage, on ne sait pas), Gisèle Halimi qui n’a de « tune » que son nom. Et Hanouna, né en 1974 à Paris. Boujenah sauve la mise. Je ne sais pourquoi ne figure pas le dictateur Kais Saied, pourtant “tune”, qui a sûrement “quelque chose de plus”.

Je n’ai pas lu car je n’achèterai pas. La couverture et l’extrait dans Tribune Juive me suffit pour ne pas apprécier.

On la colle ci-dessous :

En réalité, le procédé éditorial de la photo d’un livre (Tribune Juive ne sait éditer ? Il suffit d’une capture sur Amazon ou la Fnac) est à la mesure de la médiocrité. On commente très rapidement, tant le ridicule, y compris celui de l’article, ne mérite pas la gloire. Et, indulgent, on n’insiste pas sur le style de l’auteur et de son commentateur, que le Magazine « Nous-Deux » qui pouvait trainer sur les tables des coiffeurs de l’Avenue de France à Tunis, n’aurait pas renié.

1 – Il ne s’agit pas d’une tribu étrange, mais plus simplement d’une communauté assez “normale” dans l’écart généré par ses coutumes millénaires, aussi “étranges” que celles des sri-lankais qui œuvrent dans les cuisines dans des bistrots parisiens.

2 – Beaucoup de “tunes” n’avaient pas des “gourmettes en or” et ne “roulaient pas des mécaniques“, s’employant plutôt, sauf quelques marginaux au chômage, à gagner sa vie et s’intégrer entre deux recherches du plaisir des rencontres amicales autour d’un plat cuisiné exceptionnel. L’odeur du safran qui émergerait de leur “mama”, on ne connait pas. 

3 – Quant à leur “secret” qui se terrerait dans la pluralité des cultures et leur “groupie” qui serait leur mère, on ne veut s’appesantir tant le propos, idiot, s’empare de toutes les caricatures. Les italiens ont leur mère et les cultures mêlées abondent sur d’autres territoires, y compris en Laponie. On ne veut revenir, de peur de ridiculiser l’auteur, sur la haine de la mère “qui ne l’aimait pas” de Gisèle qui aurait fondé son combat féministe pour “éviter à toutes les femmes de lui ressembler”.

On reproduit, intégralement, pour le commenter rapidement, l’article de André Simon Mamou, son “ami” de toujours” dans Tribune Juive: 

C’est un extrait de la quatrième de couverture de “Les Tunes. Mais qu’est-ce qu’ils ont de plus…” L’auteur, c’est notre ami de toujours, journaliste, reporter, chroniqueur depuis “La Presse de Tunisie” jusqu’aux heures de gloire de “France Observateur” devenu “L’Obs”.Un grand sourire d’ouverture aux autres, Alain Chouffan connaît tout le monde, les gentils qu’il fréquente, les méchants qu’il désarme !
Il a écrit des quantités d’articles qui ont toujours été lus et commentés sur des sujets divers et souvent sur des faits de société.

Les Tunes”,  c’est une œuvre sérieuse de plus de 200 pages avec des aperçus biographiques de plus de deux cent Tunes choisis pour leur réussite et leur mérite: de Adams Kev à Zvili Nessim, ils sont rangés par ordre alphabétique et la biographie de chacun soigneusement vérifiée occupe une demi page.

Deux informations importantes qu’il faut mettre au crédit de l’auteur :

Il a retenu dans sa «”collection” de Tunes des Tunes d’honneur : Claudia Cardinale, Loris Azzaro, Claude Bartolone par exemple, et il a rangé chez les Tunes Ferid Boughedir, Mustapha Belkhodja, Sonia Mabrouk et beaucoup de tunisiens chrétiens ou musulmans qui ont fait partie du débarquement Tune sur les côtes françaises !

Un extrait :


Attal Gabriel juif tune ? Quand on lui pose la question Il répond qu’il est russe orthodoxe par sa mère. Mais son père est Yves Attal, avocat puis producteur de cinéma. “Tu es peut être orthodoxe, mais tu te sentiras juif toute ta vie, notamment parce que ton nom te fera subir l’antisémitisme”, lui disait son père.

Alain Chouffan envoie un courrier à Gabriel Attal pour lui demander s’il niait toujours ses origines tunisiennes et Gabriel Attal lui répond le 30 juin 2023 : “Votre texte me convient bien, à une exception près, et elle est de taille ! Je ne nie aucunement mes origines tunisiennes! J’en suis même fier!”

En début d’ouvrage Alain Chouffan a posé la question : Si tous ces Tunes ont réussi dans tous les métiers, s’ils sont instruits, honorés et pour beaucoup d’entre eux s’ils ont accédé à la richesse avec 3 francs 6 sous dans leur portefeuille de départ, comment expliquer ce niveau de réussite et de succès ?
Chouffan estime que la société multiculturelle de la Tunisie, les échanges de civilisations, de croyances, de religions, le tout dans un climat pacifique de tolérance mutuelle, tout a contribué à créer une prédisposition au bonheur et au succès.

De mon côté, j’ai insisté sur le rôle capital du Lycée Carnot, de la qualité de ses professeurs venus de France ou formés en Tunisie, du respect qu’ils inspiraient et surtout de la volonté de chacun, du désir de tous : apprendre pour réussir, pour échapper à la misère, pour honorer nos parents humbles mais confiants : avoir de bonnes notes aux compositions, passer de classe, réussir aux baccalauréats puis “monter à Paris”  et comme toujours “RÉUSSIR !”

La Tunisie souriante et la France, grande dame indulgente qui nous a accueillis, Alain Chouffan a fait du bon travail. Il a fixé un moment de l’ Histoire, celle des “Magnifiques” comme disait Michel Boujenah au temps des Trente Glorieuses, entre “Le Sursaut” grâce à De Gaulle et “La Belle Époque” de Pompidou et de Giscard, comme l’a si bien évoqué Franz-Olivier Giesbert, ami sincère de Chouffan.

“Les Tunes”. Balzac Éditions. 238 pages.26 euros

© André Simon Mamou

On commente encore, même si on hésite tant on fait honneur à la platitude déjà énoncée :

1 – On passe sur la publicité de l’auteur de l’article sur son propre travail sur les “tunes” et son apologie explicative du “Lycée Carnot” de Tunis, que j’ai fréquenté. On a assez honte pour l’article.

2 – On a la confirmation de l’erreur sémantique, attrape-tout, pour emporter la mise multireligieuse de l’amitié judéo-musulmane qui n’en a pas besoin, sur les “tunes” qui sont tous ceux et celles qui ont “débarqué” de Tunisie, et même ceux qui – on le disait plus haut, comme Attal ou Hanouna, en couverture qui imite l’affiche de fête foraine, n’y ont jamais vécu. Assez ridicule et contradictoire avec la quatrième de couverture qui définit la communauté comme celle déferlant sur Paris, gourmettes en or au poignet..

3 – Quant aux explications sur la “réussite” de ces tunes, articulées autour de la pluralité des cultures et le bonheur annoncé, on peut affirmer qu’un étudiant de première année de sociologie serait assez honteux de les exposer.

ON CONCLUT :

Il est dommage que la contribution populacière (populaire si l’on veut) à la caricature primaire vienne, à nouveau, frapper.

On juge un ouvrage à sa pertinence, son apport presque décisif au sujet qu’il aborde. Non pas l’apport théorique, philosophique, anthropologique, mais simplement un regard intelligent et nouveau, y compris un clin d’oeil d’humour.

Il est des cas où il, est inutile d’ajouter, sauf s’il s’agit de meubler un vide qui n’est pas celui du sujet mais celui de l’auteur.

On aurait pu, pour être complet, rappeler que les juifs de Tunisie, les “tunes” donc, sont autre chose qu’une biographie d’un cardiologue au sourire éclatant, de dents sidérales, de faconde exacerbée.

Mais c’est un autre billet. On se contente ici, au risque de la répétition, de dire, très vite, qu’on est assez navré par de telles balivernes

MB

PS. On donne, ci-dessous, une conférence d’Akadem, le site intelligent sur les “juifs de Tunisie”. Pas inintéressant. Serge Moati, égal à lui-même : pas intelligent. Les autres, interessants.

https://akadem.org/conferences/conf/histoire/c-est-quoi-un-juif-tune-/46380

“Ripley”, la série Netflix qui est une merveille, un petit bijou de série.

On connaît les autres films sur Tom Ripley, adaptés du roman de Patricia Highsmith, le premier avec Delon (Plein soleil),de René Clément, un peu trop soleil et lumière d’agence de voyages, le deuxième avec Matt Damon et Jude Law (le talentueux Mr Ripley de Anthony Minghella de 1999) avec beaucoup de caricatures italiennes, notamment de la Dolce vita, qui n’est pas un grand film malgré les deux grands acteurs également caricaturaux.

Celui qu’on vient de voir est une série Netflix qui vient de sortir, dénommée simplement”Ripley”. Une des meilleures qu’il m’ait été donné de voir cette année (voir mon autre site). Les deux films précités font pâle figure devant cette performance. En noir et blanc dénommé “expressionniste” par les critiques, bunuëlien si l’on veut, avec un fulgurant Andrew Scott, vous savez celui qui joue le prêtre désiré par l’actrice (et scénariste) insensée, dont je suis très amoureux, Phoebe Waller-Bridge, dans la série extraordinaire”Fleabag“, qui concurrence “The Bear” pour emporter la palme des séries du semestre, décerné par un jury qui n’est composé que de moi.

La réalisation est épatante, épatante. C’est le mot employé par un critique et je le reprends. La photographie de rêve sans lèché de circonstance pour ébahis crédules. Le scénario sublimissime.

Il est rare de prendre autant de plaisir dans ces 8 épisodes dont certains font plus d’une heure chacun, vus sans discontinuer une nuit entière. Nuit en noir et blanc, nuit à partager.

Épatante cette série. Un tel talent dans la réalisation et le jeu nous rassurent, nous mettent de bonne humeur, il y a de la verve, de la créativité, de l’intellectualité qui traînent chez les nouveaux réalisateurs et directeurs de de la photo, “mieux qu’avant”. L’art, même sur Netflix n’a pas dit son dernier mot. Et le Caravage, également mis en scène et central dans cette série ne saurait, dans sa tombe de criminel avéré en fuite permanente et aux aguets, lui aussi, s’en plaindre.

Un extrait d’une critique de Télérama

Par Émilie Gavoille. Télérama.

Ce n’est pas la première fois que le personnage d’usurpateur meurtrier né sous la plume de Patricia Highsmith tape dans l’œil d’un auteur-réalisateur. Avant Steven Zaillian (coscénariste, entre autres, de The Irishman, de La Liste de Schindler et de Gangs of New York), qui a écrit et dirigé l’intégralité des huit épisodes composant l’épatante minisérie proposée par Netflix, René Clément et Anthony Minghella avait déjà transposé habilement le roman de 1955 à l’écran, dans Plein soleil (1960) et Le Talentueux Mr Ripley (1999).

Rapide rappel des éléments de l’intrigue pour ceux qui  l’histoire avec un œil neuf : un jeune Américain fauché, Tom Ripley, est missionné par le père de Dickie Greenleaf, un jeune Américain très riche, pour convaincre son fils, qui se la coule douce en Europe avec sa fiancée Marge, de bien vouloir rentrer aux États-Unis. Rapidement, Ripley se plaît à rêver la vie de Dickie, au point de la faire sienne.

En lieu et place de l’insolente luminosité méditerranéenne sublimée dans les deux longs métrages précités, Steven Zaillian et le directeur de la photographie Robert Elswith (There Will be BloodGood Night and Good Luck) – qui accomplit ici encore un travail remarquable –, proposent un noir et blanc somptueux, d’inspiration expressionniste, traversé d’ombres et de lumières. Un écrin visuel à la solitude hantée de fantômes de Ripley, antihéros magnifique toujours au bord de l’abîme. La réalisation y fait souvent allusion, en illustrant le vertige du personnage au détour d’un trajet en bus à flanc de falaise, ou en le cadrant dans des intérieurs grandioses qui le fascinent autant qu’ils l’écrasent.

Ce n’est ni l’ambition sociale ni le désir qui animent le Ripley que compose ici le fascinant Andrew Scott, dont la prestation lorgne davantage vers le Moriarty grimaçant qu’il incarnait dans Sherlock que vers l’inoubliable rôle de « hot priest » qu’il a tenu dans Fleabag. Le moteur de cet esthète psychopathe, qui dépense l’argent de celui dont il a usurpé l’identité et la fortune pour vivre la Dolce Vita de Rome à Venise, c’est une quête absolue du beau, course en avant qui justifie tout, y compris le pire. En témoigne le dernier épisode, qui dresse un parallèle édifiant avec Le Caravage, génie du clair-obscur et meurtrier avéré. Même la beauté a sa part de laideur.

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Walters Scott

ET PUIS UN AUTRE EXTRAIT DE LA MÊME CHRONIQUEUSE DE TELERAMA, EN VERVE

La figure fascinante de Tom Ripley en trois adaptations réussies

Opportuniste vénal chez René Clément, faux naïf chez Anthony Minghella et désormais esthète meurtrier dans la formidable série de Steven Zaillian… Trois visions de l’imposteur créé par Patricia Highsmith, en autant d’adaptations de haute volée.

Andrew Scott, dans “Ripley”, série en huit épisodes, de Steven Zaillian (2024).  Photo STEFANO C. MONTESI/NETFLIX © 2022

Par  Émilie Gavoille 

Publié le 07 avril 2024 à 18h02

Voilà un objet d’une élégance et d’une sophistication que n’aurait pas reniées Thomas Ripley si la romancière Patricia Highsmith, qui lui a donné la vie (littéraire) en 1955, avait prêté à son antihéros arriviste une passion cinéphile. Un noir et blanc expressionniste, des jeux d’ombre et de lumière à faire pâlir les grands maîtres de la peinture, un interprète – Andrew Scott – au firmament dans le rôle-titre…

Ce Ripley en huit épisodes, minutieux portrait psychologique écrit et mis en scène par Steven Zaillian pour Netflix, relève superbement le défi de l’adaptation, d’autant plus relevé que deux longs métrages s’y étaient déjà essayés avec brio :  Plein Soleil, de René Clément, en 1960, et Le Talentueux Mr Ripley, d’Anthony Minghella, en 1999. Trois œuvres et autant de regards différents sur cette imposture grandeur nature sous le soleil de l’Italie.

Première rencontre avec Tom Ripley

Un flashforward (en bon français, une prolepse) annonce d’emblée la couleur dans Ripley. En guise de présentations, on découvre l’élégant Américain traînant un cadavre au bas des escaliers de l’immeuble romain où il réside, sous le nom de celui dont il a usurpé l’identité, Dickie Greenleaf. Aucune illusion n’est permise.

En le caractérisant comme un opportuniste vénal, René Clément lui accorde de son côté le bénéfice du doute. Sous les traits d’Alain Delon, Ripley assume sans vergogne d’avoir reçu une grosse somme d’argent pour ramener un jeune Américain flambeur (Maurice Ronet) à son riche géniteur. Mais rien ne prédit qu’il finira, en grand fauve carnassier, par lui ôter son bien le plus précieux – la vie.

Celui qui cache le plus son jeu, c’est incontestablement le Tom Ripley que compose avec talent Matt Damon devant la caméra d’Anthony Minghella. Derrière ses lunettes d’élève trop sage, sa maladresse presque émouvante, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession…

De haut en bas, trois interprètes de Tom Ripley : Andrew Scott, dans la minisérie de Steven Zaillian. Alain Delon dans « Plein Soleil », de René Clément (1960). Matt Damon dans « Le Talentueux Mr Ripley », d’Anthony Minghella (1999).  Photo stefano cristiano montesi/2023 Netflix, Inc. | Pari films | Paramount

Un triangle amoureux ?

Tom Ripley, Dickie Greenleaf (rebaptisé Philippe dans Plein Soleil) et sa petite amie Marge Sherwood. Trois personnages pour combien de possibilités ? Fortement suggérée par Patricia Highsmith (qui affuble pourtant Ripley d’une peu convaincante épouse dans les romans publiés à la suite de Mr Ripley), l’homosexualité du protagoniste est clairement établie par Anthony Minghella. Qui met notamment en scène le désir de ce dernier pour Dickie (et réciproquement) dans une saisissante scène de bain homo-érotique sur fond de partie d’échecs.

Aucune ambiguïté ne transparaît en revanche chez René Clément, où le triangle amoureux est beaucoup plus classique. Avant tout mû par son ambition féroce, l’arriviste incarné par Alain Delon convoite avec une froideur constante tout ce qui fait l’existence de son ami. Y compris sa fiancée, qu’il finira, de fait, par séduire, moins par attirance véritable que par soif de possession.

L’inclination du jeune homme pour celui qui devient sa proie n’est pas un enjeu de premier plan dans les huit épisodes de Steven Zaillian. Le désir y reste tapi dans les regards tour à tour enamourés ou glaçants d’Andrew Scott. Il campe un Ripley esthète, fasciné par Le Caravage, et tiraillé, comme lui, entre Éros et Thanatos — le second finissant toujours par l’emporter sur le premier.

Le vertige de l’ascension sociale

Née dans l’Amérique de la Grande Dépression d’une mère qui ne voulait pas d’elle et d’un père dont elle a renié le nom, Patricia Highsmith (dont le patronyme est celui de son beau-père) en connaissait un rayon sur l’envie de revanche, autant que sur les déceptions inhérentes à cette aspiration. Une expérience mitigée de l’ascension sociale dont la romancière, qui a toujours été davantage reconnue en Europe que sur la scène littéraire américaine, a naturellement investi son personnage fétiche. Anonyme sans le sou aux États-Unis, Ripley vivra comme un prince en Europe.

Le Talentueux Mr Ripley en livre une lecture romantique, quasi fitzgeraldienne. Le jazz est omniprésent, le nihilisme absent, et l’espoir toujours permis. À travers le regard amusé d’un Greenleaf/Ronet pas dupe, qui reconnaît à Ripley d’avoir su saisir sa chance, Plein Soleil vante l’art de savoir forcer son destin – quitte à ce que ce dernier vous rattrape.

UNE CRITIQUE DITHYRAMBIQUE D’UN CINEPHILE SUR YOU TUBE

LE TRAILER OFFICIEL

PS

PS. On m’a demandé ce qu’était un trailer et un teaser. Je reviens donc pour coller les définitions. Il est vrai que ça fait chic ces mots qui sont des “a-bandes annonces, un peu élaborâtes-rés par les snobs qui peuvent avoir leurs mots à dire. Un TEASER est une annonce très courte d’un film pour allécher le spectateur et le faire attendre sans pour autant « présenter » le film. Tandis que le TRAILER (ou bande-annonce), plus complet, tentera de séduire en mettant en évidence les meilleurs moments du film.

UNE RENCONTRE AVEC LES ACTEURS et LE REALISATEUR (en anglais)

ENTRACTE : FILS DE STING …

Dans le film : Freddy Miles, l’androgyne, fils/fille ? de STING

L’épisode 2 signe l’apparition de Freddie Miles, un ami de Dickie Greenleaf. Dans le livre, comme dans les précédentes adaptations – Plein Soleil avec Alain Delon et Le Talentueux Mr. Ripley avec Matt Damon -, ce personnage est un homme bruyant et extravagant avec de l’embonpoint

Un changement cohérent car il s’inscrit dans la dynamique très queer du récit de Ripley, dont le personnage alimente une certaine ambiguïté sur son orientation sexuelle. Par ailleurs, le choix d’Andrew Scott est loin d’être un hasard puisqu’il est l’un des rares acteurs populaires à parler de son homosexualité librement.

Un père très célèbre : STING

Eliot Sumner est apparu dans d’autres projets par le passé, comme dans Mourir peut attendre – où l’acteur joue un garde de Spectre – ou encore le film The Gentlemen de Guy Ritchie. Au-delà des plateaux de tournages, Eliot Sumner fréquente également la scène avec son groupe I Blame Coco. Une vocation qui n’est pas née par hasard puisque son père n’est autre que Sting, le leader du groupe Police – et également acteur à ses heures perdues.

Elio se dit donc “actrice” et Eliot Sumner est ouvertement lesbienne[1] et genderfluid[2], et utilise des pronoms neutres.

UNE CRITIQUE DU HUFFINGTON

La série Netflix « Ripley » avec Andrew Scott n’a pas grand chose en commun avec le film avec Matt Damon

Une nouvelle adaptation de l’histoire de Patricia Highsmith sort le 4 avril sur Netflix. La série « Ripley » avec Andrew Scott propose une version beaucoup plus sombre du roman.

Par Yamina Benchikh

Andrew Scott, Dakota Fanning et Johnny Flynn dans la série « Ripley ».

Andrew Scott, Dakota Fanning et Johnny Flynn dans la série « Ripley ».

SÉRIE TÉLÉ – C’est au tour d’Andrew Scott de se glisser dans la peau de Tom Ripley, après Alain Delon et Matt Damon. Publié en 1955, le roman Monsieur Ripley de Patricia Highsmith continue de séduire les cinéastes. Après le film français Plein Soleil de 1960 avec Alain Delon, et Le Talentueux M. Ripley sorti en 1999 avec Matt Damon, Tom Ripley revient cette fois en série. Netflix s’associe à Steven Zaillian (The Night of) pour raconter ce célèbre thriller. Au casting on retrouve notamment Andrew Scott (Sans jamais nous connaîtreSherlock Holmes) et Dakota Fanning (TwilightOnce Upon a Time in Hollywood).

Disponible depuis le 4 avril, la série se passe dans les années 60. Alors qu’il vit à New York, Tom Ripley (Andrew Scott) est envoyé en Italie par le riche Herbert Greenleaf pour ramener son fils Dickie (Johnny Flynn) au pays. C’est le premier pas vers « une vie complexe faite de tromperies, de fraudes et de meurtres » annonce le résumé Netflix de la série.

Tom Ripley n’est pas le héros malheureux de cette histoire

Dans Le Talentueux M. Ripley, Matt Damon incarne un homme amoureux et mal dans sa peau. Malgré ses talents d’escroc, il reste un personnage attachant et maladroit aux airs d’agneau candide.

Ici, l’intrigue nous plonge dans l’esprit à la fois ingénieux et tordu de Tom Ripley. D’entrée de jeu, on comprend qu’il n’est pas le héros de cette histoire. Andrew Scott joue un homme marginal, menteur et calculateur. Tom n’a pas peur de se frotter au monde criminel dont il connaît les rouages. Bien qu’il ne soit pas parfait à ce jeu, il n’en est pas moins doué.

Dans les notes de production de la série Netflix, Andrew Scott a lui-même qualifié son personnage de « très solitaire ». De ce fait, le spectateur en apprend plus sur sa personnalité et devient complice de ses actes. Pour l’acteur irlandais, l’histoire raconte « ce que c’est que d’être Tom Ripley plutôt que ce que c’est que d’être une victime de Tom Ripley ».

Johnny Flynn joue un Dickie Greenleaf loin des clichés
Dans Ripley, Johnny Flynn propose un Dickie Greenleaf très différent de celui du Talentueux M. Ripley. Il est loin du playboy infidèle et immature campé par Jude Law. « Dickie ne veut pas hériter du statut de gosse de riche. Dans son cœur, il est un artiste bohème, un poète » confie Johnny Flynn. Dickie est un homme respectueux, amoureux et surtout fidèle à Marge. S’il est un peu naïf, il reste perspicace face au monde qui l’entoure.

Une interprétation qui a séduit Steven Zaillian. « Johnny a auditionné, comme 120 autres acteurs. Il s’est distingué par la façon dont il a choisi d’incarner Dickie, non pas comme un gosse de riche gâté, mais plutôt avec une sorte de douce naïveté » a-t-il expliqué dans les notes de production.

Sa relation avec Tom est moins fusionnelle, d’autant que ce dernier est davantage séduit par le train de vie Dickie que par l’homme qu’il est. « Je pense que c’est quelqu’un qui aime la vie et quand il vient en Italie et qu’il est exposé à tout cet art, ces paysages, cette beauté et cette nourriture, il adore ça. Mais les gens avec qui il est, je ne suis pas sûre qu’il les aime » explique Andrew Scott.

L’actrice américaine nous offre une Marge Sherwood fière et intelligente, désireuse de protéger son compagnon. Elle n’a pas peur de confronter Tom ou d’affirmer à voix haute qu’elle ne l’aime pas. « J’ai apprécié que Marge ait l’honneur d’être l’une des seules personnes à se méfier de Tom Ripley, ce qui donne lieu à une relation de chat et de souris entre les deux » déclare Dakota Fanning.

Dakota Fanning et Johnny Flynn sont Marge Sherwood et Dickie Greenleaf dans la série « Ripley ».

Dakota Fanning et Eliot Sumner font face à Andrew Scott

De même pour Freddie Miles, joué par Eliot Sumner. Il n’est en rien semblable au Freddie grossier et vulgaire de Philip Seymour Hoffman. Ici, c’est un ami dévoué, qui, comme Marge, se méfie de l’arrivée de Tom dans la vie de Dickie.

Eliot Sumner est Freddie Miles dans la série « Ripley ».

Le Maître et Marguerite.

S’il est un fait dont je suis assez fier, sans crainte de l’affirmer, c’est d’avoir vanté et fait découvrir à beaucoup “le Maître et Marguerite”, le chef-d’œuvre, subversif, de l’écrivain russe Mikhail Boulganov.

Il viens d’être adapté au cinéma en Russie. Étonnant tant la provocation contre le régime d’alors était flagrante et dangereuse.

Télérama,  la meilleure des revues hebdomadaires sur l’art quotidien, évidemment avec ses excès légendaires qui  postillonnent des jets de haine inutiles et trop violents, dès qu’il s’agit de Russie et d’Israël, a commis un assez bon papier que je colle ici sur le sujet.

  • CINÉMA

En Russie, le succès surprise du “Maître et Marguerite”, film adapté d’un classique subversif de la littérature

Evgeniy Tsyganov et Yuliya Snigir dans « Le Maître et Marguerite », de Mikhaïl Lokchine.
August Diehl dans « Le Maître et Marguerite », de Mikhaïl Lokchine.

Evgeniy Tsyganov et Yuliya Snigir dans « Le Maître et Marguerite », de Mikhaïl Lokchine. Mars Media Entertainment

Par Jean-Jacques Le Gall

Publié le 31 mars 2024 à 09h02

«Tout pouvoir est une violence exercée sur les hommes » : cette simple réflexion qui pourrait être sortie d’un cours de première année en sciences politiques prend en Russie une tout autre dimension. Formulée par le héros du Maître et Marguerite, elle conduit à son exclusion de l’Union des écrivains. L’action du roman culte de Mikhaïl Boulgakov se passe avant la Seconde Guerre mondiale, en plein délire paranoïaque stalinien. Presque un siècle plus tard, cette réflexion est toujours séditieuse et dangereuse. Dans la vraie vie.

Près de 4 millions de Russes se seraient déplacés dans les salles de cinéma depuis le 25 janvier pour aller voir l’adaptation de ce conte fantastique réputé inadaptable. Foisonnant, ironique, Le Maître et Marguerite imbrique trois histoires se rejoignant dans un final flamboyant qui met le feu à Moscou : celle du diable, ici surnommé Woland, qui vient approcher des écrivains ; celle du roman de l’un d’entre eux, qui met en scène Jésus aux prises avec Ponce Pilate ; et l’histoire d’amour entre l’écrivain – le Maître du titre – et Marguerite. Le réalisateur Mikhaïl Lokchine aurait pris des libertés avec l’œuvre originelle, mais son adaptation, selon quelques critiques russes indépendants, est de qualité. Le film n’est pas encore visible en France ; il est distribué en Suisse (en langue originale et sans sous-titres), où il remplit les rares salles ayant courageusement choisi de le programmer.

L’un des films les plus chers du cinéma russe

En Russie, l’engouement pour le film à la suite du roman est d’autant plus remarquable que, comme l’affirme André Markowicz, son traducteur français en collaboration avec Françoise Morvan, « Le Maître et Marguerite est un acte de résistance en soi, où chaque page fait résonner haut et fort l’affirmation “Je ne cède pas” ». Écrit pendant la terreur stalinienne des années 1930, il n’est publié en URSS que durant les années 1970. Roman admiré par toute la jeunesse de l’époque, avide de liberté, qui en connaît des extraits par cœur, il incarne le désespoir de l’artiste malmené face à un pouvoir fou et aveugle. Comment un tel pied de nez à Vladimir Poutine a t-il été possible ?

 Et Mikhaïl Boulgakov faisait entrer le diable dans Moscou…

Mikhaïl Boulgakov est considéré dans son pays comme le plus grand maître de la littérature de la première moitié du XXᵉ siècle, et Le Maître et Marguerite fait désormais partie du patrimoine russe. C’est probablement pour cette raison que, ironie de l’histoire, de l’argent public a été mis au service d’une production ayant nécessité deux milliards de roubles (17 millions de dollars, ce qui en fait l’un des films les plus chers du cinéma russe). Le tournage a eu lieu en 2021, un an avant le début de la guerre contre l’Ukraine, à une époque où le régime n’avait pas encore muselé violemment les milieux artistiques. « On ne pouvait deviner qu’on atteindrait le niveau de répression des purges staliniennes. Et pourtant c’est ce qui est arrivé », analyse le réalisateur dans une interview au Guardian en février dernier. Quand l’offensive russe en Ukraine est lancée le 24 février 2022, Mikhaïl Lokchine est aux États-Unis pour assurer la post-production de son film. Car Mikhaïl est aussi Michael. Américano-russe, il est né dans le pays de l’Oncle Sam, où ses parents se sont exilés. Dissidents communistes, ils ont fui l’URSS pour revenir en 1986, quand Mikhaïl Gorbatchev a entamé sa perestroïka.August Diehl dans « Le Maître et Marguerite », de Mikhaïl Lokchine. Mars Media Entertainment

Mikhaïl Lokchine a réalisé des pubs qui sont devenues virales en Russie et le premier film russe pour Netflix destiné à un public international, Silverland : la cité de glace (2021), adaptation très libre du classique de la littérature pour enfants Les Patins d’argent, en transposant les canaux gelés de Hollande à Saint-Pétersbourg. Il a le profil du jeune Russe éduqué très à l’aise dans une mondialisation anglo-saxonne ; c’est ainsi que, très tôt, il condamne la guerre en Ukraine. Dès lors, les crédits destinés au film sont gelés et les médias proches du pouvoir se déchaînent contre lui. Sa prétendue adresse à Los Angeles est divulguée. Et Mikhaïl Lokchine doit faire preuve d’une très grande discrétion car il craint pour sa sécurité. Son film est qualifié de « sataniste », d’« antisoviétique », d’« antirusse ».

Sans doute pour s’épargner le ridicule, le pouvoir a évité de censurer une œuvre populaire qui dénonce la censure. Mais il a sévi à la marge, en blacklistant les comédiens russes et en tentant d’instiller la peur, la « maîtresse » des régimes totalitaires, au réalisateur. Lui-même était très inquiet, mais pour d’autres raisons : il appréhendait la réaction du public face aux libertés qu’il avait prises avec le roman. Il a été surpris par son succès phénoménal, au-delà de toute attente… Il y a peut-être deux leçons à retenir de cette « fable » : il ne faut pas désespérer du peuple russe ; et Le Maître et Marguerite est probablement le dernier film en son genre : un blockbuster qui dénonce la terreur d’État. Son succès, selon Mikhaïl Lokchine, pourrait malheureusement engendrer encore plus de répression.

Pour le moment, pas encore de date de sortie prévue en France.

PS. Modeste, je donne lien qui amène vers un billet écrit ici en 2020

https://michelbeja.com/?s=Boulgakov

Beatles, la meilleure ?

Dans un précédent billet, à l’étonnement de certains, j’avais considéré que leur chef- d’œuvre, dans la simplicité musicale, qui atteignait les sommets était “I can work it”.

On me dit que non, non, c’est “A Day in a life“. On peut adhérer. Certainement. Je colle 3 vidéos.

La prestation de “The Analogues” est remarquable. Mieux que celle des Beatles qui,en réalité ne l’ont jamais joué sur scène, considérant, à tort donc, qu’elle ne se prêtait pas au “live”…

Jamais les Beatles n’ont envisage de chanter cette chanson en live. Les “Analogues” l’ont fait avec brio. Écoutez. Une petite perle.

Serra Richard

Les fainéants, type Libé, le nommaient “l’homme de fer”. Richard Serra était un grand artiste. Il m’a permis, d’abord à Bilbao, au musee Guggenheim qu’il avait envahi, de rencontrer une femme d’une beauté sidérale,  qui dos sur un mur, dans une pose involontairement érotique,  m’à présenté son œuvre.  Une américaine qui avait simplement aimé mes yeux bleus. Je jure qu’elle me l’à dit,  ce qui ne m’a pas étonné outre-mesure. Et m’à raconté Serra en partant vite quand elle a vu ma compagne arriver pour me gronder de ma disparition soudzine dans l immense musée. Les enfants attendaient ce que j’avais promis : 5  mn d’histoire de l’art contemporain.  Pas plus. Je pouvais. La femme connaissait Serra personnellement et son œuvre au millimètre,. Elle est parti trop vite, persuadée d’une jalousie qui  ne pouvait cependant sugir : j’etais amoureux de ma compagne. Je rêve de la revoir. Je l’ai cherchée, en vain, le soir, dans les bars d’hôtel de Bilbao.

Puis, plus tard Serra m’à permis de prendre la photo   ci-dessus. Au musée de Marseille. La femme à la cape est exactement placée. On me demande souvent de l’encadrer.

Richard Serra est décédé  e mois de Mars.  On peut ne pas aimer. Il est une époque.

Un article.

https://www.connaissancedesarts.com/depeches-art/deces/mort-de-lartiste-richard-serra-geant-dacier-11190566/#:~:text=Richard%20Serra%20est%20d%C3%A9c%C3%A9d%C3%A9%20ce,grands%20sculpteurs%20de%20notre%20%C3%A9poque.

Chopin. Nocturne 18 en Mi Majeur, op 62. La tribune de MB, seul.

On me questionne encore sur le sujet. Interprétation sublime par Leonskaja du Nocturne de Chopin écouté tous les jours, presque égal à celui de Claudio Arrau que l’on donne plus bas, l’unique. J’en case d’autres de grand pianistes qui l’ont un peu raté.

Je ne peux ne pas proposer Arrau, la meilleure interprétation selon moi.

PIRES trop enlevé,  trop pianistique

Rubinstein trop rapide, à  côté du morceau

Un dernier “MODERNE ” PAR François CHAPLIN, trop enjoué …

POLLINI, classicisme un peu précieux

VANTINA LISITSA, SANS PRECISION, UN PEU FOUILLIS, NOTES ENFOUIES

Woo-Paik, assez exac

’EAN LISIECKI, TROP BROUILLON

Vladimir ASHEKENAZY, TROP CLASSIQUE PROFESSORAL

J’ARRETE. ARRAU INÉGALÉ,  NON ?

Vermeer,  prodigieux inachèvement

o

La Maîtresse et la Servante

Johannes Vermeer

ca. 1666−67

The Frick Collection

Le thème de l’écriture et de la réception de lettres, qui revient souvent dans l’oeuvre de Johannes Vermeer, est représenté ici avec une tension dramatique exceptionnelle. Les deux femmes sont saisies sur le vif, dans un moment critique mystérieux. Le manque de finition au niveau de la tête de la maîtresse d’une part et l’arrière-plan relativement uni d’autre part indiquent que cette œuvre tardive de Johannes Vermeer est inachevée. Néanmoins, l’artiste n’a que rarement (voire jamais) surpassé les effets subtilement variés de la lumière que l’on voit ici se refléter sur les bijoux en perles, scintiller sur les objets en verre et en argent disposés sur la table, et baigner les personnages d’une douce lueur dans leur décor sombre. M. Frick achète le tableau en 1919, année de sa mort. Cette dernière acquisition rejoint ses tableaux favoris : “Autoportrait” (Rembrandt), “Portrait de Thomas More” (Holbein), “L’Extase de saint François” (Bellini) et “Philippe IV” (Vélasquez).

Extrait Google arts and culture

Détails

  • Titre: La Maîtresse et la Servante
  • Créateur: Johannes Vermeer
  • Date de création: ca. 1666−67
  • Dimensions physiques: 90.2 x 78.7 cm

la confusion des phases (antisémitisme et antisionisme)

C’est un torrent de protestations qui déferle sur les ondes à la suite des actes antisémites, tags de croix de David et autres insultes de taille contre les juifs.
Vicissitude de l’antisémitisme, qui ne s’est jamais enfouie dans la prétendue modernité ou la mémoire du pire pourtant récent, gonflée à bloc, à l’air sale et gris,  dans les réseaux (les « zéros sociaux » dit désormais un ami). 
 
Il est parfaitement repérable, ce trouble obsessionnel. 
 
D’abord dans l’islamisme. Puis « en même temps » dans l’extrême gauche islamo-wokiste. Celle, qui, traditionnellement, avec Marx, anti-juive (une « question juive » du Grand Capital) épouse, paradoxalement, une cause (l’islam meurtri, nouveau prolétaire) dont l’objectif est antinomique des valeurs qu’’ils prônent (le wokisme).
 
Ce paradoxe peut, en vérité, s’expliquer : dans les deux champs de pensée ou d’action, l’universel est effacé au profit soit d’un ordre théologique (la charia), soit d’un braillement décolonial qui fait l’apologie de la destruction de l’occident judéo-chrétien blanc (le juif est un nouveau blanc de ce « genre »), cause de tous les malheurs des hommes, origine de l’oppression historique, créateur diabolique de la Bande de Gaza.
 
On a cependant le sentiment, lorsqu’on écoute le discours télévisuel en boucle, installé sur les chaines d’information continue, qu’il s’agit là de piailleries qui sonnent comme des récriminations de circonstance, convenues.  Expressions du prêt-à-parler, dans tous les sens de l’expression, les intervenants s’essayant, souvent avec succès, en se clamant philosémites, à la brillance du discours, lequel, bien-sûr, n’omet jamais, « en même-temps », l’affirmation de la souffrance (réelle) de Gaza.
 
Ailleurs, la « rue juive » dit avoir peur et les mégaoctets de messages, vidéos sur les « réseaux », des milliards de fois transférés, envahissent tous les univers, la peau des pouces ou des index usés par les clics compulsifs sur le logo de WhatsApp, dont le même ami, en verve, a osé comparer le vert à celui de l’emblème palestinien.
 
Balivernes, billevesées que ces prises de parole qui omettent l’essentiel, qui ne clament pas la vérité, étouffée par le bruit, sans fureur, d’un cri vain, braillard inutile. Et craintif.
 
Le musulman de l’histoire n’aimait pas les juifs, leur concédant cependant, peuple monothéiste parmi les trois religions du Livre, le statut de dhimmi (une prétendue protection dans la ségrégation, sur leur sol).
 
Les musulmans « modernes », eux les constituent, plus simplement, comme « juifs », ennemis coraniques à abattre.
 
Tous le savent, mais sans le répéter pourtant à l’envi : les musulmans, dans leur majorité, qu’il s’agisse des individus et des États, n’ont que faire de leurs frères palestiniens qui ne sont que prétexte et camouflage grossier. 
 
Le seul objectif est la destruction des juifs. Le Hamas, sans hypocrisie, l’a inscrit dans sa Charte : la destruction des juifs qui se confondent, là-bas, sans ambages, avec Israël.
 
Même la litanie sur le « une terre, deux peuples » qui est au demeurent un mensonge historique et politique, n’est qu’un faux-semblant, un paravent de langage final. Car c’est le juif qu’on veut abattre, avec d’abord la complicité de la gauche, idiote utile. Avec l’autre complicité essentielle, celle des musulmans prétendument victimes de « l’amalgame », assurément présents, républicains, pratiquant simplement leur religion, comme un chrétien, un juif. Mais muets et donc imaginaires.
L’on se demande où ils se terrent, pour ne pas dénoncer la logique islamiste qui peut être, ontologiquement, dans la fibre du Texte, celle de l’islam mais qui peut, comme l’a fait la chrétienté, première religion, dans le temps de l’horreur qui ne se limite pas à celui de Torquemada, se réformer pour mettre fin au pogrom historique.
 
Il faut donc le dire et encore le dire : l’antisémitisme charrie l’antisionisme. Ce n’est pas l’antisionisme qui est une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue). Le renversement des mots n’est pas fortuit :  l’antisémite ne supporte pas Israël. Ce n’est pas le comportement de tel ou tel gouvernement d’Israël (encore un prétexte, un paravent) qui provoque la rage du cri de la « rue antisémite », une rue en minorité occidentale, mais bien la haine du juif.
 
Dès lors, il faut sans cesse rappeler aux chroniqueurs, aux bien-pensants, aux philosophes de service que la guerre actuelle n’est aucunement une guerre de territoire ou de colonialisme ou de l’on ne sait quel succédané d’une géopolitique qu’il faut analyser. 
C’est une guerre contre les juifs. Et que, déjà, en assimilant Israël et juifs, les terroristes et leurs complices (la masse, y compris de gauche dans les rues) détruisent l’État d’Israël, en le ramenant, non pas à un territoire reconnu en 1949 par le monde, mais à des « juifs ». L’antisémitisme n’est pas autre chose.
 
L’effacement du nom de l’État, auquel on substitue « le juif », en accomplissant l’acte antisémite, est sa première destruction.
 
Les questions légitimes et complexes des bombardements, des otages, de la bande de Gaza, du gouvernement, des erreurs, des colons israéliens, de l’Occident, de la modernité, de l’espoir à donner aux palestiniens, de la solution à deux États, rejetée par les arabes et adulée, sûrement à juste « raison », par l’Occident, l’arrêt des colonisations, le passage de l’émotion à la raison, du cri à l’analyse peuvent faire oublier l’essentiel qui est la volonté délibérée d’une nouvelle extermination des juifs.
 
Dans un premier temps récent, les juifs ont, à nouveau, été détruits, par millions, par la barbarie nazie et ce peuple n’a (encore) survécu que par une résilience assez inouïe, presque mystérieuse. 
 
Ils ont aujourd’hui Israël, que l’on veut détruire, en détruisant les juifs.
 
C’est Imre Kertész, immense écrivain, rescapé des camps, Prix Nobel de littérature, qui avait le mot exact lorsqu’il écrivait : « Quand Israël sera détruit, viendra le tour des autres juifs » (L’ultime auberge. Editons Actes Sud).
 
Il aurait pu, aujourd’hui, affirmer qu’il n’y a plus de « tour » : les phases se confondent. 
 
MB.

anatomie d’un telé-film, qui se veut un film, dans lequel le meilleur acteur est le chien

ANATOMIE D’UNE CHUTE,  FILM DE JUSTINE TRIET, PALME D’OR CANNES 2023.

J’ai résisté assez longtemps, persuadé de ma déception.

Une réalisatrice que je ne connaissais pas, vilipendant au micro de Cannes, lors de la remise de sa palme d’Or la réforme du régime des retraites contesté dans la violence urbainene ne pouvait être une bonne réalisatrice. Juste une faiseuse. Elle devait exceller dans le téléfilm à la française, soutenue par les anciens de Cognac-Jay.

Les dithyrambes de Télérama, mêlant le soupçon d’assassinat d’un époux à sa jalousie de voir sa femme réussir mieux que lui, embourbé dans un machisme des montagnes qu’il faut dénoncer, me faisait m’empêcher de voir  ce film vanté par tous, jusqu’à Hollywood.

Et puis Justine Triet, la réalisatrice m’est antipathique, ce qui, il est vrai n’est pas un motif pour  ne pas voir un film. Charlie Chaplin a été le plus grand antipathique du cinéma. Comme Fellini.

Mais hier soir, vaincu, j’ai vu. Impossible de tenir.

Alors tout sonne faux, l’image est sordide, mal cadrée, l’ennui (pas la belle lenteur cinématographique) est pesant, la vision du monde manichéenne, les personnages falots et téléphonés, le mystère de la fin convenu, les acteurs, non crédibles, jouent à l’acteur ( y compris le gamin), et la langue anglaise parlée et imposée à tous, y compris à son fils de 11 ans, par la femme allemande qui s’exprime parfaitement en français, est une escroquerie, une entourloupe à l’endroit d’Hollywood. Presque un film anglo-saxon. Bref on sort de ce film “vidé par le vide” comme aurait dit Serge Daney.

Alors je suis allé voir en ligne. Je devais me tromper. Non. Mauvaise note des spectateurs. La Presse, elle, fait sa snob spécialiste.

Je colle les réactions et lasse à autre chose. Faudrait que les français réapprennent au faire du cinoche. Truffaut doit se tourner dans sa tombe.

La première idée est toujours là bonne :  ce film est un téléfilm moins bon que les téléfilms des années 60.

RÉACTIONS

Nous avons regardé ce film hier soir avec mon mari et dès le début on s’est dit que cela allait être compliqué de tenir 2h30 ! 
L’histoire est vraiment simple une enquête policière somme toute banale que notre cher Columbo ou les experts Miami auraient pu résoudre  ..
Cependant le jeu d’acteurs est très bien, les avocats sont un peu caricaturés je trouve, l’enfant joue vraiment très bien et quelle maturité à 11 ans ! mais pour nous le meilleur acteur de ce film est de loin le chien ! Il faisait tellement bien le chien qui allait mourir… voilà le seul moment où j’ai eu peur et qui m’a sorti de mon ennui…
Je pensais vraiment que ce film qui a reçu un oscar allait être un film incroyable, qui allait me transporter, me faire réfléchir, me tenir en haleine,  me faire du bien…mais malheureusement je n’ai rien ressenti  et ce qui m’a vraiment gêné le plus, c’est le genre de film où il n’y a pas de fin nette, et chacun doit l’imaginer et ça je déteste ! 😂
Pour conclure , nous nous sommes ennuyés mais nous avons été jusqu’à la fin du film pour savoir ce qui s’était passé
Une chose est sure, nous n’avons pas du tout aimé ce film mais je dois avouer que depuis hier soir je débats avec plusieurs personnes qui ont aimé ou non et c’est peu être ça que la réalisatrice a voulu …. Et que je prends le temps d’écrire ici 😂


mercuccio huit

il y a 4 jours

Je poste rarement mais cette fois-ci, je ne pouvais m'y empêcher. Notamment concernant un film récompensé d'un oscar!! Une telle reconnaissance mérite que l'on se pose pour 2H24 et que l'on soit transporté dans un voyage cinématographique comme l'offre si bien le 7éme art.

Après 20 mn de film, on cerne rapidement l'univers dans lequel on est plongé, une actrice principale avec beaucoup de talent qui endosse et incarne son rôle à merveille. On nage en plein doute, mystèrieuse de par son jeu d'actrice, on navigue entre une mère abattue et a bout, une écrivaine meurtrière  au sang froid et une mère détruite qui se bat contre un procureur general fermement décidé à la faire condamner, Sandre huiler est superbe. Lorsqu'on a dit ça il ne reste pas grand chose, des longueurs interminables à l'écran entre des leçons de piano, des silences inutiles, des reconstitutions bateau et une enquête digne de Julie Lescaut. Bref une grosse déception, l'histoire est banale, le montage se veut long et un final qui n'en est pas un. Malgré de bons échanges et des joutes verbales très plaisantes lors des audiences le reste est fade et sans saveur, une juge transparente, une caricature d'avocat général, là aussi le casting ...., seul l'avocat interprété par Swann Arlaud et son adjointe apportent un peu de consistance et de crédibilité dans ce tribunal. L'idée de faire un grand procès à l'écran peut etre une réussite comme dans certains films tels que Nuremberg avec Alec Baldwin en avocat déterminé, la defence Lincoln avec McConaughey ou la amistad est un Anthony Hopkins flamboyant, ou plus récemment les 7 de Chicago, avec un oscar on est en doit de faire un comparatif avec ces grands films. Anatomie d'une chute est une réelle déception tout comme l'avait été the artiste en 2012. Un film décevant qui avec une durée moindre peut se placer en télefilm un soir de semaine.

Point de vue] Anatomie d’une chute… dans le vide !
Jean-Pierre Pélaez 14 mars 2024 à 15:12Anatomie d’une chute 3 minutes de lecture


Excepté, peut-être, un Dracula woke, avec une sorte de Van Helsing venu d’Afrique, il y a un an environ, où je m’étais fait piéger, il y a longtemps que je ne m’étais pas autant ennuyé au cinéma : voilà, c’est fait ! Et si, par curiosité, je ne m’étais pas demandé « L’héroïne a-t-elle tué son mari, pourquoi, est-elle coupable, va-t-elle être condamnée ou relaxée ? » je serais sans doute parti bien avant la fin…

D’abord aucun des poncifs du temps actuel ne nous est épargné : la femme écrivaine, avec un e, merci, écrivaine de romans qu’on comprend être d’autofiction, puisque présentés comme écrits à partir de son vécu le plus vécu, son mari enseignant qui essaie d’écrire mais qui n’y arrive pas, ce qui nous vaut des disputes et des scènes de ménage bourrées de psychanalyse psychotique romanesque déprimante, du style « c’est ta faute si j’écris pas ; non, c’est la tienne, tu es un monstre ; non, c’est toi qui m’empêches ; non, c’est toi qui as peur », etc., l’Europe qui n’est pas oubliée – ça se passe en France, mais la peut-être meurtrière au physique allemand est anglaise et parle en anglais sous-titré, le mari est français -, la lutte contre le sexisme et l’homophobie non plus, puisqu’elle est bisexuelle et qu’elle a trompé son mari avec des femmes, il ne lui manque plus que d’être engagée dans une association décoloniale…

Un sérieux mortel, un vide, un ennui à couper au couteau, pire que du BHL, le film est long et lent comme un jour sans pain et il se passe si peu de chose, hormis des divagations philosophico-intello-scénaristiques de films français rediffusé sur Arte, des témoins et spécialistes qui se succèdent au tribunal, tannés et décortiqués par un avocat général agressif et omniscient, un psychiatre qui débite des sornettes sur son interprétation abyssale des problèmes du couple et, en point culminant, une scène de ménage enregistrée pour un futur roman, et d’un psycho-sordide réunissant toutes les invectives du genre, un enfant du couple qui parle comme un grand adulte, un avocat gentillet plus ou moins amoureux de l’héroïne, et l’on se dit, à la fin, que peut-être ils ont accompli le meurtre ensemble, mais non, ce serait trop simple pour un film où il ne se passe rien et qui fait de ce rien du compliqué, et pour un surcroît de réalisme bien ennuyeux, on voit la Justice qui décortique sans fin la chute mortelle du mari : qui l’a tué ? Sa femme ? Ou s’est-il suicidé, ou est-ce un accident ? Et l’on finit par se dire qu’on s’en fout et qu’on voudrait que ça se termine…

Au bout de deux heures et demie, je suis sorti lessivé d’ennui, tétanisé de colère, maudissant un peu plus le cinéma français quand il est vide, prétentieux, psycho-chiant, poncifère et fumeur de cigarette avec l’air d’un Sartre qui passe de l’être au néant.Et dire que tellement de gens de talent et qui ont quelque chose à créer ne trouvent pas de production, dans cet univers sinistre de l’actuelle culture française ! On ne m’y reprendra plus, la prochaine fois, j’irai revoir Le Petit Baigneur avec Funès et Galabru !

BON, IL Y EN A MILLE DE CE TYPE.

On a un problème avec le ciné. Ou peut-être avec le  nouveau public

MB.

La rabbine H

Delphine Horvilleur

Après la gitane, la rabbine.  On me bassine avec son nouveau bouquin dont le titre est, comme toujours, une tentative d’imiter ses copains de Libé, lesquels n’ont toujours pas honte, après des décennies à ramer, de vouloir chercher le bon mot dans le titre à la une. Les lecteurs de Libé doivent, certainement, raffoler de ce type de titre quotidien adolescent. Ils doivent se sentir plus intelligents.

Madam Horvilleur s’y donc mise. Après “il n’y a plus de Ajar”, assez ridicule ,voici  le “Comment ça va pas ?”.

Bon. Encore du vent dans les synagogues et les studios des matins de France Inter qu’elle adore, mais dont les ventilateurs sont en panne (sûrement un coup du Mossad).

Fatigué pour à nouveau vilipender, je renvoie par un clic ci- dessous à un billet écrit il y longtemps sur son Ajar de pacotille.  Dommage, elle “parle trop” diraient les chats sauvages de Dick Rivers des années 60, qu’on confond, très curieusement, pour cette chanson, avec les chaussettes noires d’Eddy Mitchell.

Voici  mon billet de 2022 :

https://michelbeja.com/delphine-horvilleur-identite

Bonne lecture, bonne nuit.

PS. Les dernières Unes de Libé

“familles monoparentales, la mère de toutes les batailles”

“Fast fashion, comment lui tailler un costard”.

“Européennes : le bras de ferme”

La gitane de Grenade

La gitane, Jean Dieuzaide

Des proches sont en voyage en Andalousie et WhatsApp fonctionne. Ce qui me permet de leur envoyer l’une de mes photographies préférées. La gitane du Sacromonte, Grenade, prise par Jean Dieuzaide, grand artiste.

Il faut rester quelques minutes sur cette photo pour que des larmes de joie coulent sur votre peau, sèche l’instant d’avant, du vide du monde.

Dieu que la beauté de cette femme est fière !

Dieuzaide, immense photographe savait capter non pas l’instant décisif de l’orgueilleux, du prétentieux Cartier -Bresson, mais, plus simplement  le nœud des sentiments qui errent sous un sein ou dans des yeux lumineux, tellement exacts. Éclat de la vie enlacée. J’aurais donné un an de ma vie pour un sourire, qui m’aurait été dédié, de la gitane. Et dix ans pour un long baiser sur ses yeux ou sa bouche. Évidemment trop facile à promettre quand il ne reste plus autant de temps.

l’affiche joueuse

Affiche pour les JO de Paris 2024.

Après avoir laissé passer, oreilles  bouchées, le débat vain et inutile sur la disparition de la croix chrétienne au sommet des Invalides, lequel qui a pu combler le vide de certaines émissions, on s’est interrogé sérieusement  sur l’esthétique. Ou, du moins, l’intérêt artistique, ce qui, en ces temps, peut s’avérer antinomique.

Il s’agit donc de l’affiche pour les J.O de Paris 2024.

D’abord, une impression première de fouillis et un besoin d’appel d’air, d’un minimalisme dans la respiration du regard.

Puis, après plusieurs aller-retours, un intérêt grandissant dans le parti pris du foisonnement, presque du Brueghel.

Et, pour finir une adhésion totale à l’image qui nous fait tanguer de l’impressionnisme global, dans le magma fantasmagorique, au plaisir qui le contrarie qui est celui de scruter dans le prétendu informe.

L’affiche est une vraie affiche. Tant pis pour les râleurs de service, souvent râleurs contre l’art qui serait, comme le dirait LFI, celui des “golfeurs”.

Gennaro Sangiuliano

L’on a notre soldat inconnu. 

Émerge désormais le salaud inconnu. C’est un artiste contemporain, enterré sous ses subventions, mort-vivant sortant de sa tombe installée, dès qu’un juif traverse une place. Un antisémite errant.

La biennale de Venise, est une manifestation d’art  contemporain honorable, malgré sa dérive qui fait souvent confondre l’art avec “l’installation” d’un discours primaire inesthétique qui se réfléchirait dans l’œuvre.

Elle doit se tenir du 20 avril au 24 novembre.

9000 artistes (on ne sait d’où ils sortent en étant si nombreux, si inconnus) ont exigé l’exclusion d’Israël de la Biennale, en raison du prétendu “génocide” à Gaza, le mot maudit et diabolique, qui unit les antisémites errants.

Le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, leur a répondu :

“Le diktat de ceux qui pensent détenir la vérité et qui, avec arrogance et haine, pensent pouvoir menacer la liberté de pensée et d’expression créative dans une nation démocratique et libre comme l’Italie est inacceptable et honteux. Israël a non seulement le droit d’exprimer son art, mais il a aussi le devoir de témoigner de son peuple, précisément à un moment comme celui-ci où il a été attaqué de sang-froid par des terroristes sans pitié. La Biennale sera toujours un espace de liberté, de rencontre et de dialogue, et non un espace de censure et d’intolérance”

L’Italie est un pays.

PS. EXTRAIT DE LA REVUE “TRANFUGE”

La Biennale de Venise, quant à elle, a réagi : « la Biennale de Venise veut préciser que tous les pays reconnus par la République italienne peuvent de façon autonome demander à y participer officiellement. Par conséquent, la Biennale de Venise ne peut prendre en considération aucune pétition visant à exclure Israël ou l’Iran » tandis que le ministre de la Culture italien a fermement condamné une lettre « inacceptable » et « honteuse ».

Cette pétition ne faisant qu’utiliser l’art pour promouvoir une idéologie militante, propice à infuser l’antisémitisme, elle semble être le reflet de la dérive actuelle de l’art contemporain vers le sectarisme et l’intolérance, creusant de manière binaire le camp du bien et le camp du mal. Et tout ceci, sous couvert d’humanisme et de bien-pensance. 

Arte, à tout va

SUR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

https://www.arte.tv/fr/videos/115067-000-A/course-a-l-ia-vers-le-meilleur-des-mondes/

https://www.arte.tv/fr/videos/098860-000-A/intelligence-artificielle-quand-les-emotions-s-en-melent/

EXPULSION DES JUIFS DE PRAGUE,  MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE

https://www.arte.tv/fr/videos/109736-000-A/la-face-cachee-de-marie-therese-d-autriche/

LES ENFANTS DU 209 RUE SAINT-MAUR

https://www.arte.tv/fr/videos/065861-000-A/les-enfants-du-209-rue-saint-maur-paris-xe/

VOYAGE A TOKYO, LE CHEF-D’ŒUVRE D’OZU

Attention jusqu’au 27 avril 2024

https://www.arte.tv/fr/videos/110113-000-A/voyage-a-tokyo/

LE GOÛT DU SAKÉ,  AUTRE CHEF-D’ŒUVRE D’OZU

https://www.arte.tv/fr/videos/110213-000-A/le-gout-du-sake/

DANIIL TRIFONOV, LE PIANO

https://www.arte.tv/fr/videos/113607-000-A/daniil-trifonov-grace-a-la-musique/

ping-pong

Championats du monde de tennis de table, 25 février, la France en finale mais la Chine gagne.

On veut juste montrer cet échange . Un clic sur le lien ci-dessous :

https://twitter.com/ffttofficiel/status/1761737689718526094?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1761737689718526094%7Ctwgr%5E1f5a52d9bda0c529e96ce7d09aa4cb49c1e032b7%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.twitter.com%2F

la mort et le feu

C’est dans la cour de la maison que se trouve le récipient. Une construction de briques, cylindrique, à peu près un mètre de hauteur, recouverte d’une sorte de ciment gris, forcément sale. Sur le dessus, un couvercle amovible en ferraille, peut-être du laiton.

C’est là que le rabbin jette la volaille après lui avoir strictement tailladé le cou, par une lame de rasoir ficelée à un manche d’un bois rugueux.
Le religieux repose le couvercle et dit au petit garçon d’attendre.
Lui est debout et tend l’oreille. Le poulet se débat encore. Puis plus aucun bruit. Il n’ose avertir le rabbin qui est entré dans sa maison.

La chaleur est étouffante. Les météorologues parisiens ont évoqué à la radio un été « douloureux » pour les nord-africains. Le mot l’a enchanté.
Il s’assied sous l’arbre. Le rabbin doit être debout, au milieu d’une chambre, volets baissés, à psalmodier une prière. Puis, en pouffant de rire, il l’imagine, caressant les jambes d’une jeune domestique alors que son épouse dort dans la chambre à côté. Il exagère.
Pas moins de vingt minutes à attendre. Mais peu importe, tous savent qu’il est chez le rabbin. Le village est sûr et les enfants libres.
Le rabbin est revenu, a soulevé le couvercle, s’est emparé du volatile, l’a essuyé, lui a ligoté les pattes avant de le tendre au garçon qui lui sert la monnaie.
Toujours deux pièces.

Le poulet est désormais dans un couffin, chaud et parfaitement mort. La tante le pose sur la table de la cuisine. Lui est debout, les bras croisés. Elle lui caresse les cheveux. Il sourit. Elle lui rappelle que le lendemain, c’est un jour de boulanger. Il doit venir vers 10 heures. La pâte aura levé.
Les poulets tués par le rabbin et les pains à cuire dans le petit four du boulanger.

C’était l’enfer, lui a dit un jour la femme. La Mort et le Feu.

Non, lui a-t-il répondu. La joie, la joie.

Osawa

Osava est décédé le 6 février.ARTE lui rend hommage en nous offrant la 7ème de BEETHOVEN dirigé par lui. J’avais écrit, il y a longtemps, stupéfait par son sens de la transmission, que j’aurais aimé être Osawa. Paix à son âme.

EXTRAIT ARTE :

Pour rendre hommage au chef d’orchestre japonais Seiji Ozawa, décédé le 6 février 2024, ARTE Concert vous propose de redécouvrir son concert avec le Saito Kinen Orchestra. Le maestro dirigeait alors la Symphonie n° 7 en la majeur de Beethoven, célèbre pour son Allegretto et considérée par Richard Wagner comme une “apothéose de la danse”.

Le chef japonais Seiji Ozawa a consacré une partie de sa carrière à la transmission. En 1984, il réunit ainsi de talentueux étudiants musiciens pour un hommage à son maître vénéré, le maestro et violoncelliste Hideo Saito, disparu dix ans plus tôt. Ce concert a donné naissance au Saito Kinen Orchestra puis, en 1992, à un rendez-vous dédié à la musique orchestrale et à l’opéra, le Saito Kinen Festival Matsumoto, rebaptisé depuis Seiji Ozawa Matsumoto Festival. Le chef dirige ici la Septième symphonie de Beethoven dans le cadre de l’édition 2016 de la manifestation.

Filmé en 2016 au Seiji Ozawa Matsumoto Festival, Japon.

Ci-dessous le lien pour regarder, écouter.

https://www.arte.tv/fr/videos/079456-000-A/seiji-ozawa-dirige-la-symphonie-n-7-de-beethoven/

vagues

Certains, parmi ceux qui ont découvert la nouvelle page du site construite autour de 4 vidéos de vagues d’océans m’en ont demandé encore. Il parait qu’on peut rester sur l’une de ces vidéos et réfléchir ou méditer ou encore écouter avec un support “merveilleux” de la musique. Moi, je ne crois pas, on peut parfaitement penser sans se balancer et sans musique. On peut aussi, très simplement, regarder une image ou une vidéo, pour le plaisir intrinsèque du regard. Les voici :

néologismes du week-end…

On vient de me faire remarquer que, dans mes billets récents, j’avais employé 3 mots que la lectrice ne connaissait pas. Elle voulait savoir qui avait employé ces néologismes. Il s’agit de :

– wokobobisme

– soupe wokobobo

– antisionémites

– les zéros sociaux

Je n’ai pu que répondre qu’ils étaient venus, subrepticement, comme des djinns, dans la foulée, sous ma plume. Que, partant, il n’étaient que de moi. Qu’on me pardonne.

PS. L’antisionémitisme se répand dans la sphère des zéros sociaux, biberonnés, nourrris à la soupe wokobobo.

PS2. Le wokobobisme, maladie concomitante est, désormais une pandémie dont on combat le virus désormais identifié, même si un autre, “l’islamowok“, redoutable, venant de territoires perdus, le concurrence.

Haine du juif, suite : Bono “sombre merde”d’après Waters

Ce n’est pas notre tasse de thé d’aller voir du côté des “people”. Mais le cas Waters est un cas. Son antisémitisme ne faiblit pas.

Dans la famille Pink Floyd, il y a Roger Waters, l’un de ses membres fondateurs, lequel, vieux et très attaqué par les substances nocives non digérées, s’en prend violemment au monde entier et d’abord à Israel, qui constitue pour tous les complotistes et les nazillons, le monde entier.

Il vient de s’en prendre au chanteur de U2, Bono. Il n’aurait pas supporté l’hommage de l’artiste irlandais aux victimes israéliennes des terroristes du Hamas.

Bono avait salué la mémoire des victimes des 260 festivaliers qui ont perdu la vie le 7 octobre lors de l’attaque terroriste du Hamas,

Le membre fondateur des Pink Floyd vient d’accorder un entretien à Al-Jazira, en qualifiant l’hommage de Bono « d’écœurant » et le chanteur de U2 de « sombre merde ».

Il a ajouté « Nous devons dire à ces gens que leur opinion est tellement dégueulasse et dégradante… Être solidaire de l’entité sioniste… Ce qu’il a fait, il y a quelques semaines au Sphere à Las Vegas, chanter à propos des Étoiles de David, c’était l’une des choses les plus écœurantes que j’ai vues de ma vie »

Bono avait dédié son tube « Pride (In The Name Of Love) » aux « Étoiles de David » à qui on a « pris leur vie, mais pas leur fierté tôt le matin du 7 octobre ». Ce titre de U2 est, à l’origine, un hommage à Martin Luther King et son combat pacifique pour les droits civiques.

Très remonté, Waters a proposé de « l‘attraper par les chevilles et le secouer jusqu’à ce qu’il arrête d’être une sombre merde », voir la vidéo 

Waters ne fait que continuer après son soutien depuis plus de 20 ans à la campagne de boycott d’Israël, en soutien aux Palestiniens. On peut aller voir en ligne sa scénographie “rouge et noir” fasciste qui aurait pour but , évidemment de lutter contre le fascisme.

En cause, la scénographie voulue par Roger Waters, notamment pour son concert prévu en Allemagne en mai dernier. Il est apparu vêtu d’un trench-coat noir, affublé d’un swastika et d’un brassard rouge. Le décor, lui aussi, était noir et rouge.

On colle la vidéo de Waters, dont l’on rappelle que déjà lors d’un concert à Berlin, il a été “sous enquête” pour incitation à la haine.

https://geo.dailymotion.com/player/x2qwq.html?video=x8t8j6u&rubrique=Culture&statut_article=gratuit&thematique=Culture&motcle=Bono%2CAntis%C3%A9mitisme&position=haut&abonne=oui&mute=true

Le temps perdu de l’antenne

Le temps d’antenne si l’on en croit le Conseil d’Etat, dans son arrêt CNEWS devrait être, réparti, de manière équilibrée, entre les diverses forces politiques, si l’on veut bénéficier des ondes hertziennes accordées, dans le cadre de la TNT, par le Gouvernement (étant précisé que ce mode de diffusion, remplacé par la Box est devenu obsolète, ce qui devrait rendre périphérique tout débat)

Cependant, il existe un temps d’antenne qui devrait être analysé : celui du temps perdu.

L’insomnie aidant, le replay efficace, j’ai pu, depuis quelques jours, être assommé par ces centaines d’heures consacrées par nos journalistes (LCI obsessionnelle) aux manigances des autorités russes pour ne pas donner à voir ou à analyser physiquement un corps et surtout à ne pas enterrer, dignement, l’opposant Navalny, décédé dans une colonie pénitentiaire pour y purger 19 ans d’emprisonnement, pour délit d’opinion.

Des heures et des heures de débats, de « spécialistes » de généraux, de politologues d’opposants, de mères de filles, de géopoliticiens, d’éditorialistes extraordinaires, pour nous expliquer que le corps ne serait jamais rendu.

J’avais dit et écrit qu’on était peut-être dans le délire et qu’il fallait “raison” garder. Sauf à rechercher la guerre qu’on n’a pas connue.

Je viens à l’instant de lire cette dépêche :

L’opposant russe est mort le 16 février dans la colonie pénitentiaire où il était incarcéré. Réclamée par ses proches, la dépouille d’Alexeï Navalny était alors au centre de multiples tensions depuis plus d’une semaine. La porte-parole de l’opposant russe a aujourd’hui déclaré à l’AFP que le corps d’Alexeï Navalny avait été remis à sa mère, précisant ne pas savoir dans quelles conditions des funérailles seraient autorisées.

On va maintenant, tout notre Dimanche, s’interroger sur les conditions d’autorisation des funérailles.

PS. Je viens de jeter un œil sur LCI, décidément dans l’obsession maladive sur Poutine qui invite les mêmes éditorialistes qui nous expliquent que Poutine s’est effondré devant les médias Occidentaux et leur pugnacité, en rendant le corps. On rêve.  Qui peut dire qu’il faut arrêter de dire des âneries de va-t-en guerre ? Qui ? Il nous manque un Pompidou.

L’arc et les flèches

Missak Manouchian

La panthéonisation de Manouchian aurait été “souillée” par la présence du R.N. C’est Télérama, qui le dit. Cette revue devient hargneuse et adolescente et ferait mieux de (bien) critiquer les oeuvres culturelles ou télévisuelles plutôt que de lancer sa hargne à tous vents en tentant d’imiter, dans sa posture désormais mélenchoniste ou presque, son grand frère du même Groupe de presse (“Le Monde”). On rappelle que ce “Groupe ” est composé de l’Obs, de Télérama, du Monde diplomatique, de Huffington Post, Courrier International et de la Vie catholique, ce dernier journal étant le plus lisible, le plus respectable, le moins ancré dans le wokobobisme.

C’est vraiment dommage. Le Monde était notre journal qu’on s’empressait d’acheter au kiosque, à exactement 13:10, celui de la Place de la Sorbonne. Nous étions, par ailleurs, fiers de Télérama qui tranchait avec les Télé 7 jours et autres Télépoche.

Ces deux organes de presse, à notre grand désespoir, sont donc devenus des antisionémites, donneurs de leçon “genrée”, en troquant leurs cravates et leur nuque raide contre des tee-shirts sales, cou baissé pour masquer des yeux spécieux.

Sans le RN et Cnews, leurs proies qui ne veulent être abattues, ces deux journaux ne sauraient quoi écrire.

Ils sont tous les deux excellents dès qu’il s’agit de culture du fait, en principe, de sa fonction unificatrice. Cependant, là encore, l’idéologie criarde (il y a toujours de l’idéologie dans la culture, mais elle s’estompe et ne devrait être criarde) est de mise. Telle pièce de théâtre est trop filiforme et “blanche”, telle série est trop masculine, tel film ne revient pas assez sur l’emprise mâle et coloniale.

Dommage encore, car c’est là qu’on vient lire les critiques de films et de séries et pas ailleurs, peut-être un peu dans le Figaro qui devient neutre et n’insulte pas le blanc.

On revient à Manouchian. C’est donc dans cette ambiance délétère que notre chef d’Etat s’est invité au Parti Communiste dont Manouchian était un adhérent, en considérant, qu’eu égard à leur passé, le RN aurait été bien “inspiré” de ne pas assister à la cérémonie du Panthéon.

Encore le RN, encore la désunion, encore l’adolescence.

Cette posture est démoniaque,  extraordinaire pour un  Chef d’Etat.. On ne peut exclure dans un hommage national 40% de la population française, dont les dirigeants n’étaient pas nés à l’époque du nazisme. Même J.M Le Pen n’avait que 16 ans.

Le chef de l’Etat est désormais “téleramé” et le groupe de presse qui caressait les cuisses de l’autre Jupiter (Melenchon le fou) commence à l’épargner, la gauche mélenchoniste devenant infréquentable, pour les lecteurs des  beaux quartiers ou ceux de lagauche historique. Elle devient, au surplus, composée, pour partie grandissante, d’une population immigrée de troisième génération qui ne lit ni le Monde, ni Télérama.

La hargne de ce groupe de presse, donneur de leçons catholico -wokistes est consternante. Le Conseil d’Etat devrait demander à un organisme de les calmer, notamment dans leur antisémitisme larvé, sous la toile de l’antisionisme, mâtiné de “bobowok”.

A vrai dire le vrai sujet, s’agissant de Manouchian se situe dans l’emprise du parti qui se l’arroge et que le  chef de l’Etat va visiter pour un “grand entretien” : le Parti communiste.

Sans vouloir dénigrer, entrer dans la même hargne, on se doit de rappeler que les communistes ont deux casques de guerre, deux casquettes populaires : parti des 75000 fusillés dit-on d’une part mais parti collabo jusqu’en 1941 d’autre part, leur patrie idéologique (l’URSS) ayant pendant une certaine période, jusqu’en 1941, pactisé avec Hitler (le pacte germano-soviétique)

Ils ont donc évité de froisser le cocontractant de l’Allemagne nazie en entrant en résistance, au garde-à-vous devant la mère soviétique qui avait enfanté le petit père des peuples (Staline)

Certes, le PCF n’a pas collaboré. «Le PCF a été prisonnier du pacte germano-soviétique. Il s’est donc abstenu de résister contre les Allemands jusqu’au printemps 1941», mais cela ne signifie pas qu’il a collaboré, en se mettant par exemple au service du Reich, explique Olivier Wieviorka, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.

Il faut donc éviter l’insulte. Il ne faut cependant pas pérorer du côté du siège du Parti, s’agissant de Manouchian “français de préférence”

Tout ceci n’autorise pas, en tous cas à diviser une nation, à vilipender un parti (le RN) dont les ancêtres idéologiques ont peut-être accompagné le nazisme, avant qu’il ne se crée, ancêtres qui n’ont rien à envier dans l’ignominie à ceux du Parti communiste d’URSS, le plus grand assassin de population de tous les temps, dépassant le meme Parti chinois dans sa révolution culturelle et les khmers rouges.

L’Humanité devrait faire preuve de modestie dans la leçon.

Il faudra bien, en réalité , q’un jour, la colère, la hargne,l’insulte, le mépris s’éloignent du politique.

Notre chef d’Etat vient d’effacer des millions d’électeurs de la population française, au grand bonheur de petits journalistes et de communistes assez peu représentatifs.

Dommage, encore.

PS. Je n’ai absolument aucun lien avec le RN, parti comme un autre avec ses tics et ses tocs. Je défends simplement “l’arc démocratique”. La France a un seul peuple d’électeurs.

Le travestissement de l’histoire et la soupe wokobobo nous entraînent dans la vilaine idiotie.

“Mémoires d’Hadrien”, de Marguerite Yourcenar

Marguerite Yourcenar

Mémoires d’Hadrien”, de Marguerite Yourcenar, un génie du verbe et de la vie, ce qui revient au même.

Je me demande toujours lorsque je relis ses mots où elle est allée chercher ce sens de leur agencement. Sûrement pas sur terre.

Après Hadrien, allez-voir du côté de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle que Marguerite Yourcenar, conteuse surréelle des destins nous donne à lire dans “l’oeuvre au Noir”, destin entre deux temps,

Mais je reviens aux “mémoires”. S’il y a un livre à lire, avec attention, c’est bien celui-ci. ll ne fait pas qu’accompagner des derniers moments d’une vie, des mourants, pour être rapide, même s’il s’agit de notes sur une vie remplie avant la mort annoncée.

Il est vrai que les dernières forces sont peut-être insuffisantes pour l’apprécier pleinement et qu’il vaut mieux le lire vaillant et plein d’aplomb, lorsque la mort ne rôde pas, n’est pas devenue une voisine.

PODCAST

Je donne un excellent podcast, belle voix, de Radio France, tiré de l’émission “ça peut pas faire de mal”. France Inter, une radio qui, dans ses podcasts, se rattrape de ses fariboles wokistes qui égrènent ses mauvaises émissions animées, en majorité par des obsessionnels médiocres de la recherche des haines. C’est dit.

https://radiofrance.fr/franceinter/podcasts/ca-peut-pas-faire-de-mal/les-memoires-d-hadrien-de-marguerite-yourcenar-9341853

PS; J’ai failli écrire quelques lignes sur le titre du podcast qui oublie volontairement le “ne” pour se planter, entre les cours de récré et le bar de province. La facilité est trop facile. Surtout chez France Inter. Donc, je me suis “retenu” dans cette digression.

JE COLLE AUSSI LE LIEN WIKI POUR CEUX QUI AIMENT EN SAVOIR PLUS

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moires_d’Hadrien

Enfin, Je donne quelques pages parmi les premières. Et comme je surligneurs toujours lorsque je lis du papier (rare), un crayon à la main, même pour un roman et surligne les pages numériques, je laisse mon surlignage.

Et j’avoue que la raison reste confondue en présence du prodige même de l’amour, de l’étrange obsession qui fait que cette même chair dont nous nous soucions si peu quand elle compose notre propre corps, nous inquiétant seulement de la laver, de la nourrir, et, s’il se peut, de l’empêcher de souffrir, puisse nous inspirer une telle passion de caresses simplement parce qu’elle est animée par une individualité différente de la nôtre, et parce qu’elle présente certains linéaments de beauté, sur lesquels, d’ailleurs, les meilleurs juges ne s’accordent pas. Ici, la logique humaine reste en deçà, comme dans les révélations des Mystères. La tradition populaire ne s’y est pas trompée, qui a toujours vu dans l’amour une forme d’initiation, l’un des points de rencontre du secret et du sacré. L’expérience sensuelle se compare encore aux Mystères en ce que la première approche fait au non-initié l’effet d’un rite plus ou moins effrayant, scandaleusement éloigné des fonctions familières du sommeil, du boire, et du manger, objet de plaisanterie, de honte, ou de terreur. Tout autant que la danse des Ménades ou le délire des Corybantes, notre amour nous entraîne dans un univers différent, où il nous est, en d’autres temps, interdit d’accéder, et où nous cessons de nous orienter dès que l’ardeur s’éteint ou que la jouissance se dénoue. Cloué au corps aimé comme un crucifié à sa croix, j’ai appris sur la vie quelques secrets qui déjà s’émoussent dans mon souvenir, par l’effet de la même loi qui veut que le convalescent, guéri, cesse de se retrouver dans les vérités mystérieuses de son mal, que le prisonnier relâché oublie la torture, ou le triomphateur dégrisé la gloire. J‘ai rêvé parfois d’élaborer un système de connaissance humaine basé sur l’érotique, une théorie du contact, où le mystère et la dignité d’autrui consisteraient précisément à offrir au Moi ce point d’appui d’un autre monde. La volupté serait dans cette philosophie une forme plus complète, mais aussi plus spécialisée, de cette approche de l’Autre, une technique de plus mise au service de la connaissance de ce qui n’est pas nous. Dans les rencontres les moins sensuelles, c’est encore dans le contact que l’émotion s’achève ou prend naissance : la main un peu répugnante de cette vieille qui me présente un placet, le front moite de mon père à l’agonie, la plaie lavée d’un blessé. Même les rapports les plus intellectuels ou les plus neutres ont lieu à travers ce système de signaux du corps : le regard soudain éclairci du tribun auquel on explique une manœuvre au matin d’une bataille, le salut impersonnel d’un subalterne que notre passage fige en une attitude d’obéissance, le coup d’œil amical de l’esclave que je remercie parce qu’il m’apporte un plateau, ou, devant le camée grec qu’on lui offre, la moue appréciatrice d’un vieil ami. Avec la plupart des êtres, les plus légers, les plus superficiels de ces contacts suffisent à notre envie, ou même l’excèdent déjà. Qu’ils insistent, se multiplient autour d’une créature unique jusqu’à la cerner tout entière ; que chaque parcelle d’un corps se charge pour nous d’autant de significations bouleversantes que les traits d’un visage ; qu’un seul être, au lieu de nous inspirer tout au plus de l’irritation, du plaisir, ou de l’ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème ; qu’il passe de la périphérie de notre univers à son centre, nous devienne enfin plus indispensable que nous-mêmes, et l’étonnant prodige a lieu, où je vois bien davantage un envahissement de la chair par l’esprit qu’un simple jeu de la chair. De telles vues sur l’amour pourraient mener à une carrière de séducteur. Si je ne l’ai pas remplie, c’est sans doute que j’ai fait autre chose, sinon mieux. A défaut de génie, une pareille carrière demande des soins, et même des stratagèmes, pour lesquels je me sentais peu fait. Ces pièges dressés, toujours les mêmes, cette routine bornée à de perpétuelles approches, limitée par la conquête même, m’ont lassé. La technique du grand séducteur exige dans le passage d’un objet à un autre une facilité, une indifférence, que je n’ai pas à l’égard d’eux : de toute façon, ils m’ont quitté plus que je ne les quittais ; je n’ai jamais compris qu’on se rassasiât d’un être. L’envie de dénombrer exactement les richesses que chaque nouvel amour nous apporte, de le regarder changer, peut-être de le regarder vieillir, s’accorde mal avec la multiplicité des conquêtes. J’ai cru jadis qu’un certain goût de la beauté me tiendrait lieu de vertu, saurait m’immuniser contre les sollicitations trop grossières. Mais je me trompais. L‘amateur de beauté finit par la retrouver partout, filon d’or dans les plus ignobles veines ; par éprouver, à manier ces chefs-d’œuvre fragmentaires, salis, ou brisés, un plaisir de connaisseur seul à collectionner des poteries crues vulgaires. Un obstacle plus sérieux, pour un homme de goût, est une position d’éminence dans les affaires humaines, avec ce que la puissance presque absolue comporte de risques d’adulation ou de mensonge. L’idée qu’un être, si peu que ce soit, se contrefait en ma présence, est capable de me le faire plaindre, mépriser, ou haïr. J’ai souffert de ces inconvénients de ma fortune comme un homme pauvre de ceux de sa misère. Un pas de plus, et j’aurais accepté la fiction qui consiste à prétendre qu’on séduit, quand on sait qu’on s’impose. Mais l’écœurement, ou la sottise peut-être, risquent de commencer là. On finirait par préférer aux stratagèmes éventés de la séduction les vérités toutes simples de la débauche, si là aussi ne régnait le mensonge. En principe, je suis prêt à admettre que la prostitution soit un art comme le massage ou la coiffure, mais j’ai déjà peine à me plaire chez les barbiers et les masseurs. Rien de plus grossier que nos complices. Le coup d’œil oblique du patron de taverne qui me réserve le meilleur vin, et par conséquent en prive quelqu’un d’autre, suffisait déjà, aux jours de ma jeunesse, à me dégoûter des amusements de Rome. Il me déplaît qu’une créature croie pouvoir escompter mon désir, le prévoir, mécaniquement s’adapter à ce qu’elle suppose mon choix. Ce reflet imbécile et déformé de moi-même que m’offre à ces moments une cervelle humaine me ferait préférer les tristes effets de l’ascétisme. Si la légende n’exagère rien des outrances de Néron, des recherches savantes de Tibère, il a fallu à ces grands consommateurs de délice des sens bien inertes pour se mettre en frais d’un appareil si compliqué, et un singulier dédain des hommes pour souffrir ainsi qu’on se moquât ou qu’on profitât d’eux. Et cependant, si j’ai à peu près renoncé à ces formes par trop machinales du plaisir, ou ne m’y suis pas enfoncé trop avant, je le dois plutôt à ma chance qu’à une vertu incapable de résister à rien. J’y pourrais retomber en vieillissant, comme dans n’importe quelle espèce de confusion ou de fatigue. La maladie et la mort relativement prochaine me sauveront de la répétition monotone des mêmes gestes, pareille à l’ânonnement d’une leçon trop sue par cœur. De tous les bonheurs qui lentement m’abandonnent, le sommeil est l’un des plus précieux, des plus communs aussi. Un homme qui dort peu et mal, appuyé sur de nombreux coussins, médite tout à loisir sur cette particulière volupté. J’accorde que le sommeil le plus parfait reste presque nécessairement une annexe de l’amour : repos réfléchi, reflété dans deux corps. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est le mystère spécifique du sommeil goûté pour lui-même, l’inévitable plongée hasardée chaque soir par l’homme nu, seul, et désarmé, dans un océan où tout change, les couleurs, les densités, le rythme même du souffle, et où nous rencontrons les morts. Ce qui nous rassure du sommeil, c’est qu’on en sort, et qu’on en sort inchangé, puisqu’une interdiction bizarre nous empêche de rapporter avec nous l’exact résidu de nos songes. Ce qui nous rassure aussi, c’est qu’il guérit de la fatigue, mais il nous en guérit, temporairement, par le plus radical des procédés, en s’arrangeant pour que nous ne soyons plus. Là, comme ailleurs, le plaisir et l’art consistent à s’abandonner consciemment à cette bienheureuse inconscience, à accepter d’être subtilement plus faible, plus lourd, plus léger, et plus confus que soi. Je reviendrai plus tard sur le peuple étonnant des songes. Je préfère parler de certaines expériences de sommeil pur, de pur réveil, qui confinent à la mort et à la résurrection. Je tâche de ressaisir la précise sensation de tels sommeils foudroyants de l’adolescence, où l’on s’endormait sur ses livres, tout habillé, transporté d’un seul coup hors de la mathématique et du droit à l’intérieur d’un sommeil solide et plein, si rempli d’énergie inemployée qu’on y goûtait, pour ainsi dire, le pur sens de l’être à travers les paupières fermées. J’évoque les brusques sommeils sur la terre nue, dans la forêt, après de fatigantes journées de chasse ; l’aboi des chiens m’éveillait, ou leurs pattes dressées sur ma poitrine. Si totale était l’éclipse, que j’aurais pu chaque fois me retrouver autre, et je m’étonnais, ou parfois m’attristais, du strict agencement qui me ramenait de si loin dans cet étroit canton d’humanité qu’est moi-même. Qu’étaient ces particularités auxquelles nous tenons le plus, puisqu’elles comptaient si peu pour le libre dormeur, et que, pour une seconde, avant de rentrer à regret dans la peau d’Hadrien, je parvenais à savourer à peu près consciemment cet homme vide, cette existence sans passé ? D’autre part, la maladie, l’âge, ont aussi leurs prodiges, et reçoivent du sommeil d’autres formes de bénédiction. Il y a environ un an, après une journée singulièrement accablante, à Rome, j’ai connu un de ces répits où l’épuisement des forces opérait les mêmes miracles, ou plutôt d’autres miracles, que les réserves inépuisées d’autrefois. Je ne vais plus que rarement en ville ; je tâche d’y accomplir le plus possible. La journée avait été désagréablement encombrée : une séance au Sénat avait été suivie par une séance au tribunal, et par une discussion interminable avec l’un des questeurs ; puis, par une cérémonie religieuse qu’on ne peut abréger, et sur laquelle la pluie tombait. J’avais moi-même rapproché, collé ensemble toutes ces activités différentes, pour laisser le moins de temps possible, entre elles, aux importunités et aux flatteries

Fils de …

Extrait du Monde daté du 22 février

Soit ils sont d’accord pour rigoler dans la recré, sans dommages, soit on commence à avoir peur pour nos enfants devant des trublions, les 3 en campagne.

Biden à donc traité Poutine de “son of bitch” (fils de pute) et ” salaud cinglé”.

Poutine, lui, envoie le signal et pérore aux commandes d’un bombardier Tupolev nucléaire dernier cri…

Et Macron,dernier petit scout en guerre, change lui aussi de posture pour se caler dans l’insulte et l’embrassade ukrainienne assez chère. Insultant aussi Poutine.

Il faut siffler la fin.

Qui pour le faire ?

Sûrement pas les journalistes qui s’en donnent à cœur joie et attisent les braises,  sous prétexte de morale, relative pour d’autres pays.

Il devient évident que ces dirigeants finiront par se déséquilibrer dans leur jeux, leurs joutes. Et tomberont de haut sur nous tous.

Makogonov

LCI, La chaine d’information du groupe TF1 est assez remarquable par la qualité de ses animateurs et de ses émissions. Elle est devenue, en réalité une chaine se concentrant, assez obsessionnellement sur la géopolitique et devrait changer de nom.

Lorsque l’on atterrit sur la chaine, il est très rare de ne pas tomber sur un débat, un sujet sur l’Ukraine et la Russie. Et, évidemment, en ce moment sur Navalny, opposant russe, mort dans une colonie pénitentiaire après avoir été condamné à 19 ans de prison pour délit de contestation et d’opinion.

Évidemment, sa ligne éditoriale est assurément européenne, antirusse, ce qui, en soi, n’est pas choquant en Europe occidentale mais qui peut inquiéter tant la critique confine quelquefois à l’éructation et la compulsion.

Puis, on l’avoue, on est assez dubitatif sur les reportages et les images qui nous sont données en boucle sur les centaines, peut-être les dizaines de manifestants qui viennent poser des fleurs en l’hommage de Navalny ou qui par milliers ici peuvent manifester contre la guerre en Ukraine. On n’est pas certain de l’image. Et la chose est plus complexe, s’agissant d’opposition en Russie. Justement, du fait du régime.

Par ailleurs, on l’a écrit dans un autre billet, l’invasion russe est inacceptable mais ce n’est pas une raison pour en faire un Sarajevo, déclencheur de guerre et génératrice de période de peur potentiellement nucléaire. La raison doit être convoquée.

Ce soir, très attentivement, j’ai regardé l’émission « un œil sur le monde » animée par Amélie Carrouër, excellente, dont on ne possède pas les mots pour vanter l’intelligence et la justesse d’analyse.

Elle recevait Alexander Makogonov, jeune diplomate, porte-parole de l’Ambassade russe à Paris. Il était bien sûr question de l’Ukraine et de Navalny.

Elle était dans une pugnacité rare, sans lâcher le morceau, comme on disait, mais dans la maitrise certaine du sujet.

On est assez fier de l’existence de telles journalistes qui nous réconcilie avec l’intelligence.

Mais, on l’avoue, ce diplomate russe, Alexander Bakogonov donc, qui aurait pu s’énerver, a répondu en provoquant l’admiration. Poussé dans ses retranchements, il ne s’est jamais enterré. Et pourtant défendre la Russie contre mille articles par jour qui l’assassinent, est assez difficile.

On ne peut que rendre hommage à sa résistance et son talent. On ne veut entrer dans le fond des débats ici. Juste souligner les talents. De tous bords.

Alexander Makogonov

La création dans la cabale. Cercle et droite, par Manitou (Leon Ashkenazi)

Léon Ashkénaze, dit Manitou,

Léon Ashkenazi (Manitou) dans sa dernière apparition. Conférence féerique sur la notion de création dans la Cabale. Pas de difficulté si on plonge, décomplexé. C’est ce qu’on disait à nos enfants. Le lecteur de la prétendue difficulté est comme un enfant, fort de sa force. Rien n’est difficile si on aborde, naïf et confiant. On peut relire ou, mieux passer lorsqu’on ne comprend pas. On atterrit toujours, le penseur ou le narrateur ayant besoin lui-même de se comprendre et, des lors, donne et redonne jusqu’au mot juste qui éclaire le sujet. Je le dis toujours : plus le texte est difficile, plus l’écrivant tente de le comprendre lui-même et dans la répétition arrive à le clarifier

Je donne donc le texte de la conférence qui m’a été réclamée “lisible”, alors qu’elle est disponible facilement en ligne, notamment sur le site d’AKadem ou Toutmanitou, qu’il suffit de bien formater. En réalité, la fainéantise, camouflée derrière une nullité numérique a beau jeu pour me contraindre à envoyer.

Je ne livre pas mon commentaire, inutile. Je l’insérerai un jour de bonne humeur, quand je serai persuadé qu’on peut en retenir un mot.

Bonne plongée !

PS. On retiendra autre chose, dans la lecture assidue, que le trait d’humour final selon lequel “Les Juifs ce n’est pas tellement des hommes qui croient en Dieu, mais des hommes en qui Dieu a cru

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Les joues roses de Fragonard

L’érotisme qui se dégage des tableaux de femmes de Fragonard passe, assurément par la nonchalance du sujet ou son œil espiègle, la femme absolument sûre du moment futur qui ne peut être que désir, toujours conforté par des joues roses qui n’attendent que rougir.

Jeune fille lisant. Fragonard. 1769. Ferait partie des “tableaux fantastiques”, comme le précédent, représentant des membres de proches de Fragonard habillées somptueusement, tableau prétendument peint en une heure…

Lettres d’amour. Fragonard .

Frans Hals, le génie,  le portraitiste inventeur du coup de pinceau moderne.

Un week-end à Amsterdam. L’expo du peintre Franz Hals  nous y convie Partants ?Au Rijksmuseum. Rdv vous en bas de chez moi.

Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.

CI-DESSOUS 2 TABLEAUX CÉLÈBRES,  UNE PRÉSENTATION DU PEINTRE PAR FRANCE 4, LE PAPIER DU FIGARO SUR L’EXPO

Le Cavalier riant

Présentation

Exposition à Asterdam. Texte du Figaro date du 19 février

Frans Hals, ivresse et autorité de la peinture

Après Rembrandt et Vermeer, le Rijksmuseum, à Amsterdam, rend hommage au maître portraitiste de Haarlem, roi des banquets bien arrosés et serviteur des guildes commerçantes du Siècle d’or. Un régal.

ERIC BIÉTRY-RIVIERRE

À votre santé ! Nous lancent, le verre tendu, les modèles du Joyeux Buveur, de l’Enfant rieur ou du Joyeux Joueur de Luth, de Frans Hals (vers 1583-1666). Ce maître portraitiste du Siècle d’or hollandais, né à Anvers, mais qui a vécu et travaillé à Haarlem, a les honneurs du Rijksmuseum, à Amsterdam, après avoir triomphé à la National Gallery, à Londres (plus de 92 000 visiteurs payants en moins de quatre mois) et avant la Gemäldegalerie, à Berlin.

Sa société de bons vivants, joues rubicondes, yeux allumés et sourires qui vont parfois jusqu’au rire, fait plaisir à voir. Haarlem, par la rivière Spaarne, est connectée à la mer du Nord. Elle fut donc dès l’origine une cité d’armateurs, de manufacturiers du textile, de commerçants au long cours… et de brasseurs (150 au Moyen Âge, 50 dans la première moitié du XVIIe siècle). D’où, aux murs du Rijksmuseum, ces petits pêcheurs et ces gros buveurs, ces chopes, verres ou flûtes, ces satins et ces damas. Mais aussi, dans ce parcours qui rassemble la cinquantaine de portraits jugés les plus vivants parmi les 200 certifiés du maître, mêlés à ces types fantaisistes de bambocheurs, d’autres portraits, de groupes ou individuels, qui présentent ceux-là, parfois avec les mêmes traits, des notables affichant leur puissance et leur sérieux.

Ces hommes et ces femmes qui transformaient la jeune République néerlandaise en une puissance mondiale savaient donc se détendre entre deux coups boursiers, expéditions hasardeuses ou grands travaux sur les polders. En dépit de ce que connotent leurs austères habits noirs, le travail n’excluait pas les plaisirs sensuels. Certains jeunes couples figurés ensemble dans quelque cadre champêtre (tels Abrahamsz et la bien nommée Beatrix Massa) ont des attitudes si naturelles, expriment un tel contentement, qu’un Van Gogh trouvait qu’ils avaient l’air d’avoir été peints « après leur première nuit de mariage ».

Ce qui est sûr, c’est que d’heureuses retrouvailles se fêtent ici : venu du Los Angeles County Museum of Art, Pieter Tjarck tient nonchalamment la rose destinée à sa fraîche épouse, Maria Larp (autre effigie venue de Londres celle-là). Est également présent le Portrait d’un homme tenant un crâne (Birmingham) installé en pendant de celui de sa femme (collection du duc de Devonshire à Chatsworth House) ; une analyse récente ayant prouvé qu’il s’agissait à l’origine de panneaux assortis.

Voilà donc, côté hommes, une ribambelle de fières moustaches hérissées sous chapeaux en poil de castor (un produit venu de la rivière Hudson, embarqué depuis New York et ses quais de Harlem). Et, côté dames, tant chez les jeunes que pour les matrones, des bonnets de fines dentelles surmontant les omniprésentes fraises amidonnées et les mêmes étoffes de satin impeccablement repassées. Au reste, que de coquetteries sourdent de cette mode du noir confisquée à l’ennemi espagnol ! Un Manet, époustouflé, comptait vingt-quatre nuances dans les tableaux, tel le Portrait de Michiel de Wael (Cincinnati), modèle du genre.

Manet n’était pas le premier à tenir Hals dans la même estime que celle d’un Vélasquez, à reprendre son coup de pinceau très libre et ses arrière-plans indéfinis gris ou blonds. Courbet, par exemple, a aimé cette vérité tant formelle que psychologique, et pareillement la vivacité des portraits de groupes. Ces qualités infuseront jusque dans son célèbre Enterrement à Ornans (Musée d’Orsay). Comme son ami Whistler et, par la suite, le portraitiste mondain américano-européen Sargent, le Belge Ensor ou l’Allemand Liebermann, nombre d’autres peintres, qu’ils aient été impressionnistes ou expressionnistes, ont rendu grâce à celui qu’ils considéraient comme leur aîné en modernité. Ce génie nordique avait été redécouvert dans les années 1850-1860 par celui qui a également tiré Vermeer de l’oubli : Théophile Thoré-Bürger.

Attrait pour le peuple 

Ce critique était un militant républicain. S’il chérissait la Hollande, c’est parce qu’elle « avait eu le courage de secouer tout joug religieux et politique, se sentant plus à l’aise qu’aucun autre peuple ». En conséquence, selon cet intellectuel, elle avait enfanté l’école de peinture « la plus libérée, la plus originale, la plus variée, la plus révolutionnaire, la plus naturelle et la plus humaine à la fois ». Et elle était encore définie comme « la plus dégagée du passé, qui adhère le plus à la nature, et qui par là signale le mieux une des tendances de l’art à venir »(Salon de 1861. De l’avenir de l’art).

Ainsi les modernes allaient s’abreuver à cette source. Pour Van Gogh, qui a littéralement aspiré la tonalité jaune du Joyeux Buveur et appréciait la fibre sociale de Hals, ce dernier « vaut autant que les Michel-Ange, les Raphaël et même les Grecs ». Au Rijksmuseum, devant le porte-étendard, flamboyant milicien se pavanant à l’extrême gauche de la Compagnie de milice du district XI, tout de soie nacrée sur fond de drapeau orange, il s’était arrêté longtemps : « J’ai rarement vu une figure plus divinement belle – c’est quelque chose de merveilleux. »

Pour sa part, Courbet s’était focalisé sur le portrait d’une servante édentée, simple d’esprit affublée d’une chouette et d’une cruche en étain symboles de dérèglement de tous les sens. Il a même copié avec application cette Malle Babbe, bougresse dionysiaque et populaire, qui survit toujours à Haarlem, à travers une chanson à boire régulièrement entonnée dans les estaminets. L’attrait de Hals pour le peuple se lit enfin dans le Portrait de Catharina Hooft, un bébé de bonne famille tenu par une nourrice, qui a été traitée avec autant de soin. Ou encore dans Famille dans un paysage (Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid), au milieu de laquelle un esclavon africain se demande ce qu’il fait là.

Célébré de son vivant, oublié après la défaite des Provinces-Unies envahie par les armées de Louis XIV, redécouvert par Thoré, Hals a été, à la fin du XIXe siècle, porté aux nues par les grands collectionneurs. En Angleterre, par exemple, le marquis de Hertford a accepté de payer dix fois le prix demandé pour le Cavalier riant (51 000 francs de l’époque, soit une somme astronomique, égale à la cote de Rembrandt). Depuis 1900, ce tableau est la joconde de la Wallace Collection, à Londres. Jusqu’alors il n’avait jamais quitté Manchester Square. « Par la suite, la renommée de Hals s’est estompée, sa liberté de pinceau, la vérité et la simplicité émanant de ses visages étant devenues choses communes en peinture », explique Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum.

L’actuelle réévaluation souligne la maestria d’une main qui, dans une lumière souvent blonde, sait jouer, selon les besoins ou la volonté du commanditaire, de la finesse comme de la rugosité, paraître lente ou rapide, se faire invisible, léchée, d’une précision quasi photographique, ou au contraire demeurer marquée telle une signature (une Berthe Morisot a poussé cette manière preste).

Sentiment de vie 

Techniquement, Hals peignait alla prima, humide sur humide, avec cette fausse spontanéité caractéristique du virtuose accompli. On ne lui connaît strictement aucun dessin. Dès lors, vues de près ou dans les agrandissements de détails qui décorent certaines parois du parcours, ses compositions forment d’audacieux croisillons et zigzags de couleurs jetées. Ce style renforce le sentiment de vie. On admire particulièrement ces stries dans les cols blancs ou ces poignets d’où jaillit une main inachevée, ce qui rend son mouvement encore plus rapide et naturel. Quant aux carnations, ce sont celles de la vie au grand air, de la bonne chère et du houblon fermenté. Des cheveux d’or sont parfois ébouriffés par un vent du large ou le banquet en cours. Dans son portrait, Isaac Abrahamsz Massa, marchand de soie en Russie, comme le suggère une fenêtre ouverte sur une forêt de conifères, nous regarde par-dessus le dossier de sa chaise. C’était en 1626, mais il vient à peine de se retourner. Le procédé est une nouveauté.

À votre santé ? Mais le verre a été si promptement vidé qu’il faut le déjà remplir, l’ordonne, au centre d’un ballet de regards, de mains et de gestes, sous les chapeaux, fraises et torses uniformément barrés d’une écharpe orange, le capitaine Michiel de Wael. Ce brasseur, membre d’une confrérie des brasseurs, tourne son verre à l’envers et nous interpelle. À table !, entend-on encore. Car, juste derrière lui, un de ses lieutenants presse un citron au-dessus d’un plat d’huîtres. Pour la musique, la compagnie peut compter sur quelque bouffon, tel l’insolent Joueur de luth, et pour la bagatelle sur La Bohémienne, deux merveilles de joie et de tendresse venues du Louvre.

« Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.

Haarlem, cette bonbonnière XVIIe, n’est située qu’à une trentaine de kilomètres d’Amsterdam. Son riche Musée Frans Hals, plus ancienne collection publique des Pays-Bas, a prêté par dérogation exceptionnelle de la municipalité quatre de ses grands formats. Mais il lui en reste encore plusieurs, dont un portrait de groupe avec autoportrait. En tout, on y admire actuellement encore dix-sept Frans Hals. Un crochet s’impose donc, d’autant que cette ville infiniment moins fréquentée est tout aussi jolie que la capitale, sa grande rivale. On peut également, dans le chœur dans son église centrale, Saint-Bavon, se recueillir sur la tombe du peintre.

Quelques grands “Apostrophes” (ou “bouillon de culture”)

Kundera, Kafka, Orwell

SANS COMMENTAIRE, ECOUTEZ, REGARDEZ

Claude Lévi-Strauss

Le Clezio, Borgès

Brassens

Béart, Gainsbourg, le clash

Bukowski, ivre, quitte le plateau

Marguerite Yuorcenar

Raymond Aron sur Mai 68

Claude Lévi-Strauss : la définition du structuralisme

Michel Serres et René Girard, des français aux US

Arthur Miller

Simenon

Sagan, 100 ème de Bouillon de culture

GAry, Ajar, Pavlowitch

Truffault sur Anfré Bazin

3 récits à la une, l’indécence de l’Humanité.

Le titre de L’Humanité interpelle : ” des gazouis” détenus ?

On lit : il s’agit de 3 gazaouis emprisonnés et relâchés après 15, 45 ou 6 jours qui n’auraient pas été bien traités mais libres, qui témoignent, sans preuves,  3 journalistes palestiniens recueillant leur propos.

La Une et l’article sont indécents.  L’Humanité devient un journal indécent. C’est sa liberté. Sauf qu’elle attise, insidieusement, les haines.

Les 3 gazaouis sont libres et vivants. Ce n’est pas le cas des 1234  assassinés le 7 octobre et des 136 otages qui ne peuvent “raconter leur enfer”…

la raison perdue de l’Occident

Il ne s’agit pas, ici, de clamer, dans la mouvance de Vian ou Brassens, l’horreur de la guerre. Ces mots, adolescents, presque primaires, sont trop faciles, inutiles.

Cependant, les discours d’Emmanuel Macron, de Joe Biden, des petites élites européennes, les va-t-en guerre de service, confortés par la ligne éditoriale des chaines d’informations, dont LCI, la meilleure d’entre toutes, font peur.

Tout se passe comme si, en attendant la guerre totale, on alimente sa survenance rapide.

Nul ne peut nier l’ignominie, l’inacceptabilité de l’invasion russe, le retour au stalinisme de la Russie, dominée par un homme dangereux.

Cependant, n’existe-t-il pas d’autre solution que la hargne verbale, même justifiée, à l’égard d’un homme atteint par la déraison et un pays qui cherche sa fierté ?

D’où parle donc l’Occident qui se doit d’enlacer, pour l’avoir inventée, la raison, contre ceux qui la malmènent ?

En 1914 à Sarajevo, un jeune nationaliste serbe de Bosnie assassinait François-Ferdinand d’Autriche, ce qui provoquait la Première Guerre mondiale.

L’Ukraine ne doit pas devenir Sarajevo, même s’il faut trouver les moyens de rétablir sa souveraineté. Je ne sais comment, persuadé que des milliards d’euros ou de dollars ne peuvent y contribuer. La Russie ne peut perdre cette guerre et si elle la perdait, la furie se retournerait,  fatale, contre le monde global.

L’Europe, au sortir de la schizoidie hitlérienne, s’est construite contre tous, dans la rationalité, contre la guerre de ses peuples.

On ne combat pas la folie par la violence des mots, par des actes qui entrent dans sa logique. On sait qu’elle n’attend que ça, cette folie, pour devenir encore plus folle.

Il doit y avoir, certainement, autre chose à tenter dans le champ de la raison. Certainement. Je ne sais quoi, mais j’en suis persuadé.

J’y reviendrai.

Ces paroles et ces milliards sonnent faux.

Il ne faut pas nous placer dans la défaite. Mais celle de la raison est inconcevable.

l’enchanteur, télefilm, dommage pour Gary, dommage pour Pavlowitch

Mon admiration pour Romain Gary et, justement, son dernier tour, ont amené des proches, persuadés, à juste titre, que je ne savais pas, tant je ne regarde jamais les programmes de France TV, qu’un téléfilm romancé de France 2 avait été consacré à l’épisode Emile Ajar, le pseudo, dans la vie de Romain Gary.

Il s’agit de « L’enchanteur » (titre tiré évidemment, grand coup de génie des scénaristes, dont l’on verra qu’ils sont deux, du roman de Gary “Les enchanteurs”)

Un clic sur l’image pour voir la bande annonce de ce téléfilm de France 2 sur l’affaire Gary-Ajar

Pour voir l’oeuvre, Il a fallu que je m’inscrive à « France-TV » pour le « replay ».

La présentation de France 2 Réalisé par Philippe Lefebvre, coécrit par les romanciers Maria Pourchet et François-Henri Désérable, L’Enchanteur revisite avec légèreté l’histoire d’une fameuse supercherie littéraire sous la forme d’un plaidoyer en faveur de la fiction mêlant réalité et invention. Avec Charles Berling, Claire de La Rüe du Can (de la Comédie-Française) et Pierre Perrier, lundi 12 février à 21.10 sur France 2.)

J’avoue, très sincèrement , que je me demande ce qui pousse les réalisateurs de téléfilms français à rechercher à tout prix comment on peut atteindre la médiocrité et les acteurs français à trouver le mauvais ton et la fausse posture.

Il est dommage que la platitude se soit emparé de cet évènement dans la littérature française. Dommage pour Gary qui doit se retourner dans sa carlingue. Je ne veux insister. Trop facile de démolir l’insignifiance.Il a donc fallu deux plumes (“des romanciers”) pour “co-écrire ce scénario qui frise le ridicule télévisuel. Les mots dans la bouche de Charles Berling, pas un grand acteur sonnent tellement faux. On se croirait, un peu gênés dans la salle, dans une mauvaise pièce de théâtre. La jeune femme, l’étudiante, une actrice qui nous vient de la Comédie française, Claire de La Rüe du Can sauve du grand désastre.

UN CLIC SUR LA CAPTURE D’IMAGE CI-DESSOUS POUR VOIR CE TELEFILM. IL FAUT CREER UN COMPTE, EN 3 SECONDES POUR LE REPLAY FRANCE TV.

PS1. Je donne un lien pour lire l’histoire GARY/AJAR, par un article sérieux : ICI

PS2. Je colle un autre lien pour un Apostrophes d’anthologie avec Paul Pavlovitch, le neveu qui a contribué à la supercherie pour prétendre, sur demande de Gary qu’il était Ajar. Paul Pavlowitch est un homme absolument de qualité, d’une intelligence exceptionnelle, le mot juste, choisi, clairvoyant dans cette folie. J’avais écrit il y a plus de 20 ans un billet ou peut-être un e-mail adressé en masse, intitulé “Pavlowitch méritait d’être Ajar” que je ne retrouve plus. Je surfais entre fiction et faits connus, en me promettant de réécrire “Pseudo” (pas eu le temps ou le talent), le méchant livre (“Pseudo”) écrit par Gary (dénommé dans le bouquin “Tonton Macoute”) sous le pseudo d’Emile Ajar. Il démolissait son neveu (en réalité fils dune cousine germaine); Pavlowitch a, évidemment, commencé à le détester, tout en l’aimant. Dans ces histoires les contraires voguent dans les cieux noirs pour chercher du bleu. Classique. Regardez et écoutez cet Apostrophes passionnant (clic sur Bernard Pivot). Michel Tournier y participe intelligemment. Regardez, sans bouger de votre fauteuil. Un moment d’intelligence. Pavlowitch a publié en 2023 ses mémoires. Je mets un autre PS plus bas.

PS 3 Je colle l‘extrait des “Enchanteurs” que Bernard Pivot lit en fin d’émission :

“Je n’existe, ami lecteur que pour ta délectation et tout le reste n’est que tricherie, c’est-à-dire malheur des hommes. Assis au coin du feu, rue du Bac, mais brisé et moqué en raison de mon dévouement absolu à mon métier d’enchanteur si démodé aujourd’hui, le cahier sur mes genoux avec mon vieux bonnet voltairien que j’ai gardé contre vents et marées au fil des siècles, me grattant le bout du nez d’un air usé l’air de Renato Zaga faisant les poches de ma vie et de mes peines afin de ne rien laisser échapper qui pourrait enrichir ma narration. Tout le reste est histoire et j’y prête l’oreille de mon mieux.  Et qu’il y a peut-être, là aussi, quelque chose à prendre”.

PS 4 : ON PEUT OUVRIR ET TOUT CONNAiTRE DE L’HISTOIRE PAR CETTE PRESENTATION DU LIVRE “PSEUDO” PAR L’EDITEUR MERCURE DE FRANCE, FILIALE DE GALLIMARD) QUE JE DONNE SOUS FORMAT PDF. UN TEXTE EXTRAORDINAIRE DE MIREILLE SACOTTE, “spécialiste de Jean Giono, Romain Gary, Saint-John Perse mais aussi de la poésie des XIXe et XXe siècles, des romans des XIXe et XXe siècles et de la francophonie antillaise. Elle a dirigé l’édition des œuvres de Romain Gary à la Pléiade“. ON PEUT TELECHARGER LE DOC.

PS 5. JE COLLE UN LIEN QUI ATTERRIT SUR LE BILLET QUE J’AI ECRIT SUR GARY IL Y A LONGTEMPS

Pseudo

Delphine Horvilleur, rabbine a écrit un bouquin intitulé lourdement “il n’y a pas de Ajar” en s’appuyant sur la supercherie AJar pour asséner quelques billevesées.J’avais à sa sortie écrit un long billet. On peut s’abstenir de le lire :

le dérapage d’Horvilleur

PS 6. PAUL PAVLOWITCH A PUBLIE EN 2023 SES MEMOIRES : TOUS IMMORTELS”. Ed Buchet-Chastel. Pas lu. Il règle ses comptes, parait-il. Il écrit d’emblée : «Après les aventures d’Emile Ajar, plus de quarante années se sont écoulées durant lesquelles j’ai dû vivre. Avec le temps, on aurait pu penser se calmer, être tiré d’affaire. Pas du tout. C’est que depuis j’ai dérouillé. Et je pérore nettement moins.» Et ajoute : «La mort est ma voisine.»

JE DONNE UNE DES DERNIERS ENTRETIENS (FRANCE CULTURE° DE PAUL PAVLOVITCH, DESORMAIS ASSEZ VIEUX “LA MORT EST MA VOISINE” DIT_IL)

PS 7. Je donne encore, deux vidéos (sur 4), GARY, désormais vieux, qui se confie, sur CBC Radio Canada. On peut trouver les deux autres sur Youtube. On peut écouter un véritable “Tonton Macoute”, pas toujours sympathique. Mais comme on l’écrivait dans nos copies du BEPC, il faut distinguer l’artiste de l’oeuvre…

PS 7. Lettre de suicide de Romain Gary

30 août 1979

Pour la presse. Jour J. Aucun rapport avec Jean Seberg. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs.

On peut mettre cela évidemment sur le compte d’une dépression nerveuse. Mais alors il faut admettre que celle-ci dure depuis que j’ai l’âge d’homme et m’aura permis de mener à bien mon œuvre littéraire. Alors, pourquoi? Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique, La nuit sera calme, et dans les derniers mots de mon dernier roman: “Car on ne saurait mieux dire”.

Je me suis enfin exprimé entièrement.

                                          Photo du Net

PS 8. “VIE ET MORT D’EMILE AJAR” EST LE COURT TEXTE ECRIT PAR GARY POUR ETRE PUBLIE APRES SA MORT. Un récit qui se termine par ces motsJe me suis bien amusé. Au revoir et merci. »

Extrait.

« J’écris ces lignes à un moment où le monde, tel qu’il tourne en ce dernier quart de siècle, pose à un écrivain, avec de plus en plus d’évidence, une question mortelle pour toutes les formes d’expression artistique : celle de la futilité. De ce que la littérature se crut et se voulut être pendant si longtemps – une contribution à l’épanouissement de l’homme et à son progrès – il ne reste même plus l’illusion lyrique. J’ai donc pleinement conscience que ces pages paraîtront sans doute dérisoires au moment de leur publication, car, que je le veuille ou non, puisque je m’explique ici devant la postérité, je présume forcément que celle-ci accordera encore quelque importance à mes œuvres et, parmi celles-ci, aux quatre romans que j’ai écrits sous le pseudonyme d’Émile Ajar. »

Romain Gary et Jean Seberg

PS 8. ROMAIN GARY DANS LA PLÉIADE

24 mai 2019, par Christine Bini (LA REGLE DU JEU)

Rarement une publication en Pléiade aura suscité un tel engouement. Critique des deux volumes qui concentrent l’essentiel de l’œuvre de l’auteur.

Romain Gary. (C) Gallimard.
Romain Gary. (C) Gallimard.

Rarement une publication en Pléiade aura suscité un tel engouement, et une telle émotion. Pas seulement parmi les professionnels de la profession littéraire, mais aussi parmi les lecteurs. Romain Gary, décidément, tient une place à part dans le paysage des Lettres françaises. Lui, le si multiple, semble unique. Lui, le Juif non revendiqué, le Lituanien niçois, naturalisé français à 21 ans, le Compagnon de la Libération, le diplomate, le fils de Mina et l’époux de Leslie, puis de Jean, l’écrivain aux pseudonymes – ou plutôt hétéronymes – qui sous quelque nom que ce soit poursuivait sa quête d’humanisation de l’humain et de féminisation de la civilisation, n’a jamais quitté nos consciences, ni nos cœurs. Et dans ce «cœur», il faut lire la fraternité. On ne peut que fraterniser avec Romain Gary.

Les romans et récits des deux volumes en Pléiade proposent un choix, parmi l’œuvre complète. Un choix qui écarte les romans Les Clowns lyriques et Charge d’âme, le recueil de nouvelles où l’on trouve Les Oiseaux se cachent pour mourir, le quatrième roman publié sous le nom d’Emile Ajar intitulé L’Angoisse du roi Salomon, et l’essai Pour Sganarelle, par exemple. Mais un choix cohérent, qui va d’Education européenne aux Cerfs-volants, deux romans qui se répondent à leur façon – le premier et le dernier publiés, nés d’un même souffle, à des années de distance, en mémoire immédiate et en hypermnésie de la deuxième guerre mondiale. Romain Gary, qui aura traversé une bonne partie du XXème siècle, a puisé dans son époque toute la force de son écriture : c’est bien ce XXème siècle, celui d’Auschwitz, de la guerre du Vietnam, des ghettos et de la ségrégation, qu’il nous conte et nous montre. A partir de l’observation brute et de la réflexion humaniste, il transforme le monde en fictions frôlant l’expressionisme – s’y plongeant même tout à fait, comme dans La Danse de Gengis Cohn –, et nous bouleverse. Rien n’a jamais été écrit d’aussi vrai sur la solitude et le besoin d’amour, que Gros-Câlin. Le premier roman signé Emile Ajar est déjà tout entier dans Tulipe, ce texte de 1946 qui signe, dès les débuts, la rupture, le malentendu, entre Gary et la critique. En 1945, Education européenne est unanimement salué, et lu comme le premier roman français sur la Résistance. En 1946, ça commence déjà à se gâter. Il faudra attendre 1956, et le Goncourt des Racines du ciel, pour que Gary soit à nouveau salué. Salué, comme pour Education européenne, pour une «première» dans l’univers romanesque : Les Racines du ciel est considéré comme le premier roman écologiste.

Les éléphants en voie de disparition des Racines du ciel, le python enveloppant – et les souris blanches à sauver – de Gros-Câlin, les chiens rééducables – Chien blanc – sont une manière de tordre la focale et de nous ré-humaniser. Gary n’a eu de cesse, dans ses livres, et dans ses entretiens, de recentrer la question humaine sur la faiblesse à célébrer. Il se situait, résolument, du côté féminin, sans aucune trace de machisme. Le féminin dans l’homme, et dans l’Homme, tout ce que l’on considère à tort comme infiniment méprisable – les larmes, la tendresse, par exemple – était pour lui le seul objectif salvateur. Chez Gary, dans les livres de Gary, il n’est question, au fond, que de terrasser le nazisme et le fascisme, deux idéologies éminemment masculines et masculinistes.

Luttant contre toutes les idéologies – dont il pensait qu’elles étaient l’aboutissement dévié et inéluctable de l’idéalisme – il a conçu dès les débuts une œuvre qui prend racine dans la fiction picaresque. Et de son amour de la fiction est née, sans doute, la nécessité des hétéronymes. La vie de Gary est fiction, aussi, depuis les débuts. Ne s’est-il pas inventé un père ? Un père imaginaire, comédien, qui aurait déposé en lui les gènes d’une certaine tendance à jouer plusieurs personnages, sous différents noms, et parfois en même temps, comme aux derniers temps de sa vie, quand Gary et Ajar publiaient en même temps des romans sous deux noms différents ? Quand il rédigeait Pseudo alors que L’Angoisse du roi Salomon était déjà écrit, pour couper court à une révélation qui l’aurait terrassé, et dont il ne maîtrisait plus grand-chose ?

Ce «Je me suis bien amusé, au revoir et merci», qui clôt Vie et mort d’Emile Ajar ne sonne pas que comme un éclat de rire. Il n’est même pas la conclusion d’une œuvre, qui continue de fasciner. De réjouir. Voilà un écrivain – un combattant, un consul, un époux, un père, un fils, un cinéaste, mais enfin, quoi, vraiment, un écrivain – qui a bâti sa propre légende de son vivant, mais qui nous a donné toutes les clés d’entrée de cette légende-là. Gary ? L’humain, avant tout, envers et contre tout. Et l’écrivain humain, maniant au moins trois langues, écrivant en anglais des romans qu’il allait traduire lui-même en français, sous pseudo de traducteur… Borges n’y retrouverait pas ses petits. La pierre de touche d’un écrivain, c’est sa phrase. Au-delà du propos, la langue est l’essentiel. Gary ne portait pas de masques, le Carnaval – cette inversion des valeurs – n’entrait pas dans son idiosyncrasie, même s’il avait passé des années à Nice. La langue d’écrivain de Romain Gary, quel que soit l’idiome choisi, est universellement compréhensible. On en tiendra pour preuve l’attitude de Lenny, le héros de Adieu Gary Cooper, qui s’en va vivre en Suisse, «à deux mille mètres au-dessus de la merde.»

Ces deux volumes et cet album Pléiade concentrent l’essentiel de l’œuvre : ce qui sauvera le monde, c’est l’amour défait de ses affèteries et de ses mensonges, le vrai amour, le bel amour. Celui qui rend les hommes frères et sœurs. Celui qui sait prendre à rebours et dépasser les attendus guerriers, dans la guerre comme dans la vie. Ce sont Clair de femme et Chien blanc, peut-être, qui embrassent au plus près ce motif. On saluera, dans cette édition, les notices d’introduction aux différents romans – et notamment la notice introductive de La Danse de Gengis Cohn, ce texte extraordinaire et déstabilisant –, la présentation générale de Mireille Sacotte, et le travail de Maxime Decourt pour l’album, qui a su contextualiser sans digression la vie de Roman Kacew, et l’œuvre de Gary et de ses hétéronymes.


Romain Gary, Romans et récits, tome I (Education européenne, Les Racines du ciel, La Promesse de l’aube, Lady L., La Danse de Gengis Cohn), tome II (Adieu Gary Cooper, Chien blanc, Les Enchanteurs, Gros-Câlin, La Vie devant soi, Pseudo, Clair de femme, Les Cerfs-volants, Vie et mort d’Emile Ajar), sous la direction de Mireille Sacotte et Album Romain Gary, Maxime Decourt, éditions La Pléiade, Gallimard, 16 mai 2019.

La femme sans qualités ou la dangérosité de l’exception

Judith  Godrèche

Il ne s’agit pas ici du statut de la femme, une telle interprétation du titre étant de nature à laisser accroire que le rédacteur du billet fait preuve d’un sexisme affreux.

Non, il,s’agit, dans une mouvance contraire au machisme, de dire ce qu’est une émancipation tant sur le plan juridique qu’affectif.

Le papier de Peggy Sastre, excellente éditorialiste sur l’affaire Godreche-Jacquot, dans Le Point de cette semaine est d’une justesse telle qu’on ne peut s’empêcher de le reproduire. Copyright Le Point,

ÉDITORIAL PEGGY SASTRE, LE POINT

Pourquoi (et de quoi) s’émanciper

La plainte de Judith Godrèche contre Benoît Jacquot vient rappeler qu’accéder à la liberté n’est pas sans risques.

Par Peggy Sastre

«L’émancipation est l’acte par lequel un mineur est juridiquement assimilé à un majeur et peut accomplir seul les actes nécessitant la majorité légale. L’émancipation produit des effets à la fois à l’égard du mineur et de ses parents. Une fois émancipé, le mineur n’est plus sous l’autorité de ses parents et a la capacité juridique. » Voici ce qu’on trouve, sur le glorieux site du service public, lorsqu’on veut savoir de quoi l’émancipation est le nom. Et, à « capacité juridique », le site fait surgir cette définition : « Aptitude d’une personne (physique ou morale) à avoir des droits et des obligations et à les exercer elle-même (exemples : droit de conclure un contrat, droit d’agir en justice). » Cette quête sémantique, je l’ai entreprise après avoir entendu l’actrice Judith Godrèche évoquer sur France Inter sa relation avec le réalisateur Benoît Jacquot, contre lequel elle avait, la veille, porté plainte pour « viols avec violences sur mineur de 15 ans ». 

Résumons. Judith Godrèche, ex-star des nineties et de son cinéma friand de femmes-enfants aussi éthérées qu’en crise (l’archétype Géraldine Bauchet-Judith Brioche-Juliette Godemiche produit par Les Inconnus dans « Les Escarres », parodie des César), revient, plus de trente ans plus tard, sur le couple qu’elle a formé, de 14 à 20 ans, avec son « Pygmalion » Jacquot, 39-45 ans à l’époque. Une relation que l’actrice, par ailleurs réalisatrice de la série autofictionnelle Icon of French Cinema, sortie en fin d’année sur Arte, qualifie désormais d’emprise criminelle, avec, donc, des faits allégués (et probablement prescrits) de graves violences sexuelles. 

Libération de la parole 

Quel rapport avec l’émancipation ? En 1989, l’année précédant son rôle dans La Désenchantée, de Jacquot, Godrèche fut émancipée. Elle avait 17 ans. Comme le rapporte Le Monde, le motif ultime de cette procédure fut surtout de permettre à Jacquot de profiter de l’argent de Godrèche (qu’elle gagnait en son nom depuis ses 8 ans et ses premiers cachets de mannequin) pour s’acheter un appartement. Un « appartement-citadelle » où, « coupée de toute vie sociale », Godrèche s’enfoncera, selon ses dires, dans une « relation de dépendance ». 

Cette notion d’émancipation, mais dans son sens plus générique, Godrèche l’évoque également à la radio. Si l’actrice a choisi de porter plainte contre Jacquot et de libérer sa parole dans les médias, c’est aussi et surtout pour « [s’]émanciper de cette relation ». Rouvrons le dictionnaire : le sens commun de l’émancipation – « action de (se) libérer, de (s’)affranchir d’un état de dépendance ; état qui en résulte » ; au figuré « action de se libérer, de se dégager d’une dépendance morale, des préjugés de son époque, etc. » – est une extension de son sens strictement juridique, qui nous vient du droit romain et des esclaves auxquels on conférait un statut d’hommes libres. 

Nous y voilà. Qui s’émancipe accède à la liberté. Avec ses droits et devoirs afférents, soit tous les avantages bureaucratiques en petits caractères que pourrait consigner un acte notarié. Mais la liberté, c’est évidemment bien plus. L’autonomie, le fait d’être pour soi-même son propre maître, ne va pas sans risques. Et accorder aux femmes les seuls droits et avantages de la liberté en voulant les protéger, comme des êtres d’exception, de ses risques et responsabilités – y compris et surtout quand il s’agit de liberté sexuelle – revient à savonner une pente extrêmement glissante. La féministe américaine Camille Paglia formulait les choses en ces termes : « Oui, il nous faut enseigner une éthique générale aux hommes et aux femmes, mais les relations sexuelles, en elles-mêmes, ne doivent pas être policées. Il n’y a que dans un régime totalitaire que le sexe, tout comme les rues des villes, ne ferait courir aucun risque. » 

Extrait de la revue Le Point daté du 15/02/2024

PEGGY SASTRE EST UNE FEMME  COURAGEUSE. LE FÉMINISME CONTEMPORAIN CANTONNE LES FEMMES DANS UNE PRÉTENDUE SUJÉTION, GÉNÉRANT UN EFFET PERVERS-INVERSE.

Une intervention de Peggy Sastre :

https://video.lefigaro.fr/figaro/video/etre-une-femme-libre-cest-aussi-accepter-les-memes-risques-que-les-hommes-estime-peggy-sastre/?utm_source=app&utm_medium=sms&utm_campaign=fr.playsoft.lefigarov3

Graphisme, Vermeer photographe

Johannes Vermeer, la ruelle. Vers 1658.

Lorsqu’il y a très longtemps, je considérais qu’il était utile et opportun de discuter de la spécificité de la photographie au regard de l’œuvre picturale et son histoire, je montrais ce tableau de Vermeer (que je viens de retrouver en ligne) en insistant sur son cadrage, résolument photographique et son thème, concentré dans un graphisme contemporain. Ce type de ruelle et de façade a souvent été capturé par les plus grands photographes. Je disais que “le graphisme fédérait l’art”; qu’il existait une concurrence entre “le dérangement” et “le graphisme” pour définir l’art, dans sa rupture moderne.

On ne discute plus de la sorte, le débat contemporain s’étant déplacé dans d’autres sphères, celles d’une des guerres locales ou de l’autre, surranée, que mènent des femmes caractérielles contre certains hommes assez peu fréquentables.

Quant aux discussions sur l’art pictural ou visuel, la photographie, l’intrusion de l’I.A qui change la donne et la croyance de la nécessité de l’intellectualité d’une image fabriquée, a bouleversé la simplicité complexe d’un petit débat. Vain et désormais inédit, son abordage dans un dîner ou devant une bière étant, immédiatement, submergé par l’affirmation inutile de l’incroyable jeunesse d’un premier ministre, la recherche des mots forts qui nous mèneraient facilement à une nouvelle guerre mondiale, heureusement évitée par la concentration des médias sur des attitudes sexuelles, des ruptures conjugales ou, mieux, cathartique à souhait, la dernière parole, décomplexée, d’un membre antisémite de LFI.

On aura pu constater que du constat évident de la modernité de Vermeer, photographique, on s’est laissé emporté vers une pseudo -réflexion. Ce qui démontre que la scène des débats est bien vide.

De Vinci dérange magnifiquement

LEONARD DE VINCI, FEMME AVEC UNE HERMINE, VERS 1489. Musée national de Krakow

Extrait de GOOGLE ARTS ET CULTURE. Le sujet du portrait est Cecilia Gallerani (vers 1473-1536), maîtresse réputée de Lodovico Sforza, duc de Milan, également connu sous le nom de « il Moro » (le Maure). L’hermine du portrait qu’il a commandé est une allusion au duc Sforza lui-même, également appelé l’hermine blanche (Ermellino Bianco). Le portrait incarne l’idée de la Renaissance d’une image comme illusion de vitalité naturelle. L’artiste y est parvenu grâce à ses connaissances en anatomie et à ses compétences en éclairage, qui lui ont permis de créer une figure humaine en trois dimensions sur le plan de l’image. Le fond d’origine, repeint en noir au XIXe siècle, a également été modelé par la lumière tout comme le personnage, ce qui a dû donner l’impression que le modèle sortait de l’ombre. Le portrait est devenu propriété de la République de Pologne en 2016.

Soit. Mais ce peintre , on  ne sait comment, nous dérange, nous emmène on  ne sait où. Dès que  nous fixons les yeux de la femme.  La Joconde est en concurrence, du même mouvement dérangeant, ce qui, en réalité définit l’art.

The National Museum in Krakow

Détails

LFI en Septembre noir.

Il faut dire.

Le 5 septembre 1972, onze athlètes israéliens sont pris en otage, pendant les JO de Munich, par un commando palestinien (se nommant « Septembre noir ») et finissent assassinés.

Le 9 février 2024, Le coordinateur politique de la France insoumise, Manuel Bompard, a défendu l’idée que les athlètes israéliens concourent sous « bannière neutre » aux Jeux Olympiques de Paris, pour sanctionner “les bombardements de l’armée israélienne contre les populations civiles au sud de Gaza”, qualifiés de “nettoyage ethnique ». Ajoutant que « s’il faut sanctionner les athlètes, puisqu’on l’a fait pour la Russie, faisons-le”, par référence à l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans.

Quand il s’agit d’Israël, LFI éructe de haine antisémite pour conforter son électorat, D’abord celui issu de l’immigration musulmane dont 43% considèrent que le Hamas est un mouvement “résistant”. Puis les autres, paradoxalement dans le même espace, antisémites, athées de gauche, dans la lignée des marxistes et socialistes millénaires, lesquels, depuis leur émergence communarde, voient, dans le juif, la Banque qui extorque les peuples.

Le juif fédère LFI.

Ainsi, dès qu’il s’agit d’athlètes israéliens, les mêmes, par automatisme, sans que l’on ne tombe dans un freudisme primaire pourtant interpellé, souhaitent une nouvelle mort de nouveaux athlètes.

Pour LFI, l’Etat d’Israël doit être effacé de la terre et l’athlète israélien doit être mort. Ou neutralisé, ce qui revient au même.

Ce parti est psychotique.

PS. Je m’étais interdit les billets politiquement violents.  Mais là, c’est trop…

MB.

pause photo ter et fin. Mapplethorpe, Dollé, “flowers”.

La foire commerciale de la Saint-Valentin étant sur le point d’ouvrir, un vieil amoureux, très simplement de son épouse rencontrée il y a 43 ans, m’a demandé de lui envoyer quelques photos de fleurs que j’avais pu prendre dans la nature ou dans mon grand jardin, qu’il avait pu apercevoir dans mes galeries en ligne.

Il voulait les envoyer, sans autre mot, à sa belle. Un vrai sentimental. Comme on les aime.

Je lui ai envoyé celles du grand photographe (très cher en dollars) Robert Mapplethorpe, de ses séries (“flowers”). Mapplethorpe n’a pas photographié que des fleurs et n’est pas mon photographe préféré, loin s’en faut. Il est connu d’abord pour ses photos qui font scandale. Ce qui n’en fait pas, malgré une exposition au Grand Palais et l’admiration des parisiens de certains quartiers, un grand photographe. On dit cependant, non sans une certaine justesse, que pour ses fleurs, il serait maitre du cadrage, de la lumière et très rigoureux. On jugera. Je suis certain néanmoins que pour une Saint -Valentin, eu égard à la sincérité du demandeur de photos, ça ira. Son épouse sera mieux lotie que s’il avait commandé du Champagne, vin mauvais et générateur de remontées gastriques acides.

Mais il n’y a pas que Mapplethorpe qui propose des fleurs photographiées. Joelle DOLLÉ aussi (joelledolle.fr) que je viens de découvrir.

Et, pour finir, d’autres, prises, il y a très longtemps, avant Mapplethorpe et Dollé.

pause photo bis. Vivian Maier bis : les  mains.

Le billet précédent était consacré à une photo de Vivian Maier. J’en profite pour coller 3 photos de cette grande photographe, qui démontrent que la photographie n’est jamais un hasard, comme le pensent les non-photographes. Même dans les postures des photographiés, il existe toujours une grammaire. Celle qui structure l’oeil qui cherche la bonne photo ou qui demande, pour l’acquérir, une pose.

Photo 1 :

Photo 2

Photo 3

pause photo. Agression ?

Tous savent mon admiration pour Vivian Maier, immense photographe. Je suis allé aujourd’hui un peu fouiner dans ses images, pour offrir, comme je l’ai promis, encadrées, monture acier, format cadre 50X40, passe-partout, image 24X36, les 10 plus belles photos de l’histoire, par les grands ou les moins connus de tous les photographes (selon moi, évidemment).

Il s’agissait de couvrir un grand mur blanc, récemment repeint. Ça va être chouette ces dix photos que je vais ramener à 9 pour en faire un carré 3×3.

Je suis ainsi tombé sur une photo de Vivian Maier que j’avais oubliée. Est-ce l’ambiance “me too” qui me fait poser la question du titre ? Si tel était le cas, on pourra considérer que le terrorisme s’installe insidieusement dans tous les cerveaux Ce qui devient dangereux pour la pensée saine.

Donc, la photo : regardez. Une dispute et un geste de blocage de la femme qui crie ? Le couple qui marche, à droite, passe vite, l’oeil discret, peut-être un peu inquiet. Mais la femme crie peut-être son amour et l’homme la protège de la rue. Pas sûr. Allez-savoir. Le femme a un parapluie.

Solitudes

Il m’est arrivé de dire aujourd’hui que la solitude n’est aucunement une situation matérielle, un état,  une posture volontaire ou involontaire.

En réalité, c’est de la faculté, la joie de partager dont il s’agit. Une idée,  une image, une foi, une couleur, une musique.

Dès lors, l’être entouré, plein d’autres autour de lui, dans sa maison,  est un solitaire malheureux de l’être, s’il ne partage pas, joyeux de ce partage. Et celui, seul dans ses murs, comblé par le bonheur du partage avec d’autres à 800 m ou 8000m de son ,ieu d’attache est au milieu d’une foule flamboyante et navigue au-dessus du monde. Il est aussi vrai que l’idéal est un partage du lieu et de l’idée, par deux personnes. Cependant les certitudes primaires de la vertu de la solitude fabriquent, paradoxalement, les exils.

J’ai sauvé les heures qui venaient,  s’annonçant très lourdes, d’une personne aux mille boucles dans le ventre, que la méchante tristesse avait donc enlacée.

Il suffisait de partager, sans autre volonté, cette idée sur le partage

C’était ma journée pascalienne, de partage sur le partage.

Demain sera un autre jour.

Pascal, le présent

« Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexions le seul qui subsiste C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige, et s’il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.

Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »

BONUS  :

Quand je m’y suis mis quelque fois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.

Blaise Pascal. Pensées.

Hedy

Hedy Lamarr

Tous connaissent Heddy Lamarr, actrice, déesse du cinéma. Peu savent, à en croire une conversation de ce jour, avec une femme pourtant très lettrée et cultivée qui ne savait pas qu’il s’agissait aussi d’une scientifique, inventrice de techniques de communication, absorbées, plus tard, par le GPS et le Wi-Fi.

Je colle le lien wiki

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hedy_Lamarr

Lisez la rubrique Wikipedia, Vous découvrez une femme entière, névrosée, kleptomane, amoureuse et inventeuse, haïssant la vieillesse.

En 2014, la « plus belle femme du cinéma » devenue la « Bombe à tête chercheuse » et le pianiste George Antheil sont admis à titre posthume au National Inventors Hall of Fame

PS. Son bouquin autobiographique, d’un érotisme échevelé (Ectase and me) qui décrit ses orgasmes et sa vie sexuelle a fait scandale.

Prompt

Le texte qui fabrique une image par le biais d’un logiciel (ici Adobe Firefly) est dénommé le “prompt”.

Extrait d’un site en ligne : définition, le mot anglais prompt est une commande écrite transmise à un modèle de langage ou à un autre système d’IA pour qu’il génère une réponse en conséquence. Fondamentalement, il s’agit d’une instruction destinée à un algorithme, qui l’interprète ensuite pour produire un résultat.

1- J’ai reçu hier un message d’une femme qui me racontait une escapade loin de la Métropole et qui me disait s’être presque noyée, seule, au milieu de l’océan dans une mer agitée. Par un copier/coller approximatif, j’ai écrit mon prompt, ma “commande”. Voici ce que j’ai obtenu :

Donc, photo sans appareil, sans être sur place à tenter de la sauver. Mais elle ne se noie pas, le logiciel devant préférer la vie et la simple baignade. Il a raison. Copyright MB, même si c’est de l’IA, c’est mon prompt. Vrai débat,s’il en est.

2 – Puis, j’ai enlevé du prompt la presque-noyade, ai ajouté mer d’huile et Caraïbes. Et voilà. Pas satisfait : La femme est trop visible, j’ai oublié de la décrire de dos et d’ajouter “au loin”

3 – Je n’inflige pas ici la nouvelle, à la manière de Gros Câlin d’Émile Ajar, que j’ai écrite par Chatgpt, l’IA en ligne.

L’hhistoire d’une femme qui marchait à reculons, comme un matador, ne montrant que son magnifique dos, laissant l’univers deviner son visage.

ChatGpt a quand même compris que si la femme marchait à reculons en montrant son dos, les autres, dans la scène, pour ne pas avoir la possibilité de voir son visage devait aussi marcher à reculons, derrière elle. Dans le cas contraire, il suffisait de se retourner dès qu’elle se trouvait, nécessairemen,t derrière eux en marchant,eux ne faisant que la croiser. Relisez.

Pour ce qui concerne le texte que je ne donne pas (perdu en réalité et je ne peux écrire le même prompt, ne m’en souvenant plus à la virgule près, pour obtenir le même résultat), je peux être pris pour un pédant si j’affirme que je préfère mon style. Mais c’est sûrement du fait de cette histoire emberlificotée que j’ai inventée, sûrement pour défier ChatGpt. Nul, y compris l’I.A ne pouvait s’en sortir. Et moi, je n’ai pas essayé, tellement le scénario était certes fantasque mais inintéressant.

4- Pour continuer, je reviens à un autre résultat je colle le résultat d’un prompt photo dont je suis le plus fier et dont beaucoup me demandent de l’encadrer, façon galerie, pour la leur offrir avec la légende “créé sans appareil par MB”.

Je refuse, mes Fuji et Canon que je ne renie pas, qui sont mes compagnons dans les minutes bleues ou grises ne me le pardonneraient pas et me fabriqueraient de vilaines images, au moindre déclenchement, même celui attentionné et parfaitement pensé (ouverture, vitesse, bokeh, cadrage 2/3, sans I.A).

L’arrivée d’un monde ne peut bannir celui qui vous a porté, surtout (je l’ai écrit mais y reviens dans un long billet, presque prêt) quand ils ne sont pas concurrents, l’un (celui de l’IA) n’étant pas une terre autonome mais, plus simplement, une amie qui aide, que l’humain a créée, pour souffler et avancer. Et qui, surtout, fabriquée par les humains ne fait que partie des mêmes, y compris si la chose les dépasse. Ce qui n’est pas nouveau. Le dépassement de soi est aussi soi. Les peureux ont toujours peur.

Voici la photo :

VARIANTES, MÊME SALLE, MÊME CIEL

4 – Pour continuer encore dans ce long billet je colle ce que Chatgpt (désormais payant, mais pas pour moi qui ait fait partie de ses “béta-testeurs”) a fait de mon prompt littéraire, par lequel par quelques indications, il est vrai assez vagues, je lui ai demandé d’écrire à la manière de Ian Mac Ewan un texte sur l’image ci-dessus (la femme de dos dans la salle de cinoche)

Je le donne ci-dessous. Vous jugerez.

Je préfère écrire sans chat (je viens d’inventer une nouvelle expression). N’empêche, ça a pris 1mn à l’I.A Chat.

TEXTE CHATGPT GÉNÉRE PAR UN PROMPT D’UNE LIGNE

Dans une salle de cinéma surréaliste, entre les fauteuils de velours rouge, une femme demeure debout, enveloppée dans un imperméable immobile. Devant elle, un écran affiche un ciel nocturne mordoré. Le spectateur, plongé dans l’énigme, contemple la scène depuis l’angle mystérieux de son dos, captivé par la silhouette énigmatique qui se tient au cœur de cet univers cinématographique onirique. La raison de sa présence reste insaisissable, tout comme les rêves qui dansent à l’intérieur de cette salle, fusionnant réalité et illusion dans une danse éthérée.

La femme en imperméable se nommait Clara, une voyageuse du temps qui s’était égarée dans une dimension cinématographique étrange. Un éminent scientifique, elle avait conçu un dispositif expérimental pour explorer les recoins temporels, mais une défaillance l’avait transportée dans ce monde éthéré.

Trouvant refuge dans cette salle de cinéma surréaliste, Clara cherchait désespérément un moyen de retourner à sa réalité d’origine. L’écran, avec son ciel nocturne mordoré, était devenu la clé de ses espoirs. Elle était convaincue que derrière cette image se cachait le portail temporel qui la ramènerait chez elle.

Entre les fauteuils de velours rouge, Clara attendait, scrutant chaque détail du ciel sur l’écran, espérant voir une fissure spatio-temporelle qui la libérerait de cet étrange labyrinthe cinématographique. Les spectateurs, ignorants de sa quête, assistaient à un spectacle surréaliste, sans comprendre pourquoi cette femme, seule et énigmatique, demeurait immobile dans l’obscurité de la salle.

Clara, revêtue de son imperméable, se tenait seule au centre de la salle de cinéma surréaliste. Ignorante de la présence discrète d’un homme à l’arrière, elle était plongée dans son monde intérieur, observant intensément le ciel nocturne mordoré sur l’écran.

Cet homme, mystérieux observateur, était fasciné par la scène étrange qui se déroulait devant lui. Intrigué, il se demandait pourquoi cette femme solitaire était là, immobile, entre les fauteuils de velours rouge. Ses intentions étaient pures, guidées par la curiosité plutôt que par la menace.

Il se posait des questions silencieuses, cherchant à comprendre le mystère qui entourait la présence de Clara. Dans l’obscurité de la salle, les destins de ces deux individus se croisaient, chacun portant ses interrogations sans que l’autre en soit conscient. Une toile de mystère tissée par le hasard dans cette dimension cinématographique insolite.

L’homme, intrigué par la femme en imperméable, décida de s’approcher silencieusement. Un sourire bienveillant éclaira son visage lorsqu’il se tint à quelques pas d’elle. Clara, absorbée par son observation du ciel sur l’écran, ne remarqua initialement pas sa présence.

Le sourire de l’homme reflétait une curiosité partagée, une volonté de comprendre l’histoire qui la maintenait là, au milieu de cette salle surréaliste. Sans briser le charme du lieu, il chercha à établir un contact, prêt à découvrir les secrets que cette étrange rencontre pourrait dévoiler.

Clara, sentant la présence de l’homme, se retourna lentement vers lui, un sourire énigmatique éclairant son visage. Intriguée par sa propre curiosité, elle lui posa des questions étranges sur son origine, cherchant à percer le voile qui entourait non seulement la salle de cinéma, mais aussi la mystérieuse connexion qui semblait les unir.

Les questions de Clara étaient comme des fragments d’une énigme temporelle, des échos de sa propre aventure perdue. L’homme, se laissant emporter par le jeu mystérieux de cette rencontre, répondit avec une égale étrangeté, créant ainsi un dialogue imprégné de mystère et d’interrogations. Dans cette dimension cinématographique, le fil du temps se tissait autour d’eux, mêlant leurs destinées de manière insaisissable.

L’homme, en réponse aux énigmes de Clara, ne prononça pas un mot. Au lieu de cela, il sortit discrètement un petit appareil photo de sa poche. D’une voix douce, il lui demanda de se retourner dans sa position initiale. Clara, curieuse, s’exécuta, ne comprenant pas totalement les intentions de cet étranger.

Soudain, le bruit caractéristique du déclencheur de l’appareil photo résonna dans la salle. L’homme venait de capturer le moment, figeant l’image de Clara devant l’écran mordoré. Les questions persistaient, mais désormais, elles étaient immortalisées dans une photographie mystérieuse, témoignage d’une rencontre éphémère entre deux âmes perdues dans cette réalité cinématographique unique.

5 – AUTRES IMAGES,  MÊME CIEL

6- ET POUR FINIR, en gardant le même ciel, UNE PRESENTATION DU SPECTACLE D’AMIS DE GRAND TALENT QUI SONT SUR SCÈNE LES DIMANCHES 4 et 11 février, à 17:30 au Théatre de l’Ile-Saint Louis, 39 Quai d’Anjou 75004 Paris.

BERLIN SUR SEINE, titre magnifiquement trouvé, une danse d’airs, voix et piano en verve, dans les cieux entre Paris et Berlin. Brecht, Eisler, Prévert, Cosma, Weill, Berger, à l’honneur. On a donc mélangé par IA et prompt Les berges de la Seine et la Porte de Brandenburg à Berlin, entourant le piano dont va s’emparer Isabelle Serrand, pour accompagner Wolfgang Pissors.

Encore l’I.A

science et philosophie : le débat

Raison. À l’occasion de la sortie de son essai L’Esprit artificiel. Une machine ne sera jamais philosophe (Éditions de l’Observatoire), Raphaël Enthoven s’entretient ave l’entrepreneur en IA Alexandre Cadain.

EXTRAIT DU POINT. Propos recueillis par Guillaume Grallet et Héloïse Pons 

Deux visions du monde. Alexandre Cadain (à g.) et Raphaël Enthoven, le 11 janvier, dans les locaux du « Point », à Paris. 

La machine peut-elle être philosophe ? Non, pour Raphaël Enthoven, qui, après avoir battu ChatGPT à l’épreuve du bac de philosophie en juin 2023, explique ici que le doute, l’expérience et la capacité de créer des problématiques sont le propre de l’homme. L’écrivain dialogue ici avec Alexandre Cadain, un entrepreneur à l’origine de World Game et d’Alias Studio, une plateforme d’IA générative intégrant les droits d’auteur. Diplômé d’HEC Paris, celui qui signera en mars l’essai Homo ludens aux Éditions de l’Observatoire a animé un groupe de travail à l’École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, dont il est un ancien élève, qui l’a fait changer d’avis sur la capacité des machines à imaginer. 

Le Point : Comment définissez-vous l’intelligence ? 

Raphaël Enthoven : L’intelligence est une faculté ambivalente, qui nous sépare du monde par les moyens qu’elle nous donne de le connaître. Nous sommes paradoxalement mis à distance du réel par les outils que l’intelligence nous donne, à la façon dont on perd de vue le phénomène qu’on se satisfait d’expliquer. C’est une capacité de tri et d’analyse, qui ne saisit du monde que son squelette et qui dissipe les mystères de ce qui existe, sans dissiper l’énigme de sa présence. Par l’intelligence, nous mettons le monde à notre portée. Mais à cause d’elle, nous vivons à bonne distance de lui. Comme dit Merleau-Ponty : « La science manipule les choses et renonce à les habiter. » 

Alexandre Cadain : L’intelligence est cette capacité à tisser des liens pour comprendre le monde et apprendre de lui. Dans une lecture fonctionnelle, c’est un processus qui permet aux humains de transformer un chaos d’informations en connaissances actionnables et les aide ainsi à prendre de meilleures décisions dans leur environnement complexe, pour y vivre et d’abord y survivre. C’est sous ce prisme que je regarde l’intelligence artificielle. Comme un outil qui automatise une partie de ce processus non pas pour nous remplacer, mais pour nous permettre, comme le formule le fondateur de DeepMind Demis Hassabis, d’acquérir des connaissances qui nous étaient jusque-là inaccessibles. 

Alexandre Cadain, vous pensiez l’IA incapable de créativité, et vous avez changé d’avis. Pourquoi ? 

Alexandre Cadain : En 2016, à l’ENS Ulm, nous avons initié un séminaire de recherche avec l’historienne Béatrice Joyeux-Prunel pour interroger, à la croisée des arts et des sciences, les imaginaires qui structuraient le développement de l’intelligence artificielle. Rapidement, nous nous sommes retrouvés bloqués face à des imaginaires sombres à la Terminator, où la machine nous dépasserait pour nous remplacer et bientôt nous exterminer… Derrière cette fiction obsédante, je ne trouvais que le mythe de la « singularité technologique », selon lequel la croissance exponentielle de l’IA dépassera rapidement le développement linéaire de l’humain et de toutes ses capacités, au point que ce dernier ne sera même plus capable d’observer ni de comprendre cet emballement technologique. Dans les années 2000, le « prophète » techno Ray Kurzweil a voulu faire de cette fiction une science ; il ose même dater le moment de la singularité en 2045 ! Dans son livre The Singularity is Near, sa « preuve » réside principalement dans la loi empirique de Moore, qui observe la seule explosion de la puissance de calcul. De mon point de vue, cela ne suffisait pas. Pour chercher les limites de la comparaison humain-machine, je me suis intéressé à ce que l’on a appelé l’« imagination artificielle » : et si les machines étaient capables de produire des images vraiment nouvelles ? J’espérais secrètement que non. (Sourire.) D’autant que, fils d’artiste, j’étais encore attaché à l’idée pure d’une création humaine dans le champ artistique. Mais je me suis trompé. Depuis 2014, des réseaux dits « adversariaux » permettent à la machine de se corriger elle-même pour produire des images nouvelles, en s’inspirant parfois d’images existantes mais sans jamais les reproduire. Comme nous, en réalité. Car ce processus ressemble cruellement au fonctionnement de l’imagination humaine : nous composons aussi avec le réel, avec des données passées, rêvées, projetées. Évidemment, ce n’était pas pour autant la preuve de la singularité à venir, et encore moins de la conscience des machines, mais je mesurai soudainement que peu, sinon aucune, de nos activités seraient imperméables à la machine… 

Alexandre Cadain : « Un autre monde est possible entre l’homme et la machine. La coopération au lieu de la compétition. » 

Selon le chercheur Yann Le Cun, l’intelligence artificielle nous conduit vers une nouvelle période des Lumières… 

Raphaël Enthoven : Tout en rappelant que la machine est à des années-lumière d’atteindre les capacités humaines ! Ce qui est certain, c’est que l’IA bouleverse tous nos champs de compétence, du droit à l’astronomie en passant (peut-être) par l’écriture de scénarios ou de romans. Il n’est pas impossible qu’un romancier ou un scénariste soit surpassé dans la confection d’histoires formatées, puisqu’il suffit en somme de fournir aux machines un patron, des schèmes récurrents qui lui permettent de produire la même chose que nous plus rapidement. En revanche, les potentialités ouvertes par l’IA n’augmentent en aucune manière la capacité à concevoir un problème à partir d’une question posée. Or c’est le cœur de l’exercice philosophique : la conquête de cet atome de pensée qu’on appelle une « problématique » et dont dépend la dissertation. Il faut bien comprendre que la philosophie n’a pas pour objet de transmettre un savoir, mais une méthode, un apprentissage où se mêlent les conseils d’un professeur et les expériences personnelles, qu’aucune compilation de données, si vaste soit-elle, n’est en mesure de reproduire. Et c’est ça qui m’intéresse : ce je-ne-sais-quoi résiduel, dérisoire à côté d’un océan de données, qui fait l’humanité de l’humain et qu’aucune intelligence artificielle n’effleure. Qui plus est, en philosophie, l’enjeu n’est pas de répondre aux questions qu’on pose, mais de questionner les questions elles-mêmes. Plutôt que de savoir si (ou quand) nous fabriquerons un jour de toutes pièces un être conscient, la question que je me pose est d’où nous vient cette étrange certitude. D’où vient le rêve, antique comme le mythe de Pygmalion, de donner le jour à une IA consciente ? Il y a plusieurs réponses, mais celle qui me paraît évidente, c’est qu’on aime se prendre pour Dieu, se donner le rôle de l’être dont les créations sont des créatures qui finissent par lui tourner le dos. Il y a plus d’orgueil que de craintes dans l’idée de voir apparaître des IA conscientes. 

Un article de recherche publié l’été dernier explique qu’à partir du moment où la machine aura un lien avec l’extérieur, c’est-à-dire une certaine sensibilité, rien ne lui interdira d’avoir un jour une conscience… 

Raphaël Enthoven : Il y a, de mémoire, une scène dans Terminator 2 où John Connor s’inquiète de voir des balles partout dans le corps du Terminator. Il lui demande si ça ne lui fait pas mal, et le Terminator répond : « La douleur n’est qu’une information. » Comme si la douleur n’était qu’une série d’équations à résoudre par la machine pour ne pas en souffrir. Comme si la douleur était soluble dans une connaissance absolue qui la réduirait à de l’information. 

Raphaël Enthoven : « Le but de l’IA est de reconnaître ce qu’elle n’a pas encore vu. En philosophie, c’est l’inverse. » 

Certains neuroscientifiques estiment qu’avec les progrès de l’imagerie cérébrale toutes les fonctions du cerveau seront un jour opérables par la machine… 

Raphaël Enthoven : Tout événement de l’existence peut, après coup, faire l’objet d’une mise en chiffres et en diagrammes. Chacune de nos décisions correspond à quantité d’événements chimiques dont on peut fournir le détail. Mais une chose est d’imiter ou de disséquer un moment, tout autre est de reproduire ce « jaillissement continu d’imprévisible nouveauté » (Bergson) en quoi consiste la vie. C’est tout l’intérêt de l’épisode de Black Mirror où un clone parfait, qui succède à un fiancé défunt, ne tarde pas à dégoûter la fiancée. Il a beau avoir les mêmes souvenirs, le même humour, le même grain de beauté, une incroyable énergie sexuelle, rien chez lui n’est spontané, tout sonne faux. Et sa présence, pour finir, augmente l’absence de l’absent. 

Alexandre Cadain : C’est aussi l’exemple de Replika, un chatbot à destination des ados. Une sorte de ChatGPT personnalisé ; depuis 2016, il se présente même comme votre « ami IA » et vous pose des questions pour mieux vous connaître. Il a été créé par une jeune femme russe, Eugenia Kuyda, qui avait perdu son meilleur ami dans un accident de voiture. Elle a téléchargé toutes ses conversations avec lui, textos, mails, etc. pour recréer son double, sa « réplique » afin de prolonger le plaisir de dialoguer avec lui. À tel point, dit-elle, que ce premier Replika l’aurait aidée dans son deuil. 

Raphaël Enthoven, êtes-vous certain que, lors d’un éventuel entretien dans trois ans, vous continuerez d’affirmer que la machine ne pourra jamais être philosophe ? 

Raphaël Enthoven : Même dans trois mille ans ! (Rires.) En vérité, l’IA et la philosophie ne prennent pas du tout la même direction : l’IA apprend par ingestion de données, dont l’assimilation lui permet de devancer ce qu’elle ne connaît pas encore. Pour le dire simplement : son but est de reconnaître ce qu’elle n’a pas encore vu. En philosophie, c’est l’inverse : on s’étonne de ce qu’on a l’habitude de voir. Autrement dit, l’IA conjure la nouveauté de ce qu’elle ne connaît pas encore ; la philosophie voit du nouveau au sein même de l’ordinaire et du familier. 

Alexandre Cadain : Dans Le Guide du voyageur galactique, l’écrivain britannique Douglas Adams imagine une machine qui trouverait le sens de la vie. Cette machine, Deep Thought – « pensée profonde » –, est censée intégrer toute la connaissance du monde. Des millions d’années plus tard, elle répond enfin : « 42 ». Ironiquement, c’est ce bug ou cette limite de la machine qui provoque le cheminement philosophique du protagoniste, qui cherchera la question qui correspond à cette étrange réponse… La réponse a recréé du doute et un dialogue pour se poser de meilleures questions. C’est en interagissant avec la machine que nous approchons de la vérité. Comme Garry Kasparov l’a aussi démontré, plutôt que de jouer contre la machine et de perdre, mieux vaut jouer avec elle pour se dépasser et améliorer le jeu. En 1997, le champion du monde se fait battre par la machine d’IBM, Deep Blue. Il invente ensuite les échecs avancés, les compétitions de « centaures » (humain + machine contre humain + machine). En 1998, il découvre que le gagnant n’est pas le meilleur joueur allié à la meilleure machine, mais l’équipe hybride dont les composantes communiquent le mieux. C’est aussi vrai aujourd’hui avec ChatGPT. 

Dans le coup d’État manqué chez OpenAI, on a vu de fins connaisseurs de l’IA s’inquiéter des progrès trop rapides de la recherche… 

Raphaël Enthoven : Le physicien américain Robert Oppenheimer [qui a participé à la conception de la première bombe atomique, NDLR] avait exactement les mêmes craintes. Même s’il estimait cette découverte inévitable : s’il avait passé son tour, quelqu’un d’autre l’aurait inventée. 

Alexandre Cadain : Il y a une attitude de pompier pyromane développée par des gens qui créent ce dont ils ont peur, peut-être parce que cela crée des marchés faciles ? (Sourire.) À moins que cette mise en scène de dangers futurs et peu probables ne leur permette de cacher les dangers réels et bien actuels de l’IA, des biais d’entraînement aux bulles cognitives en passant par les deepfakes ou le vol des droits d’auteur des IA génératives. 

Mais le danger est peut-être dans le fonctionnement opaque de l’intelligence artificielle… 

Alexandre Cadain : Parmi les risques qui existent déjà, le chercheur de Berkeley Stuart Russell a établi que, lorsqu’on pose une question à une machine, il y a une foule d’opérations intermédiaires que l’on ne contrôle pas. Si on créait une machine à qui on demanderait d’être plus heureux, elle pourrait au passage tuer notre chien parce qu’elle a repéré qu’on grimace quand il aboie, et qu’elle a gardé ce seul signal qui, pour notre « bonheur », pourrait aussi éradiquer l’humanité. Pour autant, d’excellentes équipes comme NukkAI, en France, travaillent sur l’explicabilité des modèles pour que l’humain derrière la machine soit en mesure de comprendre ses propositions.

Raphaël Enthoven : Je veux bien partager ce diagnostic d’une zombification progressive de l’humain. Il n’est pas impossible qu’on robotise la conscience et qu’on devienne nous-mêmes de purs mécanismes, mais ça ne veut pas dire qu’on est sur le point de créer des machines vivantes ! 

Alexandre Cadain : La fiction de la singularité a des impacts bien réels aujourd’hui dans le monde de l’innovation. Dans cet imaginaire à la Terminator, on crée chez Boston Dynamics des robots qui nous ressemblent, des androïdes, et ailleurs des applications miroirs qui flattent le désir de l’avatar, ou encore des traits d’union définitifs entre l’humain et la machine avec le « lacet neuronal » de Neuralink, qui veut connecter notre cerveau à la machine pour nous rendre hypermnésique. Dans tous ces exemples, il y a l’idée que la seule manière de survivre à la singularité, c’est de fusionner avec la machine. C’est l’ère du cyborg au lieu du centaure. Et c’est peut-être là que la prophétie de la singularité peut se réaliser, non pas parce que la machine serait devenue super-intelligente, mais parce que nous aurions abandonné la nôtre, avec ce forfait de notre imagination collective, en renonçant à penser un autre monde possible avec la machine : la coopération au lieu de la compétition et un meilleur jeu au lieu de la défaite annoncée. 

Raphaël Enthoven : Reste que l’univers du cyborg n’est pas le même que l’univers de l’autonomisation de la machine. La jonction entre l’humain et la machine ne s’appuie pas sur le même imaginaire que l’univers du basculement vers une machine consciente. Et d’ailleurs, dans les mondes où la machine devient consciente et prend le pouvoir, il y a assez peu d’humains cyborgs. Ce sont soit des humains ressources qui donnent de l’énergie, soit des humains qui se défendent comme tels. Quoi qu’il en soit, la machine peut faire beaucoup, mais elle n’est pas près de s’humaniser §

« L’Esprit artificiel. Une machine ne sera jamais philosophe », de Raphaël Enthoven, Éditions de l’Observatoire, 192 p., 19 €.SÉBASTIEN LEBAN POUR « LE POINT » (X3)

accusation de génocide, un texte de Georges Bensoussan

De quoi l’accusation de génocide portée contre Israël est-elle le nom ?

Pour l’historien Georges Bensoussan, la récente décision de la Cour internationale de justice contre Israël découle d’un usage militant de l’Histoire.

LE POINT. Par Georges BensoussanPublié le 26/01/2024 à 16h37, mis à jour le 26/01/2024 à 18h34

La Cour internationale de justice à La Haye, le 11 janvier 2024.
La Cour internationale de justice à La Haye, le 11 janvier 2024. © ANP / ANP/ABACA

L’accusation de génocide porté contre Israël n’est pas nouvelle. Le schéma est connu de longue date. « L’antisionisme est une introuvable aubaine, écrivait déjà Jankélévitch en 1971, car il nous donne la permission et même le droit et même le devoir d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. »

Les Juifs, des nazis ? Nous y sommes. Ce faisant, le crime réel des nazis disparaît derrière la guerre que mène l’armée israélienne contre le Hamas à Gaza. L’idée fait son chemin depuis un certain nombre d’années. Au cours d’une manifestation pour Gaza en janvier 2009, l’écrivain antisémite Alain Soral déclarait : « Nous, résistants français d’Égalité et Réconciliation, voulons par notre présence ici saluer l’héroïque résistance du ghetto de Gaza comme nous aurions salué il y a soixante ans, au nom des mêmes valeurs, l’héroïque résistance du ghetto de Varsovie. » En 2023, l’historien libanais Gilbert Achcar use de la même comparaison pour évoquer l’action du Hamas le 7 octobre : « La dernière contre-offensive de Gaza fait plutôt penser au soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943. »

Accuser aujourd’hui l’État d’Israël de pratiquer un génocide à Gaza – Israël doit tout faire pour « empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d’application » de la Convention sur le génocide, a déclaré vendredi 26 janvier la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, sans évoquer pour autant un cessez-le-feu –, lequel reproduirait point par point la Nakba dépeinte en pendant arabo-palestinienne de la Shoah, permet d’abord d’éluder la collusion du mufti de Jérusalem avec les nazis qui loin d’être réductible à une « dérive personnelle » (sic) comme on le lit parfois, s’inscrivit au contraire au diapason d’une grande partie du nationalisme arabe, à l’image de l’Irak (où il trouva refuge en 1939) où prospéraient les mouvements de jeunesse Al-Futuwwa et Kataëb Al-Shabab profondément réceptifs à la propagande nazie.

à lire aussi Guerre Hamas-Israël : les racines islamo-nazies de l’organisation terroristeCertes, le passé nazi d’Amin al-Husseini pèse lourd dans le passif de ce combat national-là, c’est pourquoi certains vont s’efforcer de présenter son exil à Berlin comme la conséquence des mesures de rétorsion prises contre lui par les Britanniques depuis 1937, avec pour sous-entendu qu’ils l’auraient poussé dans les bras du Troisième Reich. Comme s’il ne s’était tourné vers les nazis qu’à partir de son exil forcé en 1937 alors que c’est dès le 31 mars 1933 qu’il avait secrètement rendu visite au consul allemand de Jérusalem, Heinrich Wolff : « Les musulmans à l’intérieur de la Palestine, lui déclare-t-il, accueillent favorablement le nouveau régime et souhaitent que le leadership fasciste antidémocratique se propage. » Et de lui proposer une politique de collaboration à laquelle Berlin ne donnera suite que quatre ans plus tard en lui offrant même à partir de novembre 1941 et jusqu’à la chute du Reich en avril 1945, un asile de luxe à Berlin, avec pour lui et sa suite d’une cinquantaine de personnes 50 000 reichsmarks mensuels prélevés en général sur les biens juifs spoliés. C’est aussi à partir de Berlin que le mufti de Jérusalem joue un rôle actif sur Radio Zeesen, l’émetteur allemand à ondes courtes capté dans tout le bassin méditerranéen et jusqu’au Proche-Orient, Iran compris comme lorsque ce 1er mars 1944 il déclare, entre cent autres messages du même acabit : « Tuez les Juifs où que vous les trouviez, pour l’amour de Dieu, de l’Histoire et de la religion ! » C’est à partir de Berlin aussi qu’il joue un rôle actif pour empêcher le sauvetage des Juifs, en particulier des enfants juifs qui pouvaient être envoyés en Palestine contre des prisonniers allemands. La collaboration avec le Reich nazi ne relève pas d’un « naufrage personnel », ce naufrage fut celui d’une grande partie de la Palestine arabe où le mufti de Jérusalem demeurait extrêmement populaire en 1945. À cet égard, les ambassadeurs français au Caire en 1944-1946 préviennent le Quai d’Orsay et le gouvernement français que la personne du « grand mufti de Jérusalem » est très populaire dans le monde arabe. C’est cette popularité qui explique que la France, embarrassée par ses possessions coloniales au Maghreb et ses intérêts généraux dans le monde arabe, voit en lui un prisonnier bien encombrant. De là, la pseudo-évasion d’Amin al-Husseini vers l’Égypte, en mai 1946.

La « bataille des routes » de 1948

S’il s’agit d’évoquer l’expulsion d’une partie de la population palestinienne par les Israéliens (la Nakba), il faut être complet sur le sujet. Et commencer par expliquer qu’en mars 1948, en Palestine, les Juifs sont en train de perdre la « bataille des routes ». Car le peuplement juif, discontinu, est un peuplement en archipel dont les communications sont le point faible, en particulier l’axe qui relie Tel-Aviv, la plus grande ville juive de Palestine (200 000 habitants, un tiers de la population juive du pays) à Jérusalem, la deuxième grande communauté juive (100 000 habitants). La route qui mène à Jérusalem s’élève jusqu’à 800 mètres d’altitude, égrenant tout au long de son parcours, sur les hauteurs des villages arabes qui depuis plusieurs mois bloquent les communications sur cet axe comme sur d’autres. L’« archipel juif » est peu à peu étranglé. En mars 1948, les convois de ravitaillement tombent les uns après les autres dans des embuscades qui ne laissent aucun survivant : il n’y a pas de prisonniers, tous les membres des convois, enfants compris, sont tués. Fin mars 1948, la Palestine juive est sur le point de perdre la guerre. En particulier dans la Jérusalem juive assoiffée et affamée par le siège.

C’est dans ce contexte qu’à partir du 1er avril 1948, avec le « plan Dalet », source d’innombrables fantasmes jusqu’aujourd’hui, les troupes juives passent à l’offensive et expulsent une partie de la population arabe des « villes mixtes », Tibériade, Safed, Saint-Jean-d’Acre et Jaffa, des villes qui ont gardé la mémoire des épisodes de massacres de leur population juive. À l’instar de Safed en Galilée, meurtrie par les tueries de 1834, de 1838 et de 1929, et de Jérusalem en 1920 et en 1929. Dans tous ces cas, l’expulsion menée par les troupes juives fut une mesure préventive destinée à empêcher un massacre qui, plus encore qu’autrefois, ne manquerait pas de se produire au moindre signe de faiblesse. Une légende noire entoure le « plan Dalet » qui veut y voir un plan d’expulsion générale de la population palestinienne. Or, les historiens, même les plus critiques à l’endroit du sionisme, admettent aujourd’hui que le « plan Dalet » n’avait rien d’un « plan secret » ni d’un plan d’expulsion systématique. Sa lecture de la population arabe. Un pseudo « plan secret » distribué à des centaines d’unités combattantes et tellement « secret » qu’il est en libre consultation dans tous les centres d’archives d’Israël et qu’on peut le lire in extenso dans plusieurs ouvrages d’histoire. À commencer par ceux de l’historien israélien Benny Morris.

La lecture du « plan Dalet » permet de comprendre à quel enjeu il répondait, celui d’un risque, au mieux d’une « purification ethnique » dirigée contre les Juifs de Palestine, au pire d’un massacre général comme le laissaient présager tous les engagements armés depuis début décembre 1947, d’une extermination. Le discours arabe, radiodiffusé ou écrit, ne laissait à cet égard aucun doute aux 600 000 Juifs du Foyer national qui savaient d’expérience qu’ils pouvaient en effet craindre le pire. Cette crainte relevait-elle du fantasme ? Ce n’est pas ce dont témoignait, notamment, l’écrivain Amos Oz, par ailleurs une des grandes figures du « camp de la paix » en Israël dans : « Toutes les localités juives tombées entre les mains arabes au cours de la guerre d’indépendance furent sans exception rayées de la carte […]. Dans les territoires conquis, les Arabes procédèrent à une purification ethnique bien plus radicale que celle que les Juifs pratiquèrent au même moment. […] Sur la rive occidentale du Jourdain et dans la bande de Gaza […], il n’y avait plus un seul Juif. Leurs villages avaient été anéantis, les synagogues et les cimetières détruits. »

Le « plan Dalet » rompt brutalement avec la stratégie jusque-là strictement défensive du Yishouv pour passer à l’offensive en expulsant la population des villages arabes hostiles que les militaires juifs ne veulent pas laisser derrière leurs lignes comme des poches de populations qui constitueraient demain une « cinquième colonne ». C’est-à-dire, selon eux, une menace d’extermination venue du cœur même de leur territoire.

à lire aussi Gaza, ferveur et cynisme arabesLe « plan Dalet » vise également à expulser la population des villages qui bloquent les axes de communication, en particulier l’axe Tel-Aviv-Jérusalem, un blocus des routes qui conduit le Foyer national juif à la défaite. Il vise à sauver l’État juif en formation d’une défaite qui se profile fin mars 1948. C’est la réponse à la volonté arabe, et pas seulement palestinienne, d’en finir avec cet embryon d’État juif, qui refuse l’antique statut de « minorité protégée » avec tous les risques de massacre que cela impliquait. In fine, le « plan Dalet » fut si peu un plan d’expulsion systématique qu’aujourd’hui les Arabes constituent 21 % de la population de l’État d’Israël. Plus de 2 millions de ses citoyens. Ce plan, objet de toutes les rumeurs, entendait répondre à des considérations stratégiques de survie. L’État-major israélien comme le pouvoir civil était convaincu, expérience à l’appui, que, en cas de victoire, les troupes arabes eurent procédé à un massacre d’ampleur.

La peur fait fuir

Enfin, les récits militants semblent ignorer cette réalité inhérente à tous les conflits : la peur fait fuir. En août 1914, une masse énorme de réfugiés venus de Belgique et du nord de la France se précipite vers le cœur du pays. En juin 1940, 8 millions de réfugiés belges et français encombrent les routes de l’exode. Pourquoi la paysannerie arabe ferait-elle exception ? Ce qui est vrai pour tous le serait partout au monde, sauf en Palestine ?

En 1949, à la fin des combats, ce n’est pas l’État d’Israël qui empêche la naissance de la Palestine arabe, mais la Jordanie et la Ligue arabe avec elle. Le roi Abdallah de Jordanie, le premier, contacte l’Agence juive et s’engage auprès d’elle, pour ne pas lancer sa Légion arabe contre le jeune État juif, à la condition que celui-ci lui laisse les mains libres dans le territoire alloué par les Nations unies à la Palestine arabe. C’est-à-dire, en termes clairs, à l’annexer. L’État d’Israël trouve évidemment son compte à un accord qui détourne de lui la seule vraie force militaire arabe.

L’État arabe de Palestine prévu par les Nations unies est ainsi absorbé par la Jordanie sans que la Ligue arabe (dont elle est membre) l’en empêche. La Cisjordanie (la Judée et la Samarie bibliques) et le territoire de Gaza destinés par les Nations unies à l’État de la Palestine arabe sont alors libres de toute présence israélienne. De là, cette question capitale entre toutes : pourquoi l’État arabe de Palestine n’a-t-il pas vu le jour en 1949 une fois la guerre terminée ? Et pourquoi cette question ne resurgit-elle que dix-huit ans plus tard, avec l’occupation israélienne de ces territoires en 1967 ?

Dans le processus actuel de diabolisation de l’État juif, il faut compter aussi avec ce que, tout à la finesse qu’on lui connaît, Houria Bouteldja nomme le « plus grand des hold-up du siècle ». On comprend que, présenté de la sorte, le projet sioniste apparaisse a minima comme une utopie meurtrière. Sainte ignorance qui voit « les sionistes » détruire en 1948 un État de Palestine qui n’a jamais existé. Qui voit parallèlement les Juifs, grimés en « voleurs de patrie », illégitimes en Palestine quand leur imaginaire national et religieux les ancre sur cette terre qui les habite, parce qu’elle est au cœur de leur existence comme nation et comme foi, comme le montre, mais qui le sait, l’extraordinaire richesse des débats internes au monde juif du XIXe siècle. C’est pourquoi s’est d’emblée imposé comme solution la plus équitable le partage entre deux légitimités nationales. Mais le refus répété du compromis et l’enfermement dans la posture du « tout ou rien » ont conduit à l’impasse actuelle. La « solution à deux États » apparaît sans doute comme la plus rationnelle, mais on demeure dubitatif devant les refus arabes réitérés de cette solution-là : 1937 (plan Peel), 1947 (Nations unies), 2000 (Camp David), 2001 (Taba) et 2009 (plan Olmert). Comme si accepter l’État de Palestine revenait à accepter l’État d’Israël. C’est là le noyau irréductible d’un refus (« du fleuve à la mer ») qui court jusqu’au 7 octobre 2023.

Un usage militant de l’Histoire

C’est dans ce contexte d’un usage militant de l’Histoire qu’intervient la plainte déposée par l’Union sud-africaine contre Israël, pour crime contre l’humanité à Gaza. Aujourd’hui, il s’agit de lancer depuis l’Afrique du Sud, qui avait accueilli en 2001 la conférence de Durban, l’accusation de génocide pour brouiller le crime contre l’humanité initial dont découle la guerre actuelle, celui des actes commis le 7 octobre 2023, dont la nature même était génocidaire. Un assaut de cruauté qui ne témoignait pas seulement de « mœurs barbares » qu’on avait déjà vues à l’œuvre en 1929 comme en 1948, mais un projet d’éliminer hors du monde un ennemi auquel on avait ôté, avant ou après sa mort, tout caractère humain le rattachant à notre monde. De là, la profanation des cadavres, les décapitations et même le « vol » d’une tête de soldat, emportée à Gaza et conservée dans un congélateur dans le but de la négocier plus tard 10 000 dollars (sic).

à lire aussi Revenir à Gaza, le rêve fou des colons israéliensIl s’agit en second lieu d’imputer une accusation de génocide à ce peuple en particulier dont la mémoire, en Israël comme ailleurs, est marquée par le souvenir du génocide. En inversant l’accusation de génocide, il s’agit aussi de placer l’État d’Israël et les Juifs dans le camp des oppresseurs, c’est-à-dire de l’Occident, cet accusé rituel des Nations unies. La façon dont ces dernières ont accueilli la plainte de l’Union sud-africaine dénie toute légitimité morale à ces majorités automatiques (57 États musulmans aux Nations unies, un seul État juif) qui en 2020, sur 23 condamnations émises par l’assemblée générale contre des États, en avaient émis 17 contre le seul État d’Israël. Cette inversion des réalités est le propre des raisonnements totalitaires, « l’amour, c’est la haine », » la paix, c’est la guerre », quand la réalité est annihilée au profit des récits reconstruits. Derrière Israël, parangon du mal, l’inversion accusatoire assoit l’Occident tout entier sur le banc des accusés de l’Histoire-tribunal face aux « historiens-procureurs ». L’accusation de génocide (en soi grotesque : Gaza 1967, 400 000 habitants, Gaza 2023, 2 300 000 habitants) souille le mot et la mémoire des Arméniens, des Juifs et des Tutsis. La haine du signe juif s’épanouit et ressort ici moins à l’antisémitisme, comme le note le psychiatre Jean-Jacques Moscovitz qu’à ce qu’il nomme à raison l’asémitisme : le monde ne veut pas des Juifs. Comme il ne veut pas d’avantage de l’État d’Israël.

En troisième lieu, aussi folle que paraisse l’accusation de génocide, la logique intellectuelle qui la sous-tend ne vise pas seulement à effacer la nature génocidaire des actes commis le 7 octobre, elle vise à discréditer l’Occident pour faire apparaître l’Histoire non occidentale, a contrario, comme vierge de toute violence. Pour autant, ce serait une erreur de réduire ces accusations de « génocide » portées contre l’unique État juif à la seule sphère « décoloniale ». Les négationnistes du monde entier ont également compris ce qui se jouait. En France, par exemple, il n’est pas une semaine sans que l’hebdomadaire Rivarol (fondé par les anciens collaborationnistes) titre sur le « génocide à Gaza » ou l’« épuration ethnique de la Palestine ». Aux États-Unis, le néonazi David Duke, dont les ouvrages sont traduits en arabe et qui a été invité à prendre la parole dans la Syrie de Bachar al-Assad, parle dès le 14 octobre 2023 du « génocide sioniste à Gaza ». Quant à l’Institute of Historical Review, ce « temple » du négationnisme de la Shoah dans le monde, il publie l’intégralité de l’acte d’accusation de l’Afrique du Sud contre Israël présenté devant la Cour internationale de justice (CIJ). L’Iran, où Robert Faurisson était reçu en grande pompe en 2006, s’est officiellement félicité de la plainte sud-africaine. Faire condamner l’État juif pour génocide : l’enjeu est en effet de taille aussi pour les négateurs du génocide juif commis par les nazis. Le concept de « génocide » a été forgé durant la Seconde Guerre mondiale par un Juif polonais, Raphaël Lemkin, en référence directe au génocide des Juifs qui était en train d’être perpétré. Chez les émules de Robert Faurisson, on espère une condamnation d’Israël au nom des mêmes principes qui ont valu à Eichmann d’être condamné, par cet État-ci justement, et exécuté. Symboliquement, c’est l’héritage de la Shoah qu’il s’agit ainsi d’effacer.

Un même schéma mental se répète ici. C’est celui qui en 1937 déjà, avec Céline (Bagatelles pour un massacre), faisait du « Juif » le fauteur de guerre. C’est celui qui aujourd’hui fait de l’État d’Israël, décrété dernier « surgeon colonial » de l’Europe, le vecteur d’une guerre génocidaire. Un schéma mental qui consiste à mettre au ban la « part mauvaise de l’humanité », jadis le peuple, aujourd’hui l’État, auquel on reproche de persévérer dans leur être. Ici un peuple juif, « anomalie » au regard de la théologie chrétienne, et là un État juif, « anomalie » au regard de l’Europe postnationale. Bref, les Juifs sont toujours à contretemps, et le procès qui leur est fait désigne moins une politique qu’un principe, celui de leur entêtement à persévérer dans une existence étatique condamnable parce qu’anormale au nom d’une Histoire sécularisée, mais toujours investie de fins dernières. Établir un lien de causalité entre une politique israélienne, quelle qu’elle soit, et des actes de nature génocidaire, c’est ne pas entendre la nature profonde de cette cruauté quand il s’agit de faire disparaître une existence assimilée au mal. Car nous ne sommes pas ici dans un discours porté par la raison, mais dans une vision eschatologique dans laquelle l’État d’Israël, quelle que soit sa politique ou sa nature, séculière ou religieuse, représente la personnification du principe mauvais de l’humanité qu’il faut chasser hors du monde et de soi pour espérer une vie enfin digne d’être vécue. Il n’y a pas de lien entre une politique israélienne, y compris la plus condamnable, et l’essence génocidaire d’un mouvement islamiste qui ne laisse espérer ni négociation ni compromis, et n’entrevoit pour tout avenir que l’écrasement définitif de l’État d’Israël. Et qui ne réclame d’ailleurs rien d’autre que cela.

Plus le monde est en désarroi, plus l’antisémitisme fédérateur apaise les frayeurs collectives. On s’aime de haïr ensemble et l’angoisse reflue à désigner le responsable de tous les maux du monde. À l’instar des peurs collectives d’autrefois, celles nées dans le sillage des grandes épidémies ou des chasses aux sorcières dans l’Europe du XVIIe siècle. Mais derrière la déraison collective, il y a toujours des hommes et des femmes faits de chair et d’os, et qui n’en peuvent mais de se voir incarner les figures de l’hérésie, de la souillure et de l’abjection. C’est de ces fantasmes meurtriers que sont morts, de la plus hideuse des morts, la lycéenne juive de Bordeaux, l’épicier juif de Cracovie, l’ébéniste juif de Rhodes, le professeur juif d’Amsterdam, le maçon juif d’Athènes et le médecin juif de Cologne.

Le poète palestinien Mahmoud Darwich avait parfaitement perçu de quelle manière la vieille « question juive » européenne avait fini par s’intégrer au discours sur le conflit lui-même, lui qui déclarait ceci à la poétesse israélienne Helit Yeshurun : « Savez-vous pourquoi nous sommes célèbres, nous autres Palestiniens ? Parce que vous êtes notre ennemi. L’intérêt pour la question palestinienne a découlé de l’intérêt porté à la question juive. Oui. C’est à vous qu’on s’intéresse, pas à moi ! Si nous étions en guerre avec le Pakistan, personne n’aurait entendu parler de moi. »

La mise au ban devenue obsessionnelle d’un État paria pave le chemin d’une délégitimation qui précédera le démantèlement. La solitude d’Israël résonne aujourd’hui au cœur d’un peuple peu nombreux, assailli d’ennemis depuis plus de 75 ans, victime d’une usure mentale qui finira un jour par l’ébranler tout à fait. Cette fausse puissance, dont le 7 octobre a révélé la vulnérabilité, pourrait fléchir un jour sous le poids d’une guerre perdue. Israël, disait Ben Gourion, gagnera toutes les guerres sauf la dernière. Ses ennemis peuvent en effet essuyer défaite sur défaite, ils existeront encore au lendemain de leurs revers. L’État juif, non. Assaillis par la solitude d’octobre, les Juifs ne peuvent pas se permettre le luxe du pessimisme. À l’instar de l’État d’Israël qui ne peut pas se permettre le luxe d’une seule défaite. Pour les uns comme pour l’autre, il en va tout simplement de leur survie. À force de gloser sur la « puissance militaire » du Goliath juif écrasant les petits David arabes, on aura fini par oublier que ce territoire grand comme la Bretagne et moins peuplé que l’Île-de-France ne pourra pas éternellement résister à la marée de ses ennemis servis par le nombre, la stratégie d’infiltration et protégés par la puissance nucléaire à venir de l’Iran que la destruction de l’État maudit couronnera pour longtemps champion chiite du monde islamique tout entier. L’employé de Sderot, l’épicier de Kyriat Gat, l’ouvrier de Rishon le Zion, le lycéen de Tel-Aviv, l’agriculteur de Ginossar et le docker de Haïfa, tous ceux-là apprendront un jour que, figures du mal sur la terre, leur disparition rendrait l’humanité enfin heureuse.

la rentree, par F

Regardez, écoutez. Et lisez le texte de F, trop gentille…

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i05077172/michel-berger-et-isabelle-adjani

Michel Berger et Isabelle Adjani

Formule 1 – 12.01.1982 – 05:51 – vidéo

Michel Berger au piano joue la musique de “Tout feu tout flamme” qu’il a composée pour le film de Rappeneau avec Isabelle ADJANI . L’actrice, présente, vient vers lui. Il lui chante “Quelques mots d’amour” Isabelle Adjani chante les dernières paroles avec lui.Producteur / co-producteurTélévision Française 1
GénériqueRéalisateur : Marion Sarraut Auteur de la chanson originale : Michel Berger Compositeur de la musique pré-existante : Michel Berger Producteurs : Maritie Carpentier, Gilbert Carpentier Interprètes : Michel Berger, Isabelle Adjani

Après-demain, c’est la rentrée, pour beaucoup, pour moi, en tous cas. Fallait donc que je respire encore plus fort. C’est ce que je lui ai répondu.

Je vais retrouver clients gris et collègues ronchons,

Lui, gentil, comme d’hab, quand il l’est, disent les méchants, il l’est toujours, les salauds, a dansé avec moi un slow endiablé et très coquin, sur la chanson de Berger, m’affirmant, ses yeux bleus d’amour dans les miens qu’Adjani n’avait qu’à bien se tenir, j’etais là. Il jure que ce n’est pas flatterie. Je le crois. Colosse du sentiment, vous vous souvenez ?

Je lui ai dit qu’avant, il y a 35 ans, avant ses incursions devenues d’addiction dans la philosophie, il nous offrait, sur papier imprimé, des pépites sur la magie de la variété francaise. Et il,écrivait des chansons d’amour pour les jeunes chanteurs et même les autres, Oui dit-il, mais la philosophie, et même la littérature ou encore la cabale (son bouquin est terminé) jaillissent joliment dans ses billets. OK, ai-je dit, mais il faut ce soir de la légèreté, liqorice pizza, les années italiennes,je suis triste Monsieur ! Il est allé dans le salon lire un bouquin inbitable de ISHIGURO. Il m’à dit ”je reviens “. Bon signe . Il se reposait 5mn, avant de revenir me dire les mots que lui seul sait prononcer pour consoler et faire sortir de lèvres lasses, tous les sourires en suspens. Chic ! Belle soirée !

Signé F, qui n’a pas peur des textes sans intérêt.

PS. Écrit par F, pour la rentrée de Septembre. J’ai ajouté l’extrait YouTube.

“de l’amour à la haine et du mat au brillant”, Colette Fellous.

Colette Fellous

Longtemps, c’est vrai, mes frères ont ressemblé à un livre de chevet que je ne pouvais pas quitter, que je ne me lassais pas de feuilleter, un livre dont les chapitres se succédaient comme ça, sans logique, dans la vraie liberté de l’enfance, pieds nus dans le sable, soleil brouillé qui envahit les yeux, une espèce de promenade, un après-midi d’été. Aucun plan n’a été dessiné dans cet enseignement que m’ont apporté les frères, aucun plan donc ne sera attendu ici, car la loi des frères et sœurs est une loi sauvage, impudique, lumineuse, à la façon des premiers secrets, des premières terreurs. Une loi qui révèle très vite, sans même qu’on ait vraiment le temps de comprendre, ce que sera le destin de la famille tout entière. C’est une loi, c’est vrai, qui a poussé toute seule, dans le désordre de la maison, avec les ronces et les fruits tombés des arbres, près des terrains vagues. Et c’est là aussi que se sont découverts la solitude et le sang. Ni fioritures donc, ni masque ni rhétorique. Quelque chose, pourtant, qui permet de passer brutalement de l’amour à la haine et du mat au brillant, quelque chose qui aurait le goût de ces clichés ordinaires, glissés dans les albums de famille, là où, justement, les moments de brûlure se révélaient à un seul regard, à deux mains très fort serrées, ou encore à ces lourds manteaux d’hiver qui dévoilaient la pâleur d’un visage ou la maigreur des mollets“. Colette Fellous. Frères et sœurs.

Licorice et les autres

J’ai vu “Les banshees d’Inisherin”, “The Fabelmans”, “Everthing, everywhere, all at once”, “Babylon” et je n’arrive pas à comprendre les nominations aux golden globes et autres oscars, ni les dithyrambes. Dans le désordre : De la photographie trop bien léchée pour être acceptable, une histoire gnan-gnan sur la découverte banale du petit don de Spielberg par lui-même, une histoire d’univers parallèle, multivers, trop loufoque pour faire rire ou penser, Brad Pitt qui joue à lui dans une fausse folie de film. Blade Runner 2049 s’en sort pas trop mal.

A vrai dire, comme je l’ai déjà écrit ici, je reste, dans ces dernières années, à LICORICE PIZZA, sorti en 2021, que je viens à l’instant même de revoir. Le bonheur. Je dois exagérer. Il est en concurrence avec Phanthom Tread, le dernier du même Anderson, le grand génie.

La bande annonce par un clic : https://m.youtube.com/results?sp=mAEA&search_query=licorice+pizza

la belle verte

La couleur des océans a changé sous l’influence du changement climatique

Des données satellite montrent que, dans l’ensemble, les océans des basses latitudes sont devenus plus verts.

Le Figaro, 13/07/2023

Les photos, ci-dessous cherchent du vert dans l’eau. J’affirme qu’il ne s’agit pas d’un filtre photoshop.

Photographies Michel Béja

Le Pirke Avot, le Lévitique et moi et moi et moi…

Extrait de brouillon. Introduction à la fabrication du don.

Le Pirké Avot (Maximes des Pères), traité de la Michna, première compilation écrite de la loi orale juive, rédigé entre le IIe siècle avant l’EC et le IIIe siècle après, comporte des perles de vérité foudroyante. Dont celle attribuée à Hillel, que beaucoup connaissent :

Si je ne suis pour moi, qui le sera ? Mais quand je suis pour moi, que suis-je ? Et si ce n’est maintenant, quand ?”

Par ailleurs, dans le Lévitique (chapitre 19, verset 18)) il est dit: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même : L’Éternel est ton Dieu ».

Dans ces deux extraits , le judaïsme somme l’individu de s’aimer. Le “prochain ne peut l’être (aimé ) que si l’on s’aime d’abord “Comme toi-même”.

Les lecteurs rapides de Levinas et les chrétiens répétiteurs s’arrêtent sur le prochain et “l’autre “. Oubliant ce que les grecs glorifiaient, que cite le Michel Foucault dans sa fin, celle, paradoxale, de la substitution du sujet à l’homme structural effacé, déja mort : la nécessité du “souci de soi””

PS. Je ne commente pas encore le “Mais quand je suis pour moi, que suis-je ?“. En réalité, quand ” je ne suis que pour moi”. La négation manquante n’est pas fortuite. Je ne commente pas non plus la propension de certains â s’arrêter à l’amour de soi. Je ne commente pas encore la différence entre l’amour de soi et le souci de soi.

MB.

Lisa, pas Liz.

Lorsque j’évoque cette photo que j’aime beaucoup de l’un de mes photographes de mode préféré Arthur Elgort, de Vogue, je précise que la femme magnifique se nomme Lisa Taylor. Beaucoup, certains que je me trompe, me reprennent, étonnés de mon ignorance du visage de Liz qui n’est pas celui photographié ici. Je réponds Lisa, pas Liz. Il y a longtemps, c’était amusant. Désormais, las, je ne réponds pas, laissant l’interlocuteur se convaincre d’une lésion cérébrale qui serait venue perturber mémoire et culture. Faut bien que les hommes vivent.

La femme prise par Arthur Elgort est un mannequin fort connu qui a fait la couverture de Vogue, à plusieurs reprises. Son nom est Lisa Taylor.

Un texte de Claude Lévi-Strauss, sur la liberté

Réflexions sur la liberté


Une commission spéciale de l’Assemblée nationale examine actuellement trois propositions de loi sur la ou les libertés.

Étant de pure procédure, celle du groupe socialiste se situe hors du champ de la réflexion philosophique. Au contraire, la proposition de la majorité et celle du groupe communiste entrent dans le vif du sujet. Or, tout en le traitant et même en le définissant de façons différentes, elles s’accordent sur un point : l’une et l’autre prétendent donner un fondement universel à l’idée de liberté et aux droits qui en découlent. La majorité définit la liberté comme « caractère distinctif de la volonté humaine » ; de son côté, le groupe communiste voit dans les libertés et dans leur exercice « des droits imprescriptibles » possédés par « tout être humain ».


C’est oublier que l’idée de liberté telle que nous la concevons est apparue à une date relativement récente, que les contenus qu’elle recouvre sont variables, et qu’une fraction seulement de l’humanité adhère à la première et croit jouir des seconds, de manière souvent illusoire au surplus.

Derrière les grands principes de la Déclaration des droits se profilait, en 1789, la volonté d’abolir des libertés concrètes et historiques : privilèges de la noblesse, immunités du clergé, communes et corporations bourgeoises, dont le maintien faisait obstacle à d’autres libertés, concrètes et historiques elles aussi. Dans ce cas comme dans d’autres, les formes de l’existence pratique donnent un sens aux idéologies qui les expriment. En répétant siècle après siècle le même credo, nous risquons d’être aveugles au fait que le monde où nous nous mouvons a changé. Les libertés privilégiées qu’il reconnaît, celles aussi qu’on y revendique, ne sont plus les mêmes.


Ce caractère relatif de l’idée de liberté ressort davantage encore dans le cas des pays dits sous-développés où, avec la Déclaration internationale des droits de 1948, nous avons colporté sinon même imposé des formules qui, dans l’état où ils se trouvaient, et où beaucoup se trouvent encore, sont largement dépourvues de signification. Aux victimes de la faim et d’autres misères physiologiques ou morales, il importerait sans doute peu, si leur condition devait changer, que ce fût dans des cadres que nous-mêmes jugerions insupportables. Passer sous le régime du travail forcé, de l’alimentation rationnée et de la pensée dirigée pourrait même apparaître comme une libération à des gens privés de tout, puisque ce serait pour eux le moyen historique d’obtenir du travail rémunéré, de manger à leur faim, et d’ouvrir leur horizon intellectuel à des problèmes qui leur soient communs avec d’autres hommes.


De même, les adhérents à l’idéologie d’un État totalitaire peuvent se sentir libres, quand ils pensent et agissent comme la loi l’attend d’eux. Montesquieu n’avait pas prévu que la vertu, ressort des régimes démocratiques, peut être inculquée à un peuple, dans le laps d’une génération, par des procédés de dressage qui n’ont guère de rapport avec elle. Mais à partir du moment où, comme en Chine, la vertu règne, les membres individuels du corps social se montrent, parfois en grande majorité, conformes à la définition que Montesquieu donne de l’homme de bien : celui « qui aime les lois de son pays, qui agit pour l’amour des lois de son pays ».

Aujourd’hui seulement, et forts de l’expérience de ce dernier demi-siècle, pouvons-nous mesurer combien la notion de vertu est équivoque, et comprendre qu’elle trace une voie particulièrement étroite entre le fanatisme spontané d’un côté, la pensée dirigée de l’autre. Encore n’est-il pas sûr que Montesquieu n’ait pas été tenté de pousser dangereusement son « homme de bien » au bord de l’un ou l’autre de ces gouffres. Ainsi quand il écrit : « La liberté ne consiste point à faire ce que l’on veut, mais à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. » Car d’où chacun connaîtra-t-il ce qu’il doit vouloir ? Il savait d’ailleurs fort bien que tout régime démocratique est condamné à périr précisément par dégénérescence de la vertu.


On se défiera donc du zèle apologétique qui prétend définir la liberté dans un faux absolu, en réalité produit de l’histoire. Vouloir fonder le droit aux libertés sur la nature de l’homme comme être moral prête à deux critiques. Celle d’arbitraire d’abord, puisque, selon les temps, les lieux et les régimes, l’idée de liberté admet des contenus différents. Le mariage des mineurs de vingt-cinq ans sans le consentement des parents ne resta-t-il pas interdit pendant plusieurs siècles de l’Ancien Régime, sous prétexte que, les lois ayant pour objet de rendre les engagements pleinement libres et volontaires, il convenait d’empêcher les individus d’agir sous la contrainte des passions ?


Deuxièmement, le fondement proposé demeure fragile, à cause de la nécessité où l’on se trouve de restituer subrepticement à la notion de liberté son caractère relatif. Toutes les déclarations connues, y compris les présents textes, n’énoncent chaque droit particulier qu’en subordonnant son application à ce que les lois autorisent : limite non précisée, et qu’il est à tout moment loisible de redéfinir. Autrement dit, le législateur n’accorde jamais une liberté qu’en se réservant la faculté de la restreindre, ou même, si des circonstances dont il est seul juge l’exigent, de l’abolir.


Pour ces raisons, le fondement idéologique que les deux textes de loi admettent sans débat apparaît aussi dangereux, et il convient d’inviter leurs rédacteurs à méditer les remarques judicieuses de Jean-Jacques Rousseau dans la préface au Discours sur l’origine de l’inégalité, car elles s’appliquent parfaitement à eux : « On commence par rechercher des règles dont, pour l’utilité commune, il serait à propos que les hommes convinssent entre eux ; et puis on donne le nom de loi naturelle à la collection de ces règles, sans autre preuve que le bien qu’on trouve qui résulterait de leur pratique universelle. Voilà assurément une manière très commode de composer des définitions, et d’expliquer la nature des choses par des convenances presque arbitraires. »


Peut-on concevoir alors un fondement des libertés dont l’évidence soit assez forte pour qu’elle s’impose indistinctement à tous ? On n’en aperçoit qu’un seul, mais il implique qu’à la définition de l’homme comme être moral, on substitue — puisque c’est son caractère le plus manifeste — celle de l’homme comme être vivant. Or, si l’homme possède d’abord des droits au titre d’être vivant, il en résulte immédiatement que ces droits, reconnus à l’humanité en tant qu’espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l’humanité cessent donc au moment précis où leur exercice met en péril l’existence d’une autre espèce.
Il ne s’agit pas d’ignorer que, comme tout animal, l’homme tire sa subsistance d’êtres vivants. Mais cette nécessité naturelle, légitime tant qu’elle s’exerce aux dépens d’individus, ne saurait aller jusqu’à éteindre l’espèce dont ils relèvent. Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable à notre échelle, dans le système de la création.


Les deux textes de loi n’ignorent pas entièrement ce genre de considérations. Mais, en prenant les conséquences pour les prémisses, ils se trouvent dans l’embarras pour décider quels droits particuliers de l’homme peuvent servir à justifier la protection du milieu naturel. La majorité inscrit celle-ci sous la rubrique du droit à la sécurité, et elle ne s’y attarde guère. Le groupe communiste préfère la ranger au nombre des droits à la culture et à l’information, ce qui n’est pas moins arbitraire. Il lui consacre deux articles au lieu d’un, mais n’en rend que plus manifestes les contradictions inhérentes à la façon dont les deux textes essayent de résoudre le problème.

Car il est contradictoire de proclamer dans un article le droit aux activités « de pleine nature », et, dans l’article suivant, le devoir de mettre cette même nature « en valeur rationnelle ». Il est aussi contradictoire de réclamer dans la même phrase « la protection de la flore et de la faune, la conservation des paysages, la liberté d’accès aux sites » et « l’élimination des nuisances dues au bruit, à la pollution et à toutes autres dégradations du cadre de vie » : la liberté d’accès aux sites est en elle-même une forme de pollution, et non la moindre. Dans un pays plus avancé que nous sous ce rapport, je veux dire le Canada, je connais tel parc naturel dont les responsables constatent la dégradation insidieuse, malgré le règlement draconien qui impose à des petits groupes de cinq ou six excursionnistes de s’engager dans les parcours autorisés à plusieurs heures d’intervalle.


Si gênant qu’il soit de l’admettre, la nature, avant qu’on songe à la protéger pour l’homme, doit être protégée contre lui. Et quand, dans une déclaration récente, M. le Garde des sceaux déclare que « la justice ne peut rester indifférente aux agressions que l’homme subit du fait des nuisances », il inverse, lui aussi, les données du problème : l’homme ne subit pas l’agression des nuisances, il les cause. Le droit de l’environnement, dont on parle tant, est un droit de l’environnement sur l’homme, non un droit de l’homme sur l’environnement.
D’aucuns objecteront que les trois propositions de loi traitent des droits individuels, et demanderont comment on pourrait les dériver de droits fondés seulement à l’échelon spécifique. Mais cette difficulté n’est qu’apparente, car, quand nous définissons l’homme comme être moral suivant l’acception traditionnelle, nous nous référons en fait à une propriété distinctive de la vie sociale, qui est d’élever chacun de ses participants au rang d’espèce. En imposant à chaque individu d’exercer une fonction, de remplir un ou plusieurs rôles, en un mot d’avoir une personnalité, le groupe le transforme en un équivalent de ce qu’on pourrait appeler une espèce mono-individuelle.

Sans même envisager le groupe dans son ensemble, il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment une famille quelconque ressent la perte d’un de ses proches : atteinte au plus profond par la dissolution d’une synthèse irremplaçable qui, pour un temps, unissait en un tout cohérent une histoire particulière, des qualités physiques et morales, un système original d’idées et de conduites… Un peu comme si, dans l’ordre naturel, s’éteignait une espèce, elle aussi synthèse unique de qualités particulières qui ne réapparaîtront jamais plus.
Quand nous disons que l’homme est un être moral et que cette qualité lui crée des droits, nous prenons seulement acte du fait que la vie en société promeut l’individu biologique à une dignité d’un autre ordre. En reconnaissant ce phénomène, on ne rejette pas le critère de moralité ; on l’intègre à un ensemble plus général, avec, pour conséquence, que du respect dû à l’espèce en tant qu’espèce — et donc dû à toutes les espèces — dérivent les droits dont, dans le cas de la nôtre, chaque individu peut se prévaloir comme individu : au même titre qu’une espèce quelconque, mais pas plus loin.
Seule, cette problématique pourrait recueillir l’assentiment de toutes les civilisations. La nôtre d’abord, car la conception qu’on vient d’esquisser fut celle des jurisconsultes romains, pénétrés d’influences stoïciennes, qui définissaient la loi naturelle comme l’ensemble des rapports généraux établis par la nature entre tous les êtres animés pour leur commune conservation ; celle aussi des grandes civilisations de l’Orient et de l’Extrême-Orient, inspirées par l’hindouisme et le bouddhisme ; celle, enfin, des peuples dits sous-développés, et même des plus humbles d’entre eux, les sociétés sans écriture qu’étudient les ethnologues. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l’homme une partie prenante, et non un maître de la création. Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation.
Nul doute que si, dans sa définition des libertés, le législateur français accomplissait le pas décisif consistant à fonder les droits de l’homme sur sa nature d’être non pas moral, mais vivant, un nouveau prestige en résulterait pour notre pays. A un moment où la qualité de la vie et la protection du milieu naturel émergent au premier plan des besoins des hommes, cette reformulation des principes de la philosophie politique pourrait même apparaître, aux yeux du monde, comme l’amorce d’une nouvelle déclaration des droits. On dira avec raison que les conjonctures sociale et internationale ne s’y prêtent guère, mais des étapes préliminaires ont aussi préparé les autres. Dès à présent, on pourrait en attendre un retentissement comparable, dans l’opinion, à celui provoqué par la Déclaration d’indépendance en 1776, les Déclarations des droits en 1789 et 1793, dont nous comprenons mieux aujourd’hui que les principes servirent surtout des besoins historiques. Avec les projets actuels, une occasion unique se présente pour la France d’asseoir les droits de l’homme sur des bases qui, sauf pendant quelques siècles par l’Occident, furent explicitement ou implicitement admises en tous lieux et en tous temps.
On regrettera donc que les rédacteurs des textes en discussion aient choisi de répéter des formules rituelles, sans égard pour les confusions et les difficultés qu’elles entraînent. Ainsi, on se réclame simultanément, mais sans le dire, d’une philosophie des droits qui limite les pouvoirs de l’État, et d’une autre qui les augmente. On confond le droit de tout individu à la reconnaissance d’une sphère privée, condition et gage de sa liberté, avec de prétendus droits qui se réduisent à l’énoncé de divers objectifs souhaitables pour la vie sociale. Or on ne crée pas des droits dans le même sens en proclamant ces objectifs, car la société n’est pas automatiquement capable de les remplir. De ceux qui la gouvernent, une société peut exiger qu’ils concèdent à chacun une sphère privée : de quelque façon qu’on la définisse, il suffit pour cela de prescriptions négatives. Mais, si indispensable que soit le droit au travail pour permettre à la liberté de s’exercer, de deux choses l’une : ou son affirmation restera verbale et gratuite, ou elle impliquera en contrepartie le devoir pour chacun d’accepter le travail que la société est en état de lui fournir. Ce qui suppose soit une bonne volonté reflétant une adhésion générale aux valeurs collectives, soit, à défaut, des mesures de contrainte. Dans la seconde hypothèse, on niera donc la liberté au nom du droit qui s’en réclame ; dans la première, on attendra tout d’une disposition morale que la liberté, définie de façon négative, est impuissante à susciter : la « vertu » de Montesquieu ne se décrète pas par voie législative. Si la loi peut garantir l’exercice des libertés, celles-ci n’existent que par un contenu concret qui ne provient pas de la loi, mais des mœurs.
En vérité, les deux propositions de loi recèlent la même contradiction interne et, de ce point de vue, celles du groupe communiste et de la majorité se rejoignent. On ne peut pas adopter une définition rationaliste de la liberté — prétendant donc à l’universalité — et faire en même temps d’une société pluraliste le lieu de son épanouissement et de son exercice. Une doctrine universaliste évolue inéluctablement vers des formules équivalentes à celle du parti unique, ou vers une liberté ravageuse et dévoyée sous l’effet de laquelle les idées, livrées à elles-mêmes, se combattent jusqu’à perdre toute leur substance. Le choix final sera entre une liberté absente dans sa présence, et une liberté présente, cette fois, dans son absence, et où, pour citer à nouveau Montesquieu, après avoir été libre avec les lois, on veut être libre contre elles.
Comme solution politique, le pluralisme ne peut être défini dans l’abstrait. Il perd toute consistance s’il ne s’applique pas à des contenus positifs venus d’ailleurs, et qu’il est par lui-même incapable d’engendrer : libertés faites d’héritages, d’habitudes et de croyances qui préexistent aux lois, et que celles-ci ont pour mission de protéger. Un thème constant de la pensée politique, depuis le XVIIIe siècle, oppose les libertés dites respectivement « à l’anglaise » et « à la française ». Sans nous demander jusqu’à quel point ces notions reflètent des vérités d’expérience (qui, dans le cas de l’Angleterre, semblent pour le moins ébranlées) il vaut la peine de dégager leur signification philosophique.
Dans le premier manuel d’ethnographie paru en France, et dont on pourrait célébrer cette année le bicentenaire puisque sa première édition date de 1776, Jean-Nicolas Démeunier, qui le publia à l’âge de vingt-cinq ans, fait une profonde remarque2. Après avoir noté que les anciens évitaient de blesser les croyances populaires si absurdes soient-elles, il s’exprime comme suit : « On peut appliquer aux Anglais la même réflexion. Ces fiers insulaires regardent en pitié les écrivains qui combattent les préjugés religieux : ils rient de leurs efforts ; et persuadés que le genre humain est né pour l’erreur, ils ne se mettent pas en peine de détruire des superstitions, qui seraient bientôt remplacées par d’autres. Mais la liberté de la presse et la constitution du gouvernement leur permettent d’attaquer les administrateurs, et ils crient sans cesse au despotisme. La première loi des monarchies est d’écarter les séditieux et d’ôter la liberté d’écrire : l’esprit humain, qui est indomptable, s’égare et il attaque les religions. Les sujets des princes absolus écoutent d’ailleurs plus volontiers ces spéculations ; tandis qu’en Angleterre, on est plus disposé à recevoir les avis qu’on donne pour maintenir la liberté ; et la nation qui en jouit, ou qui croit en jouir, ne voit et n’entend rien que lorsqu’on lui parle du despotisme. »
Près d’un siècle plus tard en 1871, dans la Réforme intellectuelle en France, Renan tiendra des propos analogues : « L’Angleterre est arrivée à l’état le plus libéral que le monde ait connu jusqu’ici en développant ses institutions du Moyen Age (…) La liberté en Angleterre (…) vient de son histoire entière, de son égal respect pour le droit du roi, pour le droit des seigneurs, pour le droit des communes et des corporations de toute espèce. La France suivit la marche opposée. Le roi avait depuis longtemps fait table rase du droit des seigneurs et des communes ; la nation fit table rase des droits du roi. Elle procéda philosophiquement en une matière où il faut procéder historiquement. » De l’autre côté de la Manche, Sir Henry Sumner Maine écrivait déjà en 1861, dans son fameux ouvrage Ancient Law : « Les philosophes français se montrèrent si impatients d’échapper à ce qu’ils tenaient pour la superstition des prêtres qu’ils se sont jetés la tête la première dans la superstition des juristes. »
De ces trois jugements parallèles, celui de Démeunier va le plus loin en n’hésitant pas à voir dans la superstition le plus sûr antidote contre le despotisme. Le propos est actuel, car le despotisme existe toujours parmi nous, et si l’on demande où il siège, nous répondrons en empruntant une autre formule de Renan, plus vraie encore aujourd’hui qu’à son époque : dans « l’impertinence vaniteuse de l’administration » qui, sur tout citoyen, fait peser une insupportable dictature. Mais en quoi la superstition, dont le concept recouvre un contenu discrédité aux yeux des modernes, peut-elle s’opposer au despotisme ? Comprenons donc ce que Démeunier entendait par ce terme.
D’abord, sans doute, tous ces codes culturels que la loi Le Chapelier allait bientôt détruire ; mais aussi, de façon plus générale, cette multitude de petites appartenances, de menues solidarités qui préservent l’individu d’être broyé par la société globale, et celle-ci de se pulvériser en atomes interchangeables et anonymes ; qui intègrent chacun dans un genre de vie, un terroir, une tradition, une forme de croyance ou d’incroyance, lesquels ne s’équilibrent pas seulement les uns les autres à la façon des pouvoirs séparés de Montesquieu, mais constituent autant de contreforces capables de se dresser toutes ensemble contre les abus de la puissance publique.
En donnant un fondement prétendu rationnel à la liberté, on la condamne à évacuer ce riche contenu et à saper ses propres assises. Car l’attachement aux libertés est d’autant plus grand que les droits qu’on l’invite à protéger reposent sur une part d’irrationnel ; ils consistent en ces infimes privilèges, ces inégalités peut-être dérisoires qui, sans contrevenir à l’égalité générale, permettent aux individus de trouver des points d’ancrage au plus près. La liberté réelle est celle des longues habitudes, des préférences, en un mot des usages, c’est-à-dire — l’expérience de la France depuis 1789 le prouve — une forme de liberté contre quoi toutes les idées théoriques qu’on proclame rationnelles s’acharnent. C’est même leur seul point d’accord, et quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne leur reste plus qu’à s’entre-détruire. Nous en sommes là. Au contraire, des « croyances » (terme qu’il ne faut pas prendre au sens de croyances religieuses, bien qu’il ne les exclue pas) peuvent seules donner à la liberté des contenus à défendre. La liberté se maintient par le dedans ; elle se mine elle-même quand on croit la construire du dehors.
L’ethnologue n’a guère de titre à s’exprimer sur ces problèmes, sinon que sa profession l’entraîne à. voir les choses avec un certain recul. Mais, sur un point au moins, il peut apporter une contribution positive. Certains, parmi nous, se consacrent à l’étude de sociétés peu nombreuses, d’un très bas niveau technique et économique, et dont les institutions politiques offrent une grande simplicité. Rien n’autorise à reconnaître en elles une image des sociétés humaines à leur début, mais, sous cette forme dépouillée, elles exposent, peut-être mieux que des sociétés plus complexes, les ressorts intimes de toute vie sociale et quelques-unes de ses conditions qu’on peut tenir pour essentielles. Or on a remarqué que, dans les régions du monde où elles survivent encore, ces sociétés oscillent entre quarante et deux cent cinquante membres. Quand le chiffre de la population tombe en dessous du seuil, la société considérée disparaît plus ou moins vite ; et quand il dépasse le maximum, elle se divise. Tout se passe donc comme si deux groupes de quarante à deux cent cinquante membres étaient viables, alors qu’un groupe, disons de quatre cents ou cinq cents membres, ne l’est pas. Les causes économiques n’expliquent le phénomène qu’imparfaitement. Il faut donc admettre que des raisons plus profondes, d’ordre social et moral, maintiennent le nombre d’individus appelés à vivre ensemble dans des limites entre lesquelles se situerait ce qu’on peut appeler l’optimum de population. On vérifierait ainsi, de manière expérimentale, l’existence d’un besoin de vivre en petites communautés, partagé peut-être par tous les hommes ; ce qui n’empêche d’ailleurs pas celles-ci de s’unir quand l’une d’elles subit une attaque venue du dehors. Fondée sur la possession collective d’une histoire, d’une langue (en dépit de différences dialectales), d’une culture, même une solidarité à grande échelle comme la solidarité nationale résulte dans ces sociétés — et sans doute aussi ailleurs — de la congrégation de petites solidarités.
Contrairement à Rousseau qui voulait abolir dans l’État toute société partielle, une certaine restauration des sociétés partielles offre un dernier moyen pour rendre aux libertés malades un peu de santé et de vigueur. Malheureusement, il ne dépend pas du législateur de faire remonter aux sociétés occidentales la pente sur laquelle elles glissent depuis plusieurs siècles — trop souvent, dans l’histoire, à l’exemple de la nôtre. Il peut au moins se montrer attentif au retournement de tendance dont on relève çà et là des indices ; l’encourager dans ses manifestations imprévisibles, si incongrues, choquantes même, qu’elles puissent quelquefois paraître ; en tout cas, ne rien faire qui risque de l’étouffer dans l’œuf ni, s’il s’affirme, l’empêcher de suivre son cours.

EXTRAIT DU “REGARD ELOIGNE”

Le maître.

1 – Acte I. Henri Atlan a publié sa correspondance avec Ariel Toledano. J’en étais barbouillé d’émotion, d’impatience à lire.

2 – Acte 2. Une nuit entière à lire.

3- Acte 3. Déception immense.

4 – Acte 4. Silence. On ne démolit pas un maître qui faiblit. On ne démolit qu’un jeune présomptueux, une vielle sorcière, un politicien faiseur ou corrompu ou, mieux, un ancien amour devenu détestable, tant on ne l’a jamais aimé.

Salle d’enfance

Dans une vieille autobiographie, je racontais et décrivais la salle de cinéma d’un petit bourg où j’ai vécu, l’entrée m’étant accordée, assis au fond, à même le béton fissuré, en contrepartie de ma participation à la fin de la séance, balai artisanal défait en mains, au nettoyage de ladite salle dont le sol était empli d’écorces de glibettes, les noires et les blanches. Elle ressemblait à celle ci-dessus.

i.a, art

Ci-dessous, des images que j’ai générées, fabriquées, en quelques minutes par des mots (un “prompt” dans le jargon), des expressions, des descriptions de que je voulais comme image, puis quelques clics, dans un logiciel de création artistique par intelligence artificielle.

Je reviendrai sur la relation entre la création artistique et l’I.A, sujet essentiel, qui traverse toutes les interrogations philosophiques, ontologiques, métaphysiques même si l’on n’ose plus employer ce dernier mot.

PS. Evidemment, on me demande des images, je refuse. Il faut trouver juste les mots justes, pour fabriquer l’image, ce qui est à la portée de tous.

MB, I.A.

MB, I.A.

CRÉÉ PAR MB et FIREFLY
FABRIQUE PAR MB , BY FIREFLY
MB, I.A. Les tableaux n’existent donc pas dans la réalité, ils sont de moi, sans l’être.

Ça cause trop, ça sonne faux. Les séries françaises.

Mon titre concerne donc les séries et souvent les films français. Une série américaine bien faite, elle, joue sur les paysages, un regard, une démarche , une couleur. Ce qui change tout et laisse une empreinte improbable.

Puis les nouveaux acteurs français jouent à être acteurs. On est gêné par eux.

Les séries françaises sont adorées par les français et ‘es lecteurs de Télérama.

PS. Comment peut-on, sans craindre le ridicule, écrire dans le générique d’un sujet sur le viol dont tous, même sans avertissement, savent qu’il s’agit de la pire des infamies que “cette série vise à rendre hommage aux victimes”. L’adolescence ou, ce qui est du même acabit, l’esprit “Télérama” nous empêche, par l’inintelligence, d’apprécier, même une bonne série pourtant française qu’on a regardé en étant bienveillant, oubliant que les dialogues étaient ridicules et que ça causait trop et que ça sonnait faux…

Hélène Grimaud “all about elle” ou la pure méchanceté du chroniqueur.

On donne, sans commentaire un article d’Oliver Bellamy dans Le Point de cette semaine, intégral. Doit – on pardonner le ridicule ? Oui, il n’est que le sentiment des autres. Le ridicule devrait s’isoler. Ce qui est ridicule, dira-t-on.

Olivier Bellamy est méchant. Il a le droit. Mais autant ? Pas certain. On sent une concurrence dans le snobisme et la maitrise pretendue du mot. Bellamy semble regretter d’avoir été mis sur la touche lorsque la pianiste a décidé de publier ce livre d’entretiens. La reproduction complète du billet (d’humeur massacrante) permet d’approcher frontalement les rives du parisianisme détestable qui sévit dans les chroniques musicales qui sont presque toutes celles de musiciens ratés. On ajoute qu’on n’aime pas trop, justement pour cette mise en scène collégienne, HG. On devrait, dès lors, être ravi de l’article de Bellamy. Non, le malaise s’installe toujours lorsque la méchanceté est gratuite, laissant suinter des pointes de jalousie et, encore une fois, de parisianisme de tables choisies. Celles des dîners entre méchants dans des quartiers précis de la capitale.

Hélène Grimaud, all about Elle
LA CHRONIQUE D’OLIVIER BELLAMY. Dans son livre, « Renaître »*, la pianiste laisse diviniser sa personne au point que cette aspiration au sublime frôle le ridicule.
Par Olivier Bellamy

Publié le 20/12/2023 à 16:00ego d’artiste, mais il est vrai que je ne connais aucun musicien important qui place l’Aixoise dans son panthéon.

Passages surécrits

Alors autant répondre à l’appel sacré de la foule et faire don de sa personne pour mieux sculpter sa propre statue. D’abord, le titre : Renaître. Ça sent l’attrape-gogos, le camelot et son élixir de jeunesse, le mariage forcé d’Arvo Pärt et Jack London au rayon développement personnel. Après deux avant-propos qui enfument au lieu d’éclaircir, le premier chapitre intitulé « Le sentiment océanique de l’existence » fait déjà sourire sans qu’il soit besoin d’ironiser. Suivent des images étranges, « un rêve émané de la mer », le soleil procréé par l’eau », et le pompon : « les laisser me pénétrer » dans un paragraphe consacré aux chiens et aux loups… À rapprocher du paragraphe sur le regard concupiscent des hommes sur son innocente personne.

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D’autres passages surécrits : « Ils viennent des neiges du Grand Nord et des roux de l’automne assurer la domination sauvage, la froide et solennelle férocité de la nature. » Et puis des platitudes post-durassiennes (voulues, forcément voulues) : « La sortie d’Aix, l’arrivée à Arles, et puis, à la sortie d’Arles, la route des Salins, ou celle des Saintes-Maries-de-la-Mer », comme si ce paupérisme ostentatoire allait racheter la débauche de « magie », d’« acuité palpable », de « vibration de vie », de « moment de grâce », de « miracle ». 

Et puis des clichés que n’oserait pas une Amélie Nothomb  : « la tendresse un peu bourrue » d’un aïeul, « la prémonition d’un destin », ou encore « vivre à deux, c’est confronter l’idéal aux aspérités de la réalité ». Sans oublier des expressions comme le « crissement ouaté de la neige » qui rappellent un corrigé de rédaction au brevet de fin d’études.

Certains passages sont très bien. Sur ses parents, sur la virtuosité… Justes, posés, intéressants. Et puis l’antinaturel revient au galop : « D’un concert à l’autre, je continue de m’étonner – voire de m’émerveiller – de l’évolution de mon propre rapport avec l’œuvre. » Ou le so chic : « J’ai choisi cette vie. Ou plutôt, elle m’a choisie. » Et toujours ces citations qui s’empilent, se détruisent, et ne signifient plus rien.

Préciosité

Et puis la préciosité. Ainsi une longue citation d’Henri Michaux dans la question voit sa résolution dans la réponse : « Vous pouvez citer la fin du texte : … » Ou comment pousser le lecteur à penser : Dieu qu’elle est savante ! Et puis des petites malhonnêtetés, des chichis rhétoriques. Question sur l’éducation. Réponse : « Si je devais improviser, je dirais que… » Alors que l’écrivain a largement eu le temps de peaufiner sa réponse.

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Tous les moyens sont bons pour que l’auto-héroïne en sorte sublimée. Malheureusement, il en va là comme de ces hommes petits qui usent de talonnettes pour se grandir. L’intervieweur n’en oublie pas de ramasser des miettes du festin au passage. Question : « Vous avez été l’élève de Geneviève Joy-Dutilleux. Je me souviens avoir été placé à côté de son mari, Henri Dutilleux, à l’un de vos concerts au Théâtre des Champs-Élysées… » Quel est l’intérêt de cette information qui ne débouche sur rien, sinon de se mettre en valeur sur le dos du compositeur coincé entre deux virgules ?

Passons sur les petites vanités ordinaires – dans mon liiivre ceci, dans mon diiisque cela. Oublions le passage très politiquement correct sur l’écoféminisme (pour avoir interviewé Hélène Grimaud de nombreuses fois, je ne la reconnais pas). À fréquenter l’éther impalpable et ineffable de la Vérité, la vérité en devient si fade. Comme Barsacq et Grimaud sont cultivés et intelligents, tout cela sent la fabrication grossière, l’indignité, et au bout du compte la vulgarité. D’où un dégoût esthétique et moral qui finit par nous salir les yeux. Ne parlons pas de l’âme, et laissons-en la glose à ceux qui savent en faire un commerce aussi juteux.

*Renaître par Hélène Grimaud et Stéphane Barsacq, éd. Albin Michel.

PS. MB ” UN THESARD QU’ON PREFERERAIT TAISEUX”. ECRIT BELLAMY QUI FROLE BEAUCOUP LE RIDICULE. CE QUI DEVRAIT APAISER HG.

Red Garland, again

Beaucoup, lorsqu’il s’agit de vanter le piano de jazz, toujours très mal joué ( je crois savoir le motif que je ne veux devoiler) par les plus grands pianistes dits « classiques » qui s’y sont quelquefois essayé, y compris Barenboïm,  citent d’abord Bill Evans. Of course. Puis ceux qui se veulent plus « connaisseur », Errol Garner, Earl Hines, Ahmad Jamal, Thelonius Monk, ceux qui vont encore plus loin, Mc Coy Tyner, Hank Jones, puis les plus snob, Keith Jarret et les faiseurs qui confondant la compassion (humaine et évidemment nécessaire) et l’écoute Petrucianni.

Nul ne cite l’unique, l’immense Red Garland, que personne, on se demande pourquoi, ne connait.

Il a été le pianiste de John Coltrane (en réalité, Coltrane était dans son quintet), celui de Miles Davis, a fait des disques de rêve. Son piano est tout en accords qui se battent avec la touche intime. Clameur du sentiment. Il va va chercher ce qui transporte au-dessus du bitume, dans on ne sait quoi. Qu’il trouve.

On peut aller en ligne voir qui il est. Ici, simplement, un de ses morceaux. : son « My romance » qui a été joué par tous, y compris les précités. Écoutez, en cliquant ci-dessous (bonne qualite Vorbis),vous n’en reviendrez pas et dormirez admirablement, en étant heureux de vivre dans un monde où des notes de ce type peuvent sortir du clavier avec une si douce force. A 2mn, après ses accords, Garland nous offre une impro d’une finesse mémorable qu’on réécoute toujours la joie dans le torse.

PS. Ce billet, ecrit non publié en Aout 2021 par M, qui constituait un mail qui m’était destiné, se devait de l’être, posté. Ceux qui s’aventurent ici (comme il dit) dans ce site, savent qu’il a déja offert, mais sans commentaires, le disque dans sa totalité. J’ai juste changé le “tu” (tu écoutes) en “vous”. Ce qui en a fait un billet. J’aurais du l’intituler “My romance”. F

Toi, Adam, achève ta propre forme

Jean Pic de la Mirandole, qui se faisait aussi appeler comte de la Concordia, né à Mirandola le 24 février 1463 et mort le 17 novembre 1494 à Florence, est un philosophe et théologien humaniste italien, troisième fils d’une vieille famille comtale.

Nec certam sedem, nec propriam faciem, nec munus ullum peculiare tibi dedimus, o Adam, ut quam sedem, quam faciem, quae munera tute optaveris, ea, pro voto, pro tua sententia, habeas et possideas. Definita ceteris natura intra praescriptas a nobis leges coercetur. Tu, nullis angustiis coercitus, pro tuo arbitrio, in cuius manu te posui, tibi illam praefinies. Medium te mundi posui, ut circumspiceres inde commodius quicquid est in mundo. Nec te caelestem neque terrenum, neque mortalem neque immortalem fecimus, ut tui ipsius quasi arbitrarius honorariusque plastes et fictor, in quam malueris tute formam effingas…

Pic de la Mirandole, Oratio de hominis dignitate.

Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même. Je t’ai placé au milieu du monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme.

Pic de la Mirandole, Oratio de hominis dignitate.

PS MB. Un texte des nouveaux héros netflixiens et leur devise “deviens ce que tu es”. Sauf qu’il faut travailler pour achever. Ce qui change tout dans la relation au monde (inachevé)

Miss I.A se trompe sur Miss France (Chat et souris non en phase)

Miss France : une intelligence artificielle prédit la gagnante du concours

Le pronostic Miss Côte d’Azur

Selon un outil d’intelligence artificielle développé par un cabinet spécialisé dans le domaine, Miss Côte d’Azur sera élue ce samedi.

Par Jérémy Billault pour Le Point

Publié le 15/12/2023 à 22:07

Le concours Miss France est-il totalement prévisible ? Il sera rapidement possible d’envisager une réponse en comparant les résultats de l’élection qui aura lieu le 16 décembre prochain avec les prédictions d’un outil d’intelligence artificielle évoqué par nos confrères de Ouest-France . Cet outil, développé par un cabinet spécialisé dans l’aide à la décision à destination des entreprises, a analysé de nombreuses données pour prédire le podium du concours.

Le cabinet assure avoir récolté les caractéristiques de toutes les candidates et, élément important, des détails sur les membres du jury. La popularité des différentes candidates a également été mesurée sur plusieurs réseaux sociaux (Twitter, Instagram et TikTok).

Miss Côte d’Azur, grande favorite

Toutes ces données compilées, l’outil d’intelligence artificielle déclare ainsi que Miss Côte d’Azur, Karla Bchir, sera élue Miss France 2024. Sa première dauphine sera Elena Faliez, Miss Île-de-France, devant Audrey Ho Wen Tsai, Miss Guyane, deuxième dauphine. Jalylane Maes, Miss Guadeloupe et Chléo Modestine, miss Martinique complètent le top 5.

À lire aussi : Concours Miss France : les candidates se font laminer par le test de culture générale

Toujours dans le collimateur des féministes dénonçant « un concours misogyne et sexiste », malgré des gages de modernité, l’élection Miss France 2024 se déroulera samedi soir à Dijon, en direct sur TF1 : 30 Miss régionales de 18 à 28 ans sont en lice pour succéder à Indira Ampiot , Miss Guadeloupe. La cérémonie sera marquée par un hommage à Geneviève de Fontenay , la « dame au chapeau » et figure historique du concours, décédée en août à 90 ans

FAUX LE RESULTAT miss Nord-Pas-de-Calais

Extrait du Point

Ève Gilles, Miss Nord-Pas-de-Calais, élue Miss France 2024

La nouvelle Miss a fait de sa candidature le symbole de la diversité féminine, lors de ce concours de beauté entaché par une récente condamnation en justice.

Par L.D. avec AFP

Publié le 17/12/2023 à 07:11

Les cheveux courts, Miss Nord-Pas-de-Calais, élue Miss France 2024, samedi 16 décembre à Dijon, a fait de sa candidature le symbole de la diversité féminine, lors de ce concours de beauté entaché par une récente condamnation en justice pour la diffusion d’images de candidates les seins nus. « Personne ne doit vous dicter qui vous êtes », a déclaré Ève Gilles, 20 ans, lors de la compétition, faisant de son seul choix de garder les cheveux courts une différence par rapport aux autres Miss, toutes à la chevelure longue.

Originaire de Quaëdypre, un village proche de Dunkerque, Ève Gilles a promis de « défendre les valeurs des femmes fortes ». « Le body shaming, on le subit au quotidien, peu importe. On a toutes nos imperfections. Chaque femme est différente, nous sommes toutes uniques », a-t-elle expliqué en conférence de presse.

« Rihanna à l’ancienne »

La nouvelle Miss France, étudiante en deuxième année de licence de mathématiques et informatique, n’a pour autant pas précisé sa position sur le concours de « beauté » auquel elle a participé et qui est largement contesté par les féministes. Succédant à Indira Ampiot, Miss Guadeloupe et France 2023, Ève Gilles a été sélectionnée au terme d’un grand « show », selon les mots de Jean-Pierre Foucault, 76 ans et présentateur du concours depuis 1995. La moitié de la note est délivrée par les téléspectateurs et l’autre par un jury de sept femmes.

À lire aussi : Miss France : une intelligence artificielle prédit la gagnante du concoursSur les réseaux sociaux, des internautes se félicitent du choix d’une femme « sublime » et fustigent les critiques apparues sur la toile après le résultat du concours. « Peut-être que la nouvelle #MissFrance n’est pas superbe à vos yeux, mais voir en elle du wokisme parce qu’elle a les cheveux courts…. C’est juste ridicule », affirme sur X un fan de la nouvelle Miss. « Ève Gilles est la nouvelle Miss France 2024, vos critiques malveillantes et inutiles ne changeront rien à cela, elle est sublime », lance un autre sur X.

Son teint mat, ses cheveux bruns et courts valent à la nouvelle Miss France, originaire de l’île de La Réunion, d’être comparée à des célébrités telles que l’actrice américaine Halle Berry, la mannequin Linda Evangelista, l’actrice espagnole Ursula Corbero, ou même « Rihanna à l’ancienne » comme l’écrit un internaute.

Un concours encore très critiqué

Le concours s’est déroulé après une condamnation par le tribunal de Lille, mardi, de la filiale de TF1, e-TF1 et la société Endemol qui coiffait alors la société Miss France. En cause, la diffusion à près de huit millions de téléspectateurs des images de deux Miss régionales, filmées la poitrine nue, le 15 décembre 2018, par une caméra installée à leur insu.

À lire aussi : Miss France 2024 ou le bal des faux-culs

Les organisateurs avaient présenté leurs excuses pour ce « couac », mais l’accroc s’ajoute à la polémique entourant le concours de beauté qui, malgré quelques réformes, reste très critiqué. Désormais centenaire, Miss France est un symbole de « réussite », assure la société Miss France. « C’est un ascenseur social », affirme sa présidente Alexia Laroche-Joubert, évoquant des Miss devenues « femmes d’affaires, médecins ou encore réalisatrices ».

Les critères ont, de plus, été « modernisés », assure-t-elle. Une candidate n’a désormais plus de limite d’âge et peut être transgenre, mariée, mère… et même tatouée. Une seule candidate trans s’est jusqu’à présent présentée. Elle a échoué à l’élection de Miss Paris, en 2022. Ces petites révolutions avaient fait vaciller le célèbre chapeau de Geneviève de Fontenay, figure historique du concours de beauté, décédée en août dernier à 90 ans. Un hommage lui a été rendu samedi soir, jetant un voile pudique sur les relations houleuses qu’elle entretenait avec l’organisation actuelle des Miss.

Une élection « très misogyne »

Cette « évolution » est cependant encore loin de satisfaire les féministes. « C’est du « feminist-washing » : on reste dans une élection très misogyne », estime Mélinda Bizri, de la Ligue des droits de l’homme à Dijon, qui appelle au boycott de la cérémonie avec de nombreuses autres associations. « Les femmes se violentent toute leur vie pour atteindre ces critères fantasmagoriques, selon des schémas qui mettent très longtemps à se déconstruire », souligne-t-elle. « Miss France est toujours aussi sexiste dans le principe de classer les femmes sur des critères de beauté », renchérit Violaine de Filippis, porte-parole de Osez le féminisme !

Pour autant, chaque cérémonie compte parmi les audiences les plus élevées de TF1 (7,1 millions de téléspectateurs l’an dernier). La soirée des Miss « est toujours un succès car c’est tout d’abord un divertissement », explique à l’AFP Virginie Spies, analyste des médias à l’université d’Avignon. Mais ce succès est en partie dû au “hate watching”, c’est-à-dire « regarder ce que l’on n’apprécie pas forcément pour pouvoir le critiquer », définit Virginie Spies.

Eddy Mitchell, le méchant bougon en verve

Extrait du Point (excellente journaliste, Aurelie Raya)

Johnny, Dutronc, les Stones, l’Amérique, Paris… le rockeur de 81 ans se confie sans filtre. Rencontre à l’occasion de la sortie de son livre « Eddy Mitchell. Ma discothèque idéale ».

Par Aurélie Raya

Publié le 17/12/2023 à 09:05 LE POINT

Une gargote sympathique du 16e arrondissement, à Paris. Eddy Mitchell est là, coiffure (de rockeur) impeccable, regard amusé, parfois goguenard, surtout relax. Tartare frites, vin rouge, et pas du bio ou du naturel – « j’aime pas ça » –, la conversation s’aventure sur la musique, évidemment. Mitchell sort un livre aussi agréable qu’un vieux canapé confortable, il dévoile sa discothèque idéale, les albums qu’il écoute et réécoute, ceux qui ont fait vibrer sa carapace. On se doutait que cet homme, né pendant la guerre, rendrait gloire à ses héros d’adolescence, les caïds des années 1950, mais l’ouvrage est plus subtil qu’une déclaration d’amour au rock’n’roll, à l’image des chansons de Schmoll d’ailleurs. Ode au génie Little Richard, joie de faire revivre les oubliés merveilleux Jackie Wilson et Timi Yuro, « c’est formidable ». L’érudit du vinyle préfère le pianiste en feu Jerry Lee Lewis au tendre Elvis Presley : « Après son service militaire, les albums sont dramatiques, les films sont mauvais, c’est Luis Mariano. Alors que Jerry Lee Lewis reste fou. » Lewis qui avait épousé sa cousine de 13 ans, un scandale en son temps, ce qui fait penser Mitchell à son bassiste américain : « Wayne Moss s’était marié avec sa gonzesse à 14 ans, ils avaient le même âge. Les parents n’avaient pas de pognon, ils se débarrassaient de leurs enfants pour éviter de les entretenir. C’était courant dans le Sud. »

l’autre pays de Claude Moine.

Lui et l’ami Johnny Hallyday ont contribué à mythifier cette contrée, avec eux on voulait rouler en Harley sur la route 66, écouter Ricky Nelson en blue-jean, embrasser Gary Cooper, qui faisait davantage rêver que Fernandel. Eddy Mitchell a baigné dans cette culture, il allait au pays du billet vert pour enregistrer ses disques et collaborer avec des pointures. « Je voulais travailler avec des musiciens du cru parce que les Français doivent tout apprendre, eux naissent dans l’ambiance, c’était précis, un gain de temps, et je n’allais pas demander une bossa-nova à Charlie McCoy ! » Eddy le Frenchy posait sa voix suave dans les mythiques studios Muscle Shoals en Alabama pour concocter un 33-tours, comme les Rolling Stones en leur temps. Ni eux ni les Beatles ne figurent dans sa discothèque parfaite : 

« Les Stones, c’est des biscottes, assène-t-il, sûr de son jugement. Mick Jagger chante pas terrible, ça swingue pas. » On marque un désaccord, avant de le cuisiner à nouveau sur l’Amérique. Mais pour Eddy, c’est fini. Le cœur n’y est plus, au sens propre, des soucis de palpitant l’empêchent de voyager longtemps en avion, comme au figuré : « Je n’aime plus beaucoup ce pays, hormis les grands espaces roots du Colorado, de l’Arizona… Je n’aime pas New York, ni Los Angeles. Et les Américains sont décevants. » Même la ville reine de la country, qu’il célèbre avec tendresse dans sa chanson Nashville ou Belleville « Tout a changé à Nashville, c’est rempli de banques et d’assurances, c’est aseptisé. Cela ne me manque pas. » Et Belleville, c’est guère mieux, selon lui

 Ils font chier avec le vélo ! » Ce titi est resté en France, entre la capitale et sa maison de Saint-Tropez. Mais prononcez le mot Paris et son visage se crispe : « Vous vous garez où dans Paris ? » demande Eddy, non titulaire du permis de conduire. Avant de critiquer la crasse des rues, la maire : « Je crois que c’est Vincent Lindon qui a dit qu’elle était comme l’abbé Faria, à force de creuser des trous, elle va finir par trouver un trésor. » Quand on lui fait remarquer que la voiture ne constitue peut-être pas l’avenir de l’humanité, il sourit et grogne : « Le vélo, sans moi, c’est bien quand vous avez 18 balais, mais ils font chier avec le vélo ! Si vous ne supportez pas la voiture, allez ailleurs. N’allez pas croire que je sois nostalgique, mais vous avez vu la rue de Rivoli ? Tout ferme. Et le sort des bouquinistes… » On lui propose de se balader sur les quais de Seine le week-end. Regard consterné : « Pourquoi ? Je ne suis pas un touriste. » L’homme s’est toutefois ancré dans un « coin peinard » du 16 e, il ne s’imaginait pas en banlieue, à Marnes-la-Coquette, tel Johnny : « Ah non, faut le vouloir, habiter à côté du cadavre de Maurice Chevalier. Et avec un peu de chance, Hugues Aufray débarque avec sa guitare ! » Hallyday, encore et toujours lui. Son grand ami, les deux rockeurs avaient tout vécu ensemble. « C’est une partie de ma vie, il me manque, bien sûr, mais il l’a bien voulu. On a suivi le même chemin, mais lui y allait plus fort. Johnny buvait pour se saouler. Pas moi. Et il faut éviter l’alcool blanc, ça détruit les os, Johnny a été opéré d’une hanche à 40 ans », dit Eddy en dégustant un autre verre de crozes- hermitage. Il se montre plus joyeux à l’évocation de David et Laura, les aînés de son pote : « Je les adore. Je suis le parrain de Laura, on vient de fêter ses 40 ans dans un bel endroit, mais dramatique, le restaurant du musée de l’Homme. Le disc-jockey jouait trop fort, on ne pouvait pas se parler. J’ai demandé à baisser, la fille m’a répondu : vous êtes comme Mick Jagger qui ne supporte pas le bruit. »

Daho, il s’en fiche. Bougon, le sourire rare mais enjôleur, Eddy Mitchell fume toujours, environ dix cigarettes par jour, des Pueblo : « J’ai commencé à 13 ans, je ne vais pas m’arrêter maintenant. » S’il a mis un terme aux tournées en 2010, Mitchell fréquente toujours les plateaux, il interprète un curé loufoque dans un prochain téléfilm avec Laurent Gerra : « J’ai fait enlever “Pas de boogie woogie”, c’était trop évident. » Il vaque, contrairement au copain vieille canaille Jacques Dutronc, reclus en Corse, qu’il appelle souvent : « Lui ne veut rien faire, il doit s’ennuyer, ça va cinq minutes de fumer le cigare et de boire un coup. » Rien ne l’arrache au passé, non qu’il soit mélancolique, mais Mitchell l’avoue : il n’écoute pas de musique actuelle. Benjamin Biolay ? Il grimace. On lui enjoint de se pencher sur son premier album : « Avec les violons ? C’est ridicule. Je n’aime pas ses arrangements de cordes. Et ses chansons ne m’intéressent pas, son “Jardin d’hiver” pour Salvador, c’est “Lucile” de Michel Jonasz. » Daho, il s’en fiche. Juliette Armanet, son duo avec elle ne l’a pas convaincu, des soucis de tonalité, semble-t-il. Et Vianney ? « C’est le nouvel Adamo, il a une tronche de gendre idéal. » Eddy est en train de concocter un album, sans le complice habituel, Pierre Papadiamandis, mort l’an dernier. « C’est gênant mais des gens bien composent pour moi : Souchon, Jonasz, Chamfort, Obispo. » Pascal Obispo ? Tiens un « jeune », mais pourquoi donc : « C’est mon voisin, il traverse la rue, il

Mitchell écrit ses chansons depuis près de soixante ans. Les souvenirs d’enfance, les rêveries, les mots souvent ciselés, les tournures fines, comment ce mauvais élève a-t-il eu confiance au point de prendre un stylo ? « Du temps des Chaussettes noires, je trouvais les textes pas terribles ; alors quitte à chanter des conneries, autant que ce soit moi qui les écrive. » Une anecdote sur le tube « Couleur menthe à l’eau » surgit : « Papadiamandis jouait du piano dans sa cave, je fais venir mon directeur artistique, Jean Fernandez, pour qu’il écoute cette chanson. Il comprend que ça parle d’une pute. Il ne voulait pas sortir le disque, le sujet le gênait, il fallait réécrire, j’ai refusé. » Eddy fut longtemps fidèle à Eddie Barclay, producteur à l’ancienne, un genre introuvable de nos jours, « et ce n’est pas un mal, assure Mitchell. Il nous avait escroqués, mais je l’aimais bien, un escroc avec du panache. » La carrière de M. Eddy fut jalonnée de ventes records, même si un creux s’est fait ressentir, « alors, on partait en tournée en Europe de l’Est. Personne ne voulait s’y produire, on y bouffe mal, on est mal logé. Le succès est revenu avec Rocking in Nashville en 1974 ».

Mitchell, c’est aussi du cinéma. Même si son livre salue l’influence d’immenses artistes, de Bill Haley à Willie Nelson, d’Aretha Franklin à Wilson Pickett, Bécaud et Aznavour, rares Français à trouver grâce à ses yeux, Eddy le concède, le plus important pour lui fut le sombre Gene Vincent. « Il se peignait les rides au crayon noir, un avant-goût du punk. J’ai fait une tournée avec lui vers 1963. Au petit déj’, il avalait du scotch et de la bière avec ses croissants. » Le rockeur est mort à 36 ans d’une occlusion. Il buvait à en crever. Eddy, lui, termine sa tarte au citron et son verre de vin. Mitchell, c’est aussi du cinéma. Les westerns et les « nanars » qu’il adorait faire découvrir dans La Dernière Séance. L’interroger sur sa plus fameuse rencontre lui met la banane : « J’ai passé une soirée formidable avec Robert Mitchum. Il ne disait que des bêtises, moi aussi. Il voulait voir Paris. Je l’ai emmené en taxi, on arrive devant le Centre Pompidou, “une belle distillerie” dit-il. On a fini chez Joe Allen, mais avant il devait repasser à l’hôtel chercher le Shérif, le surnom qu’il donnait à sa femme. » La discussion s’achève sur un réalisateur qu’il apprécie, Sydney Pollack, celui de Tootsie et de Out of Africa. Ces films-là, il s’en fiche. Eddy entend évoquer la collaboration de Pollack avec Burt Lancaster. « Vous avez vu Les Chasseurs de scalps ? » La réponse négative provoque un éclair de mépris dans son regard. Il est temps de filer.

Repères
1942 Naissance à Paris de Claude Moine, dit Eddy Mitchell.

1961 Formation des Chaussettes noires et premier succès.

1966 Photo de Jean-Marie Périer avec les 46 vedettes des années yé-yé, dont Eddy.

1974 Sortie de l’album Rocking in Nashville.

1980 Sortie de la chanson « Couleur menthe à l’eau ».

1982 Première diffusion de La Dernière Séance, son émission de télévision sur le cinéma.

1996 César du meilleur acteur dans un second rôle pour Le bonheur est dans le pré, d’Étienne Chatiliez.

2017 Tournée des Vieilles Canailles avec Jacques Dutronc et Johnny Hallyday.

« Eddy Mitchell. Ma discothèque idéale », entretiens avec Marc Maret et Alain Artaud (éd. Hors Collection) et « L’Album de sa vie » (compilation Eddy Mitchell, Universal Music).

le vouloir, habiter à côté du cadavre de Maurice Chevalier. Et avec un peu de chance, Hugues Aufray débarque avec sa guitare ! » Hallyday, encore et toujours lui. Son grand ami, les deux rockeurs avaient tout vécu ensemble. « C’est une partie de ma vie, il me manque, bien sûr, mais il l’a bien voulu. On a suivi le même chemin, mais lui y allait plus fort. Johnny buvait pour se saouler. Pas moi. Et il faut éviter l’alcool blanc, ça détruit les os, Johnny a été opéré d’une hanche à 40 ans », dit Eddy en dégustant un autre verre de crozes- hermitage. Il se montre plus joyeux à l’évocation de David et Laura, les aînés de son pote : « Je les adore. Je suis le parrain de Laura, on vient de fêter ses 40 ans dans un bel endroit, mais dramatique, le restaurant du musée de l’Homme. Le disc-jockey jouait trop fort, on ne pouvait pas se parler. J’ai demandé à baisser, la fille m’a répondu : vous êtes comme Mick Jagger qui ne supporte pas le bruit. »

les deux Fellous

L’intellectualité, ou, dans ce qui va suivre, plutôt la part du roman et du mot, est, à l’évidence, une ligne de partage.

Lorsque l’on parle « d’intellectualité qui partage” , les chevaliers blancs du « correct » vont, immédiatement, se cabrer. S’abritant, pour ne pas oublier le chic du discours, derrière le concept de « common decency » (« le bon sens moral inné du peuple ») fabriqué par Georges Orwell, ils fustigent, pour le nier, l’écart, pourtant réel dans l’appréciation du monde, que l’apprentissage de la théorie, la lecture des fondamentaux, génère.

Qualifiant les « cultivés », les « intellos », de faiseurs, d’esbroufeurs, accordant à l’opinion commune une valeur intrinsèque (« ce n’est pas mon avis », c’est ton opinion sont des expressions récurrentes), ils magnifient la culture populaire, donnée, inextinguible. Loin de l’abscons philosophique ou théorique infécond. Le peuple n’a rien à leur envier, à ces pédants, à ces producteurs de texte trop long, pas suffisamment culinaires ou vacanciers.

A vrai dire, ce qui précède constitue une introduction un peu énervée à mon billet sur « les deux Fellous ».

Ceux qui s’aventurent ici peuvent, éventuellement, connaitre ce que j’ai pu écrire ici sur « les deux Singer » (Isaac Bashevis et Joshua, deux écrivains) ou « les deux Roth » (Joseph et Philip », encore deux écrivains)

Je donne les liens :

LES SINGER : https://michelbeja.com/singer-lautre

LES ROTH : https://michelbeja.com/roth-again

Il s’agit, désormais, de Sonia et Colette Fellous, deux juives tunisiennes.

Sonia Fellous est née en 1956 à Tunis. Docteur en en sciences des religions, c’est une historienne, une anthropologue, « spécialiste de l’identité judéo-chrétienne de l’Europe » et de l’art juif, des manuscrits hébreux illuminés. La relation entre les juifs et les chrétiens, notamment en Espagne, constitue l’un de ses axes de recherche.

Sonia Fellous, femme de qualité donc, est assez connue dans les milieux juifs et de leurs revues (Tribune juive, l’Arche) ou des sites de judaïsme en ligne (Akadem, Centre Elie Wiesel). Sa « redécouverte » de son pays natal, la Tunisie, il y a vingt ans, pas avant dit-elle dans un récent entretien « Akadem », l’a entrainée dans une nouvelle recherche sur cette singulière culture, emplie de soleil et de miel, autant que de judaïsme érudit.

Sa connaissance absolue du « judéo-tunisien » permet à beaucoup, dans cette communauté de ne pas rester dans l’exclamation culinaire (la cuisine tune) ou le passé enjolivé (le rire, réel, du « dhimmi » dans le pays arabe, la prétendue insouciance quotidienne).

Sonia Fellous est donc une intellectuelle qui fait jaillir, sous l’histoire et la culture historique la quotidienneté du juif tune, pour le placer dans ses temps mémoriaux.

On donne sa photo

On donne quelques liens qui permettent de l’entendre.

UN COURS DOCUMENTE

https://akadem.org/sommaire/cours/l-art-juif-de-l-antiquite-a-nos-jours/deux-mille-ans-d-art-et-d-histoire-09-12-2008-7501_4238.php

UNE INTERVENTION RECENTE

https://www.arabnews.fr/node/173631/culture

Colette Fellous, elle, est une pure romancière, une théoricienne du récit, diplômée de l’École Pratique des Hautes Études, de la Faculté des Lettres de Paris, productrice d’émissions sur France Culture (« Carnet nomade » ou « les nuits magnétiques », directrice de collection aux Éditions Le Mercure, « barthienne » (Roland Barthes), durassienne (Marguerite Duras), hugolienne (Camille Claudel). Son mot est poétique, théorique, élaboré, dans la pure intellectualité.

Comédienne, mais avant tout « écrivaine » de nombreux romans et essais, dans une plume élaborée, « durassienne » (Prix Marguerite Duras ») encore, intellectuelle si l’on veut.

Son « sujet » n’est pas exclusivement la Tunisie et sa judéité, même si ses romans sur sa famille et son fameux et délicieux « Avenue de France », sur ma table de chevet, (du nom d’une Avenue de Tunis) pouvait pour certains la placer dans la judéo-tunisianité.

On donne sa photo

On donne quelques liens qui permettent de lire sur elle ou l’entendre.

https://www.etonnants-voyageurs.com/FELLOUS-Colette.html

https://www.lecteurs.com/auteur/colette-fellous/3093241

Les deux Fellous sont donc, au risque de la répétition, des femmes de qualité. Comme les deux Singer, les deux Roth.

Mais Sonia est plus connue des milieux juifs tunisiens dont les membres ne connaissent pas du tout Colette, laquelle voyage ou réside des mois dans l’année en Tunisie.

A l’occasion de la sortie du film au titre facile « du TGM eu TGV » (le TGM est le « Tunis-Goulette- Marsa », petit train qui reliait Tunis aux plages légendaires) dont j’imagine le pire, à tort, dans l’exacerbation de la « tunerie » (gâteaux au miel, cuisine d’épinards brûlés et de thon à tout va, déambulations nonchalantes et rires tonitruants), le sujet est venu dans une conversation d’un soir.

Moi :

– Fellous, auteur du film ? Sonia ou Colette ?

– L’autre :

– Colette ? Connais-pas…

– un intrus

– C’est une intello, Bla-bla, France Culture antisémite

une intruse (intelligente) :

– ça ne nous intéresse pas, nous les tunes. On veut du pays, du rire, de la nostalgie. Ils nous embêtent ces intellos qui cassent l’ambiance.

Je suis rentré chez moi, me suis planté devant mon écran, puis, d’un trait, je l’assure, ai écrit ce billet qui commence par une ode à l’intellectualité, presque du moins.

J’aimerais inviter à diner les deux Fellous. Évidemment qu’elles doivent bien se connaitre et jouer de la dualité. Presque des jumelles en suspens dans le soleil carthaginois. Elles doivent être assez excédées lorsqu’on les ramène au makroud (un succulent gâteau “jiuif tune” dans lequel se combattent semoule, miel de sucre et dattes).

PS. j’entends quelqu’un, au-dessus de mon épaule, qui vient de lire et pouffe de rire.

les deux Mendelssohn

Le titre fait, évidemment de l’oeil au précédent billet.

Deux Singer, deux Fellous, Deux Hepburn, deux Roth…

Le Mendelssohn dont il s’agit (Moses) est le grand-père de Felix, le compositeur. Philosophe et rabbin, il est né en1729, mort à Berlin en 1786. Défenseur de l’émancipation juive, “troisième Moise”, selon les commentateurs après le biblique et Maimonide. Au coeur de la “Haskala”, mouvement de pensée juive, inspirée des “Lumières” révolutionnaires. Moses Mendelssohn est celui qui a convoqué la modernité philosophique dans le judaisme.

Dominique Bourel est un immense connaisseur de la pensée juive. Il lui a consacré une extraordinaire biographie que tous devraient, juif ou non, lire et avoir à sa portée, pour trouver les mots t les concepts devant le fanatisme, l’intolérance, le sectarisme, la non-pensée qui peuvent dominer dans la pratique non pensée du judaisme contemporain (Moses Mendelssohn. La naissance du judaisme moderne. Paris. Gallimard. 2004)

Un livre de Moses Mendelssohn vient d’être traduit (Heures matinales. Leçons sur l’existence de Dieu, Puf).

Dominique Bourel le commente, en ligne sur le site “La vie des idées”. Il donne envie de lire. On va donc acheter, en espérant le format numérique, pour les motifs qu’on connait. Le lien pour lire le commentaire de Bourel :

https://laviedesidees.fr/Mendelssohn-Heures-matinales.html

Et un extrait qu’il donne, où il est question “d’entendement infini” et de “l’ensemble de tous les possibles” :

Il est donc nécessaire qu’il y ait un unique être pensant, une unique intelligence, qui se représente non seulement moi, avec tous les traits qui me caractérise et me distinguent, mais aussi l’ensemble de tous les possibles en tant que possibles, l’ensemble de toutes les réalités – en un mot, l’ensemble et la liaison de toutes les vérités de la manière la plus développée possible et sous la forme la plus claire, la plus complète et la plus précise. Il existe donc un entendement infini” (p. 267-270).

musée imaginaire (photographie), part I

2021. Je reviens toujours à la photographie dans les billets de ce maudit site. On m’a demandé de mettre en ligne, dans un seul billet, les photos préférées. Donc un musée imaginaire. Part I.

PS. Extrait wiki, pour piqûre de rappel. “Un musée imaginaire est un ensemble d’œuvres d’art qu’une personne tient pour essentielles ou considère comme ses préférées, de sorte que, si elle en avait la possibilité, elle les réunirait dans un même musée idéal. L’expression est étroitement associée à l’essai d’André Malraux de 1947 où le principe qu’elle désigne est mis en scène” 

Saul Leiter
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Willy Ronis
Michael Kenna
Michael Kenna
Richard Deakins
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Roger Deakins
Arthur Elgort
Frank Horvat
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Frank Horvat
Vivian Maier
Ellen von Unwerth
Ellen von Unwerth
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Fan ho
Roger Deakins
Frank Horvat
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Helen Lewitt
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Philip-Lorca diCorcia
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Marc Riboud
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Kertesz
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Saul Leiter
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Michael Kenna
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William Eggleston
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Vivian Maier
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Vivian Maier
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Laurent Castellini
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Rupert Vandervell
Rupert Vandervell
Rupert Vandervell
Rupert Vandervell
Rupert Vandervell
David Peat
David Peat
David Peat
Vivian Maier
Vivian Maier
Thomas Birke

contemporanéité

L’art contemporain, la photographie contemporaine, malgré les milliers de pages qui glosent sur le concept, se définit autour de l’étonnement, le dérangement du regardeur, dans la recherche du “sublime” entendu non par “le beau”, mais justement, sans nécessité de beauté ou d’esthétique, par ce qui sublime, transcende, va au-delà du beau, en “ébranlant”.

J’ai souvent commenté les piètres photos, du moins d’un point de vue esthétique, exposés à PARIS-PHOTO (exposition chic et snob) qui est une escroquerie. L’esbroufe du sublime est souvent concomitant de la banalité encensée et magnifiée par le discours (voir l’intro à “sous les images” dans ce mini-site)

Il y a quelques années, pour me moquer un peu du concept, je montrais une carte postale que je sortais de ma poche représentant Lucrece Borgia peinte par Bartolemeo, tableau (daté de 1515) archi- connu, mais semble-t-il pas par tous, eu égard aux exclamations sur le dérangement, le sublime. Un artiste contemporain avait donc usé du subterfuge en peignant une femme dans un costume d’un vieux siècle. Pour jouer avec le classique et la contemporanéité. Malin.

Je laissais dire jusqu’au dessert. Sans humilier l’ignorant, puis en le prenant gentiment, à part, dans la cuisine, pour devoiler l’année de l’œuvre et son auteur. Il ne faut pas humilier. On l’est toujours un jour, humilié. Même Dieu, par Moïse, croyait-il.

Je donne, en tête de billet, le tableau de la belle dont Victor Hugo a fait un drame. Un monstre politique qui se prêtait bien à sa réputation. Le drame hugolien est formidable, je le conseille, à lire dans son bain.

Dans un billet plus bas, écrit en 2006, j’ai abordé le sujet, (cherchez dans le site) pour caser Lucrece, poète ancien de l’atomisme et l’epicurisme. Autre sujet (“Lucrece, pas Borgia”). Vous pouvez rester longtemps sur ce tableau inoui. J’en donne, plus bas, un détail. Une reproduction du tableau était collée à la porte de ma première salle de bains hors de la maison des parents, puis j’ai compris son unicité, le chef-d’œuvre, désormais encadré, par moi (j’ai souvent aidé à habiller des murs blancs) dans le couloir d’une amie intello, entre mes photographies qui traînent aussi, j’ai encore pu le constater hier soir, dans plusieurs appartements bourgeois, et même jusqu’en’Australie, là où l’une des femmes parmi les plus jolies du monde a émigré avant que je ne la retienne en clamant que j’étais amoureux d’elle. Je suis certain qu’elle n’aurait pas quitté le 12ème arrondissement de Paris et serait, sûr, venue dans le 17ème. Elle me lit peut-être et va revenir. Ce n’était pas l’objet de mon billet et me suis fait prendre au jeu de l’amour. Mais je regrette de ne pas avoir demandé la main de cette belle fuyarde.

Donc, Lucrece Borgia. Dans l’œil gauche, la vie picorée, goulument, dans le droit la manigance froide, regardez…

Mc Ewan

Extrait (p26,27,28) de “LESSONS”, le dernier roman de Ian Mac Ewan. Dans la veine de son grandiose “SAMEDI”

Suivre les instructions, deux, trois peut-être par seconde, mobilisait toute sa concentration. Il s’oubliait, oubliait même la professeure. Le temps et le lieu se dissolvaient. Le piano s’évanouissait et avec lui l’existence même. Ce fut comme s’il s’éveillait d’une nuit de sommeil quand il se retrouva à la fin, jouant à deux mains un simple accord ouvert. Mais il ne les retira pas, contrairement à ce que lui indiquait la brève sur la partition. L’accord résonna et s’estompa dans la petite salle aux murs nus. Il ne lâcha pas le clavier en sentant la main de l’enseignante sur sa tête, même quand elle exerça une pression pour faire pivoter son visage vers elle. Rien dans son expression n’annonçait ce qui allait suivre. Elle dit calmement : « Toi… » Alors il enleva ses mains des touches. « Toi, espèce de petit… » Dans un mouvement compliqué, elle baissa et inclina la tête, son visage se rapprochant et décrivant un arc de cercle qui se termina par un baiser, ses lèvres à elle sur les siennes, un doux baiser prolongé. Il ne résista ni ne répondit à ce baiser. C’était arrivé et il la laissa faire sans rien ressentir tant que cela dura. Après coup seulement, à force de revivre et de rejouer cet épisode seul avec lui-même, en mesura-t-il l’importance. Tant que cela dura, elle avait les lèvres sur les siennes et il attendait sans bouger que le moment passe. Puis une distraction soudaine y mit fin. Un éclair dû à une ombre ou à un geste fugitif avait traversé la fenêtre en hauteur. La professeure s’écarta pour regarder, comme lui. Ils l’avaient tous deux vu ou perçu au même instant, en lisière de leur champ de vision. Était-ce un visage, un visage réprobateur et une épaule ? Mais la petite fenêtre carrée ne leur montrait que des lambeaux de nuages et des bribes de bleu pâle hivernal. Il savait que de l’extérieur cette fenêtre était trop haute pour que même le plus grand des adultes ne l’atteigne. C’était un oiseau, probablement un pigeon du colombier des anciennes écuries. Mais professeure et élève s’étaient séparés avec un sentiment de culpabilité et, bien qu’il n’ait pas compris grand-chose, il savait qu’un secret les unissait désormais. La fenêtre vide leur avait brutalement rappelé le monde des gens du dehors. Il comprenait aussi qu’il aurait été impoli de porter la main à sa bouche pour atténuer le picotement de la salive en train de sécher. La professeure se retourna vers lui et d’une voix apaisante qui suggérait qu’elle se souciait peu de la curiosité du monde extérieur, les yeux dans les siens elle s’adressa à lui, avec gentillesse cette fois et au futur, qu’elle employa pour donner au présent un semblant de raison. Et ce fut le cas. Mais il ne l’avait jamais entendue en dire si long. « Roland, dans deux semaines il y aura une demi-journée de congé. Elle tombe un vendredi. Écoute-moi attentivement. Tu iras sur ton vélo jusqu’à mon village. Erwarton. Venant de Holbrook, c’est après le pub, à droite, une porte verte. Tu arriveras à temps pour déjeuner. Tu as compris ? » Il avait acquiescé de la tête, sans rien comprendre. Qu’il doive traverser la péninsule à vélo sur des petites routes et des chemins de terre jusqu’à son village pour déjeuner alors qu’il pouvait manger à l’internat le déconcertait. Tout le déconcertait. Dans le même temps, malgré sa confusion, ou à cause d’elle, il aspirait à être seul pour retrouver la sensation de ce baiser et réfléchir. « Je t’enverrai une carte pour te le rappeler. À partir de maintenant tu prendras tes leçons avec M. Clare. Pas avec moi. Je lui dirai que tes progrès sont exceptionnels. Donc, jeune homme, nous allons faire des gammes en majeur et en mineur avec deux dièses à la clé. »

Un article du LOS ANGELES TIME

https://www.latimes.com/entertainment-arts/books/story/2022-09-12/ian-mcewan-reflects-on-lessons

Pourquoi pas ? Berthe Morisot.

Je n’aime pas trop les expos, pour deux motifs : d’abord les queues, s’il s’agit d’une grande exposition et que je n’ai pas de pass. Puis, ce qui fait rire tout le monde, la fureur de ne pas voir un tableau admiré au musée sur mon propre mur de mon petit appartement. J’aurais pu finir voleur (non revendeur) de tableaux de musées. Furie d’enfant gâté.

On m’a demande aujourd’hui si je ne voulais pas “accompagner” au musée Marmottan pour une exposition des œuvres de Berthe Morisot.

J’ai immédiatement dit oui.

Je dirai plus tard pourquoi “j’adore” cette artiste, presque une inventrice de l’impressionnisme.

Il ne s’agit aucunement de nostalgie de jeunesse ou de main dans la main de jeunes amoureux qui découvrent l’art. C’est toujours comme ça que de petits romanciers décrivent leur intérêt pour une femme peintre. En narrant leur aventure avec une jeune fille qui l’a traîné dans une exposition de femme peintre. Les romanciers qui ne sont écrivains sont prévisibles et misogynes. On le sait. Ceux qui écrivent ce qui précéde peuvent être des faiseurs.

Jusqu’au 3 mars 2024. Musée Marmottan-Monet, Paris 16e, marmottan

Histoire de la solitude” de Sabine Melchior-Bonnet 

Extrait TELERAMA

Symbole d’échec ou instrument de liberté ? L’historienne décrypte avec brio le concept de solitude, des temps médiévaux à nos jours.

Par Nathalie Crom

Publié le 04 décembre 2023 à 10h55

«Interrogez votre cœur : il vous dira que l’homme de bien est dans la société et qu’il n’y a que le méchant qui soit seul. » Incluse par Diderot dans sa pièce Le Fils naturel ou les Épreuves de la vertu (1757), la réplique verra l’écrivain et philosophe essuyer la fâcherie de son ami Rousseau, qui s’était senti visé par cette observation. L’anecdote, qui figure dans la passionnante Histoire de la solitude, de Sabine Melchior-Bonnet, illustre l’une des appréhensions de l’état de solitude, récurrentes au travers des siècles : « vécue comme un malheur ».

« Être abandonné, discriminé, écarté, disqualifié, condamné à la solitude, c’est vivre une mort sociale », décline l’historienne. Mais la vision inverse est tout aussi vraie, et tout aussi pérenne : depuis toujours, « philosophes et mystiques, poètes et aventuriers cherchent un refuge secret qui les délivre des affaires et des devoirs, où ils puissent se soustraire aux regards intrusifs ». Se fixer pour objectif, comme l’a fait Sabine Melchior-Bonnet, d’écrire une histoire de la solitude, des temps médiévaux à nos jours, c’est évoluer en permanence entre ces deux pôles, le négatif et le positif, et observer les oscillations qui font sans cesse vibrer et se déplacer le point d’équilibre. C’est aussi puiser faits et indices aux registres mêlés de l’histoire des mentalités et de l’histoire religieuse, de celle également des représentations — littéraires, plus particulièrement.

L’historienne s’y emploie avec érudition et brio, rappelant d’abord, avec l’aide de Jacques Le Goff, « la conception dominante de l’individu au Moyen Âge […] où l’homme existe comme partie d’un corps organique où les membres doivent obéir à la tête, “faisant se fondre l’individu dans les communautés auxquelles il appartient, l’ordre ou l’état social, la paroisse, la corporation et bientôt l’État en gestation” », pour avancer de façon alerte vers les Temps modernes et observer, au fil du temps, l’évolution de la conscience de soi de l’individu et la perception grandissante de la solitude comme « condition nécessaire à l’accomplissement de soi ».

À lire aussi :

 Célibataire, et alors ? Des siècles de préjugés

Sabine Melchior-Bonnet sait être tout ensemble précise et synthétique, convoquant, au cours de l’examen de son sujet, entre autres interlocuteurs Montaigne, les jansénistes (« Il faut aimer la solitude où on meurt au monde quelque peu de temps, pour y apprendre à mourir pour toujours », écrivait sublimement Saint-Cyran), Pascal, Bossuet, plus tard Kierkegaard, Stendhal, Amiel ou Vigny… Prêtant une attention toute particulière à la solitude féminine, longtemps particulièrement mal perçue par la société (« car il y a dans la solitude le germe empoisonné de leur indépendance »), sans négliger d’aborder, ultimement, l’extrême contemporain et ses nouveaux paradoxes — telle cette « solitude interactive » permise par les réseaux sociaux…

« Histoire de la solitude. De l’ermite à la célibattante  ». 360 p. ouf.

PS.J’AFFIRME QUE JE NE SAVAIS QUE Sabine Melchior-Bonnet  disait que: “La rupture amoureuse est un sujet d’étude à inventer” Faut que je fasse plus vite. Voit mon précédent billet. Pas hasard, la nuit, à l’heure de l’écriture avant de plonger sous la couette

Deux livres, Tourguenievien

J’avais eu, il y a très longtemps, une très grave dispute avec mon premier amour sur le fait de savoir si on pouvait lire deux livres à la fois. Il fallait, comme dans le sublime amour, se planter sur l’unique, exclusif du reste.

Je clamais do’c cette impossibilité, prétextant la trahison à l’un ou à l’autre des livres, une sorte d’adultère.

Position évidemment ridicule tant il est vrai que, justement, la différence dans l’amour se terrait dans cette possibilité du pluriel, non pas des êtres, majs des supports.

On cherchait partout ce qui sous-tendait et glorifiait notre immense, amoureux, dans un passage, un tableau, une photo, un mot pour magnifier son sentiment.

Le vrai amoureux flane, cueille, dans tous les mondes ce qui le fait jouir de cette jouissance de l’ordre amoureux. La pluralité des lectures le faisait donc bondir d’un état à un autre, pour servir le grand amour, l’envelopper de tout, du tout, le couvrant d’autant de caresses que de mots et d’images nodales.

J’avais donc tort comme me le disait mon premier amour, que j’aurais dû garder jusqu’à l’instituer dernier amour. Erreur de jeunesse.

A vrai dire, à cette époque, les disputes étaient ponctuelles, jamais définitives, comme elles le sont devenues désormais, la mémoire s’attachant à ce qui rend impossible la rupture, chassant les moments assez idiots puisqu’immeritées pour la reproduction du sentiment amoureux exacerbé, le seul qui vaille. La disputatio constituaitun moment de l’ébat, de l’exacerbation du sentiment, seule raison de vivre, on le sait. A défaut, disai-t-elle “on subit le chaudron”. Je n’ai jamais compris cette phrase.

A vrai dire, la dispute amoureuse constitue un succédané de la vérité d’un amour et génère, délicieusement, le calme et la sérénité de l’après-cri. Banal. Évidemment quand les deux savent leur amour. On se réconcilie toujours entre vrais amoureux, jamais dans les passades.

En réalité, ces digressions,très collégiennes mais pas tant que ça, sont venues ce soir sous mes doigts qui, comme à l’habitude, sans que je n’y prenne garde, crépitent dès qu’il s’agit d’importance de l’amour, ici de couleurs qui battent la chamade, sur la question idiote de la concomitance de deux lectures.

Peut-être un prétexte pour dire que je lis en ce moment passant de l’un a l’autre, avec un plaisir de balançoire vivace, entre le dernier bouquin de Ian Mc Ewan (dont l’on sait que son ” Samedi” est l’un de mes livres préférés en concurrence avec la tache de Roth) dont le titre est “LECONS” et celui de Marcel Cohen (pas Albert) titré CINQ FEMMES, Marcel Cohen écrivain du détail que tous ceux qui s’aventurent ici connait mon respect pour sa littérature (la fonction,”recherche,” du site fonctionne assez bien.

Je regrette d’avoir perdu de vue mon premier amour dont la beauté et l’intelligence, patents, doivent continuer, ailleurs, à se disputer sur des bouquins, juste quelques heures, comme il le faut. Juste pour savoir, si lisant 10 bouquins a la fois, ce qui m’enrageait donc, elle avait ces deux, précités, sur sa table de chevet, a l’époque en bois de merisier vermoulu.

Je lui aurais envoyé ma centaine de pages sur “la dispute”, dont le traitement définit celui ou celle qui la pratique. C’est le bouquin qu j’écris, terminé rapidement j’espère.

Mais peut-être me lira-t-elle et me repondra, même si je ne le crois pas,mon pseudo lui étant inconnu. Mais on vient de me dire qu’un premier amour sait tout de son premier amour, y compris le processus d’invention du pseudo, à vrai dire assez commun, pour ce qui me concerne.

PS. Je me demande si je ne me fais pas de la pub pour le grand bouquin à paraître, sous prétexte de premier amour et de lecture duelle et concurrentielle de 2 grands bouquins. Si c’est le cas, tant mieux. On n’oublie jamais une premier amour lequel, pour beaucoup, ne peut être que le dernier.

PS. J’avais envie, ce soir de frôler l’intime. Une personne sait pourquoi.

La première bougie, les idiots, la survie.

1- NON ÉVÉNEMENT. IDIOT PRÉSIDENT DU CRIF, MAIS IDIOT UTILE, A LA RECHERCHE D’UNE LÉGITIMITÉ INTELLECTUELLE, PRÉSIDENT IDIOT, EN SEANCE DE RATTRAPAGE, GRAND RABBIN EN QUETE DE GLOIRE RABBINIQUE, SOURIRES SATISFAITS DE TOUS.

2-LES PETITS PROFESSEURS DE DROIT QUI TENTENT, JALOUX, QUI TENTENT D’OBTENIR UNE PLACE SUR UN PLATEAU DE CNEWS OU LCI, PROSE TÉLÉPHONÉE ET COPIES DE COLLEGIENS.

3- LE RN QUI LA JOUE ASSEZ BIEN SUR LA SÉANCE DE RATTRAPAGE DU PRESIDENT MACRON, A L’EGARD DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE.

4- LES DÉBRAILLÉS IDÉOLOGIQUES DE LFI, A TEE-SHIRT MAL REPASSÉ, ASSITANTS PATENTÉS DE L’INSTALLATION ISLAMISTE RADICALE EN FRANCE QUI LA RAMENENT.

DES HEURES DE BÊTISE MEDIATIQUE . TOUT CA POUR UNE BOUGIE DANS UNE SALLE DES FETES DE L’ELYSEE QUI EST UNE SALLE DES FÊTES.

LA FRANCE S’ENNUIE ET S’INVENTE DES HISTOIRES POUR ENCADRER LA PUBLICITE INTERMINABLE DES CHAINES D’INFO CONTINUE QUI A PEUR DE NE PAS VENDRE ET MET EN SCENE, DANS UNE EXACERBATION RIDICULE, LA “DIVERSITE” EN FRANCE.

LA FRANCE S’ENNUIE ET ISRAEL COMBAT POUR SURVIVRE. NON ÉVÉNEMENT VERSUS EXISTENCE.

Magie de la virgule, bonheur du réel, l’exactitude.

Une de mes filles m’avoue lire encore Flaubert,. Après la Bovary, les “trois contes”. En jurant que ce n’est pas par mimétisme ou course effrénée ou désordonnée après le père qui encense cet écrivain à longueur de vie. Comme Il vante Ian Mac Ewan ou Philip Roth. Ou Ishiguro ou encore Boulgakov.

M’est posée la question du fondement de cet engouement. Je réponds que l’explication nuirait à la jouissance du texte, que la lecture est comme un plongeon et n’a nul besoin de connaitre le taux d’oxygène dans le sang pour absorber la beauté des fonds.

insistance. Emporté par le langage qui, comme on le sait, ne fait que couvrir le vide sidéral et aspirer l’inutile, je réponds. Idiotement. En revenant, comme à mon habitude, mais tellement ancrée sous le front, si récurrente qu’elle doit avoir une part de vérité, sur une formule sur la structure qui combat le sujet et, dans le roman, l’intentionnalité.

Je dis que Balzac, Zola ou les romantiques sont dans le petit sentiment générateur d’une attitude, d’un minuscule comportement, périphérique du réel en marche, lequel n’a nul besoin d’une intention ou d’une prétendue volonté qui n’existe pas. La pierre tombe d’une falaise, sans intention de tomber. Et pourtant existe. Je dis tout ça. J’ajoute que rien ne vaut la description, sans torrents romantiques, sans mots qui dégoulinent sur le torse de l’angoisse. Je crois que ce sont les mots que j’ai employés. J’ajoute encore que, cependant, cette sueur des sens, ce sentiment torrentiel, en instance constante d’explosion, forgent, incandescents, la vie, la jouissance de la vie. Et que là aussi, rien ne vaut quatre yeux qui se fondent dans l’extase de leur union qui fait connaître l’infini. Rien.

Alors, on me rétorque que je suis dans la contradiction : d’un côté la froideur de la structure, de la description géométrique, de l’autre une flambée, presque un cataclysme des sentiments. Du sentiment.

Je sais quoi répondre, tant j’ai entendu, en réalité, très peu dans la bouche d’êtres en quête de moments lisses et profonds, cette remarque, pas anodine, sur le tout et le particulier, sur la figure et son éclatement.

Mais je ne réponds pas comme je sais le faire, par les mots que j’ai collationnés depuis des siècles, pour ma réponse idoine.

je dis, simplement que Flaubert, en quelques lignes décrit le sentiment, sans s’y arrêter comme les romantiques qui en font une sauce visqueuse et sans fin. Des tas. Ce qui nous ramène au centre. Comme ici, dans l’extrait des trois contes : ” Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour ! “. Lisez et arrêtez vous à chaque paragraphe. En quelques lignes, Flaubert concentre l’histoire du monde et de ses écrasements. Je voulais commenter entre chaque ligne. J’ai commencé et abandonné tant la manière est désuète. Lisez, lisez. (“Ce fut un chagrin désordonné. Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le Bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu’au soleil levant. Puis elle revint à la ferme“)

Je reviendrai plus tard sur le “Samedi” de Ian Mac Ewan et “La tâche” de Philip Roth.

Flaubert, extrait des “Trois contes”:

« Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour !
Son père, un maçon, s’était tué en tombant d’un échafaudage. Puis sa mère mourut, ses sœurs se dispersèrent, un fermier la recueillit, et l’employa toute petite à garder les vaches dans la campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait à plat ventre l’eau des mares, à propos de rien était battue, et finalement fut chassée pour un vol de trente sols, qu’elle n’avait pas commis. Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades la jalousaient.
Un soir du mois d’août (elle avait alors dix-huit ans), ils l’entraînèrent à l’assemblée de Colleville. Tout de suite elle fut étourdie, stupéfaite par le tapage des ménétriers, les lumières dans les arbres, la bigarrure des costumes, les dentelles, les croix d’or, cette masse de monde sautant à la fois. Elle se tenait à l’écart modestement, quand un jeune homme d’apparence cossue, et qui fumait sa pipe les deux coudes sur le timon d’un banneau, vint l’inviter à la danse. Il lui paya du cidre, du café, de la galette, un  foulard, et, s‘imaginant qu’elle le devinait, offrit de la reconduire. Au bord d’un champ d’avoine, il la renversa brutalement. Elle eut peur et se mit à crier. Il s’éloigna.
Un autre soir, sur la route de Beaumont, elle voulut dépasser un grand chariot de foin qui avançait lentement, et en frôlant les roues elle reconnut Théodore.
Il l’aborda d’un air tranquille, disant qu’il fallait tout pardonner, puisque c’était « la faute de la boisson ».

Théodore, si bien que pour le satisfaire (ou naïvement peut-être) il proposa de l’épouser. Elle hésitait à le croire. Il fit de grands serments.
Bientôt il avoua quelque chose de fâcheux : ses parents, l’année dernière, lui avaient acheté un homme ; mais d’un jour à l’autre on pourrait le reprendre ; l’idée de servir l’effrayait. Cette couardise fut pour Félicité une preuve de tendresse ; la sienne en redoubla. Elle s’échappait la nuit, et, parvenue au rendez-vous, Théodore la torturait avec ses inquiétudes et ses instances.
Enfin, il annonça qu’il irait lui-même à la Préfecture prendre des informations, et les apporterait dimanche prochain, entre onze heures et minuit.
Le moment arrivé, elle courut vers l’amoureux.
À sa place, elle trouva un de ses amis. Il lui apprit qu’elle ne devait plus le revoir. Pour se garantir de la conscription, Théodore avait épousé une vieille femme très riche, Mme Lehoussais, de Toucques.
Ce fut un chagrin désordonné. Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le Bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu’au soleil levant. Puis elle revint à la ferme, déclara son intention d’en partir ; et, au bout du mois, ayant reçu ses comptes, elle enferma tout son petit bagage dans un mouchoir, et se rendit à Pont-l’Évêque. »

Eliott Erwitt, adios.

On a appris le décès cette semaine d’Eliott Erwitt.

Ceux qui viennent ici savent ma fascination pour ce phogragraphe, souvent présent dans le site et ses ramifications. Au demeurant, une photo de lui sur ma page de garde, pour ceux qui s’y sont arrêté. (Les beaux collants blancs d’une femme a deviner)

Extrait ci-dessous de TÉLÉRAMA 1/12/2023. Par Charlotte Fauve.

Mort d’Elliott Erwitt, le plus drolatique des photographes : découvrez quelques-uns de ses meilleurs clichés
Il avait l’art de la pirouette verbale et de la photo décalée, posant sur le monde un regard aussi lucide qu’amusé. Ses photos les plus célèbres ? Un portrait de Marilyn Monroe et d’innombrables photos de chiens.


Le secret d’un cliché réussi ? Un coup de klaxon à poire, pour faire se retourner le passant et dresser les oreilles de son chien. Las, on ne verra plus Elliott Erwitt arpenter le pavé de la Grande Pomme, Leica en bandoulière, à la recherche du parfait cabot à photographier. Ce 29 novembre 2023, le plus drôle des photographes s’en est allé à l’âge de 95 ans. Hilarant dans la vie, comme dans ses images, Elliott Erwitt avait l’art de la pirouette verbale et de la photo décalée, posant sur le monde un regard aussi lucide qu’amusé. À croire qu’en huit décennies, le Franco-Américain avait tout photographié, jusqu’à l’iconique Marilyn Monroe. Mais ses muses préférées restaient sans doute les corniauds auxquels il avait consacré huit ouvrages. Il leur devait sa première photo parue dans la presse : un minuscule et hilarant chihuahua, à côté des chaussures démesurées de sa maîtresse.

Il était né en 1928 à Paris, d’un père architecte et d’une mère héritière fauchée, tous deux juifs russes ayant fui la révolution de 1917. D’abord bringuebalée à Milan avant de revenir à Paris pour échapper au fascisme et aux lois antijuives de Mussolini, la famille quitte l’Europe pour New York en 1939 à la veille de la guerre, pour s’établir enfin à Los Angeles. L’adolescent se retrouve très vite livré à lui-même après le divorce de ses parents. Il achète alors son premier appareil, à plaque de verre, pour 5 dollars, et œuvre d’abord comme modeste tireur dans un labo photo commercial hollywoodien, après ses cours. Mais très vite, le voilà qui gagne un concours organisé par Life lors de son service militaire, et se voit repéré par le grand Edward Steichen (1879-1973), directeur du département photo du MoMA qui lui met le pied à l’étrier. Membre de la célèbre agence Magnum, notamment créée par Henri Cartier-Bresson et Robert Capa qui l’y avait intégré en 1953 (pressentant probablement l’immense photojournaliste qu’il allait devenir), Erwitt confessait toujours travailler même quand il ne travaillait pas, considérant son art à la fois comme un métier et un hobby.

L’homme pratiquait l’un et l’autre très sérieusement, multipliant les photos mémorables entre un reportage pour la presse (en noir et blanc) et des travaux commerciaux (toujours en couleurs). Jusqu’à avoir amassé à la fin de sa vie un fonds de plus de six cent mille images. Comme cette série réalisée à Moscou en 1957 pour le quarantième anniversaire de la révolution bolchevique, qui lui permit de montrer aux Américains la supériorité des missiles soviétiques. Empruntant autant à la photographie humaniste telle qu’elle était pratiquée par les Français, Robert Doisneau en tête, qu’à la street photography new-yorkaise, il quêtait dans ses images aux cadrages impeccables et au regard acéré, souvent politique, le décalage et l’incongruité. Le musée Maillol, à Paris, lui avait consacré au printemps dernier une formidable rétrospective aujourd’hui présentée à La Sucrière, à Lyon.

Avec six enfants, l’homme, marié à quatre reprises, était irrésistible par ses boutades et son sens de l’autodérision. En témoigne son CV, drolatique, où il égrenait ses échecs. 1960 : année de désastre : « Lucienne demande le divorce. L’expérience est extrêmement pénible ; un incendie détruit la maison familiale et tout ce qu’elle contient. » Interviewé par son fils Misha, lui aussi photographe, qui lui demandait quelle était la prise de vue la plus intéressante, il lui avait fait cette réponse : « La prochaine. » Tristesse, il n’y en aura plus.

PS. La photo de garde du site michelbeja

Libé, premier couteau de l’arme blanche

Vite, vite écrit.

L’on n’ose écrire, tant l’affirmation est devenue commune, lassante, récurrente, que Libération, comme ses lecteurs en majorité sympathisants de la France insoumise, a trouvé, dans la Palestine, pour survivre, le nouveau prolétariat dont la dictature manque cruellement à l’appel.

En réalité, les ouvriers, les pauvres, les opprimés, ceux qui méritent l’intérêt, lisent l’Humanité ou du moins ses titres, souvent affligeants de naïveté (pas de sincérité). Ils ont raison. Les communistes sont, eux, en phase avec un combat et il faut les respecter. Ce que je fais.

Les lecteurs de Libé, eux, sont des enseignants ratés, des « Larzaciens » attardés (le Larzac occupé contre l’industrie agricole, des années 70), ce qui qui reste de soixante-huitards délabrés et surtout des bobos hargneux et jaloux (des juifs qui envahissent leur sphère) et, partant antisémites. Gauche en tee-shirt.

Ceux du « Monde » sont, eux, ouvertement, les héritiers de Drumont et Céline. Gauche non exclusivement bobo mais chic-intello, de gauche. Gauche en chemise blanche.

Soit. La vie va et peut aller mal.

Ce qui est assez sidérant, dans notre période, est directement lié au traitement de la guerre contre le Hamas.

Beaucoup, à juste raison, y vont de leur diatribe contre Mélenchon et son ciblage (Elkrief), de LFI et son soutien sans faille du Hamas, sous couvert de “free Palestine ».

L’on ne veut entrer dans le débat complexe. Tous savent,c’est secondaire, que depuis des décennies, contre ma famille, j’ai défendu la « solution à deux états », désormais, du fait des palestiniens (et pas seulement du Hamas), assez problématique.

On entend donc des voix qui s’élèvent contre la braise attisée, la haine fabriquée par des propos du type de ceux du forcené (Mélenchon). Il est vrai que la psychiatrie, si l’on en croit les réactions après l’attentat de Bir-Hakeim de Samedi, est en crise et en manque d’effectifs.

Cependant, l’on est assez abasourdi par le silence des médias, y compris de tradition droitière, polémique ou justement anti-bobos (les Cnews, Europe 1 et autres Fondations) sur les « Unes » de Libération.

Ces « Unes », j’ai déjà eu ici à les rappeler, sont génératrices de violence dans les esprits faibles, chercheuses du mot idoine pour passer à l’action.

La « Une d’aujourd’hui de Libé est désarmante, si j’ose le jeu de mot.

On peut discuter, de mauvaise foi, des bombardements sur Gaza  (en n’oubliant jamais le 7 octobre) du futur dans la région. Mais allumer les feux de la hargne par les titres qui la sous-tendent est passible d’un délit d’irresponsabilité. Peut-être même d’un délit tout court d’apologie et de création du crime.

On donne ci-dessous, sans commentaire facile les unes et articles de Libé de ce jour. On laisse lire. Si l’on approuve le ton et le contenu, tant pis. Si on s’interroge sur le parti-pris et l’indécence de l’absence d’analyse, tant mieux.

On commentera demain celui sur l’I.A. Il est révélateur de de la bêtise-libé.

On tentera également de commenter les images qui tentent de s’approcher de l’art et de l’esthétique nouvelle pour illustrer la guerre. Là ou est tombé la photographie contemporaione.

On ne pensait pas voir Gaza ressembler un jour à des villes emblématiques comme Alep en Syrie ou Marioupol en Ukraine après destruction par pilonnage massif. Et pourtant, la campagne de bombardement lancée par l’armée israélienne sur Gaza, par son intensité, n’est pas loin d’être la pire du XXIe siècle selon de nombreux experts. Il est difficile d’imaginer, quand on ne connaît pas Gaza, un des territoires les plus denses de la planète (environ 6 000 habitants au kilomètre carré), ce que subit ces temps-ci la population palestinienne à qui l’armée israélienne a conseillé de fuir vers le sud avant de frapper le sud à son tour, laissant aux habitants le seul choix de se rabattre vers la mer. Un cauchemar nuit et jour dans le bruit permanent des armes, le froid, les privations et le manque de soins. Comment en est-on arrivé là ? Les dirigeants israéliens sont engagés dans une véritable fuite en avant, obsédés par leur principal but de guerre : éradiquer les dirigeants et cadres du Hamas qui, en effet, se cachent au milieu de la population civile. Peu leur importent les «dommages collatéraux», ainsi que les militaires appellent les civils tués, l’essentiel est d’éliminer la menace. Mais pour dix hommes du Hamas supprimés, combien de vocations suscitées parmi ces enfants et ces ados abandonnés du monde entier ? Car la réalité est là, d’une tristesse à pleurer : la communauté internationale est impuissante à stopper cette tragédie qui répond à une autre tragédie, les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre. Les militaires israéliens ont non seulement les mains libres mais ils s’aident aussi de l’intelligence artificielle (IA) : celle-ci leur a permis d’identifier en seulement six jours quelque 6 000 cibles, un chiffre colossal. Ils sont les premiers au monde à le revendiquer haut et fort. Il devient urgent que le président des Etats-Unis, le seul à disposer d’un vrai moyen de pression financier et militaire sur Israël, fixe des limites dans ce conflit qui n’a déjà fait que trop de victimes innocentes. 

Alexandra Schwartzbrod

«Chaque jour est plus épouvantable que la veille»

A Gaza, les bombardements poussent les habitants de Khan Younès à fuir encore plus au sud. Débordées, les équipes de secours se sentent impuissantes.

«Sortez-nous de là !» Les hommes hurlent, les femmes implorent et les enfants pleurent. Le groupe d’une vingtaine de personnes avance à pied vers le sud de Gaza. Chargés de baluchons, de couvertures, de glacières ou de bidons d’eau, ils fuient les bombardements, sans trouver refuge. «Je suis Egyptien ! Mon père est Egyptien», crie le père de famille en tête de la marche. Il veut traverser la frontière et rejoindre l’Egypte. La vidéo d’une vingtaine de secondes diffusée mardi résume le sort de centaines de milliers d’habitants de l’enclave palestinienne pilonnée par Tsahal. Des scènes de l’exode des civils ont été tournées par Motaz, un Gazaoui qui documente sur les réseaux sociaux les horreurs de la guerre.

Galeries. «Depuis la rupture de la trêve, chaque jour est plus épouvantable que la veille», dit un habitant de Khan Younès, joint brièvement par téléphone. La férocité de l’offensive israélienne ces dernières quarante-huit heures dans le sud de Gaza sème la terreur et la mort, en particulier dans la ville de plus de 400 000 habitants. Habitants qui partent désormais plus au sud. Mardi, les autorités militaires israéliennes affirmaient que leurs troupes se trouvaient «au cœur de Khan Younès». «Nous avons reçu l’ordre des Israéliens d’évacuer des centaines de milliers de personnes, qui ont déjà été déplacées une première fois du nord vers le sud», indique à Libé Tamara Rifai, directrice des relations extérieures de l’UNRWA. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, qui abrite plus de 1,2 million de civils dans ses écoles et locaux divers depuis le début de la guerre, estime que 80 % de la population de Gaza, soit 1,8 million de personnes, a été déplacée. C’est le plus grand exode de Palestiniens depuis 1948, souligne l’UNRWA.

Mais où et comment abriter un tel nombre de civils dans une bande de terre dont la densité de population était déjà l’une des plus élevées au monde avant la guerre ? «Israël nous demande d’évacuer tout le monde dans la zone d’al-Mawassi, dans le sud-ouest du territoire, d’une superficie de 14 km² ! s’indigne Tamara Rifai. Les Israéliens n’ont déjà pas tenu leur promesse de ne pas attaquer le sud quand ils nous ont demandé d’évacuer les populations du nord de Gaza. Comment les croire aujourd’hui ?» 

En bord de mer, le petit territoire d’Al-Mawassi, qui logeait une ancienne colonie israélienne avant 2005, serait le seul dont le sous-sol n’ait pas de galeries, croient savoir certaines sources internationales. C’est pourquoi l’armée israélienne, qui se préparerait à attaquer les tunnels du Hamas, appelle à concentrer la population de Gaza dans cette enclave dans l’enclave.

Il est «impossible» de mettre en place des zones sécurisées, désignées par Israëlpour que les civils de la bande de Gaza s’y réfugient et échappent aux combats, selon James Elder, le porte-parole de l’Unicef qui vient de passer plusieurs jours dans le territoire palestinien. «Ces zones ne peuvent être ni sûres, ni humanitaires lorsqu’elles sont déclarées comme telles unilatéralement, a-t-il affirmé. Et je pense que les autorités en sont conscientes. Je pense que cela montre un renforcement de l’indifférence à l’égard des enfants et des femmes de Gaza.» Et d’ajouter que la situation est «déchirante» et «déconcertante».

Car outre le défi d’évacuer et de protéger les habitants en fuite, il faut aussi pouvoir secourir les victimes des bombardements, puis assurer les moyens de survie aux réfugiés. Les équipes de secours sont débordées, si bien que les rescapés d’une frappe israélienne s’improvisent en sauveteurs. Ils s’emploient à dégager les victimes qui sont sous les gravats, comme on le voit dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, dont une à Khan Younès mardi. «Moi, ça va ! Mes frères et sœurs et mes parents sont autour de moi. Ils sont vivants. Mais occupez-vous de chercher les grands-parents», crie du fond d’une cave Alma, 13 ans, aux jeunes sauveteurs accourus pour extraire des décombres les habitants d’un immeuble de trois étages détruit par une frappe aérienne.

«Scénario». «Je suis arrivée à Gaza, où les souffrances de la population sont intolérables, a déclaré lundi sur X la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric Egger. Je réitère notre appel urgent pour que les civils soient protégés conformément aux lois de la guerre et que l’aide puisse entrer sans entrave. Les otages doivent être libérés et le CICR autorisé à leur rendre visite en toute sécurité.»

Pour Lynn Hastings, coordinatrice humanitaire de l’ONU pour les Territoires palestiniens, «un scénario plus dramatique encore est en train de se dessiner. L’aide internationale ne sera plus en mesure d’agir». Un sentiment d’impuissance gagne en effet les organisations internationales qui ne peuvent plus apporter l’aide minimale à la population. «Les gens nous blâment de ne pas savoir les protéger, ni leur fournir de l’eau et de la nourriture, déplore Tamara Rifai de l’UNRWA. J’ai le sentiment qu’on est arrivé au jour du jugement dernier. C’est l’apocalypse !»

Hala Kodmani

GAZA Un pilonnage au rythme de l’IA

Depuis le 8 octobre, Tsahal bombarde l’enclave palestinienne à un rythme rarement vu. Une tactique permise par des outils d’intelligence artificielle qui proposent de multiples cibles et optimisent les plans d’attaque.

Alexandre Horn, Florian Gouthière

es bombes pleuvent de nouveau sur Gaza, où les civils continuent d’être pilonnés par l’aviation et l’artillerie israélienne. La trêve d’une semaine, qui s’est achevée le 1er décembre, semble déjà bien loin. Ce lundi, le gouvernement de l’enclave, contrôlé par le Hamas, a donné son bilan de bientôt deux mois de frappes : plus de 16 000 morts depuis le 7 octobre. S’y ajouteraient quelque 7 000 disparus, possiblement sous les décombres, dont 4 700 femmes et enfants.

Un bilan qui a peu, ou pas, d’équivalent dans les conflits du XXIe siècle, sur une durée si courte. Comme Libération l’avait écrit, et comme dans beaucoup d’autres conflits (où les estimations varient souvent du simple au quintuple), ce décompte, contesté, ne peut être recoupé. Parce que le feu qui s’abat sur Gaza empêche le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), habituellement en charge de la collecte des informations sur les victimes de l’occupation et du conflit, de faire son travail habituel. Le bilan qu’avait donné le ministère gazaoui après l’explosion médiatisée de l’hôpital Al-Ahli, le 17 octobre, jugé exagéré par de nombreux observateurs, avait également nourri des soupçons.

Ces doutes ont, depuis, largement servi le narratif de l’armée israélienne, minorant les pertes civiles. Pourtant, si elle reste à préciser, l’hécatombe des civils dans l’enclave gazaouie n’est pas discutable, ni plus vraiment discutée. Même le dirigeant de l’Etat hébreu, Benyamin Nétanyahou, dans une déclaration en forme d’aveu à CBS, a reconnu que l’armée israélienne échouait à limiter les pertes civiles. Depuis des semaines, Israël se défend en évoquant une guerre «vitale» pour le pays, et son objectif d’éradiquer à tout prix le Hamas.

Des frappes qui ne sont plus «chirurgicales»

En un mois et demi (juste avant la trêve), plus de la moitié des bâtiments du nord de l’enclave gazaouie ont également été détruits ou endommagés. Des pans entiers de quartiers ont été rasés, toutes infrastructures confondues. Cette – rare – intensité des bombardements sur Gaza est amplement étayée. L’armée israélienne revendiquait elle-même 15 000 cibles frappées après trente-cinq jours de guerre, le 10 novembre, et 90 000 obus d’artillerie de 155 mm tirés au 28 novembre. Des chiffres, largement dépassés depuis, qui restent inédits. Encore plus quand on considère la taille de l’enclave, densément peuplée. «C’est un record, constate Philippe Gros, maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique, qui a passé neuf ans à la Direction du renseignement militaire (DRM) de l’armée française. Quinze mille frappes dans une zone aussi réduite, combinées à une opération aéroterrestre, il faut remonter au XXe siècle pour retrouver cela. On est sur une campagne d’attrition en zone urbaine dont la densité de feu est assez unique durant les dernières décennies.»

Au-delà du nombre de frappes, la nature même des bombardements n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’Israël faisait en 2021, ni aux tactiques employées par les pays occidentaux en Irak, Afghanistan, ou Syrie. Tout en affirmant ne pas viser les civils de la bande de Gaza, le commandant de l’armée de l’air israélienne, Omer Tishler, concédait dès le 11 octobre que les frappes n’étaient plus «chirurgicales». Quelques jours plus tôt, le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, expliquait que «la priorité est sur les dommages et pas sur la précision».

Pour détruire le Hamas, l’armée israélienne a opéré un changement de paradigme qui passe par l’emploi de bombes particulièrement destructrices. L’analyse de différentes frappes, comme celle sur Jabalia le 31 octobre, montre l’emploi de JDAM (des bombes américaines guidées par GPS) de 900 kilos sur un milieu urbain. Un calibre utilisé pour détruire les tunnels du Hamas, plusieurs mètres sous terre, mais dont le rayon d’effet est dévastateur, comme le montre le décompte indépendant de l’ONG Airwars (lire page 4-5) qui recense entre 126 et 136 morts pour la seule frappe de Jabalia, où au moins l’une d’entre elles a été utilisé. L’utilisation de «dumb bomb», des bombes non guidées (contrairement au JDAM) conçues dans les années 50 et peu précises, a également été recensée par différents chercheurs.

des données issues du renseignement

Philippe Gros constate : «Sans connaître le bilan précis, des milliers de morts civils sont inévitables avec une telle campagne, c’est impossible de faire autrement. Il n’y a qu’à regarder les bilans de la campagne des Occidentaux contre Daech [entre 8 000 et 13 000 morts, selon le décompte indépendant de l’ONG AirWars, 1 500 reconnus par la coalition, ndlr], avec pourtant une bien plus grande précaution sur les risques de dommages collatéraux.»

Ce rythme de frappes effréné a été permis, du propre aveu de l’armée israélienne (qui le revendique dans sa communication), par l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle par Tsahal. Un domaine où les forces armées de l’Etat hébreu sont pionnières. L’idée, qui appartenait-il y a peu à la science-fiction, est désormais une réalité.

Dans un contexte militaire, l’IA est utilisée pour analyser un très grand nombre de données issues du renseignement (ou de la logistique dans certains cas), et estimer rapidement les effets des différents choix stratégiques possibles. Deux outils, en particulier, seraient utilisés par Tsahal dans le cadre des attaques menées depuis le 7 octobre. Le premier, «Gospel» (ou «Habsora»), vise à suggérer les cibles les plus pertinentes pour une attaque, dans un périmètre donné. Le second, «Fire Factory», sert à optimiser, en temps réel, les plans d’attaques des avions et des drones, en fonction de la nature des cibles choisies. L’algorithme se chargerait de calculer la quantité de munitions nécessaires, d’attribuer les cibles aux différents avions et drones, ou de déterminer l’ordre le plus pertinent pour les attaques.

Le sujet, qui avait déjà intéressé plusieurs titres de la presse israélienne et internationale ces dernières années, a été remis sur le devant de la scène, ces derniers jours, par une longue enquête du média israélo-palestinien de gauche +972, publiée le 30 novembre. En s’appuyant sur des témoignages de militaires et d’ex-militaires, l’article détaille les rouages de la campagne aérienne sans précédent menée par Tsahal sur Gaza depuis le 7 octobre. Et l’usage, fait par l’armée dans ce contexte, d’outils d’intelligence artificielle.

Les pertes civiles intégrées dans les calculs

L’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kochavi, expliquait cet été au média israélien YNet que lors de la guerre de 2021, «Gospel» générait 100 cibles par jour. Ajoutant : «Pour mettre cela en perspective, dans le passé, nous produisions 50 cibles à Gaza par an.» Et de préciser que, lors de ces opérations militaires, la moitié des cibles suggérées par le logiciel avaient été attaquées. Au regard du rythme auquel l’algorithme propose de nouvelles cibles à bombarder, d’anciens officiers de renseignement critiques du procédé, interrogés par +972, assimilent le processus à une «usine d’assassinat de masse».

L’utilisation de ces solutions technologiques explique comment l’armée israélienne a pu bombarder la bande de Gaza à un rythme aussi effréné (6 000 bombes pour les seuls six premiers jours, selon Tsahal). De fait, dans un communiqué publié début novembre, les forces armées israéliennes reconnaissaient elles-mêmes que «Gospel» (cité nommément) leur permettait de générer, de manière automatique, «des cibles à un rythme rapide».

Les pertes civiles font partie des éléments dont «Gospel» tient compte pour identifier de nouvelles cibles. En effet, l’armée israélienne dispose d’informations sur la majorité des cibles potentielles à Gaza, permettant notamment d’estimer le nombre de personnes civiles susceptibles d’être tuées en cas de frappes. Mais l’ampleur des bombardements et le bilan humain qui se dessine montrent que le nombre de morts civils jugé acceptable par le commandement militaire israélien dans l’objectif d’atteindre des cibles du Hamas a vraisemblablement atteint un seuil très élevé. Loin des critères occidentaux ou américains, selon un expert familier de ces questions interrogé par Libération.

«Rien n’arrive par hasard, déclare une source aux journalistes de +972. Lorsqu’une fillette de 3 ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce que quelqu’un, dans l’armée, a décidé que ce n’était pas grave qu’elle soit tuée – que c’était un prix qui valait la peine d’être payé pour frapper [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Ce ne sont pas des missiles aléatoires. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison.»

dommage

Le magazine “Tribune juive” mérite un hommage : gratuit et des articles souvent de bonne facture, même si, s’agissant des revues de la communauté juive, l’on préfère “l’Arche” (inclus dans E-presse, toute la presse en numérique au prix de deux bières, 9,99 € mensuel, qu’on recommande toujours). Le lien pour TJ :

https://www.tribunejuive.info

Il est cependant dommage que des plumes inintéressantes, d’un niveau assez contestable, pour être poli, s’immiscent entre les autres pages.

C’est le cas de J.P Allali dont le dernier article reproduit ci-dessous ne fait pas honneur à l’intelligence lorsqu’il cite la Marseillaise et ses vers sanglants, d’époque, pour en faire un potentiel “Hymne National d’Israel”.

C’est donner à boire du sang aux ennemis d’Israel, c’est faire néanmoins la preuve que tous les juifs ne sont pas intelligents.

Il est réconfortant de lire dans le même numéro le billet de Raphaël Enthoven, même si la citation de Julien Freund (déterrée par Finkielkraut) commence à devenir éculée.

Mais il vaut mieux répéter que croire comme Allali au génie de sa triste et dangereuse trouvaille.

On donne, dans leur intégralité (un simple copier/coller) les deux articles.

« La Marseillaise », un hymne israélien. Par Jean-Pierre Allali

6 décembre 2023 Tribune Juive Non classé 0

L’hymne national français composé, en grande partie par Rouget de Lisle, comporte, on ne le sait pas toujours, sept couplets dont seuls les deux premiers sont généralement entonnés lors de diverses cérémonies On évoque même parfois huit couplets complémentaires.

Rouget de Lisle chantant la Marseillaise

La riposte israélienne au pogrome du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, a, c’est la loi du genre, entraîné, malgré les précautions louables de Tsahal, armée morale, s’il en fut, de nombreux dommages collatéraux à Gaza.

Dès lors, de bonnes âmes se sont brusquement réveillées, de Dominique de Villepin à Jean-Luc Mélenchon, pour dénoncer ce qu’ils appellent la politique de terreur et de vengeance du « vilain Israël ». C’est à croire que ces donneurs de leçons ont oublié les paroles de « La Marseillaise », initialement intitulée « Chant de guerre pour l’armée du Rhin » et composée en avril 1792 lors de la guerre contre l’Autriche.

Il s’agissait alors pour la France, comme aujourd’hui pour Israël, d’appeler à la mobilisation générale, au combat contre l’invasion étrangère et la tyrannie.

« Contre nous de la tyrannie, l’étendard sanglant est levé », on pense, de nos jours, au drapeau du Hamas.

« Entendez-vous dans les campagnes, mugir ces féroces soldats ? ». Comprenez ces terroristes assoiffés de sang juif.

« Ils viennent jusque dans vos bras, égorger vos fils et vos compagnes » : c’est exactement ce qui s’est passé le 7 octobre.

On lit, dans le troisième couplet : « De vils despotes deviendraient les maîtres de nos destinées ! ». Sinouar et les autres.

Et dans le couplet 4 : « S’ils tombent, nos jeunes héros, la terre en produit de nouveaux, contre vous tout prêts à se battre ». Ces héros, ce sont les vaillants hayalim fauchés, hélas dans leur jeunesse.

Enfin, dans le couplet 6 : « Amour sacré de patrie, conduis soutiens nos bras vengeurs ». Vengeurs, vous avez bien lu. « La Marseillaise » parle de vengeance et le couplet s’achève par ces mots ; « Que tes ennemis expirants voient ton triomphe et notre gloire ».

Évoquant les aînés, comme, de nos jours, on parle des « pères fondateurs d’Israël », le septième et dernier couplet se termine par ces mots : « Nous aurons le sublime, orgueil de les venger ou de les suivre ». « Aux armes, citoyens. Formez vos bataillons ». C’est exactement ce qu’a fait Israël il y a plus de deux mois après l’épouvantable massacre que lui a infligé un ennemi sanguinaire et pervers. « Marchons, marchons… ». C’est un fait, « La Marseillaise » aurait pu être le chant national d’Israël ! Ce qui n’empêche pas de croire en l’Hatikva, l’espérance, fondement millénaire de l’âme juive.

© Jean-Pierre Allali

Raphaël Enthoven. La paix des graves

4 décembre 2023 Tribune Juive Edito 1

« Pacifiste » est l’épithète laudatrice donnée à l’irresponsable qui vous invite à baisser les bras quand l’ennemi est à vos portes. Le pacifisme est un art de se coucher déguisé en vertu supérieure. C’est une façon de rendre les armes tout en expliquant la vie à ceux qui se battent.

Ainsi, depuis le 7 octobre et la plus hallucinante agression terroriste de l’Histoire, l’opinion publique fourmille de belles âmes qui, avant même la riposte israélienne (sa démesure et ses pertes civiles), alors que les otages étaient encore à l’arrière des pickups et que les 1 200 cadavres étaient toujours chauds, appelaient déjà au « cessez-le-feu ».

Leur but n’était pas d’être entendues, mais d’endosser le rôle flatteur des pacifistes qui surmontent la mêlée et, tandis qu’une organisation terroriste venait à peine de commettre le carnage du siècle, s’élèvent au-dessus du moment présent pour penser le problème dans sa globalité… Le pacifisme, c’est une désertion déguisée en leçon de choses. C’est une lâcheté maquillée en prise de hauteur.

En 1938, les ancêtres de ces pacifistes au petit pied, Édouard Daladier et Neville Chamberlain, offraient les Sudètes à Hitler lors de la conférence de Munich, dans l’espoir d’apaiser le bellicisme du tyran. Et tout comme ceux qui vous accusent d’« islamophobie » ou de « suprémacisme sioniste » chaque fois qu’on rappelle les atrocités sans équivalent du Hamas, les pacifistes d’alors prêtaient volontiers des sentiments germanophobes aux rares intellectuels qui comme Raymond Aron, plaidaient vainement dans les années 1930 pour le réarmement de la France.

Le pacifisme est l’illusion persistante, malgré le danger, que la guerre est toujours la pire des solutions. Fort d’un tel principe, le pacifiste vous regarde de haut tout en courbant l’échine à mesure que croît le péril.

Aujourd’hui, les «munichois» de 2023 voudraient offrir au Hamas un «cessez-le-feu» réparateur, qui lui permette de se refaire et lui donne l’occasion de recommencer. Les pacifistes du moment voudraient faire du Hamas un interlocuteur dans le cadre de «discussions de paix». Ils voudraient qu’Israël discute avec une organisation qui enlève des enfants, éventre des femmes enceintes, et dont la charte prévoit sa destruction. Le pacifisme n’est pas un refus de la guerre, c’est un déni de la guerre, qui culmine dans l’illusion qu’on se donne soi-même son ennemi et qu’en somme, l’animosité qu’on inspire n’est qu’un malentendu soluble dans un meilleur comportement.

Convaincu d’être convaincant, le pacifiste est tout prêt, pour apaiser sa colère, à épouser les raisons de l’ennemi, à céder la Crimée, à fermer à l’Ukraine les portes de l’Europe ou de l’Otan à dénier à Israël le droit de se défendre en reprenant à son compte, et au
chiffre près, la propagande du Hamas. Seulement voilà. Face au Hamas, être aimable ne sert à rien. Avec une organisation terroriste dont la raison d’être est de vous annihiler, la discussion tourne court. Comme dit le philosophe et héros de la Résistance Julien Freund : « Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en n’aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. »

Raphaël Enthoven

pathologies

La relation entre pathologie psychiatrique et religion extréme (toutes religions, chrétienne, juive, y compris les bouddhistes qui ne se proclament pas comme religion) ne peut être niée. 

On ne va pas développer, au risque de me fâcher avec beaucoup (même pour affirmer que toutes les religions, au nom d’elle-même, et d’abord la juive, ne tuent pas)

Cependant, le profil du dernier assassin au couteau est la simple illustration de ce qui n’est.mas une coïncidence fortuite.

Par ailleurs, le rapport entre ultra-politique et le même type de pathologie est assez flagrante.

Mélenchon est fou, du moins devenu fou. Il suffit de visionner cette dernière vidéo. Mélenchon est devenu fou.

Ces femmes et hommes qui osent porter l’écharpe tricolore, aux yeux fébriles, aux hochements de tête mécaniques partagent sa cellule blanche capitonnée.

PS. Le tweet de Mélenchon qui désigne Ruth Elkrief comme future victime des islamiste, mérite la plainte pénale.

Pas la joie.

Je suis évidemment heureux de ces libérations, mais je ne parviens pas à m’associer à la joie qu’elle suscite. Je partage le bonheur des familles qui retrouvent les leurs, mais je pense au malheur de celles qui en sont privées. Je tente de me raisonner en me disant que chaque vie sauvée est une victoire, mais j’enrage que le Hamas voie son carnage couronné de succès. Oubliés les jeunes gens tués comme des lapins, les familles massacrées au saut du lit, les femmes violées, les corps mutilés, les bébés éventrés. Le Hamas s’est imposé comme un interlocuteur, un partenaire incontournable puisque, par ses horreurs, il détient ce qu’il y a de plus précieux : les otages.

JAK

Phobie de l’idiotie. Sur Onfray.

Michel Onfray a déclaré ce matin sur Cnews/Europe 1 que “nous sommes islamophiles en France et islamophobes.à l’étranger”

Il faisait référence aux guerres d’Occident qui tuaient ou avaient tué en Irak, en Syrie.

Onfray est un idiot. Dommage pour la philosophie.

Les occidentaux ont tué à l’étranger, sûr. Mais pas des arabes ou des musulmans, pas parce qu’ils l’étaient. Par par islamophobie.

La déclaration d’Onfray, supposé combattre l’islampophilie française est d’une extrême dangerosité en ce qu’elle justifie les montées de violence et animé la rue arabe.

Onfray est Idiot à 50%. C’est beaucoup et lamentable.

Les 2 rues, les fleurs et les fusils

La.rue arabe s’est enflammée sur une prétendue frappe israélienne sur un hopital de Gaza.

La rue française, elle, s’est fait porteuse de fleurs devant un établissement scolaire, très timide pendant une minute de silence.

C’est dans la vision de ces deux rues que la césure du monde se révèle désormais. Le cri, souvent salutaire, n’est plus partagé. Il est devenu l’apanage de la terreur.

La France a peur, mâchoires soudées et roses blanches sur un mur souillé.

la manif, confortation dans la décision

Emmanuel Macron, interview BBC.

I – DECLARATIONS 

Bébés, femmes, vieillards. Notre Président, cherchant désespérément une audience internationale, qu’il a pourtant contribué à esquinter par une piètre posture collégienne, a déclaré dans une interview à la BBC (média qui, comme le relève le Jérusalem Post, “a été sévèrement critiquée pour sa couverture partiale de la guerre”) que :

“Nous partageons la douleur (d’Israël). Et nous partageons leur volonté de se débarrasser du terrorisme”Mais “de facto, aujourd’hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardées et tuées”Il n’y a “aucune justification” et “aucune légitimité à cela. Nous exhortons donc Israël à arrêter ».

Pause humanitaire et cessez-le-feu. Il s’exprimait au lendemain d’une “conférence humanitaire” organisée jeudi à Paris à son initiative, au cours de laquelle il avait appelé à “œuvrer à un cessez-le-feu”. Selon lui, la “conclusion claire” de cette rencontre était “qu’il n’y a pas d’autre solution qu’une pause humanitaire, allant jusqu’à un cessez-le-feu, qui nous permettra de protéger tous les civils qui n’ont rien à voir avec les terroristes”, a-t-il déclaré à la BBC.

Lider maximo. Se constituant ainsi en leader (maximo) mondial, il a osé répondre à la question de savoir s’il souhaitait que d’autres dirigeants, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, se joignent à ses appels au cessez-le-feu, dans les termes suivants : 

“J’espère qu’ils le feront. J’espère qu’ils le feront.”

On ne veut, ici, commenter, de peur de tomber dans l’excès facile. Il n’est pas plus frustrant que de critiquer aisément.

Un premier en même temps. Puis, par le premier acte du discours convenu adopté mécaniquement par tous, néanmoins ici placé en dernier lieu, il est revenu à la condamnation « claire » des « actions terroristes » et à la « reconnaissance » par la France du droit d’Israël « à se défendre . L’on ne sait comment et le journaliste de la BBC a avalé la question.

Un juge (cf supra) qui ne juge pas. Enfin, Interrogé sur une éventuelle violation du droit international par Israël, le Chef de l’État a répondu : “Je ne suis pas un juge. Je suis un chef d’État”, ajoutant qu’il ne serait pas juste de critiquer l’État hébreu de cette manière – “un partenaire et un ami” – un mois seulement après l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre, qui a fait 1 400 morts.

Netanyahou. On se doit d’ajouter que Benjamin Netanyahou a répondu en imputant la mort de civils au Hamas, en déclarant que les dirigeants du monde devraient condamner le Hamas, et non Israël, ajoutant que “la responsabilité des dommages causés aux civils incombe au Hamas-EI (organisation État islamique) et non à Israël” (interview dans HA’ARETZ)

Il a ajouté que “les crimes que le Hamas commet aujourd’hui à Gaza seront commis demain à Paris, à New York et partout dans le monde”.

On se doit de préciser encore qu’Israël a annoncé des pauses militaires quotidiennes de quatre heures dans certaines parties du nord de la bande de Gaza, “tout en poursuivant son offensive”, note la chaîne britannique

Un deuxième en même tempsEnfin, notre Président a, bien sûr, on va écrire « concomitamment », pour éviter la répétition) apporté son soutien à la manifestation de Dimanche contre l’antisémitisme, par le biais d’un communiqué » de l’Élysée reproduit ci-dessous :

“Le président de la République combat sans relâche toutes les formes d’antisémitisme depuis le premier jourQue des rassemblements viennent, partout en France, relayer ce combat est un motif d’espérance. Voilà pourquoi le président salue avec respect celles et ceux qui, dimanche, marcheront pour la République, contre l’antisémitisme et pour la libération des otages”.

II – CONFORTATION

1 – Les propos du Chef de l’État sont clairs. En « campant » désormais sur une posture prétendument équilibriste qui n’est en réalité qu’une inclination, presque une révérence, une allégeance, au discours de l’extrême-gauche qui relaie celui de l’islamisme, il a quitté le camp de la vérité, préférant enlacer celui des banlieues, presque celui des influenceuses. L’emploi des mots « terroriste »ou  « atrocité », désormais seuls survivants du discours premier ne peuvent  suffire pour donner un poids à un soutien.

2 – Le choix de la BBC, celui de l’absence à la manifestation de Dimanche, l’outrance langagière qui veut jouer avec l’émotion et le sentiment populaire ou primaire (les bébés convoqués, comme en concurrence avec celui balancé dans un four), le jet aux orties de toute réflexion sur la guerre, la proportionnalité, la justesse potentielle des combats, la réponse à l’ignoble, désormais reléguée dans le discours périphérique en laissant la place à l’opprobre et à la diabolisation d’un pays, l’absence de référence aux actes du Hamas, assassin de deux peuples, grand propriétaire de tunnels interdits aux civils, occupant des grands hôpitaux, des écoles devenus quartiers généraux, pose problème au citoyen français, ancré dans une civilisation de l’universel et de la vérité, sœur de la liberté.

Les bribes inaudibles d’une sorte de solde minimum d’un soutien, dans l’espoir, ici, de la forte surdité d’émeutiers, placent donc notre Président dans un espace sans fond, éthéré, impalpable et, partant, dangereux, hors du camp du juste, de la vérité, facilement discernables. Certains pourraient même « justifier » l’acte abominable en rappelant les mots du Président.

On sait parfaitement que lorsqu’on la cherche cette vérité, et à l’inverse de ce qu’énonce l’esprit fainéant, on la trouve. Même si elle peut ne pas être jolie.

Emmanuel Macron en s’en éloignant, ostensiblement, dans une sorte de traitrise à l’universel, devient un chercheur de mensonges, pour les servir en caution à ceux qui, rangeant pour un temps leurs sachets de stupéfiants, en instance de vente, pourraient descendre dans  la rue, pour la transformer, comme dirait Mélenchon en « rue française », concurrente ou double symétrique de la « rue arabe ».

Il est dommage que la peur l’emporte, en dernier ressort, sur la vérité.

Emmanuel Macron m’aura, en tous cas, donné l’occasion de conforter ma décision, évidemment sans importance, de ne pas manifester aux côtés de ceux qui, pour une large part, soutiennent son propos.

On ne peut lutter contre l’antisémitisme et en même temps, refuser l’accès à la manifestation au R.N, constituant une grande partie du peuple français en pestiférés dont l’on ne peut s’approcher et, encore en même temps, vilipender un pays soumis aux horreurs qu’on croyait révolues de l’antisémitisme barbare.

Ce n’est pas, ici, le « deux poids, deux mesures », expression encore fainéante, mais, plus simplement le maniement éhonté d’alliages sémantiques dangereux, sulfureux, inacceptables.

L’en-même-temps insidieux et fallacieux, devient ainsi un détestable pêle-mêle.

PS. Vous me raconterez la manif. 

Je n’irai pas demain

Une manifestation est donc prévue Dimanche, « contre l’antisémitisme » initiée par deux loups-garous de la politique, navigant, parole sirupeuse et yeux artificieux, entre terroir et modernité. Une Présidente de l’Assemblée nationale et un Président du Sénat.

Déjà, la tardiveté de l’initiative provoque la question d’un opportunisme.

Puis, la qualité, le statut, de ceux qui l’improvisent génèrent également le questionnement.

Faut-il, pour les juifs, attendre le feu vert politicien d’une servante de la macronie désormais sur d’autres cieux que la défense d’Israël et d’un routier des jardins sénatoriaux scotché au pouvoir, pour défiler, manifester, crier et dire l’ignominie ?

Ne sont-ils pas capables les juifs, d’un soulèvement spontané ?

L’interrogation est d’importance mais, cependant, secondaire au regard du simulacre de la compassion qui se révèle frontalement dans les propos qui viennent étrangler le discours acceptable et mettent à jour l’hypocrisie à l’œuvre dans cette comédie.

Jean-Luc Mélenchon est en phase avec son antisémitisme désormais avéré, sous couvert des mots convenus, léchés comme du miel par les journalistes du service public, de Libération et, désormais du Figaro qui ne veut perdre ses lecteurs des grandes provinces.

Rien que de plus normal et aucune surprise, ni stupeur feinte.

Mais les macronistes et autres républicains, obnubilés dans la frayeur de l’arrivée du R.N, qui tentent, autruches de pacotille, avec la complicité des petits personnages du CRIF, de nier le réel, ont transformé cette manifestation en cirque politique dans lesquels, comme dans une mare noire et mazoutée, frayent les politiques en quête de voix d’autres dimanches. Ceux des urnes sacrées.

Là où le peuple se devait d’être uni, absorbant le politique dans l’universel et la défense contre la vague brune, les deux marionnettes, l’une à la solde d’un Président peureux des émeutes des territoires perdus, l’autre accroché à un pouvoir d’ont l’on ne sait d’où il tient sa légitimité, ont décidé de ne « pas défiler à côté » de l’on ne sait qui.

Ce qui démontre, sans autre épilogue, que les juifs ne sont que prétexte. En donnant raison à l’immonde.

Dans un tweet presque inédit, dont l’abjection n’a pas à être relevée sauf à entrer dans le piège de la discussion, Jean-Luc Mélenchon a écrit que :

« Dimanche manif de « arc républicain du RN à la macronie de Braun-Pivet. Et sous prétexte d’antisémitisme, ramène Israël-Palestine sans demander le cessez-le-feu. Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous ».

On sait qui est Mélenchon, le Thierry la Fronde des banlieues, l’arc psychotique en bandoulière, homme presque invisible du Hamas, adoubeur objectif de pogroms.

Mais les autres, dans leur forfaiture, leur tartuferie sont pires. Ils ne marchent pas droit contre l’infamie, les Présidents précités, les secrétaires des Partis décimés, PS et autres PC.

Pour garder leurs appuis et maintenir le socle désormais désuet de leur existence (le discours de l’imaginaire d’un « fascisme national » français concomitant de celui, piètre et pleutre, de la défense de l’électorat musulman) ils ont confondu le cri contre la souillure antisémite avec celui, surfait et ridicule, de la politique politicienne.

Ce faisant, ils déshonorent la juste effervescence d’un jour de défense contre l’abomination, en le transformant en un petit moment politicard.

Je ne manifesterai pas à leurs côtés.

MB.

Dernier travail.

http://mbeja.fr/

http://mbeja.fr/

UN EXTRAIT

JEANNE DIELMAN

REALISATION CHANTAL AKERMAN, SEYRIG DANS LE RÔLE DE JEANNE DIELMAN

Ce film a pour sujet le quotidien à horaire fixe d’une Bruxelloise, mère d’un garçon de seize ans, veuve et encore jeune. Le film montre ainsi ses tâches quotidiennes, répétitives, aliénantes : éplucher des légumes, faire la vaisselle, faire le lit, etc.. Cette ménagère se prostitue, sur rendez-vous, chez elle. Les clients, qui passent dans sa chambre, lui permettent d’arrondir ses fins de mois. Elle s’est enfermée dans une vie sans plaisir jusqu’au jour où son quotidien commence à se dérégler.

Focus sur
Top 100 – Sight and Sound

La revue britannique Sight and Sound (British film institute) vient de révéler sa liste des 100 meilleurs films de tous les temps. Chantal Akerman devient la première réalisatrice sacrée par ce prestigieux classement où Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles* occupe désormais la première place

Chantal Ackerman n’a pu apprécier d’apprendre qu’elle était la réalisatrice du meilleur film de tous les temps. Elle était décédée lorsqu’en 2022, le classement est sorti

clic sur l’image ou ICI pour le,palmarès.

Delphine Serig (Jeanne Dielam), dans le meilleur film de tous les temps.

Chantal Akerman, fumeuse, les yeux.

Lors de l’annonce, j’avais écrit un petit billet sur « les yeux d’Ackerman ». J’ai longuement hésité avant de le coller, un peu long. Mais une très vieille dame à qui, sans blague,au comptoir d’un bar du 14eme, je donne contre une bière, quelques notions de Kabbale pour les nuls, m’a convaincu. On peut passer au prochain titre si l’on veut.

LES YEUX D’AKERMAN

Devant le miroir, je trouve mon visage un peu terreux, je scrute mes rides, douloureuses, qui apparaissent non pas au coin des yeux ou sur le front, mais, curieusement, sous la peau de mes paumes, qui sont certainement un révélateur, au sens photographique du terme, du début d’une sorte de vilain incendie du corps, une inflammation générale, subrebptice de mes cellules. Sûr. Il me semble avoir lu ça, en ligne, il y a longtemps, lorsque, les apercevant déjà, et retournant mes mains, je cherchais, sans en parler, l’origine de ces rougeurs sous un épiderme affreusement, anormalement fripé. Je les mettais sur le compte d’une allergie au faux cuir de l’étui de mes Ipad. Ca me rassurait. J’ai donc acquis des étuis en vrai cuir de veau, couleur cognac. Elles ont, presque, disparu ces plissures violacées. Mais j’aurais du rechercher plus encore en ligne la cause du phénomène d’inflammation, sans m’en remettre, comme à l’habitude, au destin, lequel n’était pourtant pas, à l’époque, encore advenu. Mais là, je m’égare, ce n’était pas à la grisaille, celle d’un visage, au lendemain d’une nuit agitée ou à de l’écarlate sur les paumes, que je voulais vigoureusement m’atteler lorsque j’ai décidé, ce soir, de me mettre à écrire. Cependant, comme on le sait, il faut toujours une introduction, une sorte de mise en jambes pour placer les mots, trouver le rythme et faire venir la régularité dans le cliquetis du clavier, le style ou l’ambiance de l’écriture, si l’on veut, attachés aux premières lignes et évidemment variable au gré des jours et des humeurs. J’ai donc ouvert un nouveau fichier, suis resté quelques secondes, pas plus, devant l’écran blanc, puis j’ai commencé à écrire ce qui précède, qui m’est venu après m’être recoiffé, je ne sais pourquoi, puisque je n’attendais personne, devant le miroir de ma salle de bains, là où j’ai constaté qu’à nouveau, mes paumes rougissaient.

A vrai dire, je voulais écrire, ce qui n’a vraiment rien à voir, une lettre à une disparue, Chantal Akerman.

J’ai, en effet, appris hier que la revue britannique du « British Film Institute », publication de renom, dénommée « Sight and Sound », décernait un « palmarès décennal » des films ; que tous les 10 ans donc, elle nous donnait la liste, de ce qui, pour elle, constituait les 10 meilleurs films de tous les temps, non pas ceux des dix dernières années, qui pouvaient ne pas figurer dans le palmarès, un œil, ou plutôt l’appréciation, étant de nature changeante dans le tourbillon des décennies. Evidemment, beaucoup sont présents, immuables, dans tous les palmarè, quelque soit la décennie observée. Une démarche jubilatoire. Il n’y a que les Anglais pour capter de telles idées, comme il n’y a que les Anglais pour faire d’excellentes séries télévisées. Du type de celle de « Slow Horses » ou « Bad Sisters ». On peut trouver en ligne ces palmarès, incluant, évidemment, chaque décennie, ce que j’ai nommé”les immuables”, les deux films qui se battent toujours pour la première place : celui de Hitchcock « Vertigo », « Sueurs froides » en français et « Citizen Kane » d’Orson Welles. J’ai donc lu, hier, par hasard, que, selon le palmarès de 2022, Chantal Akerman avait réalisé le meilleur film de tous les temps”. Je n’en suis pas revenu. J’ai failli hurler de joie ou de surprise, peu importe, mais, persuadé de la dangerosité de la parole intérieure qui ne serait pas muette, le « parler-seul », pour tout dire, je me suis abstenu.

Je donne la liste 2022 :

1 – Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles 2 -Sueurs froides 3 Citizen Kane. 4 –Voyage à Tokyo. 5 Chantons sous,la pluie. 6– In the Mood for Love .7 – 2001, l’Odyssée de l’espace. 8 –  Beau Travail.  9 – Mulholland Drive 210 –L’Homme à la caméra, 

Je sais, désormais, le motif pour lequel je me suis coiffé avant de commencer à écrire : je voulais, sérieux, je l’assure, écrire une lettre d’amour à Chantal Akerman, tant j’étais joyeux, joyeux pour elle, qui devait se débattre avec tous les anges, là-haut, pour leur expliquer que la beauté se terrait dans la fixité, comme soi devant un miroir, et que le plan fixe, dans sa pertinence, permettait lorsqu’il était choisi par l’artiste, de mesurer l’acuité de son regard. Chose que les anges ont sûrement du mal à comprendre tant, pour eux, la beauté est lumineuse et n’émerge pas d’un plan sur une vieille cuisinière rouillée, que Jeanne (Dielman) s’escrime à polir, par un vieux torchon effiloché, dans ce film qui date de 1975 et qui a donc attendu près de cinq décennies avant d’être consacré, directement, sans être passé par les accessits, sans avoir figuré dans les précédents palmarès, le meilleur des meilleurs. Les anges, même s’ils sont uniques et pleins de cœur, ne retiennent, évidemment, de la beauté que l’image exacte, nette et sans flou, sans « bokey », dirait un photographe.

J’ai aimé, d’amour, Chantal Akerman. J’ai d’abord aimé ses films qu’une femme, il y a longtemps, m’avait fait découvrir, à l’heure où il me fallait me détacher du réel, justement en le scrutant, c’est une longue histoire, puis ses installations d’art, avant que je ne réfute le concept d’esbroufe. Mais, ici, il me faut m’arrêter d’enjoliver en plaçant l’art ou la théorie avant le corps, pour camoufler le désir : j’avoue avoir surtout aimé ses yeux, lumineux, trop intelligents. Donc plus que des yeux. Rien ne vaut un œil éclatant d’intelligence pour vous emporter dans toutes les frénésies. Il est dommage que la génération actuelle, dans la réalité ou le cinéma, ce qui devient identique, ait délaissé le long baiser romantique, précédé de minutes interminables les yeux-dans-les yeux, embués de tendresse pré-érotique, comme il se doit. Je me suis fait cette petite réflexion quand, justement, dans un film assez récent (« Drive ») j’ai apprécié les regards indécollables des deux amoureux (Ryan Gosling et Carey Mulligan) littéralement enlacés dans leurs yeux, des minutes entières, sans un mot qui ne vienne troubler cette magie. Il devient rare de transcrire l’amour, autrement que par la sempiternelle scène, au milieu de tous les films lorsque le héros, haletant et volontaire plaque violemment la femme qui n’attendrait que ça, corps chiffonné, sur l’îlot de cuisine californien, plan obligé de toutes les séries Netflix, pour faire contemporain. En même temps que les amours homosexuels et les fusillades très sanglantes, nécessairement tournées, de nature à convaincre le regardeur de l’ouverture, sans faille, du réalisateur à la Grande Modernité. Pour revenir aux yeux, le regard dans celui de celle qu’on aime est le plus beau des clichés.

Donc Akerman. Il y a quelques années, lorsque, dans la nuit, cassée par l’insomnie, je regardais le plafond gris, j’imaginais toujours ce qui devait obligatoirement apparaître sur la paroi, par bribes, des sursauts d’images ou des éclaboussures de la vérité, je ne sais plus, avais-je dit un jour où, certainement éméché, je me prenais pour Dos Passos devant des amis médusés. J’ose donc écrire aujourd’hui, ce que je n’ai jamais avoué que je fabriquais les yeux de Chantal Akerman, que je n’ai pourtant jamais rencontré, pour en couvrir tout le plafond de l’insomniaque, comme dans un jet unique. J’étais obsédé par son intelligence qui transparaissait dans la photo que je donne en tête de mon texte, elle avec sa cigarette, donnant à montrer au monde entier, sans même le savoir, ce qu’était une femme belle et intelligente. Et, même, plus tard, je donne l’image ci-dessous, elle a continué à nous offrir ses yeux de l’intelligence.

Elle s’est donné la mort en octobre 2015.

L’on peut naviguer en ligne pour connaitre son destin, ses œuvres, et, encore, son intelligence. Je voulais donc lui écrire une lettre, non pas de félicitations, pour lui rendre hommage, mais une lettre d’amour, revenir cependant sur sa relation increvable à son peuple, à sa mère, à l’art, à sa fabrication de nouveaux mondes, ses plans fixes qui extirpent l’ennui de son centre, qui démontrait le bénéfice du geste et sa répétition, avec une Delphine Seyrig dans sa merveille de femme. Ce n’était pas « Fauda », la série israélienne, assez prenante il est vrai, et dans laquelle j’ai vu la plus belle femme du monde (Maya, l’arabe) ou de « Emily à Paris », la série mièvre et pimbêche, produite par les marques françaises. J’ai donc écrit des heures et des heures ma lettre d’amour à Akerman. J’ai même imaginé, en le commençant, un petit récit, celui d’une rencontre, avec, derrière nous, en chaperons, mille femmes juives, vieilles, non pas vêtues de noir, mais par mille robes légères, de toutes les couleurs du monde, qui souriaient en nous suivant, retenant leur souffle, lorsque Chantal, frêle et amoureuse et, partant, non concentrée, trébuchait par l’ornière invisible du sentier tortueux, avant que je ne retienne sa chute d’un bras assuré. Comme en Sicile lorsque Al Pacino, futur parrain, se promène sur les routes caillouteuses, près de Corleone, avec sa fiancée sicilienne au profil grec. Puis j’ai mis ma lettre à la corbeille, idiotement, alors que suis certain qu’il y avait bien deux ou trois mots qui auraient pu être lus.

En Octobre 2015, lorsqu’elle a décidé de partir, j’aurais du l’appeler et lui dire que même si des anglais allaient décréter, sept ans plus tard, qu’elle avait fait, en 1975, le « meilleur film de tous les temps », l’important était ses yeux. Intelligents, comme je viens de l’écrire. J’imagine la fougue si j’avais pu l’embrasser.

MB.

revenir à Camus.

Ceux qui lisent un peu ici connaissent ma réserve à l’égard d’Albert Camus, même si je le préférais à Sartre. Un peu brouillon, faiseur et fabricant de l’individu unique.

Mais voilà qu’on l’attaque, qu’on veut “l’oublier”. Un bouquin vient de sortir, écrit par un oxfordien.

Je cite l’extrait de la présentation de l’éditeur.

Olivier Gloag

Oublier Camus

Préface de Fredric Jameson

Des programmes scolaires aux discours politiques, dans les médias et les conversations mondaines, Camus est partout le parangon d’un humanisme abstrait qui a ceci de commode – et de suspect – qu’il plait à droite comme à gauche. Peu d’ouvrages se sont penchés sur les contradictions du personnage comme le fait ici Olivier Gloag à partir d’une relecture de Camus dans le texte – contradictions qui constituent pourtant la force motrice de l’œuvre camusienne, une clé de son « style », et expliquent sa popularité actuelle.

Olivier Gloag rappelle l’attachement viscéral de Camus au colonialisme et au mode de vie des colons qui traverse ses trois romans majeurs, L’Étranger, La Peste et Le Premier Homme. Il examine ses engagements politiques à la lumière de sa brouille avec Sartre : la tension entre révolte et révolution, son recours à l’absurde comme refus du cours de l’Histoire, son anticommunisme et son déni de la lutte des peuples colonisés. Il se penche enfin sur les récupérations de Camus : l’auteur le plus populaire en France et le Français le plus lu dans le monde est devenu un enjeu politique et idéologique. L’invocation d’un Camus mythifié projette un reflet flatteur mais falsificateur de l’histoire coloniale. C’est ce Camus-là qu’il faut oublier pour reconnaître les déchirements d’un écrivain tout aussi passionnément attaché aux acquis sociaux du Front populaire qu’à la présence française en Algérie.

Olivier Gloag

Olivier Gloag est Associate Professor à l’université de Caroline du Nord (UNC) à Asheville. Ses recherches portent notamment sur les représentations coloniales dans la littérature hexagonale, l’histoire culturelle et littéraire de la France au xxe siècle. Il est l’auteur de Albert Camus, A Very Short introduction (Oxford university press, 2020).

Je cite aussi le mail reçu de”Philosophie Magazine” qui devient une sorte de blog adolescent.

Bonjour,

À l’occasion d’un passage au Vendanges de Malagar, un week-end de débats qui se tient chaque année dans l’ancienne propriété de François Mauriac, le domaine de Malagar, près de Bordeaux (33), j’ai découvert que Camus avait défendu, au moment de l’épuration, en 1944, la légitimité de la peine de mort. De quoi alimenter l’appel que lancent certains à Oublier Camus (La Fabrique, 2023), l’accusant d’avoir été un défenseur du colonialisme, un anticommuniste primaire et un machiste patenté ?

Je vais lire le dossier dans Philomag.

Mais ça y est, je commence à apprécier Camus. Il faut canceller les cancellers.

dommage pour la photographie

1 – Voici le genre de photos que les photographes (ici Cécile Plaisance) feraient mieux de ne pas prendre ou montrer. Elles ne font pas honneur à la photographie, sauf à considérer qu’elle est désormais concomitante de la médiocrité produite par la recherche vaine du vide ou de l’écart.

2 – ET VOICI LE GENRE DE COMMENTAIRES A BANNIR DES REVUES EN LIGNE. Je reste, cependant, abonné à la revue “L’oeil de la photographie” qui est capable d’autre chose. J’ai relu 10 fois, je n’ai pas pardonné l’impéritie d’une telle prose.

On doit dire au rédacteur ou à la rédactrice de l’article (qui n’offre pas son nom) que “patriarcal” s’écrit sans h.

Deux galeries présentent en cette fin de septembre le travail de Cécile Plaisance : la galerie Lagrange, à Bordeaux et la galerie Clémentine de Forton à Paris. Et dans son dossier de presse, on peut lire :

Cécile Plaisance a abandonné sa carrière dans la finance il y a plus de 15 ans pour se consacrer à sa passion : la photographie. Elle est connue pour ses photos lenticulaires de Barbie ou de modèles , où elle dénonce l’emprise patriarchale et religieuse sur la vie du sexe féminin : “À un moment de l’histoire, les hommes ont commencé à craindre le pouvoir des femmes. Et le patriarcat est né. Et la religion aussi. La perversion et la mauvaise interprétation des textes religieux ont imposé des codes de modestie aux femmes du monde entier. Aujourd’hui, après des milliers d’années de répression, les femmes peuvent sortir de leur coquille. Toutes avec des missions différentes mais avec la même force vitale et (parfois même) la liberté de parler.”

Avec ses photos animalières, c’est une autre forme de liberté qu’elle cherche à mettre en avant. Avec son modèle Marisa Papen, bien connue pour ses clichés de nus en toutes circonstances, incarnation de la «Liberté», elle prône la liberté de se vêtir comme elle le veut tout comme de pouvoir se dévêtir. » Marisa est LIBRE et en lien avec son authenticité presque sauvage, animale ». Il en va de même pour Olga Kent, en totale osmose avec les fauves et autres espèces en voie d’extinction en Afrique . A travers cette série, Cécile Plaisance a souhaité ainsi montrer la fragilité de l’espèce humaine face à celle des espèces en danger de disparition. L’un sans l’autre, la vie ne sera plus la même.

Galerie Lagrange, du 22 Septembre au 7 octobre 2023.
7 Allée de Tourny. 33000 Bordeaux
www.galerielagrange.fr

Galerie Clémentine de Forton, du 22 au 28 Septembre 2023.
6 rue de la Paix, 75002 Paris
www.clementinedefortongallery.com

Cécile Plaisance
www.cecileplaisance.com

le témoin de Jéhovah

EXTRAIT. Je viens d’écrire que “je ne m’ennuyais pas  dans mes heures ». L’expression est venue sans que je ne la cherche. En réalité, je ne sais ce qu’étaient « mes heures ». Tout s’emmêlait, dans une sorte de tournis permanent, sans centralité, sans emploi « adéquat », du temps. C’est le propre du solitaire que de ne pas s’attacher aux heures qui s’écoulent et les prendre comme elles viennent, sans organisation, sans stratégie, presque sans futur. Il n’y a pas de ligne droite dans les solitudes. A défaut, c’est le mur. Et une dernière bosse sur le front, avant de sombrer.

Mes heures étaient celle de la musique, de l’apprentissage d’un instrument, de la percussion permanente, comme un second battement du corps, de la petite drague, sans grands succès, encore les boums, le cinoche, pas encore les boites de nuit, de la lecture, y compris celle de la revue des Témoins de Jéhovah lesquels, sans répit arpentaient les couloirs, sonnaient à toutes les portes de la grande cité où j’habitais, pour la proposer. Je m’en souviens encore, elle s’appelait « Réveillez-vous ! », cette revue sans images ou peut-être des dessins religieux au fusain.

Je ne sais pourquoi, ma mère avait accepté de les aider, d’acquérir leurs fascicules, évidemment sans les lire, les posant sur la table de la cuisine, avec les prospectus. Un jour, je lui ai posé la question, à ma mère. Mais pourquoi donc les accueillir, leur acheter leur revue qui n’était pas juive, même si “Jéhovah” n’était pas le Christ et sonnait assez “Ancien testament” ? Elle m’a répondu qu’ils n’étaient « pas méchants ». Bon…

C’est ici qu’il faut que je raconte Chandler.

J’étais seul chez nous. Du moins presque, la vieille tante étant endormie dans sa chambre, parents et famille non encore rentrés, et moi grippé, je ne m’en souviens plus. On sonne à la porte. C’est une femme, entre deux âges, le sourire permanent, mais non figé, assez jolie, cheveux très lisses, brillants, en chignon, yeux noirs intelligents, pommettes saillantes, comme on dit, jupe au-dessus du genou, torse également saillant sous une sorte de tee-shirt serré, moulant. Presque belle, corps souple, comme on les aime immédiatement. C’est un témoin de Jéhovah. Elle me tend la revue. Je ne sais ce qui m’a pris, je l’ai invité à entrer, à s’asseoir, à boire un verre d’eau. Sans même un regard d’étonnement, elle s’est assise, a bu le grand verre, s’apprêtait à repartir, en me remerciant, sans tenter une conversation dans le champ de la conversion (les « témoins » sont très prosélytes). Je devais être trop jeune.

Mais je lui ai demandé, presque autoritairement, de rester assise. J’avais une question à lui poser. Là, je crois qu’elle était éberluée, ce qui n’était pas, au demeurant, mon objectif. Un adolescent lui intimait l’ordre d’écouter sa question. Moi, je voulais juste parler. Il est vrai qu’elle avait un corps magnifiquement souple.

Et je lui ai posé la question idiote, téléphone, prévisible, san talent de la transfusion. Je ne comprenais pas ce principe. Les Témoins de Jéhovah bannissent la transfusion sanguine, une sorte de pêché, une impossibilité en tous cas. Je l’avais lu quelque part. J’avais à peine plus de quinze ans. Elle ne pouvait imaginer soutenir une telle conversation avec un gamin. Ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui, les adolescents étant à pied d’égalité dans les discussions avec les adultes, ados désormais, « sachants », doxa en ligne oblige, Facebook, Instagram en marche.

Donc, la transfusion sanguine interdite. Leur croyance se rattache à certains textes bibliques. Le sang serait « sacré ». Ils sont donc végétariens, ces témoins de Jéhovah.

Je répète la question à la femme. Laisserait-elle mourir son enfant, si une transfusion sanguine s’imposait comme solution radicale pour éviter sa disparition ? Question bateau, question idiote et prévisible. Certainement, juste pour par à une femme aux courbes souples et aux seins exactement agressifs.

Elle ne m’a pas répondu, mais son sourire s’est, quelques secondes, évanoui. Puis après quelques minutes de silence, elle m’a demandé ce que je lisais en ce moment. C’était Raymond Chandler (« Adieu ma jolie »). Elle m’a répondu qu’elle adorait Chandler. J’étais stupéfait. Un Témoin de Jéhovah qui connaissait le roman policier et le maître Chandler. Et, immédiatement, elle m’a dit que sa plus belle réplique dans ses romans était celle des « deux verres ». Je ne connaissais pas.

Elle me l’a dite, je crois très exactement. C’est Chandler qui écrit dans l’un de ses romans, (“Sur un air de Navaja”). Il revient dans un salon de réception qu’il avait quitté quelques instants pour discuter, dans la cuisine, je crois, avec l’un de ses amis. 

“Il ouvrit la porte du living-room, et le vacarme des conversations nous submergea. L’ambiance était encore plus bruyante, si possible, qu’avant. Le ton semblait avoir monté de deux verres environ. “

Et, je l’assure, elle est partie, assez longuement sur le style de Chandler, puis celui de Dashiell Hammet et sa « moisson rouge », qui égalait, me disait-elle, tous les Balzac du monde.

Elle est partie et je ne l’ai plus revue. Mais c’est par elle que j’ai appris « la surprise », celle qui vient, sans qu’on ne l’attende d’une personne. 

Cette femme m’a persuadé que tous les êtres n’étaient pas ceux que l’on croyait qu’ils étaient. Une nouvelle conviction, une certitude, qui m’a toujours aidé à tenter d’éviter le jugement immédiat, à chercher ailleurs que dans l’instant et, partant, à toujours « pardonner » un mot ou un comportement intempestif, après avoir pesté conte la bêtise pendant au moins une semaine. Ce qui n’est pas toujours la solution. Je pardonne moins désormais, pour d’autres motifs qui se battent méchamment avec moi. Il faut ajouter que les idiots ne pardonnant jamais le minuscule écart, je n’ai pas, avec eux, à leur accorder un pardon. Ils sont déjà partis, loin de moi.

MB. Extrait de “Béja et la suite”, deuxième tome (La France)

Première page, P.R

Roth, Philip. “La Tache”.

“À l’été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu’on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l’Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l’écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne.
La première fois que Coleman avait vu cette femme, elle lessivait le parterre de la poste : il était arrivé tard, quelques minutes avant la fermeture, pour prendre son courrier. C’était une grande femme maigre et anguleuse, des cheveux blonds grisonnants tirés en queue-de-cheval, un visage à l’architecture sévère comme on en prête volontiers aux pionnières des rudes commencements de la Nouvelle-Angleterre, austères villageoises dures à la peine qui, sous la férule du pasteur, se laissaient docilement incarcérer dans la moralité régnante. Elle s’appelait Faunia Farley, et plaquait sur sa garce de vie l’un de ces masques osseux et inexpressifs qui ne cachent rien et révèlent une solitude immense. Faunia habitait une chambre dans une laiterie du coin, où…”

Balzac

Je donne cet extrait, pour rappeler le talent de Balzac qui ne se fond pas exclusivement dans la narration et le feuilleton sans fin. Un mystère, que cette faculté d’écrire au ras du sublime, par celui qui clamait qu’il ne faisait que juste écrire des histoires. Il est dommage qu’il ait trop écrit, la quantité, selon certains, se substituent nécessairement à la qualité. Ce faisant, l’on cherche sans trouver, des pages véritablement superfétatoires. Flaubert et Stendhal, plus précieux, sont les plus aimés des parisiens des boulevards et impasses près du Marais parisien. Pour un seul motif : la prétendue rareté, la réserve littéraire. Le ru, pas le fleuve, dit-on. Dommage que le plus, l’exacerbé, le volume sans limites, l’ampleur, la démesure, ne trouvent pas grâce aux yeux des petits critiques de salon, aux yeux fatigués après 50 pages de lecture, dans la recherche des adjectifs pédants, pompeux peut-être. J’écris ceci alors que tous savent mon admiration pour Flaubert. Donc, l’extrait de Balzac. A Natalie. Sans H, sans celle du bûcheron, dirait l’apprenti freudien.

À MADAME LA COMTESSE NATALIE DE MANERVILLE.


« Je cède à ton désir. Le privilége de la femme que nous aimons plus qu’elle ne nous aime est de nous faire oublier à tout propos les règles du bon sens. Pour ne pas voir un pli se former sur vos fronts, pour dissiper la boudeuse expression de vos lèvres que le moindre refus attriste, nous franchissons miraculeusement les distances, nous donnons notre sang, nous dépensons l’avenir. Aujourd’hui tu veux mon passé, le voici. Seulement, sache-le bien, Natalie : en t’obéissant, j’ai dû fouler aux pieds des répugnances inviolées. Mais pourquoi suspecter les soudaines et longues rêveries qui me saisissent parfois en plein bonheur ? pourquoi ta jolie colère de femme aimée, à propos d’un silence ? Ne pouvais-tu jouer avec les contrastes de mon caractère sans en demander les causes ? As-tu dans le cœur des secrets qui, pour se faire absoudre, aient besoin des miens ? Enfin, tu l’as deviné, Natalie, et peut-être vaut-il mieux que tu saches tout : oui, ma vie est dominée par un fantôme, il se dessine vaguement au moindre mot qui le provoque, il s’agite souvent de lui-même au-dessus de moi. J’ai d’imposants souvenirs ensevelis au fond de mon âme comme ces productions marines qui s’aperçoivent par les temps calmes, et que les flots de la tempête jettent par fragments sur la grève. Quoique le travail que nécessitent les idées pour être exprimées ait contenu ces anciennes émotions qui me font tant de mal quand elles se réveillent trop soudainement, s’il y avait dans cette confession des éclats qui te blessassent, souviens-toi que tu m’as menacé si je ne t’obéissais pas, ne me punis donc point de t’avoir obéi ? Je voudrais que ma confidence redoublât ta tendresse. À ce soir.
» FÉLIX.

Honoré de Balzac. Le lys das la vallée.

PS. Balzac freudien : “oui, ma vie est dominée par un fantôme, il se dessine vaguement au moindre mot qui le provoque, il s’agite souvent de lui-même au-dessus de moi. J’ai d’imposants souvenirs ensevelis au fond de mon âme comme ces productions marines qui s’aperçoivent par les temps calmes

fécondité des malentendus

Le titre (“la fécondité des malentendus”) est une jolie formule empruntée à Jean Pouillon, fin analyste, bon philosophe, pourtant ami de Jean-Paul Sartre..

Des lectures actuelles m’ont permis d’en déceler deux, assez cocasses.

Simone de Beauvoir, Sartre et Levi-Strauss

Lectrice, avant même sa parution des “Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss” en 1949 qui pourtant assomme et enterre l’existentialisme triomphant de l’après guerre, elle écrit un article élogieux sur l’ouvrage dans les Les Temps modernes, revue sartrienne, celle la plus lue par les intellectuels de l’époque. En écrivant  “Voici longtemps que la sociologie française était en sommeil.”

Et elle considère que l’oeuvre de Claude Lévi-Strauss s’inscrit parfaitement dans le système sartrien, la pensée existentialiste.

Relevant que Lévi-Strauss ne dit pas d’où proviennent les structures dont il décrit la logique, elle donne sa réponse, sartrienne :

“Lévi-Strauss s’est interdit de s’aventurer sur le terrain philosophique, il ne se départit jamais d’une rigoureuse objectivité scientifique ; mais sa pensée s’inscrit évidemment dans le grand courant humaniste qui considère l’existence humaine comme apportant avec soi sa propre raison.”

Immense, immense malentendu tant l’anthropologie structurale se situe dans une autre galaxie que celle de Sartre et son sujet agissant, de sa praxis et de son histoire.

On a presque envie de rire aux éclats, mais on se retient pour ne pas alimenter la critique de l’intellectualisme.

Mais, on s’interroge encore sur ce qui peut être considéré comme assez idiot et peut donner la mesure de l’auteure…

Sartre a du lui souffler l’éloge tant il est vrai que, lui aussi, avait (encore un malentendu) admiré le fameux bouquin de Claude Lévi-Strauss,  “Tristes Tropiques”, en considérant, en se trompant encore, que l’ouvrage mettait en valeur de la présence de l’observateur dans l’observation et la communication instituée entre les indigènes et l’observateur. Le sujet constituant, si l’on préfère, dans sa praxis qui fabrique du sens.

Immense bévue. Tout le contraire : à l’époque, le sujet, la conscience vont s’effacer au profit de la règle, du code et de la structure…

Barthes

L’autre malentendu est celui de l’acceptation par Roland Barthes d’une critique positive, additionnelle, de Claude Lévi-Strauss

CLS qui a vu les dérives délirantes du structuralisme dira dans une de ses conférences “le structuralisme, heureusement, n’est plus à la mode depuis 1968”. Il s’en félicitait et voulait en rester à la méthode et non à la constitution d’un système philosophique, une philosophie, une spéculation.

Sa critique allait de pair avec l’apparition des modes en réprouvant toute l’évolution vers le déconstructionnisme et la pluralisation des codes, contemporain de 1968.

Roland Barthes, dans cette mouvance écrit son fameux S/Z”.

On cite la présentation de l’éditeur :Sous ce titre, ou ce monogramme, transparaît une nouvelle particulièrement énigmatique de Balzac : Sarrasine. Texte qui se trouve ici découpé en « lexies », stratifié comme une partition inscrite sur plusieurs registres, radiographié, « écouté » au sens freudien du mot. Si l’on veut rester attentif au pluriel d’un texte, il faut bien renoncer à structurer ce texte par grandes masses, comme le faisaient la rhétorique classique et l’explication de texte : point de construction de texte: tout signifie sans cesse et plusieurs fois, mais sans délégation à un grand ensemble final, à une structure dernière. »

CLS adresse une lettre argumentée à Barthes dans laquelle il signale à celui-ci une autre clé de lecture possible de la nouvelle de Balzac : l’inceste. Barthes, ravi de cet intérêt,  prend très au sérieux cette proposition qu’il qualifie d’”éblouissante et de convaincante”, alors qu’il s’agissait, aux dires de Lévi-Strauss, d’une blague : Ce qu’il confirme en écrivant :

“S/Z m’avait déplu. Les commentaires de Barthes ressemblaient par trop à ceux du professeur Libellule dans le A la manière de Racine, de Muller et Reboux. Alors je lui ai envoyé quelques pages où j’en rajoutais, un peu par ironie (Lévi-Strauss, De près et de loin, Paris, Odile Jacob, 1988, p. 106.)

Je reviens sur le titre. Le “malentendu” est-il fécond ?

Certainement lorsqu’il, permet de clarifier une pensée en faisant comprendre à l’autre qu’il se trompe en restant dans ses catégories. Le malentendu est une aubaine pour la claire synthèse.

Cependant lorsqu’elle prend des proportions aussi cocasses, elle devient presque inféconde, par une démonstration de l’inanité de l’intellectuel et, partant par une nouvelle pierre donnée aux haineux de l’intellectualité.

“L’intellectuel idiot” est un bon sujet. Non pas l’idiotie de ce qu’il écrit (tous, et d’abord nous, ont cette capacité d’écrire des bêtises) mais celle de son comportement nécessairement adolescent.

Il faudra, un jour, faire la relation entre le malentendu et le “malécrit”.

haute mer

F, encore moi. La haute mer, disais-je. Seule l’eau efface ses cicatrices, impitoyablement gommées par ses propres remous. Vous souvenez-vous ? L’air était radieux et la lumière se posait, timidement, sur vos cheveux. Vous vous êtes levée et avez pris ma main. Et je cherchais les mots pour les plaquer, violemment, sur vos épaules. Rien ne vint. Vous souvenez-vous ? La cicatrice. Je la vois encore. Vous avez souri et sur vos joues le soleil s’amusait.

Je les cherche aujourd’hui ces mots, pour vous dire, pour vous inventer. Et ne les trouve pas. Plus qu’une lettre de moi et tout sera acquis.

Vous souvenez-vous encore de votre amour pour les oliviers ? Vous m’aviez dit qu’ils étaient comme le résumé du magnifique, couleur passée et inouïe du temps, branches rêches et feuilles drues, immobiles sous le vent, instants en suspens, compagnons du bleu et souvenirs exsangues.

L’homme passa. Vous l’avez regardé, assidûment et avez retiré votre main. Il était beau. Il s’arrêta, posa un long regard sur nous. Vous êtes partie. Avec lui, en lui prenant le bras, le corps à plat. Vous souvenez-vous ?

Dans le ciel, pas un nuage. La brute éclaboussure du temps, arrogance du jour, explosion placide.

Vous êtes vite revenue vers moi, en riant très fort. Vous m’avez embrassé, éperdument, longtemps. Et nous avons, ensemble, pleuré. Nous sommes vite partis, en courant et dans cette chambre, fenêtres ouvertes, dans l’air tiède, je vous ai prise. Roulis du désir, peaux en suspens. Vous pleuriez encore lorsque nous nous sommes quittés. Vous m’avez demandé de partir, en m’embrassant la main.

L’homme était là, dehors.

Le ciel. Cintre des vies, gouffre des yeux. Il reviendra cet instant, courbe de votre peau, bouffées de volupté, tourbillons d’extase.

F, qu’avez-vous fait ? Qu’ai-je ainsi mérité ?

Le temps de nous a disparu. Loin, très loin, dans les trous noirs de l’absolu, je vous écris. Il ne me reste que ces mots écartés. Lancés dans l’interstice de notre moment, vacuité du désir, flèches inaccessibles.

Plus qu’une lettre à vous F, et tout sera acquis.

M. Extrait de “La pieuvre”, roman désormais achevé.

L’immense lourdeur, les nigates de Libé

Depuis très longtemps, je tempête contre la recherche effrénée par les petits journalistes de Libé du titre de la Une, prétendument plein d’esprit. Il démontre la bêtise.je donne la dernière. J’ai assez honte pour eux.

J’en donne une autre. Dieu, les pauvres…

PS. “Nigate” est un mot “tune” qui doit trouver sa source dans celui de “nigaud”. “Nigate de Libé”, ça sonne assez bien.

Solarité et totalitarisme. Sur Sartre et Camus.

Lecture du « Premier homme », roman posthume d’Albert Camus qui l’avait dans sa besace en cuir, le jour de sa mort, à l’âge de 47 ans, en 1960, dans un accident de voiture, sur une petite route, dans l’Yonne, près de Montereau.

Ce qui permet de revenir sur Camus que je ne peux, comme beaucoup séparer de Sartre, la prétendue « déchirure » de leur amitié, calée à vrai dire sur leur passion des femmes plutôt faciles, du moins disponibles par l’admiration vouée aux deux intellectuels (une passion des femmes non répréhensible, n’en déplaise aux idéologues du moment qui confondent les campus américains avec le monde réel). Une « amitié » également, il est vrai, structurée par leur idéologie partagée un temps (le communisme) et l’amour du théâtre (Camus a failli être l’acteur des « Mouches » de Sartre).

Évidemment qu’il faut préférer Camus à Sartre, en réalité la petite liberté, même illusoire, à l’apologie du totalitarisme, camouflé par l’apologie de la libertéet la vente a l’etalage de l’existence. Oui, oui, Sartre est un vrai philosophe, pas Camus « philosophe pour classes terminales », selon le titre de l’essai de J.J Brochier, paru en 1970, un sartrien dévot, haineux du « petit Camus ».

Mais je n’aime pas Sartre, héraut très paradoxal, un stalinien existentiel, ce qui est assez martien, quoiqu’en disent les tournoyeurs abrutis de la pensée « complexe », grand faiseur donc de « l’existence » libre qui précède le tout, y compris l’Univers et le Cosmos, un libertaire (pas un libertarien) existentiel qui a donc soutenu d’abord les staliniens de première génération avant, sur un tonneau qui n’était celui de Diogène, d’haranguer les foules en les exhortant à se mettre à genoux devant la deuxième génération (de staliniens) : les Maos idiots de Libération qui avaient même investi les « Cahiers du Cinéma », faisant de Godard un petit soldat chinois, insultant le grand Truffaut…

Mais, tout en défendant alors Camus, idéologiquement, s’entend, je n’aimais pas sa prose théâtrale d’apprenti humaniste de service, faisant, son « marché du petit pauvre”, « voyou d’Alger », comme le nommait Sartre qui ne connaissait pas Alger, parmi les bourgeois des salons et cafés de Saint-Germain, solaire, comme il disait, au-dessus du monde dans sa volonté impériale qui s’extrayait de l’histoire disait Sartre, de la structure, disais-je, dans mes petits écrits structuralistes du temps assez marqué, des débuts des années 70, foucaldistes, lacaniens, althussériens, poulantzasiens, Levi straussiens, bourdieusiens…

Voilà pour mon introduction à cette incursion du Dimanche dans les idéologies.

Sartre, le terroriste. Quelques jours après la mort de Camus, Sartre écrit : « Pour tous ceux qui l’ont aimé, il y a dans cette mort une absurdité. Fastoche. Comme si toute mort n’était pas absurde. Mais c’est du Sartre et il ajoutait : « Nous étions brouillés, lui et moi ». Ce n’est pas peu dire. Ce n’est pas la faute à Voltaire mais bien celle de Sartre dont le talent théoricien est gâché par sa soupe quotidienne, à la mesure de la peur de sa disparition physique.

Camus a connu Sartre par « la Nausée », en en faisant l’apologie dans un journal d’Alger. Le maître a apprécié. Il « rend » par une critique élogieuse de « L’étranger », puis le reçoit à Paris dans les salons mondains et en fait son petit protégé (il a 8 ans de plus). Le grand bourgeois s‘amourache du voyou pauvre, une histoire presque stendhalienne. Mais, pourquoi pas. Ils seront vraiment amis, inséparables, les femmes, le whisky et de temps à autre une petite pensée sur le monde. C’est comme ça que ça se passe partout. Ne croyez pas qu’un intellectuel intellectualise jour et nuit. Les corps des femmes (l’essentiel pour un homme) l’alcool et la fatigue les en empêchent.

Jusqu’au jour de la brisure. Elle, idéologique, même si je ne suis pas certain que Sartre, un peu vieillissant ne jalousait pas l’ardeur camusienne. Mais j’affabule. Donc, jusqu’au jour où tous les deux se révèlent l’absence radicale de proximité de leur pensée. Camus ne digère pas facilement le marxisme.

Tout part de Koestler (« le Zéro et l’infini »), un bouquin qui m’avait fasciné et dont j’ai regretté de ne pas être le contemporain lorsque je l’ai lu, post-étudiant, chercheur de pensées. Koestler s’en prend au stalinisme de la Terreur et Camus le soutient. La brouille s’annonce.

Puis Camus, s’essayant à la philosophie, publie en 1951 « L’homme révolté » dans lequel il oppose révolution et désir, que l’État et les révolutions confisquent, du haut de la soumission. L’État assassine la révolte, la Russie étant ainsi devenue une « terre d’esclaves balisée de miradors ». Il écrit, encore que tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique », et enfin : « Je me révolte, donc nous sommes ».

Sartre n’et pas content du tout. Camus est devenu le « renégat, le traitre » et laisse le soin à l’un de ses dévots (Jeanson) dans la revue sartrienne (« Les temps modernes ») d’assassiner son « ami ». Ils se fâchent., Évidemment puisque Sartre écrit ailleurs que « tout anticommuniste est un chien ».

Puis vient l’épisode de la phrase de Camus à Stockholm, lorsqu’il reçoit le Prix Nobel et est interpellé par un algérien alors que les attentats à Alger sont vraiment meurtriers et que sa mère (sourde et illettrée peut se trouver dans un tramway qui explose sous les bombes du FLN. ..)

La Presse rapporte sa réponse : « « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère », citation apocryphe puisqu’en effet, il a dit autre chose :

« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » 


Le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l’échange, rapporte beaucoup plus tard une version un peu différente : 

« En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère.» 

C.G. Bjurström, Discours de Suède, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1997.

Et là, Sartre ne peut, si l’on ose dire, qu’exploser.

Conclusion. Je constate que je voulais partir d’un paradoxe (je n’aimais ni l’un ni l’autre, mais j’en préfèrais un) et me suis laissé entrainer par la minuscule érudition que j’ai pu emmagasiner sur cette affaire « Camus-Sartre » qui a pris pas mal de nos soirées animées. Et ce alors que les choses étaient vieilles. Mais Sartre faisait toujours l’idiot de la famille (ce qu’il a écrit sur Flaubert) en susurrant qu’il ne ‘fallait pas désespérer Billancourt » (ne pas dire toute la vérité sur les camps en URSS afin de ne pas désespérer ceux qui croient dans le progrès historique incarné par la patrie de la révolution. Les ouvriers donc).

En réalité, je voulais faire le point, le mien à vrai dire.

Car, en effet, ma réserve, à l’époque à l’égard de Camus (je n’en avais pas à l’attention de Sartre, traitre à la pensée de la structure qui racontait des balivernes existentialistes, en contradiction avec la globalité diabolique de la totalité stalinienne, entre deux sauteries avec ses étudiantes et admiratrices. Il fallait que je lui torde le cou, à l’aune de quelques décennies de petite réflexion.

Alors, Camus ? Toujours un petit solaire de la petite poésie à quatre sous, magnifiant la nature et le bleu d’une mer, dans des mots de lycéens, au demeurant agréable à entendre l’été avec un pastis dans une main bronzée  ?

Et bien non. Je “travaille” (c’est une plaisanterie) actuellement sur cette locution que je viens d’inventer : « dans le cadre en aluminium ou en bois d’une photographie, il y a un sujet photographié qui a son autonomie au regard de la matière qui l’entoure, mais sans laquelle elle ne serait q’un morceau de papier jeté sur un sol goudronné”.

J’en suis là depuis longtemps, donc loin de ma petite presque-détestation de Camus : le mot solaire peut être dit, sans référence à la pensée qui le structure.

Le soleil est autonome, en soi, et les humains peuvent, même dans l’emphase proclamer sa beauté sans que sa lumière ne fléchisse. Les deux champs ne sont pas en concurrence puisqu’en effet le tout universel et immobile, majestueux règne, sans cependant qu’une voix, même solitaire ou « solaire » ne s’interdise de la magnifier.

Tout ça, pour ça. Le Dimanche excuse tout.

La culture change le monde

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CETTE SERIE DE FRANCE CULTURE DE POSCASTS SUR LES LIVRES, LES FILMS, LES MANIFESTES QI ONT PU CHANGER LE MONDE EST REMARQUABLE. UNE MINE. UN CLIC ET OBTENIR PLUS D’ÉPISODES AU BAS DE CHAQUE PAGE WEB.,

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Courbet, la mer, Hokusai, sa vague

Archives 03/2015. J’ai commencé un livre photos dans lequel j’insérerai mes photographies de l’au, sous toutes ses formes, mer, lacs, rivières, fontaines, pluies. M’est venu à l’instant même le souvenir des peintures de Gustave Courbet sur la mer. Jeune adolescent, j’avais dans ma chambre, l’une d’elles, affiche d’une exposition à laquelle je ne m’étais jamais rendu. Je la tenais d’un lot d’affiches du même type que j’avais déniché chez Gibert-Jeune, Boulevard Saint-Michel, là ou m’emmenait mon train de banlieue (station Place Saint-Michel)
Je donne un aperçu dans cette petite galerie (clic sur une image pour défilement, comme à l’accoutumée)

QUELQUES PHOTOS DE L’ALBUM, INSIGNIFIANTES, DANS TOUS LES SENS DU TERME.

Puis, ce à quoi je voulais en venir : Hokusai et sa vague.

HOKUSAI, LA GRANDE VAGUE. ESTAMPE 25,7 X 37 cm

amoureux

France Horvat. Titré “amoureux “.

Archives MB 04/2018 (brouillons). La photo est de Franck Horvat, l’un de mes photographes français préférés (voir mon menu “grands photographes”). Je m’étais interrogé en 2012 sur le désarroi de la femme. Amoureuse, certes, mais dans la panique. Ce qui est incompatible pour le romancier de gare et nécessaire dans le drame romantique américain qui ne décrit que des amoureux défaits. Je reviens apres 6 ans de réflexion, pour rendre hommage à la présence fébrile de l’amoureuse. On ne peut être amoureuse sans être fébrile. A défaut, la mécanique du couple est molle, plate, inutile. Je m’étais donc trompé dans mon premier commentaire que je ne donne même pas à lire.

Cette photo est de Doug Menuez. En 2012, j’avais titré “belle amoureuse“. Puis en réécrivant, je suis dit qu’elle était ailleurs, donc non amoureuse, du moins de celui qui l’enlace. Elle pensait soit à son confort d’amoureuse enfin obtenu, soit au jour de son mariage, mais surtout pas au corps enlacé. Cette femme est une fausse amoureuse. La première, celle d’Horvat elle, l’était (amoureuse) dans la panique de son sentiment donné à voir, brutalement, par un objectif de métal noir, par un photographe français…

Commentaires bruts

Copier/coller de commentaires dans le Le Figaro sur des propositions d’hôtels dans l’arrière pays nicois(magnifique l’été

14 commentaires

  • Anonymele 06/07/2020 à 11:06 Prix trop accessibles, donc risque important d’avoir à côtoyer des congés payés…
  • Marc Aurele 2le 06/07/2020 à 01:08 La cote d’azur en été? Et pourquoi la ligne 1 aux heures de pointe… Il y a probablement moins de monde.
  • ClémR le 05/07/2020 à 23:55Beaucoup trop de moustiques dans cette région.
    Impossible de profiter des jardins, même en journée !!!

La potentialité de la rencontre des “congés payés” par un prix non suffisamment élevé d’une chambre d’hotel merite un réflexion estivale

street’angel

Archives M 03/2020. “En faisant le tri de mes photos de rue, pour un album à offrir à un proche, je n’en suis pas revenu. Il m’a semblé, un court instant, que ce n’était pas moi qui avait déclenché, que cet hasard n’existait pas, qu’une force dite “immatérielle” s’était emparé de mon appareil pour créer une image dont je ne me souvenais pas de la prise. Comment avais-je pu, sans guetter, porté par je ne sais quoi, prendre ces photos ? Presque une amnésie du moment du déclenchement qui persuade d’un mystère, la seule persuasion qui vaille aurais-je dit, adolescent. J’ai, dans un texte long, ailleurs, écrit sur les anges et les moments. Mais je n’avais pas compris qu’il fallait, en réalité, pour saisir la chose, s’arrêter à la photo de rue. Elle vient d’ailleurs, comme si une bulle, ronde et invisible, se créait, enveloppant l’espace, le temps du déclenchement, la lumière, dans un cercle qui nous dépassait, sans que le photographe ne sache ce qu’il va advenir de la seconde qui suit, de l’image qui va surgir, pour s’imprimer dans l’appareil. Ce n’est pas le fameux “instant décisif “du prétentieux Cartier-Bresson. C’est une brume qui flotte, efface le sujet de la fabrication de l’image (le photographe), lequel n’est que le support simplement musculaire de de l’appareillage. Si j’avais osé, j’aurais écrit que ces moments sont quantiques. Mais je n’ai pas osé, tant la formule, mystérieuse, s’il en est, était facile.

Archives M 06/2020. Je relis ce texte. J’ai, à dire vrai, oublié l’essentiel : il est impossible pour un photographe de capter cette image insensée. Elle existe en dehors du temps du photographe, de son espace, comme un coquelicot au milieu d’un champ de blé. Le grand photographe a été béni par les donneurs d’images déja prises, nécessaires (les forces, les anges en réalité). Le photographe ne fait que prendre ce qui a déjà été fabriqué avant son déclenchement physique. Les artistes ne sont que des cueilleurs, les photographes des ramasseurs. Ils n’ont aucun mérite, comme les doués qui n’ont pas généré leur don. Regardez les images ci-dessous : qui peut imaginer le hasard décisif ? Entre le moment d’un collage de l’oeil sur l’appareil et le déclenchement, il se passe des millions de millénaires. Impossible d’imaginer ce qui va être fabriqué. Certain donc que les anges les ont déjà façonnées, s’amusent de nous, quand nous nous croyons créateurs. Même Dieu a cueilli une image du monde. La création est nécessairement une copie du déjà donné et construit. Une nécessité captée. Les artistes sont les esclaves amnésiques des forces qui n’ont pas le droit de se montrer.

Moi M, je copie dans l’espace des images deja-là. C’est encore plus jouissif. Comme une chasse aux papillons invisibles déjà dessinées dans l’espace des forces.

C

UN CLIC SUR UNE PHOTO, GLISSEMENT OU FLECHES POUR DEFILEMENT

Paul Thomas Anderson

P.T Anderson, à ne pas.confondre avec Wes Anderson.

Il faut, sans répit, le répéter. Ce réalisateur, P.T Anderson, est un génie. L’on ne comprend pas que le fait ne soit pas crié sur tous les toits. Ses films sont, tous, sans exception, des bijoux. Ici, il y a quelques mois, il était question de “Liquorice Pizza”, petit chef-d’œuvre de sensibilité, à ne pas conseiller aux nigauds qui n’adorent que “la vérité si je mens” ou “Camping à Courbevoie”. Il est dommage de voir pérorer lesdits nigauds, alors que ce Anderson existe. Dieu que la hiérarchie doit être, constamment, rappelée, Dieu qu’il est bon, de temps à autre, de clamer les différences entre les humains, les hiérarchies dans les prétendues “opinions”…

On donne la liste de ses films

Mon préféré est Liquorice, d’une fraîcheur inégalée, qui fait pleurer de joie et nous fait oublier les infamies de la petitesse et nous ramène au sentiment, la seule chose pour laquelle nous venons au monde, à partager. Puis, évidemment, l’immense “Phantom Thread” avec Day-Davis. Pas peur de répéter. Un génie et une bonne tête cet Anderson (P.T, pas Wes)

P.T Anderson, réalisateur.

PS. Évidemment, il y a l’autre : James Gray.

Eiffel

Girona. Pont Eiffel. Photo MB.

Le “pont de fer”, encore nommé le “Pont Eiffel”, du nom de son architecte renommé, surplombe le fleuve “Onyar” à Gérone. Les habitants de Gérone rappellent toujours qu’il n’y a pas que “la Tour”. Je leur répond qu’ils se trompent, qu’il y a loin entre un pont de fer solide, construit pour permettre le passage d’un train entre deux rives et la Tour. Tout ça finit dans un polpo a la plancha, accompagné d’un ribera del duero. J’ai toujours affirmé qu’il’s’agirait du menu de mon dernier repas. Je plaisantais, à l’époque où je ne l’imaginais, évidemment pas. C’était il y a longtemps, lorsque la Catalogne ne voulait pas faire sécession et n’avait pas interdit la corrida.

MB. Écrit en 2016.

Why ? Because.

“It’s as well to be prepared.”
“No—it’s as well not to be prepared.”
“Why?”
“Because—”
Her thought drew being from the obscure borderland. She could not explain in so many words, but she felt that those who prepare for all the emergencies of life beforehand may equip themselves at the expense of joy. It is necessary to prepare for an examination, or a dinner-party, or a possible fall in the price of stock: those who attempt human relations must adopt another method, or fail. “Because I’d sooner risk it,” was her lame conclusion.
“But imagine the evenings,” exclaimed her aunt, pointing to the Mansions with the spout of the watering can. “Turn the electric light on here or there, and it’s almost the same room. One evening they may forget to draw their blinds down, and you’ll see them; and the next, you yours, and they’ll see you. Impossible to sit out on the balconies. Impossible to water the plants, or even speak. Imagine going out of the front-door, and they come out opposite at the same moment. And yet you tell me that plans are unnecessary, and you’d rather risk it.”
“I hope to risk things all my life.”
“Oh, Margaret, most dangerous.”
“But after all,” she continued with a smile, “there’s never any great risk as long as you have money.”
“Oh, shame! What a shocking speech!”
“Money pads the edges of things,” said Miss Schlegel. “God help those who have none.”
“But this is something quite new!” said Mrs. Munt, who collected new ideas as a squirrel collects nuts, and was especially attracted by those that are portable.
“New for me; sensible people have acknowledged it for years. You and I and the Wilcoxes stand upon money as upon islands. It is so firm beneath our feet that we forget its very existence. It’s only when we see some one near us tottering that we realise all that an independent income means. Last night, when we were talking up here round the fire, I began to think that the very soul of the world is economic, and that the lowest abyss is not the absence of love, but the absence of coin.”
“I call that rather cynical.”
“So do I. But Helen and I, we ought to remember, when we are tempted to criticise others, that we are standing on these islands, and that most of the others are down below the surface of the sea. The poor cannot always reach those whom they want to love, and they can hardly ever escape from those whom they love no longer. We rich can. Imagine the tragedy last June, if Helen and Paul Wilcox had been poor people, and couldn’t invoke railways and motor-cars to part them.”
“That’s more like Socialism,” said Mrs. Munt suspiciously.
“Call it what you like. I call it going through life with one’s hand spread open on the table. I’m tired of these rich people who pretend to be poor, and think it shows a nice mind to ignore the piles of money that keep their feet above the waves. I stand each year upon six hundred pounds, and Helen upon the same, and Tibby will stand upon eight, and as fast as our pounds crumble away into the sea they are renewed—from the sea, yes, from the sea. And all our thoughts are the thoughts of six-hundred-pounders, and all our speeches; and because we don’t want to steal umbrellas ourselves, we forget that below the sea people do want to steal them and do steal them sometimes, and that what’s a joke up here is down there reality.”
“There they go—there goes Fraulein Mosebach. Really, for a German she does dress charmingly. Oh!—”
“What is it?”

Emporda, Baix emporda

Dans les archives, on trouve toujours l’Emporda. La Baix, pas l’alta. C’est la catalogne des criques et des petits villages médiévaux, loin du béton de Platja d’Aro, de Palamos et de la frime épuisante de Cadaques, c’est Gérone, Begur, Aiguablava, Pals. Torrelata, Torrent.

Archives, by F.

PS. L’Empordà (Ampourdan en français) est une région (ou comarque) catalane historique comprise entre le massif des Albères et les Gavarres, qui fut divisée en deux régions administratives dans la division de 1936, l’Alt Empordà et le Baix Empordà, ainsi qu’en une douzaine de communes limitrophes de cette zone, et disséminées entre les régions du Gironès et du Pla de l’Estany.

Ses archives. Perpignan, passage Frontière, !a Bisbal, Begur, Aiguablava- Parador, Pals, S Agaro-Hostal La Gavina, San Feliu de Guixols, Girona, Hôtel Palau de Bellavista, Juderia ,Convent Sant Domenec, Plaza Independezia, Rambla la Libertad, Cathedrale, jardins, Gironnella. TXOPS, Peratalada, Palau Sator, San Feliu de Boada, Mas de Torrent.

By F.

Le plus beau film d’Anderson

Un chef d’œuvre par le magicien de l’objectif qui caresse magnifiquement les visages des femmes, surtout les amoureuses. Anderson est un génie de ces plans de mise en valeur de ses héroïnes magiques. Toutes les femmes sont belles dans la caméra dure et doucereuse. Il concurrence James Gray.

Cherchez en ligne les films de ces deux, Gray et Anderson, ajouter Fincher et Villeneuve et vous aurez les inratables qui donnent L’intelligence du cinéma.

Archives M.