La série X Files (1994-2003), en vérité celle qui, avec Les Soprano, a rendu le monde série-addict, est de grande qualité.
A l’époque de sa sortie, trop occupé ailleurs, je n’avais vu que quelques épisodes, peut-être deux saisons. Et déjà, je m’en souviens, j’attendais à chaque séquence que le couple des deux agents du FBI s’embrasse enfin, tant il était flagrant que leur amour était débordant.
Je viens de revoir quelques épisodes. La série n’a pas vieilli même si je sais que je ne verrai pas les 11 saisons.
Mais, curieusement, je me suis encore posé la question du baiser entre les deux, nécessaire, logique, dans la beauté de leur relation.
Et, comme un idiot (mon titre), au lieu d’attendre sagement, j’ai posé la question en ligne. Et j’ai eu la réponse. Ce qui me gâche la suite. Il paraît que le fan club de la série a exigé du Producteur qu’il mette fin à cet amour platonique, tant il devenait urgent qu’ils s’embrassent.
Oui, je suis un idiot.
PS. Je ne révélerai pas l’épisode où ils s’embrassent. Par respect pour ceux qui revoient la série et qui sont moins imbéciles que moi. Déjà, je me sens un peu coupable de révéler qu’ils s’embrassent. Mais c’est peut-être une fake news,attendons…
A l’occasion de la vision du joli film “Septembre, sans attendre”, ”Kierkegaard et son texte célèbre “LA REPRISE”, parfois traduit par “LA RÉPÉTITION” sur l’amour à été cité, d’abord par l’acteur, puis par le critique. Je l’avais dans ma bibliothèque numérique. Aucun motif de ne pas le donner à lire. Beau texte, lequel, cependant, peut ne pas emporter la conviction.
1 – Dieu, quel joli film que ce “Septembre sans attendre”, (sur My Canal-OCS) du réalisateur Jonas Trueba, qualifié par Télérama du “Rohmer espagnol”. Dieu que la réalisation, le cadrage est juste, que les acteurs sont magnifiques, simples sans jouer, comme en France à faire l’acteur.
EXTRAIT DU FILM “SEPTEMBRE, SANS ATTENDRE”
Des extraits de la critique de Télérama (encore dommage que cette revue ait viré au wokisme, les chrétiens de gauche eux étaient lus interessants). Cette critique de Jérémie Couston est, comme le film, intelligente. On ne se prive donc pas de l’insérer “par partage”
“Septembre sans attendre”, magnifique conte d’automne de Jonás Trueba. Après quinze ans de vie commune, ils fêtent leur séparation. Une pépite du disciple ibérique de Rohmer.
Cinéaste des affinités électives et de la conversation amoureuse, du temps qui fuit et des rencontres fortuites, Jonás Trueba clôt avec cette comédie romantique aux apparences trompeuses une trilogie sur les saisons du couple. Après avoir capté la délicatesse de l’étincelle première dans Eva en août (2019), puis les choix de vie des amants en ménage dans l’estival Venez voir (2023), le plus rohmérien des réalisateurs madrilènes a imaginé, toujours avec ses acteurs fétiches, Itsaso Arana et Vito Sanz, ici coscénaristes, un conte d’automne sur l’étiolement programmé de la conjugalité.
Les fusionnels Ale et Alex (elle est réalisatrice, il est acteur, ils travaillent ensemble) décident, un beau matin, après quinze ans de vie commune, d’organiser une grande fête pour célébrer leur séparation, avant que l’aigreur ne s’en mêle. Idée saugrenue, absurde, soufflée à l’héroïne par son anar de père qui claironnait dans sa jeunesse que « les couples devraient fêter les séparations plutôt que les unions », mais qui se trouve bien dépourvu quand il apprend que sa fille l’a pris au mot….
Jeu de miroirs vertigineux : c’est le cinéaste Fernando Trueba, le propre père de Jonas, qui joue le paternel iconoclaste de celle qui, dans la vie, est la compagne de son fils.
L’annonce enjouée de cette rupture sans mobile suscite, à chaque fois, sidération et incompréhension dans l’entourage du couple. Et contamine la mise en scène, tout en espièglerie (volets, fermeture à l’iris, split screen), elle aussi en rupture de ton avec la mélancolie des films précédents. Avec son carré auburn, son pyjama en soie et ses œillades appuyées au plombier, Itsaso Arana campe une néo Katharine Hepburn, une épouse au charme arrogant. Et pour cause ! Le modèle assumé et abondamment pillé est la comédie du remariage des années 1930-1940, chère à George Cukor, Howard Hawks ou Leo McCarey, et dans lequel les couples mariés se séparent pour mieux se retrouver à la fin. Un genre théorisé par le philosophe américain Stanley Cavell dans son ouvrage À la recherche du bonheur (1981).
Comme le faisaient jadis Godard et Truffaut, et pour rendre la mise en abyme encore plus ludique, Jonás Trueba fait apparaître, à l’image ou dans les dialogues, les films et les livres qui l’ont aidé à échafauder son scénario. Outre Stanley Cavell, il est question de Blake Edwards (L’amour est une grande aventure), de Harold Ramis (Un jour sans fin) et beaucoup de Kierkegaard (La Répétition), sans que jamais ces références, pop ou savantes, fassent toc ou doctes. C’est dans l’essai sur la beauté de l’amour routinier du philosophe danois que réside précisément la clé (et le spleen discret) de Septembre sans attendre.
Commencée sous les atours d’une comédie sur la séparation, Volveréis (« vous reviendrez », traduction du titre original) se mue en un hymne au désir conjugal inconditionnel et renouvelé, une nouvelle main tendue par Jonás Trueba à son actrice, Itsaso Arana, devenue son alter ego de fiction depuis qu’elle est passée, à son tour et avec une grâce infinie, derrière la caméra – le merveilleux Les filles vont bien (2023). La complicité absolue entre les deux cinéastes éclate au moment où l’on comprend que le personnage interprété par Itsaso est en train de monter le même film que celui que nous sommes en train de voir. La fin de leur histoire est alors entre ses mains.
la bande annonce :
2 – PUIS L’AUTRE FILM vu dans la même semaine : “Border line” de Alejandro Rojas
“Aux frontières, des vies basculent en quelques minutes”
Deux candidats à l’immigration aux États-Unis, munis de visas, sont interrogés par la police des frontières. Film à huis clos. Les deux amoureux vont connaitre leur passé froidement décortiqué par des agents de la frontière. La tension qui monte est extraordinairement filmée. On ne lâche pas une seconde.
Au 33e Festival du film espagnol à Nantes, fin mars 2024. Border Line a remporté le prix du meilleur premier film.
Voici le texte que je propose au Rassemblement National pour annuler la manifestation de Dimanche Place Vauban:
“Le R.N n’est aucunement un mouvement de rue, un Parti de l’immédiateté, de la réaction inutile.
La décision d’organiser une manifestation pour expliquer et dire le bouleversement injuste que provoquait la décision du Tribunal assortie de l’exécution provisoire a été, de fait , effacée dans ses conséquences anti-démocratiques par l’annonce de délais abrégés pour plaider devant la Cour d’Appel. Cette annonce permet, en cas de reformation de la décision du Tribunal, de permettre à Marine Le Pen de pouvoir se présenter.
Le déroulement judiciaire étant revenu à la normale, la manifestation, décidée avant ladite promesse, est désormais, sans objet.
Le R.N qui n’a plus de motifs pour maintenir cette manifestation, que les ultras violents avaient l’intention de perturber, l’annule.
1.1. Quelques repères : la raison c’est le « logos » grec : a la fois discours science, raison ordre du monde, ou la « ratio » latine qui est à la fois calcul et cause. La raison on le voit bien est une notion foisonnante qui peut être saisie en des sens multiples –rien de plus normal diront certains puisque c’est la raison qui définit la raison et que rien n’est plus délicat que de se définir soi-même !-. Retenons quelques sens principaux : *la raison est discours sensé , c’est le discours de la science qui décrit le monde tel qu’il est qui dévoile la « vraie nature des choses –par opposition au discours du « mythe » muthos, le « logos » est « discours vrai »
La raison est la cause première (« causa sive ratio » Descartes : la cause c’est-à-dire la raison) *La raison est la faculté humaine de penser (c’est en ce sens que la prend Kant lorsqu’il dit que notre raison est « la faculté des principes »)
Le réel : de « res » « rei » le réel c’est d’abord la « chose » l’ob-jet, littéralement « ce qui est en face de moi. Le réel se définit donc comme l’ensemble de ce qui existe. On pourra lui donner comme équivalent les termes de « monde » (cosmos) : ensemble organisé des choses, « univers » (totalité des existants) ou de « nature » (« phusis ») : tout ce qui comporte son principe de mouvement.
La question de la raison et du réel devient donc ici celle de la rationalité du monde, à savoir celle de sa structure logique et de son origine. c’est dans cette optique que nous allons étudier la pensée leibnizienne, organisée autour du principe de « raison suffisante ».
1.2 La raison et le réel chez Leibniz : « Le meilleur des mondes possibles » 1.2.1. Le réel comme « meilleur des possibles »
« Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »« Rien n’est sans raison » (= le principe de « raison suffisante »)La réflexion leibnizienne s’organise autour du « principe de raison suffisante ». ce principe, Leibniz l’énonce de la façon suivante : « Rien n’est sans raison » (« nihil fit sine ratione » en latin. ici raison est aussi à entendre comme « cause suprême », comme ce qui « rend raison » de l’existence de l’existence des choses.
Il n’ya donc pas de hasard dans ce monde, mais au contraire , tout phénomène doit pouvoir être compris expliqué et ramené à ses causes premières. on ne peut plus explicitement affirmer la rationalité du réel
La série des êtres ne peut aller à l’infini (un peu comme un livre ne peut renvoyer à une série infinie de livres mais doit son existence à un auteur, qui lui-même n’est pas un livre, la raison de la série du réel doit se situer hors de cette série des choses)( Leibniz : De l’origine radicale des choses (1697).
Le rôle de dieu : il faut donc poser , toujours selon Leibniz, un être suprême qui rende raison de l’existence du monde. Examinons maintenant les modalités de l’action divine. Dieu , être absolument parfait (absolument puissant, sage et bon) a crée son monde(notre monde) avec la plus parfaite rationalité possible : « Dum deux calculat fit mundus » ; « Omnia fecit deus pondere numero et mensura » : « dieu a fait le monde en calculant », « Dieu a tout fait avec poids, nombre et mesure » (Sagesse X1 20) sont deux phrases que Leibniz aime à répéter. le monde issu du calcul divin ne peut être que « le meilleur des mondes possibles ».
Le monde le réel est donc issu d’un calcul divin, d’un calcul du meilleur des possibles, en tenant compte évidemment des contraintes du temps de l’espace et la matière. On pourrait par exemple objecter à Leibniz : « pourquoi Dieu n’a –t-il pas créé directement un Paradis terrestre ? », ou « pourquoi n’a –t-il pas maintenu l’homme dans un état de félicité absolue ? ». Ici la réponse leibnizienne serait sur un double plan : d’abord parce que Dieu a dû tenir compte des contraintes que nous avons évoquées : la matière le temps l’espace les lois physiques –impossible même pour Dieu de créer un monde où les corps ne seraient pas soumis à la pesanteur, et où la somme des angles du triangle dans un espace euclidien ne vaudraient pas 180°). Ensuite parce que Dieu doit laisser dans le monde humain un espace pour le progrès et pour la perfectibilité de l’espèce humaine.
1.2.2Les difficultés de la conception leibnizienne du réel, le problème du mal :
La raison leibnizienne veut nous faire voir dans le réel le « meilleur des possibles », c’est une puissante entreprise logique et métaphysique doublée d’une sincère admiration devant la réalité de la nature. Cet « optimisme » , on le sait a souvent été raillé comme une dangereuse naïveté (Voltaire Candide, et le personnage de Pangloss, leibnizien toujours ravi devant l’horreur du monde). Et, de fait , si le réel est intégralement rationnel, si notre monde est le « meilleur » des « possibles » comment rendre raison de l’existence du mal sur Terre ? Comment comprendre la souffrance des innocents ? Comment expliquer La guerre, Auschwitz ? Leibniz consacre à ces questions délicates le plus long de ses ouvrages : Les Essais de Théodicée (1710). Dans cet ouvrage Leibniz déploie des trésors d’ingéniosité et d’argumentation pour nous démontrer que Dieu ne peut avoir voulu le mal sur terre, mais qu’il le permet néanmoins. Ce qui ressort aussi –quoique Leibniz insiste moins sur cette idée car elle l’apparenterait trop à Spinoza, philosophe haï du XVIIème siècle- c’est qu’au fond le mal n’existe pas en tant que tel , le mal n’est qu’une privation d’être et donc un néant – par exemple une créateur souffre parce qu’elle est faite de matière et que la douleur n’est que le signe d’un certain type de fonctionnement de mon corps, rien de plus-. Le rationalisme leibnizien se refuse donc, en dernière analyse à penser le mal comme une réalité en soi, le mal n’est jamais qu’un néant, qu’un non-être, ou un moindre bien.
C’est précisément à cette relation de l’Etre et du néant au sein du réel (du « bien » et du « mal » si l’on préfère poser le problème en termes moraux) que Hegel va s’attaquer.
1.3 « Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel » Hegel
Transition : Les philosophies de la rationalité intégrale du réel sont donc dans leur essence des optimismes . Le réel est connaissable, il est interprétable. Et avec un peu de science et beaucoup de bonne volonté les hommes finiront par devenir « comme maîtres et possesseurs de la nature » (Descartes Discours de la Méthode). Mais cette rationalité du réel n’est elle pas plutôt postulée voire rêvée que scientifiquement établie ?
Il nous appartient maintenant de nous tourner vers des pensées –plus modestes en apparence- qui estiment que la raison n’est qu’une faculté humaine avec ses limites , et que peut –être elle ne nous donne pas un accès complet à la réalité.
2) Puissance et limites de la raison humaine.
Nous allons maintenant examiner une approche radicalement différente des relations entre la raison humaine et la réalité. A savoir celle qui consiste à estimer que la raison , loin d’être la structure même du réel, n’est qu’une faculté humaine qui ordonne la réalité , mais sans pouvoir se prononcer sur la structure intime de cette réalité. nous serons guidés dans cette réflexion par les pensées de Hume, de Kant et de l’épistémologie contemporaine autour de Gaston Bachelard.
2.1) Le scepticisme Humien, ou la critique du pouvoir de la raison.
(Hume 1711-1776 L’enquête sur l’Entendement humain 1758) « Tous les raisonnements sur les faits semblent se fonder sur la relation de cause à effet » (Hume Enquête…)La notion de raison suppose celle de cause (du moins dans l’une de ses acceptions, la « ratio sive causa » de Descartes). Or la notion de causalité qui semble un concept si clairement établie par l’expérience est peut être un concept plus obscur qu’il n’y paraît de prime abord. pour Hume l’idée de cause n’est qu’une extrapolation de l’idée de succession : c’est à force de voir un événement arriver après un autre (la flamme de la bougie et sa chaleur si j’approche la main) que j’infère la causalité lumièrechaleur. Ce qui était une simple conjonction (A puis B)devient alors une connexion (Si « A alors B » , ou « A donc B »). Mais voilà, l’inférence causale ainsi constituée par notre esprit, par notre habitude, n’a plus aucun équivalent dans la réalité extérieure. La relation de causalité est une construction de l’esprit humain, issue d’une habitude, rien de plus.
La conclusion peut paraître modeste voire de peu d’intérêt. Elle a pourtant des conséquences radicales pour l’idée même de la science et de la supposée rationalité du réel. Hume poursuit ainsi : « Il est donc impossible qu’aucun argument tiré de l’expérience puisse prouver cette ressemblance du passé au futur. Accordez la parfaite régularité du cours des choses jusqu’ici ; cette régularité dans le passé ne prouve pas à elle seule (…) qu’elle se poursuivra dans le futur ». Conséquence incroyable si l’on y réfléchit bien : ce n’est pas parce que j’ai vu le soleil se lever des milliers de fois dans ma vie, que je puis être assuré qu’il se lèvera demain pour moi. Sous ses allures de « scepticisme modéré » la pensée de Hume est en fait un coup terrible portée contre notre confiance naïve dans la rationalité du réel.
Conclusion sur Hume : l’idée de cause est un produit de notre esprit, produite par l’habitude, elle ne nous dit rien sur la réalité du monde et sur sa supposée rationalité. Hume découvre un précipice à la raison humaine qui se dilue alors en une poussière atomistique de sensations est d’impressions. Comment une science du réel est-elle encore possible ?
2.2) La réponse à Hume : Kant et la critique de la Raison Pure (1781-1787)
2.2.1 Empirisme et philosophie transcendantale.
Kant a assurément retenu la leçon de Hume. Une anecdote célèbre assure même que Kant aimait à répéter que Hume l’avait « réveillé de son sommeil dogmatique ». En effet, jusqu’à la lecture des écrits de Hume Kant en restait en matière de science et de métaphysique, aux idées leibniziennes : la rationalité du monde est assurée, le réel suit un ordre logique qui nous est découvert par les mathématiques. C’est Hume qui amènera Kant à écrire la Critique de la Raison Pure , en réponse aux terribles coups que l’empiriste écossais a portés à la raison humaine. Tout d’abord, pour comprendre ce texte capital dans l’histoire de la philosophie, il faut saisir ce que Kant admet chez Hume et ce qu’il rejette et qu’il va combattre. a) Kant reconnaît que Hume a eu raison de voir en la science une projection de la subjectivité humaine sur le réel, sur le monde des phénomènes. Il est désormais impossible de penser comme les Grecs, ou même comme Descartes Leibniz et Spinoza , que la science humaine serait une contemplation (théoria :théorie :contemplation)d’un ordre immuable et extérieur à la raison humaine –un peu à la façon dont le prisonnier sorti de la Caverne Platonicienne contemple le soleil de la vérité et des Idées. b) Par contre Kant refuse à Hume l’idée selon laquelle la science serait née de notre imagination , de notre fantaisie ou de notre habitude, ce qui ferait d’elle une collection de recettes utiles et efficaces mais jamais un savoir digne de ce nom. C’est donc pour répondre à l’empirisme de Hume que Kant va inventer ce qu’il appelle la « philosophie transcendantale » 2.2.2 La philosophie transcendantale et la notion d’a priori. Il y a en l’homme des « réalités » non tirées de l’expérience mais qui s’appliquent à l’expérience (la rencontre du réel par les sens). Ces réalités sont : les « formes a priori de la sensibilité » , à savoir l’espace (« forme a priori de la sensibilité externe » et le temps (« forme a priori de la sensibilité interne »). Deux remarques ‘imposent : 1) ni l’espace ni le temps ne font partie du « réel extérieur », mais sont des propriétés de la sensibilité humaine. 2) L’espace et le temps ne sont donc pas tirés empiriquement de l’expérience, mais au contraire rendent toute expérience possible. Cette première thèse kantienne –qui occupe la première partie de la Critique de la Raison Pure, « l’Esthétique transcendantale » a des conséquences pour le moins stupéfiantes. En effet elle implique que nous n’aurons jamais accès au réel tel qu’il est « en-soi » (ce que Kant appelle les noumènes ou choses en soi) mais seulement au réel tel qu’il est pour nous (à savoir pour toute conscience humaine) à savoir le monde des « phénomènes » càd des objets donnés à une conscience dans l’intuition sensible.
A ces formes de la sensibilité s’ajoutent les « catégories » de l’entendement qui sont une fois encore des concepts purs – non liés à l’expérience- mais qui ne peuvent s’appliquer qu’au champ de l’expérience tel est le sens de transcendantal chez Kant : non dérivé du sensible mais qui ne peut avoir d’usage que dans le champ de l’expérience sensible). Ces catégories, sur lesquelles se fonde toute connaissance possible de la nature (physique) sont : la quantité, la qualité, la relation et la modalité. Kant, en inventant la notion d’a priori » estime avoir dépassé les apories du scepticisme Humien : la science universelle et nécessaire est possible. Mais le prix à payer est très cher : la science humaine fondée en toute rigueur ne sera plus désormais qu’une science des « phénomènes » et non une science de la totalité de l’Etre. Les mathématiques et la physique triomphe et la métaphysique est reléguée au rang de « rêveries de visionnaires ». Qu’est-ce que cela implique au juste pour le statut de la raison humaine ? 2.2.3Kant ou la fin de la Métaphysique : « J’ai dû abolir le savoir pour laisser une place à la croyance » S’il est un penseur des limites de la raison humaine, c’est assurément de Kant qu’il s’agit. Commençons par méditer cette phrase inaugurale de la Critique de la Raison Pure (1781) : « La raison humaine a cette destinée singulière, dans une partie de ses connaissances, d’être accablée de certaines questions qu’elle ne saurait éviter. Ces questions en effet sont imposées à la raison par sa nature même, mais elle ne peut leur donner une réponse, parce qu’elles dépassent tout à fait sa portée. »
Le texte a le mérite d’être clair : la raison humaine se pose des questions qui dépassent ses forces, le « drame » -si l’on peut dire- de la raison humaine est que ces questions ne sont pas des frivolités gratuites, des « caprices, pour ainsi dire, de la raison. Non ce sont des questions essentielles quant au sens profond de notre existence –p.ex. : « Dieu existe-t-il », « avons-nous une âme immortelle », « y a-t-il en nous une volonté libre ? ». La raison peut elle survivre à ce drame ? Le message kantien nous allons le voir est plutôt un message d’espoir. • Mathématique et physique ou la puissance de l’entendement. l’homme placé dans un monde physique, un monde de « phénomènes » – le phénomène est le réel tel qu’il se donne à ma perception, différent du « noumène », c’est-à-dire le réel tel qu’il est en soi, hors de toute perception-. Mathématique et physique peuvent décrire adéquatement cet univers des phénomènes parce qu’elles reposent la première (les maths) sur l’intuition pure de l’espace et du temps –les nombres les figures- et la seconde (la physique mathématique) sur l’application au champ de l’expérience des catégories de l’entendement (causalité, action réciproque) et des équations mathématiques. Galilée et Newton, illustrent à des degrés divers ces succès de la physique mathématique. Ceci peut permettre à Kant d’affirmer triomphalement que : « L’homme est, par son entendement, le législateur de la nature »
La métaphysique ou l’impuissance de la raison : Mais voilà, dans son désir de connaissance intégrale du réel, la raison humaine ne peut se satisfaire d’une connaissance de l’univers des phénomènes. La raison qui est « la faculté des principes » (principe : ce qui est premier », ce qui est à l’origine de tout) veut aussi s’aventurer dans l’univers supra-sensible des noumènes (des « choses en soi, au-delà de toute intuition sensible) . La raison ne se contente pas d’une physique (phusis : nature, physique science de la nature et des phénomènes), elle veut aussi fonder une métaphysique –littéralement « méta ta phusika » càd ce qui est au-dessus et au-delà des choses physiques. Mais comme l’a justement souligné Kant, dans cet univers supra-sensible, celui des causes premières et des fins dernières, la raison humaine ne peut plus faire usage des formes de la sensibilité et des catégories de l’entendement. La raison produit nécessairement trois idées : Le MOI le MONDE , DIEU – et c’est à peu près tout ce qu’elle fait-. Ces idées sont comme des totalités qui unifient tous les aspects de notre pensée. (Le moi est la totalité de mes pensées, « l’âme » ; le monde est la totalité des objets pensables, et dieu « l’idéal de la raison pure » dieu pour la raison théorique n’est pas un concept servant à expliquer les phénomènes – à la différence de son rôle chez Leibniz- mais une Idée nécessaire et suprême qui unifie le réel. Ces idées, la raison peut les « penser » mais elle ne pourra jamais les « connaître » -càd tenir sur elles un discours de type physico mathématique-. A titre d’exemple arrêtons nous un instant sur ce que Kant appelle les « Antinomies » de la Raison pure( chapitre « Dialectique transcendantale de la critique de la raison Pure) qui concernent l’Idée de « Monde » . La raison se pose au sujet du monde 4 questions :1) le monde a-t-il un commencement et une fin ? Le monde est-il fini ou infini dans l’espace ?2) La matière est-elle constituée d’atomes ou divisible à l’infini ? 3)Y a-t-il dans le monde une nécessité universelle, où l’existence d’une causalité libre est-elle possible ? 4) Y a-t-il un être suprême, cause du monde ? Ces question –capitales, reconnaissons-le pour notre connaissance du réel- seront à jamais inaccessibles à la raison humaine. Mais ce que la raison perd sur le plan théorique, elle le gagne en quelque sorte sur le plan pratique ou moral. Il faudrait résumer les enjeux de la seconde critique Kantienne, la Critique de la Raison pratique) mais pour rester succinct disons qu’en substance, s’il est impossible de démontrer formellement l’existence de Dieu ou de notre liberté, il n’est pas non plus possible de démonter formellement le contraire. Kant a donc bien « aboli le savoir, pour laisser une place à la croyance ». Conclusion sur Kant : le lecteur l’aura compris, on ne résume pas la Critique de La Raison Pure en quelques lignes. Dégageons tout de même quelques grands axes. La science humaine est possible et réelle, elle est une connaissance rigoureuse fondée sur des principes à priori et pas une collection de fait curieux ou remarquables, une sorte de « cabinet de curiosités » comme le voudrait l’empirisme. Mais en revanche la science humaine n’est qu’une science des phénomènes, le réel en soi nous est à jamais inaccessible – en un sens nous ne sortirons jamais de la Caverne platonicienne, mais nous pouvons en décrire adéquatement les murs et les lois de son fonctionnement-. La raison humaine n’a finalement aucune utilité sur le plan théorique – c’est l’entendement qui fait tout le travail de la science-, mais elle trouve tout sa dimension sur le plan pratique (=moral). C’est l’entendement qui répond à la question « Que puis-je savoir ? » mais c’est à la raison que revient la noble tâche de me dire ce que je dois faire. A l’entendement la connaissance de l’être, à la raison la prescription du devoir.
1.3.1 L’originalité de la raison hégélienne
En apparence l’affirmation hégélienne de la rationalité intégrale du réel ne diffère en rien des ses prédécesseurs ( qu’est-ce qui distingue en effet « le « rien n’est sans raison » de Leibniz et le « tout ce qui réel est rationnel » de Hegel ?). Mais entretemps la conception de la raison a totalement changé. a la raison mathématique des classiques ( à la « mathesis universalis » de Descartes, au « more geometrico » de Spinoza)
Ce que Hegel reproche aux rationalismes qui l’ont précédé c’est d’avoir réduit la raison et le réel à leur pure conception logique ( logique est à comprendre ici au sens mathématique, à savoir comme ce qui oppose le même et son contraire , par exemple le pair et l’impair).. Pour simplifier, la raison des grands rationalistes classiques (Descartes Spinoza Leibniz, pour ne citer qu’eux) serait, selon Hegel, une raison morte, une raison figée dans le modèle mathématique ( par exemple, nous l’avons évoqué, le Dieu leibnizien ne peut dépasser le principe de contradiction qui énonce qu’une chose ne peut être elle-même et son contraire en même temps). Or la raison hégélienne veut précisément être le dépassement des contradictions, l’union des contraires dans une synthèse dialectique.
1.3.2 Le déploiement de la raison dans le monde.
C’est dans la Phénoménologie de l’Esprit (1807) que Hegel consacre un long passage à sa conception de la raison( le chapitre 5 , en fait, qui vient juste après la célèbre dialectique de la « maîtrise et de la servitude »). En résumé, la conscience de l’esclave éduqué par le travail s’élève au niveau de la contemplation du monde, de la nature et de ses lois : « La raison est la suprême unification de la conscience et de la conscience de soi, du savoir d’un objet et du savoir de soi » (Hegel), Ou encore : « La raison est la certitude de la conscience d’être toute réalité » (Phénoménologie T1 p196). Cette certitude consciente d’elle-même va donc pouvoir se développer dans les sciences de la nature (de Galilée à Newton). C’est la « raison observante » qui décrit le réel « comme un système de lois ». La raison s’élève ainsi progressivement par étapes : observation de l’inorganique , de la matière inerte (physique) , observation de l’organique (biologie) et enfin compréhension de l’homme lui-même (science humaines) . ici d’ailleurs il faudrait noter que Hegel consacre (pour les critiquer) des développements aux « pseudo-sciences « de son époque à savoir la physiognomonie et la phénologie, qui entre autres, prétendaient pouvoir déduire la psychologie d’un individu à partir de l’étude de son crâne (d’où nous est restée la fameuse expression : « la bosse des maths »).
Mais, plus fondamentalement, comme nous allons le voir dans une dernière partie, c’est dans l’action historique concrète des hommes que la raison réalise son être dans le monde.
1.3.3 La raison dans l’histoire et la réalisation de l’Etat.
On ignore trop souvent que la fameuse citation de Hegel qui inaugure ce chapitre (« Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui rationnel est réel ») est en fait tirée d’un de ses ouvrages de philosophie politique : Les principes de la philosophie du Droit. en fait, et aussi paradoxal que celui puisse paraître pour un lecteur non prévenu des thème hégéliens, c’est au sein de l’histoire, du devenir concret et effectif des hommes et donc de la politique que se réalise la rationalité du monde. nous empruntons ici ses analyses à Bernard Bourgeois dans La philosophie politique de Hegel : « La philosophie politique de Hegel s’efforce de présenter l’Etat comme le rationnel en soi et pour soi » (« en soi et pour soi » formule souvent répétée par Hegel qui veut dire « absolument conscient de soi », par exemple une graine est un arbre « en soi », en puissance dirait Aristote, mais non encore « pour soi » car la graine n’est pas consciente d’être un arbre en devenir). Nous lisons également dans les Leçons sur la philosophie de l’Histoire que : « La simple idée qu’apporte la philosophie est la seule idée de la raison, l’idée que la raison gouverne le monde et que par conséquent l’histoire humaine s’est déroulée rationnellement ». L’Histoire humaine est donc l’auto déploiement du concept ou de la raison qui tend vers l’édification d’un Etat rationnel où l’homme puisse enfin se réconcilier avec le réel.
Conclusion sur Hegel : Hegel a voulu profondément modifier le statut de la raison et du réel. A la raison d’un Descartes ou d’un Leibniz qui demeure fortement influencée par la logique mathématique Hegel veut substituer une raison qui soi l’identité des différences bref le dépassement des contradictions. l’Histoire humaine est le déploiement douloureux de cette rationalité ( le « Chemin de Croix de l’esprit » dit parfois Hegel) . ce chemin de croix qui mène de l’esclavage de la cité antique aux droits de l’Homme de la démocratie moderne ( on connaît la dialectique célèbre : Thèse : Maître antithèse : Esclave Synthèse : Citoyen de l’Etat démocratique) . Mais, même si par rapport à Leibniz Hegel reconnaît la présence réelle du mal et de la douleur dans le monde, nous sommes en droit de nous demander si , dans ses grandes lignes, la pensée de Hegel n’est pas encore tributaire de l’optimisme de l’Aufklärung. Même si la douleur et le mal existent « pour de vrai» dans le monde, l’histoire hégélienne demeure « le progrès de la liberté ». Le monde est rationnel et il progresse vers le vrai et le bien. Peut-on, après Auschwitz et Hiroshima maintenir cet espoir Hégélien ?
2.3 La connaissance du réel après Kant : épistémologies post-kantiennes.
La « révolution copernicienne » inaugurée par Kant –c’est l’esprit humain, tel un soleil héliocentrique, qui projette sur le réel ses catégories et non le réel qui impose ses formes à la tablette de cire de notre esprit- cette révolution a durablement marqué les esprits scientifiques. Aujourd’hui encore il faudrait être un savant bien naïf pour croire que la science peut nous décrire le réel tel qu’il est en soi. La science contemporaine s’organise autour de « modèles » -souvent mathématiques- du réel. Il s’agit par exemple de penser les relations entre les différentes valeurs d’énergie d’une particule (spin, charge, mouvement) comme un calcul « matriciel » sans supposer un instant que la particule ait la forme de cette « matrice ». de même en biologie les savants utilisent le modèle informatique pour interpréter les séquences du génome humain, sans pour autant réduire le vivant à un super ordinateur – même si pour des raisons de commodité et de vulgarisation la presse scientifique peut parfois nous laisser à penser que c’est ainsi que les choses se passent. Toutefois, il faut bien le reconnaître, la raison scientifique moderne a su s’affranchir des cadres trop rigides de l’entendement kantien.
La théorie de la relativité d’Einstein remet assurément en question l’approche du temps et de l’espace come « formes a priori » de notre sensibilité –si temps et espaces étaient deux formes séparées comment comprendre qu’un déplacement proche de la vitesse de la lumière aurait une influence sur le temps au point de le ralentir.
C’est ainsi que Gaston Bachelard (1884-1962 agrégé de physique et de philosophie) dans ses ouvrages : La formation de l’esprit scientifique et le nouvel esprit scientifique, tout en reconnaissant à Kant ses mérites pour avoir placé l’activité de la science dans le sujet connaissant ( le fameux « Rien n’est donné tout est construit » càd : la science doit construire ses objets et ses méthodes, et non pas aller les chercher empiriquement dans un « réel » illusoire, cette déclaration a des affinités kantiennes). Mais l’épistémologie Bachelardienne veut libérer la raison scientifique du carcan encore trop rigide et scolastique des « catégories » kantiennes. La raison scientifique moderne est une raison « ouverte », une raison qui se transforme à chacune des ses découvertes « toute réforme de la science est une réforme de l’esprit » ( une découverte scientifique majeure n’est pas un « fait nouveau » qui viendrait sagement se ranger à côté de faits anciens déjà connus, mais une nouvelle façon d’envisager notre façon de penser la science).
Conclusion sur Bachelard : la raison scientifique selon Bachelard est une raison « ouverte » toujours prête à se réformer de fond en comble. La science est l’activité révolutionnaire par excellence. Le fait scientifique est « construit » par les schémas de notre raison avant même que d’être « donné » par le réel. Mais ces schémas même de la raison sont eux aussi à reconstruire en permanence – comment par exemple définir une « chose » un objet « matériel » quand la physique quantique nous dit que la matière est à la fois onde et corpuscule ?-
Nous avons voulu souligner dans ces deux premières parties la richesse et la complexité des relations entre la raison et le réel. Partis du rêve un peu fou –mais ô combien exaltant – d’une rationalité intégrale du monde, nous sommes peu à peu arrivés à une vision plus modeste –mais peut être plus efficace technologiquement- d’une raison scientifique humaine en réforme perpétuelle qui se pense comme langage du monde dont elle ignore le sens profond. Dans une dernière partie plus brève nous souhaiterions examiner quelques pistes autour de la question de l’irrationnel. Quelle est la place de l’irrationnel dans le réel (ceci permettant de traiter les sujets de type : « le réel est-il entièrement rationnel ? »)
3) La question de l’irrationalité du réel. (Quelques pistes.)
3.1 Peut-on fonder une philosophie sur l’irrationnel ?
Pourquoi tue-t-on à 13 ans ? C’est la question centrale de cette fiction britannique en quatre épisodes, magistralement filmés et interprétés. Une claque.
Par Violaine de Montclos
Le Point Publié le 18/03/2025 à 14:30
Les caméras de vidéo de surveillance ont tout enregistré : la déambulation du criminel, minute par minute, dans les rues de la petite ville, et le crime lui-même, sept coups de couteau donnés à la jeune Kate, 13 ans, tuée en plein jour sur un parking. Les preuves visuelles, irréfutables et exposées dès le premier épisode, ne laissent donc aucun doute sur l’identité du coupable. Zéro suspense.
Dès lors, d’où viennent cette tension qui ne faiblit jamais, cette angoisse qui contraint à visionner quasiment d’une traite les quatre épisodes de cette minisérie, comme si une réponse, une clé, allait nous être donnée ? Tournée en quatre plans-séquences époustouflants, Adolescence impose au spectateur une immersion irrespirable au sein d’une famille, d’une école, d’un commissariat dont les repères se fissurent, une société ordinaire dans laquelle les adultes, égarés, sont happés par un questionnement auquel rien ne les préparait : pourquoi tue-t-on à 13 ans ?
De l’écran au crime
Que n’a-t-on pas vu, pas compris du monde adolescent, du Far West des réseaux sociaux, de la violence du harcèlement qui sévit dans les cours d’école ? Qui sont en vrai ces jeunes garçons, ces toutes jeunes filles qui ont encore des corps et des visages d’enfant mais vivent, matrixés, désinhibés et hypersexualisés par Instagram, Snapchat et TikTok, comme des hordes sauvages ?
Dès les premières secondes, le décalage entre la gravité des faits et la jeunesse de celui qui les a commis s’impose comme une claque. À l’aube, une escouade de policiers surarmés déferle sur le petit pavillon de la famille Miller, défonce la porte au bélier, se répand en criant dans l’escalier, la salle de bains et les chambres comme s’ils venaient appréhender un dangereux terroriste. Mais celui qu’ils viennent chercher a 13 ans, il s’appelle Jamie, c’est un môme à peine pubère dont la chambre est encore tapissée d’étoiles et qui, d’effroi, urine dans son lit comme un tout petit garçon.
Le spectateur a presque envie de soupçonner le père, il associe inconsciemment ce corps baraqué de plombier quinquagénaire et ce pavillon de banlieue à des images subliminales de violences familiales, d’alcoolisme, pourquoi pas d’inceste. Il se trompe, et il le sait. Mais, durant les quatre épisodes, comme tous les adultes de cette histoire, flics, psy, voisins, parents, il bute sur le mystère et la douceur du petit visage de Jamie, attend une explication, un retournement possible, tout mais pas lui, tout mais pas ce monde d’irréalité numérique et d’enfants criminels
Adolescence, magistralement filmée et interprétée, nouvelle petite bombe de la fiction britannique dont on aimerait tant qu’elle inspire un peu nos paresseux créateurs de séries françaises, ne donne pas de réponse. Mais elle fait subtilement écho, malgré un épisode final un peu trop démonstratif, à nombre de drames récents, et réels, impliquant des mineurs. Et distille surtout une tristesse dont on ne se remet pas. Qu’ont fait ou oublié de faire les adultes pour abandonner leurs enfants dans ce monde numérique dont ils n’ont plus les clés ?
Adolescence, série créée par Jack Thorne et Stephen Graham, réalisée par Philip Barantini, avec Stephen Graham, Owen Cooper, Erin Doherty, Jo Hartley, Ashley Walters (RU, 2025, 4 × 52 à 65 min), sur Netflix
PS. 4 EPISODES, 4 PLAN-SEQUENCES. ON RAPPELLE PAR WIKI CE QU’EST UN PLAN-SÉQUENCE
On colle ci-dessous, pour tenter de le commenter un extrait de l’interview de Jacques Attali dans Le Point, de la série “Dieu dans les yeux“. On est encore éberlué par tant d’âneries débitées à la minute. On est déçu du bilan intellectuel de cet homme brillant, mais, en réalité de cette brillance qui s’effrite rapidement lorsqu’il s’agit de l’essentiel. MB
“DIEU DANS LES YEUX. L’intellectuel éclectique, ex-conseiller de François Mitterrand, se confie sur la quête spirituelle qu’il poursuit depuis l’enfance. Propos recueillis par JérômeCordelier. Le Point. Publié le 16/03/2025.
Jacques Attali : « Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons »
Échange en surplomb avec l’hyperactif et éclectique Jacques Attali. Polytechnicien, énarque, haut fonctionnaire, économiste, conseiller d’État, professeur d’université, cet intellectuel aujourd’hui octogénaire – il est né le 1er novembre 1943 à Alger – fut, on s’en souvient, la plume, le sherpa, le mémorialiste de François Mitterrand et le « découvreur » d’Emmanuel Macron. Cet homme de feu et de glace, qui peut être onctueux et cassant, captivé par la vie et la mort des grandes civilisations et les innovations postmodernes, partageant sa vie dans l’étude de grandes traversées du temps long et un agenda calibré à la minute sur l’instant présent est l’auteur de quatre-vingt-six livres, essais, romans, encyclopédies, sur tous les sujets. Des ouvrages dans lesquels les questions spirituelles tiennent une bonne place… Pourquoi ? Confidences.“
L’ENTRETIEN :
Le Point : Diriez-vous que vous poursuivez une quête spirituelle ?
Jacques Attali :Oui, depuis mon enfance, par la formation religieuse que j’ai reçue de mes parents, qui étaient eux-mêmes très érudits. Mes études scientifiques ne m’ont pas éloigné de l’appréhension du mystère, de l’émerveillement devant la capacité du cerveau à donner une représentation mathématique de la nature, avec des mathématiques de moins en moins intuitives, en particulier à partir du moment où la théorie de la relativité introduit l’idée de la courbure de l’espace.
Cette quête, je l’ai traduite dans de nombreux livres, en particulier dans la ligne directrice d’un roman qui me tient particulièrement à cœur La Vie éternelle, roman dans lequel je raconte l’histoire d’un peuple coupé de tout sur une étoile lointaine, qui revit l’histoire des hommes depuis les origines et en retrouve tous les fondements spirituels, comme un grand invariant de toute vie, aussi immuable que les lois de la physique. Cette quête spirituelle est aussi la matrice de mon travail sur Blaise Pascal, sur Gandhi, sur Ibn Rushd, sur Maïmonide, sur Thomas d’Aquin, sur le lien entre la foi et la raison. Cette quête m’a poussé à accomplir un tour du monde des lieux sacrés, qui m’a fait voyager de Vézelay à Varanasi, de l’Île de Pâques au Bhoutan, d’Angkor à Samarcande, des collines des Hopis aux Jains d’Ahmedabad, de Jérusalem à Palenque, de Bamyan à Fès et tant d’autres lieux.
Quels enseignements avez-vous tirés de votre tour du monde des lieux mystiques ?
Je ressens partout la même épaisseur du silence… Et je retrouve cet élan spirituel, comme beaucoup de gens, dans la musique. En l’écoutant, en en jouant. En en dirigeant. Toutes sortes de musiques. Plus particulièrement, quand je dirige l’Ave verum corpus, ce motet sublime de Mozart, je ressens très intensément comme un lien qui se tisse et qui monte avec quelque chose d’autre que la vie, telle que nous la connaissons.
Ce lien, le nommez-vous de façon particulière ?
Non, je ne le nomme pas. Je ne parle pas d’un Dieu. Pour moi, il s’agit d’une immanence, d’une présence intense et mystérieuse, à l’opposé de la transcendance. De ce point de vue, je me sens assez proche de la pensée de Spinoza, même si je n’identifie pas cette immanence avec la nature, comme on le fait dire, à tort, à Spinoza. L’immanence, c’est une présence à laquelle je suis liée, à chaque instant. Je ne veux pas croire qu’il n’existe rien d’autre dans l’univers qu’un amoncellement d’atomes composant des milliards d’individus perdus sur une planète, tournant autour d’une des milliards d’étoiles d’une galaxie, au milieu de milliards de galaxies. Mais je ne crois pas qu’il existe quelque part un monsieur en barbe blanche qui surveille chacun de nos gestes, nous jure son amour éternel et nous menace de brûler dans les flammes d’un enfer.
Vous avez évoqué l’éducation religieuse de vos parents. Que vous ont-ils transmis ?
Ils nous ont transmis le judaïsme qu’ils pratiquaient dans l’Algérie française des années cinquante, en respectant les rites et une tradition immémoriale, sans verser dans une orthodoxie, dans le respect des autres croyances et de ceux qui ne croyaient pas. Mon père parlait parfaitement l’hébreu. Il connaissait une grande partie des textes par cœur. Sa première langue était l’arabe, la seconde l’hébreu et la troisième le français. Il avait eu une formation de rabbin puis il était devenu laïque. Quant à ma mère, elle était professeur d’hébreu. Ils nous ont transmis l’importance de la famille, de la transmission, du devoir, de l’exigence à l’égard de soi-même, de la foi en une force qui nous transcende.
Vous restez imprégné par cette éducation ?
Oui, bien entendu. J’ai aussi beaucoup travaillé pour continuer à apprendre la théologie juive, à essayer de comprendre la liturgie du mieux possible ; j’ai essayé de transmettre ces connaissances dans mon Dictionnaire amoureux du judaïsme, et dans deux ouvrages, écrits avec un ami théologien, Pierre-Henry Salfati, sur les relations entre les pensées juive, grecque et hindouiste.
Les attaques du 7 Octobre vous ont-elles renforcé dans votre identité juive ?
Cela n’a rien à voir ! Pour moi, Israël devrait rester ce qu’il était à sa création, c’est-à-dire un État laïque ; et j’en veux beaucoup à Netanyahou, qui a trahi cet idéal. Je me considère comme sioniste, c’est-à-dire partisan de deux États, juif et palestinien, vivant en bonne intelligence. Des États laïques et démocratiques. Cela n’a aucun rapport avec mon rapport à la foi.
Quelles sont les grandes figures spirituelles qui vous ont marqué ?
J’ai été très marqué par l’œuvre et le chemin de Blaise Pascal, cette flamme intense qui le brûlait, cette foi si puissante qui ne l’empêchait pas d’être un très grand scientifique ; par de grands talmudistes que j’ai pu croiser, tel Isaac Luria, à qui l’on doit une théorie de la naissance de l’Univers aussi puissante que les découvertes les plus récentes de la cosmologie.
J’ai appris aussi de mystiques Indiens à Varanasi, d’un professeur de théologie à Fès, et de tant d’autres. Dont le cardinal Lustiger, avec qui j’ai beaucoup parlé du Messie, de sa venue, de son retour, de ce qu’il signifie conceptuellement dans la trajectoire humaine, toujours en attente d’une réponse à l’angoisse de la mort, qui est derrière toute réflexion métaphysique. Ces conversations m’ont d’ailleurs inspiré un roman, Il viendra, dans lequel le Messie apparaîtrait aujourd’hui sous les traits d’un chanteur pop.
Dans le bouleversement mondial actuel, quelles réflexions vous inspirent les relations entre le politique et le spirituel ?
Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons. Voilà pourquoi je suis très en colère contre Netanyahou. Voilà aussi pourquoi je suis pour une laïcité très exigeante, à l’égard de toutes les religions, quelles qu’elles soient. Et pourtant, aujourd’hui, le spirituel revient, partout. Cela ne me gêne pas, évidemment, si chaque être humain est habité par une foi.
Cela m’inquiète si cette foi est le support de manipulation politique par des sectes de toutes natures. Dans un monde de plus en plus troublé et instable, il faut s’attendre à ce que beaucoup de gens trouvent une réassurance dans la foi, et dans des églises. C’est respectable et magnifique. Aussi longtemps que celles-ci ne se mêlent pas d’imposer leurs règles en politique. Elles ont fait assez de mal, on le découvre tous les jours, en particulier aux femmes et aux enfant
Vous qui êtes un homme hyperactif, engagé dans votre siècle et soucieux de la mise en perspective des événements dans le temps long, l’étude spirituelle vous permet-elle de la sérénité ?
La sérénité, comme le bonheur, n’est pas pour moi une fin en soi. L’étude spirituelle me ramène à un grand invariant à ne jamais oublier : la gratitude. C’est d’ailleurs le sujet de mon prochain livre.
ON TENTE DONC DE COMMENTER.
1 – L’immodestie du grand voyageur. On est d’abord assez choqué par l’immodestie de cet homme, grand voyageur. Le voyage est toujours, pour tous les faiseurs, la panacée. Juste pour démontrer une prétendue capacité à tout comprendre, tout embrasser, tout connaitre. Il n’est un apprenti penseur (J.A en a, évidemment, dépassé le stade) qui ne commence pas par vanter et énumérer ses voyages, ses marches, ses chemins). Encore faut-il, de quelques mots au-delà de la pléthore de voyages nommés,. décrire leur apport (intellectuel) dans la fabrication de la pensée. Ce qui semble, ici, secondaire. En réalité, ici encore de l’esbroufe du grand voyageur (de ceux qui forment la vieillesse dirait -il), en oubliant la pensée de celui qu’il présente comme son maître (Blaise Pascal) qui écrivait « Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »
Mais non, il faut être un voyageur pour démontrer son aptitude à conter. Billevesées.
Cette impudeur à se montrer du doigt, unique parmi les uniques est assez gênante, surtout lorsqu’elle vient fonder la fameuse “quête” dont tout intellectuel rapide se targue de mettre en oeuvre, ici une “matrice”. Très chic. On l’écoute : “Cette quête spirituelle est aussi la matrice de mon travail sur Blaise Pascal, sur Gandhi, sur Ibn Rushd, sur Maïmonide, sur Thomas d’Aquin, sur le lien entre la foi et la raison. Cette quête m’a poussé à accomplir un tour du monde des lieux sacrés, qui m’a fait voyager de Vézelay à Varanasi, de l’Île de Pâques au Bhoutan, d’Angkor à Samarcande, des collines des Hopis aux Jains d’Ahmedabad, de Jérusalem à Palenque, de Bamyan à Fès et tant d’autres lieux.
Bravo, Dieu que les noms sont enchanteurs, à point nommés pour “la quête”. Cependant, au-delà de la capacité à embrasser le monde d’avion en pirogue, l’on aurait aimé une mini-synthèse de quelques lignes sur l’apport de chaque lieu dans la grande pensée au travail, et ne pas se cantonner à la formule “bon marché” du lien entre foi et raison qui constitue la locution qui encerclé le voyage et la quête. Surtout lorsque, écrasant la spiritualité, sans le dire, il est affirmé que “Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons ». Surtout, encore, lorsqu’on n’est pas certain du lien entre le voyage et l’appropriation de la pensée locale. Et qu’on peut lire Platon sans aller en Grèce et Bouddha sans se reposer sur une île indienne. Bon, J. Attali a voyagé. Tant mieux pour lui.
On ne comprend pas, par ailleurs, le propos de la quête, du voyage d’imprégnation, lequel aurait pour leitmotiv, si l’on suit J.A, la séparation entre la raison et le spirituel que justement tous les philosophes modernes tentent, dans un mouvement de pensée unificateur, de toujours détruire. En considérant, comme tous à vrai dire, qu’il ne peut y avoir de raison sans une part d”immatériel et de voyage dans le cosmos des idées sans un accrochage au bastingage de la réalité, au réel. Bref, cette “quête ” est d’une banalité désarmante, s’agissant du propos d’un grand intellectuel. De la formule, encore de la formule.
2 – la baliverne du “dirigeant de musique”qui trouve le “silence”. Mr Attali, comme beaucoup d’entre nous aime la musique. Et comme beaucoup emploie, après avoir rappelé qu’il peut en être un “chef” qui la dirige, emploie la sempiternelle locution qui transforme le propos en lieu commun : “Je ressens partout la même épaisseur du silence… Et je retrouve cet élan spirituel, comme beaucoup de gens, dans la musique…Plus particulièrement, quand je dirige l’Ave verum corpus, ce motet sublime de Mozart, je ressens très intensément comme un lien qui se tisse et qui monte avec quelque chose d’autre que la vie, telle que nous la connaissons“
Là j’ai un peu honte (pour lui). On dirait le garçon de café de Jean-Paul Sartre au Café de Flore, qui, joue, buste droit, mains, derrière le dos à jouer (à être) un garçon de café. Mr Attali joue à être Mr Philosophe (pascalien) Attali, pétri du ” bruit du silence” (“épais”), comme on disait sur les estrades de nos collèges lorsque nous faisions nos minuscules exposés hugoliens, sous l’oeil amusé de nos professeurs et les rires rentrés de nos camarades.
3 – la bévue sur Israel. C’est, en réalité le seul objectif de mon petit billet : affirmer que Mr Attali est un esbroufeur, un faiseur, un escroc de la pensée logique lorsqu’à la question sur le lien entre son “identité juive” et les massacres du 7 octobre, il répond, à côté , sur la foi, que : “Cela n’a rien à voir ! Pour moi, Israël devrait rester ce qu’il était à sa création, c’est-à-dire un État laïque ; et j’en veux beaucoup à Netanyahou, qui a trahi cet idéal. Je me considère comme sioniste, c’est-à-dire partisan de deux États, juif et palestinien, vivant en bonne intelligence. Des États laïques et démocratiques. Cela n’a aucun rapport avec mon rapport à la foi“
En confondant donc foi et identité juive. Ce qui pour un “Polytechnicien, énarque, haut fonctionnaire, économiste, conseiller d’État, professeur d’université, cet intellectuel aujourd’hui octogénaire” (cf supra) est assez maigre ou plutôt inconséquent.
C’est, en réalité, se moquer du lecteur ou du moins tenter d’accrocher avec ce miel sans sucre, celui qui, du côté de LFI, veut absolument entendre ce type de propos.
Certes, prôner, ce qui est acceptable même si le projet devient irréalisable au regard de l’objectif d’en face (les Palestiniens islamistes), la solution à deux états ne peut être critiqué en soi.
Cependant défaire le lien entre identité juive et attentats du 7 octobre est une proposition nauséabonde : les terroristes ont tué “du juif” et rien que du juif”. Dire que cela “n’a rien à voir” avec son identité juive est une infamie puisqu’en effet c’est donner sur un plateau crasseux aux dits terroristes la caution de ce qu’il s’attaquait à un Etat laïque “fasciste, génocidaire, colonial” et non à des juifs revêtus d’abord de leur “identité”. En faisant d’eux, même l’on est certain que J.Attali n’en ait pas la volonté, des justes combattants et assassins non pas des juifs qui font la fête, mais d’Israël, le méchant pays. En tenant ce discours, le grand philosophe soutient, objectivement, le terroriste. Curieux cette déviation dans la réponse. Sûrement pour faire le beau à l’égard du non-juif ou du musulman.
Par ailleurs, s’il est vrai que la religiosité s’est immiscée, dans une configuration que certains considèrent, potentiellement inacceptable, en Israël, il ne peut être nié que la laïcité israélienne est spécifique au regard de la citoyenneté, elle même particulière : n’est citoyen que le juif. On ne comprend donc pas ce cri d’orfraie sur la foi qui n’a rien à voir et Netanyahou au pilori.
Très grave dérive que ce discours. Mr Attali aurait pu répondre : “s’agissant d’un pogrom visant des juifs, il est évident que mon identité a été ébranlée, même si je considère justement, comme je l’ai énoncé plus haut, qu’il faut différencier le spirituel du politique, ce que ne fait pas, au premier chef, le Hamas, lequel fabrique justement les identités et veut détruire la mienne, en même temps que le pays qui peut l’abriter, en confondant absolument foi et identité,”. Réponse plus correcte, en harmonie avec la pensée de J.A qu’il malmene lui-même, qu aurait été ici audible. Même s’il est vrai que l’on ne peut critiquer en voulant faire dire à celui qu’on lit ce qu’on veut entendre, ce discours est le seul que le juif, athée, religieux, converti, peut tenir.
4 – On ne veut insister sur le roman sur un messie pop, presque risible ou sur la “gratitude”, locution assez commune lorsque on n’est arrivé à un âge où elle est requise.
Pour, vite conclure : il est dommage que Jacques Attali, pour faire “son malin” comme dirait un cousin, fasse, idiotement, sa publicité (on n’en a pas besoin, on connait son talent), sans énoncer ce qui n’est pas un lieu commun de collégien, tente de se départir de la pensée commune sur l’identité juive : on n’en pas besoin, elle mérite dans ces instants d’être affirmée, en relation avec son meurtre physique du mois d’octobre qui se perpétue.
En réalité, il est dommage que J. Attali se complaise dans son rôle de penseur-à-rebours, à dire vrai sans pensée, en propageant entre deux banalités, l’ignominie de La Défense objective d’un terrorisme qui n’a rien à voir avec l’identité juive.
On lira son prochain roman, son énième essai, du bout des yeux.
Exceptionnel, 4 épisodes en plans-séquences. Un bijou dans la mise en scène, le sujet, le jeu des acteurs. Après Replay, la plus magnifique des mini-séries.
PS. DONC, 4 EPISODES “PLANS-SÉQUENCES”. JE DONNE CI-DESSOUS LE LIEN WIKI QUI EN DONNE, TRES COMPLÈTEMENT LA DÉFINITION.
Cadeau à une ex-amie qui m’a demandé le texte numérique, sûrement pour une citation dans la doxa whatsapp. Je m’exécute idiotement. Toujours pas compris qu’il ne fallait plus auder. Il est vrai que chaque fois. (beaucoup) que je rends service, on se fâche contre moi. Le vide a horreur d’apprendre ou de remercier. Ou n’aime pas la hiérarchie dans les savoirs et les apprentissages.
Donc l’Ecclésiaste que Jacques Attali prétend lire tous les jours. Je ne le crois pas ce, faiseur. Moi je le lis, vrai, quand j’en ai, besoin, comme hier, comme souvent, quand les humains oublient d’être polis avec les vérités immuables. J’adore la locution”pâtures du vent” c’est la première, littéraire, que j’ai employé à Carthage, en 6ème, dans la première redac dont je ne me souviens pas du sujet
En casant les “pâtures du vent” et “taciturne”, j’ai eu la meilleure note.
Chapitre 1
1 Paroles de Kohélet, fils de David, roi à Jérusalem. 2 Vanité des vanités, a dit Kohélet, vanité des vanités; tout est vanité! 3 Quel profit tire l’homme de tout le mal qu’il se donne sous le soleil? ד 4 Une génération s’en va, une autre génération lui succède, et la terre subsiste perpétuellement. 5 Le soleil se lève, le soleil se couche: il se hâte vers son point de départ, où il se lèvera encore, 6 pour s’avancer vers le sud et décrire sa courbe vers le nord; le vent progresse en évoluant toujours et repasse par les mêmes circuits. 7 Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’en est pas remplie; vers l’endroit qui est assigné aux fleuves, ils dirigent invariablement leur cours. 8 Toutes choses sont toujours en mouvement; personne n’est capable d’en rendre compte. L’œil n’en a jamais assez de voir, ni l’oreille ne se lasse d’entendre. 9 Ce qui a été c’est ce qui sera; ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera: il n’y a rien de nouveau sous le soleil! 10 Il est telle chose dont on dirait volontiers: “Voyez, ceci est nouveau” Eh bien! Cette chose a déjà existé dans les temps qui nous ont précédés. 11 Nul souvenir ne subsiste des anciens, de même de leurs plus récents successeurs il ne demeurera aucun souvenir chez ceux qui viendront plus tard. 12 Moi, Kohélet, je suis devenu roi d’Israël, à Jérusalem. 13 Et j’ai pris à cœur d’étudier, d’examiner avec sagacité tout ce qui se passe sous le soleil: c’est une triste besogne que Dieu a offerte aux fils d’Adam pour s’en tracasser. 14 J’ai donc observé toutes les œuvres qui s’accomplissent sous le soleil: eh bien! Tout est vanité et pâture de vent. 15 Ce qui est tordu ne peut être redressé, et ce qui manque ne peut entrer en compte. 16 Je me suis dit en moi-même: “Voilà que j’ai, moi, accumulé et amassé plus de sagesse que tous ceux qui m’ont précédé à Jérusalem; mon cœur a acquis un grand fonds de discernement et d’expérience.” 17 J’avais en effet appliqué mon attention à connaître la sagesse et à discerner la folie et la sottise, et je me suis aperçu que cela aussi était pâture de vent; 18 car, abondance de sagesse, abondance de chagrin, et accroître sa science, c’est accroître sa peine.
L’Ecclésiaste – Chapitre 2
1 Je me suis dit à moi-même: “Allons! Je veux te faire faire l’expérience de la joie, te donner du bon temps.” Eh bien! Cela aussi est vanité! 2 A la gaîté j’ai dit: “Tu es folie! Et à la joie: “A quoi sers-tu?” 3 Je résolus, à part moi, de prodiguer à mon corps les plaisirs du vin et, tout en restant attaché de cœur à la sagesse, de faire une place à la folie, de façon à voir quel est le meilleur parti que puissent suivre les fils d’Adam sous le ciel, au cours de leur existence. 4 J’entrepris de grandes choses: je me bâtis des palais, je me plantai des vignes. 5 Je me fis des jardins et des parcs, et j’y plantai toutes sortes d’arbres fruitiers. 6 Je me construisis des réservoirs d’eau, pour arroser des forêts riches en arbres. 7 J’acquis des esclaves et des servantes, j’eus un nombreux personnel domestique; mes troupeaux de bœufs et de brebis dépassaient de loin ceux de tous mes prédécesseurs à Jérusalem. 8 Je m’amassai aussi de l’argent et de l’or, les trésors précieux des rois et des provinces; je me procurai des chanteurs et des chanteuses, ce qui fait les délices des fils d’Adam, de nombreuses odalisques. 9 Je surpassai ainsi en faste et en richesse tous ceux qui m’avaient précédé à Jérusalem; en même temps ma sagesse me restait comme appui. 10 Rien de ce que mes yeux pouvaient désirer ne leur était refusé par moi; je n’interdis aucun plaisir à mon cœur. Mon cœur, en effet, n’eut qu’à s’applaudir des soins que je prenais, et telle fut la récompense de toutes mes peines. 11 Mais quand je me mis à considérer toutes les œuvres accomplies par mes mains et tous les tracas que je m’étais imposés, je constatai que tout était vanité et pâture de vent, et qu’il n’est point d’avantage durable sous le soleil. 12 Puis, je me mis à passer en revue sagesse, folie et sottise: “Car, me disais-je, que [pourra faire] l’homme qui viendra après le roi? Celui-ci aura déjà tout fait.” 13 Je m’aperçus que la sagesse est supérieure à la folie autant que la lumière est supérieure aux ténèbres: 14 Le sage a ses yeux dans la tête, et le sot chemine dans les ténèbres. Mais je reconnus aussi qu’un même sort est réservé à l’un et à l’autre. 15 Alors je dis en mon cœur: “Le sort du fou est le même qui m’attend, moi; dès lors, à quoi bon avoir acquis tant de sagesse?” Et je m’avouai à moi-même que cela encore est vanité. 16 En effet, le souvenir du sage n’est pas plus durable que celui du fou; car viennent les temps futurs, tout tombera dans l’oubli! Et comment se fait-il que le sage meure à l’égal du fou? 17 Aussi ai-je pris la vie en haine, car je regardai comme mauvais tout ce qui se passe sous le soleil, tout n’étant que vanité et pâture de vent. 18 Je finis aussi par détester tout le labeur auquel je m’étais adonné sous le soleil, et dont je dois laisser les fruits à quelqu’un qui me succédera. 19 Or, qui sait s’il sera sage ou sot? Et pourtant il sera maître de tout ce que j’aurai acquis sous le soleil par mon travail et mon ingéniosité. Cela aussi est vanité. 20 Je me laissai donc aller à prendre en aversion tout le labeur pour lequel j’avais peiné sous le soleil. 21 Car voilà un homme qui a travaillé avec sagesse, réflexion et succès, et il doit tout laisser en propriété à quelqu’un qui ne s’est donné aucun mal! Cela aussi est vanité et souverainement mauvais. 22 Qu’est-ce qui revient donc à l’homme de tout son labeur et de toutes les combinaisons de son esprit, pour lesquelles il se tracasse sous le soleil? 23 En effet, tous ses jours sont pénibles, son activité est une source de chagrin; même la nuit son cœur n’a point de repos. Cela encore est vanité. 24 Ne vaut-il pas mieux pour l’homme de manger, de boire et de se donner du plaisir pour prix de son labeur? Cela aussi, je l’ai constaté, émane de Dieu. 25 Car qui peut manger et jouir en dehors de sa volonté? 26 C’est à l’homme qui lui plaît qu’il donne sagesse, intelligence et joie; tandis qu’au pécheur il impose la corvée de recueillir et d’entasser [des biens], qu’il fait passer ensuite à celui qui jouit de la faveur divine. Cela est également vanité et pâture de vent.
L’Ecclésiaste – Chapitre 3
1 II y a un temps pour tout, et chaque chose a son heure sous le ciel. 2 Il est un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour déraciner ce qui était planté; 3 un temps pour tuer et un temps pour guérir, un temps pour démolir et un temps pour bâtir; 4 un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser; 5 un temps pour jeter des pierres et un temps pour ramasser des pierres, un temps pour embrasser et un temps pour repousser les caresses; 6 un temps pour chercher [ce qui est perdu] et un temps pour perdre, un temps pour conserver et un temps pour dissiper; 7 un temps pour déchirer et un temps pour coudre, un temps pour se taire et un temps pour parler; 8 un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour la guerre et un temps pour la paix. 9 Quel avantage tire le travailleur de la peine qu’il se donne? 10 J’ai observé la besogne que Dieu a assignée aux fils d’Adam pour se fatiguer en efforts. 11 Il a fait toute chose excellente à son heure; il a mis aussi dans le cœur de l’homme le sens de la durée, sans quoi celui-ci ne saisirait point l’œuvre accomplie par Dieu du commencement à la fin. 12 J’ai reconnu qu’il n’y a pas de plus grand bien que de s’égayer et de se faire une vie heureuse. 13 Et toutes les fois que l’homme mange et boit, jouissant du bien-être qu’il doit à son labeur, c’est là un don de Dieu. 14 J’ai reconnu aussi que tout ce que Dieu fait restera ainsi éternellement: il n’y a rien à y ajouter, rien à en retrancher: Dieu a arrangé les choses de telle sorte qu’on le craigne. 15 Ce qui existait dans le passé existe à présent; ce qui sera dans l’avenir a été antérieurement: Dieu veut la continuité. 16 Voici encore ce que j’ai vu sous le soleil: dans l’enceinte de la justice domine l’iniquité; au siège du droit triomphe l’injustice. 17 Aussi me suis-je dit à moi-même: “Le juste et le méchant, c’est Dieu qui les jugera; car il a fixé un temps pour chaque chose et pour chaque action.” 18 Ensuite j’ai réfléchi à cette prétention des hommes d’être l’objet des préférences de Dieu, et j’ai vu que, considérés en eux-mêmes, ils sont comme les animaux. 19 Car telle la destinée des fils d’Adam, telle la destinée des animaux; leur condition est la même, la mort des uns est comme la mort des autres; un même souffle les anime: la supériorité de l’homme sur l’animal est nulle, car tout est vanité. 20 Tout aboutit au même endroit: tout est venu de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 Qui peut savoir si le souffle des fils d’Adam monte en haut, tandis que le souffle des animaux descend en bas, vers la terre? 22 Par là je vois bien que le meilleur parti à prendre pour l’homme, c’est de se réjouir de ses œuvres, puisque c’est là son lot; car qui le ramènera [un jour] pour voir ce qui se passera après lui?
Ecclésiaste – Chapitre 4
1 Puis je me mis à observer tous les actes d’oppression qui se commettent sous le soleil: partout des opprimés en larmes et personne pour les consoler! Violentés par la main de leurs tyrans, il n’est personne pour les consoler. 2 Et j’estime plus heureux les morts, qui ont fini leur carrière, que les vivants qui ont prolongé leur existence jusqu’à présent; 3 mais plus heureux que les uns et les autres, celui qui n’a pas encore vécu, qui n’a pas vu l’œuvre mauvaise qui s’accomplit sous le soleil! 4 Et j’ai observé que le labeur [de l’homme] et tous ses efforts pour réussir ont pour mobile la jalousie qu’il nourrit contre son prochain; ceci encore est vanité et pâture de vent. 5 Le fou se croise les bras et se nourrit de sa propre substance. 6 Plutôt une simple poignée dans le calme, que d’avoir les mains pleines en peinant et en courant après le vent. 7 Je me remis à observer une autre vanité sous le soleil: 8 Voici un homme isolé, sans compagnon, qui n’a même pas de fils ni de frère, et il ne met pas de bornes à son labeur! Ses yeux ne sont jamais rassasiés de richesses. [II ne se demande pas:] “Pour qui est-ce que je peine? Pour qui refusé-je à mon âme la moindre jouissance?” Encore une vanité et une triste condition! 9 Etre à deux vaut mieux que d’être chacun seul; car c’est tirer un meilleur profit de son travail. 10 Si l’un d’eux tombe, son compagnon pourra le relever; mais si un homme isolé tombe, il n’y a personne d’autre pour le remettre debout. 11 De même, si deux sont couchés ensemble, ils ressentent de la chaleur; mais celui qui est seul, comment se réchauffera-t-il? 12 Et si un agresseur vient les attaquer, ils seront deux pour lui tenir tête; mais un triple lien est encore moins facile à rompre. 13 Mieux vaut un jeune homme pauvre, mais intelligent, qu’un roi vieux et stupide, incapable même d’accueillir encore des conseils. 14 Celui-là sortirait d’une prison pour régner, tandis que celui-ci est né pauvre, quoique revêtu de la dignité royale. 15 J’ai vu la foule des vivants, qui se meuvent sous le soleil, prendre parti pour ce jeune homme, appelé à monter sur le trône à la place de l’autre. 16 Sans limites est le nombre des gens qu’il traîne à la remorque; en revanche, ceux qui viendront après ne seront guère satisfaits de lui; car tout cela est encore vanité et pâture de vent. 17 Sois circonspect dans ta démarche quand tu te rends dans la maison de Dieu: s’en approcher pour obéir [vaut mieux] que les sacrifices offerts par les sots, car ceux-ci ne savent [que] faire le mal.
L’Ecclésiaste – Chapitre 5
1 N’ouvre pas la bouche avec précipitation; que ton cœur ne soit pas prompt à proférer quelque parole devant Dieu, car Dieu est au ciel, et toi, tu es sur la terre; c’est pourquoi tes propos doivent être peu nombreux. 2 Car les songes naissent de l’abondance des soucis, et la voix du sot se reconnaît à l’abondance de ses paroles. 3 Lorsque tu fais un vœu à Dieu, ne tarde pas à t’en acquitter, car il n’aime pas les sots. Paie ce que tu as promis par ton vœu. 4 Tu ferais mieux de t’abstenir de tout vœu que d’en faire un et de ne pas l’accomplir. 5 Ne permets pas à ta bouche de charger ta personne d’un péché; et ne prétends pas devant le messager [de Dieu] qu’il y avait inadvertance de ta part: pourquoi Dieu devra-t-il s’irriter au son de ta voix et ruiner l’œuvre de tes mains? 6 Tel serait le fruit de ce tas de songes et de niaiseries et de ce flux de paroles: crains plutôt Dieu. 7 Si tu remarques dans le pays l’oppression du pauvre et l’escamotage de la justice et du droit, ne sois pas trop surpris du fait: c’est qu’un fonctionnaire élevé est contrôlé par un supérieur et qu’au-dessus d’eux il est encore des fonctionnaires. 8 La terre a des avantages sur tout le reste: un roi même est dans la dépendance des champs. 9 Qui aime l’argent n’est jamais rassasié d’argent; qui aime l’opulence n’en a aucun profit: cela aussi est vanité! 10 La fortune augmente-t-elle, ceux qui la dévorent augmentent du même coup. Quel autre avantage y a-t-il pour son possesseur que d’en repaître sa vue? 11 Doux est le sommeil du laboureur, qu’il mange peu ou prou tandis que la satiété ne laisse pas dormir le riche. 12 II est un mal cuisant que j’ai constaté sous le soleil c’est la richesse amassée pour le malheur de celui qui la possède. 13 Cette richesse se perd-elle par quelque fâcheuse circonstance, le fils à qui il aura donné le jour n’aura rien dans les mains. 14 Et lui-même, sorti nu du sein de sa mère, il s’en ira tel qu’il était venu et il ne prendra rien du fruit de son travail qu’il puisse emporter dans sa main. 15 C’est déjà là un mal profond qu’il faille s’en aller comme on est venu à quoi lui sert-il d’avoir travaillé pour le vent? 16 II consume tous ses jours dans les ténèbres: multiples sont ses ennuis, ses souffrances et ses impatiences. 17 Or donc, ce que j’ai reconnu comme bon, comme convenable, c’est de manger et de boire, de jouir du bien-être dû à toutes les peines qu’on se donne sous le soleil, au cours de l’existence que Dieu nous octroie: c’est là notre lot. 18 En effet, supposez un homme que Dieu a comblé de richesses et de biens et rendu maître d’en jouir, d’en prendre sa bonne part et d’être en liesse, grâce à son travail: ce sera un don de Dieu! 19 Car celui-là ne songera pas beaucoup aux jours de son existence, puisque Dieu voit avec plaisir la joie de son cœur.
L’Ecclésiaste – Chapitre 6
1 II est un mal que j’ai constaté sous le soleil et qui est fréquent parmi le genre humain: 2 Voici un homme à qui Dieu a donné richesse, biens et honneurs; il ne manque personnellement de rien qu’il puisse désirer. Mais Dieu ne le laisse pas maître de jouir de ces avantages: c’est un étranger qui en jouira. Quelle vanité et quelle souffrance amère! 3 Qu’un homme donne le jour à cent fils et vive de longues années, quel que soit le nombre de ses jours, s’il ne doit pas savourer son bonheur, et qu’une tombe même lui soit refusée, je dis que l’avorton est plus favorisé que lui. 4 Car celui-ci arrive comme un vain souffle, s’en va dans la nuit, et son nom demeure enseveli dans les ténèbres. 5 Il n’a même pas vu ni connu le soleil; il jouit d’un repos qu’ignorait l’autre. 6 A quoi servirait même de vivre deux fois mille ans, si on n’a pas su ce que c’est d’être heureux? Finalement tout n’aboutit-il pas au même terme? 7 Tout le labeur de l’homme est au profit de sa bouche, et jamais son désir n’est assouvi. 8 Quelle supériorité le sage a-t-il donc sur le fou? Où est l’avantage du malheureux, habile à marcher à rebours de la vie? 9 Mieux vaut se satisfaire par les yeux que de laisser dépérir sa personne; cela aussi est vanité et pâture de vent. 10 Ce qui vient à naître a dès longtemps reçu son nom; d’avance est déterminée la condition de l’homme; il ne pourra tenir tête à un plus fort que lui. 11 Certes, il est bien des discours qui augmentent les insanités; quel avantage offrent-ils à l’homme? 12 Qui sait, en effet, ce qui est avantageux pour l’homme durant sa vie, au cours de ces quelques années de sa vaine existence, qu’il voit fuir comme une ombre? Qui peut annoncer à l’homme ce qui se passera après lui, sous le soleil?
L’Ecclésiaste – Chapitre 7
1 Un bon renom est préférable à l’huile parfumée, et le jour de la mort au jour de la naissance. 2 Mieux vaut aller dans une maison de deuil que dans une maison où l’on festoie; là se voit la fin de tout homme: et les vivants doivent la prendre à cœur! 3 Mieux vaut la tristesse que la gaieté, car le visage peut être sombre et le cœur satisfait. 4 La pensée du sage se porte vers la maison de deuil, la pensée des fous vers la maison de plaisir. 5 Mieux vaut entendre les reproches d’un sage que d’écouter les chansons des sots. 6 Car tel le crépitement des broussailles sous la marmite, tels sont les rires des fous. Et cela aussi est vanité! 7 Certes, la concussion affole le sage, et les présents font perdre le sens. 8 La fin d’une entreprise est préférable à son début; un caractère endurant l’emporte sur un caractère hautain. 9 Ne cède pas trop vite à ton humeur irascible, car la colère est à demeure au sein des fous. 10 Ne dis point: “D’où vient que les temps passés valaient mieux que le présent?” Car c’est manquer de sagesse de poser cette question. 11 Précieuse est la sagesse avec un patrimoine: grande supériorité pour ceux qui voient le soleil! 12 Car ainsi on est sous la protection de la sagesse et sous la protection de l’argent; toutefois la sagesse l’emporte, car elle prolonge la vie de ceux qui la possèdent. 13 Regarde l’œuvre de Dieu: qui peut redresser ce qu’il a fait courbe? 14 Au jour du bonheur, sois content; et au jour du malheur, considère que Dieu a fait correspondre l’un à l’autre, de façon à ce que l’homme ne trouve pas à récriminer contre lui. 15 J’ai tout vu au cours de mon éphémère existence: tel juste succombe malgré sa vertu, et tel méchant dure malgré sa perversité. 16 Ne sois pas juste à l’excès, ne sois pas sage plus qu’il ne faut; pourquoi t’exposer à la ruine? 17 Ne sois pas trop méchant, évite d’être sot; pourquoi voudrais-tu mourir avant le temps? 18 Tu feras bien de t’attacher à l’une des méthodes sans que ta main lâche l’autre: celui qui craint Dieu se tire d’affaire en toutes choses. 19 La sagesse est une force pour l’homme, plus efficace que dix chefs gouvernant une ville. 20 II n’est pas d’homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir. 21 N’aie garde de faire attention à toutes les paroles qu’on débite; tu éviteras ainsi d’entendre ton esclave proférer des malédictions contre toi. 22 Car bien des fois, ton cœur le sait, il t’est arrivé de proférer des malédictions contre les autres. 23 Tout cela, je l’ai expérimenté avec sagacité; je disais: “Je voudrais me rendre maître de la sagesse!” Mais elle s’est tenue loin de moi. 24 Ce qui existe est si loin et si infiniment profond! Qui pourrait y atteindre? 25 Je m’étais appliqué de tout cœur à tout examiner et scruter, à rechercher sagesse et raison, à apprécier aussi malignité et sottise, folie et insanités. 26 Et ce que j’ai trouvé de plus amer que la mort, c’est la femme, dont le cœur n’est que guet-apens et pièges et dont les bras sont des chaînes. Celui qui jouit de la faveur de Dieu échappe à ses griffes, mais le pécheur s’y laisse prendre. 27 Vois, c’est là ce que j’ai trouvé, dit l’Ecclésiaste, en ajoutant un fait à un autre pour arriver à une conclusion. 28 Mais il est une chose encore que j’ai cherchée et que je n’ai pas trouvée: parmi mille individus, j’ai pu trouver un homme, mais de femme, parmi eux tous, je n’en ai pas trouvé. 29 Seulement voici ce que j’ai trouvé: c’est que Dieu a fait les hommes pour être droits; ce sont eux qui ont recours à toutes sortes de roueries.
L’Ecclésiaste – Chapitre 8
1 Qui est comparable au sage et connaît [comme lui] le sens des choses? La sagesse de l’homme éclaire sa face et prête à sa figure un double ascendant. 2 Je [dis], moi: “Observe l’ordre du roi, et cela en raison du serment fait à Dieu: 3 Ne sois pas pressé de sortir de sa présence; ne t’engage pas dans une mauvaise affaire, car il fait tout ce qu’il veut. 4 En effet, la parole du roi est souveraine; qui oserait lui dire: “Que fais-tu?” 5 Celui qui exécute son ordre n’éprouvera rien de fâcheux; un esprit avisé connaît l’heure propice et la bonne règle. 6 Car pour toute chose il est un temps opportun et une règle sûre; mais il est un mal qui pèse lourdement sur l’homme: 7 il ne sait pas ce qui arrivera; et comment les choses se passeront, qui le lui dira? 8 Nul homme n’est maître du vent, capable d’emprisonner le vent. Il n’est point de pouvoir contre le jour de la mort, ni de rémission dans le combat; et ce n’est pas la méchanceté qui sauvera l’impie. 9 Tout cela, je l’ai vu, en appliquant mon attention à toute l’œuvre qui s’accomplit sous le soleil, en un temps où l’homme domine sur l’homme pour son malheur. 10 Et c’est ainsi que j’ai vu des méchants escortés à leur tombe, tandis que disparaissaient des lieux saints et étaient vite oubliés dans la ville ceux qui avaient bien agi: vanité encore! 11 Par cela même qu’une sanction n’atteint pas immédiatement les mauvaises actions, le cœur des fils d’Adam s’enhardit à faire le mal; 12 car tel pécheur fait cent fois le mal et voit sa vie se prolonger, bien que je sache, moi, que ceux qui craignent Dieu méritent d’être heureux à cause de leur piété, 13 tandis que le bonheur devrait être refusé au méchant et que celui-ci, tel qu’une ombre, ne devrait pas voir de longs jours, parce qu’il ne craint pas Dieu. 14 Il est un fait décevant qui se passe sur la terre: il est des justes qui sont traités comme s’ils agissaient à la manière des impies, et des impies qui sont traités comme s’ils agissaient à la manière des justes; et je disais que cela aussi est vanité. 15 Aussi ai-je prôné la joie, puisque rien n’est bon pour l’homme sous le soleil comme de manger, de boire et de se réjouir; c’est là ce qui lui demeure fidèle au milieu de ses peines, tout le long de la vie que Dieu lui a octroyée sous le soleil. 16 Lorsque je me suis appliqué à connaître la sagesse et à envisager la besogne qui s’accomplit sur la terre, [j’ai vu] que tant le jour que la nuit le sommeil fuit ses yeux. 17 J’ai observé toute l’œuvre de Dieu et [constaté] que l’homme ne saurait atteindre tous les faits qui se passent sous le soleil; que même si l’homme s’évertuait à s’en rendre compte, il n’y réussirait point. Le sage même, s’il prétendait arriver à la connaissance, n’y parviendrait pas.
L’Ecclésiaste – Chapitre 9
1 Tout cela, je l’ai noté dans mon esprit et cherché à le tirer au clair: les justes, les sages et ce qu’ils font sont dans la main de Dieu; les hommes ne se rendent compte ni de l’amour ni de la haine; tout leur échappe. 2 Tous sont soumis à des accidents pareils; un même sort attend le juste et le méchant, l’homme bon et pur et l’impur, celui qui sacrifie et celui qui ne sacrifie point; l’homme de bien est comme le pécheur, celui qui prête des serments comme celui qui craint de jurer. 3 C’est là le défaut de tout ce qui s’accomplit sous le soleil, qu’une même destinée y soit réservée à tous; aussi le cœur des hommes déborde-t-il de méchanceté, la folie emplit leur âme leur vie durant; après cela… [en route] vers les morts! 4 Or, qui demeure dans la société des vivants peut avoir quelque espoir, car un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. 5 Les vivants savent du moins qu’ils mourront, tandis que les morts ne savent quoi que ce soit; pour eux plus de récompense, car leur souvenir même s’efface, 6 leur amour, leur haine, leur jalousie, tout s’est évanoui ils n’ont plus désormais aucune part à ce qui se passe sous le soleil. 7 Va donc, mange ton pain allègrement et bois ton vin d’un cœur joyeux; car dès longtemps Dieu a pris plaisir à tes œuvres. 8 Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et que l’huile ne cesse de parfumer ta tête. 9 Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de l’existence éphémère qu’on t’accorde sous le soleil, oui, de ton existence fugitive car c’est là ta meilleure part dans la vie et dans le labeur que tu t’imposes sous le soleil. 10 Tout ce que tes propres moyens permettent à ta main de faire, fais-le; car il n’y aura ni activité, ni projet, ni science, ni sagesse dans le Cheol, vers lequel tu te diriges. 11 J’ai encore observé sous le soleil que le prix de la course n’est pas assuré aux plus légers, ni la victoire dans les combats aux plus forts, ni le pain aux gens intelligents, ni la richesse aux sages, ni la faveur à ceux qui savent; car mêmes destinées et mêmes accidents sont le lot de tous. 12 L’homme ne connaît même pas son heure, pas plus que les poissons pris dans le filet fatal et les oiseaux pris au piège. Tout comme ceux-ci, les hommes sont retenus dans les lacets, au moment du désastre fondant soudainement sur eux. 13 Voici encore un effet de la sagesse que j’ai remarqué sous le soleil: il a paru important à mes yeux. 14 [J’ai vu] une petite ville, aux habitants clairsemés; un roi puissant marcha contre elle, l’investit et éleva autour d’elle de grandes redoutes. 15 Mais il se trouva dans cette ville un pauvre homme doué de sagesse: c’est lui qui sauva la ville par son esprit. Cependant personne ne s’était soucié de ce pauvre homme. 16 Mais je dis, moi: “Sagesse vaut mieux que force, bien que la sagesse de ce pauvre homme fût dédaignée et que ses paroles ne trouvassent pas d’écho.” 17 Les paroles des sages dites avec douceur sont mieux écoutées que les cris d’un souverain éclatant parmi des sots. 18 Mieux vaut la sagesse que des engins de guerre; mais un seul pécheur gâte beaucoup de bien.
L’Ecclésiaste – Chapitre 10
1 Des mouches venimeuses corrompent, font tourner l’huile du parfumeur; Un peu de folie a plus de poids que sagesse et honneur. 2 Le sage a le cœur à droite, le cœur du sot est à gauche. 3 Aussi bien, dans la voie où se dirige le sot, l’intelligence lui fait défaut: il révèle à tous qu’il est sot. 4 Si la mauvaise humeur du souverain fait explosion contre toi, ne quitte pas ta place; car la douceur atténue de grandes offenses. 5 Il est un abus que j’ai observé sous le soleil et qui a l’air d’une inadvertance échappée au souverain: 6 la folie est appelée à de hautes situations, et des gens considérables demeurent dans un rang inférieur. 7 J’ai vu des esclaves à cheval, et des grands allant à pied comme des esclaves. 8 Celui qui creuse une fosse y tombe; celui qui renverse une clôture, le serpent le mord. 9 Celui qui extrait des pierres peut se faire du mal; celui qui fend du bois s’expose à quelque danger. 10 Si on a laissé s’émousser le fer, n’en affile-t-on pas le tranchant pour lui rendre sa force? Ainsi le véritable instrument du succès, c’est la sagesse. 11 Si le serpent mord faute d’incantations, il n’y a point de profit pour le charmeur. 12 Les paroles du sage [éveillent] la sympathie; les lèvres du sot causent sa perte. 13 Le début de ses paroles est sottise, la conclusion de son discours est méchante insanité. 14 Le sot a beau multiplier son verbiage: nul homme ne sait ce qui sera; qui pourrait lui dire d’avance ce qui arrivera après lui? 15 Le mal que se donnent les sots les exténue, tellement qu’ils ne savent trouver le chemin de la ville. 16 Malheureux pays, si ton roi est un esclave; et si les grands font ripaille dès le matin! 17 Heureux pays, si ton roi est un fils de nobles et si les grands mangent à l’heure voulue, pour prendre des forces et non par goût de la boisson! 18 L’indolence est cause que la charpente s’effondre; les mains nonchalantes que la pluie pénètre dans la maison. 19 Pour se mettre en joie, on organise des festins; le vin égaie la vie, et l’argent répond à tout. 20 Ne maudis pas le roi même en pensée; au fond de ta chambre à coucher, ne maudis pas le riche, car l’oiseau du ciel transmettrait le son de ta voix et la gent ailée rapporterait les propos.
L’Ecclésiaste – Chapitre 11
1 Répands ton pain sur la surface des eaux, car à la longue tu le retrouveras. 2 Donnes-en une part à sept, même à huit, car tu ne sais quelle calamité peut se produire sur la terre, 3 si les nuages chargés de pluie se déverseront sur le sol, et si un arbre tombera du côté du Midi ou du Nord là où il sera tombé, il demeurera. 4 Qui observe le vent ne sèmera pas; qui regarde les nuages ne moissonnera pas. 5 Pas plus que tu ne connais la voie de l’esprit allant animer l’embryon dans le sein qui le porte, tu ne saurais connaître l’œuvre de Dieu, auteur de toutes choses. 6 Dès le matin, fais tes semailles, et le soir encore ne laisse pas chômer ta main, car tu ignores où sera la réussite, ici ou là, et peut-être y aura-t-il succès des deux côtés. 7 Douce est la lumière, et c’est une jouissance pour les yeux de voir le soleil. 8 Aussi, quand même l’homme vivrait de longues années, qu’il les consacre toutes à la joie, en songeant aux jours des ténèbres, qui seront nombreux: alors tout ce qui adviendra sera néant. 9 Réjouis-toi, jeune homme, dans ton jeune âge; que ton cœur soit en fête au temps de ton adolescence. Suis librement les tendances de ton esprit et ce qui charme tes yeux: sache seulement que Dieu t’appellera en jugement pour tout cela. 10 Chasse les soucis de ton cœur, éloigne les souffrances de ton corps, car adolescence et jeunesse sont chose éphémère.
L’Ecclésiaste – Chapitre 12
1 Surtout souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant qu’arrivent les mauvais jours et que surviennent les années dont tu diras: “Elles n’ont pas d’agrément pour moi”; 2 avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que les nuages remontent aussitôt après la pluie. 3 C’est le moment où fléchissent les gardiens de la maison, où se tordent les lutteurs vigoureux, où les meunières, devenues rares, restent oisives, et où celles qui regardent par les lucarnes voient trouble; 4 où les portes, ouvrant sur le dehors, se ferment, tandis que s’affaiblit le bruit du moulin, devenu semblable à la voix d’un passereau, et où s’éteignent toutes les modulations du chant; 5 où l’on s’effraie de toute montée, où la route est pleine d’alarmes, où l’amandier fleurit, où une sauterelle paraît un pesant fardeau, et où les câpres demeurent impuissantes, car déjà l’homme se dirige vers sa demeure éternelle, et les pleureurs rôdent sur la place. 6 [N’attends pas] que se rompe la corde d’argent, que se brise la boule d’or, que le seau soit mis en pièces près de la fontaine et que la poulie fracassée roule dans la citerne; 7 que la poussière retourne à la poussière, redevenant ce qu’elle était, et que l’esprit remonte à Dieu qui l’a donné. 8 Vanité des vanités, disait Kohélet, tout est vanité! 9 Ce qui témoigne mieux encore que Kohélet était un sage, c’est qu’il ne cessa d’enseigner la science au peuple; il pesa, il scruta et composa de nombreuses sentences. 10 Kohélet s’appliqua à trouver des dictons de prix, des choses écrites avec droiture, des paroles de vérité. 11 Les paroles des sages sont comme des aiguillons, [les dires] des auteurs de collections, comme des clous bien plantés: tout émane d’un seul et même pasteur. 12 Mais, mon fils, sois bien en garde contre ce qui viendrait s’y ajouter: on fait des livres en quantité, à ne pas finir; or, beaucoup méditer, c’est se fatiguer le corps. 13 La conclusion de tout le discours, écoutons-la: “Crains Dieu et observe ses commandements; car c’est là tout l’homme. 14 En effet, toutes les actions, Dieu les appellera devant son tribunal, même celles qui sont entièrement cachées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. »
Il est encore dommage que les apprentis journalistes de Télérama “férocement” embourbés dans l’idéologie qui constitue une part de leur fiche de paie, nous empêchent, toujours, de goûter par l’image, la lumière, le jeu, les films et series excellents. qu’ils commentent, souvent assez bien.
On ne sait quand ils vont arrêter de nous accabler de lieux communs pour justifier la position de la revue catholique d’extrême, enlacée dans le grand frère (Le Monde), qui n’a pas encore su dépasser l’ultra gauche mécanique et le verbe universitaire américain.
S’il est vrai sur l’esthétisme, d’un point de vue gramsciste peut ne pas être autonome, le trop-plein, le devoir wokiste dont s’empare ces petits critiques nous gâche vision et lecture.
Il est dommage que l’idiotie se terre dans cette revue, pourtant pionnière dans la critique populaire de qualité et qui a viré dans le catéchisme wokiste insupportable.
Voici un exemple pour le film du soir : insupportable…
Au-delà même des blocages inhérents au fonctionnement de l’UE, les Européens ont été victimes des illusions du monde fondé sur le droit et la coopération qui est le leur mais qu’en dehors d’eux, désormais plus personne ne partage. Leur rappeler que c’est le champ de bataille qui décide de l’issue d’une guerre et non le droit, que l’agresseur peut l’emporter et qu’une mauvaise paix est mieuxqu’une bonne guerre n’est simplement plus audible sur notre continent. Pourtant, c’est le monde qui vient. Nous avons refusé de le voir en Ukraine ; ne le ratons pas ailleurs. Car il y aura des « ailleurs »…
Le Royaume-Uni et l’Ukraine ont signé ce samedi 2 mars un accord portant sur un prêt de 2,26 milliards de livres (soit près de 2,74 milliards d’euros) afin de soutenir les capacités de Kiev, en guerre contre la Russie depuis trois ans. Ce prêt sera remboursé avec les bénéfices des actifs russes gelés
Je m’exécute en livrant la liste de mes films préférés du circuit classique des trois dernières décennies. Pas originale. A vrai dire, juste un pense-bête. L’ordre ne reflète pas pas une hiérarchie.
PS1 Merci à Télérama, Sens critique, écran large et d’autres pour le collage des synopsis et casting.
PS2. POUR INFO : J’AI FABRIQUE CETTE IMAGE EN TETE DE MON BILLET AVEC DES MOTS, DES VERBES, DES EXPRESSIONS BALANÇÉS DANS UN LOGICIEL DE CREATION PAR INTELLIGENCE ARTIFICIELLE.
Licorice pizza
Paul Thomas Anderson.
2021
Un petit bijou.
SYNOPSIS. Alana et Gary se rencontrent par hasard le jour de la photo de classe de l’adolescent à son lycée. Alana, elle, n’est plus lycéenne, et tente de trouver sa place en travaillant en tant qu’assistante du photographe chargé du cliché. Sous le charme, Gary n’hésite pas à tenter d’impressionner cette dernière, mettant notamment en avant sa carrière naissante d’acteur. D’abord réticente, Alana finit par se laisser convaincre par ce séduisant beau-parleur à l’air si innocent. Elle le rejoint à New York, où Gary participe à une émission de télévision. Les événements prennent vite une tournure inattendue pour l’histoire d’amour naissante…(TELERAMA)
Phantom Thread
Paul Thomas Anderson.
2017
Oui, L’un de mes cinéastes préférés des un de ses chefs-d’oeuvre.
SYNOPSIS
A Londres, dans les années 50, Reynold Woodcock est un couturier obsessionnel, très talentueux et prolifique. C’est une star sollicitée par tout le gotha. Cet homme mystérieux multiplie les aventures jusqu’à ce qu’il rencontre Alma, une servante qui va changer sa vie. La jeune femme devient sa muse et son mannequin vedette. Cette nouvelle histoire ne plaît pas à Cyril, la collaboratrice et soeur étouffante du créateur. Reynolds, qui aime tout contrôler, se croit maudit en amour. Alma, au caractère fort, veut lui faire comprendre qu’il n’en est rien et que son attitude risque de ruiner leur relation…
CASTING
Daniel Day-Lewis
Lesley Manville
Vicky Krieps
Rutherford Camilla
Two lovers
James Gray
2008
SynopsisPoursuivi par le souvenir de sa fiancée perdue, Leonard Kraditor tente de se suicider en se jetant du haut d’un ponton, et se ravise au dernier moment. De retour chez ses parents, qui tiennent un pressing, il fait la connaissance du nouvel associé de son père, Michael Cohen, et de sa famille, en particulier de sa fille, Sandra, qui lui confesse rapidement avoir souhaité le rencontrer. Peu après, sur le palier, il aide une voisine nouvellement arrivée, Michelle, à fuir les insultes que lui lance son père dans la cage d’escalier. Irrésistiblement attiré par Michelle, dont la blondeur souriante cache la douleur d’une liaison sans avenir, il n’en continue pas moins de courtiser la brune et émouvante Sandra…
A sa sortie de prison, Leo Handler revient chez lui avec un seul but : rester dans le droit chemin. Il trouve du travail chez son oncle Franck, patron de l’Electric Rail Corporation, qui règne sur le metro dans le Queens. Son ami de toujours, Willie, l’initie aux méthodes de la société. Leo decouvre la face cachée des florissantes opérations de son oncle. Témoin de chantage, corruption, sabotage et même meurtre, il est au centre d’une situation explosive : il détient un secret qui fait de lui la cible de la plus impitoyable famille de la ville… La sienne (ALLO CINE)
Avec Mark Wahlberg, Joaquin Phoenix, Charlize Theron
La la Land
Damien Chazelle
2016
A Los Angeles, Mia, aspirante actrice, est fatiguée d’enchaîner les auditions. Sebastian, un pianiste de jazz, est remercié du club miteux où il exerce car son jeu n’est pas assez accessible aux touristes de passage. Les deux jeunes gens se rencontrent dans un embouteillage, partent sur de mauvaises bases avant de découvrir leurs nombreux points communs. Ils tombent amoureux l’un de l’autre. Sebastian veut monter son propre club pour y jouer enfin la musique qu’il aime et encourage Mia dans ses projets. Il est engagé dans un groupe dont le style est aux antipodes du sien, s’absente trop souvent et s’éloigne de son rêve. Ce qui inquiète Mia…
Ryan GoslingSebastian
Emma StoneMia
John LegendKeith
J.K. Simmon
Whiplash
Damien Chazelle
2014
SYNOPSIS : Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…
ACTEURS : Miles Teller/ J.K. Simmons /Paul Reiser
Drive
Nicholas Winding Refn
2011
A Los Angeles. A la nuit tombée, un cascadeur des studios de cinéma devient chauffeur pour des braqueurs, sous la direction de son ami et manager Shannon. Sa vie bascule quand il croise le chemin de la ravissante Irene, qui élève seule son fils en l’absence de son mari, Standard, qui purge une peine de prison. Quand Standard est libéré et qu’il doit effectuer un casse pour régler une dette contractée en prison, le chauffeur accepte de l’aider. L’opération est en fait un piège, et le chauffeur doit tuer les criminels qui menacent sa vie et celle d’Irene…
CASTING Ryan Gosling Carey Mulligan Cranston Albert Brooks
Gravity
Alfonso Cuaron
2013
Le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, est novice en matière d’expédition spatiale. Lors de son premier voyage, elle accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu’ils effectuent une banale sortie dans l’espace, des débris en orbite s’abattent sur leur navette. Ils se retrouvent seuls dans l’espace, à 600 kilomètres de la Terre. Alors que leurs chances de survie sont minimes, ils doivent faire preuve de beaucoup de sang-froid et d’entraide pour tenter de rejoindre le sol. Perdus dans cet univers infini, ils essaient de gérer des réserves d’oxygène qui diminuent peu à peu. Bientôt, une seconde vague de débris met leur vie en danger…
avec Sandra Bullock ET George Clooney
The revenant
Alessandro Gonzales Innaritu
2015
Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.
AVEC : Leonardo Di Caprio, Tqom Hardy
Gone girl
David Fisher
2014
À l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ?
CASTING : Ben Affleck et RoamundnPike
Interstellar
Christopher Nolan
2014
La planète Terre se meurt par trop de pollution et de gaspillage des ressources naturelles. Cooper est un ancien de la Nasa. Veuf et soucieux de l’environnement, il essaie de mener une vie normale auprès de ses enfants à la campagne. Pendant ce temps, les autorités ont découvert un tunnel cosmique qui permettrait de trouver une nouvelle planète, susceptible d’accueillir les humains. Cooper doit laisser sa famille et prendre les commandes d’une navette. Dans ce voyage périlleux en dehors de la galaxie, il est accompagné par deux autres explorateurs, Brand et Doyle. Conscients de l’importance de leur mission, ils ne sont pas sûrs de rentrer vivants…
AVEC :
Matthew McConaughey
Anne Hathaway
Jessica Chastain
Ellen Burstyn
the Lost city of Z
James Gray
2017
Au début du XXe siècle, Percival Harrison Fawcett, un colonel de l’armée britannique, est approché par la Société géographique de Londres afin d’établir une cartographie des frontières entre le Brésil et la Bolivie. Les deux pays se disputent la culture du caoutchouc dans la région car les limites territoriales n’y ont pas encore été établies avec exactitude. Au cours de ses expéditions, il a vent d’une cité perdue, cachée au coeur de la forêt amazonienne. Cette histoire l’obsède. Il laisse femme et enfants, et part à la recherche de cette civilisation, en compagnie de Henry Costin, qui finance cette exploration périlleuse…
CASTING
Robert Pattinson
Sienna Miller
Tom Holland
Dango unchained
Quentin Tarantino
2012
En 1858, dans le Sud des Etats-Unis, le docteur King Schultz, ancien dentiste reconverti en chasseur de primes, arrête un convoi d’esclaves et libère l’un d’entre eux, Django. Il pourrait être un précieux témoin pour retrouver les frères Brittle, dont la tête est mise à prix. Les deux hommes les retrouvent rapidement et Django les tue, pour se venger du sort qu’il lui ont fait subir, ainsi qu’à sa femme, vendue comme esclave au grand propriétaire terrien Calvin Candie. Schultz décide alors de prendre Django comme associé. Il est prêt à l’aider à retrouver sa femme et à se venger de l’infâme Candie..
A
Jamie Foxx
Christoph Waltzle
Leonardo DiCaprio
Kerry Washington
three billboards, les panneaux de la vengeance
Martin Mc Donagh
2017
Neuf mois après le meurtre de sa fille, Mildred Hayes (Frances McDormand) décide de réagir car l’enquête policier n’a eu aucun résultat. Elle inscrit sur trois panneaux menant à sa ville un message dirigé contre William Willoughby (Woody Harrelson), le respecté chef de la police. Lorsque Dixon (Sam Rockwell), l’officier en chef – au fort penchant pour la violence – s’implique dans la dispute, la lutte entre Mildred et les forces de l’ordre racistes et corrompues de la petite ville d’Ebbing prend un virage dangereux.
Frances McDormand
Woody Harrelson
Sam Rockwell
Abbie Cornish
Shutter island
Martin Sorcese
2010
En 1954, une femme placée en centre de détention psychiatrique à Shutter Island disparaît. Elle s’appelle Rachel Solando et est une meurtrière extrêmement dangereuse. Deux officiers du corps fédéral des marshals, Teddy Daniels et Chuck Aule, viennent enquêter sur place. Ils découvrent l’île humide et brumeuse au large de Boston où se trouve cet hôpital-prison d’un genre très particulier. Très vite, Teddy Daniels comprend que le personnel de l’établissement cache quelque chose. Seul indice dont il dispose : un bout de papier sur lequel est griffonnée une suite de chiffres entrecoupée de lettres…
Leonardo DiCaprio
Mark Ruffalo
Ben Kingsley
Michelle Williams
The Fighter
David.O. Russel
2010
Micky Ward est un jeune boxeur dont la carrière stagne. Il va rencontrer Charlene, une femme au caractère bien trempé, qui va l’aider à s’affranchir de l’influence négative de sa mère, qui gère maladroitement sa carrière, et de ses sœurs envahissantes.
Son demi-frère Dicky Eklund, lui, a connu la gloire sur le ring, il y a bien longtemps. C’était avant qu’il ne sombre dans la drogue, avant son séjour en prison.
Entre le sportif en quête d’un second souffle et l’ex-toxico, il y a longtemps que le courant ne passe plus. Trop de non-dits, d’échecs et de souffrances. Pourtant, parfois, les hommes changent, et Micky et Dicky vont peut-être avoir ensemble, la chance de réussir ce qu’ils ont raté chacun de leur côté…
Mullhohand drive
David Lynch
2001
Los Angeles, cité des anges. Une mystérieuse femme fatale, amnésique et blessée, erre sur la sinueuse route de Mulholland Drive. Elle se réfugie chez Betty, une apprentie comédienne fraîchement débarquée de sa province et venue conquérir Hollywood. D’abord effrayée par cette inconnue se faisant appeler Rita, Betty découvre dans son sac des liasses de billets verts. De plus en plus complices, les deux femmes décident de mener l’enquête afin de découvrir la véritable identité de Rita…
avec : Naomi Watts, Laura Elena Harring
Parasite
Bong joon Ho
2019
On vient de couper le téléphone dans la maison de Kim Ki-taek. Dans une extrême précarité, la famille profite du Wifi de ses riches voisins, les Park. Elle compte sur Yeon-Kyo, le fils aîné pour apporter de l’argent. La soeur de celui-ci lui fabrique un faux diplôme universitaire qu’il pourra montrer à Madame Park à la recherche d’un professeur d’anglais pour sa fille. Le jeune homme est alors invité dans sa luxueuse maison. Madame Park assiste au premier cours et lui montre les lieux. Et surtout les peintures de son fils. Des professeurs de dessin ont tenté d’enseigner des techniques à celui-ci mais ils ont fini par jeter l’éponge. Yeon-Kyo songe à sa soeur et pense que son arnaque est parfaite…
Song Kang-hoKi-taek
Lee Sun-kyunDong-ik
Yeo-jeong ChoYeon-kyo
Jang Hye-ji
Winter sleep
Nuri Bilge Ceylan
1917
Sam Mendes
Green Book, sur les routes du Sud
Peter Farelli
No country for old men
Coen brothers
Un chef-d’œuvre des frères Cohen.
Million dollar baby
Clint Eastwood. Immense.
Nomadland
Chloé Zhao.
American beauty
Sam Mendes
Match point
Woody Allen
History of violence
David Cronenberg
Memories of murder
Bong Joon Ho
Something wild
Jonathan Demme
The brutalist
Brady Corbet
Skyfall
Sam Mendes
Le meilleur James Bond de tous les temps.
Oppenheimer
Christopher Nolan
Prisoners
Denis Villeneuve
Hard Eight
Paul Thomas Anderson
The yards
James Gray
There will be blood
Paul Thomas Anderson
Two lovers
James Gray
Richard Jewell
Clint Eastwood
PS1. The “deer hunter”, voyage au bout de l’enfer” qui est mon film préféré ne figure pas sur la liste..Trop vieux (1978)
PS2. J’aurais pu ajouter à la liste :
– First Man (sur Neil.Amstrong)
– Birdman avec un fabuleux Michael Keaton
– Blade runner 2049
PS3. Et puisqu’on insiste, je donne mon film préféré de tous les temps en concurrence avec “la vie est belle de Capra. C’est “The shop around the corner” (“le rendez-vous” en Français) de Ernst Lubitsch, maître de Billy Wilder.
Et s’agissant de Wilder et puisque j’y suis, je consens à offrir le titre du meilleur roman sur le cinéma, écrit par l’immense écrivain anglais Jonathan Coe “BILLY WILDER ET MOI”
Je ne savais qu’arrivé presque au bout du roman, j’allai lire des lignes de la narratrice sur le film de Lubitsch que j’ai vu dans la nuit (The shop..). Je suis donc revenu dans mon billet pour un PS2. Je donne l’extrait. Il y a des moments, comme ça, assez curieux.
Le film que Matthew et moi allions voir s’appelait Rendez-vous en français. En anglais, il s’intitule The Shop Around the Corner. C’était bizarre de le voir par cette chaude soirée d’août à Paris, parce que c’est foncièrement un film de Noël. Ça racontait une belle histoire d’amour toute simple entre un vendeur et une vendeuse d’un modeste magasin de Budapest qui s’éprennent l’un de l’autre par lettres interposées, mais ne se supportent pas dans la vraie vie. Ce qui m’a le plus marquée dans cette séance, c’était le calme qui y régnait. Je ne parle pas de la salle, car le cinéma était plein et il y avait beaucoup de rires. Je parle du calme à l’écran : parce que le film n’avait absolument aucune musique (à part les génériques de début et de fin) et que presque tous les dialogues entre les deux amants étaient prononcés sur le ton du murmure. Ce n’était pas simplement un film sans coups de feu, sans explosions ou vrombissements de moteurs, c’était un film dans lequel il n’y avait pratiquement jamais un mot plus haut que l’autre. Mais malgré – ou peut-être grâce à – cette retenue, la chaleur du film s’insinuait progressivement en vous, vous irradiait de son rayonnement ambré, jusqu’à ce que vous aussi vous n’ayez qu’une envie : partager la féerie tendre et feutrée de l’amour que se déclarent James Stewart et Margaret Sullavan dans la scène finale. À mon sens, c’est peut-être le film le plus romantique qui ait jamais été réalisé. Dès notre sortie du cinéma, alors que nous commencions à marcher dans la rue, ma main chercha celle de Matthew et il la serra en retour.
Jonathan Coe. Billy Wilder et moi. Éditions Gallimard (collection du monde entier)
“Avez-vous dit merci une seule fois ? » : la retranscription intégrale de ce que se sont dit Trump, Zelensky et Vance
Le président ukrainien a rencontré Donald Trump à Washington, vendredi, pour tenter d’avancer vers un accord de paix avec la Russie. Voici la retranscription intégrale de leur dialogue aussi surréaliste qu’historique.
Par LePoint.fr
Publié le 28/02/2025 à 22:30
La rencontre entre Donald Trump, Volodymyr Zelensky et J. D. Vance a dégénéré devant les caméras du monde entier . Dans le décor solennel du Bureau ovale, les trois hommes ont échangé des propos d’une rare véhémence, remettant en question les codes mêmes de la diplomatie internationale. L’atmosphère s’est nettement envenimée lorsque le président américain a émis un avertissement : «Soit vous concluez un accord, soit nous partons. » Cet échange marqué par des exigences de reconnaissance et des menaces à peine voilées a conduit à une solution diplomatique en pleine impasse. Le texte qui va suivre est la retranscription intégrale de la conversation qui s’est déroulée ce soir, 28 février 2025, dans le Bureau ovale à Washington D.C.
Donald Trump : Eh bien, si je ne m’alignais pas sur les deux parties, vous n’auriez jamais d’accord. Vous voulez que je dise des choses vraiment terribles sur Poutine et que je dise ensuite : « Salut, Vladimir, comment ça se passe avec l’accord ? » Ça ne marche pas comme ça. Je ne suis pas aligné sur Poutine. Je ne suis aligné avec personne. Je suis aligné avec les États-Unis d’Amérique. Et pour le bien du monde, je suis aligné avec le monde et je veux en finir avec cette affaire. [S’adressant aux journalistes présents dans le Bureau ovale] Vous voyez la haine qu’il a pour Poutine. C’est très difficile pour moi de conclure un accord avec une telle haine. Il a une haine énorme et je le comprends. Mais je peux vous dire que l’autre camp n’est pas vraiment amoureux de lui non plus, vous savez. Ce n’est donc pas une question d’alignement. Je veux que les choses soient réglées. Je suis aligné avec l’Europe. Je veux voir si nous pouvons régler cette affaire. Vous voulez que je sois dur ? Je pourrais être plus dur que n’importe quel être humain que vous ayez jamais vu. Je serais tellement dur… Mais vous n’obtiendrez jamais d’accord de cette façon. Donc c’est comme ça que ça se passe.
J. D. Vance : Pendant quatre ans, les États-Unis d’Amérique ont eu un président qui s’est levé lors des conférences de presse et a parlé durement de Vladimir Poutine. Et puis Poutine a envahi l’Ukraine et détruit une partie importante du pays. La voie de la paix et de la prospérité est peut-être engagée. Nous avons essayé la voie de Joe Biden, qui consiste à se vanter et à prétendre que les paroles du président des États-Unis comptent plus que ses actions. Ce qui fait de l’Amérique un bon pays, c’est que l’Amérique s’engage dans la diplomatie. C’est ce que fait le président Trump.
Volodymyr Zelensky : Puis-je vous poser une question ? [Poutine] a occupé nos régions, de grandes régions d’Ukraine, des régions de l’Est et la Crimée en 2014. Donc pendant de nombreuses années, je ne parle pas seulement de Biden, mais à cette époque, c’était Obama, puis à nouveau le président Obama, puis le président Trump, puis le président Biden, maintenant le président Trump. Et que Dieu le bénisse, maintenant le président Trump va l’arrêter… Mais en 2014 donc, personne ne l’a arrêté. Il a juste occupé et pris [des territoires]. Il a tué des gens. Vous savez quand le premier contact a eu lieu ? En 2015. Je n’étais pas là.
J. D. Vance : C’est tout à fait exact.
Volodymyr Zelensky : Oui, mais de 2014 à 2022, la situation était la même. Des gens sont morts sur la ligne de contact. Personne ne l’a arrêté. Vous savez que nous avons eu des conversations avec lui, beaucoup de conversations et nous avons signé avec lui. Moi, comme un nouveau président, j’ai signé en 2019 avec lui, Macron et Merkel, nous avons signé le cessez-le-feu. Tous m’ont dit qu’il ne partirait jamais. Nous lui avons signé un contrat gazier. Sauf qu’après cela, il a rompu le cessez-le-feu. Il a tué nos ressortissants et il n’a pas procédé à l’échange de prisonniers. Nous avons signé l’échange de prisonniers, mais il ne l’a pas fait. De quel genre de diplomatie parle-t-on ?
J. D. Vance : Je parle du type de diplomatie qui mettra fin à la destruction de votre pays. Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, je pense qu’il est irrespectueux de votre part de venir dans le Bureau ovale et d’essayer de plaider cette affaire devant les médias américains. En ce moment, vous allez de l’avant et vous forcez les conscrits à aller au front parce que vous avez des problèmes de main-d’œuvre. Vous devriez remercier le président d’essayer de mettre fin à ce conflit.
Volodymyr Zelensky : Êtes-vous déjà allé en Ukraine pour dire quels sont nos problèmes ?
J. D. Vance : J’ai observé et vu des reportages, et je sais que ce qui se passe, c’est que vous amenez des gens pour une tournée de propagande, monsieur le président. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que vous avez eu des problèmes pour faire entrer des gens dans votre armée ? Et pensez-vous qu’il est respectueux de venir au Bureau ovale des États-Unis d’Amérique et d’attaquer l’administration qui tente d’empêcher la destruction de votre pays ?
Volodymyr Zelensky : Cela fait beaucoup de questions. Commençons par le début. Tout d’abord, pendant la guerre, tout le monde a des problèmes. Même vous, mais que Dieu vous bénisse, vous n’aurez pas de guerre.
Donald Trump : Ne nous dites pas ce que nous devons ressentir. Nous essayons de résoudre un problème. Ne nous dites pas ce que nous devons ressentir, vous n’êtes pas en position de le dicter, souvenez-vous-en. Nous allons nous sentir très bien et très forts. Vous vous sentirez influencés. Vous n’êtes pas en très bonne position en ce moment. Vous vous êtes mis dans une très mauvaise position, et il se trouve qu’il a raison à ce sujet.
Volodymyr Zelensky : Depuis le tout début de la guerre, monsieur le président…
Donald Trump : Vous n’êtes pas en bonne position. Vous n’avez pas les cartes en ce moment. Avec nous, vous commencez à avoir des cartes. Je ne joue pas aux cartes. En ce moment, vous jouez aux cartes. Je suis très sérieux, monsieur le président. Vous jouez aux cartes. Je suis très sérieux. Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la troisième guerre mondiale. Et ce que vous faites est très irrespectueux envers le pays, ce pays. Je suis avec vous. Je vous respecte bien plus que beaucoup de gens.
J. D. Vance : Avez-vous dit merci une seule fois pendant toute cette réunion ? Non, pendant toute cette réunion, avez-vous dit merci ? Vous êtes allé en Pennsylvanie et avez fait campagne pour l’opposition en octobre. Offrez quelques mots de reconnaissance pour les États-Unis d’Amérique et le président qui essaie de sauver votre pays.
Volodymyr Zelensky : S’il vous plaît, vous pensez que si vous parlez très fort de la guerre, vous pouvez…
Donald Trump : Il ne parle pas fort. Il ne parle pas fort. Votre pays est en grande difficulté. Attendez une minute. Non, non. Vous avez beaucoup parlé. Votre pays est en grande difficulté.
Volodymyr Zelensky : Je sais.
Donald Trump : Vous ne gagnez pas. Vous ne gagnez pas. Vous avez de très bonnes chances de vous en sortir grâce à nous.
Volodymyr Zelensky : Monsieur le président, nous restons dans notre pays, forts depuis le tout début de la guerre. Nous avons été seuls, et nous en sommes reconnaissants. J’ai dit merci dans ce cabinet.
Donald Trump : Vous n’avez pas été seuls. Nous vous avons donné, par l’intermédiaire de ce stupide président, 350 milliards de dollars. Nous vous avons donné du matériel militaire. Et vous, les hommes, vous êtes courageux, mais ils ont dû s’en servir. Ils ont dû utiliser nos militaires. Si vous n’aviez pas notre équipement militaire, cette guerre aurait été terminée en deux semaines.
Volodymyr Zelensky : (exaspéré) En trois jours. Je l’ai entendu de la bouche de Poutine. En trois jours. Peut-être moins. Bien sûr, oui…
Donald Trump : Ce sera très difficile de faire des affaires comme ça. Je vous le dis.
J. D. Vance : Allons plaider ces désaccords plutôt que d’essayer de nous battre dans les médias américains quand vous avez tort. Nous savons que vous avez tort.
Donald Trump : Mais vous voyez, je pense que c’est bien pour le peuple américain de voir ce qui se passe. Je pense que c’est très important. C’est pourquoi j’ai laissé faire pendant si longtemps. Vous devez être reconnaissant. Vous n’avez pas les cartes en main. Vous êtes enterrés là-bas. Des gens meurent. Vous manquez de soldats. Écoutez. Vous manquez de soldats. Ce serait une sacrée bonne chose. Alors, dites-nous : « Je ne veux pas de cessez-le-feu. » Voyons si vous pouvez nous obtenir un cessez-le-feu maintenant, pour que les balles cessent de voler et que vos hommes cessent de se faire tuer.
Volodymyr Zelensky : Bien sûr que nous voulons arrêter la guerre.
Donald Trump : Mais vous dites que vous ne voulez pas de cessez-le-feu ! Moi, je vous l’ai dit, je veux un cessez-le-feu.
Volodymyr Zelensky : Avec des garanties ! Parce que vous obtiendrez un cessez-le-feu plus rapidement qu’un accord. Demandez à mon peuple ce qu’il pense du cessez-le-feu.
Donald Trump : Ce n’était pas avec moi, c’était avec un type nommé Biden qui n’était pas une personne intelligente. C’était avec Obama.
Volodymyr Zelensky : C’est votre président.
Donald Trump : C’était avec Obama qui vous a donné des couvertures et moi je vous ai donné des missiles Javelins.
Volodymyr Zelensky : Oui.
Donald Trump : Je vous ai donné les Javelins pour éliminer tous ces chars. Obama vous a donné des couvertures. Vous devez être plus reconnaissant. Parce que laissez-moi vous dire que vous n’avez pas les cartes. Avec nous, vous avez les cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte. Ce sera une affaire difficile à conclure. Parce que les attitudes doivent changer.
Une journaliste : Et si la Russie rompt ce cessez-le-feu ?
Donald Trump : Et quoi encore ? Et si une bombe vous tombait sur la tête maintenant ? Ils l’ont rompu avec Biden parce qu’ils ne le respectaient pas. Ils ne respectaient pas Obama. Moi, ils me respectent. Je vais vous dire, Poutine a traversé un enfer avec moi. Il a traversé une fausse chasse aux sorcières où ils se sont servis de lui et de la Russie. Vous avez déjà entendu parler de cette affaire ? C’était une fausse arnaque de Hunter Biden avec Joe Biden, Hillary Clinton, le sournois Adam Schiff… une arnaque démocrate. Et il a dû subir ça. Et il l’a subi. Nous n’avons pas fini en guerre. Il a été accusé de toutes ces choses. Il n’avait rien à voir avec ça. Ça venait de la salle de bains de Hunter Biden. Ça venait de la chambre de Hunter Biden. C’était dégoûtant. Et puis ils ont dit, oh, oh, l’ordinateur portable de l’enfer a été fabriqué par la Russie, les 51 agents. Tout cela n’était qu’une arnaque. Et il a dû supporter ça. Il a été accusé de toutes ces choses…[Poutine] a peut-être rompu des accords avec Obama et Bush, et il les a peut-être rompus avec Biden, peut-être, peut-être pas, je ne sais pas ce qui s’est passé. Mais il ne les a pas rompus avec moi. Il veut conclure un accord. Je ne sais pas s’il peut conclure un accord. Le problème, c’est que je vous ai donné les moyens d’être un dur à cuire. Et je ne pense pas que tu serais un dur à cuire sans les États-Unis. Et ton peuple est très courageux. Mais soit vous concluez un accord, soit nous partons. Et si nous partons, vous vous battrez. Je pense que ça ne sera pas très joli, mais vous vous battrez. Vous n’avez pas les cartes en main. Mais une fois que nous aurons signé cet accord, vous serez dans une bien meilleure position. Mais vous n’agissez pas du tout avec gratitude. Et ce n’est pas gentil. Je vais être honnête. Ce n’est pas gentil. Très bien. Je pense que nous en avons assez vu. Qu’en pensez-vous ? Ça va être un super moment de télévision, je vous le dis.
0:05, 5 mn après minuit. Pas eu le temps pour les billets des 2 derniers films. Je viens de finir de voir, toujours sur ma tablette, qui veille sur moi, “a real pain”, petit bijou de film, sur le mode Allen. Je laisse la place aux critiques. Faut dormir. Beau film.
Le Point :
« A Real Pain »✭✭✭✭ Après la mort de leur grand-mère, ancienne survivante du camp d’extermination de Majdanek, en Pologne, deux cousins juifs new-yorkais (Kieran Culkin et Jesse Eisenberg) s’envolent pour l’Europe sur les traces de leur tragique héritage familial. Un film pudique, élégant, et bienveillant malgré son sujet grave.
« A Real Pain » : la thérapie familiale de Jesse Eisenberg
Avec ce très beau film, sur les écrans ce mercredi, l’acteur juif new-yorkais, qui a incarné Mark Zuckerberg dans « The Social Network », revient aux sources de son mal-être.
Par Philippe Guedj
Publié le 26/02/2025 à 08:00
« Pourquoi suis-je déprimé ? Pourquoi est-ce que je continue à me sentir si mal, alors que ma vie est belle, que j’ai une femme magnifique et que je suis en train de donner des interviews dans un hôtel à Paris ? » Jesse Eisenberg, 41 ans, en proie à des troubles de l’anxiété depuis l’enfance, nous confie sans filtre son spleen chronique.
En cause : peut-être le basculement de son pays dans une seconde ère Trump, qui ronge ce démocrate revendiqué. Qui souffre, désormais, d’avoir incarné au cinéma un homme auquel il est à jamais associé et dont il critique haut et fort les « décisions problématiques » et l’« obsession du pouvoir ».
Mark Zuckerberg, bien sûr, le patron de Facebook, dont il a joué le rôle en 2010 dans The Social Network . Eisenberg lui reproche, outre la suppression des fact-checkers, d’avoir embauché un proche de Trump – Joel Kaplan – comme président des affaires mondiales, et d’aggraver la toxicité du réseau social.
« Le mal-être des Juifs de la troisième génération »
Mais la mélancolie de Jesse Eisenberg s’enracine dans une cause bien plus profonde et ancienne : l’insaisissable culpabilité portée par les petits-enfants des survivants de la Shoah . Une thématique au cœur de A Real Pain, son très beau deuxième long-métrage comme réalisateur.
Le récit du voyage initiatique en Pologne de deux cousins juifs new-yorkais, Benji (Kieran Culkin, ex-star de la série Succession) et David (Eisenberg), partis sur les traces de leur grand-mère récemment décédée et ancienne survivante du camp d’extermination de Majdanek, voisin de Lublin.
Nul doute que Jesse Eisenberg, New-Yorkais marié à une éducatrice pour enfants handicapés, père de deux enfants et issu d’une famille juive polonaise chassée du pays pendant la guerre, s’identifie bien davantage à son personnage de A Real Pain qu’au milliardaire créateur de Facebook.
La détresse qui hante David, dans ce nouveau film, tout au long de son périple avec Benji dans le cadre d’un circuit touristique centré sur la mémoire de la Shoah, Eisenberg la combat lui-même au présent : « A Real Pain parle de cela : le mal-être des Juifs de la troisième génération, qui se sentent coupables et misérables alors qu’ils vivent à l’abri des horreurs du monde. Comme l’a décrypté le psychanalyste survivant des camps Viktor Frankl dans Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, j’ai besoin de me connecter à plus grand que moi, et cela passe par le récit de ma propre histoire, comme je le fais dans A Real Pain. »
Le tournage dans l’enceinte même du camp de Majdanek pour une scène clé de l’intrigue n’a pas laissé indemnes les acteurs, en larmes pour de vrai sur place : « Kieran Culkin a craqué en voyant des souliers d’enfants dans le monceau de chaussures conservées dans le camp », évoque Eisenberg.
Sobre et poignant, A Real Pain, qui évoque aussi le génocide tutsi au Rwanda à travers l’un de ses protagonistes, est avant tout, selon son réalisateur, une condamnation universelle de la haine de l’autre. Rassurez-vous : malgré son sujet, le film n’oublie pas de sourire avec ses héros névrosés. Comme dans les meilleures comédies dramatiques, Eisenberg célèbre l’empathie, l’autodérision ainsi qu’un touchant humanisme.
Mais l’artiste ne se fait guère d’illusions sur le présent et encore moins sur le futur : « Enfant, j’ai été traumatisé par un reportage sur le KKK, dans lequel un homme comparait les Juifs à des cafards. Les Juifs grandissent avec l’idée qu’ils seront toujours une minorité détestée par plus nombreux qu’eux. Parfois, c’est à la une de tous les journaux, comme le 7 Octobre. Le plus souvent, ce sont juste des infos de dernière page, mais rien ne change. » Et le quadra de conclure, désarmant : « Faire A Real Pain a été une bonne thérapie, mais je ne suis pas plus optimiste. »
Comédie dramatique (États-Unis, 2024), de Jesse Eisenberg.
Télérama
Par Marie Sauvion
“A Real Pain” : Jesse Eisenberg signe un subtil buddy movie sur la mémoire de la Shoah Deux cousins juifs new-yorkais visitent la Pologne sur les traces de leur aïeule. Un road-movie enlevé et une subtile réflexion sur nos pratiques mémorielles.
Telle Mary Poppins extirpant un portemanteau, une plante verte et un lampadaire d’un sac en tapisserie riquiqui, Jesse Eisenberg case une foultitude de genres dans la petite heure et demie d’A Real Pain : un savoureux buddy movie,une comédie dépressive aux accents alléniens ma non troppo et, plus original, un questionnement troublant sur la mémoire de la Shoah. Si la magie opère, c’est que l’acteur-réalisateur américain garde la main légère et sait prendre la tangente quand s’annonce « la grande scène du deux ». Ainsi lorsqu’un personnage devrait logiquement, banalement, s’épancher sur sa « vraie douleur » (traduction possible du titre) mais préfère fumer un joint en silence.
Ne pas s’étendre, voilà bien une qualité de ce long métrage coproduit par Emma Stone, de même que sa pratique du « double entendre », comme disent les Anglais, puisque l’expression « a real pain » signifie aussi « un vrai casse-pieds ». Et pénible, Benji (Kieran Culkin, le Roman Roy de la série Succession) l’est, de fait, champion olympique de la saute d’humeur qui ne s’en révèle pas moins doté d’un charme fou, empathique, capable de se lier avec le premier venu – soit, comme attendu, l’inverse de son cousin David (Jesse Eisenberg), un inquiet, un discret, toujours en retrait. Défaite depuis que ce dernier a fondé une famille, la paire de germains se reforme le temps d’un bref séjour en Pologne, pays d’origine d’une grand-mère adorée, survivante du génocide récemment disparue.
La trouvaille, inspirée à l’auteur par une réclame vertigineuse (« Visite Holocauste, déjeuner compris »), consiste à offrir au duo de Juifs new-yorkais un voyage de groupe. Guidés par un Anglais intarissable (Will Sharpe), quatre autres touristes enrichissent ainsi cette étude de caractères, menée au pas de course de Varsovie à Lublin et de Lublin au camp de concentration de Majdanek, distant de seulement 2 kilomètres, après quoi David et Benji ont prévu de s’échapper pour découvrir la maison où vécut leur aïeule. Observateur mordant – en témoignait déjà son coup d’essai When You Finish Saving the World, découvert en 2022 à la Semaine de la critique à Cannes –, Jesse Eisenberg slalome allègrement entre les écueils et signe un deuxième film plus abouti, plus profond aussi.
Nommé aux Oscars pour son scénario original et l’interprétation de Culkin, déjà récipiendaire d’un Golden Globe et d’un BAFTA, dans la catégorie de second rôle, A Real Pain superpose la souffrance de Benji, bien réelle et regardée sans mépris, aux traces, écrasantes ou presque effacées, d’un trauma historique. Dans Occupied City, un documentaire tourné pendant la pandémie de Covid, le cinéaste Steve McQueen recensait, de manière exhaustive, les lieux qui abritèrent des Juifs ou des résistants à Amsterdam pendant l’occupation nazie. Dans l’ex-quartier juif de Lublin, Eisenberg, lui, cherche « les souvenirs de la vie » au moyen de courts plans fixes, cadrés telles des cartes postales ensoleillées. Tandis que la voix off du guide égrène ce qui fut là une synagogue, ici la boutique d’un tailleur, ailleurs une boulangerie ou une école hébraïque, l’image montre ce qui reste, une palissade, une ruelle encombrée de poubelles, des bâtiments d’après-guerre.
Un peu plus tôt, devant le monument dédié à l’insurrection de Varsovie, le réalisateur imagine une formidable scène de comédie : à l’initiative de Benji, tout le monde file prendre une pose héroïque au côté des statues d’hommes en armes, alors que David, sans doute empêché par son idée de la décence, se retrouve préposé aux photos. La Valse no 1 de Chopin rehausse la drôlerie du moment, le compositeur faisant partie de l’expédition quasi in extenso et lui imprimant son tempo (la cavalcade de la Valse no 6) ou sa mélancolie (Nocturne no 15). À sa façon parfois acide, A Real Pain interroge nos pratiques mémorielles – doit-on prendre le train en première ou en deuxième classe pour visiter un camp de la mort ? – et trouve assez de tendresse pour accueillir les chagrins du présent.
PS. Emma Stone, mon amoureuse, a coproduit le film. Elle est encore plus mon idole. MB.
1:55 du matin. Pas eu le temps d’écrire mon long billet sur ” The brutalist”. Viens de finir de voir, à l’instant, toujours sur ma tablette inséparable, qui ne me lâchera pas, sûr, ” A complete unknown” (“un parfait inconnu “). Faut dormir. Like a falling stone. 2 billets en retard et mes mille pages sur l’essentiel, qu’à la moitié. J’y arriverai pas. Pas grave.
Oui, la culture change le monde, oui , la culture change les êtres en humains. A demain.
Il était tard lorsque K. arriva. Une neige épaisse couvrait le village. La colline était cachée par la brume et par la nuit, nul rayon de lumière n’indiquait le grand Château. K. resta longtemps sur le pont de bois qui menait de la grand-route au village, les yeux levés vers ces hauteurs qui semblaient vides. Puis il alla chercher un gîte ; les gens de l’auberge n’étaient pas encore au lit ; on n’avait pas de chambre à louer, mais, surpris et déconcerté par ce client qui venait si tard, l’aubergiste lui proposa de le faire coucher sur une paillasse dans la salle. K. accepta. Il y avait encore là quelques paysans attablés autour de leurs chopes, mais, ne voulant parler à personne, il alla chercher lui-même la paillasse au grenier et se coucha près du poêle. Il faisait chaud, les paysans se taisaient, il les regarda encore un peu entre ses paupières fatiguées puis s’endormit. Mais il ne tarda pas à être réveillé ; l’aubergiste se tenait debout à son chevet en compagnie d’un jeune homme à tête d’acteur qui avait des yeux minces, de gros sourcils, et des habits de citadin. Les paysans étaient toujours là, quelques-uns avaient fait tourner leurs chaises pour mieux voir. Le jeune homme s’excusa très poliment d’avoir réveillé K. et se présenta comme le fils du portier du Château, puis déclara : « Ce village appartient au Château ; y habiter ou y passer la nuit c’est en quelque sorte habiter ou passer la nuit au Château. Personne n’en a le droit sans la permission du comte. Cette permission vous ne l’avez pas ou du moins vous ne l’avez pas montrée. » K. s’étant à moitié redressé passa la main dans ses cheveux pour se recoiffer, leva les yeux vers les deux hommes et dit : – Dans quel village me suis-je égaré ? Y a-t-il donc ici un Château ? – Mais oui, dit le jeune homme lentement, et quelques-uns des paysans hochèrent la tête, c’est le Château de monsieur le comte Westwest. – Il faut avoir une autorisation pour pouvoir passer la nuit ? demanda K. comme s’il cherchait à se convaincre qu’il n’avait pas rêvé ce qu’on lui avait dit. – Il faut avoir une autorisation, lui fut-il répondu, et le jeune homme, étendant le bras, demanda, comme pour railler K., à l’aubergiste et aux clients : – À moins qu’on ne puisse s’en passer ? – Eh bien, j’irai en chercher une, dit K. en bâillant, et il rejeta la couverture pour se lever. – Oui ? Et auprès de qui ? – De monsieur le comte, dit K., il ne me reste plus autre chose à faire. – Maintenant ! À minuit ! Aller chercher l’autorisation de monsieur le comte ? s’écria le jeune homme en reculant d’un pas. – C’est impossible ? demanda calmement K. Alors pourquoi m’avez-vous réveillé ? Le jeune homme sortit de ses gonds. – Quelles manières de vagabond ! s’écria-t-il. J’exige le respect pour les autorités comtales ! Je vous ai réveillé pour vous dire d’avoir à quitter sur-le-champ le domaine de monsieur le comte. – Voilà une comédie qui a assez dure, dit K. d’une voix étonnamment basse en se recouchant et en ramenant la couverture sous son menton. Vous allez un peu loin, jeune homme, et nous en reparlerons demain. L’aubergiste, ainsi que ces messieurs, sera témoin, si toutefois j’ai besoin de témoins. En attendant je vous préviens que je suis l’arpenteur que monsieur le comte a fait venir. Mes aides arriveront demain, en voiture, avec les appareils. Je n’ai pas voulu me priver d’une promenade dans la neige mais j’ai perdu plusieurs fois mon chemin et c’est pourquoi je suis arrivé si tard. Je savais très bien que ce n’était plus l’heure de se présenter au Château sans que vous ayez besoin de me l’apprendre. Voilà pourquoi je me suis contenté de ce gîte, où vous avez eu, pour m’exprimer avec modération, l’impolitesse de venir me déranger. Je n’ai pas autre chose à vous dire. Et maintenant bonne nuit, messieurs. Et K. se retourna vers le poêle. « Arpenteur ? » prononça encore derrière lui une voix qui semblait hésiter ; sur quoi tout le monde se tut. Mais le jeune homme ne tarda pas à se ressaisir et demanda à l’hôte, sur un ton assez bas pour marquer quelque égard à l’endroit du sommeil de K…, mais assez haut pour pouvoir être entendu de lui : – Je vais me renseigner au téléphone. Eh quoi ! le téléphone était-il installé dans cette auberge de village ? Quelle merveilleuse organisation ! Le détail en surprenait K. bien qu’il se fût attendu à l’ensemble. L’appareil se trouvait presque au-dessus de sa tête – K. avait eu tellement sommeil qu’il ne s’en était pas aperçu – ; si le jeune homme téléphonait il ne pourrait le faire sans troubler le dormeur, quelque bonne volonté qu’il y mit ; il ne s’agissait que de savoir si K. le laisserait oui ou non téléphoner : il décida de le laisser. Mais il devenait inutile dès lors de feindre le sommeil. Il voyait déjà les paysans se rapprocher pour parler entre eux, car la venue d’un arpenteur n’était pas mince événement. La porte de la cuisine s’était ouverte ; la puissante silhouette de l’hôtesse l’emplissait toute ; l’aubergiste s’approcha de sa femme sur la pointe des pieds pour lui faire part des événements ; et la conversation téléphonique commença. Le portier était endormi, mais il y avait un sous-portier à l’appareil, l’un des sous-portiers, un Monsieur Fritz. Le jeune homme s’était nommé – il s’appelait Schwarzer – raconta comme quoi il avait trouvé K., un homme de trente à quarante ans, tout déguenillé, dormant tranquillement sur une paillasse avec son sac pour oreiller et un bâton noueux à portée de la main. Naturellement il lui avait paru suspect, et, comme l’aubergiste avait visiblement négligé son devoir, il avait dû, lui Schwarzer, étudier cette affaire pour accomplir le sien. K. avait pris fort mal la chose quand il s’était vu réveillé, interrogé et menacé, comme de rigueur, d’être expulsé ; il avait peut-être d’ailleurs le droit de s’irriter, car il affirmait qu’il était un arpenteur venu sur les ordres du comte. Le devoir exigeait qu’on examinât, ne fût-ce que pour la forme, le bien-fondé de cette affirmation. Schwarzer priait en conséquence Monsieur Fritz de demander au bureau central si l’on attendait vraiment un arpenteur et de téléphoner immédiatement ce qu’on aurait appris. Puis tout se tut ; là-bas, Fritz devait se renseigner, et on attendait la réponse. K. ne changea pas de position, il ne se retourna même pas, ne témoigna aucune curiosité et resta là à regarder devant lui dans le vide. Ce rapport de Schwarzer où se mêlaient la prudence et la méchanceté lui donnait une idée des ressources diplomatiques dont jouissaient au Château même d’infimes employés. C’étaient des travailleurs puisqu’il y avait un service de nuit au bureau central, et ce service devait donner très vite les informations demandées car Fritz rappelait déjà. Sa réponse dut être bien courte, Schwarzer raccrocha aussitôt violemment : – Je le disais bien, s’écria-t-il, pas plus d’arpenteur que sur ma main, un vulgaire vagabond qui raconte des histoires, et pis encore probablement. Un instant K. pensa que tous, Schwarzer, patron, patronne et paysans allaient se précipiter sur lui. Pour éviter le premier choc il se recroquevilla sous sa couverture. À ce moment le téléphone rappela encore, et assez fort. K. sortit lentement la tête. Bien qu’il fût très invraisemblable que ce deuxième appel le concernât aussi, tout le monde s’arrêta et Schwarzer retourna à l’appareil. Il écouta une assez longue explication, puis il dit à voix basse : – C’était une erreur ! Voilà qui est très gênant pour moi. Le chef de bureau a téléphoné lui-même ? Étrange, étrange. Comment expliquer la chose à Monsieur l’arpenteur ? K. dressa l’oreille. Le Château l’avait donc nommé arpenteur. D’un côté c’était mauvais ; cela montrait qu’au Château on savait de lui tout ce qu’il fallait, qu’on avait pesé les forces en présence et qu’on acceptait le combat en souriant. Mais d’autre part c’était bon signe aussi, car cela prouvait, à son avis, qu’on sous-estimait ses forces et qu’il aurait plus de liberté qu’il n’en eût pu espérer de prime abord. Si l’on croyait pouvoir le tenir en état de crainte constante en reconnaissant ainsi sa qualité d’arpenteur – ce qui donnait évidemment au Château la supériorité morale, – on se trompait ; il en éprouvait bien un petit frisson passager, mais c’était tout. Comme Schwarzer s’approchait de lui timidement, il lui fit signe de s’éloigner ; il refusa aussi de s’installer, comme on l’en pressait, dans la chambre même de l’hôte ; il n’accepta qu’un peu de boisson de l’aubergiste et de l’hôtesse qu’une cuvette avec une serviette et du savon ; il n’eut même pas à demander qu’on évacuât la salle, tout le monde se retira vivement en détournant la tête pour ne pas risquer d’être reconnu le lendemain. On éteignit la lampe et il put enfin se reposer. Il s’endormit profondément et s’éveilla au matin d’un sommeil qui n’avait été troublé qu’une ou deux fois par les promenades des rats. Après le déjeuner qui, d’après l’aubergiste, devait être réglé par le Château comme tout l’entretien de K., il voulut se rendre au village immédiatement. Mais comme son hôte, avec lequel il n’avait encore échangé que les paroles les plus nécessaires – car il se souvenait de la scène de la veille, – comme son hôte ne cessait de rôder autour de lui d’un air suppliant, il le prit en pitié et le fit asseoir un instant. – Je ne connais pas encore le comte, lui dit-il ; il paraît qu’il paye bien le bon travail, est-ce vrai ? Quand on part comme moi si loin de sa femme et de son enfant, ce n’est pas pour revenir les mains vides. – Vous n’avez pas besoin de vous tracasser à ce sujet, répondit l’aubergiste, personne ne se plaint d’être mal payé. – Tant mieux, dit K…, je ne suis pas un timide et je ne me gênerais pas pour parler à un comte, mais il vaut naturellement mieux que tout se passe sans discussion. L’aubergiste s’était assis en face de K. sur le rebord de la fenêtre, il n’osait pas s’installer mieux et ne cessait de regarder K. de ses grands yeux noirs apeurés. Au début il le recherchait, et maintenant on aurait dit qu’il voulait le fuir. Craignait-il d’être interrogé sur le comte ? Se méfiait-il de K., maintenant qu’il voyait en lui un « Monsieur » ? K. sentit le besoin de se débarrasser de lui. Il regarda sa montre et dit : – Mes aides ne vont pas tarder, pourras-tu les loger ici ? – Certainement, répondit l’hôte. Mais ne logeront-ils pas au Château avec toi ? L’aubergiste renonçait-il donc si facilement à des clients – surtout à K., – pour les renvoyer ainsi au Château ? – Ce n’est pas encore sûr, dit K. Il faut d’abord que je connaisse la tâche qu’on va me donner. Si je dois travailler en bas, dans le village, il vaudra mieux que je loge ici. Je crains d’ailleurs que la vie ne me plaise pas au Château. Je veux rester libre. – Tu ne connais pas le Château, dit l’aubergiste à voix basse. – Évidemment, dit K., il ne faut pas juger trop vite. Pour le moment tout ce que je sais du Château c’est qu’il s’entend à choisir ses arpenteurs. Peut-être a-t-il d’autres qualités. Et il se leva pour se délivrer de l’aubergiste qui mordillait nerveusement ses lèvres. Décidément la confiance de cet homme n’était pas facile à gagner. En s’en allant, K. fut frappé par un portrait sombre qui pendait au mur dans un cadre noir. Il l’avait déjà remarqué de son lit, mais, ne pouvant distinguer les détails à distance, il l’avait pris pour un vêtement noir. Pourtant, c’était bien un tableau, il le voyait maintenant, c’était le buste d’un homme d’environ cinquante ans. Ce personnage penchait la tête si bas qu’on distinguait à peine les yeux ; le front était très haut, très lourd, et le nez fort et recourbé. La barbe, aplatie par le menton contre la poitrine, reprenait plus bas son ampleur. La main gauche, les doigts ouverts, s’enfonçait dans les grands cheveux, et l’homme ne pouvait plus relever la tête. – Qui est-ce ? demanda K. ; le comte ? Il se tenait devant le tableau, il n’avait même pas regardé l’aubergiste. – Non, dit l’hôte, c’est le portier. – Ils ont vraiment un beau portier dans ce Château, déclara K., dommage que son fils lui ressemble si peu. – Mais non, dit l’aubergiste, et il fit pencher K. pour lui chuchoter à l’oreille : – Schwarzer a exagéré hier soir, son père n’est que sous-portier, et encore l’un des derniers. L’aubergiste faisait dans cet instant à K. l’effet d’un enfant. – Ah ! l’animal ! dit K. en riant. Mais l’aubergiste ne rit pas, il déclara : – Son père est puissant lui aussi. – Allons donc ! dit K., tu crois tout le monde puissant, peut-être même moi ? – Non, toi, dit l’hôte d’une voix timide mais d’un ton grave, je ne te crois pas puissant. – Tu observes fort bien, dit K. ; en effet, entre nous, je ne suis pas puissant ; sans doute, je n’ai pas moins de respect que toi pour ceux qui le sont, seulement je suis moins franc, je ne veux pas toujours l’avouer. Et il tapota la joue de l’hôte pour le consoler et gagner ses bonnes grâces. L’autre sourit alors un peu. Il ressemblait vraiment à un adolescent avec son visage délicat et son menton presque sans barbe. Comment s’était-il apparié avec cette femme volumineuse et d’air âgé que l’on voyait remuer, les coudes loin du corps, par la petite fenêtre qui donnait sur la cuisine ? Mais K. ne voulait plus sonder l’homme ; il eût craint de chasser le sourire qu’il avait fini par obtenir. Aussi lui fit-il simplement signe d’ouvrir la porte et il sortit dans la rue où l’accueillit un beau matin d’hiver. Maintenant il voyait le Château qui se détachait nettement là-haut dans l’air lumineux ; la neige qui s’étalait partout en couche mince en accusait nettement le contour. Elle semblait d’ailleurs moins épaisse sur la montagne qu’au village où K. avait autant de peine à marcher que la veille sur la grand-route. La neige montait jusqu’aux fenêtres des cabanes et pesait lourdement sur les toitures basses, tandis que là-haut, sur la montagne, tout avait un air dégagé, tout montait librement dans l’air, c’était du moins ce qu’il semblait d’ici. En somme, tel qu’on le voyait ainsi de loin, le Château répondait à l’attente de K. Ce n’était ni un vieux Château féodal ni un palais de date récente, mais une vaste construction composée de quelques bâtiments à deux étages et d’un grand nombre de petites maisons pressées les unes contre les autres ; si l’on n’avait pas su que c’était un Château on aurait pu croire qu’on avait affaire à une petite ville. K. ne vit qu’une tour et ne put discerner si elle faisait partie d’une maison d’habitation ou d’une église. Des nuées de corneilles décrivaient leurs cercles autour d’elle. K. poursuivit son chemin, les yeux braqués sur le Château ; rien d’autre ne l’inquiétait. Mais en se rapprochant il fut déçu ; ce Château n’était après tout qu’une petite ville misérable, un ramassis de bicoques villageoises que rien ne distinguait, sinon, si l’on voulait, qu’elles étaient toutes de pierre, mais le crépi semblait parti depuis longtemps et cette pierre semblait s’effriter. Un souvenir fugitif vint frapper l’esprit de K… : il songea à sa ville natale. Elle le cédait à peine à ce prétendu Château ; si K. n’était venu que pour le voir, ç’aurait été un voyage perdu et il aurait mieux fait d’aller revoir sa patrie où il n’était plus retourné depuis si longtemps. Il comparait en pensée le clocher de son village avec la tour qui se dressait là-haut. Celle du clocher, sûre d’elle, montait tout droit sans une hésitation et se rajeunissait en haut, terminée par un large toit qui la couvrait de tuiles rouges ; c’était un bâtiment terrestre, bien sûr, – que pouvons-nous construire d’autre ? – mais qui plaçait son but plus haut que le plat ramassis des petites maisons et qui prenait une expression plus lumineuse au-dessus des tristes jours et du travail quotidien. La tour d’ici – la seule que l’on vît – était la tour d’une maison d’habitation – on s’en rendait compte maintenant, – peut-être celle du corps principal du Château ; c’était une construction ronde et uniforme dont le lierre recouvrait gracieusement une partie ; elle était percée de petites fenêtres que le soleil faisait étinceler ; elle avait quelque chose de fou et se terminait par une sorte de plate-forme dont les créneaux incertains, irréguliers et ruineux, gravaient dans un ciel bleu des dents qui semblaient avoir été dessinées par la main craintive ou négligente d’un enfant. On eût dit qu’un triste habitant, contraint de vivre enfermé dans la pièce la plus reculée de la maison, avait crevé le toit et s’était levé pour se montrer au monde.
Dans la lumière tamisée du bar, les lueurs ambrées se reflétaient sur le cristal des verres, il la vit. Une femme d’une beauté troublante, drapée dans une robe d’un noir profond, dont le velours épousait les courbes avec une grâce silencieuse. Ses cheveux, relevés en un chignon négligé, laissaient deviner la souplesse d’une nuque diaphane. Elle tenait un verre entre ses doigts longs et fuselés, le portant distraitement à ses lèvres peintes d’un rouge profond.
Lui, assis deux tabourets plus loin, n’avait rien d’extraordinaire. Un costume gris aux plis fatigués, une cravate desserrée, un visage qu’on oublierait aussitôt après l’avoir vu. Pourtant, quelque chose, une audace née du hasard ou d’un pressentiment confus, le poussa à lui adresser la parole.
— Puis-je vous offrir un autre verre ?
Elle tourna vers lui ses yeux alourdis d’ennui, puis sourit, comme on sourit à un enfant qui fait une tentative maladroite.
— Pourquoi pas ?
Ainsi débuta l’étrange ballet de cette rencontre. Il parla trop, elle écouta à peine. Il cherchait à la divertir, elle semblait flotter ailleurs, comme absente à sa propre existence. Lorsqu’elle finit son second verre, elle se leva et dit simplement :
— Venez.
Sans attendre sa réponse, elle se dirigea vers l’ascenseur, traversant le hall marbré avec une aisance souveraine. Il la suivit, hésitant mais captif. Dans la cabine, ils ne parlèrent pas. Son parfum, un mélange de jasmin et de quelque chose de plus capiteux, enveloppait l’espace.
La porte s’ouvrit sur un couloir moquetté où des appliques diffusèrent un halo doux. Mais au lieu d’une chambre, elle poussa une porte discrète, révélant une salle obscure où clignotait l’écran d’un vieux projecteur. Une salle de cinéma, vide. Elle s’y installa comme une reine prenant possession de son royaume, croisant les jambes avec la nonchalance d’une femme habituée à la solitude.
— Asseyez-vous, dit-elle.
Il obéit. Sur l’écran défilaient des images en noir et blanc, des visages que le grain du film rendait irréels. L’histoire n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’était le silence, l’obscurité qui les enserrait, la présence muette d’un désir suspendu.
Elle posa une main sur son bras, lentement, sans le regarder. Il sentit un frisson le traverser, non de plaisir, mais d’une étrange inquiétude. Comme si, dans cette nuit feutrée, quelque chose de lui était sur le point de se dissoudre.
ps. Lecteur qui venait de lire, en cliquant, les délires assez primaires de ChatGPT, je tiens à dire que n’apprécie pas son style et préfère le mien. Je ne m’aventurerai donc plus dans ce champ créatif de ChatGPT… Juré. Je donne une image que je viens de créer : une obsession du dos d’une femme dans une salle de cinéma vide. Je n’osé demander à mon chat de compagnie intellectuelle la signification freudienne de ladite obsession, de ce fantasmé. J’éteins et dors en pensant au beau film sur Bob Dylan, le dernier , que j’ai vu ce soir.
Peu savent qu’Émile ZQola s’abonnant à la photographie
On donne ici un extrait de la merveilleuse revue “L’œil de la photographie” (5€ par mois, le prix d’une bière bon marché au bistrot du coin. Puis quelques photos de l’artiste.
Photo Émile Zola (FONDS ZOLA)
Une exposition de photos d’Emile Zola se tient jusqu’au 31 janvier 2025 à la Médiatheque de Wimille dans le Pas-de-Calais.
Dans la vie d’Émile Zola, homme marié, écrivain célèbre en proie au doute à l’approche de la cinquantaine, l’année 1888 fut un tournant : il rencontra Jeanne, qui devint sa maîtresse et la mère de ses deux enfants ; et, en vacances à Royan, il fut initié à la photographie par des amis.
Ce n’est qu’à partir de 1894 qu’il s’engagea vraiment, en marge de son travail d’écriture, dans la pratique photographique. Le fruit de cette passion tardive, à laquelle il s’adonna jusqu’à sa mort en 1902, est un large corpus d’images, dont une importante partie est conservée aujourd’hui par plusieurs institutions. Une prépondérance de la thématique intimiste s’y fait jour : Zola interrogeait inlassablement les expressions et les attitudes de Jeanne et des enfants. Il saisissait aussi, sur le vif, sa femme Alexandrine, les amis qui leur rendaient visite à Médan, ses animaux favoris, les villages et paysages qu’il traversait à bicyclette. Zola fut également un « piéton de Paris », moissonnant les images des grands boulevards, ou de l’Exposition universelle de 1900, et un promeneur attentif dans les rues de Londres et des villages anglais qu’il arpenta pendant son exil.
Zola n’a rien d’un documentariste ou d’un photographe social, contrairement à ce qu’on pourrait supposer à la lumière de son œuvre romanesque et de ses combats de polémiste. L’examen du corpus des images zoliennes fait apparaître des analogies, une parenté de sensibilité, voire de style, avec certains représentants d’un courant apparu bien plus tard, entre les années 1930 et 1960, celui des photographes humanistes.
Une deuxième signification du mot humaniste caractérise la pratique de Zola photographe. Le maître de Médan, au sens classique et philosophique du terme, est un humaniste, c’est-à-dire que sa passion pour l’humain se conjugue à une soif de savoir et se fortifie d’une culture étendue dans le domaine des lettres et des arts. Cette culture s’exprime en particulier dans tout un ensemble de photos de natures mortes, mises en scène qui relient le passé au présent et théâtralisent, à travers de savantes compositions d’objets inanimés, riches de symboles, d’allusions et de références, les éléments d’une sorte de biographie intellectuelle. D’autres photos, portraits ou paysages, révèlent en filigrane une dimension plus esthétique de cet humanisme : la connaissance approfondie qu’avait Zola de l’art occidental, et spécialement de la peinture impressionniste.
Le 24 janvier se tiendra une conférence « Zola, photographe humaniste ? » Par Bruno Martin, Chargé de fonds Département de la photographie Médiathèque du patrimoine et de la photographie De 18h30 à 20h00
La Médiathèque 3 rue de Ledinghen 62126 Wimille Médiathèque Centre, Espace Culturel Pilâtre de Rozier +33 (0)3 21 83 36 43 accueil.mediatheque@mairie-wimille.fr
PS. Loupé. Dommage. C’aurait été une belle balade avec un bon resto alentour qui doit exister..
Côte à côte, dans l’un des petits livres que je compose, qui forment mon musée imaginaire sur les étagères ou sur une table de salon, j’ai imprimé la photographie de Cindy Sherman et le dessin de Castagnino. Presque deux jumelles, non ?
Photographie par Cindy Sherman.Dessin de Juan Carlos Castagnino
Je ne commente pas mon titre, explicite. La nullité qui ne croit pas l’être, gagne du terrain, un peu partout.
Dieu que c’est facile d’être idiot e se prétendant grand photographe, tou’ours dans le leçon du monde, même pas esthétique tans cette image est “téléphonée” et, partant, absolument mièvre. Les pré-collégiens et les lecteurs de Libération( de même intelligence) doivent aaadoooreeer !
Heureusement que les artistes nous rappellent les couleurs des humains et les romanciers les séparations de couples.
L’intelligence de Hannah Arendt, malmenée par des abrutis qui tiennent un discours abruti, doit se retourner dans son ciel.
Voilà donc que déjeuner à la même table que Jordan Bardella constituerait une “banalisation du mal”, concept que H.Arendt a construit durant le procès Eichmann en Israël pour affirmer que ” le mal ne réside pas dans l’extraordinaire mais dans les petites choses, une quotidienneté à commettre les crimes les plus graves“. La mine de fonctionnaire Eichmann lui a fait sortir cette locution (à vrai dire controversée).
Nos grands écrivains français ont cru donc voir dans la simple proximité de Bardella, nouvel auteur (pas mon préféré) de sa biographie le mal, l’enfer, banalisé par l’Express et son déjeuner annuel des écrivains les “mieux vendus”. Ils ont donc, fiers d’eux-mêmes, certains d’un acte de résistance absolu, téméraire et bouleversant, décliné l’invitation.
J’ai assez honte pour ceux qui se sont désistés tant leur stupidité est criante. De vrais petits.
J’ai aussi honte pour Arendt dont les concepts sont utilisés par des ignares qui jonglent, comme dans leurs livres écrits avec beaucoup d’I.A, dans la formule pour collégiens ébahis ou lecteurs de Libé, ignorants mais pas sûrs de l’être.
J’ai, enfin, constaté, ce que l’on sait depuis longtemps, que les écrivains ne sont pas très intelligents, du moins la majorité. Surtout dans notre temps où l’écriture devient de gare.
Je colle l’extrait en ligne de la dépêche France Info et j’interdis Kamel Daoud, de nous faire la leçon hebdomadaire dans “Le Point” de la liberté et du soutien à son prétendu ami emprisonné dans les géoles algériennes, lequel, à son retour prochain ne déjeunera plus avec celui qui s’est commis avec la bêtise des petits écrivains de pacotille.
Dernière observation : l’Express à peur de perdre encore plus de lecteurs (il est vrai qu’il mérite sa dégringolade, même s’il faut se battre, sans penser, pour maintenir la Presse, la soutenir). Mais, dieu que c’est vilain de justifier la présence de Bardella par l’affirmation adolescente du combat permanent dans la revue contre les gens infrequentables. Un peu lâche et pas très chevaleresque ces petits journalistes de l’Express. Il aurait compté de nouveaux lecteurs en démontrant son courage et l’idiotie de ses invités crétins-fantômes.
EXTRAIT FRANCE INFO DÉPÊCHE.
“Plusieurs écrivains, parmi les plus gros vendeurs de livres en France, ne participeront pas au déjeuner organisé, mercredi 5 février, à Paris par le magazine L’Express, a appris France Inter auprès des principaux concernés, confirmant une information de Libération. Ils s’opposent ainsi à la présence de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, invité après la parution de son autobiographie Ce que je cherche, publiée chez Fayard et vendue à 140 000 exemplaires.
Parmi les auteurs qui ne participeront pas figurent Kamel Daoud, prix Goncourt, Gaël Faye, prix Renaudot, Miguel Bonnefoy, prix Femina, Sandrine Collette, prix Goncourt des Lycéens, Olivier Norek, prix Renaudot des lycéens, mais aussi Melissa Da Costa, Valérie Perrin, David Foenkinos, Joël Dicker, Franck Thilliez, Cédric Sapin-Defour, auteur du best-seller Son odeur après la pluie, Thomas Schlesser, auteur du best-seller Les Yeux de Mona (Albin Michel), ou encore Philippe Collin, Le barman du Ritz (Albin Michel).
Selon les informations de France Inter obtenues auprès d’une source proche qui souhaite rester anonyme, Amélie Nothomb sera présente à l’événement. La direction de L’Express n’a pas souhaité communiquer la présence de ceux qui ont confirmé : “Nous invitons les auteurs de notre palmarès, explique le directeur de la rédaction de L’Express, Eric Chol. Ce qui veut dire que nous invitons aussi des gens que nous combattons dans les pages du journal“.
“Pas question de banaliser le mal”
“Que Bardella écrive des livres, qu’il les vende, qu’il ait des millions d’électeurs, c’est une chose. Mais boire du champagne avec lui et poser à côté de lui, c’en est une autre”, confie un écrivain à France Inter en référence à la traditionnelle photo organisée. “Pas question de banaliser le mal”, explique un autre écrivain qui ne sera pas présent.
Le magazine L’Express convie chaque année à un déjeuner les plus gros vendeurs de livres. D’ordinaire, la liste compte une quarantaine d’invités, dont une trentaine viennent accompagnés de leurs éditeurs.
La revue “K. Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle” diffusée sur internet a été créée pour explorer et analyser le phénomène de la présence juive en Europe et de l’antisémitisme.
Albert Cohen est le plus souvent considéré comme un écrivain français, alors qu’il est né citoyen ottoman et fut naturalisé suisse. Il est l’auteur d’un chef-d’œuvre qui lui permet d’accéder à la célébrité sur le tard : Belle du Seigneur (1968). Il est mort le 17 octobre 1981, il y a quarante ans. Cet anniversaire est l’occasion de revenir dans K., grâce à Maxime Decout — l’auteur d’Albert Cohen. Les Fictions de la judéité — sur la figure de celui qui fut le représentant de l’Agence juive pour la Palestine avant de se consacrer essentiellement à son œuvre, où se mêlent un lyrisme et une invention narrative hors norme – sans compter une puissante réflexion sur la judéité et le judaïsme. En 1925, Albert Cohen fonde une éphémère mais fondamentale Revue juive (cinq numéros) dont nous reproduisons à la fin de ce texte la Déclaration d’intention initiale.
Fils unique d’une famille juive, Albert Cohen naît à Corfou en 1895 et émigre avec ses parents à Marseille à l’âge de cinq. C’est en 1915 qu’il emménage pour la première fois à Genève où il suit des études de droit. En 1926, il entame une carrière de fonctionnaire international en entrant au BIT (Bureau International du Travail), un poste qu’il occupera jusqu’en 1932. Après avoir passé une partie de la guerre à Londres en tant que représentant de l’Agence juive pour la Palestine, il retourne en 1947 à Genève où il est nommé directeur du service de protection juridique et politique des réfugiés à l’ONU avant de se consacrer entièrement à l’écriture.
C’est durant toutes ces années que se prépare Belle du Seigneur, qui est assurément le roman de prédilection des lecteurs de Cohen. Pour quelles raisons ? Au-delà de l’immense succès qu’il a connu à sa parution, et qui ne s’est pas démenti depuis, il s’agit d’un roman de la passion, l’un des plus intenses qui soit, et cela bien qu’il soit publié à une époque où les histoires d’amour en littérature semblent avoir fait long feu. Mais il s’agit aussi d’un livre somme dans lequel toutes les tentations et les obsessions d’Albert Cohen se cristallisent et s’exacerbent jusqu’à l’ambiguïté et la totalité.
La passion y atteint un degré d’incandescence hors du commun, Ariane et Solal s’enfermant dans une vie en vase clos dans leur villa à Agay, pour tenter de vivre, sur le modèle de Roméo et Juliette, un « amour chimiquement pur[1] », coupé du social et de la réalité bassement physiologique du corps. Leurre évidemment : le « scorbut » guette cet amour privé des « vitamines du social[2] », et les amants sont « condamnés aux travaux forcés d’amour à perpétuité[3] ».
Roman somme aussi par l’ampleur et la diversité de son écriture. La féroce satire de la SDN et du petit-bourgeois qu’est Adrien Deume, le mari d’Ariane, se mêle à un lyrisme exalté qui chante l’amour. Avec Belle du Seigneur, Cohen pousse de surcroît à un degré de maîtrise exceptionnel les techniques narratives qui avaient fait le succès d’un Ulysse de Joyce quarante-huit ans plus tôt. Les monologues intérieurs, parfois sans aucune ponctuation, foisonnent et s’accompagnent d’un travail virtuose sur la voix, même si la modernité d’une telle écriture avait finalement quelque chose d’anachronique en 1968, à un moment où le Nouveau Roman avait déjà engagé la littérature vers d’autres territoires.
*
Il n’en demeure pas moins que Belle du Seigneur appartient lui-même à une somme, une vaste fresque que Cohen avait pensée dès 1930 avec son premier roman, Solal. En raison de nombreux aléas éditoriaux, cet ensemble, que Cohen aurait voulu intituler Solal et les Solal, ne vit le jour que par fragments, avec Mangeclous en 1938, puis Belle du Seigneur en 1968 et enfin Les Valeureux en 1969[4]. Évidemment, trente-huit ans après Solal et trente ans après Mangeclous, peu de lecteurs ont vu que Belle du Seigneur s’inscrivait dans la continuité de ces deux textes. Aussi n’a-t-on pas perçu aussi distinctement à quel point l’histoire de Solal et d’Ariane est en réalité indissociable de celle des burlesques et jubilants cousins du héros, les Valeureux, au nombre desquels le célèbre Mangeclous, hâbleur et menteur professionnel, et Saltiel, l’oncle maternel de Solal. Le sérieux de la passion amoureuse est torpillé par le contrepoint que Cohen avait prévu grâce aux dénonciations désinvoltes et parodiques des Valeureux au sujet de l’amour idéalisé et de son caractère prétendument sublime. Les réquisitoires de Mangeclous ne laissent pas l’ombre d’un doute :
« Ah, messieurs, que vienne un romancier qui explique enfin aux candidates à l’adultère et aux fugues passionnelles qu’un amant ça se purge ! Ah, qu’il vienne, le romancier qui montrera le prince Wronsky et sa maîtresse adultère Anna Karénine échangeant des serments passionnés et parlant haut pour couvrir leurs borborygmes et espérant chacun que l’autre croira être seul à borborygmer. Qu’il vienne, le romancier qui montrera l’amante changeant de position ou se comprimant subrepticement l’estomac pour supprimer les borborygmes tout en souriant d’un air égaré et ravi ! (…) Qu’il vienne, le romancier qui nous montrera l’amant, prince Wronsky et poète, ayant une colique et tâchant de tenir le coup, pâle et moite, tandis que l’Anna lui dit sa passion éternelle. Et lui, il lève le pied pour se retenir. Et comme elle s’étonne, il lui explique qu’il fait un peu de gymnastique norvégienne ! Et puis il n’en peut plus et il prie sa bien-aimée de le laisser seul pour un instant car il doit créer de la poésie à vers ! Et, resté seul dans le cabinet de travail parfumé, il est traqué ! Il n’ose aller dans le réduit accoutumé, car la mignonne Anna est dans l’antichambre ! Alors, le prince Wronsky s’enferme à clef et prend un chapeau melon et s’accroupit à la manière de Rébecca, ma femme qui, elle, ne prétend pas être une créature d’art et de beauté ![5]»
*
C’est aussi en replaçant Belle du Seigneur au sein de cet ensemble, tout comme des trois textes autobiographiques de Cohen que sont Le Livre de ma mère (1954), Ô vous, frères humains (1972) et Carnets 1978 (1978), qu’on découvre l’étendue et la puissance de sa réflexion sur la judéité et le judaïsme.
Les lecteurs devront d’abord patienter jusqu’en 1972 pour prendre connaissance, avec Ô vous, frères humains[6], de ce qui peut être considéré comme une scène originelle du rapport à la judéité chez Cohen. Ce bref texte autobiographique fait le récit d’un unique événement : dans les rues de Marseille où il se promène le jour de son anniversaire, l’enfant s’approche d’une foule amassée autour d’un camelot et s’arrête, fasciné par l’éloquence de l’homme. Celui-ci le regarde et, après un instant, déverse sur lui un torrent d’insultes antisémites qui l’excluent des Français attroupés avec qui il pensait être en communion. Cette découverte de sa judéité, dans l’insulte et la haine, vient donner une clef de lecture rétrospective à l’ensemble de l’œuvre : c’est là que s’enracinent profondément une judéité vécue dans l’exclusion tout comme les rêves messianiques qui animent Solal. L’événement, dans toute sa violence, est fondateur, aussi bien de la venue à l’écriture que des engagements politiques de Cohen en faveur du sionisme au début de sa carrière.
Cohen commence en effet à écrire dans le contexte de la « Renaissance juive » des années 20 qui voit se multiplier les publications d’auteurs juifs, comme André Spire, Edmond Fleg, Jean-Richard Bloch ou Henri Franck, et se développer une littérature conçue comme l’affirmation d’une identité à la fois juive et française. Cohen est l’un des rares parmi ces auteurs, qui ont fait le choix d’une écriture ostensiblement centrée sur des thèmes juifs, à être parvenu à une reconnaissance durable dans le champ littéraire français. Le premier texte qu’il publie est un recueil de poèmes, Paroles juives, en 1921, fortement inspiré par André Spire et par ses Poèmes juifs. Épaulé par Chaïm Weizmann, qui est alors président de l’Organisation Sioniste Mondiale, Cohen parvient ensuite à créer en 1925 une éphémère mais importante revue, destinée à favoriser la diffusion des idées sionistes et qui s’interrompra après son cinquième numéro : La Revue juive.La Revue Juive, n°1, 15 janvier 1925. Fac-Simile. Voir infra la ‘Déclaration’ introductive d’Albert Cohen.
En 1930, Solal, son premier roman, fait le récit d’un déchirement, entre une judéité, qui associe élection et malédiction, et un désir d’assimilation dans la société occidentale. C’est par les femmes que Solal amorce son ascension : il déserte son île natale, Céphalonie, pour découvrir l’Occident, grâce à Adrienne puis Aude. L’exil est dès lors est une expérience de la perte et de la séparation, où le héros s’éprouve comme étranger et questionne son identité en regard de deux groupes entre lesquels il circule et qui sont le plus souvent présentés comme antagonistes : les Occidentaux et les Juifs. L’interrogation de Solal sur son identité débute par cette expérience et le poursuivra : « qui était-il, lui Solal, seul au monde ?[7] ». Solal se vit doublement comme étranger, en regard des siens, qu’il a quittés, et en regard des Occidentaux. Il est un « étranger parmi les étrangers[8] ».
Belle du Seigneur obéit à un schéma différent : les déchirements entre l’Orient, incarné par les Valeureux, et l’Occident, sont atténués, notamment parce que plusieurs passages consacrés aux cousins de Céphalonie n’ont pas pu être intégrés dans le texte comme Cohen le souhaitait[9]. Une seule femme donne son unité à un roman dont la portée symbolique, éthique et métaphysique s’est peut-être accentuée.
Reste que, mis ensemble, les quatre romans reposent sur un équilibre complexe entre les aventures de Solal et des Valeureux qui forment un groupe de personnages outranciers et grotesques, à la parole prolixe et incisive, prisant les déguisements en tout genre et les accoutrements les plus extravagants. Face à eux, Solal oscille entre la honte et l’amour. Ses aventures suivent une dynamique qui fait alterner le rejet des Valeureux et une série de stratagèmes pour les faire venir à lui en Occident, un jeu du chat et de la souris où Solal dénie ses origines pour mieux se les réapproprier.
D’autant que Les Valeureux présentent un tout autre rapport que Solal au judaïsme et à la judéité, un rapport pacifié. Leur judaïsme est tout sauf orthodoxe et sclérosant. L’appétit gargantuesque de Mangeclous s’accommode par exemple assez mal de la cacherout, lui qui certifie que « le jambon est la partie juive du porc[10] ». Le rite est perçu par les cousins comme arbitraire et contraire à un principe de plaisir qui demeure pour eux primordial.
Une donnée essentielle de la tradition juive est toutefois placée au centre des romans : la Loi de Moïse que Solal érige en valeur première de sa pensée et de son éthique, parce qu’elle permettrait à l’homme de devenir véritablement humain. Cette Loi est conçue comme une Loi d’anti-nature, un code moral qui s’oppose à la force et à l’animalité naturelles chez l’homme et que Solal ne cesse de stigmatiser, notamment au moment où il séduit Ariane :
« Universelle adoration de la force. Ô les subalternes épanouis sous le soleil du chef, ô leurs regards aimants vers leur puissant, ô leurs sourires toujours prêts, et s’il fait une crétine plaisanterie le chœur de leurs rires sincères. Sincères, oui, c’est ce qui est terrible. Car sous l’amour intéressé de votre mari pour moi, il y a un amour vrai, désintéressé, l’abject amour de la puissance, l’adoration du pouvoir de nuire. Ô son perpétuel sourire charmé, son amoureuse attention, la courbe déférente de son postérieur pendant que je parlais. Ainsi, dès que le grand babouin adulte entre dans la cage, ainsi les babouins mâles mais adolescents et de petite taille se mettent à quatre pattes, en féminine posture d’accueil et de réception, en amoureuse posture de vassalité, en sexuel hommage au pouvoir de nuire et de tuer, dès que le grand redoutable babouin entre dans la cage. Lisez les livres sur les singes et vous verrez que je dis vrai.
Babouinerie partout. Babouinerie et adoration animale de la force, le respect pour la gent militaire, détentrice du pouvoir de tuer. Babouinerie, l’émoi de respect lorsque les gros tanks défilent. Babouinerie, les cris d’enthousiasme pour le boxeur qui va vaincre, babouinerie, les encouragements du public (…).
Babouinerie partout. Babouines, les foules passionnées de servitude, frémissantes foules en orgasme d’amour lorsque paraît le dictateur au menton carré, dépositaire du pouvoir de tuer. Babouines, les mains tendues pour toucher la main du chef et s’en sanctifier. Babouins, les attachés de cabinet sages et religieux, debout derrière leur ministre qui va signer le traité (…)[11]. »
C’est contre cette babouinerie généralisée que la Loi d’amour et de justice tourne à l’obsession pour Solal. Dans Belle du Seigneur, il exige d’Ariane qu’elle s’y conforme en l’aimant pour lui-même, et non en raison de sa beauté et de la sexualité.
C’est de la sorte que l’on comprend mieux l’incipit presque fou de Belle du Seigneur, dans lequel Solal décide de séduire Ariane déguisé en vieillard édenté. Effaçant le corps grandiose, le héros cherche à susciter chez Ariane un amour entièrement pur, qui pourrait faire d’elle la « première humaine ». Mais Ariane, terrorisée, le rejette. Solal se démasque alors et lui lance :
« Femelle, je te traiterai en femelle, et c’est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. À notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naïfs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée et les yeux frits ! En attendant, reste avec ton Deume jusqu’à ce qu’il me plaise de te siffler comme une chienne ! »[12]
Mais si Solal se refermait par une résurrection surprenante et pleine d’espoir du héros, Belle du Seigneur se conclut par la mort des amants. L’échec du messianisme amoureux semble total. Cette défaite messianique pourrait toutefois n’être pas entièrement étrangère à une certaine tradition juive où le Messie est celui qui doit venir et non celui qui est venu. Une telle situation, Cohen la qualifie dans Solal d’une magnifique expression empruntée à André Spire : le « demain éternel[13] ». C’est-à-dire la promesse d’un autre avenir qui relance sans cesse l’action de l’homme, en nouant le passé et le présent à un futur à accomplir. Derrière la démesure et les contradictions de Solal, c’est finalement un messianisme à taille humaine qui se profile et qui pourrait servir de fondement à une véritable éthique de l’homme.
Maxime Decout
Maxime Decout est chercheur en littérature et essayiste. Il est notamment l’auteur de ‘Albert Cohen. Les Fictions de la judéité’ (Classique Garnier) et de ‘Écrire la judéité. Enquête sur un malaise dans la littérature française’ (Champ Vallon, 2014). Aux Editions de Minuit, il a publié ‘Qui a peur de l’imitation ?’ (2017), ‘Pouvoirs de l’imposture’ (2018) et ‘Eloge du mauvais lecteur’ (2021)
Notes
1Albert Cohen, Belle du Seigneur, Paris, Gallimard, « Folio », 2001 [1968], p. 800.2Ibid.3Ibid., p. 844.4Les quatre romans sont désormais disponibles en un seul volume, assorti d’un riche appareil critique rédigé par Philippe Zard, sous le titre Solal et les Solal (Paris, Gallimard, « Quarto », 2018).5Albert Cohen, Mangeclous, Paris, Gallimard, « Folio », 1980 [1938], p. 137-138.6Ce texte avait été publié une première fois en 1945, en deux livraisons, dans la revue La France libre.7Albert Cohen, Solal, Paris, Gallimard, « Folio », 2008 [1930], p. 109.8Ibid., p. 401.9Ce contrepoint est prévu par Cohen dès Mangeclous. Devant l’ampleur du manuscrit de Belle du Seigneur, qui comptait plus de 2000 pages, Gallimard demande à ce que certains passages concernant les Valeureux soient supprimés. Ceux-ci seront repris et publiés en 1969 dans Les Valeureux, dont l’intrigue précède celle de Belle du Seigneur et reproduit une partie de celle de Mangeclous.10Albert Cohen, Les Valeureux, Paris, Gallimard, « Folio », 1986 [1969], p. 253, et Belle du Seigneur, op. cit., p. 281.11Albert Cohen, Belle du Seigneur, op. cit., p. 400-401.12Ibid., p. 53.13Albert Cohen, Solal, op. cit., p. 377, 382.
“La Revue Juive”, n1, 15 janvier 1925. Fac-simile de la ‘Déclaration’ d’Albert Cohen
Le coltan est un minerai dont on extrait notamment le tantale. Son utilisation est primordiale dans l’électronique, les puces, les condensateurs, les composants des smartphones et autres ordinateurs. Métal stratégique, s’il en est. Et, partant, assez cher.
La machette, elle, est un instrument effilé et contondant, utilisé à l’origine pour se frayer un chemin dans la broussaille africaine et qui s’est donné un usage assassin. Comme le couteau dans notre pays, dans la poche de mineurs de banlieues qui n’était, en majorité qu’un ustensile de cuisine.
Actuellement, sévit une guerre très sanglante dans les territoires du Rwanda et de la République Démocratique du Congo.
On se bat sur ces terres, pour l’appropriation du coltan, à coup de machettes qui décapitent.
Je ne sais qu’écrire de plus, sans entrer dans une colère mauvaise pour la santé.
Juste que partout, les bons esprits devenus, ou restés, pour la plupart, antisémites ne voient plus que la Palestine et se désintéressent du monde.
l’Afrique malmenée n’est pas un jackpot électoral.
On me questionne encore sur le sujet. Certains savent que j’écoute ce nocturne tous les jours, depuis 2011.
Interprétation sublime par Leonskaja du Nocturne de Chopin presque égal à celui de Claudio Arrau que l’on donne plus bas, l’unique, le meilleur. J’en case d’autres, de grand pianistes qui l’ont un peu raté, me permettant, éhonté, la critique.
Je ne peux ne pas proposer Arrau, la meilleure interprétation selon moi.
PIRES trop enlevé, trop pianistique
Rubinstein trop rapide, à côté du morceau
Un dernier “MODERNE ” PAR François CHAPLIN, trop enjoué …
POLLINI, classicisme un peu précieux
VANTINA LISITSA, SANS PRECISION, UN PEU FOUILLIS, NOTES ENFOUIES
Un ami, très fatigué, sûrement malade, me dit ne plus regarder de films où d’images quelconques, jaloux des humains qui marchent, sans souci ni effort, dans la ville ou ailleurs, le ciel au-dessus d’eux.
Il me dit encore que ce n’est que la santé qui fabrique le meilleur, littérature, art, invention. L’homme fatigué ne peut se donner, il est épuisé avant le début de ce qui doit advenir de lui.
Je lui réponds qu’en disant ça, il est dans le lieu commun, la lapalissade.
Il me répond que j’ai enfin compris.
PS. Ce billet me donne l’occasion de railler encore l’un des frères Goncourt, écrivain raté qui prétendait que notre maître Flaubert debitait des lapalissades. Le temps est un excellent juge. Je cite.
“Flaubert, un peu poussé de nourriture, un peu saoul, débite (…) toute la série de ses lapalissades féroces et truculentes contre le bôrgeois… et à mesure qu’il parle, c’est un étonnement triste sur le visage de ma voisine, MmeDaudet, qui semble toute contrite, toute peinée, en même temps que toute désillusionnée sur l’homme, devant ce gros et intempérant déboutonnage de sa nature. Goncourt, Journal,1878, p. 1231.”
PS2. J’avoue avoir utilisé méchamment, il y a longtemps, dans une critique pédante, avant la fatigue, la locution ” le déboutonnage de sa nature”. Je l’avais oublié.
Portrait de Jacques II de la Palice
PS3. Obligé de fournir une définition du mot par le dico TLFI que j’ai tant vanté dans un précédent billet.
“Affirmation ou réflexion niaise par laquelle on exprime une évidence ou une banalité. Synon. truisme, vérité de La Palisse. Dire, répondre des lapalissades“.
A l’occasion d’un billet sur les deux Fellous (rechercher), j’ai présenté Colette qui n’est pas Sonia, plus connue de la communauté judéo-tunisienne.
Et puisque je donne des premières pages, je colle celles de son dernier très beau livre.
PS. Avis aux lecteurs, éditeurs, auteurs. Je ne crois pas enfreindre la Loi en partageant ces premières pages. Je livre ce que j’aime, en rappelant que dans mon menu, en haut, on peut trouver une section “premières pages”. Comme l’entrée dans le menu gastronomique à plusieurs services.
Colette Fellous est une grande écrivaine.
Dommage, pas de photos des fleurs insérées dans le texte, je les colle demain. Il se fait tard.
Il a plu dans la nuit. Et vers sept heures, en me réveillant, je me suis entendue dire : comme je voudrais. Les yeux presque fermés. C’était bizarre, je ne sais pas pourquoi j’avais dit ces mots. Ce qu’ils me cachaient, ce qu’ils m’indiquaient, je ne le comprends toujours pas, j’avais le cœur en feu. Je savais simplement que c’était lié au livre que je n’avais pas encore écrit. Et cette phrase, juste après, en préparant le café : trois, cinq, sept, cinq, il suffirait de suivre la cadence et d’y aller, maintenant c’est possible, c’est le bon moment, vas-y. Tout avait l’air simple, comme issu de ma nuit, comme une direction à prendre, très nette. Mais non. Voici des couloirs, des trains, du linge qui sèche sur les terrasses, des herbes brûlées, du vent qui fait battre les grands draps blancs, des silhouettes qui avancent, toutes de dos, des amandiers en fleur, des chats qui se disputent sous une camionnette, le corps ombré d’une montagne dans le fond, un chant d’enfants par-dessus le mur d’un orphelinat, et un vaste ciel rose et gris au-dessus de la mer, je reconnais aussitôt l’écran géant de ma vie, en stéréo-couleurs, mais vers où aller ? Je tourne la tête, je vacille, diffère, regarde par la fenêtre les grands hêtres derrière la haie d’aubépines, j’hésite, je tape sur mon portable, fais défiler les mails et les nouvelles, la guerre, les retraites, un assassinat dans une école primaire de Nashville, les oiseaux qui disparaissent de façon inquiétante, une astuce pour nettoyer les oreilles d’un chat. Le cœur toujours en feu je regarde encore vers le jardin, les églantines se sont ouvertes à nouveau, comme chaque matin, les feuilles du tilleul bougent lentement (il a été planté l’année de ma naissance), j’arrange le bouquet d’anémones, me refais un café. Et dans le goût âcre d’une des gorgées, voilà qu’une ribambelle de bruits, de visages, de mots, de couleurs, de jardins et de rues, d’objets oubliés ou délaissés m’apparaissent, ils se disputent et veulent tous entrer, en farandole, à la même seconde, ils gesticulent, joyeux et maladroits, comme venant de naître : comment les calmer, comment les trier ? Alors je m’entends répéter : comme je voudrais comme je voudrais. Comme je voudrais quoi ? Tout recommencer ? Tout raconter ? Tout corriger ? Tout répéter ? Tout oublier ? Tout découvrir ? Tout aimer ? Tout abandonner ? Tout revivre ? Oui, développer cette série de verbes, tous ensemble au même moment. Quelque chose de choral, d’irrégulier, de quantique, que je ne connais pas encore, du tout neuf à partir de ce que je crois avoir vécu. Du désordre et de la rigueur, quelque chose de beau et de violent qui embrasserait en un seul geste et en un seul temps les points brûlants de ma vie, parce que oui, ma vie a été violente malgré les apparences. Je n’en dirai rien de cette violence, ça ne regarde que mon corps et moi, je ne suis pas là pour régler des comptes. C’est autre chose que je voudrais, et puis un livre se tient toujours ailleurs de la vie, même s’il s’en sert largement. Mais je n’y arriverai peut-être pas. Quelque chose de doux aussi parce que je n’ai jamais quitté de vue la douceur, c’était et c’est encore toujours un point à atteindre, presque à chaque instant. Beau, doux, violent : voilà pourquoi je dois avant tout convoquer des fleurs, car elles contiennent la beauté, la douceur et la violence. L’éphémère aussi. Un cortège de fleurs, fraîches et silencieuses, qui auraient passé leur vie à protéger des secrets, des beaux et des moins beaux. Avec elles, je pourrai peut-être ? Je me revois mettre de la musique dans la cuisine pour aider le mouvement, je portais ma longue veste en coton bleu de Kyoto, ce bleu particulier qui contient les nuances du chemin qui mène au Ginkaku-ji, le Pavillon d’argent, avec juste au-dessus la montagne de l’Est que je touche encore du regard. C’était ce matin mais ça me semble si loin, le soir est presque là, au bord de la forêt de Lyons tandis que le soleil rase le fond du jardin en un point vif orangé, dans quelques secondes il tombera derrière le grand charme, je ne verrai plus que ses rayons tremblants et si vivants à travers les branches, mes yeux se plisseront en essayant de les fixer. Les églantines se fermeront bientôt pour la nuit. J’écris maintenant dans la chambre haute, avec le soir qui vient. J’écris. Au passé présent. Les saisons se chevauchent et gambadent, elles sont mes guides. L’odeur du feu emplit tout l’espace. C’était donc ce matin, au réveil. Il faut que je reprenne les choses, une à une. D’abord, j’ai mis Randy Newman, « Bad news from home », pour me chauffer. High on a cliff in Mexico, sa voix se répandait dans toute la cuisine, elle l’embrassait on aurait dit, elle caressait les murs, frôlait le plafond puis revenait vers moi, insistante, comme pour me poser une question, elle avait le goût du café qui s’appelait justement Mexico numéro 7, mon préféré pour le matin. You said you love me but I know you lied, répété deux fois pour clore la chanson. Tu as dit que tu m’aimais mais je sais que tu as menti. Puis j’ai retrouvé l’album de Tanita Tikaram : Ancient heart, ça m’allait bien ce cœur ancien. « Twist in my sobriety », je l’écoutais en boucle à la toute fin des années 80. Je chante avec elle, fort, encore plus fort, comme je le faisais ces étés-là, à Rome, à Paris, sur les routes de Provence, dans mes nuits scintillantes. Tant de chansons que j’ai faites miennes, pour un mot, un refrain, un coup de batterie, une nuance dans la voix, une échappée de hautbois. Now your conscience is clear, look my eyes are just holograms. Je ferme les yeux, j’attends qu’ils deviennent hologrammes, ma conscience est claire. Dehors il y avait la forêt, les merles, les bergeronnettes et les mésanges, peut-être même un rossignol tout en haut du cerisier ou un troglodyte, la mobylette de la factrice, les deux nouveaux érables dans le fond du jardin, l’un vert tendre et l’autre pourpre, tous les deux irréguliers et princiers. Il y avait aussi le tracteur rouge de Madame Odile qui passait et repassait, c’est elle qui m’avait dit que le tilleul avait été planté l’année de ma naissance, petite fille elle vivait avec son grand-père dans cette maison. Et ces roses minuscules qui venaient d’apparaître, elles n’étaient pas là hier soir, elles avaient dû s’ouvrir dans la nuit : à quelle heure exactement, en pleine nuit, avant l’orage, ou à l’aube, après avoir été fouettées par la pluie ? Cette délicatesse de rose et de blanc, ces nervures si légères et transparentes, un paysage dans chacune d’elles, une manière infinie de dessiner le monde, c’est comme un vertige fixé dans les pétales. Je me suis approchée et j’ai posé mes joues tout près d’elles, comme on se blottit dans le cou d’un bébé. Comment saisir cette beauté intacte et soudaine ? Cette chose splendide d’avant le langage. Avec ses torsades de questions. De toute façon, je voulais finir avec des fleurs, je ne sais pas si cette fois j’aurai vraiment le temps, j’ai toujours quelque chose de très urgent et sans importance à terminer, mais on finit toujours avec des fleurs, non ? Je sais pourtant que tout avait commencé et disparu depuis longtemps, c’est un truc que tout le monde sent confusément sans y prêter attention, ça apparaît ça disparaît, ça vous revient puis ça s’évapore encore, on ne sait jamais si c’était une hallucination ou un rêve furtif, on n’a pas eu le temps de saisir le point exact du commencement, on avance quand même sans jamais reconnaître l’éclair de l’origine car il n’y en a pas. Là-bas, dans le petit bal de Mexico, les femmes étaient assises sur des chaises, collées au mur, le sac sur les genoux, longue ligne sur la gauche, et les hommes passaient, fiers, le dos cambré, ils tendaient le bras comme pour les cueillir, à la fois timides et décidés, ils choisissaient tranquillement, ça ne choquait personne et ils s’arrêtaient d’un coup, un simple geste oblique de la tête désignant la piste, genre on y va tu viens ? La femme se levait, laissait son sac sur la chaise, glissait avec l’homme au milieu des autres couples, ils s’envolaient presque et ça sentait partout la gomina et la violette. C’était un autre temps. Mais peut-être que rien n’a changé ? La danse devenait ample, mouvante, elle dessinait le paysage entier de la piste, de jolies robes de satin fleuri, surtout du rouge et du noir, oui, là-bas, dans ce petit bal de Mexico, ça tournoyait et personne ne se gênait, jamais aucun corps ne se cognait à un autre, c’était au Salón Colona ou au Bar León, c’était à Mexico mais sans doute pareil dans tous les tangos du monde. Je les suivais du premier étage. Les murs étaient d’un beau jaune, je buvais lentement du café et souriais malgré moi. J’étais étonnée car dans la musique de ce danzón il y avait ma mémoire presque entière, taches de rouge et de noir qui désignaient tantôt l’Asie tantôt l’Afrique tantôt l’Italie tantôt Paris. Tout se mettait à battre ensemble et je souriais à ce tout. Sous la voix de Lucha Reyes cette fois. « Por un amor ». Trois, cinq, sept, cinq, quel délicieux vertige, je jetais ma tête en arrière et tout revenait, comme une fresque de la mémoire. Chaque gorgée convoquait des instants qui disparaissaient au fur et à mesure de leur surgissement. Des chambres, des fenêtres, des tissus, des épaules, des lèvres, des mains, des vases, des draps, des bruits, des rires, des couleurs, des bouquets, des têtes renversées, du plaisir et plein de mimosas d’été, un peu ternis, ça longeait les instants, les années et les saisons. Je croyais tout reconnaître. Je croisais des parfums oubliés, je les saluais, une vraie joie à suivre cette cadence, quelque chose qui s’apparentait au mot miracle ou au mot fête. « Por un amor ». Au miracle d’être en vie aussi. Toujours ce matin, dans ce coin de Normandie pris entre la forêt et les grands champs, près des mésanges frivoles, du meuglement des bœufs qu’on va venir chercher vers midi pour les conduire à l’abattoir, du splendide coq (le voisin l’appelle Édouard) qui annonce le soleil en quatre notes, il était encore neuf heures derrière la haie d’aubépines, je me sentais par bouffées respirer dans d’autres saisons et d’autres paysages mais ça ne me gênait pas, j’avais l’habitude, j’allais et venais, j’accueillais tout avec joie et curiosité, ce grand battement dans la poitrine que je reconnaissais, une sorte d’extase, comme quelque chose qui me submergeait et toujours me devançait, mais voilà qu’il était soudain onze heures. J’ai levé la tête et j’ai dit une nouvelle fois, les yeux bien ouverts : oui, comme je voudrais rejoindre Mexico et cette salle de bal d’un beau jaune pour écrire dans les fleurs de ces robes mais aussi dans les yeux de toutes les fleurs éparpillées, soulevant la mémoire et le cœur de celles qui m’ont accompagnée dans tous les âges de ma vie jusqu’à ce bout de campagne, posé entre les champs et la forêt, ce hameau qui est devenu un fragment de mon corps, oui, comme je voudrais ! Je l’ai dit à haute voix, même si j’étais seule dans la maison. Et ma voix était celle d’une autre, une qui avait traversé la vie durant cinquante ans, peut-être même durant le double tant ma vie m’a paru dense et multiple à cet instant, une qui avait marché dans des villes et des villes avec confiance et gourmandise mais qui n’était plus moi. J’avais toujours les mêmes yeux et le même corps qu’elle mais ce n’était plus moi. J’avais disparu. Par mes livres, sans m’en rendre compte, j’avais signé ma disparition. Ça s’est fait peu à peu. Et c’était une délivrance. Alors j’ai répété à haute voix, de façon emphatique : comme j’aimerais les revoir d’un coup toutes ces fleurs de la vie, faire l’appel en les nommant et qu’elles me répondent une à une : présente ! Elles seraient là, dans cette maison, avec leurs voix d’éternelles enfants. Elles reviendraient toutes. Certaines étaient enfermées dans des bouquets, d’autres s’éparpillaient dans les jardins, d’autres étaient sur le point de se faner, de se recroqueviller jusqu’à tomber d’un coup, en silence dans l’herbe, elles tapissaient irrégulièrement les falaises et les prés, il y avait aussi celles dont j’ignorais le nom et la couleur exacte, jaune safran, gris cendré, bleu-mauve, fuchsia clair, grenat, presque noires, comment dire ? Celles qui s’entêtaient à pousser dans une fissure de macadam, entre les rails de chemin de fer ou dans des dunes assoiffées, regarde comme elles sont fraîches et parfaites, c’est incroyable, regarde bien, tu ne regardes pas vraiment, tu penses à autre chose. Je dis tu, je dis vous, je dis on, parfois c’est plus facile de dire je, mais c’est pareil. Je veux parler des yeux qui lisent autant que des yeux qui écrivent, je veux parler de tous ceux qui marchent, qui voyagent, pleurent, s’engagent, travaillent, font l’amour, se séparent, reviennent et repartent, sans cesse. Qui racontent ensuite ce qu’ils ont vu, ils changent une phrase, un détail, interprètent, rigolent, exagèrent ou au contraire oublient de déployer leur récit, juste un mot et c’est suffisant, ils ne s’attardent pas, passent vite à la suite, c’est dommage car on aimerait savoir ce qui aurait pu exister entre deux phrases, entre deux gestes. On ne saura jamais. Et là, cette odeur furtive d’immortelles, dans le jardin, sur les hauteurs de Sainte-Maxime, pain d’épices, curry, réglisse ? Une odeur profonde, mutine et insaisissable qui s’approche et s’échappe, musique lente et grave qui joue à cache-cache avec le souffle de la fin d’après-midi, devant la mer splendide dans le fond, vous la reconnaissez ? Elle m’offre soudain tant de joie, pourquoi, comment, que s’est-il passé ?
Aujourd’hui, j’ai fait tomber mon ordinateur portable sur le sol en béton d’un bar construit sur la plage. Calé sous mon bras, le portable a glissé de son étui en mousse (pareil à une enveloppe), et a atterri côté écran. La page numérique est fissurée mais fonctionne toujours, c’est déjà ça. Mon ordinateur contient toute ma vie et en sait plus sur moi que n’importe qui d’autre. Ce que je veux dire, c’est que, s’il vole en éclats, alors moi aussi. L’écran de veille représente une nuit violette où se pressent étoiles, constellations et, bien sûr, la Voie lactée dont le nom vient du latin classique lactea. Il y a des années de ça, ma mère m’a dit que je devais écrire Voie lactée comme ceci – γαλαξίας κύκλος – et qu’Aristote observait ce disque laiteux depuis la Chalcidique, à cinquante-cinq kilomètres à l’est de Thessalonique, où est né mon père. La plus vieille étoile a treize milliards d’années, mais celles de mon écran de veille ont deux ans et sont Made in China. Tout cet univers est désormais fissuré. Et je ne peux strictement rien y faire. Dans la ville voisine infestée de mouches, on m’a dit que le propriétaire d’un cybercafé réparait parfois les pépins informatiques sans gravité, mais dans mon cas, il lui faudrait commander un nouvel écran qui mettrait un mois à arriver. Serai-je encore ici dans un mois ? Je ne sais pas. Tout dépend de ma mère qui est malade et dort sous une moustiquaire dans la chambre d’à côté. Elle va se réveiller en hurlant : “Apporte-moi de l’eau, Sofia” et je lui apporterai de l’eau et ça ne sera jamais la bonne. Même si je ne sais plus ce que ce mot veut dire, je lui apporterai ce que je considère être de l’eau : d’une bouteille prise dans le frigo, d’une bouteille qui n’est pas dans le frigo, en train de refroidir après avoir été portée à ébullition dans une bouilloire. Quand je regarde le champ d’étoiles sur mon écran de veille, il m’arrive souvent de flotter hors du temps d’une façon des plus étranges. Il n’est que vingt-trois heures et je pourrais faire la planche dans l’eau, regarder le ciel nocturne et la vraie Voie lactée, mais j’ai peur des méduses. Hier après-midi, je me suis fait piquer, ce qui a laissé sur le haut de mon bras gauche une méchante marque violette comme après un coup de fouet. J’ai dû courir sur le sable brûlant vers le cabanon de l’infirmerie au bout de la plage, où l’étudiant (à la barbe fournie), payé pour s’occuper toute la journée des touristes qui se font attaquer, m’a délivré une espèce de pommade. Il m’a expliqué qu’en espagnol jellyfish se disait medusa. J’ai pensé à Méduse, la déesse grecque qu’une malédiction avait transformée en monstre et qui pétrifiait quiconque la regardait dans les yeux. Pourquoi voudrait-on donner son nom à un animal ? L’étudiant a répondu : “C’est vrai, mais c’est sans doute parce que les tentacules ressemblent à sa chevelure qui est toujours représentée par un nid grouillant de serpents dans les tableaux.” J’avais vu Méduse dessinée sur le drapeau de baignade jaune à l’extérieur du cabanon. Elle avait des crocs à la place des dents et des yeux fous. “Quand le drapeau méduse est levé, la baignade est déconseillée. Après, c’est aux gens de voir.” Il a tamponné la piqûre avec du coton hydrophile qu’il avait imbibé d’eau de mer chauffée et m’a demandé de signer une décharge qui avait des airs de pétition. C’était la liste de tous les gens piqués ce jour-là. Le formulaire me demandait mon nom, mon âge, ma profession et mon pays d’origine. Ce qui fait beaucoup de choses auxquelles réfléchir quand votre bras est cloqué et qu’il vous brûle. L’étudiant a expliqué qu’il était obligé de le faire remplir pour que l’infirmerie reste ouverte malgré la période de récession que traversait l’Espagne. Si les touristes n’avaient pas besoin de ce service, il perdrait son travail. Il était donc visiblement content de la présence des méduses. Elles mettaient du beurre dans ses épinards et de l’essence dans sa mobylette. En examinant la liste, j’ai constaté que l’âge des touristes piqués allait de sept à soixante-quatorze ans, que ces personnes venaient de toute l’Espagne, mais aussi du Royaume-Uni ou de Trieste. J’ai toujours voulu aller à Trieste parce que ce nom ressemble à tristesse, un mot à consonance joyeuse, malgré sa signification. Les Espagnols disent tristeza, ce qui est plus lourd que le terme français, un grognement plus qu’un murmure. Je n’avais vu aucune méduse pendant que je nageais, mais d’après l’étudiant, leurs tentacules sont très longs et peuvent donc sévir de loin. Il avait l’index poisseux à cause de la pommade qu’il passait sur mon bras. Il semblait bien s’y connaître en méduses. Constituées à 95 % d’eau, elles sont transparentes et se camouflent donc facilement. Si elles sont si nombreuses à travers le monde, c’est en partie à cause de la surpêche. L’important était de ne pas frotter ni de gratter les marques. S’il restait des cellules de l’animal sur mon bras, frotter la piqûre risquait de libérer davantage de venin, mais sa pommade spéciale neutralisait lesdites cellules. Pendant qu’il parlait, je voyais palpiter sa bouche douce et rose pareille à une méduse au milieu de sa barbe. Il m’a tendu un bout de crayon et m’a demandé de remplir le formulaire. Nom : Sofia Papastergiadis Âge : 25 Pays d’origine : Royaume-Uni Profession : Les méduses se fichaient de ma profession, alors à quoi bon se donner cette peine ? De la peine, cette question m’en a causé, justement, encore plus que ma piqûre et mon nom de famille problématique que personne n’arrive à écrire ou prononcer. J’ai dit à l’étudiant que j’étais diplômée en anthropologie, mais que, pour l’instant, je travaillais dans un café de l’ouest de Londres – le Coffee House, avec Wi-Fi gratuit et bancs d’église restaurés. On torréfiait nos propres grains et on proposait trois sortes d’expresso maison… bref, je ne savais pas quoi écrire à côté de “Profession”. L’étudiant a tiré sur sa barbe. — Les anthropologues, vous étudiez les peuples primitifs, c’est ça ? — Oui, sauf que la seule primitive que j’aie jamais étudiée, c’est moi. Le mal du pays m’a saisie d’un coup, les parcs humides et paisibles de Grande-Bretagne m’ont manqué. Je voulais étendre mon corps primitif de tout son long sur une verte pelouse où aucune méduse ne flotterait entre les brins d’herbe. Il n’y a pas de verte pelouse à Almería, sauf dans les golfs. Les collines poussiéreuses sont si arides que c’est ici qu’on filmait les westerns-spaghettis – Clint Eastwood a même joué dans l’un d’eux. Les vrais cow-boys devaient avoir les lèvres gercées en permanence parce que les miennes se sont fendues sous l’effet du soleil et je dois mettre du baume tous les jours. Utilisaient-ils de la graisse animale ? Regardaient-ils l’immensité du ciel ? Les caresses et les baisers leur manquaient-ils ? Leurs problèmes disparaissaient-ils dans le mystère de l’espace comme ils le font parfois quand je regarde les galaxies sur mon écran de veille fissuré ? L’étudiant semblait s’y connaître aussi bien en anthropologie qu’en méduses. Il a voulu me donner une idée d’ “enquête de terrain originale” pendant que j’étais en Espagne. — Tu as vu les structures en plastique blanc qui couvrent les terres à Almería ? J’avais effectivement remarqué ce plastique blanc fantomatique. Il s’étend à perte de vue sur les plaines et dans les vallées. — Ce sont des serres, m’a-t-il dit. La température à l’intérieur peut monter jusqu’à quarante-cinq degrés à cause de l’environnement désertique. Ils emploient des migrants sans papiers pour ramasser les tomates et les poivrons destinés aux supermarchés, ça frôle l’esclavage. Je m’en doutais. Ce qui est couvert est toujours intéressant. On ne recouvre jamais du vide. Enfant, j’avais l’habitude de me couvrir le visage des mains pour que personne ne sache que j’étais là. Et puis je me suis aperçue que cela me rendait encore plus visible parce que tout le monde voulait savoir ce que je cherchais à cacher. Il a regardé mon nom de famille sur le formulaire, puis son pouce gauche, qu’il a replié comme pour vérifier que l’articulation fonctionnait toujours. — Tu es grecque ? Son attention était si éparpillée que c’en était perturbant. Il ne me regardait jamais dans les yeux. J’ai récité ma réponse habituelle : mon père est grec, ma mère anglaise, je suis née en Grande-Bretagne. — La Grèce a beau être plus petite que l’Espagne, elle n’arrive pas à payer ses factures. Le rêve est fini. Je lui ai demandé s’il parlait de l’économie. Il a répondu que oui, il préparait un master de philosophie à l’université de Grenade, mais se considérait comme chanceux d’avoir ce boulot d’été à l’infirmerie de la plage. Si le Coffee House embauchait toujours, quand il aurait son diplôme, il viendrait à Londres. Il ne savait pas pourquoi il avait dit que le rêve était fini parce qu’il n’y croyait pas. Il avait dû le lire quelque part et ça lui était resté en mémoire. Mais il ne partageait pas cet avis, celui contenu dans une phrase telle que “le rêve est fini”. Et d’abord, qui est le rêveur ? Le seul autre rêve généralisé dont il se souvenait était celui du discours de Martin Luther King, “J’ai fait un rêve…”, mais cette expression sur la fin du rêve suggérait que quelque chose avait commencé et que c’était désormais terminé. Il revenait au rêveur de le déclarer fini, à personne d’autre. Après quoi il m’a dit une phrase en grec et a semblé surpris quand j’ai expliqué que je ne parlais pas la langue. M’appeler Papastergiadis et ne pas parler la langue de mon père me met toujours mal à l’aise. — Ma mère est anglaise. — Oui, a-t-il dit dans son anglais parfait. Je ne connais que Skiathos où je suis allé une fois, mais j’ai réussi à retenir quelques phrases. J’avais l’impression qu’il m’accusait gentiment de ne pas être assez grecque. Mon père a quitté ma mère quand j’avais cinq ans, elle est anglaise et me parle surtout en anglais. Quel rapport avec l’étudiant ? Qui, de toute façon, était surtout censé s’occuper de ma piqûre de méduse. — Je t’ai vue sur la place avec ta mère. — D’accord. — Elle a du mal à marcher ? — Rose arrive parfois à marcher, parfois non. — Ta mère s’appelle Rose ? — Oui. — Et tu l’appelles par son prénom ? — Oui. — Tu ne dis pas maman ? — Non. Le bourdonnement du petit frigo installé dans le coin du cabanon d’infirmerie faisait penser à une chose morte et froide, mais qui aurait un pouls. Je me suis demandé s’il contenait des bouteilles d’eau. Agua con gas, agua sin gas. Je réfléchissais toujours aux moyens de trouver la bonne eau pour ma mère. L’étudiant a regardé sa montre. — La règle veut que toute personne ayant été piquée demeure ici cinq minutes. C’est pour m’assurer que tu n’aies pas de réaction ou de crise cardiaque. Une fois de plus, il a désigné la case “Profession” du formulaire que je n’avais pas remplie. Je ne sais pas si c’est la douleur de la piqûre, toujours est-il que je me suis retrouvée à lui parler de ma pathétique vie minuscule. — Je n’ai pas de profession à proprement parler, ni d’occupation, d’ailleurs, mais j’ai une préoccupation et elle s’appelle Rose. Pendant ce temps, il se passait les doigts sur les tibias. — Nous sommes venues en Espagne pour des consultations à la clinique Gómez afin d’essayer de comprendre ce qui ne va pas avec ses jambes. Notre premier rendez-vous est dans trois jours. — Ta mère a une paralysie des membres ? — On ne sait pas. C’est un mystère. Ça dure depuis un moment. Il a retiré la Cellophane qui enveloppait un morceau de pain blanc. J’ai cru qu’il s’agissait de la deuxième phase du traitement contre la piqûre, mais ça n’était qu’un sandwich au beurre de cacahuètes dont il a dit que c’était son déjeuner préféré. Il a pris une petite bouchée et sa barbe noire et brillante a remué pendant qu’il mâchait. Apparemment, il avait entendu parler de la clinique Gómez. Elle était très respectée et il connaissait aussi la femme qui nous a loué le petit appartement rectangulaire sur la plage. On l’a choisi parce qu’il n’a pas d’escaliers. Tout est sur un seul niveau, les deux chambres sont contiguës, à côté de la cuisine, et puis il est tout près de la place centrale, des cafés et du supermarché Spar local. Il voisine aussi l’école de plongée, l’Escuela de Buceo y Náutica, un cube blanc sur deux étages avec des hublots en guise de fenêtres. La réception est en train d’être repeinte. Deux Mexicains se mettent au travail tous les matins avec de gigantesques seaux de peinture blanche. Un berger allemand svelte et hurlant est enchaîné toute la journée à une barre de fer sur le toit-terrasse. Il appartient à Pablo, le directeur de l’école, qui passe son temps à jouer à un jeu appelé Infinite Scuba sur son ordinateur. Le chien affolé tire sur ses chaînes et essaye régulièrement de sauter du toit. — Personne n’aime Pablo, a reconnu l’étudiant. C’est le genre d’homme à plumer un poulet encore vivant. — Ça ferait un bon sujet pour une enquête de terrain. — Quoi donc ? — La raison pour laquelle personne n’aime Pablo. L’étudiant a levé trois doigts. J’ai supposé qu’il me fallait rester à l’infirmerie encore trois minutes. Le matin, les moniteurs de l’école de plongée apprennent à leurs élèves comment enfiler leur combinaison. Ces hommes sont mal à l’aise de voir le chien tout le temps enchaîné, mais continuent de faire ce qu’ils ont à faire. Leur travail consiste aussi à verser de l’essence dans des jerricanes en plastique grâce à un entonnoir et à les pousser sur le sable à l’aide d’un appareil électrique avant de les charger sur le bateau. C’est une technologie assez complexe comparée à celle utilisée par le masseur suédois, Ingmar, qui plante généralement sa tente au même moment. Pour transporter sa table jusque-là, Ingmar fixe des balles de ping-pong aux pieds et tire. Il s’est plaint à moi du chien de Pablo, comme si le hasard de mon installation à côté de l’école signifiait que j’étais plus ou moins co-propriétaire de ce pauvre berger allemand. Les clients d’Ingmar n’arrivent jamais à se détendre pendant leur massage aux huiles essentielles à cause des geignements, hurlements, aboiements et tentatives de suicide de l’animal. L’étudiant de l’infirmerie a voulu savoir si je respirais toujours. J’ai commencé à croire qu’il voulait me garder là. Il a levé un doigt. “Tu dois rester ici encore une minute, après quoi je te redemanderai comment tu te sens.” Je veux une vie plus vaste. Dans l’ensemble, j’ai l’impression d’avoir tout raté, même si je préfère travailler au Coffee House plutôt que de conduire des enquêtes sur ce qui incite des clients à préférer une marque de machine à laver à une autre. La plupart des personnes avec qui j’ai fait mes études ont fini par devenir ethnographes en entreprise. Si d’un point de vue étymologique, l’“ethnographie” est la description d’une culture, alors l’étude de marché est une sorte de culture (où vivent les gens, quel environnement habitent-ils, comment se répartit la corvée de lessive entre les membres de la communauté…), mais au bout du compte, tout ça ne sert qu’à vendre des machines à laver. Je ne suis même pas sûre qu’une enquête impliquant de rester dans un hamac à observer des buffles sacrés en train de brouter à l’ombre m’intéresserait. Je ne blaguais pas quand j’ai dit que la question “Pourquoi tout le monde déteste Pablo ?” ferait un bon sujet. Le rêve est fini pour moi. Il avait commencé quand j’ai laissé ma mère boiteuse cueillir seule les poires de notre jardin de l’est londonien l’automne où je suis partie pour l’université. J’ai obtenu un diplôme prestigieux. Le rêve a continué pendant que je préparais mon master. Il s’est fini quand Rose est tombée malade et que j’ai abandonné mon doctorat. Ma thèse inachevée est toujours tapie dans un fichier numérique derrière mon écran de veille fissuré tel le corps d’une suicidée que personne n’a réclamé. Oui, certaines choses prennent de l’ampleur (l’absence de sens de ma vie), mais pas les bonnes. Les biscuits du Coffee House grossissent (ils font la taille de ma tête), les additions s’allongent (il y a tant d’informations sur une addition, c’est presque une enquête en soi), mes cuisses s’épaississent (régime de sandwichs, gâteaux…). L’argent sur mon compte, lui, diminue, et les fruits de la passion rapetissent (même si les grenades grossissent, que la pollution et ma honte de dormir cinq nuits par semaine dans la réserve du Coffee House augmentent). À Londres, en général, je m’effondre de sommeil sur le lit enfantin d’une place. Je n’ai aucune excuse d’être en retard au travail. Ce que je déteste le plus, c’est quand les clients me demandent de m’occuper de leur souris sans fil ou de leur chargeur. Ils sont en partance pour un ailleurs pendant que je débarrasse leurs tasses et fais les étiquettes des cheesecakes. J’ai tapé des pieds pour oublier l’élancement douloureux dans mon bras. Puis j’ai remarqué que la bretelle de mon haut de bikini était cassée et que mes seins nus tressautaient. Elle avait dû se défaire quand je nageais, je n’étais donc pas couverte en courant sur la plage vers l’infirmerie. C’est peut-être pour ça que l’étudiant n’a pas su où poser les yeux pendant notre conversation. Je me suis retournée et j’ai refait le nœud de mon soutien-gorge. — Comment tu te sens ? — Bien. — Tu peux partir. Je lui ai de nouveau fait face et ses yeux se sont rapidement arrêtés sur mes seins nouvellement couverts. — Tu n’as pas rempli la case “Profession”. J’ai pris le crayon et j’ai écrit SERVEUSE. Ma mère m’a chargée de laver sa robe jaune à imprimé tournesol parce qu’elle va la porter pour son premier rendez-vous à la clinique Gómez. Ça ne me dérange pas. J’aime laver les vêtements à la main et les étendre pour qu’ils sèchent au soleil. La brûlure de la piqûre me lance à nouveau malgré la pommade dont l’étudiant l’a recouverte. Mon visage me brûle aussi, mais je me dis que c’est à cause de la difficulté que j’ai eue à remplir la case “Profession”. À croire que la piqûre de méduse a libéré un venin qui se répand en moi. Lundi, ma mère exposera ses différents symptômes au médecin comme un assortiment de mystérieux petits fours. Et moi je tiendrai le plateau. La voilà. La magnifique jeune femme grecque traverse la plage en bikini. Il y a une ombre entre son corps et le mien. Parfois, elle traîne des pieds dans le sable. Elle n’a personne pour lui passer de la crème solaire sur le dos et à qui dire ici oui non oui là. Docteur Gómez Nous entamons le long périple à la recherche d’un guérisseur. Le chauffeur de taxi payé pour nous emmener à la clinique Gómez n’a aucune raison de comprendre notre grande nervosité, ni ce qui se joue ici. Nous entamons un nouveau chapitre dans l’histoire des jambes de ma mère, un chapitre qui nous mène jusqu’au sud semi-désertique de l’Espagne. Ça n’est pas rien. Nous avons dû hypothéquer la maison de Rose pour payer le traitement proposé par cette clinique. Son coût total s’élève à vingt-cinq mille euros, une grosse somme à perdre, d’autant plus si on pense que j’enquête sur les symptômes de ma mère depuis aussi loin que je m’en souvienne. J’ai vingt-cinq ans et j’enquête depuis vingt ans. Peut-être plus. À l’âge de quatre ans, je lui ai demandé ce qu’elle entendait par mal de tête. Elle m’a répondu que c’était comme une porte qu’on lui claquerait à la tête. Je suis devenue bonne psychologue, ce qui signifie que sa tête est ma tête. De nombreuses portes claquent en permanence et j’en suis le principal témoin. Si je me considère comme une détective accidentelle mue par un désir de justice, cela fait-il de sa maladie un crime non résolu ? Si oui, qui est le coupable et qui est la victime ? Tenter de déchiffrer ses souffrances et douleurs, ce qui les déclenche et les motive, offre un bon entraînement à une anthropologue. Il y a eu des moments où j’ai cru faire une découverte décisive et savoir où les cadavres étaient enterrés, pour voir mon hypothèse réfutée une fois de plus. Rose présentait un nouveau symptôme tout à fait mystérieux pour lequel on lui prescrivait un nouveau médicament tout à fait mystérieux. Les médecins britanniques lui ont récemment donné des antidépresseurs pour ses pieds. C’est ce qu’elle m’a expliqué – ils ciblent les terminaisons nerveuses de ses pieds. La clinique est située près de Carboneras, une ville connue pour sa cimenterie. Il faut trente minutes pour s’y rendre. Ma mère et moi frissonnons à l’arrière du taxi à cause de la clim qui transforme l’air du désert en quelque chose de plus ou moins comparable à l’hiver russe. Le chauffeur nous dit que les carboneras sont des soutes à charbon, et que les arbres qui couvraient autrefois ces montagnes avaient été coupés pour en faire du charbon de bois. Les forêts ont été rasées pour être brûlées dans “la fournaise”. Je lui demande s’il veut bien baisser l’air froid. Il affirme que la clim est automatique et hors de son contrôle, mais qu’il peut nous indiquer des plages avec une eau claire et propre. — La plus belle est la Playa de los Muertos, ce qui veut dire “plage des Morts”. Elle n’est qu’à cinq kilomètres au sud de la ville. Il faut descendre la montagne pendant vingt minutes. Elle est inaccessible par la route. Rose se penche en avant, lui tapote l’épaule. — Nous sommes ici parce que j’ai une maladie des os et que je ne peux pas marcher. Elle fronce les sourcils en voyant le rosaire en plastique suspendu au rétroviseur. Rose est une athée convaincue, encore plus depuis que mon père s’est tourné vers la religion. Elle a les lèvres bleues à cause du climat extrême qui règne dans l’habitacle. — Quant à la plage des Morts – elle frémit en prononçant ces mots –, je n’y suis pas encore tout à fait, même si je comprends qu’il serait plus attrayant de nager dans une eau claire que de brûler dans l’enfer alimenté par un charbon dont la production a entraîné l’abattage de tous les arbres et la déforestation de toutes les montagnes. Son accent du Yorkshire est soudain virulent, comme à chaque fois qu’une discussion l’amuse. Le chauffeur est accaparé par une mouche posée sur son volant. — Vous voudrez peut-être réserver mon taxi pour le trajet de retour ? — Cela dépendra de la température dans le véhicule. Alors que le taxi se réchauffe, ses fines lèvres bleues dessinent ce qui ressemble à un sourire. Nous sommes désormais en rade dans un hiver moins russe que suédois. Je baisse la vitre. La vallée est couverte de plastique blanc, ainsi que l’étudiant de l’infirmerie l’a décrite. Les fermes du désert dévorent la terre comme une peau morne et malade. J’ai les cheveux dans les yeux à cause du vent chaud et Rose a posé la tête sur mon épaule encore douloureuse après la piqûre de méduse. Je n’ose pas me mettre dans une position plus confortable parce que je sais qu’elle a peur et je dois prétendre que moi non. Elle n’a pas de dieu à qui demander chance ou miséricorde. En fait, elle compte plutôt sur la gentillesse des autres et les calmants. Le chauffeur nous fait pénétrer dans le domaine bordé de palmiers de la clinique Gómez, nous apercevons les jardins que la brochure qualifie d’ “oasis miniature d’une immense importance écologique”. Deux pigeons sont blottis l’un contre l’autre sous les mimosas. La clinique elle-même a été creusée dans la montagne pelée ; construite dans un marbre couleur crème, elle a la forme d’un dôme pareil à un énorme bol renversé. Je l’ai examinée de nombreuses fois sur Google, mais l’image numérique ne rend pas du tout le calme et le réconfort que l’on éprouve à se tenir devant pour de bon. L’entrée, entièrement vitrée, contraste avec l’ensemble. Des buissons épineux aux fleurs violettes ainsi qu’un fouillis de petits cactus argentés sont plantés en grand nombre le long de la courbure du dôme, laissant la voie à l’allée de gravier où le taxi se gare à côté d’une petite navette à l’arrêt. Il faut quatorze minutes à Rose pour aller de la voiture aux portes vitrées. Ces dernières, semblant anticiper notre arrivée, s’ouvrent en silence comme si elles répondaient à notre souhait de pouvoir entrer sans que ni elle ni moi ayons à en faire la demande. Je regarde la Méditerranée bleu foncé au pied de la montagne et me sens tranquille. Quand la réceptionniste appelle Señora Papastergiadis, je prends le bras de Rose et nous boitons de concert sur le sol en marbre jusqu’au bureau. Oui, nous boitons de concert. J’ai vingt-cinq ans et je boite avec ma mère pour être en phase avec elle. Mes jambes sont ses jambes. C’est ainsi que nous trouvons une allure conviviale nous permettant d’avancer. C’est ainsi que les adultes marchent avec de jeunes enfants qui n’avancent plus à quatre pattes, que les enfants devenus adultes marchent avec leurs parents qui ont besoin d’un bras sur lequel s’appuyer. Plus tôt dans la matinée, ma mère s’est rendue seule au Spar pour s’acheter des épingles à cheveux. Elle n’a même pas pris de canne. Je ne veux plus y penser. La réceptionniste m’indique une infirmière qui attend avec un fauteuil roulant. Je suis soulagée de confier Rose à quelqu’un d’autre, de rester derrière l’infirmière qui pousse le fauteuil et d’admirer ses hanches qui se balancent au rythme de ses pas, ses cheveux longs et brillants attachés avec un ruban de satin blanc. C’est une autre façon de marcher, qui n’implique aucune douleur, aucun lien familial ni aucun compromis. Sur le marbre des couloirs, les talons de ses chaussures en daim gris font un bruit de coquille d’œuf qu’on écrase. L’infirmière s’arrête devant une porte où les mots “M. Gómez” sont écrits en lettres d’or sur un panneau de bois ciré, elle toque et attend. Ses ongles vernis brillent d’un rouge sombre. Nous sommes loin de chez nous. Se trouver enfin ici, dans ce couloir incurvé avec ces veines ambrées qui courent sur les murs est une sorte de pèlerinage, une dernière chance. Depuis des années, un nombre croissant de professionnels de la médecine du Royaume-Uni tâtonnent en quête d’un diagnostic, perplexes, perdus, humiliés, résignés. Ce voyage ne peut être que le dernier et je crois que ma mère le sait aussi. Une voix d’homme crie quelque chose en espagnol. L’infirmière ouvre la lourde porte et me fait signe d’entrer avec Rose, comme pour dire, Elle est tout à vous. Dr. Gómez. Le médecin orthopédique que j’ai déniché après des mois de recherches acharnées. La soixantaine environ, il a les cheveux gris, mais avec une étonnante mèche d’un blanc éclatant coiffée à gauche. Il porte un costume à fines rayures, a des mains bronzées ainsi que des yeux bleus vigilants. “Merci, infirmière Soleil”, dit-il comme s’il était normal pour un éminent spécialiste des troubles musculosquelettiques de donner des petits noms aux membres de son équipe. La femme tient toujours la porte ouverte avec l’air de celle dont les pensées sont parties explorer la Sierra Nevada. Il élève la voix et répète en espagnol. “Gracias, enfermera Luz del Sol.” Cette fois, elle ferme la porte. J’entends le claquement de ses talons, d’abord à une allure régulière, puis plus rapide. Elle s’est mise à courir. L’écho de ses pas me reste à l’esprit longtemps après son départ. Le docteur Gómez parle anglais avec un accent américain. — Mesdames, en quoi puis-je vous être utile ? Rose a l’air déconcertée. — Eh bien, c’est précisément ce que j’aimerais que vous me disiez. Le docteur Gómez sourit, dévoilant deux dents de devant entièrement couronnées d’or. Elles me rappellent la dentition d’un crâne humain que nous avions étudié en première année d’anthropologie, le but étant de déterminer quel avait été le régime alimentaire de la personne. Avec des dents aussi cariées, on pouvait imaginer qu’elle avait mâché des céréales dures. Après un examen minutieux, j’avais découvert un petit carré de lin fourré dans la carie la plus grosse. Il avait été imbibé d’huile de cèdre pour soulager la douleur et stopper l’infection. Le ton du docteur Gómez est vaguement amical et vaguement formel. — J’ai lu votre dossier, madame Papastergiadis. Vous avez longtemps été bibliothécaire ? — Oui. J’ai pris ma retraite à cause de mon état de santé. — Vous vouliez arrêter de travailler ? — Oui. — Donc vous n’avez pas pris votre retraite pour des raisons de santé ? — C’est un ensemble de circonstances. — Je vois. Il n’a l’air ni ennuyé ni intéressé. — Mon travail était de cataloguer, d’indexer et de classer les livres. Il acquiesce et tourne le regard vers l’écran de son ordinateur. Pendant que nous attendons qu’il redirige son attention sur nous, je contemple la salle de consultation. Mobilier réduit. Un lavabo. Un lit sur roulettes, qu’on peut élever ou abaisser et, à côté, une lampe argentée. Il y a une vitrine remplie de livres reliés cuir derrière son bureau. Puis je sens qu’on me regarde. Ses yeux sont brillants et curieux. Un petit singe gris empaillé en position accroupie sous une cloche posée sur une étagère à mi-hauteur du mur. Il a le regard fixé pour l’éternité sur ses frères et sœurs humains. — Madame Papastergiadis, je lis ici que vous vous prénommez Rose. — Tout à fait. Il a prononcé Papastergiadis aussi facilement que s’il avait dit Joan Smith. — Puis-je vous appeler Rose ? — Bien sûr. C’est mon nom, après tout. Ma fille m’appelle Rose et je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas faire de même. Le docteur Gómez me sourit. — Vous appelez votre mère Rose ? C’est la deuxième fois qu’on me pose la question en trois jours. — Oui, dis-je rapidement, comme si c’était sans importance. Puis-je vous demander comment il faut vous appeler, docteur Gómez ? — Certainement. Je suis chef de clinique, donc je suis Monsieur Gómez. Mais si cela paraît trop formel, vous pouvez m’appeler Gómez, je ne le prendrai pas mal. — Ah. C’est bon à savoir. Ma mère lève une main pour vérifier que l’épingle de son chignon est toujours en place. — Et vous venez d’avoir soixante-quatre ans, madame Papastergiadis ? A-t-il déjà oublié qu’il a reçu la permission d’utiliser le prénom de sa nouvelle patiente ? — Soixante-quatre ans, le début de la fin. — Vous avez donc eu votre fille à trente-neuf ans ? Rose tousse comme pour se racler la gorge, opine et tousse de nouveau. Gómez se met lui aussi à tousser. Il se racle la gorge et passe la main dans sa mèche blanche. Rose bouge la jambe droite et émet un grognement. Gómez bouge la jambe gauche et émet un grognement. Je n’arrive pas à savoir s’il l’imite ou s’il se moque d’elle. S’ils se parlent par grognements, toux et soupirs, se comprennent-ils ? — C’est un plaisir de vous accueillir dans ma clinique, Rose. Il tend la main. Ma mère se penche en avant comme pour la serrer, mais change brusquement d’avis. La main du médecin reste en l’air. Manifestement, leur conversation non verbale n’a pas incité ma mère à lui faire confiance. — Sofia, donne-moi un mouchoir. Je lui passe un mouchoir et je serre la main de Gómez à sa place. Son bras est mon bras. — Et vous êtes Miss Papastergiadis ? Il fait traîner les s, ce qui donne misssss. — Sofia est ma fille unique. — Vous avez des fils ? — J’ai dit unique. — Rose. Il sourit. — Je crois que vous allez bientôt éternuer. Y a-t-il du pollen dans l’air, aujourd’hui ? Ou autre chose ? — Du pollen ? Rose a l’air vexée. — Nous sommes dans une région désertique. À ma connaissance, il n’y a pas la moindre fleur dans les parages. Gómez imite son expression vexée. — Plus tard, je vous ferai visiter nos jardins pour que vous puissiez voir des fleurs de votre connaissance. De la lavande de mer violette, des jujubiers aux magnifiques branches épineuses, des genévriers de Phénicie et diverses plantes de brousse des environs de Tabernas importées pour votre agrément. Il s’approche du fauteuil roulant, s’agenouille devant Rose et la regarde dans les yeux. Elle éternue. — Donne-moi un autre mouchoir, Sofia. Je m’exécute. Elle a désormais deux mouchoirs, un dans chaque main. — J’ai toujours mal au bras gauche quand j’éternue, dit-elle. C’est une douleur vive, déchirante. Je dois me tenir le bras jusqu’à ce que les éternuements cessent. — Où se situe cette douleur ? — À l’intérieur du coude. — Merci. Nous effectuerons un examen neurologique complet, nerfs crâniens compris. — Et j’ai une douleur chronique dans les articulations de ma main gauche. Gómez remue les doigts de sa main gauche en direction du singe, comme s’il l’encourageait à faire de même. Au bout d’un moment, il se tourne vers moi. — Vous vous ressemblez, je le vois. Si ce n’est que vous, Missss Papastergiadis, êtes plus mate de peau. Vous avez le teint cireux. Vos cheveux sont presque noirs. Ceux de votre mère sont châtains. Votre nez est plus long que le sien. Vous avez les yeux marron. Ceux de votre mère sont bleus, comme les miens. — Mon père est grec, mais je suis née en Grande-Bretagne. Je ne sais pas si cette remarque sur mon teint est une insulte ou un compliment. — Je suis dans le même cas de figure. Mon père est espagnol et ma mère américaine. J’ai grandi à Boston. — Même chose pour mon ordinateur. Conçu en Amérique et fabriqué en Chine. — Oui, l’identité est toujours difficile à garantir, Missss Papastergiadis. — Je viens des environs de Hull, dans le Yorkshire, déclare soudain Rose qui paraît se sentir exclue. Quand Gómez veut saisir le pied droit de ma mère, elle le lui tend comme un cadeau. Il presse ses orteils avec le pouce et l’index, sous le regard attentif du singe sous cloche, et le mien. Il déplace le pouce vers sa cheville. — Cet os s’appelle l’astragale. Avant cela, je palpais les phalanges. Vous sentez mes doigts ? Rose secoue la tête. — Je ne sens rien. Mes pieds sont paralysés. Gómez acquiesce en prenant l’air de celui qui est déjà au courant. — Comment va le moral ? demande-t-il ensuite, à croire qu’il parle d’un os appelé moral. — Pas mal du tout. Je me penche pour ramasser ses chaussures. — S’il vous plaît, dit Gómez. Laissez-les là où elles sont. Il lui examine la plante du pied droit. — Vous avez des ulcères, là et là. Est-ce qu’on a contrôlé votre diabète ? — Oh que oui. — La surface est limitée, mais légèrement infectée. Il faut régler cela sur-le-champ. Rose opine gravement, mais semble contente. — Le diabète, s’exclame-t-elle, c’est peut-être ça, l’explication. Apparemment, il n’a pas envie de poursuivre cette conversation parce qu’il se lève et se lave les mains dans le lavabo. Il se tourne vers moi en prenant une serviette en papier. — L’architecture de ma clinique vous intéressera sans doute ? Cela m’intéresse, effectivement. Je réponds que, si je me souviens bien, les premiers dômes ont été construits avec des défenses et des os de mammouths. — Ouiii. Et votre appartement de plage est un rectangle. Mais au moins il donne sur l’océan… — Il n’est pas confortable, nous interrompt Rose. Pour moi, c’est un rectangle construit sur du bruit. Il a une terrasse en béton censée être privée, mais ce n’est pas le cas puisqu’elle donne juste sur la plage. Ma fille aime s’y asseoir toute la journée devant son ordinateur pour ne pas me voir. Rose est lancée dans sa liste de récriminations. — Le soir, des spectacles de magie pour les enfants sont organisés sur la plage. Tellement de bruit. Les assiettes qui s’entrechoquent dans les restaurants, les touristes qui hurlent, les mobylettes, les cris des enfants, les feux d’artifice. Je ne vais jamais à la mer à moins que Sofia ne m’y emmène en fauteuil et, de toute façon, il fait toujours trop chaud. — Dans ce cas, je vais devoir faire venir la mer à vous, madame Papastergiadis. Rose se mord la lèvre inférieure un moment. Puis la relâche. — Je trouve la nourriture du sud de l’Espagne très difficile à digérer. — Désolé de l’apprendre. Gómez pose son regard bleu sur le ventre de ma mère tel un papillon sur une fleur. Ma mère a perdu du poids ces dernières années. Elle rétrécit et semble aussi plus petite car les robes qui lui arrivaient aux genoux lui tombent désormais au-dessus des chevilles. Je dois fournir un effort pour me souvenir que c’est une belle femme vieillissante. Ses cheveux, qu’elle coiffe en chignon tenu par une seule épingle, sont son unique caprice. Tous les trois mois, quand les racines blanches réapparaissent, elle les fait couvrir de papier alu et éclaircir par une coloriste à la mode qui, elle, a le crâne rasé. Rose m’a suggéré de faire la même chose avec mes boucles noires indomptables qui ont tendance à friser dès qu’il pleut, c’est-à-dire souvent.
ABSCONS, ONSE, adj. et subst. masc.[En parlant de réalités appartenant au domaine de l’intelligence ou de l’esprit] Obscur, mystérieux, difficile à pénétrer.
I.−Empl. adj. :
1. Oyez pourtant. Par affinité d’esperits animaulx et secrète coniunction d’humeurs absconses, ie me suys treuvé estre ceste septmaine hallebrené de mesme fascherie, à la teste… G. Flaubert, Correspondance,1852, p. 72.
2. Quant aux parties suivantes, vous y montrez la vie moderne dans ses régions les plus intimes, les plus absconses; et on ne peut que se répéter : oui c’est cela! En admirant la profondeur de votre coup d’œil et la véhémence de vos peintures. G. Flaubert, Correspondance,1861, p. 430.
3. Tu m’appris à parler le narquois, à me déguiser de vingt manières diverses, (…) à trouver les cachettes les plus absconses; et cela sans baguette de coudrier! T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 75.
4. Discussion à table avec Daudet, où je soutiens qu’un homme qui n’a pas été doué par Dieu du sens pictural pourra, à force d’intelligence, goûter quelques gros côtés perceptibles de la peinture, mais n’en goûtera jamais la beauté intime, la beauté absconse au public, n’aura jamais la joie d’une coloration; E. et J. de Goncourt, Journal,1888, p. 890.
5. Ce soir, chez Daudet, une terrible logomachie, où Rosny parle des abstraits et des concrets en littérature et des préférences morales, (…) et de beaucoup de choses absconses, compliquées et peu compréhensibles, au bout desquelles il déclare que c’est moi qui suis le théoricien dogmatique, le théoricien autoritaire… E. et J. de Goncourt, Journal,1888p. 950.
6. En même temps, un certain genre abscons, intermédiaire entre le réel et l’abstrait, et qui n’est pas sans mérite, s’est développé dans ces régions que Sainte-Beuve appelait le Kamtchatka littéraire. L. Daudet, Vers le Roi,1920, p. 167.
7. M. Godeau fut impressionné jusqu’à trembler devant son propre « bonheur » qu’une autre que lui-même osait proclamer inaltérable, inviolable, si abscons. M. Jouhandeau, Monsieur Godeau intime,1926, p. 222.
8. Il a scruté, continue notre texte, les profondeurs, les fleuves et il a produit à la lumière les choses absconses. Il a exploré les caves, les galeries et les réservoirs,… P. Claudel, Un Poète regarde la croix,1938, p. 130.
9. … on reconnaît sans peine, sous le nom de Théocrate, le philosophe lucernois; il apparaît comme un personnage irascible, au langage abscons et fleuri de métaphores, qui célèbre les Alpes, les cascades, les chants des bergers,… A. Béguin, L’Âme romantique et le rêve,Essai sur le romantisme allemand et la poésie française, 1939, p. 88.
10. Ce genre demi-abscons (de F. de Curel) se démode plus vite au théâtre que dans le roman. L. Daudet, Mes idées esthétiques,1939, p. 154.
Rem. 1. Dans l’ex. 3 abscons est associé à un mot concr., alors que dans les autres ex. il est lié avec des mots abstr. L’idée de chose cachée reste très sensible dans les énoncés les plus anc. (ex. 2 à 4); elle peut reparaître à l’époque mod. par fig. étymol. (ex. 7, 8). Certaines oppos. mettent en relief l’idée de difficulté à saisir ce qui est compliqué (ex. 5). Dans les énoncés les plus récents, le mot tend de plus en plus à caractériser l’expr. langagière, le style (ex. 6, 9). 2. 2 emplois rares, l’un par arch. dans une imitation de l’anc. lang. (ex. 1), l’autre avec utilisation du préf. demi- placé devant abscons (ex. 10).
II.−Empl. subst. :
11. C’est vraiment de par lui, au théâtre, une très intelligente et très littéraire mise en scène de l’intime et de l’abscons des passions. E. et J. de Goncourt, Journal,1885, p. 421.Stylistique − Etant donné que pour abstrus comme pour abscons, l’anton. est l’adj. clair, abscons peut être considéré comme un renforcement superl. de abstrus. L’approche de ce qui est abstrus est toujours difficile, mais non impossible. En revanche, si l’abscons est toujours difficile, l’approche en est peu sûre ou improbable, le plus souvent impossible. D’autre part, l’emploi de abscons est, du moins dans les énoncés les plus anc., plus étendu (ex. : cachettes absconses), que celui de abstrus, qui s’applique princ. au domaine intellectuel. Abscons est d’abord empl. à la fois au sens propre et au sens fig. Peu à peu, le sens fig. l’a emporté, sans jamais éliminer complètement le sens propre (ex. 3). Abscons est un mot rare qui appartient au style soutenu, avec une valeur nettement péj. (ex. 5).
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ab̭skɔ ̃], fém. [ab̭skɔ ̃:s]. 2. Homon. et homogr. − Fém. absconse : absconse, subst. de même orig., « petite lampe obscure ».
Étymol. − 1. 1478 prob. terme méd. (La Grande Chirurgie de Guy de Chauliac [1363] éd. de Nicolas Panis ds G. Sigurs ds Fr. mod., juill. 1965, p. 201); 2. 1509 « caché » sens fig. (Jean Lemaire de Belges, Illustr. I, 1 ds Hug. : … ramener à lumière toute ceste belle antiquité, laquelle ha esté absconse et celee jusques à présent à la plupart des hommes). Part. passé adjectivé de abscondre* au sens propre et fig.; repris au xixes. HISTORIQUE I.− Morphologiquement, abscons est, comme part. passé adjectivé, le résidu actuel d’un paradigme verbal représenté dans l’anc. lang. L’inf. abscondre (cf. Gdf., Hug., repris par Ac. Compl. 1842 comme vx mot) apparaît le premier et comme vedette unique du paradigme. Aux xviieet xviiies. (Nicot, Fur., Trév.), abscondre disparaît au profit de absconser peut-être du fait de la vitalité du part., − 17 ex. ds Hug. −, ou de l’expr. pic. très vivante esconsement (« coucher ») du soleil, disparue au xixes. Cotgr. est le premier à mentionner séparément le part. absconse, absconsé(ée); il n’est suivi que par Trév. 1752 qui le donne comme adj. − Rem. Au xixes. apparaît l’emploi subst. (cf. ex. 12 et 13). II.− Sémantiquement, on note dès l’orig. (xives., cf. étymol.) la coexistence d’un sens phys. et d’un sens fig., vivants jusqu’au xviies., inusités aux xviieet xviiies., mais réapparaissant aux xixeet xxes., surtout au sens fig., plus rarement au sens phys. A.− Accept. vraisemblablement disparue av. 1789 : accept. techn. méd. notée au xves. (cf. étymol. 2, ouvrage cité non disponible), sans doute à rapprocher de absconsion « ulcère caché, latent », (attesté ds la Grande Chirurgie de Maître Henri de Mondeville, trad. de 1313, éd. S.T.A.F., t. II, p. 93). B.− Accept. subsistant apr. 1789. 1. xives. : sens phys. et fig., cf. étymol. 2. xvies. : sens phys. (ex. de Marot) et sens fig. (ex. de Rabelais) : Le chant du coq la nuict point ne prononce Ains le retour de la lumière absconse. (Marot, Épigr., 35 ds Hug.) En icelle bien aultre goust trouverez, et doctrine plus absconce, laquelle vous revelera de treshaultz sacremens et mysteres horrificques. (Rabelais, I, Prologue ds Hug.) 3. xviieet xviiies. : eclipse du mot, qualifié de vx (Fur. 1690, Trév. 1752). 4. xixes. : résurgence du mot (cf. sém.).
Par un hasard très curieux, en ouvrant ma tablette, dans ma bibliothèque numérique, je suis tombé sur le bouquin de J.L Borges, lu il y très longtemps. Ce qui m’a valu une insomnie, au détriment d’une forme matinale dont j’avais absolument besoin.
Je donne plus bas l’avis de ChatGPT sur la première nouvelle intitulée “l’intruse”
On dit (mais c’est peu probable) que cette histoire fut racontée par Eduardo, le cadet des Nelson, à la veillée funèbre de Cristián, l’aîné, qui mourut de mort naturelle, vers les années 1890, dans la commune de Morón. Ce qui est certain c’est que quelqu’un l’entendit raconter par quelqu’un, au cours de cette longue nuit dont le souvenir s’estompe, tandis que circulait le maté, et que ce quelqu’un la répéta à Santiago Dabove, de qui je la tiens. Quelques années plus tard, on me la raconta de nouveau à Turdera, l’endroit même où elle s’était passée. La deuxième version, un peu plus circonstanciée, confirmait en gros celle de Santiago, avec les petites variantes et les contradictions inévitables en pareil cas. Je la transcris aujourd’hui parce qu’elle nous donne, me semble-t-il, un bref et tragique reflet de ce qu’était autrefois, dans nos campagnes, la mentalité des gens du peuple. J’essaierai d’être aussi fidèle que possible, mais je sens déjà que je céderai à la tentation littéraire d’amplifier ou d’ajouter certains détails. À Turdera, on les appelait les Nilsen. Le curé me dit que son prédécesseur se souvenait d’avoir vu, non sans étonnement, chez ces gens une vieille Bible en écriture gothique, à reliure noire ; dans les dernières pages il avait vu, inscrits à la main, des noms et des dates. C’était le seul livre qu’il y eût dans la maison. La destinée itinérante des Nilsen, perdue là comme tout se perdra. La bâtisse, qui n’existe plus, était en brique sans crépi ; du portail, on voyait une cour intérieure pavée de carreaux rouges puis une autre en terre battue. Peu d’étrangers, d’ailleurs, y pénétrèrent ; les deux Nilsen défendaient jalousement leur solitude. Ils dormaient dans des chambres nues, sur des lits de sangle ; les chevaux, les harnais, le couteau à lame courte, les habits fastueux des samedis soirs et l’alcool querelleur étaient leur seul luxe. On m’a dit qu’ils étaient grands et qu’ils avaient des cheveux roux. Du sang venu du Danemark ou d’Irlande, pays dont ils n’avaient jamais dû entendre parler, coulait dans les veines de ces deux Argentins. Le quartier craignait ces rouquins ; il n’était pas impossible qu’ils aient eu certains meurtres à leur actif. Ils se battirent une fois, côte à côte, contre la police. On dit que le cadet se mesura avec Juan Iberra et qu’il n’eut pas le dessous, ce qui, au dire des connaisseurs, représente un exploit. Ils avaient conduit des troupeaux, mené des attelages, volé du bétail et, à l’occasion, triché au jeu dans les bistrots. Ils avaient la réputation d’être avares, sauf quand la boisson ou le jeu les rendaient prodigues. On ignorait qui étaient leurs parents et d’où ils étaient venus. Ils possédaient une charrette et une paire de bœufs. Ils différaient physiquement des gens de leur milieu, à qui la Costa Brava doit son nom évocateur. Ceci, et le reste que nous ignorons, permet de comprendre le bloc qu’ils formaient. Se fâcher avec l’un, c’était se faire deux ennemis. Les Nilsen étaient coureurs, mais leurs aventures amoureuses avaient été jusqu’alors de celles qui se passent sous un portail ou dans une maison close. Les commentaires allèrent donc bon train quand Cristián amena chez eux Juliana Burgos. Il est vrai qu’il y gagnait une servante, mais il est non moins vrai qu’il la comblait d’affreux bijoux de pacotille et qu’il l’exhibait dans les bals. Dans ces pauvres bals de quartier, où certaines figures du tango étaient interdites et où l’on dansait encore dans des salles bien éclairées. Juliana avait le teint mat et les yeux en amande ; il suffisait qu’on la regardât pour qu’elle sourît. Dans un quartier modeste, où le travail et le manque de soins abîment les femmes, elle passait pour jolie. Au début, Eduardo les accompagnait. Puis il dut se rendre à Arrecifes pour je ne sais quelle affaire ; à son retour il amena à la maison une jeune femme qu’il avait trouvée sur sa route et qu’il renvoya au bout de quelques jours. Il se renfrogna ; il s’enivrait seul au bistrot et ne parlait à personne. Il était amoureux de la femme de Cristián. Le quartier, qui s’en aperçut probablement avant lui, prévit avec une joie perfide la rivalité qui allait s’ensuivre entre les deux frères. Un soir qu’il rentrait tardivement du bistrot du coin, Eduardo vit le cheval noir de Cristián attaché à la palissade. Dans la cour, l’aîné l’attendait dans ses plus beaux habits. La femme allait et venait, un pot de maté à la main. Cristián dit à Eduardo : — Je m’en vais à une fête chez Farias. Je te laisse Juliana ; si tu la veux, tu peux la prendre. C’était dit d’un ton à la fois autoritaire et cordial. Eduardo le regarda longuement ; il ne savait que faire. Cristián se leva, prit congé d’Eduardo, négligeant Juliana qui n’était pour lui qu’un objet, monta à cheval et partit au petit trot, sans se presser. À dater de cette nuit-là, ils se la partagèrent. Personne ne connaîtra les détails de ce sordide ménage à trois, qui scandalisait le quartier. Tout marcha bien pendant quelques semaines, mais cet arrangement ne pouvait durer. Entre eux, les deux frères ne prononçaient jamais le nom de Juliana, même pour l’appeler, mais ils cherchaient, et trouvaient, des raisons de se quereller. Ils se disputaient au sujet de la vente de certaines peaux de bêtes, mais leur dispute venait d’ailleurs. Cristián haussait la voix et Eduardo se taisait. À leur insu, ils se jalousaient. Dans ce faubourg sauvage où l’on n’avait jamais entendu un homme dire – l’idée n’en serait venue à personne – qu’il se souciait d’une femme autrement que pour la désirer et la posséder, les deux frères étaient bel et bien amoureux. Et ceci, en quelque sorte, les humiliait. Un après-midi, place Lomas, Eduardo croisa Juan Iberra qui le félicita du beau brin de fille qu’il s’était procuré. Ce fut à cette occasion, je crois, qu’Eduardo l’injuria et qu’ils en vinrent aux mains. Il ne permettrait à personne de se moquer de Cristián en sa présence. La femme s’occupait d’eux avec une soumission animale ; mais elle ne pouvait cacher une certaine préférence pour le cadet, qui n’avait pas refusé cet arrangement mais qui ne l’avait pas sollicité. Un jour, ils ordonnèrent à Juliana de sortir deux chaises dans la première cour et de ne plus passer par là, parce qu’ils avaient à parler. Elle pensa que le dialogue serait long et elle alla donc faire la sieste mais ils la réveillèrent au bout d’un moment. Ils lui dirent de mettre dans un sac tout ce qu’elle possédait, sans oublier son chapelet de cristal et la petite croix que lui avait donnée sa mère. Sans fournir la moindre explication, ils la firent monter dans la carriole et ils se mirent en route pour un voyage qui fut pénible et où personne n’ouvrit la bouche. Il avait plu ; les chemins étaient embourbés et il devait être près de trois heures du matin quand ils arrivèrent à Morón. Là, ils la vendirent à la patronne du bordel. Le marché avait été conclu d’avance ; Cristián reçut une somme qu’il partagea avec son frère. À Turdera, les Nilsen, qui s’étaient perdus dans l’imbroglio (qui était aussi une routine) de cet amour monstrueux, voulurent renouer avec leur ancienne vie d’hommes vivant entre hommes. Ils recommencèrent à jouer aux cartes, à assister aux combats de coqs, et ils reprirent, à l’occasion, leurs fredaines. Peut-être crurent-ils, à un moment donné, qu’ils étaient sauvés, mais ils prenaient l’habitude de s’absenter chacun de son côté de façon inexplicable, ou plutôt qui n’était que trop explicable. Un peu avant la fin de l’année, le cadet dit qu’il avait à faire dans la capitale. Cristián alla à Morón ; attaché à la barrière de la maison close il reconnut, à ce qu’on dit, le cheval aubère d’Eduardo. Il entra ; l’autre était là, attendant son tour. Il paraît que Cristián lui aurait dit : — À ce train-là, nous allons fatiguer nos bourrins. Mieux vaut l’avoir près de nous. Il parla à la patronne, sortit quelques pièces de sa bourse et ils reprirent la femme. Juliana montait en croupe derrière Cristián ; Eduardo éperonna son cheval pour ne pas les voir. La vie que l’on sait recommença. L’infâme solution avait échoué ; tous deux avaient cédé à la tentation de tromper l’autre. Caïn rôdait par-là, mais l’affection des Nilsen l’un pour l’autre était grande – qui sait les épreuves et les dangers qu’ils avaient dû traverser ensemble – et ils préférèrent épancher leur bile sur des étrangers. Sur un inconnu, sur des chiens, sur Juliana qui avait amené entre eux la discorde. Le mois de mars allait finir et la chaleur ne cédait pas. Un dimanche (ce jour-là les gens ont l’habitude de se coucher tôt) Eduardo, qui revenait du bistrot, vit Cristián qui attelait les bœufs au joug. Cristián lui dit : — Viens ; il faut que nous allions livrer des peaux chez Pardo. Je les ai chargées ; profitons de la fraîche. Le magasin de Pardo était, je crois, plus au sud ; ils prirent la route des Troupes, puis un chemin de traverse. Avec la nuit, la campagne devenait immense. Ils longèrent une prairie ; Cristián jeta le cigare qu’il venait d’allumer et dit tranquillement : — Allons, vieux, au travail ! Après, c’est les vautours qui nous aideront. Je l’ai tuée aujourd’hui. On n’a qu’à la laisser là toute habillée. Elle ne fera plus de tort à personne. Ils s’embrassèrent en pleurant presque. Maintenant un lien de plus les unissait : la femme tristement sacrifiée qu’il leur fallait oublier.
Avis de ChatGPT. On peut , ici faire l’apologie de l’h, l’intelligence humaine. Le chat état endormi, . Bien que…
”Intruse (en espagnol La intrusa) de Jorge Luis Borges est une nouvelle marquante qui explore des thèmes tels que la possession, le désir, et la nature complexe des relations humaines. L’intruse est construite autour d’un triangle amoureux entre deux frères, qui partagent une maison et une vie commune, et la mystérieuse figure féminine qui vient perturber cet équilibre. Le récit révèle peu à peu les tensions entre les personnages et l’impact que cette “intruse” a sur leur relation, tout en soulignant les ambiguïtés de l’amour et de la jalousie.
Une particularité de ce texte est la façon dont Borges manipule le point de vue. Le narrateur oscille entre les différentes perceptions des personnages, et chaque vision de l’intruse est partiellement biaisée, ce qui fait d’elle une figure presque insaisissable et subjective. Borges crée ainsi une atmosphère de doute et d’incertitude, où les intentions et les sentiments sont à la fois clairs et flous.
Le final de la nouvelle est aussi très significatif, offrant une lecture qui peut être interprétée sous plusieurs angles, notamment celui de la vengeance et du sacrifice. L’écriture de Borges, toujours dense et riche, exige une attention particulière aux détails et à la manière dont les symboles et les métaphores sont utilisés pour suggérer bien plus que ce qui est explicitement dit.
En somme, L’Intruse est un excellent exemple de la manière dont Borges mêle fiction et réflexion sur la réalité et la perception, tout en créant un récit psychologique intense. C’est une lecture qui laisse une impression durable et invite à de multiples interprétations.
Je colle des explications du film mythique de Lynch avec une Naomie watts quim’à empêché de ien dormir des mois entiers.
Copyright intégral Télérama.
Vous n’avez rien compris à “Mulholland Drive” de David Lynch ? Nous si, enfin presque, et on vous explique
À sa sortie en 2001, le film de David Lynch, dont on a appris la mort jeudi, avait laissé son public entre perplexité et fascination pour ce diabolique récit truffé d’insolubles mystères. Déroulons ensemble le fil pour y voir plus clair. Attention, spoilers !
Publié le 17 janvier 2025 à 17h19, Mis à jour le 18 janvier 2025 à 16h34
Comme beaucoup de monde, vous avez adoré Mulholland Drive à sa sortie en novembre 2001. Mais, comme encore plus de monde, vous n’êtes pas sûr d’avoir tout compris. Tentons un décryptage du chef-d’œuvre de David Lynch, classé 4ᵉ au palmarès des 100 meilleurs films de l’histoire selon Télérama.
Si l’on essaie de résumer le déroulé de Mulholland Drive au premier degré (attention, multiples spoilers !), cela donnerait quelque chose comme ça : dans la première partie, une brune menacée de mort, amnésique après un attentat raté, rencontre une blonde aspirante actrice à Hollywood qui devient sa maîtresse, pendant qu’un réalisateur se voit contraint d’engager la protégée de ses producteurs mafieux ; dans la seconde partie, la brune n’est plus amnésique, est devenue l’actrice et la maîtresse du réalisateur mais a laissé tomber la blonde qui, après avoir engagé un tueur pour supprimer l’infidèle, se suicide. Pour compliquer la chose, d’une partie à l’autre, les personnages principaux changent d’identité ; une multitude d’objets, de silhouettes et de situations découverts au début du film ne sont explicités (et encore, pas toujours) qu’à la fin ; et surtout, dans la scène du club Silencio, un meneur de revue prévient que « tout n’est qu’illusion ». Il n’en faut pas plus pour que l’esprit cartésien du spectateur se retrouve au bord d’un abîme d’incertitudes.
Qui est ce clochard couvert de suie sorti du cauchemar d’un jeune schizophrène ? Quelle est cette salle vide où un homme en fauteuil roulant donne ses ordres par micro ? Pourquoi ce tueur à gages particulièrement maladroit tue-t-il son collègue aux cheveux longs ? Etc. Autant de méditations quasi métaphysiques qui ont alimenté les conversations des lynchiens de tous bords, avec de sévères engueulades à la clé. Tentative de reconstitution de ce puzzle diabolique.
Première hypothèse : la boucle
Hypothèse de départ : Mulholland Drive, comme l’a précisé David Lynch lui-même, est à l’image de la route de Los Angeles qui lui a donné son titre, un film « sinueux et suspendu dans le temps ». Comprendre : un film construit en boucle, où la seconde partie se situe chronologiquement avant la première. Les cent premières minutes du film seraient un dernier fantasme de la blonde Diane, qui, au moment de mourir, s’inspirerait de la réalité (énoncée dans la dernière heure) pour lui substituer un monde qui s’accorde à ses désirs. Elle a condamné la brune Camilla à mort, mais, prise de remords, elle imagine que le contrat a échoué et que son double Betty va sauver Rita, le double de Camilla ; qu’elle a le potentiel d’une grande actrice alors qu’elle semble condamnée à de la figuration. Pour résumer : les deux premiers tiers du film racontent un rêve, le dernier tiers marque le retour à la réalité du présent (le suicide de Diane) et du passé (via un flash-back sur la « vraie » rencontre entre Diane et Camilla). C’est l’explication retenue par le critique Philippe Rouyer dans l’épatant documentaire qu’il avait consacré à Mulholland Drive lors de la première diffusion télé du film sur Canal+ en mai 2003, et que l’on peut retrouver ici puis ici.
Seconde hypothèse : l’illusion
Ce jeu de rôles laisse une large place à des objets et personnages surréalistes, difficilement interprétables dans le cadre strict du film. Ils fonctionnent souvent en écho aux œuvres antérieures de Lynch : le clochard monstrueux rappelle Bob, figure du mal absolu dans Twin Peaks ; la salle du paralytique évoque la pièce drapée de rouge avec nain du même Twin Peaks, comme une manifestation d’un monde parallèle…Laura Harring dans « Mulholland Drive », de David Lynch. Touchstone/Films Alain Sarde
Après une nouvelle vision, une deuxième piste d’interprétation se fait jour. Et si le début du film correspondait à une vue subjective de Camilla, l’esprit à l’envers après son accident ? La première partie serait donc plus encore un mélange de réel et d’imaginaire : par exemple, Camilla est bien amnésique, elle est effectivement secourue par une blonde qui se nomme Betty, mais à laquelle elle donne le visage de son ex-maîtresse Diane. Comme pour la première hypothèse, le moment charnière où Camilla introduit la clé dans la petite boîte bleue marquerait, via une plongée dans un trou noir, le retour à la réalité du passé.
Alors, qui est le personnage conducteur du récit ? Diane ou Camilla ? À vous de juger. Et si vous ne comprenez toujours pas tout, pas grave : Mulholland Drive, tout à la fois formidable satire de Hollywood, thriller accrocheur aux incroyables parenthèses burlesques, grand film d’angoisse et bouleversante histoire d’amour, tire aussi sa beauté de son mystère.
LA FAMILLE DE RÊVE Image créée par la collaboration entre Michel Béja et une application I.A. Un mélange de Chirico, Dali, Magritte, Miro qui a pris pas mal de temps pour sa composition. Copyright MBIA.
ChatGPT m’écrit, curieusement, à la nuit tombante. J’ai dû un jour lui poser la question de la sortie du ChaBAT
Je colle son texte :
Lorsque la nuit tombe, qu’elle soit douce ou brutale, l’âme humaine vacille entre contemplation et trouble. Dans la douceur, elle s’abandonne à la sérénité des ombres, au bercement d’une lumière déclinante qui invite au calme intérieur. Mais si la nuit surgit brutalement, elle peut susciter une angoisse sourde, un sentiment de perte ou d’inconnu, où les certitudes diurnes s’effacent dans l’obscurité naissante. Entre l’éveil des mystères et le repli sur soi, l’humain se tient, fragile et introspectif, face au passage du jour vers l’infini nocturne.
C’est la première fois que je rends hommage ici à un mort, le jour de sa mort.
Mais je suis trop reconnaissant envers David Lynch pour ses films. Il n’y a pas que ce Mulholland Drive ou lost Highway ou blue velvet ou Twin peaks. Il y a tout, sa musique, son design, sa poésie, ses photographies de nus.
David Lynch est l’un de ces génies que les forces immatérielles nous offrent pour nous rappeler leur existence.
il y a très, très longtemps, très exactement le 13 septembre 1987, j’avais osé lors d’une conversation dans un dîner entre amis dans une Brasserie parisienne, être circonspect sur le branle-bas médiatique peut-être un peu surfait, le jour où Jean-Marie Le Pen avait sorti, idiotement, son fameux “détail de l’histoire” après avoir évoqué les chambres à gaz nazies.
Comme on le sait, cet homme politique avait, à l’occasion d’un entretien sur le négationnisme, d’abord murmuré une interrogation sur les chambres à gaz avant de lancer le mot qui allait rendre toute la France “antifa”, accélérer les adhésions timides au Parti socialiste et ses associations à casquettes de slogan et tee -shirts imprimés. En tout cas fabriquer un “cordon sanitaire” en politique.
Je cite les propos qu’il a tenus :
13 septembre 1987 lors du Grand-Jury RTL– Le Monde, Jean-Marie Le Pen déclare :
« Je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Je n’ai pas pu moi-même en voir. Je n’ai pas étudié spécialement la question. Mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale ».
Le propos frôlait le petit antisémitisme, négationniste provincial, français de terroir, repéré et assez “résiduel”, lui, dans la France des années 1980, juste dans la lignée de la littérature de tradition profonde à la manière de Mauriac, pas du Maurras ou du Brasillach, loin de ceux qui prônent, comme désormais dans les territoires perdus, la mort du “juif”, attribut devenu l’insulte suprême, en concurrence avec le “porc”, employé même à l’égard d’un député juif dans les couloirs de l’assemblée par un parlementaire de LFI, un salaud.
À l’évidence Jean-Marie Le Pen se postait dans cette mouvance, celle de Drieu La Rochelle et autres collaborationnistes de la France occupée. Il s’en défendait, n’ayant jamais été vichyste et était peut-être sincère. Plutôt un lecteur de Paul Morand, antisémite chic et talentueux, dans l’amour du verbe qui cherchait ses appuis faciles dans l’excès, paradoxalement feutré.
Vint donc le drame, celui du mot qui allait assassiner sa vie politique et alimenter la vie des partis : « ledétailde l’histoire»
En effet, dans la conversation, alors qu’il pouvait intelligemment la clore, le voilà qu’il se met à commenter, ponctuer ou conclure, pour faire le beau, le beau parleur si l’on veut, alors que tous savent que le commentaire superfétatoire de sa propre affirmation, déjà digérée par l’interlocuteur, est la chose la plus dangereuse dans le discours.
Sur un ton péremptoire, d’un air convaincu et donnant presque la leçon, il ajoutait donc, qu’en toute hypothèse, il ne s’agissait que d’un « détail de l’histoire“, plus exactement un “un point de détail de l’histoire “, ce qui peut, sémantiquement, bouleverser l’interprétation.
Nous étions à table, avec des amis, à la brasserie Francis, Place de l’Alma, presque tous devant un rognon de veau entier grillé-rosé. J’étais le seul juif dans l’assemblée. Et évidemment le jour même de cette déclaration qui avait été commentée à profusion dans toutes les radios, on m’a posé la question, à moi, juif de service et, partant, porteur d’une prétendue vérité, apte, parce que juif, à défendre mon “peuple” : “M, qu’en penses-tu ? Quelle ordure ! » On attendait mes cris contre le salaud.
J’ai répondu en m’étonnant de ce grand vacarme, peut-être un peu irréfléchi, de cette mayonnaise montée pour emplir les tribunes (celles des journaux, des radios) et donner du grain à moudre aux petits moralistes d’antan, anti-racistes, SOS sur le torse, dont on sait ce qu’ils sont devenus, désormais vieux valets de LFI, complices des antisémites de nouveau genre, électoraliste.
Cet étonnement dans ma bouche de juif nécessairement porteuse d’un discours téléphoné sur l’antisémitisme qui participait à la fabrique du “juif imaginaire”, avait grandement choqué. Les fourchettes étaient suspendues au-dessus des rognons et tous me regardaient.
C’était donc au grand dam de mes amis, que je m’exprimais, sans corset de censure, justement parce qu’il s’agissait de mes amis, même s’ils s’attendaient à un discours enflammé, intense, structuré sur les mots du fascisme européen et de ces salopards qui perpétuaient la Shoah.
On regrettait un rangement de mes locutions dans l’on ne sait quelle mansuétude, alors que mon petit talent de bon polémiste au mot autant acerbe que juste, aurait pu servir la cause des cordons sanitaires et autres plafonds de verre.
Mais comment oses-tu, M ? Le propos était clair, me criait-on : l‘extermination des juifs n’était qu’un « détail » dans l’histoire de la guerre mondiale. Quelle ordure !Mais t’as pas entendu ?
Brandissant à demi-mots mon statut d’intellectuel, d’ancien chercheur en sociologie politique à la Sorbonne dans une équipe renommée, analyste de la vie sociale et surtout du discours (posture un peu vantarde, obligée pour l’audition respectée), j’ai osé affirmer que Jean-Marie Le Pen n’avait absolument pas dit ce que tout le monde disait qu’il avait dit.
Je revenais à mon étonnement : j’avais été surpris par l’interprétation qui avait été abondamment commentée du mot de Jean-Marie Le Pen.
Tous s’étaient jetés sur le mot, tous, sans écouter le tout, affirmaient que que ce petit poujadiste devenu homme politique d’importance, considérait que l’extermination des juifs en Europe, par le régime nazi, était un détail de l’histoire mondiale.
Pour ce qui me concernait, je considérais qu’il n’en n’était rien; que ce n’était pas ce qu’il avait dit. Qu’il était impossible, même pour un “salaud”, comme ils disaient, de dire ceci. Et que la lecture de ce qui avait été dit, dans son contexte contredisait cette interprétation, salutaire pour forger le discours simpliste antifasciste. Lequel n’avait pas besoin de ces raccourcis pour émerger.
J’étais donc persuadé, peut-être à tort, que Jean-Marie Le Pen n’avait absolument pas voulu émettre cette idée infâme. Son sens inné du discours, au-delà des piètres calembours de chambrée militaire, l’en aurait interdit. L’animal politique sait jusqu’où il faut aller trop loin.
Il s’agissait simplement, dans ce que j’avais compris, de considérer que la manière avec laquelle le régime nazi barbare avait exterminé juifs (et non juifs) n’était pas l’essentiel, n’était pas le sujet et pouvait être éventuellement un détail au regard du centre dans lequel résidait le concept de tuerie nazie; qu’ainsi les chambres à gaz étaient un “point de détail” de l’histoire.
Propos inutile et provocateur certes.
Mais, que l’on tue par balle, par couteau, à mains nues une race dite « inférieure », peu importait le moyen ou la manière qui n’était qu’un détail, au regard de l’idéologie qui sous-tendait le meurtre collectif imaginé par le nazisme. Chambres à gaz ? Tuyaux de C02, Baïonnette ? Les instruments de la mort n’étaient que détail au regard de la mort programmée dans cette histoire de la seconde guerre mondiale. Elles (la mort et l’idéologie) n’étaient pas “détail”.
C’est comme cela que j’avais, en direct, entendu Le Pen que pourtant je ne chérissais pas, surtout lorsque je me souvenais des nervis, qui le saluaient comme le chef, à l’entrée contrôlée de la Fac de la rue d’Assas que j’avais pu fréquenter.
Certes l’mage d’un rassemblement sous le gaz des victimes était accablante pour l’esprit, générait la furie dans l’imagination. Mais ce qui était crucial dans la vision et l’image, dans la sensation, au sens de Kant ou de Hume, devenait un détail lorsqu’on allait à l’abordage du concept déchirant, inouï, central, de l’extermination élaboré par le nazisme, et de la banalité du mal, théorisée par Hannah Arendt qui était un vrai nœud du débat, d’un vrai débat, au-delà des moyens pratiques que se donnait la barbarie pour se mettre en œuvre.
C’était ma conviction et ça l’est encore maintenant.
Je ne comprends pas qu’encore aujourd’hui, nul n’ose (de peur d’être interdit d’antenne ?) poser la question du “détail”, engrangeant, sans sourciller les “banalités” qui courent dans les ondes, (y compris celles qui ne sont pas du service public désormais disqualifiées dans l’analyse, qui laissent au surplus, sans réaction, insulter un mort).
Je ne comprends pas que personne ne puisse, sans être taxé de nazi fasciste anti-je ne sais quoi, émettre cette simple hypothèse : Jean-Marie Le Pen était certes un peu ou beaucoup (peu importe) ou pas du tout antisémite.
Cependant, son propos sur le détail ne se concentrait que sur la technique (ici la chambre à gaz) inénarrable dans le récit de la violence humaine, mais qui n’était que le succédané, le point de détail et certainement pas sur la Shoah qui ne pouvait être considérée comme un détail de la guerre mondiale.
La manière par laquelle l’on tue est un point de détail au regard de l’assassinat, même si elle révèle, justement, la haine en marche. Et ce qu’il faut retenir dans l’histoire de la guerre, au-delà des chambres à gaz, c’est un fait qui n’est pas de détail : la barbarie humaine, nazie a assassiné 6 millions de juifs parce qu’ils étaient juifs. C’est le centre au regard de la technique, elle, périphérique (de détail).
C’est ce que j’avais retenu.
J’ai encore aujourd’hui le courage d’affirmer cette thèse même si, je le répète, les postures et l’idéologie de Jean-Marie Le Pen sont bien loin de mes convictions, ses calembours abjects, sa raideur idéologique exaspérante.
Meme si, sans en avoir honte, je peux, pour aggraver mon cas, considérer comme étant assez visionnaire son propos sur l’invasion d’une culture étrangère à la France qui veut la mettre sous son joug.
Cete volonté n’est pas un détail de l’histoire de l’Occident. Au regard de cet objectif qui est un essentiel, l’emploi d’un couteau, d’une bombe, aussi atroces que puissent être les flaques de sang et les corps déchiquetés, ne sont que des détails (techniques) qui corroborent la vision du diable devant soi. Et ce, à l’inverse de l’abaya ou du djihab lesquels, eux, pourtant de simple matière, coupés dans un tissu, sont tout sauf des détails. Comme veulent nous le faire croire les culturalistes américains et les prétendus partisans de la liberté de la femme, y compris celle de porter ce qu’elle veut, au grand profit de ceux qui les y obligent. Lesquels les emprisonnent ou les lapident lorsqu’elle n’usent pas de cette “liberté” obligée.
Mais c’est un autre débat, peut-être plus crucial, plus nodal que celui du détail lepénien, lequel, sauf erreur. n’a tué personne.
A l’occasion de la sortie de son dernier bouquin (dans la collection “Bouquins” qui rassemble plusieurs de ses ouvrages, Finkielkraut était invité de Bock-Coté sur Cnews.
L’émission m’a rendu triste.
Finkielkraut était très mauvais, dans la confusion, dans l’obscurité du propos, plus qu’à l’accoutumée, truffé de citations apprises par cœur pour être collées dans un discours laborieux, traînant et hors sujet, hors réponse.
Finkielkraut était sûrement fatigué, évidemment non définitivement. Et que peut -être la réplique ou le questionnement inaudible tant il est criard ou trop profus de Bock-Coté, n’était pas adéquate, pour faire revenir le vieux loup au milieu de ses steppes et de ses quelques fulgurances réelles, qu’on guette toujours tant elles viennent déterrer le mot définitif.
A vrai dire, Finkielkraut veut tout dire, et dit donc trop, ce qui transforme le dire en une sorte de bouillie qui cherche, désespérément, son poivre ou le centre de la marmite.
Gageons qu’ailleurs, il sera meilleur, peut-être à la radio, là où les voix fatiguées ne laissent pas voir les yeux abattus qui chassent le téléspectateur de ses marques, l’oeil dans l’écran, veillant aux rides et les comptant, oubliant le propos, le discours quand il est mauvais. Non ce n’est pas l’image qui déconcentre le voyeur, c’est encore les mauvais mots, de ceux qui errent nulle part.
Il ne fallait pas rester triste.
Je suis donc aller relire le premier chapitre de son bouquin intitulé “Pécheurs de perles, là où il raconte, comment contre son amour-propre, il est allé quémander le retour de sa femme qui l’avait quitté, persuadé de son admiration (réelle) pour lui qui ne pouvait que coincider avec l’amour. Sa stratégie qui n’était pas celui du silence attentiste de la revenue nécessaire s’est déclarée payante. Sylvie est revenue, l’amour-admiration reprenant les rennes de la chance d’une vie. La seule chance disait -il, comme Mitterrand, à attendre de la vie, la chance de rencontrer son seul amour, qu’on admire nécessairement.
On reverra Finkie en meilleure forme.
Ce soir, il voulait démontrer sa connaissance de tout alors qu’il’suffit, comme tout philosophe, de connaître et d’approcher la connaissance du tout
La philosophie commence par l’intuition.
On arrête, on craint d’imiter la survenance du charabia quand on veut trop dire. Bonnie disait à Clyde qu’il n’avait droit qu’à un mot par heure ( I love you).
Télérama, nous en sommes les premiers lecteurs, il y a longtemps donc. Quand, nécessairement, sur les bancs de la faculté, la gauche à laquelle nous appartenions, quasiment de plein-droit, ne pouvait se definir d’àbord, au-delà du prolétariat un peu fantôme, que par la célébration de la création, l’apologie de la culture. Livres, cinéma, théâtre. Tous, très curieusement, considéraient, que le “cultivé” était “de gauche”. Nous tentions ainsi de ne pas contrarier l’affirmation,
A l’époque les marqueurs surgissaient. Le Monde, pas encore d’extrême- gauche wokiste, l’Evènement du jeudi râleur à la Kahn, les Cahiers du Cinéma post nouvelle vague, flirtant aussi avec le maoisme, pas Libé sartrien à l’encre mal fixée qui noircissaient nos belles mains.
Et notre chouchou Télérama, avec ses plumes et son sérieux tiré de la chrétienté de gauche, jamais en retard, la revue “Etudes” des jésuites étant la plus remarquable de tous. Et Télérama était presque sa sœur profane, tout en cachant joliment son cœur catholique.
Moi, juif, ça m’allait. A l’époque, l’antisémitisme était de droite , le Gud ou la gauche marxiste-léniniste butée, dans la tradition historique antibanque (la formule séculaire) ou, encore, proudhonienne (l’utopie également antisémite qui ressemble un peu à celui des écologistes actuels, des idiots quoi). Et Telerama vénérait les kibboutz, ça contrebalançait.
Des décennies après, Télérama, je le lis avec une hargne toujours rentrée. Ils sont devenus ce que deviennent les imbéciles, les mêmes toujours, ou ce que sont d’emblée, sans passage, les jeunes rédacteurs sans plume qui ne connaissent que trois adjectifs glanés souvent immédiatement, sans apprentissage, dans le champ de la haine : des antisionémites, des petits wokistes sans talent. Il suffit de defendre le peuple immigré, non blanc, des hargneux qui confondent image et slogan. Il est vrai que Netflix leur en donne la faculté, comme l’eau de leur bain. Homos, trans, blacks . Fastoche quoi.
Télérama. Il ne leur reste que la non-concurrence qui me fait, encore, m’abonner, payant. A vrai dire, on va chercher, entre les formules antiblancs sans sens qui feraient devenir racistes des “honnêtes hommes” dans lesquels je me range, une locution qui permet d’apprécier un film ou une série
On la trouve de temps à autre. Et on reste abonné tout en le regrettant. Comme aujourd’hui après la lecture de la critique de la série Un jour. Je la colle. Je plains le “journaliste” qui l’à écrit que je ne veux citer, par compassion. La direction de Télérama devrait rechercher l’intelligence et se débarrasser du prêt -à-penser wokiste, mal digéré par “l’écrivant” un peu Inculte et sans verbe, dans le gnangnan prévisible et téléphoné
Je suis blanc filiforme, comme je suis, simplement, un Humain sans hargne.
EXTRAIT TELERAMA 8/2/2024 mis à jour 29/05/2024
Plus contemporaine dans son casting et dans son interprétation que ne l’était la première adaptation de l’œuvre de Nicholls au cinéma – Un jour, de Lone Scherfig (2011), avec Anne Hathaway, Jim Sturgess, et un parterre de comédiens blancs et filiformes –, la minisérie se démarque aussi par une BO heureuse. Sorte de playlist sélective d’un mélomane des années 1990-2000 (rock progressif, folk, eurodance), qui prend le relais en chansons des états d’âme des personnages
Je ne peux résister au collage de la définition trouvée en ligne des “vers intestinaux”. Le blanc serait donc un ver. Est -ce qu’a, aussi, voulu dire le petit critique de service ?
EXTRAIT de “htpps://soinsdenosenfant.cps.ca”
Les vers intestinaux (oxyures) sont de minuscules vers blancs filiformes qui vivent dans le rectum. Durant la nuit, ils sortent de l’anus (les fesses) et déposent leurs œufs sur la peau avoisinante. Les vers intestinaux peuvent causer de l’inconfort, mais ne provoquent pas de maladie.
L’épisode, dans le style du pur mauvais roman de gare, allègrement mis en scène, ce matin, par les chaines d’information, en quête de sensationnel politique, est une mascarade.
Il s’agit de l’entretien Macron-Bayrou, anormalement long, tendu selon les proches du béarnais, à l’occasion duquel notre Président aurait annoncé au Maire de Pau qu’il n’était pas choisi. Et du coup de force de l’intéressé qui aurait mis dans la balance, dans une sorte de chantage, le départ du Modem de la frêle coalition présidentielle.
Les journalistes et jeunes éditorialistes au verbe court et lourd, s’en sont donné à cœur joie.
Sauf, c’est une conviction, qu’il ne s’agissait que d’une mise en scène pour faire passer d’un côté la nécessité d’une telle nomination, de l’autre la démonstration de l’autorité inédite devant le pouvoir du fils devenu monarque par le père, une sorte de mort freudienne ou shakespearienne de l’enfant devenu Roi, Ce qui arrange tout le monde et fait avaler toutes les couleuvres qui glissent, rieuses, sous les tapis rouges des palais élyséens et autres antichambres des Hôtels de Matignon.
Nous en sommes convaincus.
A qui veut-on faire croire que le Modem aurait voté une censure par dépit personnel de son chef ?
Laurence Stephen Lowry (LS Lowry ) était un artiste de Stretford, né le 1er novembre 1887, connu dans le monde de l’art pour certaines des peintures et des gravures encadrées les plus célèbres. Il meurt à l’âge de 88 ans le 23 février 1976, laissant derrière lui un héritage artistique impressionnant
L.S. Lowry : 6 choses à savoir
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Voici six faits à connaître sur Laurence Stephen Lowry, l’un des artistes britanniques les plus appréciés du XXe siècle.
Le peintre britannique Laurence Stephen Lowry est surtout connu pour ses paysages industriels et ses représentations de la vie ouvrière, qui ont contribué à faire de lui l’un des artistes les plus célèbres du XXe siècle. Voici six faits à connaître sur l’artiste à l’origine des célèbres « hommes allumettes » et des scènes urbaines du milieu du siècle.
1. Il était peintre à temps partiel
Issu d’une famille de la classe moyenne, fils d’un agent immobilier et d’une pianiste en herbe, Lowry et sa famille quittent leur première maison à Manchester pour s’installer dans la zone industrielle de Pendlebury en raison de difficultés financières. Pour joindre les deux bouts, Lowry a dû quitter l’école à l’âge de 16 ans et a commencé à travailler pour un cabinet comptable. Dès lors, il passera la majeure partie de sa vie à travailler comme collecteur de loyers dans les zones industrielles de la région de Manchester.
Jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite dans la soixantaine, Lowry a peint la plupart des jours après son travail, jusque tard dans la nuit, bien qu’il ait toujours fermement rejeté l’étiquette de « peintre du dimanche å donnée par certains de ses critiques, en répondant : « Je suis un peintre du dimanche qui peint tous les jours de la semaine ».
2. Il a été formé par un impressionniste français
Comme il était avant tout un peintre à temps partiel et que son style semblait quelque peu naïf, on a souvent supposé que Lowry était autodidacte.
Selon Lowry, Valette a eu une influence considérable sur son art. Bien qu’il n’ait jamais complètement adopté le style ou la palette impressionniste (privilégiant une sélection limitée à cinq couleurs), Lowry partageait l’affinité de Valette pour la représentation de la vie urbaine moderne.
Jusqu’à la fin de sa vie, Lowry parlera de ce moment comme d’une sorte d’épiphanie. Les paysages industriels des East Midlands, avec leurs rues animées, leurs usines et leurs moulins, sont devenus ses principaux sujets de prédilection. Ses peintures décrivent souvent des scènes de la vie urbaine avec des détails méticuleux, illustrant le rythme et l’énergie des communautés ouvrières qu’il a observées. Les personnages caractéristiques de Lowry, souvent comparés à des « hommes allumettes », sont devenus des éléments emblématiques de ses peintures. Ces figures simplistes mais pleines d’émotion capturent l’essence de la vie de la classe ouvrière dans la ville industrielle moderne.
« Mon ambition était de mettre la scène industrielle sur la carte, parce que personne ne l’avait fait – personne ne l’avait fait sérieusement », a déclaré Lowry dans la monographie de Michael Howard en 2000.
Il était également profondément fasciné par la mer et a peint plusieurs paysages marins du nord-est de l’Angleterre plus tard dans sa carrière. Ces toiles représentent souvent une étendue presque abstraite d’eau et de ciel avec une fine ligne d’horizon entre les deux. Dépourvues d’hommes et de bâtiments, elles sont très différentes de ses scènes urbaines les plus connues.
5. Sa première exposition personnelle a eu lieu à 51 ans
Bien qu’il ait fini par être acclamé, Lowry a dû faire face, au début de sa carrière, aux critiques d’art, qui jugeaient son travail répétitif et terne. Ses « hommes allumettes » et ses scènes industrielles ont été critiqués pour leur aspect un peu uniforme et ennuyeux. Ce sentiment de monotonie dans ses peintures pourrait bien être la raison d’être de son travail. La palette de couleurs limitée, les perspectives aplaties et le manque d’individualité de ses personnages sont peut-être ce qui traduit le mieux la répétitivité et l’essence déshumanisante de l’industrialisation du XXe siècle et de la vie de la classe ouvrière.
La première reconnaissance publique a lieu en 1939, lorsqu’il présente sa première exposition personnelle à Londres, à la Lefevre Gallery. En 1962, il est nommé membre de la Royal Academy. Il devient également professeur invité à la Slade School of Fine Art, l’une des plus prestigieuses écoles d’art d’Angleterre.
6. Il a refusé d’être fait chevalier
Lowry s’est également vu offrir un titre de chevalier en 1968, qu’il a refusé. « Toute ma vie, je me suis fermement opposé à toute distinction sociale, quelle qu’elle soit », a-t-il déclaré au Premier ministre Harold Wilson. Lowry détient le record de refus de distinctions britanniques : cinq, dont le titre de chevalier.
Lowry est décédé en 1976 à l’âge de 88 ans. Peu après sa mort, la Royal Academy a organisé une rétrospective de son œuvre, qui est devenue l’une des expositions les plus visitées du musée pour un artiste du XXe siècle. Une autre grande rétrospective, intitulée Lowry and the Painting of Modern Life (Lowry et la peinture de la vie moderne), a ouvert ses portes en 2014 à la Tate Britain. The Lowry, une galerie spécialement construite à Salford Quays, comprend environ 400 œuvres de toutes les périodes de la carrière de Lowry.
“Longtemps, c’est vrai, mes frères ont ressemblé à un livre de chevet que je ne pouvais pas quitter, que je ne me lassais pas de feuilleter, un livre dont les chapitres se succédaient comme ça, sans logique, dans la vraie liberté de l’enfance, pieds nus dans le sable, soleil brouillé qui envahit les yeux, une espèce de promenade, un après-midi d’été. Aucun plan n’a été dessiné dans cet enseignement que m’ont apporté les frères, aucun plan donc ne sera attendu ici, car la loi des frères et sœurs est une loi sauvage, impudique, lumineuse, à la façon des premiers secrets, des premières terreurs. Une loi qui révèle très vite, sans même qu’on ait vraiment le temps de comprendre, ce que sera le destin de la famille tout entière. C’est une loi, c’est vrai, qui a poussé toute seule, dans le désordre de la maison, avec les ronces et les fruits tombés des arbres, près des terrains vagues. Et c’est là aussi que se sont découverts la solitude et le sang. Ni fioritures donc, ni masque ni rhétorique. Quelque chose, pourtant, qui permet de passer brutalement de l’amour à la haine et du mat au brillant, quelque chose qui aurait le goût de ces clichés ordinaires, glissés dans les albums de famille, là où, justement, les moments de brûlure se révélaient à un seul regard, à deux mains très fort serrées, ou encore à ces lourds manteaux d’hiver qui dévoilaient la pâleur d’un visage ou la maigreur des mollets“. Colette Fellous. Frères et sœurs.
Tom Wesselmann (américain, né le 23 février 1931 à Cincinnati – mort le 17 décembre 2004 à New York) est un personnage central du mouvement Pop Art. Né dans l’Ohio, il étudie à l’université de Cincinnati avant de servir dans l’armée de 1951 à 1954, pendant la guerre de Corée. Pendant son service, il commence à créer des dessins, un passe-temps qu’il souhaite concrétiser en carrière à la fin de ses deux années de service. Après l’obtention de son diplôme de l’Art Academy de Cincinnati, il est accepté à la Cooper Union de New York, où il est encouragé par les membres de la faculté à poursuivre la peinture et la gravure.
Au début des années 1960, il commence à réaliser de petits collages et assemblages composés de l’imagerie ordinaire issue des magazines, des publicités et de la culture de consommation. Ses œuvres sont plus marquées sexuellement à la fin des années 1950, atteignant leur apogée avec la série érotique Great American Nudes. Sa première exposition a eu lieu à la Tanager Gallery en 1961.
Une année plus tard, il a participé à l’exposition “New Realists” organisée par la Sidney Janis Gallery qui a marqué le début de sa carrière internationale. En 1963 il se marie avec l’artiste Claire Selley, qui a été aussi son principal modèle. Le travail de Wesselmann prend de l’ampleur dans les années 1970 au moment où il commence à peindre de simples objets de formes diverses sur des toiles comme dans sa série Standing Still Life.
Tom Wesselman est mort le 17 décembre 2004. Son choix de motifs ordinaires, leur monumentalisation et leur réduction à des stéréotypes, les thèmes sexuels ainsi que l’utilisation de couleurs vives font de Tom Wesselmann une des personnalités marquantes du Pop Art américain pendant les années 1960.
Extrait du Figaro en ligne de ce jour sur les déclarations de Trump sur l’Ukraine, en marge de la “ridicule” allocution du chef de l’État qui s’est pris quelques minutes, pour André Malraux, en jouant devant sa prof de théâtre du Lycée :
EXTRAIT DE L’ARTICLE.: Trump : “Trop de vies ont été perdues en vain, trop de familles ont été détruites, et si ça continue, cela pourrait se transformer en quelque chose de plus gros, et bien pire», a-t-il encore déclaré depuis Paris, son premier déplacement à l’étranger depuis son élection en novembre, en affirmant que l’Ukraine a perdu «de façon ridicule» 400.000 soldats et «bien plus de civils“
Le journaliste, qu’on ne veut nommer (on n’est pas Mac Carthy) ferait mieux de se munir d’un bon dico d’anglais ou se renseigner avant de balancer des âneries.
En effet, “ridiculous 400.000 soldiers” doit se traduire par “le nombre exorbitant de 400.000 soldats tués” et non tués de “façon ridicule”. Ce qui change tout.
Le Figaro fait des économies, ses journalistes devenant des stagiaires à la pige.
Zhang Xiaogang est un peintre symboliste et surréaliste chinois contemporain. Les tableaux de sa série Bloodline sont principalement des portraits monochromes et stylisés de Chinois, généralement aux grands yeux aux pupilles sombres, posés de manière rigide, rappelant délibérément les portraits de famille des années 1950 et 1960. Zhang est né en 1958 dans la ville de Kunming, dans la province chinoise du Yunnan, de parents Qi Ailan et Zhang Jing (tous deux fonctionnaires du gouvernement). Il était le troisième d’une fratrie de quatre. Sa mère, Qi Ailan, lui a appris à dessiner pour l’éloigner des ennuis : « Dès mon plus jeune âge, mes parents craignaient que je sorte et que j’aie des ennuis. Ils nous donnaient du papier et des crayons pour que nous puissions dessiner à la maison. . . Je me suis de plus en plus intéressé à l’art. J’avais beaucoup de temps, car je n’avais pas besoin d’aller à l’école. Mon intérêt a augmenté. Une fois adulte, je n’ai jamais abandonné l’art. C’est ainsi que j’ai commencé à dessiner. » En évoquant les peintures de Bloodline, Zhang a noté que les vieilles photographies « constituent un langage visuel particulier » et a déclaré : « Je cherche à créer un effet de « fausses photographies » – pour réembellir des histoires et des vies déjà « embellies ». Il a déclaré : « En surface, les visages de ces portraits semblent aussi calmes que de l’eau calme, mais en dessous, il y a une grande turbulence émotionnelle. Dans cet état de conflit, la propagation de destins obscurs et ambigus se poursuit de génération en génération. » En ce qui concerne l’influence des bouleversements politiques chinois sur ses peintures, Zhang a déclaré : « Pour moi, la Révolution culturelle est un état psychologique, pas un fait historique. Elle a un lien très étroit avec mon enfance, et je pense qu’il y a beaucoup de choses qui relient la psychologie du peuple chinois d’aujourd’hui à celle du peuple chinois d’alors. » À propos du format portrait de ses œuvres, il a noté : « En posant pour une photographie, les gens affichent déjà une certaine formalité. C’est déjà quelque chose d’artificiel. Ce que je fais, c’est augmenter cette artificialité et ce sens du formalisme. » Interrogé sur le titre complet de la série Bloodline – Bloodline: the Big Family, Zhang a déclaré : « Nous vivons tous « dans une grande famille ». La première leçon que nous devons apprendre est de savoir comment nous protéger et garder nos expériences enfermées dans une chambre intérieure loin des regards indiscrets des autres, tout en vivant en harmonie en tant que membre de cette grande famille. En ce sens, la « famille » est une unité pour la continuité de la vie et un mécanisme idéalisé de procréation. Elle incarne le pouvoir, l’espoir, la vie, l’envie, le mensonge, le devoir et l’amour. La « famille » devient le modèle standard et le centre des contradictions des expériences de vie. Nous interagissons et dépendons les uns des autres pour le soutien et l’assurance. » Les peintures de Bloodline présentent souvent de petites taches de couleur, qui sont ouvertes à diverses interprétations. – See more at: https://addictedgallery.com/Artists/Detail/zhang-xiaogang-biography#sthash.iQLHa8HE.dpuf
Tous savent mon admiration pour Vivian Maier, immense photographe. Je suis allé aujourd’hui un peu fouiner dans ses images, pour offrir, à une très proche, comme je l’ai promis, encadrées, monture acier, format cadre 50X40, passe-partout, image 24X36, les 10 plus belles photos de l’histoire, par les grands ou les moins connus de tous les photographes (selon moi, évidemment).
Il s’agissait de couvrir un grand mur blanc, récemment repeint. Ça va être chouette ces dix photos que je vais ramener à 9 pour en faire un carré 3×3.
Je suis ainsi tombé sur une photo de Vivian Maier que j’avais oubliée. Est-ce l’ambiance “me too” qui me fait poser la question du titre ? Si tel était le cas, on pourra considérer que le terrorisme s’installe insidieusement dans tous les cerveaux. Ce qui devient dangereux pour la pensée saine et sans torticolis.
Donc, la photo : regardez. Une dispute et un geste de blocage de la femme qui crie ? Le couple qui marche, à droite, passe vite, l’oeil discret, peut-être un peu inquiet. Mais la femme crie peut-être son amour et l’homme la protège de la rue. Pas sûr. Allez-savoir. Le femme a un parapluie.
Le thème de l’écriture et de la réception de lettres, qui revient souvent dans l’oeuvre de Johannes Vermeer, est représenté ici avec une tension dramatique exceptionnelle. Les deux femmes sont saisies sur le vif, dans un moment critique mystérieux. Le manque de finition au niveau de la tête de la maîtresse d’une part et l’arrière-plan relativement uni d’autre part indiquent que cette œuvre tardive de Johannes Vermeer est inachevée. Néanmoins, l’artiste n’a que rarement (voire jamais) surpassé les effets subtilement variés de la lumière que l’on voit ici se refléter sur les bijoux en perles, scintiller sur les objets en verre et en argent disposés sur la table, et baigner les personnages d’une douce lueur dans leur décor sombre. M. Frick achète le tableau en 1919, année de sa mort. Cette dernière acquisition rejoint ses tableaux favoris : “Autoportrait” (Rembrandt), “Portrait de Thomas More” (Holbein), “L’Extase de saint François” (Bellini) et “Philippe IV” (Vélasquez).
Un week-end à Amsterdam. L’expo du peintre Franz Hals nous y convie Partants ?Au Rijksmuseum. Rdv vous en bas de chez moi.
Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.
CI-DESSOUS 2 TABLEAUX CÉLÈBRES, UNE PRÉSENTATION DU PEINTRE PAR FRANCE 4, LE PAPIER DU FIGARO SUR L’EXPO
Le Cavalier riant
Présentation
Exposition à Asterdam. Texte du Figaro date du 19 février
Frans Hals, ivresse et autorité de la peinture
Après Rembrandt et Vermeer, le Rijksmuseum, à Amsterdam, rend hommage au maître portraitiste de Haarlem, roi des banquets bien arrosés et serviteur des guildes commerçantes du Siècle d’or. Un régal.
ERIC BIÉTRY-RIVIERRE
À votre santé ! Nous lancent, le verre tendu, les modèles du Joyeux Buveur, de l’Enfant rieur ou du Joyeux Joueur de Luth, de Frans Hals (vers 1583-1666). Ce maître portraitiste du Siècle d’or hollandais, né à Anvers, mais qui a vécu et travaillé à Haarlem, a les honneurs du Rijksmuseum, à Amsterdam, après avoir triomphé à la National Gallery, à Londres (plus de 92 000 visiteurs payants en moins de quatre mois) et avant la Gemäldegalerie, à Berlin.
Sa société de bons vivants, joues rubicondes, yeux allumés et sourires qui vont parfois jusqu’au rire, fait plaisir à voir. Haarlem, par la rivière Spaarne, est connectée à la mer du Nord. Elle fut donc dès l’origine une cité d’armateurs, de manufacturiers du textile, de commerçants au long cours… et de brasseurs (150 au Moyen Âge, 50 dans la première moitié du XVIIe siècle). D’où, aux murs du Rijksmuseum, ces petits pêcheurs et ces gros buveurs, ces chopes, verres ou flûtes, ces satins et ces damas. Mais aussi, dans ce parcours qui rassemble la cinquantaine de portraits jugés les plus vivants parmi les 200 certifiés du maître, mêlés à ces types fantaisistes de bambocheurs, d’autres portraits, de groupes ou individuels, qui présentent ceux-là, parfois avec les mêmes traits, des notables affichant leur puissance et leur sérieux.
Ces hommes et ces femmes qui transformaient la jeune République néerlandaise en une puissance mondiale savaient donc se détendre entre deux coups boursiers, expéditions hasardeuses ou grands travaux sur les polders. En dépit de ce que connotent leurs austères habits noirs, le travail n’excluait pas les plaisirs sensuels. Certains jeunes couples figurés ensemble dans quelque cadre champêtre (tels Abrahamsz et la bien nommée Beatrix Massa) ont des attitudes si naturelles, expriment un tel contentement, qu’un Van Gogh trouvait qu’ils avaient l’air d’avoir été peints « après leur première nuit de mariage ».
Ce qui est sûr, c’est que d’heureuses retrouvailles se fêtent ici : venu du Los Angeles County Museum of Art, Pieter Tjarck tient nonchalamment la rose destinée à sa fraîche épouse, Maria Larp (autre effigie venue de Londres celle-là). Est également présent le Portrait d’un homme tenant un crâne (Birmingham) installé en pendant de celui de sa femme (collection du duc de Devonshire à Chatsworth House) ; une analyse récente ayant prouvé qu’il s’agissait à l’origine de panneaux assortis.
Voilà donc, côté hommes, une ribambelle de fières moustaches hérissées sous chapeaux en poil de castor (un produit venu de la rivière Hudson, embarqué depuis New York et ses quais de Harlem). Et, côté dames, tant chez les jeunes que pour les matrones, des bonnets de fines dentelles surmontant les omniprésentes fraises amidonnées et les mêmes étoffes de satin impeccablement repassées. Au reste, que de coquetteries sourdent de cette mode du noir confisquée à l’ennemi espagnol ! Un Manet, époustouflé, comptait vingt-quatre nuances dans les tableaux, tel le Portrait de Michiel de Wael (Cincinnati), modèle du genre.
Manet n’était pas le premier à tenir Hals dans la même estime que celle d’un Vélasquez, à reprendre son coup de pinceau très libre et ses arrière-plans indéfinis gris ou blonds. Courbet, par exemple, a aimé cette vérité tant formelle que psychologique, et pareillement la vivacité des portraits de groupes. Ces qualités infuseront jusque dans son célèbre Enterrement à Ornans (Musée d’Orsay). Comme son ami Whistler et, par la suite, le portraitiste mondain américano-européen Sargent, le Belge Ensor ou l’Allemand Liebermann, nombre d’autres peintres, qu’ils aient été impressionnistes ou expressionnistes, ont rendu grâce à celui qu’ils considéraient comme leur aîné en modernité. Ce génie nordique avait été redécouvert dans les années 1850-1860 par celui qui a également tiré Vermeer de l’oubli : Théophile Thoré-Bürger.
Attrait pour le peuple
Ce critique était un militant républicain. S’il chérissait la Hollande, c’est parce qu’elle « avait eu le courage de secouer tout joug religieux et politique, se sentant plus à l’aise qu’aucun autre peuple ». En conséquence, selon cet intellectuel, elle avait enfanté l’école de peinture « la plus libérée, la plus originale, la plus variée, la plus révolutionnaire, la plus naturelle et la plus humaine à la fois ». Et elle était encore définie comme « la plus dégagée du passé, qui adhère le plus à la nature, et qui par là signale le mieux une des tendances de l’art à venir »(Salon de 1861. De l’avenir de l’art).
Ainsi les modernes allaient s’abreuver à cette source. Pour Van Gogh, qui a littéralement aspiré la tonalité jaune du Joyeux Buveur et appréciait la fibre sociale de Hals, ce dernier « vaut autant que les Michel-Ange, les Raphaël et même les Grecs ». Au Rijksmuseum, devant le porte-étendard, flamboyant milicien se pavanant à l’extrême gauche de la Compagnie de milice du district XI, tout de soie nacrée sur fond de drapeau orange, il s’était arrêté longtemps : « J’ai rarement vu une figure plus divinement belle – c’est quelque chose de merveilleux. »
Pour sa part, Courbet s’était focalisé sur le portrait d’une servante édentée, simple d’esprit affublée d’une chouette et d’une cruche en étain symboles de dérèglement de tous les sens. Il a même copié avec application cette Malle Babbe, bougresse dionysiaque et populaire, qui survit toujours à Haarlem, à travers une chanson à boire régulièrement entonnée dans les estaminets. L’attrait de Hals pour le peuple se lit enfin dans le Portrait de Catharina Hooft, un bébé de bonne famille tenu par une nourrice, qui a été traitée avec autant de soin. Ou encore dans Famille dans un paysage (Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid), au milieu de laquelle un esclavon africain se demande ce qu’il fait là.
Célébré de son vivant, oublié après la défaite des Provinces-Unies envahie par les armées de Louis XIV, redécouvert par Thoré, Hals a été, à la fin du XIXe siècle, porté aux nues par les grands collectionneurs. En Angleterre, par exemple, le marquis de Hertford a accepté de payer dix fois le prix demandé pour le Cavalier riant (51 000 francs de l’époque, soit une somme astronomique, égale à la cote de Rembrandt). Depuis 1900, ce tableau est la joconde de la Wallace Collection, à Londres. Jusqu’alors il n’avait jamais quitté Manchester Square. « Par la suite, la renommée de Hals s’est estompée, sa liberté de pinceau, la vérité et la simplicité émanant de ses visages étant devenues choses communes en peinture », explique Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum.
L’actuelle réévaluation souligne la maestria d’une main qui, dans une lumière souvent blonde, sait jouer, selon les besoins ou la volonté du commanditaire, de la finesse comme de la rugosité, paraître lente ou rapide, se faire invisible, léchée, d’une précision quasi photographique, ou au contraire demeurer marquée telle une signature (une Berthe Morisot a poussé cette manière preste).
Sentiment de vie
Techniquement, Hals peignait alla prima, humide sur humide, avec cette fausse spontanéité caractéristique du virtuose accompli. On ne lui connaît strictement aucun dessin. Dès lors, vues de près ou dans les agrandissements de détails qui décorent certaines parois du parcours, ses compositions forment d’audacieux croisillons et zigzags de couleurs jetées. Ce style renforce le sentiment de vie. On admire particulièrement ces stries dans les cols blancs ou ces poignets d’où jaillit une main inachevée, ce qui rend son mouvement encore plus rapide et naturel. Quant aux carnations, ce sont celles de la vie au grand air, de la bonne chère et du houblon fermenté. Des cheveux d’or sont parfois ébouriffés par un vent du large ou le banquet en cours. Dans son portrait, Isaac Abrahamsz Massa, marchand de soie en Russie, comme le suggère une fenêtre ouverte sur une forêt de conifères, nous regarde par-dessus le dossier de sa chaise. C’était en 1626, mais il vient à peine de se retourner. Le procédé est une nouveauté.
À votre santé ? Mais le verre a été si promptement vidé qu’il faut le déjà remplir, l’ordonne, au centre d’un ballet de regards, de mains et de gestes, sous les chapeaux, fraises et torses uniformément barrés d’une écharpe orange, le capitaine Michiel de Wael. Ce brasseur, membre d’une confrérie des brasseurs, tourne son verre à l’envers et nous interpelle. À table !, entend-on encore. Car, juste derrière lui, un de ses lieutenants presse un citron au-dessus d’un plat d’huîtres. Pour la musique, la compagnie peut compter sur quelque bouffon, tel l’insolent Joueur de luth, et pour la bagatelle sur La Bohémienne, deux merveilles de joie et de tendresse venues du Louvre.
« Frans Hals », au Rijksmuseum, à Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Puis à la Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne), du 12 juillet au 3 novembre. Catalogue disponible en anglais, coédition des musées, 219 p., 35 €.
Haarlem, cette bonbonnière XVIIe, n’est située qu’à une trentaine de kilomètres d’Amsterdam. Son riche Musée Frans Hals, plus ancienne collection publique des Pays-Bas, a prêté par dérogation exceptionnelle de la municipalité quatre de ses grands formats. Mais il lui en reste encore plusieurs, dont un portrait de groupe avec autoportrait. En tout, on y admire actuellement encore dix-sept Frans Hals. Un crochet s’impose donc, d’autant que cette ville infiniment moins fréquentée est tout aussi jolie que la capitale, sa grande rivale. On peut également, dans le chœur dans son église centrale, Saint-Bavon, se recueillir sur la tombe du peintre.
Lorsque j’ai vu ou lu, il y a 2 ans, je crois, tous les médias s’emballer, en excitation exacerbée, des cris outrés, des hurlements en ronde de feu, sur un fait divers ou il était question d’un homicide routier et d’un nom un peu italien, espagnol ou corse, j’ai immédiatement arrêté mon ouvrage. Il devait s’agir d’un événement majeur.
Il s’agissait de la mort du fils d’un chef 3 étoiles dont je ne me souvenais pas du nom. Alleno.
Son fils avait été fauché par un chauffard sous alcool, drogue, bref un tueur sans conscience, une victime des narcotrafiquants. Un blâmable, un salaud ivre et drogué.
Mais je m’interrogeais. Pourquoi ce vacarme ? Des centaines de victimes subissaient le même sort sans ce tapage médiatique.
Alors je me suis dit que les chroniqueurs, comme Pascal Praud et les autres devaient dîner chez le père, dessert offert et réception de chroniqueur.
Je trouvais la chose inepte, injuste, nauséabonde.
J’ai eu le même sentiment aujourd’hui, la peine contre le chauffard tueur ayant été prononcée..7 ans au lieu des 10 maxi et le même Praud décidément idiot quelquefois, se cabrant sur son fauteuil de chroniqueur parisien pour vilipender les magistrats trop indulgents. Et ce même si l’un des avocats de la famille Alleno, décidément très médiatique, trouvait la peine lourde et juste. 7 ans, ce n’est pas rien…
Je ne connaissais pas Alleno, et son fils malchanceux. Paix à son âme, sincèrement.
Mais je m’interroge encore : un tel vacarme aurait -il surgi si mon voisin de palier, un peu boiteux, très gentil, mais inconnu, avait été renversé par un assassin routier ?
Non, je ne le crois pas.
Cette affaire Alleno est un scandale tant il révèle les proximités, les hiérarchies, l’idiotie.
Le père Alleno, à lire Google a pu entretenir cette immense affaire, sa propension à la recherche de gloire, sans la renier est, objectivement au centre de l’enflement médiatique. Il aurait dû calmer ses convives, en quête d’affaire Alleno.
J’ai de la peine pour le fils et, pourtant je suis furieux contre le traitement d’un fait divers qui ne l’est plus dès que des étoiles paraissent.
Je vais me désabonner de Cnews. Les faits divers transformés en fait de société, OK, c’est essentiel. Mais des faits divers transformés en vacarme pour cause de copinage de mode de vie étoilée, non.
Non, je n’ai aucune envie de mourir pour l’Ukraine.
Il est donc dommage que, trop vieux pour être mobilisé, au surplus exempté, je ne pourrai pas déserter, en l’expliquant ou le chantant. N’en déplaise aux va-t-en guerre, ces idiots spécialistes, colonels aux yeux roulant de bêtise, généraux aux tempes absentes et autres marionnettes excitées sous la houlette des minuscules journalistes, irresponsables du verbe de TV- RADIO- KIEV. LCI, pour ne pas la nommer. Ils s’amusent à faire la guerre tous ces retraités, ces hurleurs de micro, à l’affût du cacheton de consultant.
Pas vu de sondage sur les français prêts à mourir pour l’Ukraine.
On n’a pas demandé à naître et on ne veut pas mourir, irradié, pour un bout de pays ukrainien qui peut vivre sans ce lambeau de terre aux mille passés, qui frôlent la Russie, qui en est l’origine même.
Juste un bout de terre à donner, sans canons ni atome, à cette grande Russie malade, en mal de puissance d’âme, dostovieskienne, affamée de reconnaissance de son existence, niée après le soviétisme, par l’Occident arrogant dans sa chute.
Faiblesse de l’Europe occidentale, championne des budgets pléthoriques et des normes saccageuses, en perdition idéologique, sans thème autre qu’argentier qui la structurerait. Qui pourrait être plus forte si elle ne donnait pas, pour le théâtre, l’accolade à Zelenski. En acceptant, pour la paix, pour la vie, jusqu’à la reddition pour ces km2 au centre de l’apocalypse nucléaire. l’Ukraine, notre Sarajevo.
Il est désormais acquis que la négociation passera par l’abandon de terres. On perd du temps et de l’argent avec cette histoire.
On peut, pour l’avenir de nos enfants, glisser, un petit temps, pour un petit espace, sur un principe discutable qui est celui de la territorialité ukrainienne non vitale (comme peut l’être celle d’Israël, pourtant lourdement attaqué). A défaut, on sombre dans l’irraisonnable.
On pourrait accorder à la non-raison (Poutine, pour la nommer) une concession qui ne changerait pas la face du monde, sauf pour ceux qui embrassent la guerre, comme une nécessité humaine. Une guerre qui surgit toujours par un évènement jamais central, juste un fait presque divers. Tout aurait pu être évité sans guerre mondiale.
Tous sont fatigués et d’abord les russes et les Ukrainiens. Et la fatigue appelle le repos, la pause, la suspension, ici celle de toute échappée guerrière qui n’est que le succédané de cette même lassitude qui nous plonge dans l’improbable.
Il faut donc arrêter de vouloir la guerre et enlacer Zelenski, parfait netflixien de tréteaux, Churchill de magasin de figurines, dans sa volonté de mondialisation du conflit. Les ukrainiens sont épuisés et n’osent le dire, emportés dans leur silence par le discours de ceux qui leur dictent, à leur seul profit, les principes prétendument immuables qui fondent le Territoire. Tout en laissant le leur envahi par ceux qui, nouveaux conquérants idéologiques, ne le respectent pas.
La défense de l’existence d’Israël, pourtant omise dans les discours ambiants, peut être plus importante que la défense d’une terre russo-ukrainienne. Surtout à l’heure où 1/4 des sympathisants LFI sont favorables au départ des juifs français de la France. Pour aller vers un pays dont l’existence est niée.
Il est temps que LCI se calme. Il est temps de revenir au bonheur sur terre et de laisser les gens vivre, dans leur espace amputé (les ukrainiens) ou limité (Israël).
LCI devient un faiseur de guerre comme LFI est un fabricant de conflit.
Si vous restez quelques secondes sur l’image ci-dessus, vous constaterez qu’en réalité, il s’agit d’une vidéo. La flamme bouge, les gouttes et pluie et la fumée qui s’échappe de la tasse aussi. Imperception du monde vivant…
L’idée de ramasser dans un seul billet ce qui a été éparpillé dans ce site m’a encore été soufflée par une lectrice très bienveillante. Il s’agissait de reprendre le contenu de l’une des entrées de mon menu (“la première page”), de copier, de coller. Fastideux mais sans difficulté. J’ai cependant inséré quelques vidéos (encore des vagues pour une pause entre les lectures.
PREMIÈRE PAGE : C’est là, parait-il, que le talent se révèle. Victor Hugo écrivait que “tout grand écrivain frappe la prose à son effigie“. Le premier coup doit être le bon.
Certains apprentis écrivains le savent, pour abandonner après la première page. Il est rare d’avoir un bon texte après une première page calamiteuse.
Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je nr’ai rien à vous dire. Seulement ceci — que je me trouve aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi. Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier. Tout cela sb’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore. En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, avec une ironie dérisoire. Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie. Dans le jardin que j’aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par-dessus les branches, d’où elles pendent maintenant ; elles sont enroulées tout là-haut ; ainsi l’idée d’une fuite imaginaire ne peut même pas s’aider des balançoires, pour me faire passer le temps. Tel est plus ou moins, mais sans style, mon état d’âme en ce moment. Je suis comme la Veilleuse du Marin, les yeux me brûlent d’avoir pensé à pleurer. La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées, par les interstices. Tout cela est imprimé en caractères tout petits, dans un livre dont la brochure se défait déjà
Woolf, Virginia. « Vers le phare. »
Oui, bien sûr, s’il fait beau demain », dit Mrs Ramsay. « Mais, ajouta-t-elle, il faudra que tu te lèves à l’aurore. » À ces mots, son fils ne se sentit plus de joie, comme s’il était entendu que l’expédition aurait lieu à coup sûr et que cette merveille qu’il attendait depuis des années et des années semblait-il, était enfin, passé une nuit d’obscurité et une journée de mer, à portée de sa main. Comme il appartenait déjà, à l’âge de six ans, au vaste clan de ceux dont les sentiments ont tendance à empiéter les uns sur les autres, et qui ne peuvent empêcher les perspectives d’avenir, leurs joies et leurs peines, de brouiller la réalité présente ; comme pour ces gens-là, si petits soient-ils, le moindre tour de la roue des sensations a le pouvoir de cristalliser et fixer l’instant sur quoi porte son ombre ou sa lumière, James Ramsay, assis par terre à découper des illustrations dans le catalogue des « Army and Navy Stores », investit l’image d’un réfrigérateur, tandis que sa mère parlait, d’un bonheur suprême. Elle était auréolée de joie. La brouette, la tondeuse à gazon, le bruissement des peupliers, la pâleur des feuilles avant la pluie, le croassement des freux, les chocs des balais, le froissement des robes – tout avait dans son esprit tant de couleur et de netteté qu’il possédait déjà son code personnel, son langage secret, tout en donnant l’image de la rigueur absolue et intraitable, avec son grand front, ses yeux bleus farouches, parfaitement francs et limpides, et ce léger froncement de sourcil devant le spectacle de la fragilité humaine, au point que sa mère, le regardant guider précisément ses ciseaux autour du réfrigérateur, l’imaginait siégeant au tribunal, tout de rouge et d’hermine vêtu, ou décidant de mesures difficiles et cruciales à un moment critique pour la nation. « Mais », dit son père en s’arrêtant devant la fenêtre du salon, « il ne fera pas beau. » S’il avait eu une hache à sa portée, un tisonnier ou toute arme capable de fendre la poitrine de son père, de le tuer, là, sur-le-champ, James s’en serait emparé. C’était bien ce genre d’émotions extrêmes que Mr Ramsay, par sa seule présence, soulevait dans le cœur de ses enfants ; quand il se tenait là, comme en ce moment, maigre comme un couteau, étroit comme une lame, avec ce sourire sarcastique qui, outre le plaisir de décevoir son fils et de ridiculiser sa femme, qui lui était dix mille fois supérieure en tout (selon James), traduisait la secrète vanité qu’il tirait de la rectitude de son jugement. Ce qu’il disait était vrai. C’était toujours vrai. Il était incapable de proférer une contrevérité ; ne transigeait jamais avec les faits ; ne modifiait jamais une parole désagréable pour satisfaire ou arranger âme qui vive, et surtout pas ses propres enfants qui, chair de sa chair, devaient savoir dès leur plus jeune âge que la vie est difficile ; les faits irréductibles ; et que la traversée jusqu’à cette terre fabuleuse où s’anéantissent nos plus belles espérances, où nos frêles esquifs s’abîment dans les ténèbres (là, Mr Ramsay se redressait, plissait ses petits yeux bleus et les fixait sur l’horizon), est un voyage qui exige avant tout courage, probité, et patience dans l’épreuve. « Mais peut-être qu’il fera beau – je crois bien qu’il fera beau », dit Mrs Ramsay en tirant impatiemment sur le bas de couleur brun-rouge qu’elle était en train de tricoter. Si elle le terminait ce soir, si finalement ils allaient au Phare, elle en ferait cadeau au gardien pour son petit garçon menacé de tuberculose de la hanche ; plus un tas de vieilles revues et du tabac, en fait tout ce qui traînait par-ci par-là, dont on n’avait pas vraiment besoin, qui encombrait seulement la pièce, histoire de donner à ces pauvres gens qui devaient s’ennuyer à mourir sans rien d’autre à faire qu’astiquer la lampe, égaliser la mèche et ratisser leur bout de jardin, de quoi se distraire. Car, demandait-elle volontiers, que diriez-vous de rester enfermé tout un mois, et parfois davantage par gros temps, sur un rocher pas plus grand qu’un terrain de tennis ? Et de ne recevoir ni lettres ni journaux, et de ne voir personne ; si vous étiez marié, de ne pas voir votre femme, de ne pas savoir comment vont vos enfants – s’ils sont malades, s’ils sont tombés et se sont cassé bras ou jambes ; de voir toujours les mêmes vagues se briser monotones semaine après semaine, jusqu’à ce qu’arrive une tempête épouvantable, que les vitres se couvrent d’embruns, que les oiseaux viennent se fracasser contre la lampe et que tout l’édifice se mette à trembler, et de ne pas pouvoir mettre le nez dehors de peur d’être emporté par une lame ? Que diriez-vous de cela ? demandait-elle en s’adressant plus particulièrement à ses filles. Et donc, ajoutait-elle sur un ton sensiblement différent, on se devait de leur apporter tout ce qui était susceptible d’agrémenter un peu leur existence.
Roth, Philip. “Indignation”
Deux mois et demi environ après que les divisions bien entraînées de la Corée du Nord, armées par les Soviétiques et les communistes chinois, eurent traversé le 38e parallèle et pénétré en Corée du Sud le 25 juin 1950, et qu’eut débuté le calvaire de la guerre de Corée, je devins étudiant à Robert Treat, un petit collège universitaire du centre de Newark, qui portait le nom du fondateur de la ville au XVIIe siècle. J’étais le premier membre de notre famille à faire des études supérieures. Aucun de mes cousins n’avait été au-delà du lycée, et ni mon père ni ses trois frères n’avaient terminé l’école primaire. « Je travaille pour gagner de l’argent », m’avait dit mon père, « depuis l’âge de dix ans. » C’était un boucher de quartier pour qui j’avais fait les livraisons à bicyclette durant toute ma scolarité, sauf pendant la saison de base-ball et les après-midi où je devais participer aux concours inter-scolaires en tant que membre de l’équipe des débatteurs. Disons qu’à partir du jour où j’ai quitté la boucherie — j’y avais travaillé pour lui soixante heures par semaine, entre la fin de mes études secondaires, en janvier, et la rentrée universitaire en septembre —, oui, disons qu’à partir du jour où j’ai commencé à suivre mes cours à Robert Treat, mon père a vécu dans la crainte de me voir mourir. Peut-être sa peur avait-elle un rapport avec la guerre dans laquelle les forces armées des États-Unis, sous les auspices des Nations unies, s’étaient immédiatement engagées pour soutenir l’effort de l’armée sud-coréenne mal entraînée et sous-équipée ; ou peut-être avait-elle un rapport avec les lourdes pertes que subissaient nos troupes face à la force de frappe des communistes, et avec sa crainte, si le conflit devait durer aussi longtemps que la Seconde Guerre mondiale, de me voir enrôlé…
Dashiell Hammett. « Le faucon de Malte. »
Sam Spade avait la mâchoire inférieure lourde et osseuse. Son menton saillait, en V, sous le V mobile de la bouche. Ses narines se relevaient en un autre V plus petit. Seuls, ses yeux gris jaune coupaient le visage d’une ligne horizontale. Le motif en V reparaissait avec les sourcils épais, partant de deux rides jumelles à la racine du nez aquilin et les cheveux châtain très pâle, en pointe sur le front dégarni, découvrant les tempes. Il avait quelque chose d’un sympathique Méphisto blond. — Qu’est-ce qu’il y a, mon petit ? dit-il à Effie Perine. La jeune fille, bronzée, grande – une fausse maigre portait une robe de lainage mince qui moulait ses formes comme un drap mouillé. Ses yeux bruns riaient dans un visage lumineux d’adolescent. Elle ferma la porte derrière elle et s’adossa au battant. — C’est une femme qui voudrait te voir, dit-elle. Elle s’appelle Miss Wonderly. — Une cliente ? — Je crois. De toute façon, tu aurais envie de la voir. Elle est formidable. — Fais entrer, chérie, fais entrer, dit Spade. Effie Perine rouvrit la porte qui communiquait avec le bureau de réception. Sans lâcher le bouton, elle s’effaça. — Voulez-vous entrer, Miss Wonderly ? Une voix répondit : « Merci ! » si doucement que seule une parfaite articulation permit d’entendre les deux syllabes. La jeune femme entra lentement, un peu hésitante, attachant sur Spade le regard à la fois timide et scrutateur de deux yeux bleu de cobalt. Elle était grande et mince, mais sans rien d’anguleux, la poitrine haute, les jambes longues, les attaches fines. Elle portait un « ensemble » en deux nuances de bleu, choisies sans doute pour faire valoir ses yeux. Elle avait, sous un chapeau bleu, des cheveux fauves et bouclés. Ses lèvres pourpres s’entrouvraient pour un timide sourire sur des dents éclatantes de blancheur. Spade se leva, s’inclina et désigna de sa forte main un fauteuil de chêne. Il avait environ un mètre quatre-vingts. Ses épaules tombantes donnaient à son buste une forme conique : il avait un torse aussi profond que large, sur lequel flottait un veston gris qui sortait du pressing. Miss Wonderly murmura de nouveau : « Merci », et s’assit sur le bord du siège. Spade se renfonça dans son fauteuil tournant. D’un coup de reins, il le fit pivoter d’un quart de tour et sourit poliment. Il souriait sans desserrer les lèvres : tous les V de son visage s’allongèrent. Le cliquetis amorti et le timbre grêle de la machine à écrire d’Effie Perine résonnaient de l’autre côté du mur. Quelque part dans le building, un moteur vibrait sourdement. Sur le bureau de Spade une cigarette fumait dans un cendrier de cuivre rempli de mégots. De légers flocons de cendres étaient répandus sur le bois verni, le buvard vert et les papiers étalés. Par une fenêtre entrouverte derrière un rideau beige, pénétrait un courant d’air vaguement parfumé d’ammoniaque. Sur le bureau, les cendres frémissaient et se déplaçaient dans ce courant d’air…
Kazuo Ishiguro. “Les vestiges du jour”
Darlington Hall Il semble de plus en plus probable que je vais réellement entreprendre l’expédition qui tient depuis quelques jours une place importante dans mon imagination. Une expédition, je dois le préciser, que j’entreprendrai seul, dans le confort de la Ford de Mr. Farraday ; une expédition qui, telle que je l’envisage, me conduira à travers une des plus belles campagnes d’Angleterre jusqu’au West Country, et pourrait bien me tenir éloigné de Darlington Hall pendant cinq ou six jours. L’idée de ce voyage, je dois le souligner, est née d’une suggestion fort aimable émise à mon intention par Mr. Farraday lui-même voici presque quinze jours, tandis que j’époussetais les portraits dans la bibliothèque. En fait, si je me souviens bien, j’époussetais, monté sur l’escabeau, le portrait du vicomte Wetherby lorsque mon employeur entra, chargé de quelques volumes dont il désirait sans doute qu’on les remît en rayon. Remarquant ma présence, il profita de cette occasion pour m’informer qu’il venait précisément de parachever le projet de retourner aux États-Unis pour une période de cinq semaines, entre août et septembre. Cela annoncé, mon employeur posa ses volumes sur une table, s’assit sur la chaise longue et allongea les jambes. Ce fut alors que, levant les yeux vers moi, il déclara : « Vous vous doutez, Stevens, que je ne vous demande pas de rester enfermé dans cette maison pendant toute la durée de mon absence. Si vous preniez la voiture pour aller vous balader pendant quelques jours ? À en juger par votre mine, un petit congé ne vous ferait pas de mal. » Devant une proposition aussi imprévue, je ne savais trop comment réagir. Je me rappelle l’avoir remercié de sa sollicitude, mais sans doute ne dis-je rien de très précis car mon employeur poursuivit : « Je parle sérieusement, Stevens. Vous devriez vraiment prendre un petit congé. Je paierai la note d’essence. Vous autres, vous passez votre vie enfermés dans ces grandes maisons à vous rendre utiles, et quand est-ce que vous arrivez à voir ce beau pays qui est le vôtre ? » Ce n’était pas la première fois que mon employeur soulevait cette question ; en fait, il semble sincèrement préoccupé par ce problème. Ce jour, cependant, il me vint une sorte de repartie tandis que j’étais juché là-haut sur l’escabeau ; repartie visant à souligner que dans notre profession, si nous ne voyons pas à proprement parler le pays en sillonnant la campagne et en visitant des sites pittoresques, nous « voyons » en fait une part d’Angleterre plus grande que bien des gens, placés comme nous le sommes dans des demeures où se rassemblent les personnes les plus importantes du pays. Certes, je ne pouvais exprimer ce point de vue à l’intention de Mr. Farraday sans me lancer dans un discours qui aurait pu paraître présomptueux. Je me contentai donc de dire simplement : « J’ai eu le privilège, monsieur, de voir entre ces mêmes murs, au fil des années, ce que l’Angleterre a de meilleur. » Mr. Farraday ne sembla pas comprendre cette remarque, car il continua sur sa lancée : « J’insiste, Stevens. Ce n’est pas bien qu’un gars ne puisse pas visiter son propre pays. Suivez mon conseil, sortez de la maison pendant quelques jours. »
Isaac Bashevis Singer. “La famille Moskat”
Cinq ans après la mort de sa deuxième épouse, Reb Meshulam Moskat se maria pour la troisième fois. Sa nouvelle femme avait la cinquantaine. Originaire de Galicie, en Autriche orientale, c’était la veuve d’un riche brasseur de Brody, un homme érudit. Peu de temps avant sa mort, il avait fait faillite et ne laissait qu’une bibliothèque remplie d’ouvrages savants, un collier de perles – fausses, comme on allait le découvrir – et une fille prénommée Adèle. Elle s’appelait en réalité Eidele, mais sa mère, Rosa Frumetl, préférait Adèle, plus à la mode. Meshulam Moskat fit leur connaissance à Carlsbad, où il était allé suivre une cure, et il épousa la veuve là-bas. Personne à Varsovie ne fut mis au courant. Reb Meshulam n’écrivit à aucun membre de sa famille, ce n’était pas dans ses habitudes de rendre compte de ses faits et gestes. Ce ne fut qu’au milieu du mois de septembre qu’un télégramme adressé à son intendant à Varsovie annonça son retour, ordonnant que Leibel, le cocher, vînt attendre son maître à la gare de Vienne. Le train arriva dans la soirée. Reb Meshulam descendit du wagon de première classe, suivi de sa femme et de sa belle-fille. Quand Leibel s’avança, il lui déclara : « Voici ta nouvelle maîtresse », en fermant une de ses lourdes paupières.
F. Scott. Fitzgerald “Tendre est la nuit”
Sur les bords charmants de la Méditerranée, à mi-chemin entre Marseille et la frontière italienne, se dresse un vaste et fier hôtel aux murs roses. Des palmiers éventent respectueusement sa façade congestionnée, et à ses pieds un bout de plage étincelle au soleil. Il est depuis peu le lieu de villégiature de gens chics et célèbres qui viennent y passer l’été. Il y a dix ans, le départ, en avril, de sa clientèle anglaise pour le Nord le laissait presque entièrement vide. Aujourd’hui, de nombreux petits pavillons en rez-de-chaussée s’agglutinent alentour, mais, au moment où cette histoire commence, on ne voyait qu’une dizaine de villas vétustes dont les dômes pourrissaient comme des nénuphars au milieu des denses pinèdes qui s’étendent entre l’hôtel des Étrangers de Gausse et Cannes, à huit kilomètres de là.
L’hôtel et son éblouissant tapis de prière havane, la plage, ne faisaient qu’un. Aux premières heures du jour, l’image de Cannes au loin, les vieux remparts rouge pâle et crème, les Alpes mauves qui ferment l’Italie se dessinaient sur les eaux de la baie et tremblaient parmi les rides et les anneaux que produisaient à la surface les ondoiements des plantes marines dans les fonds clairs. Avant 8 heures, un homme en peignoir bleu descendait à la plage et, après s’être copieusement aspergé d’eau froide, grognant d’abondance et respirant bruyamment, il s’ébattait pendant une minute dans les vagues. Une fois qu’il était reparti, la plage et la baie connaissaient une heure de calme. Des cargos, à l’horizon, se traînaient paresseusement vers l’ouest ; des employés de l’hôtel lançaient des cris dans la cour ; la rosée séchait sur les pins. Une heure plus tard, le concert des klaxons se déversait de la route en lacets au flanc du massif des Maures, qui sépare le littoral et la vraie Provence.
À moins de deux kilomètres à l’intérieur des terres, là où les bois de pins cèdent la place à des peupliers gris de poussière, se trouve une petite station de chemin de fer solitaire où, un matin de juin 1925, une victoria vint chercher une femme et sa fille pour les conduire à l’hôtel de Gausse. Le visage de la mère possédait un charme un peu fané, qui ne tarderait pas à être gâté par des plaques de couperose ; il y avait dans son expression quelque chose de tranquille et d’aimablement avisé. Le regard, cependant, se portait vite sur sa fille, ensorcelé par le joli rose des paumes et les joues délicatement ardentes, pareilles à celles des enfants, avec ces rougeurs délicieuses que leur donne le bain froid du soir. Son front beau et haut s’élevait doucement jusqu’aux cheveux, qui, l’encadrant comme s’il eût été un bouclier armorié, jaillissaient en boucles, mèches et frisettes d’un blond cendré mêlé d’or. Elle avait de grands yeux, vifs, clairs, humides et brillants, et sa carnation naturelle laissait deviner à fleur de peau la jeune vigueur des battements de son cœur. Son corps s’attardait avec grâce aux confins de l’enfance : elle avait presque dix-huit ans, serait bientôt femme, mais la rosée sur elle se voyait encore.
Raymond Chandler. « La grande fenêtre. »
La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche. Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et ne portera jamais plus d’un revolver sur lui. Je sais aussi qu’elle est la veuve d’un vieux barbu nommé Jasper Murdock qui s’est bourré les poches au service de la municipalité et dont le journal de Pasadena passe la photo chaque année le jour de son anniversaire, avec, en dessous, les dates de sa naissance et de sa mort et la légende : Une Vie consacrée au Devoir. Laissant ma voiture le long du trottoir, je m’avance sur les quelques douzaines de pierres qui dessinent une chaussée à travers la pelouse, et je sonne sous le perron de brique au toit pointu. Le long de la façade, un petit mur en brique rouge court de la porte à l’allée et, au bout du parcours, sur un socle en ciment, s’érige la statue peinte d’un négrillon en tenue de cheval : culotte blanche, tunique verte et casquette rouge. Il brandit un fouet et un anneau de fer est scellé dans le ciment, à ses pieds. Il a l’air tout triste de celui qui attend depuis trop longtemps et qui finit par se décourager. Je m’avance vers lui et je lui tapote amicalement le crâne en attendant qu’on se décide à m’accueillir. Finalement, une Carabosse entre deux âges, déguisée en femme de chambre, entrouvre la porte d’environ vingt centimètres et me lorgne d’un air soupçonneux. — Je suis Philip Marlowe, lui dis-je. Je viens voir Mme Murdock. J’ai rendez-vous.
« La maison est située sur l’Avenue de Dresde, dans le quartier de Oak Knoll à Pasadena – une grande maison bien assise, fraîche d’aspect, au toit de tuiles roses et aux murs de brique lie de vin cernés de pierre blanche. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont serties de plomb tandis que celles de l’étage, de style campagnard, s’encadrent de motifs rococo en fausse pierre. Devant la façade bordée de buissons fleuris, une immense pelouse du plus fin gazon dévale mollement vers l’avenue, léchant au passage le pied d’un énorme cèdre comme une rafraîchissante vague verte qui déferle autour d’un rocher. Le trottoir et l’allée d’accès sont très larges et le long de l’allée se dressent trois grands acacias blancs qui valent le coup d’œil. L’air matinal est déjà chargé des lourdes senteurs de l’été et toute végétation semble prostrée, dans cette atmosphère étouffante que les gens de là-bas appellent une belle journée fraîche. Tout ce que je sais des habitants, c’est qu’il s’agit d’une certaine Mme Elisabeth Bright Murdock et de sa famille et qu’elle désire embaucher un détective privé bien propre et bien gentil qui ne mettra pas de cendre de cigare sur ses tapis et[…] »
Clément Rosset. “La joie est plus profonde que la tristesse : Entretiens avec Alexandre Lacroix”
Le réel finit toujours par prendre sa revanche
Alexandre Lacroix : Qu’est-ce qu’un morceau de camembert ?
Clément Rosset : Mon ami et collègue Vincent Descombes m’a dit, un jour : « Toi, tu es un théologien du camembert. » On a la théologie qu’on peut… Il faisait allusion à cette page de mon essai L’Objet singulier (1979), où je pastiche le passage de la deuxième méditation de Descartes consacré au morceau de cire. Mon argument à propos du camembert est le suivant : chaque objet est singulier et il est impossible d’en décrire la singularité. Toutes les descriptions que nous pouvons donner d’un objet procèdent par voie de comparaison avec un étalon, un autre objet servant de référence. Ainsi, je peux comparer le camembert et le livarot ou le pont-l’évêque, mais dire ce qu’il est en lui-même, décrire sa saveur particulière, surtout quand il est bon, j’en suis incapable. Le camembert est à lui-même son propre patron, au sens que prend ce terme en couture. Un courtisan prétendait qu’il était difficile de louer Louis XIV, puisque celui-ci rayonnait de si merveilleuses qualités qu’il était à nul autre semblable, comparable seulement à lui-même. Cette propriété du Roi-Soleil est aussi celle du morceau de camembert, comme d’ailleurs de tout objet réel.
A. L. : Cela mène à votre définition du réel, comme « ensemble non clos d’objets non identifiables ». Qu’entendez-vous par là ?
C. R. : C’est en fait une définition très simple, qu’on pourrait tourner autrement : il n’y a pas deux brins d’herbe semblables. Il me vient à l’esprit un autre exemple, les nombres premiers. Ces nombres sont remarquables, car ils ne se laissent diviser que par eux-mêmes et par un. Ce sont, pour ainsi dire, des nombres tautologiques, qui ne sont faits que d’eux-mêmes. Ainsi, le réel est un ensemble d’objets indescriptibles, que nous ne sommes pas capables de dénombrer, ensemble dont nous ne pouvons pas dire s’il est fini ou infini – pour cette raison, je précise qu’il n’est pas « clos ». Il n’y a rien en dehors de lui, pas d’arrière-monde. Il n’y a pas non plus de miroir fidèle dans lequel regarder notre monde.
Jean Rolin. « Ormuz».
Après sa disparition, je me suis introduit dans la chambre de Wax à l’hôtel Atilar afin d’y inventorier ses affaires. C’était assez peu de chose : quelques vêtements légers, dont ceux, mis à sécher sur des cintres, qu’il avait pris soin de laver, la veille de sa tentative, comme il le faisait chaque soir, bien que l’hôtel disposât d’un service de blanchisserie, avec une ponctualité exaspérante à la longue. Une trousse de toilette dont je ne détaillerai pas le contenu, par discrétion, mais dont il me semble important, pour la compréhension de ce qui va suivre, de noter qu’elle renfermait, à côté de ce que l’on s’attend à rencontrer dans un accessoire de ce genre, tout un assortiment de fétiches ou de porte-bonheur, tels que des petits cailloux, des plumes, des perles de verre, ou d’autres menus objets témoignant de la survivance, chez Wax, d’un mode de pensée qui généralement se résorbe à l’âge adulte. Sur un carnet à spirale, des notes éparses, sans queue ni tête, qu’il me destinait afin que je les mette en forme dans ce grand récit de son exploit qu’il me payait pour écrire. Des cartes et des plans par dizaines, reproduisant à des échelles différentes les parages du détroit ou le Golfe dans sa totalité. Un rouleau entamé de bonbons Mentos, une cartouche également entamée de cigarettes Marlboro Light. Et ainsi de suite. Rien de bien intéressant, à l’exception peut-être du livre qu’il était en train de lire, un court roman de Joseph Conrad, Au bout du rouleau, dont le titre devait s’accorder parfaitement avec ses propres dispositions lorsqu’il en avait interrompu la lecture. La climatisation fonctionnait, ainsi que le réfrigérateur, à l’intérieur duquel il se trouvait encore deux petites bouteilles d’eau minérale, une boîte de Coca-Cola et une autre d’un soda de fabrication locale, en plus d’un emballage de plastique transparent contenant des grains de grenade dont je savais qu’il lui avait été offert par la réceptionniste de l’hôtel. (Les grains de grenade provenaient d’un jardin que son mari – le mari de la réceptionniste – possédait dans la région de Kerman, et qui, selon son témoignage, produisait également des pêches, des pommes et des noix.) En même temps que je vaquais dans la chambre à mes occupations, désormais, je mangeais de ces grains de grenade en les prenant tout d’abord un par un, dans leur emballage de plastique, puis, bientôt, par poignées, tant ils s’avérèrent succulents, et tout cela sans le moindre scrupule, tel qu’aurait dû m’en inspirer la disparition de leur possesseur légitime, mais non sans une certaine appréhension quant aux conséquences possibles de cette goinfrerie sur mon appareil digestif, dont le….
Milan Kundera. « La plaisanterie. »
Ainsi, après bien des années, je me retrouvais chez moi. Debout sur la grande place (qu’enfant, puis gamin, puis jeune homme, j’avais mille fois traversée), je ne ressentais nulle émotion ; au contraire, je pensais que cette place dont le beffroi (semblable à un reître sous son heaume) surplombe les toits rappelait le vaste terrain d’exercice d’une caserne, et que le passé militaire de cette ville de Moravie, jadis rempart contre les raids des Magyars et des Turcs, avait imprimé sur sa face la marque d’une irrévocable hideur. Des années durant, rien ne m’avait attiré vers ma ville natale ; je me disais qu’elle m’était devenue indifférente, et cela me paraissait naturel : depuis quinze ans déjà je vis ailleurs, je n’ai plus ici que quelques connaissances, ou des copains (que je préfère du reste éviter), ma mère est enterrée dans une tombe étrangère dont je ne m’occupe pas. Mais je m’abusais : ce que j’appelais indifférence était en fait de la rancune ; les raisons m’en échappaient, car il m’était arrivé des choses bonnes ou mauvaises dans cette ville comme dans toutes les autres, en tout cas cette rancune était là ; j’en avais pris conscience à l’occasion de mon voyage : la tâche qui m’amenait ici, j’aurais pu, tout compte fait, l’accomplir aussi bien à Prague, mais j’avais été soudain irrésistiblement attiré par l’occasion offerte de l’exécuter dans ma ville natale justement parce qu’il s’agissait d’une tâche cynique et terre à terre qui, avec dérision, m’acquittait du soupçon de revenir ici sous l’effet d’un mièvre attendrissement sur le temps perdu. Une fois encore je parcourus d’un œil narquois la place disgracieuse avant de lui tourner le dos pour prendre la rue de l’hôtel où ma chambre était retenue pour la nuit. Le portier me tendit une clé à poire de bois en disant : « Deuxième étage. » La chambre n’était pas très engageante : un lit contre le mur, au milieu une petite table avec une seule chaise, à côté du lit une prétentieuse table de toilette en acajou avec miroir, près de la porte un lavabo écaillé absolument minuscule. Je posai ma serviette sur la table et j’ouvris la fenêtre : la vue donnait sur une cour et sur des maisons présentant à l’hôtel leur dos nu et sale. Je fermai la fenêtre, abaissai les rideaux et m’approchai du lavabo qui comportait deux robinets marqués l’un en rouge, l’autre en bleu ; je les essayai, l’eau en coulait également froide. J’examinai la table, laquelle, à la rigueur, suffirait, une bouteille et deux verres y trouvant fort bien place ; malheureusement, une seule personne pouvait s’y installer, faute d’une seconde chaise dans la pièce. Ayant poussé la table vers le lit, je tentai de m’asseoir sur celui-ci, seulement il était trop bas et la table trop haute
Virginia Woolf. « Les vagues. »
Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d’une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu’une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l’horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l’une l’autre en un rythme sans fin. Chaque vague se soulevait en s’approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d’écume blanche. La houle s’arrêtait, puis s’éloignait de nouveau, avec le soupir d’un dormeur dont le souffle va et vient sans qu’il en ait conscience. Peu à peu la barre noire de l’horizon s’éclaircit : on eût dit que de la lie s’était déposée au fond d’une vieille bouteille, laissant leur transparence aux vertes parois de verre. Tout au fond, le ciel lui aussi devint translucide comme si un blanc sédiment s’en était détaché, ou comme si le bras d’une femme couchée sous l’horizon avait soulevé une lampe : des bandes de blanc, de jaune, de vert s’allongèrent sur le ciel comme les branches plates d’un éventail. Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l’air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s’arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d’atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l’éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu’une seule coulée d’or. La lumière frappa tour à tour les arbres du jardin, et les feuilles devenues transparentes s’éclairèrent l’une après l’autre. Un oiseau gazouilla, très haut ; il y eut un silence ; plus bas, un autre oiseau reprit le même chant. Le soleil rendit aux murs leurs arêtes tranchantes, le bout de l’éventail du soleil s’appuya contre un store blanc ; le doigt du soleil marqua d’ombres bleues un bouquet de feuilles près d’une fenêtre de chambre à coucher. Le store frémit doucement, mais tout dans la maison restait vague et sans substance. Au-dehors, les oiseaux chantaient leurs mélodies vides.
Albert Camus “la Peste”
Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire. À première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.
La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ? Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.
Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre petite ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. Le soir, lorsqu’ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l’on joue gros jeu sur le hasard des cartes…
Roth, Philip. “La Tache”.
À l’été 1998, mon voisin, Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante et onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu’on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l’Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l’écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne. La première fois que Coleman avait vu cette femme, elle lessivait le parterre de la poste : il était arrivé tard, quelques minutes avant la fermeture, pour prendre son courrier. C’était une grande femme maigre et anguleuse, des cheveux blonds grisonnants tirés en queue-de-cheval, un visage à l’architecture sévère comme on en prête volontiers aux pionnières des rudes commencements de la Nouvelle-Angleterre, austères villageoises dures à la peine qui, sous la férule du pasteur, se laissaient docilement incarcérer dans la moralité régnante. Elle s’appelait Faunia Farley, et plaquait sur sa garce de vie l’un de ces masques osseux et inexpressifs qui ne cachent rien et révèlent une solitude immense. Faunia habitait une chambre dans une laiterie du coin, où…
James Hadley Chase. « Pas d’orchidées pour Miss Blandish. »
L’afffaire débuta un après-midi du mois de juillet, par une chaleur torride, sous un ciel implacablement bleu et de brûlantes rafales de vent et de poussière. Au carrefour de la route qui va de Fort Scott au Nevada et de la nationale 54, qui relie Pittsburg à Kansas City, se trouvent une gargote et un poste d’essence. La baraque en bois a pauvre apparence et ne possède qu’une seule pompe, exploitée par un veuf d’un certain âge et sa fille, une blonde bien en chair. Il était un peu plus d’une heure de l’après-midi lorsqu’une Packard poussiéreuse s’arrêta devant le restaurant. Il y avait deux hommes dans la voiture ; l’un d’eux dormait. Bailey, le conducteur, sortit de la voiture. C’était un homme court et trapu, au lourd visage brutal, aux yeux noirs, vifs et inquiets, et à la mâchoire striée d’une longue et pâle cicatrice. Son complet, poudreux et fripé, était usé jusqu’à la corde, et les poignets de sa chemise sale étaient effrangés. Bailey n’était pas dans son assiette. Il avait beaucoup bu la nuit précédente et la chaleur l’incommodait. Il s’arrêta un instant pour jeter un coup d’œil sur son compagnon endormi, le vieux Sam, puis, haussant les épaules, il pénétra dans le restaurant et laissa le vieux Sam ronfler dans la voiture. La blonde accoudée au comptoir lui sourit. Elle avait de grandes dents blanches qui le firent penser à des touches de piano. Elle était trop grosse pour son goût et il ne lui rendit pas son sourire. « Salut, fit la fille d’une voix enjouée. Bouh ! Quelle chaleur ! J’ai pas fermé l’œil de la nuit. — Scotch », commanda sèchement Bailey en repoussant son chapeau sur sa nuque et en essuyant son visage avec un mouchoir douteux. La fille posa sur le comptoir une bouteille de whisky et un verre. « Vous feriez mieux de prendre une bière, dit-elle en secouant ses boucles blondes. Le whisky, c’est pas bon par cette chaleur. — Mettez-y une sourdine », rétorqua Bailey.
Colette “Le pur et l’impur”
En haut d’une maison neuve, on m’ouvrit un atelier vaste comme une halle, pourvu d’une large galerie à mi-hauteur, tendu de ces broderies de Chine que la Chine exécute pour l’Occident, à grands motifs un peu bâclés, assez belles. Le reste n’était que piano à queue, secs petits matelas du Japon, phonographe et azalées en pots. Sans surprise, je serrai la main tendue d’un confrère journaliste et romancier, et j’échangeai des signes de tête avec des amphitryons étrangers qui me parurent, Dieu merci, aussi peu liants que moi-même. Bien préparée à l’ennui, je pris place sur mon petit matelas individuel, en déplorant que la fumée de l’opium, gaspillée, s’envolât lourdement jusqu’aux verrières. Elle s’y décidait à regret, et son noir, apéritif parfum de truffe fraîche, de cacao brûlé, me donna la patience, une faim vague, de l’optimisme. Je trouvai aimables la couleur sourde et rouge des lumières voilées, la blanche flamme en amande des lampes à opium, l’une toute proche de moi, les deux autres perdues comme des follets, au loin, dans une sorte d’alcôve ménagée sous la galerie à balustres. Une jeune tête se pencha au-dessus de cette balustrade, reçut le rayon rouge des lanternes suspendues, une manche blanche flotta et disparut avant que je pusse deviner si la tête, les cheveux dorés collés comme des cheveux de noyée, le bras vêtu de soie blanche appartenaient à une femme ou à un homme.
« Vous venez en curieuse ? » me demanda mon confrère.
Il gisait sur son petit matelas ; je m’avisai qu’il avait troqué son smoking contre un kimono brodé et une aisance d’intoxiqué ; je ne souhaitai que m’écarter de lui, comme je fais des Français, toujours inopportuns, que je rencontre au-delà des frontières.
« Non, répondis-je. Par devoir professionnel. »
Il sourit.
« Je le pensais bien… Un roman ? »
Et je le détestai davantage, pour ce qu’il me croyait incapable – moi qui l’étais en effet – de goûter ce luxe : un plaisir tranquille, un peu bas, un plaisir inspiré seulement par une certaine forme du snobisme, l’esprit de bravade, une curiosité plus affectée que réelle… Je n’avais apporté qu’un chagrin bien caché, qui ne me laissait point de repos, et une affreuse paix des sens.
Un des hôtes inconnus ressuscita de sa couche pour m’offrir de fumer l’opium, de priser la cocaïne, de boire un cocktail. À chaque refus il levait légèrement la main pour exprimer sa déception. Il finit par me tendre une boîte de cigarettes, sourit d’une bouche anglaise et suggéra :
« Ne puis-je vraiment vous être utile en rien ? »
Je remerciai, et il se garda d’insister
Je me souviens encore, après quinze ans et plus, qu’il était beau et semblait sain, sauf qu’il tenait ses yeux trop ouverts entre des paupières raidies, comme on voit aux êtres qui souffrent d’insomnies longues et invétérées.
Une jeune femme, ivre autant que j’en pus juger, s’aperçut de ma présence, et annonça de loin qu’elle prétendait me « regarder sous le nez ». Elle répéta plusieurs fois : « Mais parfaitement, sous le nez, que j’irai la regarder. » Je ne vois pas d’autre incident gai à rapporter. Des fumeurs sérieux, indistincts dans l’ombre rougeâtre, la firent taire. Je crois que l’un d’eux lui donna des boulettes d’opium à mâcher. Elle s’en acquitta consciencieusement avec un petit bruit d’animal qui tète.
Je ne m’ennuyais point, car l’opium, que je ne fume pas, embaumait ce lieu banal. Deux jeunes gens, en se tenant par le cou, éveillèrent l’attention de mon confrère le journaliste, mais ils se contentèrent de parler bas et vite. L’un d’eux reniflait chroniquement et s’essuyait les yeux de sa manche. Le rouge obscur qui nous baignait eût pu engourdir les meilleures volontés. J’étais dans une fumerie et non dans une de ces assemblées où le spectateur puise généralement une assez durable répugnance de ce qu’il voit et de sa propre complaisance. Je m’en réjouis, et je commençai à espérer que nulle danseuse, nul danseur nus ne troubleraient la veillée, qu’aucun danger d’Américains, frétés d’alcool, ne nous menaçait et que le Columbia lui-même se tairait… Au même instant, une voix féminine, cotonneuse, rêche et douce comme sont les pêches dures à gros velours, se mit à chanter, et nous fut à tous si agréable que nous nous gardâmes bien d’applaudir, même par un murmure.
Italo Calvino. “Le baron perché”
C’est le 15 juin 1767 que Côme Laverse du Rondeau, mon frère, s’assit au milieu de nous pour la dernière fois. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous étions dans la salle à manger de notre villa d’Ombreuse ; les fenêtres encadraient les branches touffues de la grande yeuse du parc. Il était midi ; c’est à cette heure-là que notre famille, obéissant à une vieille tradition, se mettait à table ; le déjeuner au milieu de l’après-midi, mode venue de la nonchalante Cour de France et adoptée par toute la noblesse, n’était pas en usage chez nous. Je me rappelle que le vent soufflait, qu’il venait de la mer et que les feuilles bougeaient. — J’ai déjà dit que je n’en voulais pas et je répète que je n’en veux pas, fit Côme en écartant le plat d’escargots. On n’avait jamais vu désobéissance plus grave. Le baron Arminius Laverse du Rondeau, notre père, coiffé d’une perruque Louis XIV descendant jusqu’aux oreilles et démodée comme tout ce qui lui appartenait, siégeait à la place d’honneur. Entre mon frère et moi était assis l’abbé Fauchelafleur, chapelain de notre famille, notre précepteur. En face de nous, la générale Konradine du Rondeau, notre mère, et notre sœur Baptiste, la nonne de la maison. Au bas de la table, en costume turc, l’avocat Æneas-Sylvius Carrega, hydraulicien, régisseur de notre propriété et notre oncle naturel. Côme était âgé de douze ans et moi de huit. Depuis quelques mois seulement, nous avions été admis à la table de nos parents ; j’avais bénéficié avant l’âge de la promotion de mon frère : on n’avait pas voulu me laisser manger tout seul… Bénéficié, c’est une façon de parler. Pour Côme et pour moi, c’en était fini du bon temps et nous regrettions nos petits repas dans un réduit en compagnie du seul Fauchelafleur. L’Abbé était un petit vieillard sec et ridé ; on le disait janséniste ; de fait, il avait fui le Dauphiné, sa province natale, pour éviter un procès de l’Inquisition. Mais ce caractère rigoureux qu’on louait généralement chez lui, cette sévérité intérieure qu’il s’imposait et imposait aux autres mollissaient à chaque instant : l’Abbé avait une vocation foncière pour l’indifférence et le laisser-aller. Selon toute apparence, ses longues méditations les yeux dans le vide n’avaient abouti qu’à une grande aboulie et à un peu d’ennui. Il agissait comme s’il voyait dans la plus légère difficulté le signe d’une fatalité à laquelle il serait inutile de s’opposer. Nos repas en compagnie de l’Abbé ne commençaient qu’après de longues oraisons, et les évolutions de nos cuillers se devaient d’être dignes, rituelles, silencieuses : malheur à celui qui levait les yeux de son assiette ou faisait entendre, en absorbant son bouillon, la plus faible aspiration. Mais le potage fini, l’Abbé commençait à se sentir las, contrarié : il regardait dans le vide et faisait claquer sa langue à chaque gorgée de vin ; seules, les sensations les plus éphémères semblaient encore le toucher. Au plat de résistance, nous pouvions manger avec les mains ; et à la fin du repas, nous nous lancions des trognons de poires, tandis que l’Abbé laissait choir de temps à autre un de ses nonchalants : — Eh bien ? Alors !
Michel del Castillo. “La Nuit du Décret”
La veille, j’avais appris que j’étais affecté à la brigade criminelle de Huesca. Je m’en étais réjoui en toute innocence, croyant à une promotion. Fatigué de Murcie et de son climat déprimant, la perspective d’un changement d’air me souriait aussi. Je traversais le hall de l’hôtel de la police en direction de l’ascenseur quand Baza vint vers moi, un étrange sourire aux lèvres. « J’ai entendu dire que tu allais chez Pared, à Huesca. C’est vrai ? » Sur ma réponse affirmative, son visage cendreux, bizarrement plissé, prit une expression désolée. Avec quelque solennité, il posa sa main sur mon épaule. Le geste me surprit. J’eus du mal à réprimer un mouvement de recul. Baza travaillait aux mœurs. Nous n’étions guère intimes, n’échangeant de-ci de-là que de rares propos. Dans la Maison, il jouissait du reste d’une réputation suspecte, qui ne me le rendait pas sympathique. Des bruits fâcheux circulaient sur son compte, et plusieurs de mes collègues l’évitaient ostensiblement. On murmurait qu’il avait été muté à Murcie après une trouble affaire de détournement de mineur. Voulant étouffer le scandale, l’Inspection générale l’aurait expédié à Murcie en attendant sa retraite, qu’il devait prendre dans deux ans. Je n’avais pas attaché d’importance à ces bruits. Simplement, j’évitais de me lier avec lui, me contentant de répondre à ses salutations et d’échanger, au hasard de nos rencontres, des propos sans importance. C’était un petit homme replet, d’une apparence négligée et même sale. Il portait des costumes élimés et froissés, et ses cheveux, d’un jaune tirant sur le roux, étaient recouverts de pellicules qui se déposaient en une couche de poussière blanchâtre sur ses épaules. Deux énormes poches enfouissaient ses yeux. Plus que d’un policier, il avait l’air d’un représentant de commerce en produits hygiéniques. « T’as vraiment pas de chance, fit-il de sa voix grasseyante. Je connais Pared. C’est un coriace. » Je faillis lui demander ce qu’il entendait par là. Je me contentai cependant de sourire en secouant la tête. « Bon, dit-il en touchant mon bras. Passe à la maison avant ton départ. Nous boirons un verre et je te raconterai. » Je répondis « Oui, volontiers », sans la moindre intention de me rendre à son invitation. Perplexe, je le regardai s’éloigner vers l’ascenseur B, à l’autre extrémité du hall. Ses propos m’avaient laissé une vague gêne. Je me sentais sale également, comme si le contact de sa petite main molle et potelée sur mon épaule et sur mon bras y avait laissé je ne sais quelle souillure. Je revoyais ses ongles noirs et ses doigts jaunis de nicotine.
Albert Cohen. « Mangeclous. »
Le premier matin d’avril lançait ses souffles fleuris sur l’île grecque de Céphalonie. Des linges jaunes, blancs, verts, rouges, dansaient sur les ficelles tendues d’une maison à l’autre dans l’étroite ruelle d’Or, parfumée de chèvrefeuille et de brise marine. Sur le petit balcon filigrane d’une petite maison jaune et rouge, Salomon Solal, cireur de souliers en toutes saisons, vendeur d’eau d’abricot en été et de beignets chauds en hiver, apprenait à nager. Cet Israélite dodu et minuscule – il mesurait un mètre quarante-cinq – en avait assez d’être, pour son ignorance absolue de la natation, l’objet des moqueries de ses amis. Après avoir combiné d’acheter un scaphandre, il avait pensé qu’il serait plus rationnel et plus économique de faire de la natation à domicile et à sec. Debout devant une table, le petit bonhomme au nez retroussé et à la ronde face imberbe, constellée de taches de rousseur, était donc en train de tremper ses menottes grassouillettes dans une cuvette, dont il avait préalablement salé l’eau, et de leur faire faire expertement des mouvements de brasse. Il était mignon avec son ventre rondelet, sa courte veste jaune, ses culottes rouges bouffantes, ses mollets nus et ses quarante ans ingénus. — Une, deux ! Une, deux ! scandait-il énergiquement tandis que l’eczémateuse vieille d’en face, après force guets tragiques à droite et à gauche, lançait dans la rue le contenu d’un haut pot de chambre puis des imprécations contre le petit inconsidéré qui faisait de la gymnastique comme les marins anglais au lieu de gagner sa vie. De temps à autre, Salomon se reposait, reprenait son souffle et écartait ses bras, le dos au mur, ce qu’il appelait faire la planche. Insoucieux des sarcasmes de la vieille, il mettait à profit ces répits pour admirer sa chère rue dallée de pierres rondes, la mer lisse où tombaient des sources transparentes, la Montée des Jasmins qui menait à la grande forêt argentée d’oliviers, les cyprès qui montaient la garde autour de la citadelle des anciens podestats vénitiens et, sur la colline, le Dôme des Solal Aînés, princière demeure qui dominait la mer et veillait sur le grand ghetto de hautes maisons dartreuses que des chaînes séparaient de la douane et du port où se promenaient des Grecs rapiécés, des Albanais lents et des prêtres lustrés de crasse. Le ciel de fine porcelaine turquoise lui parut si beau et de si pures clartés souriaient qu’il mordit sa petite lèvre pour ne pas pleurer. — L’avril de Céphalonie, énonça le solitaire nageur, est plus beau et plus doux que le juillet de Berlin ! Sûrement. Mais pourquoi diable mettent-ils tous leurs capitales en des endroits de froidure et de tristesse et pourquoi les posent-ils tous sur des fleuves noirs ? Il me semble qu’ils ont tort. Enfin ils savent mieux que moi. Ceci dit, il se mit en devoir de balayer sa chambre tout en essayant de siffloter. Puis il frotta et lava en chantant les malheurs d’Israël que c’était un plaisir. Il était très content à l’idée que sa chère épouse n’aurait pas à se fatiguer. (La dame des pensées de Salomon était une longue créature armée d’une dent unique mais qui en valait trente-deux. Elle ruinait son mari en spécialités pharmaceutiques. Et voilà pour elle.)
Ernest Hemingway. « Pour Qui Sonne Le Glas. »
Il était étendu à plat ventre sur les aiguilles de pin, le menton sur ses bras croisés et, très haut au-dessus de sa tête, le vent soufflait dans la cime des arbres. Le flanc de la montagne sur lequel il reposait s’inclinait doucement mais, plus bas, la pente se précipitait, et il apercevait la courbe noire de la route goudronnée qui traversait le col. Un torrent longeait la route et, beaucoup plus bas, en suivant le col, on apercevait une scierie au bord du torrent et la cascade du barrage, blanche dans la lumière de l’été. « C’est la scierie ? demanda-t-il. – Oui. – Je ne me la rappelais pas. – On l’a construite depuis ton départ. L’ancienne scierie est plus bas que le col. » Il étala par terre sa reproduction photographique de la carte d’état-major et l’examina attentivement. L’autre, un vieil homme petit et robuste, en blouse noire de paysan et pantalon de toile grise, chaussé d’espadrilles, regardait pardessus l’épaule de son compagnon. Il était essoufflé par l’escalade et sa main reposait sur l’un des deux sacs très pesants qu’ils avaient montés jusque-là. « Alors, d’ici, on ne voit pas le pont ? – Non, dit le vieux. Ici, la pente du col est encore modérée. Le torrent coule doucement. Plus bas, au tournant de la route, derrière les arbres, il dégringole tout d’un coup et il y a une gorge escarpée… – Je me rappelle. – C’est cette gorge qui franchit le pont. – Et où sont leurs postes ?£ « – Il y a un poste à la scierie que tu vois là-bas. » Le jeune homme qui étudiait le terrain sortit ses jumelles de la poche de sa chemise de flanelle kaki toute décolorée par le soleil, essuya les verres avec un mouchoir, les ajusta jusqu’à ce que la scierie lui apparût soudain clairement. Il distingua le banc de … »
John Steinbeck. « Les raisins de la colère. »
Sur les terres rouges et sur une partie des terres grises de l’Oklahoma, les dernières pluies tombèrent doucement et n’entamèrent point la terre crevassée. Les charrues croisèrent et recroisèrent les empreintes des ruisselets. Les dernières pluies firent lever le maïs très vite et répandirent l’herbe et une variété de plantes folles le long des routes, si bien que les terres grises et les sombres terres rouges disparurent peu à peu sous un manteau vert. À la fin de mai, le ciel pâlit et les nuages dont les flocons avaient flotté très haut pendant si longtemps au printemps se dissipèrent. Jour après jour le soleil embrasa le maïs naissant jusqu’à ce qu’un liséré brun s’allongeât sur chaque baïonnette verte. Les nuages apparaissaient puis s’éloignaient. Bientôt ils n’essayèrent même plus. Les herbes, pour se protéger, s’habillèrent d’un vert plus foncé et cessèrent de se propager. La surface de la terre durcit, se recouvrit d’une croûte mince et dure et de même que le ciel avait pâli, de même la terre prit une teinte rose dans la région rouge, et blanche dans la grise.
Dans les ornières creusées par l’eau, la terre s’éboulait en poussière et coulait en petits ruisseaux secs. Mulots et fourmis-lions déclenchaient de minuscules avalanches. Et comme le soleil ardent frappait sans relâche, les feuilles du jeune maïs perdirent de leur rigidité de flèches ; elles commencèrent par s’incurver puis, comme les nervures centrales fléchissaient, chaque feuille retomba toute flasque. Puis ce fut juin et le soleil brilla plus férocement. Sur les feuilles de maïs le liséré brun s’élargit et gagna les nervures centrales. Les herbes folles se déchiquetèrent et se recroquevillèrent vers leurs racines. L’air était léger et le ciel plus pâle ; et chaque jour, la terre pâlissait aussi.
Sur les routes où passaient les attelages, où les roues usaient le sol battu par les sabots des chevaux, la croûte se brisait et la terre devenait poudreuse. Tout ce qui bougeait sur la route soulevait de la poussière : un piéton en soulevait une mince couche à la hauteur de sa taille, une charrette faisait voler la poussière à la hauteur des haies, une automobile en tirait de grosses volutes après elle. Et la poussière était longue à se recoucher.
À la mi-juin les gros nuages montèrent du Texas et du Golfe, de gros nuages lourds, des pointes d’orage. Dans les champs, les hommes regardèrent les nuages, les reniflèrent, et mouillèrent leur doigt pour prendre la direction du vent. Et tant que les nuages furent dans le ciel les chevaux se montrèrent nerveux. Les pointes d’orage laissèrent tomber quelques gouttelettes et se hâtèrent de fuir vers d’autres régions. Derrière elles, le ciel redevenait pâle et le soleil torride. Dans la poussière, les gouttes formèrent de petits cratères ; il resta des traces nettes de taches sur le maïs, et ce fut tout.
Une brise légère suivit les nuages d’orage, les poussant vers le nord, une brise qui fit doucement bruire le maïs en train de sécher. Un jour passa et le vent augmenta, continu, sans que nulle rafale vînt l’abattre. La poussière des routes s’éleva, s’étendit, retomba sur les herbes au bord des champs et un peu dans les champs. C’est alors que le vent se fit dur et violent et qu’il attaqua la croûte formée par la pluie dans les champs de maïs. Peu à peu le ciel s’assombrit derrière le mélange de poussières et le vent frôla la terre, fit lever la poussière et l’emporta. Le vent augmenta. La croûte se brisa et la poussière monta au-dessus des champs, traçant dans l’air des plumets gris semblables à des fumées paresseuses. Le maïs brassait le vent avec un froissement sec. Maintenant, la poussière la plus fine ne se déposait plus sur la terre, mais disparaissait dans le ciel assombri.
Michel Déon. « Les Poneys sauvages
J’ai rencontré Georges Saval dans le train qui nous conduisait de Londres à Cambridge, l’automne 1937. Nous nous connaissions de vue sans nous être jamais parlé : même âge à Janson-de-Sailly, mais des classes différentes. Je me souviens d’un garçon assez lymphatique qui jouait mal au football et nageait bien. Vers seize ans, après des vacances en Angleterre, il revint transformé, étoffé, ayant perdu ses joues rondes d’adolescent et gagné des muscles. Il boxait déjà et le prévôt le considérait comme un de ses espoirs pour les championnats universitaires. C’est tout ce que je savais de lui et il ne devait pas en savoir beaucoup plus de moi. Le hasard nous réunissait cet automne-là et, après nous être évités sur le bateau, nous nous parlâmes dans le vieux compartiment tendu d’un hideux velours rouge. Deux Anglais caricaturaux étaient montés avec nous, aimables d’abord, puis silencieux et l’air buté quand ils comprirent que nous étions français. Saval me plut. On devinait vite en lui une franchise désabusée qui le faisait paraître plus mûr que son âge. À part une légère fente de l’arcade gauche — un trait blanc que recouvrait imparfaitement le sourcil noir et arqué —, la boxe ne l’avait pas marqué. Ce fut notre premier sujet de conversation. Il m’avoua tout de suite détester les coups. Il aimait la rigueur de l’entraînement, les esquives, les feintes, une certaine façon de jauger un adversaire et de le contrer. En fait, c’était un garçon dépourvu de toute agressivité au physique comme au moral, calme, intelligent et, bien plus encore, humain, respectable et respectueux, un de ces êtres dont on se dit : « Où est le défaut ? Les apparences sont trop en sa faveur. Il y a quelque chose qui n’apparaîtra jamais s’il montre assez de volonté, mais quelque chose est là ! » Nous parlâmes de sport pendant ce trajet gris, sujet qui n’engageait à rien et maintint une certaine réserve entre nous, prélude à l’amitié ….
Alphonse Daudet. « Sapho. »
Jean tout court? – Jean Gaussin. – Du Midi, j’entends ça… Quel âge? – Vingt et un ans. – Artiste? – Non, madame. – Ah! tant mieux… Ces bouts de phrases, presque inintelligibles au milieu des cris, des rires, des airs de danse d’une fête travestie, s’échangeaient – une nuit de juin — entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de palmiers, de fougères arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de Déchelette. Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferarorépondait avec l’ingénuité de son âge tendre, l’abandon, le soulagement d’un Méridional resté longtemps sans parler. Étranger à tout ce monde de peintres, de sculpteurs, perdu dès en entrant dans le bal par l’ami qui l’avait amené, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie figure de blond hâlé et doré par le soleil, les cheveux en frisons serrés et courts comme la peau de mouton de son costume; et un succès, dont il ne se doutait guère, se levait et chuchotait autour de lui. Des épaules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa défroque de montagne, lourde et gênante dans cette nuit d’été. Une Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son chignon remonté, fredonnait en l’agaçant: Ah! qu’il est beau, qu’il est beau, le postillon…[1]; tandis qu’une novio espagnole en blanches dentelles de soie, passant au bras d’un chef apache, lui fourrait violemment sous le nez son bouquet de jasmins blancs. Il ne comprenait rien à ces avances, se croyait extrêmement ridicule et se réfugiait dans l’ombre fraîche de la galerie vitrée, bordée d’un large divan sous les verdures. Tout de suite cette femme était venue s’asseoir près de lui. Jeune, belle? Il n’aurait su le dire… Du long fourreau de lainage bleu où sa taille pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds et fins, nus jusqu’à l’épaule; et ses petites mains chargées de bagues, ses yeux gris larges ouverts et grandis par les bizarres ornements de fer lui tombant du front, composaient un ensemble harmonieux. Une actrice sans doute. Il en venait beaucoup chez Déchelette; et cette pensée n’était pas pour le mettre à l’aise, ce genre de personnes lui faisant très peur. Elle lui parlait de tout près, un coude au genou, la tête appuyée sur la main, avec une douceur grave, un peu lasse… «Du Midi vraiment?… Et des cheveux de ce blond-là!… Voilà une chose extraordinaire.» Et elle voulait savoir depuis combien de temps il habitait Paris, si c’était très difficile cet examen pour les consulats qu’il préparait, s’il connaissait beaucoup de monde et comment il se trouvait à la soirée de Déchelette, rue de Rome, si loin de son quartier Latin. Quand il dit le nom de l’étudiant qui l’avait amené… «La Gournerie… un parent de l’écrivain… elle connaissait sans doute…» l’expression de ce visage de femme changea, s’assombrit subitement; mais il n’y prit pas garde, ayant l’âge où les yeux brillent sans rien voir.
Gustave Flaubert. « Madame Bovary. »
Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études : – Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge. Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un. pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous. On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs. Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre. Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait. – Levez-vous, dit le professeur. Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois. – Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit. « Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait s’il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux. »
Doris Lessing. Le Carnet d’or.
Londres. Été 1957. Anna retrouve son amie Molly après une séparation…
Les deux femmes étaient seules dans l’appartement. « En fait, ça craque par tous les bouts », dit Anna tandis que Molly reposait le récepteur. Molly passait sa vie au téléphone. Avant qu’il ne sonne, cette fois, elle avait juste eu le temps de demander à Anna : « Alors ? Quels sont les derniers cancans ? » Et elle annonça en revenant du téléphone : « C’est Richard. Il arrive. Son seul instant libre d’ici un mois, du moins il le prétend. — De toute façon je ne m’en irai pas, dit Anna. — Surtout pas, reste où tu es. » Molly s’examina d’un œil critique : elle portait un pantalon et un pull-over aussi défraîchis l’un que l’autre. « Il n’aura qu’à me prendre comme je suis, décréta-t-elle en s’asseyant devant la fenêtre. Il n’a pas voulu me dire de quoi il s’agissait ; encore une scène avec Marion, j’imagine. — Il ne t’a pas écrit ? demanda Anna avec circonspection. — Si, et Marion aussi. Des lettres parfaitement détendues. C’est curieux, non ? » Ce « C’est curieux, non ? » était caractéristique de leurs conversations intimes qu’elles appelaient d’ailleurs leurs commérages. Molly avait marqué le coup, mais elle éluda …
Joseph Conrad. « Lord Jim »
Il avait six pieds, moins un ou deux pouces, peut-être ; solidement bâti, il s’avançait droit sur vous, les épaules légèrement voûtées et la tête en avant, avec un regard fixe venu d’en dessous, comme un taureau qui va charger. Sa voix était profonde et forte, et son attitude trahissait une sorte de hauteur morose, qui n’avait pourtant rien d’agressif. On aurait dit d’une réserve qu’il s’imposait à lui-même autant qu’il l’opposait aux autres. D’une impeccable netteté, et toujours vêtu, des souliers au chapeau, de blanc immaculé, il était très populaire dans les divers ports d’Orient, où il exerçait son métier de commis maritime chez les fournisseurs de navires. On n’exige du commis maritime aucune espèce d’examen, en aucune matière, mais il doit posséder la théorie du Débrouillage, et savoir, mieux encore, en donner la démonstration pratique. Sa besogne consiste à distancer, à force de voiles, de vapeur ou de rames, les autres commis maritimes lancés comme lui sur tout navire prêt à mouiller son ancre, à aborder jovialement le capitaine en lui fourrant une carte dans la main – la carte réclame du fournisseur, – puis, dès sa première visite à terre, à le piloter avec fermeté, mais sans ostentation, vers une boutique, vaste comme une caverne et pleine de choses bonnes à manger et à boire sur un bateau ; on y vend tout ce qui peut assurer à un navire sécurité et élégance, depuis un jeu de crochets pour son câble, jusqu’à un carnet de feuilles d’or pour les sculptures de son arrière, et le capitaine se voit accueilli comme un frère par un négociant qu’il n’avait jamais rencontré. Il trouve, dans une salle fraîche, de bons fauteuils, des bouteilles, des cigares, et tout ce qu’il faut pour écrire ; un exemplaire des règlements du port, et une cordialité qui fait fondre le sel déposé, par trois mois de navigation, sur un cœur de marin. Ainsi nouées, les relations sont entretenues, tant que le navire reste au port, par les visites quotidiennes du commis maritime. Fidèle comme un ami et plein d’attentions filiales pour le capitaine, il fait montre, à son endroit, d’une patience de Job, de l’entier dévouement qu’on attendrait d’une femme, et d’une gaieté de bon vivant. Après quoi l’on envoie la note. C’est un beau métier, tout fait de cordialité avertie, et les bons commis maritimes sont rares. Quand un commis, qui possède la théorie du Débrouillage, se trouve aussi pourvu d’une éducation de marin, il vaut son pesant d’or pour le patron, et peut en attendre toutes les faveurs. Jim gagnait toujours de beaux gages et les faveurs qu’il se voyait octroyer eussent assuré la fidélité d’un démon, ce qui ne l’empêchait pas, avec une noire ingratitude, de planter là brusquement son emploi pour s’en aller ailleurs. Les raisons qu’il donnait à ses chefs étaient manifestement insuffisantes, et provoquaient de leur part cette simple réflexion : « Maudit imbécile ! » dès qu’il avait tourné le dos. Telle était la critique qu’éveillait son excessive sensibilité.
J.-L. Borges. « Le Rapport de Brodie. »
On dit (mais c’est peu probable) que cette histoire fut racontée par Eduardo, le cadet des Nelson, à la veillée funèbre de Cristián, l’aîné, qui mourut de mort naturelle, vers les années 1890, dans la commune de Morón. Ce qui est certain c’est que quelqu’un l’entendit raconter par quelqu’un, au cours de cette longue nuit dont le souvenir s’estompe, tandis que circulait le maté, et que ce quelqu’un la répéta à Santiago Dabove, de qui je la tiens. Quelques années plus tard, on me la raconta de nouveau à Turdera, l’endroit même où elle s’était passée. La deuxième version, un peu plus circonstanciée, confirmait en gros celle de Santiago, avec les petites variantes et les contradictions inévitables en pareil cas. Je la transcris aujourd’hui parce qu’elle nous donne, me semble-t-il, un bref et tragique reflet de ce qu’était autrefois, dans nos campagnes, la mentalité des gens du peuple. J’essaierai d’être aussi fidèle que possible, mais je sens déjà que je céderai à la tentation littéraire d’amplifier ou d’ajouter certains détails. À Turdera, on les appelait les Nilsen. Le curé me dit que son prédécesseur se souvenait d’avoir vu, non sans étonnement, chez ces gens une vieille Bible en écriture gothique, à reliure noire ; dans les dernières pages il avait vu, inscrits à la main, des noms et des dates. C’était le seul livre qu’il y eût dans la maison. La destinée itinérante des Nilsen, perdue là comme tout se perdra. La bâtisse, qui n’existe plus, était en brique sans crépi ; du portail, on voyait …
Romain Gary. «”Les cerfs-volants”
Le petit musée consacré aux œuvres d’Ambroise Fleury, à Cléry, n’est plus aujourd’hui qu’une attraction touristique mineure. La plupart des visiteurs s’y rendent après un déjeuner au Clos Joli, que tous les guides de France sont unanimes à célébrer comme un des hauts lieux du pays. Les guides signalent cependant l’existence du musée, avec la mention « vaut un détour ». On trouve dans ses cinq salles la plupart des œuvres de mon oncle qui ont survécu à la guerre, à l’occupation, aux combats de la Libération et à toutes les vicissitudes et lassitudes que notre peuple a connues. Quel que soit leur pays d’origine, tous les cerfs-volants sont nés de l’imagerie populaire, ce qui leur donne toujours un côté un peu naïf. Ceux d’Ambroise Fleury ne font pas exception à la règle ; même ses dernières pièces, faites dans sa vieillesse, ont gardé cette marque de fraîcheur d’âme et d’innocence. Malgré le peu d’intérêt qu’il suscite, et la modestie de la subvention qu’il reçoit de la municipalité, le musée ne risque pas de fermer ses portes, il est trop lié à notre histoire, mais la plupart du temps ses salles sont vides, car nous vivons une époque où les Français cherchent plutôt à oublier qu’à se souvenir. La meilleure photo d’Ambroise Fleury se trouve à l’entrée du musée. On le voit dans sa tenue de facteur rural, avec son képi, son uniforme, et ses gros godillots, sa sacoche de cuir sur le ventre, entre le cerf-volant d’une bête à bon Dieu et celui de Gambetta, dont le visage et le corps forment le ballon et la nacelle de son fameux envol pendant le siège de Paris. Il existe bien d’autres photos de celui qu’on avait surnommé pendant longtemps « le facteur timbré » de Cléry, car la plupart des visiteurs de son atelier de la Motte prenaient un cliché, histoire de rire. Mon oncle s’y prêtait volontiers. Il ne craignait pas le ridicule et ne se plaignait ni de l’épithète de « facteur timbré », ni de celle de « doux original », et s’il savait que les gens du pays l’appelaient ce « vieux fou de Fleury », il paraissait y voir beaucoup plus une marque d’estime que de mépris. Dans les années trente, lorsque la réputation de mon oncle commença à grandir, le patron du Clos Joli, Marcellin Duprat, eut l’idée de faire imprimer des cartes postales qui représentaient mon tuteur en uniforme parmi ses cerfs-volants, avec les mots : Cléry. Le célèbre facteur rural Ambroise Fleury et ses cerfs-volants. Ces cartes sont malheureusement toutes en noir et blanc et on n’y retrouve pas la gaieté des couleurs et des formes, la bonhomie souriante et ce que j’appellerais les clins d’œil que le vieux Normand lançait dans le ciel. Mon père avait été tué au cours de la Première Guerre mondiale et ma mère mourut peu après. La guerre coûta également la vie au deuxième des trois frères Fleury, Robert ; mon oncle Ambroise lui-même en revint après qu’une balle lui eut traversé la poitrine. Je dois ajouter, pour la clarté de l’histoire, que mon arrière-grand-père, Antoine, avait péri sur les barricades de la Commune, et je crois que ce petit aperçu de notre passé et surtout les deux noms des Fleury gravés sur les monuments aux morts de Cléry ont joué un rôle décisif dans la vie de mon tuteur. Il était devenu très différent de l’homme qu’il avait été avant 14-18 et dont on disait dans le pays qu’il avait le coup de poing facile. On s’étonnait qu’un combattant qui avait reçu la médaille militaire ne manquât jamais l’occasion de manifester ses opinions pacifistes, défendît les objecteurs de conscience et condamnât toutes les formes de violence, avec, dans le regard, cette flamme qui n’était peut-être, en fin de compte, que le reflet de celle qui brûle sur le tombeau du soldat inconnu. Physiquement, il n’avait rien d’un doux.
Dostoievsvki. « Les Frères Karamazov. »
Fiodor Pavlovitch Karamazov
Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlovitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée. J’en parlerai plus loin et me bornerai pour l’instant à dire quelques mots de ce « propriétaire » , comme on l’appelait, bien qu’il n’eût presque jamais habité sa « propriété » . Fiodor Pavlovitch était un de ces individus corrompus en même temps qu’ineptes – type étrange mais assez fréquent – qui s’entendent uniquement à soigner leurs intérêts. Ce petit hobereau débuta avec presque rien et s’acquit promptement la réputation de pique-assiette : mais à sa mort il possédait quelque cent mille roubles d’argent liquide. Cela ne l’empêcha pas d’être, sa vie durant, un des pires extravagants de notre district. Je dis extravagant et non point imbécile, car les gens de cette sorte sont pour la plupart intelligents et rusés : il s’agit là d’une ineptie spécifique, nationale. Il fut marié deux fois et eut trois fils ; l’aîné, Dmitri, du premier lit, et les deux autres, Ivan et Alexéi[11], du second. Sa première femme appartenait à une famille noble, les Mioussov, propriétaires assez riches du même district. Comment une jeune fille bien dotée, jolie, de plus vive, éveillée, spirituelle, telle qu’on en trouve beaucoup parmi nos contemporaines, avait-elle pu épouser pareil « écervelé » , comme on appelait ce triste personnage ? Je crois inutile de l’expliquer trop longuement. J’ai connu une jeune personne, de l’avant-dernière génération « romantique » , qui, après plusieurs années d’un amour mystérieux pour un monsieur qu’elle pouvait épouser en tout repos, finit par se forger des obstacles insurmontables à cette union. Par une nuit d’orage, elle se précipita du haut d’une falaise dans une rivière rapide et profonde, et périt victime de son imagination, uniquement pour ressembler à l’Ophélie de Shakespeare. Si cette falaise, qu’elle affectionnait particulièrement, eût été moins pittoresque ou remplacée par une rive plate et prosaïque, elle ne se serait sans doute point suicidée. Le fait est authentique, et je crois que les deux ou trois dernières générations russes ont connu bien des cas analogues. Pareillement, la décision que prit Adélaïde Mioussov fut sans doute l’écho d’influences étrangères, l’exaspération d’une âme captive. Elle voulait peut-être affirmer son indépendance, protester contre les conventions sociales, contre le despotisme de sa famille. Son imagination complaisante lui dépeignit – pour un court moment – Fiodor Pavlovitch, malgré sa réputation de pique-assiette, comme un des personnages les plus hardis et les plus malicieux de cette époque en voie d’amélioration, alors qu’il était, en tout et pour tout, un méchant bouffon. Le piquant de l’aventure fut un enlèvement qui ravit Adélaïde Ivanovna. La situation de Fiodor Pavlovitch le disposait alors à de semblables coups de main : brûlant de faire son chemin à tout prix, il trouva fort plaisant de s’insinuer dans une honnête famille et d’empocher une jolie dot. Quant à l’amour, il n’en était question ni d’un côté ni de l’autre, malgré la beauté de la jeune fille.
Patrick Modiano. « Les boulevards de ceinture. »
Le plus gros des trois, c’est mon père, lui pourtant si svelte à l’époque. Murraille est penché vers lui comme pour lui dire quelque chose à voix basse. Marcheret, debout à l’arrière-plan, esquisse un sourire, le torse légèrement bombé, les mains aux revers du veston. On ne saurait préciser la teinte de leurs habits ni de leurs cheveux. Il semble que Marcheret porte un prince-de-galles de coupe très ample et qu’il soit plutôt blond. À noter le regard vif de Murraille et celui, inquiet, de mon père. Murraille paraît grand et mince mais le bas de son visage est empâté. Tout, chez mon père, exprime l’affaissement. Sauf les yeux, presque exorbités. Boiseries et cheminée de brique : c’est le bar du Clos-Foucré. Murraille tient un verre à la main. Mon père aussi. N’oublions pas la cigarette qui pend des lèvres de Murraille. Mon père a disposé la sienne entre l’annulaire et l’auriculaire. Préciosité lasse. Au fond de la pièce, de trois quarts, une silhouette féminine : Maud Gallas, la gérante du Clos-Foucré. Les fauteuils qu’occupent Murraille et mon père sont de cuir, certainement. Il y a un vague reflet sur le dossier, juste au-dessous de l’endroit où s’écrase la main gauche de Murraille. Son bras contourne ainsi la nuque de mon père dans un geste qui pourrait être de vaste protection. Insolente, à son poignet, une montre au cadran carré. Marcheret, de par sa position et sa stature athlétique, cache à moitié Maud Gallas et les rangées d’apéritifs. On distingue – et sans qu’il soit pour cela besoin de trop d’efforts – sur le mur, derrière le bar, une éphéméride.
Pierre Loti. « Les Désenchantées. »
André Lhéry, romancier connu, dépouillait avec lassitude son courrier, un pâle matin de printemps, au bord de la mer de Biscaye, dans la maisonnette où sa dernière fantaisie le tenait à peu près fixé depuis le précédent hiver. « Beaucoup de lettres, ce matin-là, soupirait-il, trop de lettres. » Il est vrai, les jours où le facteur lui en donnait moins, il n’était pas content non plus, se croyant tout à coup isolé dans la vie. Lettres de femmes, pour la plupart, les unes signées, les autres non, apportant à l’écrivain l’encens des gentilles adorations intellectuelles. Presque toutes commençaient ainsi : « Vous allez être bien étonné, monsieur, en voyant l’écriture d’une femme que vous ne connaissez point. » André souriait de ce début : étonné, ah ! non, depuis longtemps il avait cessé de l’être. Ensuite chaque nouvelle correspondance, qui se croyait généralement la seule au monde assez audacieuse pour une telle démarche, ne manquait jamais de dire : « Mon âme est une petite sœur de la vôtre ; personne, je puis vous le certifier, ne vous a jamais compris comme moi. » Ici, André ne souriait pas, malgré le manque d’imprévu d’une pareille affirmation ; il était touché, au contraire. Et, du reste, la conscience qu’il prenait de son empire sur tant de créatures, éparses et à jamais lointaines, la conscience de sa part de responsabilité dans leur évolution, le rendait souvent songeur. Et puis, il y en avait, parmi ces lettres, de si spontanées, si confiantes, véritables cris d’appel, lancés comme vers un grand frère qui ne peut manquer d’entendre et de compatir ! Celles-là, André Lhéry les mettait de côté, après avoir jeté au panier les prétentieuses et les banales ; il les gardait avec la ferme intention d’y répondre. Mais, le plus souvent, hélas ! le temps manquait, et les pauvres lettres s’entassaient, pour être noyées bientôt sous le flot des suivantes et finir dans l’oubli. Le courrier de ce matin en contenait une timbrée de Turquie, avec un cachet de la poste où se lisait, net et clair, ce nom toujours troublant pour André : Stamboul. Stamboul ! Dans ce seul mot, quel sortilège évocateur !… Avant de déchirer l’enveloppe de celle-ci, qui pouvait fort bien être tout à fait quelconque, André s’arrêta, traversé soudain par ce frisson, toujours le même et d’ordre essentiellement inexprimable, qu’il avait éprouvé chaque fois que Stamboul s’évoquait à l’improviste au fond de sa mémoire, après des jours d’oubli. Et, comme déjà si souvent en rêve, une silhouette de ville s’esquissa devant ses yeux qui avaient vu toute la terre, qui avaient contemplé l’infinie diversité du monde : la ville des minarets et des dômes, la majestueuse et l’unique, l’incomparable encore dans sa décrépitude sans retour, profilée hautement sur le ciel, avec le cercle bleu de la Marmara fermant l’horizon…
On donne par un fichier pdf, sans commentaire, un article de la revue en ligne “Influx” sur les détracteurs de l’art contemporain. On le commentera un autre soir.
Gustave Flaubert (1821-1880) et Guy de Maupassant (1850-1893) ont en commun la proximité géographique de leurs origines, les liens affectifs et les affinités littéraires. L’Association qui les réunit a été créée en 1991. Elle est reconnue d’intérêt général.
Il ne faut résister à reproduire, intégralement, ce texte que j’avais gardé, proposé sur le site, écrit il y a donc longtemps, en 1983, par André Verlhac, de la Faculté des Lettres de Dakar qui commente un bouquin de “Madame” Florence Vidal intitulé “Savoir Imaginer“. En le reliant au génie de Flaubert.
On est persuadés du plaisir dans sa lecture, même si, évidemment, certains, qui n’ont pas écrit une ligne de leur vie, y décèleront emphase, en le “datant”. Is auraient tort. Ce type de texte auquel s’est substitué la style journalistique, nous manque.
Flaubert et la créativité
L’imagination est une des puissances de l’homme. C’est en essayant de réaliser ses rêves que l’homme a reculé les limites de l’impossible. Cette imagination créatrice se manifestait autrefois d’une manière anarchique et souvent accidentelle. Depuis quelques décennies, elle est l’objet de nombreuses études qui commencent à fournir des éléments de réponse. Certains chercheurs se sont penchés sur la question et ont essayé de codifier un système ayant pour but de développer chez l’individu les pouvoirs de l’imagination créatrice. C’est le cas de Madame Florence Vidal dont l’étude du livre « Savoir Imaginer » (1) devrait, entre autres choses, faire partie du programme de toutes les écoles normales.
Au chapitre IV de son ouvrage, Madame Vidal dresse le portrait psychologique du créatif. Au fur et à mesure de cette lecture, ce portrait robot prenait, dans notre esprit, les traits d’un écrivain dans l’intimité duquel nous vivons depuis de nombreuses années et dont nous essayons d’analyser le fonctionnement de l’imaginaire.
Nous allons tenter de montrer avec quelle étonnante exactitude les traits de personnalité et de comportement de Gustave Flaubert répondent à ceux du créatif type dépeint par Madame Florence Vidal.
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La première aptitude qu’elle propose est la curiosité, « appétit qui pousse un être vers des objets pour les mieux connaître », pour « s’approprier par l’esprit, l’esprit des choses » (2).
Son intérêt pour la vie fait écrire à Flaubert : « Ma curiosité demande à tout creuser et à tout fouiller » (3) à « vouloir tout comprendre » (4). C’est le même état d’esprit qui lui fait dire à Louise Colet : « As-tu pensé à ceux qui viendront dormir dans notre lit ? Qu’ils se douteront peu (de) ce qu’il a vu ! Ce serait une belle chose à écrire que l’histoire d’un lit ! Il y a ainsi dans chaque objet banal de merveilleuses histoires. Chaque pavé de la rue a peut-être son sublime » (5). Curiosité infinie qui lui fait désirer voir non seulement le dessus et le dessous des choses, mais également la vie secrète du dedans. C’est l’attitude du curieux par excellence qui pense que « les choses ne sont jamais ce qu’on dit qu’elles sont. Chaudes, vivantes, elles palpitent, parlent, émettent de subtils messages qu’il faut capter » (6).
L’homme curieux sait qu’il existe une réponse à sa quête quelque part dans le monde. Ainsi, après avoir entrepris la rédaction de Salammbô, Flaubert s’interrompit, convaincu d’être dans le faux. Il décida d’aller sur place pour essayer de capter l’atmosphère secrète qui avait régné à Carthage, afin de pouvoir « fixer [ce] mirage ». Quand il traitera un sujet contemporain, il imaginera le cadre, les décors, les accessoires, puis il cherchera dans la réalité leur existence. C’est ce qu’il fera au sujet de Bouvard et Pécuchet. À George Sand, il écrira : « J’ai passé le mois d’août à vagabonder, car j’ai été à Dieppe, à Paris, à Saint-Gratien, dans la Brie et dans la Beauce, pour découvrir un certain passage que j’ai en tête, et que je crois avoir trouvé aux environs de Houdan. » (7) Il dira à peu près la même chose à sa nièce : « Enfin, je crois que j’ai trouvé la maison de Bouvard et Pécuchet à Houdan. Cependant, avant de me décider, je veux voir la route de Chartres à L’Aigle. D’après ce qu’on m’a dit, c’est peut-être mieux. » (8) Ce lieu idéalisé, et recherché ensuite dans la réalité, n’est pas un cas isolé dans l’existence de Flaubert. Nous savons que, pour le même roman, il a chargé Guy de Maupassant de lui trouver « une falaise qui fasse peur à (ses) deux bonshommes » (9).
La variation et la multiplication des exemples prouvant la curiosité de Flaubert pourraient se prolonger. Nous les résumerons par des paroles de Angély, fou de Louis XIII, que Flaubert a faites siennes : « Moi, je vis par curiosité. » (10)
La curiosité « a une forme que l’on pourrait appeler passive, celle de la réceptivité curieuse que l’on désigne plus ordinairement du nom de surprise, d’étonnement… (Il est) prêt à se laisser envahir par la bizarrerie, l’anomalie, le non-dit de cet objet (…) Dans l’étonnement du créatif intervient la naïveté de l’enfant et la culture de l’adulte… » (11) Cette faculté d’étonnement était grande chez Flaubert et elle s’étendait à tout ce qui l’entourait y compris « les choses les plus naturelles et les plus simples. Le mot le plus banal me tient parfois en singulière admiration. Il y a des gestes, des sons de voix dont je ne reviens pas, et des niaiseries qui me donnent presque le vertige (…) À force de vouloir tout comprendre, tout me fait rêver. Il me semble pourtant que cet ébahissement-là n’est pas de la bêtise. Le bourgeois, par exemple, est pour moi quelque chose d’infini » (12).
Flaubert s’étonnait de tout et de rien. À Louise Colet qui lui fait des compliments sur ses yeux, il répond : « Ils vont à la nature animale ; ils appellent les enfants, les idiots et les bêtes, parce que j’ai peut-être beaucoup vécu dans ce monde-là et que j’en ai gardé quelque chose, un air de famille, un vieux levain de naturalisme mystérieux que l’intensité de la pensée fait épancher au-dehors vers les phénomènes qui le reproduisent » (13). Les surprises et les étonnements de Flaubert naissent au moindre appel venu du monde extérieur, même des choses inertes. D’Égypte, il écrit à sa mère que le fait de quitter Karnac lui a provoqué une bizarre sensation. « C’est avec un serrement de cœur que nous lui avons dit adieu. Quelle étrange chose ! être ému en quittant des pierres ! » (14). Nous voyons que l’étonnement de Flaubert est comme celui de l’homme de science, de l’inventeur ou de l’enfant, empreint d’innocence et de fraîcheur.
La curiosité pour tout et la vive sensibilité perceptive doivent être soutenues par des prédispositions autres, telles que « le tonus et l’attention ». La « capacité de mobilisation de l’énergie » des créatifs, « au sens quasi physiologique du terme, serait très grand. On attribue souvent au tonus une origine somatique » (15). Le créatif est doué d’une grande résistance à la fatigue « lorsqu’il s’agit pour lui de percevoir ou de réfléchir » sur un sujet qui l’intéresse.
On sait le temps que passait Flaubert à sa création littéraire, il s’en plaint d’ailleurs bien souvent dans ses lettres à ses intimes. Ainsi, dans une réponse à Louise Colet qui lui conseille de lire un certain numéro de La Revue des Deux Mondes, il objecte qu’il n’a « pas le temps de se tenir au courant » (phrase de son « brave professeur d’histoire Chéruel »), et il brosse son emploi du temps journalier : « Deux heures aux langues, huit au style, et le soir, dans mon lit, une heure encore à lire un classique quelconque (16) ». Il déplore ensuite de ne pas avoir assez de temps pour lire les maîtres et lui donne enfin des conseils sur le choix des bonnes lectures à faire « tous les jours (comme un bréviaire) (…) Moi je suis bourré à outrance de La Bruyère, de Voltaire (les contes) et de Montaigne » (16). Quelques mois plus tôt, toujours à Louise Colet qui se plaint de son absence, il objecte « qu’un dérangement matériel de trois jours (lui) en fait perdre quinze » et qu’il a « toutes les peines du monde à (se) recueillir » (17). En revanche, s’il n’est pas dérangé, sa capacité de mobilisation de l’énergie se concentre, il est « en veine tous les jours vers onze heures du soir, quand il y a déjà sept ou huit heures qu'(il) travaille… » (17) et cette besogne se poursuit très souvent jusqu’aux petites heures du matin.
Il nous semble inutile d’insister sur le fait que Flaubert était un bourreau du travail bien fait. Tous ceux qui connaissent notre romancier le savent, comme ils savent que « ses crises épileptiformes » ont pour origine une névrose provoquée par l’obligation, pour satisfaire au désir de son père, d’étudier le droit et d’avoir « une position ». Or, il semblerait que les névroses et les psychoses dans certains cas favorisent « la création d’œuvres, voire de chefs-d’œuvre littéraires ou picturaux » (18), en mobilisant tout le tonus de l’individu pour l’activité créatrice. C’est peut-être pour cela que rien ni personne ne pouvait arracher Flaubert à son travail forcené : « je travaille sans discontinuer (…) je ne dors presque plus (…) Le silence absolu (…) est une grande cause d’exaltation intellectuelle » (19). Quand il écrit cela, il travaille à Hérodias qu’il terminera le 3 février 1877 ; pourtant ses ennuis matériels sont loin d’être terminés. Sa nièce chérie et son cher mari sont encore ses tortionnaires et le bon Flaubert sort parfois de sa réserve. Il serait très intéressant de savoir ce qu’il a écrit à son neveu le lundi 15 janvier 1877 (20).
Le lendemain, il lui accuse réception de cent francs et d’un paquet de journaux et il ajoute regretter sa lettre d’hier au soir, mais depuis son temps au Quartier Latin, il ne s’était trouvé « dans une pareille détresse » (21).
Quelques jours plus tard, le chef-d’œuvre des Trois Contes sera achevé, écrit en même pas quinze mois ! Cette rapidité à créer une œuvre peut surprendre au premier abord dans le cas de Flaubert, mais si l’on considère la longueur de l’œuvre, on s’aperçoit qu’il n’a guère changé son rythme de production, même si, pour écrire ses contes, il a fait plus particulièrement appel à ses souvenirs et à son étonnante mémoire.
Car la mémoire de Flaubert est semblable à celle des créatifs, « elle est remarquablement bien organisée, riche, souple, fluide, apte à engranger avec la même avidité et la même efficacité les aspects structurés et les aspects qualitatifs et globaux des morceaux du réel »(22). En fait, Flaubert était doué d’une mémoire prodigieuse, intellectuelle et consciente, mais aussi d’une mémoire instinctive qui emmagasinait les impressions des sens, les sons des voix par exemple qu’il imitait avec un certain talent, ainsi que les cris de certains animaux. Il est conscient de la puissance de sa mémoire et il s’en vante à ses correspondants : « Votre ami est un bonhomme de cire ; tout s’imprime dessus, s’y incruste, y entre. » (23) Il emploie une autre image tout aussi éloquente avec une autre correspondante : « Je suis d’argile pour recevoir les impressions et de bronze pour les garder ; chez moi rien ne s’efface, tout s’accumule. » (24)
Cette faculté à tout retenir ne faisait pas de sa mémoire un musée, mais plutôt un entrepôt de matériel à souvenirs. Voici ce qu’il écrit à son ami Jules Duplan à propos de son séjour aux Tuileries où il s’est « profondément diverti » avec de jolies dames « sans perdre une minute de vue la Littérature. Car je collais immédiatement tout ce que je voyais et tout ce que je sentais dans un coin de ma mémoire, pour m’en servir en temps opportun » (25). Flaubert emmagasinait toutes ses impressions et attendait que le temps accomplisse sa fonction car, le souvenir, « comme les aliments doit être digéré et mêlé au sang des pensées » (26). Pour qu’un souvenir devienne significatif, il lui faut subir l’épreuve du temps de la création qui va le métamorphoser et lui donner la dimension de la conscience universelle. Alors et alors seulement, le romancier peut l’utiliser pour créer une nouvelle réalité qui n’est pas uniquement la sienne, mais aussi celle de son lecteur. C’est cette utilisation créatrice que Flaubert a toujours fait de sa mémoire dans l’intention de demeurer éternellement et universellement vrai.
Voici une anecdote qui éclairera sa réussite. La romancière Mary Mc. Carthy raconte qu’un jour à Belgrade, un reporteur lui posa la question suivante : « Quel livre représente le mieux l’américaine moderne ? » Sa réponse fut : « Madame Bovary. » « Flaubert avait inventé le vrai, non seulement pour la France de son temps, mais pour un autre pays, et un autre siècle. » (27) On pourrait relever dans l’œuvre de Flaubert les sources de mille détails, mais nous déborderions le cadre de cet article. Il nous suffira de nous souvenir que la mémoire était pour lui un des instruments essentiels de sa création littéraire.
Il en est un autre qu’on a souvent évoqué parce qu’il faisait partie des conseils donnés à son disciple Guy de Maupassant : c’était l’attention. Cette vigilance est pour Florence Vidal une des qualités du créatif, il doit avoir « un regard fixé sur le champ examiné, un regard flottant sur ce qui se trouve hors du champ, un regard sur les images de son intérieur passé, un autre sur ses rêveries, un autre encore sur ses intuitions… » (28) Ce don d’observation était inné chez Flaubert. Il le dit à son ami Alfred Le Poittevin dans une lettre écrite de Gênes dans laquelle il se plaint de ne pouvoir voyager comme bon lui semble, aussi se contente-t-il d’ouvrir « les yeux, sur tout, naïvement et simplement, ce qui est peut-être supérieur… à la réflexion » (29). Quelques années plus tard, lorsqu’il voyagera en Orient, il fera une grande provision d’images dont il se servira par la suite dans ses œuvres. C’est cette perspective qui lui fera penser, à ce moment-là, qu’ « il vaut mieux être œil, tout bonnement » (30). Ainsi fera-t-il pendant tout son séjour en Égypte et, lorsqu’il reverra pour la dernière fois Ruchuk-Hanem, ce sera triste, mais il savourera bien l’amertume de cette séparation. « Je l’ai regardée longtemps, afin de bien garder son image dans ma tête. » (31) Regard plein de rêveries certes, mais ne nous y trompons pas, car il n’est pas si rêveur que l’on pense, il sait « voir, et voir comme voient les myopes, jusque dans les pores des choses » (32).
Cette observation attentive développera chez lui une perception ultra-sensible lui permettant d’avoir avec les choses des communications aussi intenses qu’avec les humains. « À force quelquefois de regarder un caillou, un animal, un tableau, je me suis senti y entrer. » (33) Ces communications avec la nature, ne doivent pas, comme pour la plupart des écrivains, rester sur le plan de l’intellect, il est nécessaire, pour lui, d’aller plus loin. « Il faut quelquefois regarder la lune ou le soleil en face. La sève des arbres vous entre au cœur par les longs regards stupides que l’on tient sur eux. Comme les moutons qui broutent du thym parmi les prés ont ensuite la chair plus savoureuse, quelque chose des saveurs de la nature doit pénétrer notre esprit s’il s’est bien roulé sur elle. » (34) Communications réelles ou imaginaires ?
Dire que Flaubert avait une imagination créatrice serait une litote, et la description de l’imagination du créatif type que nous fait Florence Vidal, semble être le portrait de Flaubert. « Les créatifs visualisent sans effort (nous venons de le voir). Écoutent-ils un récit ? Les paroles se transforment en images, en architecture, en dessin qu’ils regardent se construire, se modifier au fil du discours, au fil des mots… Une sorte de capacité filmique leur permet de voir non seulement dans l’espace, mais encore dans le temps. Leurs représentations visuelles s’organisent en séquences nettes. Se représenter mentalement le réel dans les quatre dimensions de l’espace et du temps et l’inscrire sur un film, pouvoir arrêter ce film sur une séquence, accélérer, ralentir le rythme de la projection, revenir en arrière, deviner l’image future qui se dégagera des images passées, voilà ce que fait sans peine l’imagination du créatif. » (35)
On sait que l’une des grandes préoccupations de Flaubert fut de dompter son imagination, il le dira lui-même bien souvent : « L’imagination est plutôt une faculté qu’il faut, je crois, condenser pour lui donner de la force, qu’étendre pour lui donner de la longueur. Paillettes d’or légères comme de la paille et volatiles comme la poussière, mes idées ont plutôt besoin d’être mises à la presse que passées au laminoir. » (36) C’était déjà sa conviction six années avant d’entreprendre la rédaction de sa première grande œuvre, Madame Bovary. Il serait facile de se servir de certains passages de ce roman pour illustrer la description que nous fait Florence Vidal de l’imagination du créatif. Nous lui préférerons des œuvres moins connues du grand public. Ainsi dans Novembre, terminé le 25 octobre 1842, le héros, pour échapper à une atonie douloureuse, décide de retourner en plein hiver à Trouville, petite plage où Flaubert connut, en vacances, des jours heureux et où il a rencontré, à quinze ans et demi, le grand amour de sa vie. Il parcourt alors les endroits témoins de ses plus doux rêves et, grande déception, il y trouve les restes du festin de vulgaires touristes : profanation ! Or, ce voyage est imaginaire, mais onze ans plus tard, il fait un voyage à Trouville et, le 14 août 1853, il écrit à Louise Colet : « Avant hier, dans la forêt de Touques, à un charmant endroit près d’une fontaine, j’ai trouvé des bouts de cigares éteints avec des bribes de pâtés. On avait été là en partie ! J’ai écrit cela dans Novembre il y a onze ans ! C’était alors purement imaginé, et l’autre jour ç’a été éprouvé. Tout ce qu’on invente est vrai, sois-en sûre. » (37)
Cette croyance se développe chez Flaubert car, quelques semaines plus tôt, il lui est arrivé un événement : « J’ai trouvé ce matin, dans le Journal de Rouen, une phrase du maire lui (le Maréchal de Saint-Arnaud, ministre de la Guerre) faisant un discours, laquelle phrase j’avais la veille, écrite textuellement dans la Bovary (dans le discours du préfet, à des comices agricoles). Non seulement c’était la même idée, les mêmes mots, mais les mêmes assonances de style. » (38) Lors de son voyage en Orient, il put constater en grimpant au sommet de la grande pyramide qu’une description qu’il avait faite dans La Tentation de Saint-Antoine (version de 1849), l’année précédente, était exacte : « Celle-ci a son sommet tout blanchi par les fientes d’aigles et de vautours qui planent sans cesse autour du sommet de ces monuments, ce qui m’a rappelé ceci de Saint-Antoine : « Les dieux à tête d’ibis ont les épaules blanchies par la fiente des oiseaux… » (39)
Nous terminerons par l’exemple le plus frappant de cette préconisation qui porte sur la nature physique, lorsque Bouvard et Pécuchet se lancent dans la botanique. Pécuchet dresse un tableau : toute plante a un calice et une corolle contenant un ovaire qui renferme la graine ; Bouvard découvre une exception à la règle générale : les rubiacées n’ont pas de calice. Flaubert pense qu’il existe une exception à cette exception ; il lit trois volumes en vain, s’adresse à ses amis, le savant Georges Pouchet et l’érudit Baudry qui se moquent gentiment de lui. Flaubert ne se décourage pas, il demande à Maupassant de questionner des spécialistes. Un professeur au Muséum d’histoire naturelle du Jardin des Plantes lui fournit le renseignement : l’exception à l’exception existe, c’est la shérarde, une rubiacée qui a un calice. Et Flaubert s’écrie : « J’avais raison, parce que l’esthétique est le Vrai, et qu’à un certain degré intellectuel (quand on a de la méthode) on ne se trompe pas. La réalité ne se plie point à l’idéal, mais le confirme. » (40) Sa joie est réelle, mais sera de courte durée car il mourra six jours plus tard.
Enfin, il existe dans L’Éducation sentimentale une scène où l’imagination a précédé la réalité. Vers la fin du roman, Madame Arnoux vieillie fait une visite à Frédéric, ce sera leur dernière entrevue. Il écrit ce passage en mars 1867. Elle a les cheveux blancs et sa visite est motivée par une somme d’argent à rendre, mais c’est surtout pour évoquer le passé, pour voir si l’amour vit encore, peut-être n’est-il pas encore trop tard ? L’auteur va aussi loin qu’il le peut sans dévoiler le secret. Or cette visite aura réellement lieu, exactement le 7 novembre 1871 (41) et presque dans les mêmes circonstances que celles du roman. Cette imagination créatrice de la réalité n’était pas sans effrayer Flaubert chaque fois qu’elle se vérifiait. Signalons que la réalité sera pour une fois clémente pour Flaubert, puisqu’il aura la joie de revoir son « éternelle tendresse » à Paris, le 12 juin 1872. il assistera à « la messe de mariage du petit Schlésinger, (où il se mit) à pleurer comme un idiot… » (42) Sur quoi pleura-t-il ?
Si le créatif doit avoir de l’imagination à revendre, Florence Vidal nous dit qu’il doit aussi avoir un grain de folie. Elle s’explique : « Les psychologues ont découvert en soumettant les créatifs au questionnaire M.M.P.I. et autres inventaires de personnalité que la plupart d’entre eux montraient une nette tendance à tous les principaux troubles psychopathologiques. Oui, ils pourraient être à la fois hystériques et schizophrènes et paranoïaques et dépressifs. Le profane aurait peut-être eu tendance à conclure que de tels résultats signaient la folie des sujets considérés, ce dont il se doutait bien vu qu’un certain nombre d’entre eux ne se comportaient pas comme des bourgeois rangés. Les professionnels, qui savent bien que le malade mental se caractérise le plus souvent par un type de désordre et un seul, (…) n’aboutirent pas à de telles conclusions. » (43) Ils pensent que ces diverses tendances peuvent s’équilibrer et qu’elles permettent à l’individu d’avoir une vision diversifiée du monde tout en rejetant « ce qui pourrait le réduire à un monolithe psychologique. » (43)
Flaubert était atteint de crises de nerfs, que certains critiques savants ou médecins ont classé d’autorité comme de l’épilepsie ; un de ses médecins et ami le traitait « de grosse fille hystérique »,mot qu’il « trouv(ait) profond ». Pour d’autres critiques, il était névrosé ; pour d’autres encore durant toute sa vie il exécuta ses parents dans ses œuvres ; pour d’autres enfin, il souffrait de crises épileptiformes. Écrire cela n’est pas une nouveauté et nous acceptons toutes ces versions de la vérité car Flaubert, lui-même, les aurait acceptées en s’écriant : « où donc le vrai est-il plus clairement visible que dans ces belles expositions de la misère humaine ? Elles ont quelque chose de si cru que cela donne à l’esprit des appétits de cannibale. » (44) Et, il aurait aussitôt ajouté : « Tous ignorants, tous charlatans, tous idiots qui ne voient jamais qu’un côté d’un ensemble. » (45)
Ces aspects excessifs de Flaubert sont connus, il l’a dit et crié sur tous les tons même aux siens : « Je suis plus que jamais, irascible, intolérant, insociable, exagéré » (46) mais un trait de son caractère que l’on connaît moins, est la mystification. Quand il était en voyage, il se bombardait de toutes sortes de titres ronflants comme « son excellence, monsieur l’Ambassadeur, Monsieur l’ingénieur… », non parce qu’il aimait les titres — il les détestait — mais pour mystifier les garçons d’hôtel et observer leur comportement. Il jouait d’ailleurs très bien ses rôles et ses amis l’aimaient particulièrement dans une de ses compositions : « L’idiot des salons. » Gautier était ravi et ébloui, Edmond de Goncourt souvent choqué.
Cette nature variée et riche, déprimée et exubérante, réunissant et aimant les extrêmes a été bien définie par celui qui le connaissait le mieux, Louis Bouilhet. Ce dernier lui disait souvent : « Il n’y a pas d’homme plus moral ni qui aime l’immoralité plus que toi. » (47) Ce qui nous prouve qu’il n’était pas fou, mais que ses idées ne devaient pas plaire aux « bourgeois rangés ».
Cette sensibilité excessive était naturelle chez Flaubert comme nous venons de le voir. Elle s’apparente à une dimension que Florence Vidal appelle la flexibilité, « souplesse (sensorielle, intellectuelle) qui permet à certains individus de changer facilement de perception, de substituer sans difficulté une représentation à une autre (plus détaillée, moins détaillée, structurée ou interprétée différemment), de multiplier perceptions et représentations… Toutes les études faites sur les créatifs indiquent de façon très significative leur très forte tolérance aux ambiguïtés. Cette flexibilité (…) soutient un profond besoin de cohérence, de perfectionnisme, d’harmonie et non pas un caprice. » (48)
Voyons d’abord un exemple qui mettra en lumière cette souplesse intellectuelle chez Flaubert. Nous savons qu’Un Cœur simple, comme L’Éducation sentimentale, doit beaucoup aux souvenirs de jeunesse de l’auteur. Un examen des scénarios d‘Un Cœur simple nous montre qu’ils sont venus étoffer le conte, alors qu’au contraire les scénarios de L’Éducation sentimentale nous prouvent qu’ils étaient à l’origine du roman. Dans ces deux cas, les œuvres finies présentent des développements, sinon opposés, du moins bien différents, des ambitions primitives. Flaubert avait substitué sans difficulté une représentation à une autre par souci de cohérence, de perfection et d’harmonie.
Et pourtant, comme les créatifs, il affiche une grande « tolérance aux ambiguïtés ». Il avoue candidement : « Si je n’avais pas peur du haschich, je m’en bourrerais. » (49) Ou encore : « J’ai toujours beaucoup admiré ces bons gaillards qui vivaient solitairement, soit dans l’ivrognerie ou dans le mysticisme. Cela était un joli soufflet donné à la race humaine, à la vie sociale, à l’utile, au bien commun. Mais maintenant ! L’individualité est un crime… Mes tendresses d’esprit sont pour les inactifs, pour les ascètes, pour les rêveurs. » (49) Si nous n’avions pas peur d’exagérer, nous multiplierions les exemples. Peut-être que l’aspect suivant du portrait du créatif, dressé par Florence Vidal, nous en fournira l’occasion.
Le créatif, dit-elle, « choisit le doute, il choisit le défi, il choisit le combat dans les ténèbres. La traversée du désordre ressemble souvent à une traversée du désert. » (50) Pour illustrer chez Flaubert cette qualité, nous ne présenterons qu’un exemple, la réponse qu’il fera à son ami, Maxime du Camp, qui lui adressera deux lettres de Paris, le conviant à se dépêcher de publier, car c’est le moment avant que la place soit prise, etc. Flaubert est en pleine rédaction de Madame Bovary ; il lui répond durement qu’ « être connu n’est pas (sa) principale affaire, cela ne satisfait entièrement que les très médiocres vanités… Je vise à mieux, à me plaire. Le succès me paraît être un résultat et non pas le but… Que je crève comme un chien, plutôt que de hâter d’une seconde ma phrase qui n’est pas mûre. J’ai en tête une manière d’écrire et gentillesse de langage à quoi je veux atteindre. Quand je croirai avoir cueilli l’abricot, je ne refuse pas de le vendre, ni qu’on batte des mains s’il est bon. D’ici là, je ne veux pas flouer le public. Voilà tout. (Quant au temps), si votre œuvre d’art est bonne, si elle est vraie, elle aura son écho, sa place, dans six mois, six ans, ou après vous. Qu’importe ! » (51)
Cette « manière d’écrire » que Flaubert avait en tête et que la presque totalité de ses compagnons n’ont pas su comprendre, allait lui attirer, comme à tous les novateurs, des inimitiés. Le procès de Madame Bovary est dû beaucoup plus à l’incompréhension de cette nouvelle façon d’écrire qu’au contenu de l’œuvre. Cette incompréhension ressemble à celle que rencontrèrent le peintre Paolo Uccello (inventeur de la perspective classique), Galilée, Baudelaire, Darwin et Pasteur, pour ne citer que quelques noms. Rien ne découragea Flaubert, il continua imperturbablement, affichant une autonomie caractéristique à tous les créatifs. (52) Nous lui devons, en effet, l’invention « du style indirect libre, style réaliste des secrets du cœur. » (53) Ce « style nouveau, tendu vers l’expression des intuitions profondes », apparaît pour la première fois dans les Mémoires d’un fou. Il conviendrait donc, « en toute justice, d’attribuer à Flaubert » (54) et non à Baudelaire, cette grande découverte.
Comme tous les créatifs aussi, Flaubert était un passionné (55), il rejetait tout ce qui n’était pas sa passion, la littérature. II avait le sens de sa mission, « écrire » et, il la suivit avec « l’intensité de l’appel religieux ou mystique ». (55) Lisons ses confidences : « Je mène une vie âpre, déserte de toute joie extérieure et où il n’y a rien pour me soutenir qu’une espèce de rage permanente, qui pleure quelquefois d’impuissance, mais qui est continuelle. J’aime mon travail d’un amour frénétique et perverti, comme un ascète le cilice qui lui gratte le ventre. »(56) Et, quelques mois plus tard, il donne à Louise des conseils pour surmonter les ennuis quotidiens :« Ne nous lamentons sur rien ; se plaindre de tout ce qui nous afflige ou nous irrite, c’est se plaindre de la constitution même de l’existence. Nous sommes faits pour la peindre, nous autres, et rien de plus. Soyons religieux (…) Je tourne à une espèce de mysticisme esthétique. » (57)
Quelque temps après, il lui dira sa joie de constater qu’elle est dans un « état lyrique » et « emporté dans l’art… » « C’est bien, c’est bien, c’est bon. Nous ne valons quelque chose que parce que Dieu souffle en nous. C’est là ce qui fait même les médiocres forts, ce qui rend les peuples si beaux aux jours de fièvre, ce qui embellit les laids, ce qui purifie les infâmes : la foi, l’amour. « Si vous aviez la foi vous remueriez les montagnes. » Celui qui a dit cela a changé le monde, parce qu’il n’a pas douté. » (58) Flaubert non plus ne doutait pas, même aux moments les plus sombres de son existence : « Ce qui me soutient, c’est la conviction que je suis dans le vrai, et si je suis dans le vrai, je suis dans le bien, j’accomplis un devoir, j’exécute la justice. Est-ce que j’ai choisi ? Est-ce que c’est ma faute ? Qui me pousse ? Est-ce que je n’ai pas été puni cruellement d’avoir lutté contre cet entraînement ? Il faut donc écrire comme on sent, être sûr qu’on sent bien, et se foutre de tout le reste sur la terre. » (59)
Voilà des pensées qui nous découvrent un Flaubert sûr de lui, décidé à poursuivre son œuvre créatrice quoi qu’il arrive et qui a « de lui-même une vision purement instrumentale. Le pouvoir créateur prévient ou guérit bien des maladies existentielles… » (60) C’est ce que Madame Robert vient de démontrer d’une manière éclatante, dans son étude sur Flaubert. (61)
Ce dernier avait, on le sait, voué son existence à la littérature, rien ne pouvait le détourner de ses objectifs et cela lui procurait une « intense impression de liberté » (60), même s’il se plaignait souvent du contraire. Lorsqu’on l’invitait, il répondait presque invariablement qu’il n’était pas libre, sous-entendu d’interrompre sa tâche.
Cette attitude le faisait accuser par son entourage de se replier « sur soi, et de marquer peu de goût pour la compagnie de ses contemporains. » (60) Certains critiques ont parfois mal interprété « sa fuite devant les mondanités » en l’assimilant à de l’introversion misanthropique. Il est vrai que Flaubert a tonné toute sa vie contre la société, mais il lui fit souvent l’honneur de sa présence. Il fut invité aux Tuileries, entre autres, et il s’y rendit (pouvait-il faire autrement sous le second Empire ?) ; il assistait aux soupers Magny lorsqu’il était à Paris et y faisait figure de bon vivant ; il est vrai que là, il se trouvait au milieu de ses amis. Ces mondanités lui fournissaient d’excellents champs d’observations où il pouvait glaner quelques traits piquants, toujours utiles, comme nous l’avons déjà vu, pour une œuvre future. Mais l’essentiel de son temps, il le consacrait à ses recherches lorsqu’il préparait une œuvre ou, au travail du style, lorsqu’il la composait.
Alors, dans presque toutes ses lettres, il se plaignait de stagner, d’être « bloqué par une information trop parcellaire, par une information trop abondante » (62) ou, tout simplement, parce qu’il ne trouvait pas l’expression la plus parfaite pour traduire sa pensée. Malgré les moments de découragement, il reprenait inlassablement sa besogne, sachant au fond de lui-même qu’il vaincrait la difficulté. Rien ni personne ne parvenait à l’arrêter bien longtemps. Au moment le plus sombre de son existence, en 1875, ni la mort de sa mère et de ses amis les plus chers, ni la maladie, ni la ruine, ni les difficultés de Bouvard et Pécuchet ne réussirent à l’abattre. Il changea de sujet, abandonna provisoirement ses deux bonshommes et entreprit les Trois Contes. Optimiste (62) Flaubert ? Non, une force de la nature !
Cette dynamique, Flaubert a su la domestiquer et, comme les grands créateurs, la mettre au service de son esthétique. « Quelque chose de religieux le pouss(ait) à se placer dans les souliers de Dieu ou de l’Organisateur suprême, pour essayer de comprendre ce que pourrait être la Cohérence parfaite. » (63) Flaubert écrira à plusieurs époques de sa vie que « l’auteur, dans son œuvre, doit être comme Dieu dans l’univers, présent partout et visible nulle part. L’art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogues. » (64) Il redira à peu près la même chose à Mademoiselle Leroyer de Chantepie qui lui posait des questions sur Madame Bovary. Cette œuvre « n’a rien de vrai. C’est une histoire totalement inventée ; je n’y ai rien mis ni de mes sentiments ni de mon existence. L’illusion (s’il y en a une) vient au contraire de l’impersonnalité de l’œuvre. C’est un de mes principes, qu’il ne faut pas s’écrire ».
« L’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant ; qu’on le sente partout, mais qu’on ne le voie pas. Et puis, l’Art doit s’élever au-dessus des affections personnelles et des susceptibilités nerveuses ! Il est temps de lui donner, par une méthode impitoyable, la précision des sciences physiques ! La difficulté capitale, pour moi, n’en reste pas moins le style, la forme, le Beau indéfinissable résultant de la conception même et qui est la splendeur du Vrai, comme disait Platon. » (65) Conception qui ne manque pas de panache et que Flaubert s’efforcera d’atteindre.
Madame Florence Vidal finit son portrait du créatif en évoquant la souveraineté de sa personnalité. Elle emploiera, encore une fois, des phrases qui semblent avoir été écrites pour peindre Flaubert. Aussi allons-nous la citer abondamment. Le créatif est « habité par une passion dévorante (la littérature dans le cas de Flaubert), c’est cependant librement qu’il a choisi cette passion, tout en interdisant à celle-ci d’oblitérer en lui la part lucide et objective. Cultivé à l’extrême dans un domaine ou dans plusieurs (Flaubert fut avec Taine, l’un des hommes les plus cultivés du XIXe siècle), il ne se laisse pourtant pas abuser par cette culture, et peut s’étonner comme un enfant (…) Il doute de lui, tout en maintenant une foi totale de ses possibilités (nous l’avons vu plus haut)… Capable de prendre toutes ses distances avec un objet, il pourra néanmoins lui arriver de devenir en imagination cet objet, par une sorte de plasticité. » (66) C’est ce que fait Flaubert lorsqu’il donne vie à son œuvre. Voici ce qu’il écrit à Louise Colet au sujet de la scène où Emma Bovary devient la maîtresse de Rodolphe : « Homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d’automne, sous les feuilles jaunes, et j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qui se disaient et le soleil rouge, qui faisait s’entre-fermer leurs paupières noyées d’amour. Est-ce orgueil ou piété, est-ce le débordement niais d’une satisfaction de soi-même exagérée ? ou bien un vague et noble instinct de religion ? »(67)
Nous avons là, par la même occasion, ce que Florence Vidal appelle « un déplacement de la personnalisation » qui permet au Moi de s’effacer « dans ses particularités contingentes. » (68) C’est ce que Flaubert fera toute sa vie pour maintenir son équilibre psychique et il écrira à trois personnes différentes : « Un livre est pour moi une manière spéciale de vivre. À propos d’un mot ou d’une idée, je fais des recherches, je me perds dans des lectures et dans des rêveries sans fin. » (69)
Nous venons de voir que Flaubert ressemble trait pour trait au portrait-robot du créatif : encore une preuve, si elle était nécessaire de sa modernité. Artiste consciencieux, il s’est épuisé « à réaliser un idéal peut-être absurde en soi » (70), mais qui a donné des œuvres dont la valeur universelle est indiscutable pour ceux qui savent les lire avec la même intelligence qu’elles furent écrites. Homme exceptionnel, il a possédé cette « moralité de l’esprit consistant à vouloir constamment la perfection ». (71) Il rêvait de faire « un livre sur rien (…) qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. » (72) Il ne s’est pas rendu compte, qu’il l’avait fait ce livre en écrivant La Tentation de Saint-Antoine, comme il ne s’est pas rendu compte qu’il a créé ce « style qui serait beau, que quelqu’un fera à quelque jour, dans dix ans ou dans dix siècles et qui serait rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences, et avec des modulations, des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu : un style qui vous entrerait dans l’idée comme un coup de stylet ». (73)
(3) Lettre à Alfred Le Poittevin, 15 (avril 1845), t. XII, p. 445. Œuvres Complètes de Gustave Flaubert, Club de l’Honnête Homme, en 16 volumes. Toutes nos références renverront à cette édition, la plus complète pour le moment.
(4) Lettre à Alfred Le Poittevln, 16 septembre (1845), t. XII, p. 463.
(5) Lettre à Louise Colet (21-22 août 1846), t. XII, p. 498.
(6) Florence Vidal, op. cit., p. 45.
(7) Lettre à George Sand, 5 septembre 1873, t. XV, p. 244.
(8) Lettre à sa nièce Caroline (5 septembre 1873), t. XV, p. 246.
(9) Lettre inédite à Guy de Maupassant, 31 octobre (1877), t. XV, p. 615. C’est l’auteur qui souligne.
(10) Lettre à Louise Colet (26 août 1846), t. XII, p. 503.
(11) Florence Vidal, op. cit., p. 46-47-49.
(12) Lettre à Alfred Le Poittevin, 16 septembre (1845), t. XII, p. 463.
(13) Lettre à Louise Colet (17 novembre 1846), t. XII, p. 565.
(14) Lettre à sa mère, 17 mai 1850, t. XIII, p. 36.
(15) Florence Vidal, op. cit., p. 51.
(16) Lettre à Louise Colet (6-7 Juin 1853), t. XIII, p. 355.
(17) Lettre à Louise Colet (25 septembre 1852), t. XIII, p. 240. À l’époque de ces deux lettres, il « s’attelait » à la création de Madame Bovary.
(18) Florence Vidal, op. cit., p. 52.
(19) Lettre à sa nièce Caroline (12 Janvier 1877), t. XV, p. 527.
(20) Cette lettre n’a évidemment pas été retrouvée !
(21) Lettre à Ernest Commanville, 16 Janvier (1877). t. XV, p. 527.
(22) Florence Vidal, op. cit., p. 52.
(23) Lettre àGeorge Sand, vers le 20 mars 1868, t. XIV, p. 408.
(24) Lettre à Amélie Bosquet (20 août 1866), t. XIV, p. 287.
(25) Lettre àJules Duplan (12 juin 1867), t. XIV, p. 357. C’est Flaubert qui souligna.
(26) Lettre à Louise Colet (2 juillet 1853), t. XIII, p. 371.
(27) Marcel Reboussin, Le drame spirituel de Flaubert, Nizet, 1878, p. 120. Petite étude d’une grande finesse.
(28) Florence Vidal, op. cit., p. 53.
(29) Lettre à Alfred Le Poittevin, 1er mai (1845), t. XII, p. 447.
(30) Lettre à Louis Bouilhet, 13 mars 1850, t. XIII, p. 25.
(31) Lettre à Louis Bouilhet, 2 juin 1850, t. XIII, p. 46.
(32) Lettre, à Louise Colet (16 janvier 1852), t. XIII, p. 158.
(33) Lettre à Louise Colet (26-27 mai 1853), t. XIII, p. 347.
(35) Florence Vidal, op. cit., p. 54.
(34) Lettre à Louise Colet (26 août 1853), t. XIII, p. 398.
(36) Lettre à Louise Colet (4 octobre 1846), t. XII. p. 544.
(37) Lettre à Louise Colet (14 août 1853), t. XIII, p. 383. C’est l’auteur qui souligne.
(38) Lettre à Louise Colet, 22 juillet 1853, t. XIII, p. 381. C’est l’auteur qui souligne.
(39) Lettre à Louis Bouilhet, 15 janvier 1850, t. XII, p. 672.
(40) Lettre à sa nièce Caroline, 2 mai (1880), t. XVI, p. 359. C’est l’auteur qui souligne. Marcel Reboussin rapporte également cet épisode, op. cit., p. 74.
(41) Lettre à sa nièce Caroline (6 novembre 1871), t. XV, p. 58. « Demain, nous aurons à dîner, et peut-être à coucher, Mme Maurice Schlésinger ! ! ! ».
(42) Lettre à sa nièce Caroline (23 Juin 1872), t. XV, p. 138.
(43) Florence Vidal, op. cit., p. 55.
(44) Lettre à Louise Colet (7-8 Juillet 1853), t. XXIII, p. 374. Il est justement question du spectacle offert par les hôpitaux et les hospices de fous.
(45) Lettre à Madame Roger des Genettes (fin mars 1879), t. XVI, p. 179. Il est question des théoriciens des religions.
(46) Lettre à sa nièce Caroline, 2 décembre (1873), t. XV, p. 270. C’est l’auteur qui souligne.
(47) Lettre à George Sand (29 avril ou 6 mai 1870), t. XIV, p. 558.
(48) Florence Vidal, op. cit., p. 56. C’est l’auteur qui souligne.
(49) Lettre à Louise Colet (14 décembre 1853), t. XIII, p. 438.
(50) Florence Vidal, op. cit., p. 57.
(51) Lettre à Maxime du Camp, 1852 (19 Juin), t. XIII, p. 203-204. C’est l’auteur qui souligne.
(52) Florence Vidal, op. cit., p. 60-61.
(53) Helmut Hatzfeld. Le Réalisme moderne dans « Don Quichotte » et « Madame Bovary », dansEssais sur Flaubert, p. 284.
(54) Marcel Reboussin, op. cit., p. 65-66.
(55) Florence Vidal, op. cit., 62-63.
(56) Lettre à Louise Colet (24 avril 1852), t. XIII, p. 184.
(57) Lettre à Louise Colet 4 septembre 1852), t. XIII, p. 232.
(58) Lettre à Louise Colet (27-28 février 1853), t. XIII, p. 293-294.
(59) Lettre à Louise Colet (13-14 avril 1853), t. XIII, p. 326-327. C’est l’auteur qui souligne.
(60) Florence Vidal, op. cit., p. 64.
(61) Marthe Robert. En haine du roman, étude sur Flaubert, Balland, 1982. Elle achève la destruction de la thèse de Sartre que nous avions commencée dans le Rêve oriental de Gustave Flaubert.
(62) Florence Vidal, op. cit., p. 65.
(63) Florence Vidal, op. cit., p. 66.
(64) Lettre à Louise Colet (9 décembre 1852), t. XIII, p. 265.
(65) Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 18 mars 1857, t. XIII, p. 567. C’est l’auteur qui souligne à chaque fois.
(66) Florence Vidal, op. cit., p. 67.
(67) Lettre à Louise Colet (23 décembre 1853), t. XIII, p. 442.
(68) Florence Vidal, op. cit., p. 69.
(69) Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie (25 décembre 1859), t. XIV, p. 20.
(70) Lettre à Louise Colet (29-30 Janvier 1853), t. XIII, p. 289.
(71) Lettre à Louise Colet (22 décembre 1852), t. XIII, p. 271.
(72) Lettre à Louise Colet (16 Janvier 1852), t. XIII. p. 158.
(73) Lettre à Louise Colet (24 avril 1852), t. XIII, p. 188.
REPRODUCTION INTEGRALE D’UN ARTICLE DE “CONNAISSANCE DES ARTS”, L’EXCELLENTE REVUE (01/12/2020). L’AFFAIRE DATE DE 2020 MAIS TOUJOURS PAS ÉLUCIDÉE, SAUF ERREUR.
Un mystérieux monolithe d’acier, découvert par le Département de la sécurité publique de l’Utah dans la région de Red Rocks Country, s’est volatilisé vendredi soir. Lumière sur cette histoire devenue virale.
“Sur fond de roches rouges, le monolithe d’acier, aux 3 faces réfléchissantes, se dressait de tout son long sur près de 4 mètres. L’objet a été découvert en plein milieu du désert de l’Utah, dans le sud-ouest des États-Unis le 18 novembre dernier par les agents du Département de la sécurité publique (DPS) lors d’un survol en hélicoptère. Les photographies diffusées par l’équipe sur les réseaux sociaux avaient depuis alimenté les spéculations les plus folles quant à l’origine et à la signification de ce curieux artefact, planté dans le sol. Si certains y reconnaissaient l’œuvre d’un artiste contemporain, d’autres voulaient croire à une manifestation extraterrestre. L’emplacement exact de l’objet n’avait pas été divulgué par le DPS, par crainte que d’éventuels pèlerins, adeptes des théories aliens, tentent de s’y rendre. Mais ces précautions n’ont pas empêché l’objet de disparaître vendredi dernier.
Œuvre en quête d’auteur
Mais qui est donc à l’origine de cette structure monumentale ? S’agit-il d’une création extraterrestre ou bien de l’œuvre d’un artiste ? Alors que plusieurs internautes ont été saisis par la ressemblance entre le monolithe et celui apparaissant à l’écran dans 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, d’autres avancent le nom de plusieurs artistes. Le nom de Petecia Le Fawnhawk a ainsi été avancé. L’artiste, basée au Nouveau-Mexique, réalise en effet des sculptures totémiques qu’elle installe dans de vastes paysages désertiques. Mais Le Fawnhawk a coupé court aux rumeurs en commentant cette découverte, précisant que bien qu’elle ait « eu l’idée de planter des monuments secrets dans le désert », celui-ci ne figure pas parmi ses créations. « Ma première pensée et mon premier espoir étaient qu’il s’agissait peut-être d’une pièce de Richard Serra ou d’Ellsworth Kelly, perdue depuis longtemps », a-t-elle ajouté. Profitant de cette mise en lumière, l’artiste a partagé sur sa page Instagram une de ses sculptures en miroir installé dans le désert.
Après Le Fawnhawk, les regards se sont tournés vers l’artiste germano-namibien Max Siendentopf, notamment connu pour sa sculpture Toto Forever. Cette sculpture sonore avait été installée en 2019 dans le désert de Namibie. Rendant hommage au célèbre groupe Toto, l’installation dotée de 6 haut-parleurs diffusait en continue le très populaire morceau Africa. Dans ce territoire désertique, la chanson résonnait en boucle grâce aux piles solaires alimentant, sans interruption, les enceintes. L’artiste n’a, pour l’heure, émis aucun commentaire sur le mystérieux monolithe de l’Utah.
Cherche et trouve McCracken
John McCracken (1934-2011), artiste réputé pour ses sculptures minimalistes dont l’esthétique épurée se rapproche particulièrement du monolithe disparu, a lui aussi été cité à plusieurs reprises. D’origine américaine, il débute sa carrière dans les années 1960. Ses colonnes monochromes deviennent sa signature. Le galeriste David Zwirner, représentant l’œuvre de McCraken, a réagi personnellement à cette découverte en confirmant la potentialité que ce soit effectivement son œuvre. Le fils de l’artiste a déclaré au magazine « Times » que son père lui aurait confié avoir placé certaines de ses œuvres dans des endroits isolés afin qu’elles soient découvertes plus tard. Bien que divisée à ce sujet, l’équipe de la galerie David Zwirner a profité de l’événement pour mettre en avant ses collections et publier sur Twitter le 25 novembre dernier : « Le portail de l’Utah se trouve à l’adresse suivante : David Zwirner 20th Street ».
John MC CRACKEN. 2011. Chakra. 1993
De l’autre côté de l’Atlantique, l’affaire est tout à fait prise au sérieux. Une agence fédérale américaine, le Bureau of Land Management, s’est vue confier l’enquête sur l’origine du mystérieux monolithe. Elle sera en charge de déterminer l’origine de la sculpture mais pas d’investiguer sur les circonstances de son vol : « Nous n’enquêtons pas sur les délits impliquant la propriété privée, qui sont du ressort du bureau du shérif local », a précisé un représentant de l’agence. Le DPS, quant à lui, a tenu à rappeler l’illégalité d’une telle installation sauvage, non sans humour : « Il est illégal d’installer des structures ou des œuvres d’art sans autorisation sur des terrains publics gérés par le gouvernement fédéral, quelle que soit la planète dont vous venez ».
ON NE SAIT TOUJOURS PAS EN 2024 (COUP PUBLICITAIRE, EXTRATERRESTRES ?) LE BILLET NOUS AURA PERMIS DE REDECOUVRIR SIENDENTOPF et MC CRAKEN. ON CONNAISSAIT BIEN RICHARD SERRA.
Madame Rima Hassan, est donc allée s’amuser sur le site à la mode « MyHeritage » typiquement raciste, au sens étymologique du terme, scientifiquement aléatoire, idéologiquement dangereux. On vous livre, moyennant crachats ou goutte de sang (et deniers), votre origine après analyse de votre ADN (DNA en anglo-saxon)
Madame Hassan fait donc état, dans ce tweet, de son pourcentage d’origine juive (« yéménite et mizrahi ») à 30%.
Maniant les concepts comme des bulles de chewing-gum, la palestinienne de service à LFI, musulmane niortaise, comme on peut être juif parisien, affirme qu’avec ses 30%, ’elle « devrait donc pouvoir retourner en Palestine historique » ; que cette terre qui avait « embrassé les 3 religions monothéistes » serait devenue une« ethnocratie », « aucun réfugié palestinien ne peut rentrer chez lui alors que tout juif du monde peut s’y installer ». Elle conclut que « c’est cela l’apartheid ».
Juste quelques très rapides observations, assez primaires.
1 – Palestine historique et retour. Il n’existe pas de « Palestine historique ». Comme il n’existe pas d’Europe historique, l’histoire des peuples étant désormais, justement, liée à la Nation, sans liaison à l’ethnie. La terre n’est pas « historique ou ethnique.
Si l’on voulait (mais on ne le veut pas) venir sur ce « terrain », on pourrait évoquer une « terre juive historique ».
Ce n’est pas sur ce type de locution qu’il faut s’arrêter, sauf à entrer dans un jeu concurrentiel, toujours malfaisant. N’en déplaise aux partisans de l’apologie du « Grand Israël » qui s’engluent dans la logique islamo-gauchiste de la revendication belliqueuse, celle de Madame Hassan, qui efface l’assise d’un discours qui ne serait pas qu’idéologie.
On peut, simplement et objectivement, remarquer qu’il s’agit d’une terre largement occupée par des palestiniens (les anciens philistins) et des juifs, sans revendication nationale et territoriale par les « palestiniens » avant la création d’une Nation juive.
On peut aussi ajouter qu’Israël existe sur une terre qui est devenue Nation, avec ses frontières et ses règles d’immigration. Comme la France ou les Iles Caïman.
La « Palestine historique » ne veut donc rien dire. Ce n’est même pas un mythe, ce que le « Grand Israël peut être.
Il n’est pas cependant inutile de rappeler que sous la pression internationale, après la création de l’État d’Israël en 1948 et la fuite ou l’exode concomitante de la population non juive sur place (une fuite et non une expulsion), deux faits ont forgé le futur.
D’abord la proposition par les instances internationales de deux États sur cette terre, avec pour les palestiniens un territoire plus large que celui aujourd’hui revendiqué par les partisans de cette solution et un refus arabe qui a initié une guerre perdue.
Puis l’intégration des palestiniens devenus les « arabes israéliens ». En 2023, cette population arabe israélienne s’élevait à 2 079 300 ce qui représente 21, 1% de la population qui est de 9.841.00 habitants.
Les palestiniens, se prétendant descendants des dénommés désormais « réfugiés » (un juif allemand ou polonais n’est pas un« réfugié ») sont plus de 6 millions.
En réalité par cette mention, cette exigence au droit du retour (Mme Hassan se garde d’employer la locution même si elle est sous-jacente, de peur de révéler l’objectif), les palestiniens n’ont même plus besoin de ne pas reconnaitre l’État d’Israël (comme ils le font, de fait) puisqu’en effet, par leur « retour », ils seraient majoritaires et effaceraient, de ce fait, l’État israélien, son fondement.
L’entourloupe sémantique et civilisationnelle est patente.
Parfaitement consciente que le droit au retour est plus efficace qu’une bombe atomique iranienne qui tarde à venir pour rayer Israël de la carte, Mme Hassan le brandit subrepticement, alors que tous (y compris Arafat et l’OLP) l’ont remisé dans les discours désuets de l’histoire. Pour s’en tenir à « la solution à deux États », désormais problématique, qui fonctionne plus comme un slogan ou comme une garantie, pour un fervent critique des guerres de défense d’Israël, de la reconnaissance de l’existence de ce qu’ils nomment « l’État hébreu ».
En définitive, à suivre Mme Hassan, deux États palestiniens seraient créés, grâce à MyHeritage : l’un, par la démographie, sur le territoire actuel de la Nation israélienne, par absorption d’une majorité (un « grand remplacement »), l’autre, par idéologie internationale, (une « création » à Gaza et en Cisjordanie).
Ce « droit au retour » des palestiniens constitue l’ultime discours de la fourberie.
Encore une fois, Il est rarement exposé par les palestiniens et LFI puisqu’aussi bien, tous les honnêtes hommes y verraient la révélation de ladite entourloupe, la manigance à l’œuvre dans tous ces discours ethnographiques qui ont le toupet considérer Israël comme une” ethnocratie”. Même si, en réalité, la majorité de nos concitoyens ne connait rien à l’histoire d’Israël et peuvent mordre à ce gros hameçon.
2 – Origines et retour. Sans insister sur l’imprécision de ce type de recherches « ADN » en ligne sur les origines, on pourrait donc considérer qu’avec 100% d’origine asiatique, tous les chinois de Paris pourraient revendiquer un droit au retour au Japon. En faisant fi de la Nation créée.
Il n’est pas inutile ici de préciser que la « Loi du retour », celle d’Israël, Nation, n’est aucunement fondée sur l’origine « raciale » mais sur le statut de juif, lequel peut revenir à l’épouse d’un juif, sans une goutte de « sang » juif (qui n’existe pas, en dehors de la mère juive qui peut être convertie) ou d’un petit-enfant non juif dont l’un des grands- parents est juif, potentiellement aussi par conversion.
Ce n’est donc pas « l’origine » qui fonde la Loi israélienne mais, assurément, un « état » dans l’ordre du religieux et non dans celui de la race ou de l’origine.
On rappelle ici que le 10 mars 1970, la loi du retour a été étendue « aux enfants et petits-enfants d’un Juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un Juif ». Loi que les orthodoxes en Israël remettent en cause, sans, en l’état, être suivis.
Ainsi, Le conjoint catholique d’un juif, pratiquant sa religion chrétienne, d’origine celte ou indo-européenne, a droit ainsi à son “alyah »
Dès lors, au risque de la répétition et à l’inverse de ce que croit pouvoir instaurer, par comparaison, Mme Hassan, la « race » ou « l’origine » n’étant pas liée à un droit au retour, tout discours fondé sur l’ADN est irrecevable, à vrai dire assez farfelu, dans la veine des billevesées permanentes de LFI.
Dernière remarque dans ce paragraphe : Mme Hassan pourrait se convertir au judaïsme (non libéral) si elle veut retourner là où elle n’a jamais mis les pieds. Son nouveau « statut », sans recherche d’ADN le lui permettrait. C’est une solution.
Elle pourrait ainsi manifester tous les samedis, à Tel-Aviv après l’office religieux, pour le retour des otages. Elle pourrait même s’enrôler volontairement dans l’armée israélienne, qui ne recrute pas les citoyens arabes non druzes mais qui admet leur volontariat.
3 – Israël, ethnocratie. On rappelle que l’ethnocratie est « un type de structure politique dans laquelle l’appareil d’État est contrôlé par un ou plusieurs groupes ethniques dominants pour promouvoir ses intérêts, son pouvoir et ses ressources. Les régimes ethnocratiques affichent généralement une façade démocratique « mince » couvrant une structure ethnique plus profonde, dans laquelle l’ethnicité (race, religion, langue, etc.) – et non la citoyenneté – est la clé pour garantir le pouvoir et les ressources » (Wikipédia)
Ce qui précède (sur l’inexistence d’une « race juive », au sens de la Constitution israélienne) contredit, interdit l’emploi du concept.
Les juifs ne sont pas un « groupe ethnique ». On n’insiste pas sur la « façade démocratique » qui caractériserait une ethnocratie. Il s’agit là d’une locution qui convient parfaitement à LFI et, certainement pas à Israël, seule démocratie de la région, dont la population est composée de citoyens (arabes) qui peuvent nier même, dans cette démocratie, jusqu’à l’existence même de l’État.
3 – Israël, apartheid. L’insulte est patente et on se garde de pénétrer dans le même souterrain, le même tunnel noir.
Juste dire que la conclusion de Mme Hassan est encore contredite par ce qui précède, dans l’antinomie entre origine et statut.
Non, un État ne peut, sous prétexte d’une origine, accorder une nationalité à une personne munie d’une analyse de « Mon héritage » ou de toute autre qui se targuerait d’avoir, par ses grands-parents (100.000) habité la Terre.
Et l’on ne peut qualifier de régime d’apartheid, un État qui applique des règles, justement non raciales, mais, plus simplement, statutaires et constitutionnelles.
Le discours de Mme Hassan se situe donc dans la vitupération et l’offense.
On propose à « MyHeritage-DNA » une autre manne : l’analyse du pourcentage d’idéologie, d’antijudaïsme ou d’antisémitisme, par l’envoi, en même temps que le crachat ou le sang, des dix mots sur Israël qui forgent le discours des demandeurs en origine. Pour rechercher une sorte de structure, comme un ADN, de leur langage
A 30% d’insultes contre Israël, ils auraient le droit d’entrer à LFI. MB.
Maria Helena Vieira da Silva, née à Lisbonne le 13 juin 1908 et morte à Paris le 6 mars 1992, est une artiste peintre portugaise appartenant à l’École de Paris.
Son style pictural propose un espace qui combine réseaux et mosaïques dans des compositions aux perspectives fuyantes. Elle est considérée comme l’un des chefs de file du mouvement esthétique dit du paysagisme abstrait.
À l’âge de onze ans, Vieira da Silva commence l’apprentissage du dessin et de la peinture à l’Académie des beaux-arts de Lisbonne. Avant l’âge de vingt ans, elle étudie la peinture avec Fernand Léger, Charles Dufresne, Henry de Waroquier, la sculpture avec Antoine Bourdelle, et la gravure avec Stanley Hayter et Johnny Friedlaender, tous des maîtres dans leur discipline. Elle crée aussi des œuvres textiles (tapisseries) et céramiques (vitraux).
Elle s’installe en France en 1928, où elle se marie en 1930 avec le peintre d’origine hongroise Árpád Szenes ; elle est naturalisée en 1956.
En 1930, elle expose ses peintures à Paris. Après un bref séjour à Lisbonne et une période passée au Brésil durant la Seconde Guerre mondiale, elle vit et travaille en France, principalement à Paris, le reste de sa vie. Elle meurt dans cette ville à 83 ans.
Première femme à être ainsi distinguée, Vieira da Silva a reçu le grand prix national des arts du gouvernement français en 1966.
À la fin des années 1950, Vieira da Silva a acquis une renommée internationale pour ses compositions denses et complexes, influencées par Paul Cézanne, avec ses formes fragmentées, ses ambiguïtés spatiales et une palette de couleurs restreinte issue du cubisme et de l’art abstrait. Ces linéaments empruntés au monde réel et intégrés à une pratique picturale de tendance non figurative constituent certains des éléments caractéristiques de la définition du paysagisme abstrait, mouvement plastique à la tête duquel elle s’est rapidement retrouvée.
Elle est considérée comme un des plus importants artistes de l’art abstrait d’après-guerre bien que sa peinture ne soit pas purement abstraite. Ses œuvres axées sur les lieux de passage comme les ports, les carrefours, les rues, les gares (Gare Saint-Lazare, 1949), rideaux, fenêtres ou portes où tout s’emmêle, où rien ne commence rien ne finit, où progressivement l’angoisse émerge au fil du temps, ressemblent souvent à des villes labyrinthiques ou à des rayonnages de bibliothèque, allégories d’une quête éternelle de connaissance et d’absolu.
Vieira da Silva a exposé ses œuvres dans de nombreux endroits à travers le monde et a gagné un prix de peinture à la biennale de São Paulo en 1961.
En 1988, une exposition personnelle est présentée au Grand-Palais à Paris. Vieira da Silva est la première femme peintre à connaître une manifestation de cette envergure de son vivant.
En novembre 1994 est inaugurée la Fondation Árpád Szenes-Vieira da Silva à Lisbonne qui expose une importante collection des deux artistes.
Elle a fait partie des peintres réunis pour l’exposition « L’envolée lyrique, Paris 1945-1956 » présentée au musée du Luxembourg (Sénat) en avril-août 2006 (La Ville de Sindbâd, 1950 ; Le Port, 1953, du musée de Cologne ; Composition 1955, 1955).
— René Char (1960)
Suite : Maria Helena Vieira da Silva
1908 — Lisbonne, Portugal | 1992 — Paris, France
Informations
Peintre française.
La ville règne sans partage sur la vie et l’œuvre de Maria Helena Vieira da Silva : Lisbonne, le berceau des origines, où, enfant, elle apprend la solitude, l’observation, la contemplation ; Paris, la capitale d’élection, où elle s’établit en 1928 et rencontre la galeriste Jeanne Bucher qui fait connaître son œuvre, et le peintre hongrois Árpád Szenes, compagnon d’une vie ; Rio de Janeiro enfin, la ville de l’exil, que tous deux rejoignent en 1940 – pour retrouver Paris sept ans plus tard. À cette topographie se joignent, dans sa peinture, les villes de passage et les cités imaginaires. Lieux et objets de son enfance influencent un monde intérieur dont sa création picturale rendra témoignage : des bibliothèques et des théâtres, des partitions de musique et des jeux d’échecs, des passages pavés d’azulejos et les dentelles de fer de quelque architecture parisienne. Que son motif premier soit une nature morte, une chambre déserte ou une capitale bruyante, sa peinture adopte volontiers la forme du dédale : un réseau en toile d’araignée, un damier distordu, où l’œil erre, se perd, s’assombrit ou s’éclaire. Ce réseau, que l’on peut comprendre comme une métaphore de la réflexion, demeure fondamentalement une exploration de la perception.
Née à Lisbonne en 1908, Maria Helena Vieira da Silva s’est très tôt « réfugiée dans le monde des couleurs », une inclinaison qu’elle réaffirme à nouveau à la fin de années 1980 dans son Testament pictural :
« Je lègue à mes amis Un bleu céruléum pour voler haut Un bleu de cobalt pour le bonheur Un bleu d’outremer pour stimuler l’esprit Un vermillon pour faire circuler le sang allègrement […] Un jaune d’or : richesse […] Un jaune baryte : science-fiction, brillance, éclat Un ocre jaune pour accepter la terre […] Un orange pour exercer la vue d’un citronnier au loin Un jaune citron pour la grâce »
Maria Helena Vieira da Silva s’est très tôt familiarisée avec l’art grâce à son grand-père, fondateur du journal lisboète O Século. Après des études à l’Ecole des Beaux-arts de Lisbonne, elle quitte son pays natal pour Paris, en 1928, où elle poursuit sa formation à l’Académie de La Grande Chaumière, suit les cours de Fernand Léger, de Bourdelle ainsi que ceux de l’Académie Ranson. Elle rencontre à cette époque son futur mari, le peintre hongrois Árpád Szenes. Initiée aux nouveaux courants artistiques de l’Impressionisme, du Futurisme et Cubisme ainsi qu’à la sculpture, elle se consacre, dès 1929, essentiellement à la peinture, et cherche son propre style, par le regard et l’expérimentation, revendiquant de ne vouloir appartenir à aucun courant précis. Les recherches spatiales de l’Ecole de Sienne ainsi que la perspective l’enthousiasment tout comme la découverte de Cézanne et ses Joueurs de cartes dans leur continuité spatiales qui lui donnent « la clef pour passer derrière le mur apparemment sans issue ». La collaboration avec Jeanne Bucher débute en 1933, avec la parution de l’édition Kô & Kô. A cette époque, Vieira da Silva s’intéresse à des perspectives inhabituelles construites autour d’un point de fuite où l’espace joue un rôle primordial. Elle va ensuite le construire par la couleur et les formes en losanges, rappelant les azulejos portugais, créant un réseau structuré « où les personnages se promènent, montent, descendent » dans une maille spatiale. Elle entend par la perspective, « parvenir à suggérer un espace immense dans un petit morceau de toile » en créant un espace propre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Vieira da Silva et son mari partent au Portugal, puis s’exilent au Brésil, avant de rentrer à Paris en 1947. A son retour, l’Etat français initie une politique d’acquisitions de ses œuvres. Naturalisée française en 1956, Vieira da Silva a reçu de nombreux prix, tant portugais que français, dont le Grand Prix National des Arts en 1966. Elle est ensuite nommée Chevalier de la Légion d’honneur en 1979 et reçoit la Grande Croix de la Liberté au Portugal dans les années 80.
Les perspectives infinies de ses compositions se lisent toujours comme la manifestation d’une essentielle exploration de l’espace, de ses recoins et de ses liens, qu’ils soient intimes comme des chambres ou lointains comme des couloirs étirés. À partir d’une convergence de lignes tissées en réseaux, elle invite l’œil à identifier des images émergentes puisant leur source dans ses souvenirs et son sens intuitif du motif et du rythme. L’espace psychologique que crée cette représentation fragmentée de la réalité capte la façon dont l’esprit retient et remodèle les souvenirs : il ne renvoie pas seulement à sa vie à Paris, mais aux expériences sensorielles de son enfance à Lisbonne, célèbre pour ses rues pavées de losanges, la calçada portugaise. Bien qu’elle entretienne un sens de la profondeur de l’espace et des perspectives au moyen d’une structure et d’un ordre sous-jacents, Vieira da Silva se plaît à brouiller la frontière entre représentation et abstraction, de sorte que les surfaces évocatrices de pièces, de maisons, de gares connues, de ponts traversant ou de vues urbaines aériennes ne décrivent jamais totalement un seul lieu ou panorama, mais un enchevêtrement de lieux visités. Vieira da Silva peint certainement son étonnement d’être un être vivant, de bouger, de persévérer, de s’ouvrir à la lumière et à l’échange avec tout ce qui l’entoure. Dans la croissance des tissus organiques de ses tableaux, où les lignes se croisent et se recroisent, elle découvre toujours de nouvelles issues de lumière, ce vide/plein, cette destination de présence inconnue qu’elle explore depuis le début de son œuvre et, plus particulièrement, dans ses œuvres des années 70 à 90, où une trajectoire ascensionnelle se fait plus évidente, comme si notre vie s’apparentait à un chemin de traverse dont on était soi-même l’architecte, l’ingénieur et le concepteur, évoluant au sein d’une réalité où la multiplication des points de vue fait vaciller les certitudes au gré d’un parcours labyrinthique où l’artiste est seule détentrice du fil d’Ariane. Son incertitude devient une certitude où ce qui la guide est l’innovation et l’exigence d’une quête métaphysique et spirituelle profonde. Les toiles des dernières années se libèrent de toute structure comme pour mieux sonder la lumière, cette clarté lumineuse qui se trouve au-delà du miroir de la vie.
Vieira da Silva décède à Paris en 1992, deux ans après la création de la Fondation Árpád Szenes – Vieira da Silva à Lisbonne et juste avant l’inauguration du Musée qui abrite ses œuvres et celles de son mari. L’artiste sera fidèle, promue et défendue toute sa vie et encore aujourd’hui par la Galerie Jeanne Bucher Jaeger : Jeanne Bucher l’a fait connaître à ses débuts, Jean- François Jaeger a assuré la promotion de l’oeuvre de 1947 à 2003, et, depuis 2004, sa Présidente Véronique Jaeger, ayant été notamment co-commissaire des expositions commémoratives des dizième et vingtième anniversaires de la Fondation lisboète, poursuit cette mission en participant depuis 2004 à d’innombrables expositions, tant en France qu’à l’International. Exposées dans le monde entier, ses œuvres figurent aujourd’hui dans les collections des plus grandes institutions et Fondations privées internationales ; aux États-Unis, celles du MoMA (premier acquéreur de son œuvre) et du Guggenheim à New York, de la Phillips Collection à Washington, du San Francisco Museum of Modern Art et de l’Art Institute à Chicago ; en France au Centre Pompidou-Mnam et du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, des musées de Dijon, Marseille, Colmar, Nantes, Metz, Rouen, Lyon, Grenoble, du Musée Stedelijk à Amsterdam, de la Tate Modern à Londres, de la Gulbenkian à Lisbonne, du Musée de Bâle en Suisse… En 2019, la galerie conçoit avec deux confrères une exposition itinérante historique entre Paris, Londres et New York. En 2022-2023, dans le cadre de la Saison-France Portugal, le musée des Beaux-Arts de Dijon et le musée Cantini de Marseille, en partenariat avec la Galerie Jeanne Bucher Jaeger, organisait une rétrospective intitulée Vieira da Silva, L’œil du Labyrinthe ; cette rétrospective rassemblait plus de 80 œuvres iconiques dans le cheminement de l’artiste, provenant d’institutions prestigieuses.
En 2023-24, le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat, en collaboration avec la Fondation Árpád Szenes – Vieira da Silva à Lisbonne, organise, pour la première fois au Maroc, une exposition majeure dédiée au couple Maria Helena Vieira da Silva et Árpád Szenes, intitulée Une histoire d’amour et de peinture. Dans le cadre des commémorations du Cinquantenaire de la Révolution des Œillets au Portugal, Vieira da Silva est choisie par l’Etat Portugais comme la figure artistique officielle symbolisant la notion d’universalisme et de liberté. Une exposition intitulée A nos a Liberdade (A nous la Liberté), rassemblant une trentaine de peintures majeures, est inaugurée le 23 avril 2024 au Palais Sao Bento de l’Assemblée de la République à Lisbonne jusque fin juillet 2024 : on peut notamment y voir les deux œuvres réalisées par Vieira da Silva avec Sophia de Mello Breyner Andresen intitulées A Poesia esta na rua (la Poésie est dans la rue) célébrant la Révolution des Œillets. La Galerie Jeanne Bucher Jaeger organise une présentation d’œuvres majeures à l’occasion d’Art Paris début avril 2024, et le Théâtre de la Ville de Paris présente une quinzaine de reproductions de peintures essentielles de Vieira da Silva, placées dans l’entrée du Théâtre durant près d’un mois, à l’occasion des commémorations de la Révolution des Œillets rendant ainsi hommage à une artiste ayant toujours placé les valeurs de liberté et d’universalisme au cœur de son œuvre.
En 2024-25, Maria Helena Vieira da Silva est présentée dans l’exposition InformELLES: Women Artists and Art Informel in the 1950s/60s à Hessen Kassel Heritage, Kassel en Allemagne.
Les labyrinthes de couleurs de Maria Helena Vieira da Silva
Maria Helena Vieira da Silva, Le Jeu de cartes, 1937, huile sur toile et traces de mine de plomb, 73 x 92 cm Courtesy galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Exécuté en 1937, Le Jeu de cartes révèle la maîtrise plastique de l’artiste d’origine portugaise Maria Helena Vieira da Silva, alors âgée de 29 ans. Dès lors, elle fera de la perspective, non pas le moyen, mais le véritable sujet de toute représentation.
Trois galeries internationales se réunissent pour faire rayonner à nouveau l’œuvre de la peintre Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) qui allie compositions semi-abstraites et poésie. Les galeries Jeanne Bucher Jaeger à Paris, Waddington Custot à Londres et Di Donna à New York organisent une exposition itinérante d’une quarantaine de peintures et d’œuvres sur papier de cette artiste d’origine portugaise, naturalisée française en 1956, dont les œuvres sont conservées dans les plus grands musées, tels le Guggenheim de New York, la Tate Gallery de Londres ou le Centre Pompidou à Paris. Ponctuée de prêts de pièces emblématiques de l’artiste, cette exposition commerciale entend réévaluer « cette œuvre d’une contemporanéité évidente, qui évoque des espaces en réseau », selon la galeriste Véronique Jaeger, de la galerie Jeanne Bucher Jaeger. Présentée à la galerie Waddington Custot à Londres jusqu’au 29 février, elle partira ensuite pour New York, chez Di Donna Galleries, du 26 mars au 29 mai 2020.
Une artiste réfugiée dans un monde de couleurs et de symboles
Née à Lisbonne en 1908, Maria Helena Vieira da Silva s’est très tôt « réfugiée dans le monde des couleurs », une inclinaison qu’elle réaffirme à nouveau à la fin de années 1980 dans son Testament pictural :
« Je lègue à mes amis Un bleu céruléum pour voler haut Un bleu de cobalt pour le bonheur Un bleu d’outremer pour stimuler l’esprit Un vermillon pour faire circuler le sang allègrement […] Un jaune d’or : richesse […] Un jaune baryte : science-fiction, brillance, éclat Un ocre jaune pour accepter la terre […] Un orange pour exercer la vue d’un citronnier au loin Un jaune citron pour la grâce »
Dans l’huile sur toile intitulée Le Jeu de cartes (1937), le peintre donnait déjà un avant-goût de ce poème en une œuvre chatoyante, « dans l’éclairage d’une solarité rayonnante », selon l’expression de Jean-François Jaeger, ancien directeur de la galerie Jeanne Bucher Jaeger. Maria Helena Vieira da Silva y multiplie les variations sérielles de plusieurs formes : carreau, cœur, pique, trèfle, valet, dame, roi. Démultipliés, déformés au gré de son imagination, ces signes changent progressivement d’aspect : le carreau s’étire et devient losange, les piques et les cœurs s’accumulent, les figures des cartes se répercutent tête-bêche en images stylisées comme dans un miroir déformant, se simplifiant en pictogrammes.
Maria Helena Vieira da Silva, Le Jeu de cartes, 1937, huile sur toile et traces de mine de plomb, 73 x 92 cm. Courtesy galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Ce ballet de symboles et de figures est supporté par une trame dynamique en forme de damier, véritable grille de couleurs. Des carreaux qu’elle a découverts dans les nappes des œuvres de Bonnard et dans ses femmes au bain, en particulier Nu dans le bain de 1936, qui s’inscrit chronologiquement entre ses tableaux La Chambre à carreaux de 1935 et Le Jeu de cartes de 1937. Entre abstraction et figuration, Maria Helena Vieira da Silva exploite aussi librement le souvenir des azulejos de Lisbonne, dont elle est imprégnée. Elle déclarera du reste en 1978 à Anne Philipe, dans le livre d’entretiens L’éclat de la lumière : « Au Portugal, on trouve beaucoup de petits carreaux de faïence, des azulejos, le mot vient d’azur, parce qu’ils étaient bleus. Ils sont un motif de décoration traditionnel dans les vieilles maisons. Cela aussi m’a influencée. Enfin cette technique donne une vibration que je recherche et permet de trouver le rythme d’un tableau. »
Au-delà de Mondrian : la perspective chancelante
Musicienne qui travaille en écoutant Haydn ou Mozart dans son atelier parisien en compagnie de son mari artiste Árpád Szenes, Maria Helena Vieira da Silva expérimente des espaces animés de petits carreaux à partir de 1935, date à laquelle la question de la perspective focalise son attention. Elle revient alors d’un long voyage en Italie où elle a découvert les grands maîtres siennois et leurs fresques, entre autres celles de Lorenzetti, dont la perspective la fascine. Dès lors, elle se concentre sur la mise à l’épreuve des règles classiques à l’intérieur d’un schéma constant, celui de la chambre close, qui doit aussi aux intérieurs métaphysiques de De Chirico. « Pourquoi faites-vous la perspective ? », lui demandera un jour le peintre Wols. « Je savais que cela ne se faisait pas dans l’art moderne mais il fallait que je le fasse quand même », répondra-t-elle. Mais, bien loin d’une perspective illusionniste, on retrouve dans Le Jeu de cartes un réseau de courbes perspectives qui vont se resserrant, dans un mouvement ondulatoire. Au lieu de se creuser, l’espace s’incurve. « Si j’ai utilisé ces petits carreaux, cette perspective chancelante (c’est moi qui la qualifie ainsi), c’est parce que je ne voyais pas l’intérêt de poursuivre Mondrian ou un autre. Je voulais quelque chose d’autre. Je voulais que les gens ne soient pas passifs. Je voulais qu’ils viennent, je voulais qu’ils participent aux jeux, qu’ils se promènent, montent, descendent… », dira l’artiste de l’École de Paris en 1990.
Jeux de hasard
Mais à quel jeu se livre-t-elle donc ? Interrogation sur le hasard et la destinée, Le Jeu de cartes donnera plus tard naissance aux toiles La Partie d’échecs en 1943 et à Échec et mat en 1949-50. « Vieira da Silva nous entraîne dans un jeu où elle ne cesse de rebattre les mêmes cartes pour aller, toujours, y puiser du nouveau », écrit l’historien d’art Pierre Wat dans le catalogue de l’exposition. Ses espaces semi-abstraits tels que La Scala (1937) ou Le Ballet (1946) en témoignent, invitant le spectateur à explorer tous les points de vue, selon la « vision multiple et une » dont parle son ami le poète René Char. Plus encore, s’interrogeait la critique d’art Dora Vallier en 1971, « ne faut-il pas voir en ce Jeu de cartes la préfiguration littérale de la peinture de Vieira da Silva, l’image déjà en place de l’ouverture sans issue, dénommée labyrinthe, qui en sera l’emblème ? ».
Non, il ne s’agit pas de colère. Ce n’est pas moi qui suis “remonté”, c’est le billet. Celui sur Chantal Akerman, enfoui parmi les autres , que les fainéants ne trouvent pas, alors que la fonction “recherche” fonctionne admirablement dans mon petit site.
On m’a dit que mon texte était “vraiment amoureux”. Soit.
Je remonte l’article en collant juste un lien. Ce qui est assez étrange : un lien vers un lien, dans le même espace. Encore, soit. Ci-dessous.
114 photographies choisies, un clic sur l’image pour agrandir, si l’on veut. Après avoir essayé mille supports de diaporama, par clics, flèches, automatisme, j’ai pu constater, qu’en réalité, nul ne va sur son ordinateur et reste collé à son petit téléphone.
Et dans cet espace un peu ridicule pour apprécier une image, le simple défilement de haut en bas,sans diaporama ou salamalecs hype, est la meilleure des solutions pour lire plusieurs photos ou les agrandir, par un clic ou en zoomant. On aura constaté que mon introduction à ces 114 photographies que j’aime beaucoup ne s’encombre pas de dithyrambes et ou de commentaires sur la géométrie ou la couleur. Ça repose. Il fallait, néanmoins introduire.
J’ai confondu, à l’occasion d’une conversation, Lee Miller et Lee Krasner. Je n’ai pas vu le film sur Lee Miller, modèle de Vogue, devenue photographe de guerre avec Kate Winslet, parait-il, “au sommet de son art”. Le quiproquo me fait rendre honneur à l’immense Lee Krasner.
Je colle, ci-dessous, l’introduction à la dernière exposition de l’artiste au musée de Bilbao dans lequel j’ai passé des moments merveilleux (il faut loger à l’hôtel en face dont le nom a changé, Grand Hôtel Domine, qui est devenu “The Artist Grand hôtel of Art). Son café sert des plats simples et délicieux à base de morue, son bar est plus espagnol que basque. Et sa terrasse du petit -déjeuner somptueux qui surplombe le musée, est inoubliable.
Puis plus bas quelques œuvres. Sans commentaire (silence de l’image, silence sous l’image, on connaît )
Pour ceux qui ne se souviennent plus de l’allure du musée de Bilbao (archiecte Frank Ghery), on en donne une photo, même s’il ne s’agit pas de l’objet de ce billet sur Lee Krasner.
On revient à Lee.
Lee Krasner (1908─1984), dont le nom d’origine était Lena Krassner, est née à Brooklyn et a grandi dans une famille d’émigrants russes juifs orthodoxes. À l’âge de 14 ans, elle décida de se consacrer à l’art et elle fut l’une des premières artistes à New York à adopter une approche totalement abstraite, devenant ainsi une pionnière de l’expressionnisme abstrait. En 1942, ses œuvres firent partie de l’exposition collective French and American Painting et, comme le seul artiste de cette exposition qu’elle ne connaissait pas était Jackson Pollock, Krasner décida d’aller lui rendre visite dans son atelier. Dès lors, ils entamèrent une relation, se mariant en 1945, et déménageant à Springs, dans Long Island.
Contrairement à un grand nombre de ses contemporains, Krasner refusa d’avoir un « style distinctif », ce qui lui semblait « rigide et nullement vivant ». Travaillant par cycles d’œuvres, elle chercha continuellement de nouveaux moyens d’atteindre une expression authentique, même dans des périodes particulièrement agitées dues à l’instabilité émotionnelle de Pollock et sa mort soudaine dans un accident de voiture en 1956. L’esprit brillant de Krasner se retrouve dans l’ensemble des œuvres qu’elle a créées dans son atelier pendant plus de cinquante ans, et que nous célébrons dans cette exposition.
Tom Wesselmann, Great American Nude #75, 1965Canaletto. 1742René MagritteCaspar Friedrich Caspar FriedrichCharles Conder, vacances à Menton. 1888Diego Rivera. AvilaEvelyne Axell, Ice Cream (détail), 1964, huile sur toile, 80 x 70 cm,Frida Kahlo. Autoportrait à la robe de velours rougeGabriele MunterHans Bellmer, La Poupée, 1935-1936, bois peint et matériaux diversHenri MartinJean Fautrier, le pot de confiture, 1964Joan MitchellJoan Mitchell, La Grande Vallée, 1983, huile sur toile, 259 x 200 cmJosé de Ribera
Lavinia Fontana, Antonietta Gonzalvus, v. 1595, huile sur toile, 57 x 46 cm,
Lawrence Stephan Lowry. 1930
Lawrence Stephan Lowry. Coming from the mill. 1930Lee Krasner, portrait en vertLee Krasner. 1947ManetMichael Peter Ancher 1896Peder Severin Krøyer 1893Peder Severin Krøyer 1885Peter DoigRené Magritte, L’Empire des lumières, 1954, huile sur toile, 146 x 114 cmRaphaëlle Peria Apothéose écœurée des étoiles, 2024, grattage sur photographie, 100 x 130 cmTamara de Lempicka, Saint-Moritz, 1929, huile sur bois, 35 x 27 cmTarsila do Amaral, Figura em Azul [Figure en bleu], 1923, huile sur toile, 80 x 60 cm,Ylva Snöfrid, Breathing, Cosmos Vanitas, Jungfraujoch, Night, entre 2023 et 2024Tom Wesselmann, Great American Nude #75, 1965Tom Wesselmann, Mouth #14 (Marilyn), 1967, huile sur toile, 152,4×274,3 cm
Par centaines, je suis en train de collationner mes peintures préférées, de toutes époques, pour en faire, comme pour la photographie, un “musée imaginaire”, légué (on ne sait jamais, on peut disparaitre) à ceux qui auront envie d’y jeter un oeil.
Le site, assez bien organisé de Google (https://artsandculture.google.com) présente, quelquefois assez bien, les oeuvres. Mieux que Wikiart. J’y cherchais la peinture en tête de ce billet, que j’avais aimé à une époque où j’aimais tout.
L’artiste se nomme Joan Brown, décédée tragiquement en Inde, sous un plafond où elle installait une sculpture…
Mais la traduction automatique que propose désormais tous les sites grace à l’I.A me l’a intitulé “Peinture de Jeanne Brun“.
Ça m’a permis de sourire en regardant le tableau. Ce que je ne fais jamais.
Je vais écrire l’histoire de Jeanne Brun, habitante d’un petit village du Nord de la France qui vient d’être démasquée, rescapée d’un accident en Inde et qui est devenue mercière.
Je colle la rubrique “traduite”. Je ne rigole pas:
“Détails
Titre: Noel in the Kitchen
Créateur: Jeanne Brun
Durée de vie du créateur: 1938 – 1990
Nationalité du créateur: Américain
Sexe du créateur: Femelle
Lieu de naissance du créateur: San Francisco, Californie
Lieu de décès du créateur: Proddatur, Inde
Date de création: Californie. 1964
Dimensions physiques: l2743,2 x h1524 po (hors tout)
À propos de l’artiste: Après avoir fréquenté l’École des Beaux-Arts de Californie (aujourd’hui le San Francisco Art Institute), Joan Brown a rapidement connu le succès en travaillant dans le style de son mentor, le peintre figuratif de la Bay Area, Elmer Bischoff. En 1964, cependant, elle se rebelle contre les contraintes stylistiques et se retire dans son atelier pour expérimenter. Elle s’est éloignée de l’application de peinture épaisse et a commencé à explorer des thèmes autobiographiques et spirituels. Sa nomination en 1975 à la faculté de l’Université de Californie à Berkeley lui permet une plus grande indépendance par rapport au marché de l’art. Quelques années plus tard, son travail change à nouveau de direction, augmentant son ampleur, s’orientant vers la sculpture, incorporant des carreaux de mosaïque et abordant des sujets davantage non occidentaux. En 1990, le plafond d’un temple en Inde où elle installait une sculpture en mosaïque s’est effondré, tuant Brown et deux assistants.
Je “remonte” un billet écrit il y assez longtemps, déjà “remonté”. Seuls des forcenés de la lecture vont chercher, dans ce site, plus loin que dans les derniers articles.
J’ai manié ce concept dans une conversation récente. Il est absolument fécond. “La Torah n’est plus au ciel”
Le texte qui fabrique une image par le biais d’un logiciel (ici Adobe Firefly) est dénommé le “prompt”.
Extrait d’un site en ligne : définition, le mot anglais prompt est une commande écrite transmise à un modèle de langage ou à un autre système d’IA pour qu’il génère une réponse en conséquence. Fondamentalement, il s’agit d’une instruction destinée à un algorithme, qui l’interprète ensuite pour produire un résultat.
1- J’ai reçu hier un message d’une femme qui me racontait une escapade loin de la Métropole et qui me disait s’être presque noyée, seule, au milieu de l’océan dans une mer agitée. Par un copier/coller approximatif, j’ai écrit mon prompt, ma “commande”. Voici ce que j’ai obtenu :
Donc, photo sans appareil, sans être sur place à tenter de la sauver. Mais elle ne se noie pas, le logiciel devant préférer la vie et la simple baignade. Il a raison. Copyright MB, même si c’est de l’IA, c’est mon prompt. Vrai débat,s’il en est.
2 – Puis, j’ai enlevé du prompt la presque-noyade, ai ajouté mer d’huile et Caraïbes. Et voilà. Pas satisfait : La femme est trop visible, j’ai oublié de la décrire de dos et d’ajouter “au loin”
3 – Je n’inflige pas ici la nouvelle, à la manière de Gros Câlin d’Émile Ajar, que j’ai écrite par Chatgpt, l’IA en ligne.
L’hhistoire d’une femme qui marchait à reculons, comme un matador, ne montrant que son magnifique dos, laissant l’univers deviner son visage.
ChatGpt a quand même compris que si la femme marchait à reculons en montrant son dos, les autres, dans la scène, pour ne pas avoir la possibilité de voir son visage devait aussi marcher à reculons, derrière elle. Dans le cas contraire, il suffisait de se retourner dès qu’elle se trouvait, nécessairemen,t derrière eux en marchant,eux ne faisant que la croiser. Relisez.
Pour ce qui concerne le texte que je ne donne pas (perdu en réalité et je ne peux écrire le même prompt, ne m’en souvenant plus à la virgule près, pour obtenir le même résultat), je peux être pris pour un pédant si j’affirme que je préfère mon style. Mais c’est sûrement du fait de cette histoire emberlificotée que j’ai inventée, sûrement pour défier ChatGpt. Nul, y compris l’I.A ne pouvait s’en sortir. Et moi, je n’ai pas essayé, tellement le scénario était certes fantasque mais inintéressant.
4- Pour continuer, je reviens à un autre résultat je colle le résultat d’un prompt photo dont je suis le plus fier et dont beaucoup me demandent de l’encadrer, façon galerie, pour la leur offrir avec la légende “créé sans appareil par MB”.
Je refuse, mes Fuji et Canon que je ne renie pas, qui sont mes compagnons dans les minutes bleues ou grises ne me le pardonneraient pas et me fabriqueraient de vilaines images, au moindre déclenchement, même celui attentionné et parfaitement pensé (ouverture, vitesse, bokeh, cadrage 2/3, sans I.A).
L’arrivée d’un monde ne peut bannir celui qui vous a porté, surtout (je l’ai écrit mais y reviens dans un long billet, presque prêt) quand ils ne sont pas concurrents, l’un (celui de l’IA) n’étant pas une terre autonome mais, plus simplement, une amie qui aide, que l’humain a créée, pour souffler et avancer. Et qui, surtout, fabriquée par les humains ne fait que partie des mêmes, y compris si la chose les dépasse. Ce qui n’est pas nouveau. Le dépassement de soi est aussi soi. Les peureux ont toujours peur.
Voici la photo :
VARIANTES, MÊME SALLE, MÊME CIEL
4 – Pour continuer encore dans ce long billet je colle ce que Chatgpt (désormais payant, mais pas pour moi qui ait fait partie de ses “béta-testeurs”) a fait de mon prompt littéraire, par lequel par quelques indications, il est vrai assez vagues, je lui ai demandé d’écrire à la manière de Ian Mac Ewan un texte sur l’image ci-dessus (la femme de dos dans la salle de cinoche)
Je le donne ci-dessous. Vous jugerez.
Je préfère écrire sans chat (je viens d’inventer une nouvelle expression). N’empêche, ça a pris 1mn à l’I.A Chat.
TEXTE CHATGPTGÉNÉRE PAR UN PROMPT D’UNE LIGNE
Dans une salle de cinéma surréaliste, entre les fauteuils de velours rouge, une femme demeure debout, enveloppée dans un imperméable immobile. Devant elle, un écran affiche un ciel nocturne mordoré. Le spectateur, plongé dans l’énigme, contemple la scène depuis l’angle mystérieux de son dos, captivé par la silhouette énigmatique qui se tient au cœur de cet univers cinématographique onirique. La raison de sa présence reste insaisissable, tout comme les rêves qui dansent à l’intérieur de cette salle, fusionnant réalité et illusion dans une danse éthérée.
La femme en imperméable se nommait Clara, une voyageuse du temps qui s’était égarée dans une dimension cinématographique étrange. Un éminent scientifique, elle avait conçu un dispositif expérimental pour explorer les recoins temporels, mais une défaillance l’avait transportée dans ce monde éthéré.
Trouvant refuge dans cette salle de cinéma surréaliste, Clara cherchait désespérément un moyen de retourner à sa réalité d’origine. L’écran, avec son ciel nocturne mordoré, était devenu la clé de ses espoirs. Elle était convaincue que derrière cette image se cachait le portail temporel qui la ramènerait chez elle.
Entre les fauteuils de velours rouge, Clara attendait, scrutant chaque détail du ciel sur l’écran, espérant voir une fissure spatio-temporelle qui la libérerait de cet étrange labyrinthe cinématographique. Les spectateurs, ignorants de sa quête, assistaient à un spectacle surréaliste, sans comprendre pourquoi cette femme, seule et énigmatique, demeurait immobile dans l’obscurité de la salle.
Clara, revêtue de son imperméable, se tenait seule au centre de la salle de cinéma surréaliste. Ignorante de la présence discrète d’un homme à l’arrière, elle était plongée dans son monde intérieur, observant intensément le ciel nocturne mordoré sur l’écran.
Cet homme, mystérieux observateur, était fasciné par la scène étrange qui se déroulait devant lui. Intrigué, il se demandait pourquoi cette femme solitaire était là, immobile, entre les fauteuils de velours rouge. Ses intentions étaient pures, guidées par la curiosité plutôt que par la menace.
Il se posait des questions silencieuses, cherchant à comprendre le mystère qui entourait la présence de Clara. Dans l’obscurité de la salle, les destins de ces deux individus se croisaient, chacun portant ses interrogations sans que l’autre en soit conscient. Une toile de mystère tissée par le hasard dans cette dimension cinématographique insolite.
L’homme, intrigué par la femme en imperméable, décida de s’approcher silencieusement. Un sourire bienveillant éclaira son visage lorsqu’il se tint à quelques pas d’elle. Clara, absorbée par son observation du ciel sur l’écran, ne remarqua initialement pas sa présence.
Le sourire de l’homme reflétait une curiosité partagée, une volonté de comprendre l’histoire qui la maintenait là, au milieu de cette salle surréaliste. Sans briser le charme du lieu, il chercha à établir un contact, prêt à découvrir les secrets que cette étrange rencontre pourrait dévoiler.
Clara, sentant la présence de l’homme, se retourna lentement vers lui, un sourire énigmatique éclairant son visage. Intriguée par sa propre curiosité, elle lui posa des questions étranges sur son origine, cherchant à percer le voile qui entourait non seulement la salle de cinéma, mais aussi la mystérieuse connexion qui semblait les unir.
Les questions de Clara étaient comme des fragments d’une énigme temporelle, des échos de sa propre aventure perdue. L’homme, se laissant emporter par le jeu mystérieux de cette rencontre, répondit avec une égale étrangeté, créant ainsi un dialogue imprégné de mystère et d’interrogations. Dans cette dimension cinématographique, le fil du temps se tissait autour d’eux, mêlant leurs destinées de manière insaisissable.
L’homme, en réponse aux énigmes de Clara, ne prononça pas un mot. Au lieu de cela, il sortit discrètement un petit appareil photo de sa poche. D’une voix douce, il lui demanda de se retourner dans sa position initiale. Clara, curieuse, s’exécuta, ne comprenant pas totalement les intentions de cet étranger.
Soudain, le bruit caractéristique du déclencheur de l’appareil photo résonna dans la salle. L’homme venait de capturer le moment, figeant l’image de Clara devant l’écran mordoré. Les questions persistaient, mais désormais, elles étaient immortalisées dans une photographie mystérieuse, témoignage d’une rencontre éphémère entre deux âmes perdues dans cette réalité cinématographique unique.
5 – AUTRES IMAGES, MÊME CIEL
6- ET POUR FINIR, en gardant le même ciel, UNE PRESENTATION DU SPECTACLE D’AMIS DE GRAND TALENT QUI SONT SUR SCÈNE LES DIMANCHES 4 et 11 février, à 17:30 au Théatre de l’Ile-Saint Louis, 39 Quai d’Anjou 75004 Paris.
BERLIN SUR SEINE, titre magnifiquement trouvé, une danse d’airs, voix et piano en verve, dans les cieux entre Paris et Berlin. Brecht, Eisler, Prévert, Cosma, Weill, Berger, à l’honneur. On a donc mélangé par IA et prompt Les berges de la Seine et la Porte de Brandenburg à Berlin, entourant le piano dont va s’emparer Isabelle Serrand, pour accompagner Wolfgang Pissors.
“Israël ne devrait pas être autorisé à attaquer les pays de «l’Axe de la Résistance les uns après les autres», a déclaré dimanche le président iranien Masoud Pezeshkian”
1 je ne savais pas qu’on devait autoriser Israël à attaquer (à se défendre).
Qui donne l’autorisation ?
Mélenchon, Hubert Védrine, Khamenei ? Peut-être De Villepin…
2- Israël est par contre autorisé, à lire la déclaration, à contrario, à attaquer ses ennemis non pas les uns après les autres mais “en même temps”. Là c’est évidemment Macron qui autorise.
En conclusion, Israël est autorisé à se débarrasser une fois pour toutes (pas deux) de ses ennemis.
Quand la guerre contre Israël rejoint les syllogismes, on peut être certain qu’il y une avancée notable dans la résolution d’un problème.
Antoine Compagnon« La littérature, ça rapporte ! »
Et même la poésie ! Rencontre avec l’académicien et professeur émérite au Collège de France, qui signe l’essai le plus stylé de la rentrée.
Propos recueillis par Christophe Ono-dit-Biot
Avantage compétitif. Antoine Compagnon, professeur émérite au Collège de France, sur le bord du lac de Genève, le 21 août 2024.
«À quoi sert la littérature ?La question choque les belles âmes. La littérature ne sert à rien, répondent-elles en chœur, et c’est très bien comme ça. » Erreur stratégique, selon Antoine Compagnon. À l’heure où, rentrée littéraire oblige, on s’interroge davantage sur le sort et le devenir de la lecture menacée par l’écran roi et la rentabilité immédiate, l’académicien et professeur émérite au Collège de France dégaine un essai tonique et essentiel, La littérature, ça paye ! (Les Équateurs). Les gens lisent moins ? Ils ont tort ! Car la littérature, bien au contraire, rapporte. Aux auteurs, c’est très aléatoire, mais, aux lecteurs, c’est une chose certaine et, même, le meilleur des investissements. Certes, il est bon qu’il y ait en ce monde de plus en plus utilitariste des choses qui ne servent à rien, et qui doivent être préservées amoureusement. Mais si, en plus, elles servaient ? La démonstration de Compagnon est implacable, tout autant qu’espiègle. Partageant ses lectures (Proust, Baudelaire, Colette…) et les leçons de vie qu’il a tirées de ces « parallélépipèdes magiques », il stimule, provoque et réenchante avec lucidité une pratique vue à tort comme déconnectée de la « vraie vie ». Jeunes gens (et moins jeunes), voulez-vous être renards ou hérissons ? Vous ne le saviez pas, mais la question est cruciale. Réponse ci-dessous. Fine lame. Antoine Compagnon a été élu à l’Académie française en 2022. « J’ai choisi de faire figurer un hérisson sur mon épée d’académicien : il faut combiner la vitesse de l’épée et la lenteur du hérisson. »
Le Point : « La littérature, ça paye », dites-vous… Avant de citer votre cher Baudelaire, qui, dès 1846, dans « Conseils aux jeunes littérateurs », évoque celle-ci comme « une espèce de placement dont on ne touche que très tard les intérêts ». Très tard, en effet : dans son cas, ce fut après sa mort !
Antoine Compagnon : Et pour cela, encore faut-il pour les toucher avoir une postérité ! Je vous le concède, ce titre est ironique, mais, en réalité, uniquement en ce qui concerne les écrivains. Car, pour les lecteurs, la littérature paye vraiment. À l’origine, ce titre était d’ailleurs celui d’une conférence que j’avais donnée à HEC pour provoquer ces étudiants en business qui pensaient, de façon erronée, que la littérature ne les concernait pas… parce qu’elle ne pouvait pas leur rapporter.
Et en quoi elle était censée leur rapporter ?
Je crois profondément que la littérature donne au lecteur, quel qu’il soit, une hauteur de vue par rapport à son activité. La lecture vous apprend, en effet, par les différentes expériences qu’elle vous offre, à véritablement sortir de vous-même, à comprendre l’autre, à vous connaître vous-même comme « autre ». Proust en a parlé avant moi : dans la Recherche, son narrateur évoque les hommes « occupés » qui, dans les salons du faubourg Saint-Germain ou sur la promenade de Balbec, le toisent en le prenant pour un oisif, un dilettante, un amateur, un bon à rien, sous prétexte qu’il s’intéresse à la littérature et n’a pas les horaires de travail des gens bien. Mais il sait pertinemment que l’administrateur, le magistrat, l’ingénieur, le médecin, quand ils sont lettrés, réussissent mieux dans leur métier, vont plus loin dans leur carrière, sont davantage récompensés. Pour Proust, la littérature représente, en toute profession, un « avantage compétitif », comme disent les chefs d’entreprise.
Et vous partagez l’analyse de Proust ?
Et comment ! On le vérifie constamment. Le fait de lire de la littérature permet de développer une autre intelligence, qui tient de la perspicacité ou de la pénétration, du flair, comme chez un bon chien ou un renard. Une sorte de sixième sens que j’appelle la lettrure, qui se forge au contact des livres et qui permet de lever le nez du guidon. Celui ou celle qui a de la lettrure est moins narcissique, plus distant, plus pervers, aussi, mais moins dupe de lui-même, et plus conscient du rôle crucial du hasard et de la grâce dans la vie. Il est donc plus apte à exploiter les atouts qu’il a dans son jeu, parce qu’il a observé les grands héros littéraires, Fabrice del Dongo ou Lucien Leuwen, qui sont de grands joueurs. Rien de plus utile pour se débrouiller dans une vie moderne où l’on sera appelé à constamment s’adapter. Du reste, aux États-Unis, où j’ai longtemps enseigné, que l’on se destine plus tard au droit, aux affaires, à la médecine ou à l’architecture, des cours de culture générale, souvent littéraires, sont obligatoires. Toutes les femmes et les hommes « occupés » sortis de Columbia ou d’autres grandes universités auront lu Homère, Virgile, Dante, Rabelais, Cervantès, Rousseau, Goethe, Dostoïevski… Et il n’est pas exclu que cela ne leur donne pas un certain avantage stratégique.
Surtout dans une époque où la compétition des récits joue à plein ?
Oui. Quand il faut savoir se raconter, imposer sa version des choses, celui qui maîtrise le « narratif » emporte la partie. Un récit bien maîtrisé est la meilleure des armes, même pour la guerre, on le voit dans les conflits actuels, entre la Russie et l’Ukraine, Israël et le Hamas, qui sont aussi des guerres de récits. En politique également, le récit est crucial pour susciter l’adhésion. Dans le domaine des études médicales, on a vu surgir la « médecine narrative », qui aide les médecins et autres thérapeutes à améliorer l’efficacité des soins en développant la capacité d’attention, de réflexion, de collaboration avec les patients et les collègues, parce qu’on a pris conscience des limites d’une pratique qui considère les maladies uniquement comme des problèmes à résoudre. C’est la même chose dans les études de droit, où l’on recherche de plus en plus ce que Paul Ricœur appelait la « compétence narrative ». Cette compétence, la fréquentation des grands récits de la littérature vous la donne.
On n’a donc pas à s’inquiéter pour la littérature parce qu’elle serait partout, en somme… Pourtant, vous concédez que les gens lisent de moins en moins. Les chiffres parlent, et vous les donnez : sept minutes de lecture quotidienne pour les garçons de 16 à 19 ans, dix-sept minutes pour les filles, contre plus de cinq heures d’écran pour les deux sexes*. Ce n’est pas glorieux.
C’est vrai, et je doute de la validité des quarante et une minutes quotidiennes de lecture pour un Français, en moyenne, chiffre des dernières enquêtes déclaratives. En réalité, je pense que c’est beaucoup moins. Dans notre monde où l’exigence de rapidité et l’impatience sont désormais la norme, la lenteur que requiert la lecture littéraire est devenue inadmissible quand on la compare aux vitesses d’exécution atteintes par les nouvelles technologies… Vous tapez un « prompt », et l’intelligence artificielle générative vous livre aussitôt un laïus sur à peu près tout. Or il faut toujours autant de temps qu’en 1857 non seulement pour écrire, mais pour lire Madame Bovary. Comment accepter cela dans une époque qui veut que tout soit rentable ? La littérature, et la culture en général, autre profession qui ignore les gains de productivité, est comparable sur ce point à la coiffure : si c’est vite fait, c’est mal fait… Quant à l’ennui, qui a souvent été la condition de la lecture pour un homme ou une femme de ma génération (ah ! les étés où l’on tuait le temps avec un gros roman russe !), il est devenu prohibé, et les conditions de son apparition sont même impossibles avec un smartphone en main. Cela ne plaide pas, c’est vrai, pour la survie de la littérature, qui demande temps et concentration, ce qui n’empêche pas de reconnaître les avantages qu’elle confère sur leurs semblables à ceux qui continueront de s’y adonner.
Un avantage, y compris sur le plan intime. « Sans l’intelligence procurée par la lecture du “Rouge et le Noir”, je n’aurais pas vécu les trois derniers mois de la vie de ma mère avec la même conscience, la même acuité, la même présence », confiez-vous. On ne lit donc pas pour penser à autre chose ?
C’est le grand paradoxe de la lecture que de vous permettre de vous évader tout en vous rendant plus attentif à ce que vous traversez dans votre vie. Vous êtes dans les deux vies à la fois, et j’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas tant vivre la littérature comme si elle était la vraie vie que vivre sa vraie vie comme si elle était littérature. Ma mère était gravement malade. Elle souffrait d’un cancer. J’avais 14 ans. Je lisais le roman de Stendhal dans un état d’excitation quasi érotique et je découvrais des leçons essentielles chez Stendhal : les ressorts de l’amour et du pouvoir. Une nuit où je lisais fiévreusement Le Rouge et le Noir, je suis descendu boire un verre d’eau. Ma mère était en bas, assise sur une chaise dans la salle à manger, tenue éveillée par l’inquiétude de nous laisser seuls, elle qui allait mourir trois mois après et qui ne nous avait rien dit. Nous avons échangé quelques mots, et je me suis dit : « Maman va mourir. » Sans l’intelligence de la vie qui m’avait été procurée par ce roman (et par quelques autres livres que j’ai lus cette année-là, comme Sa Majesté des mouches,Richard II, ou Crime et châtiment), je n’aurais pas compris, je n’aurais pas vécu les trois derniers mois de la vie de ma mère avec cette intensité, cette lucidité sur ce qui était en train de se produire. Julien Sorel doit tout à ses lectures. Moi aussi.
Les livres, et ceux qui les écrivent, sont donc faits pour nous aider, comme vous le dites d’après une expression de Philippe Djian, « à traverser la rue » ?
Je le crois profondément. Même si je ne suis pas d’accord avec Djian quand il dit que Proust, contrairement à Raymond Carver, « ne sert à rien », car il ne serait bon qu’à procurer des émotions esthétiques pour ceux qui ont le temps de l’ouvrir en s’asseyant dans un fauteuil. Proust m’a véritablement aidé à traverser la rue. Et même à changer de trottoir. C’est lui qui m’a poussé à faire ma transition : comprenez, le fait que je sois passé des sciences aux lettres. C’est en lisant Proust que je me suis dit que les émotions esthétiques que je ressentais, je voulais les ressentir encore. Mais pas seulement : avec Proust, j’ai compris qu’on n’aime jamais l’autre pour lui-même, que désirer trop quelque chose, c’est s’assurer de ne pas l’obtenir, mais que la vie repasse les plats, qu’« on se retrouve toujours », comme dit Albertine. Ces grandes lois psychologiques proustiennes ne nous permettent-elles pas de traverser la rue, la vie, avec plus de détachement ? La littérature, en fait, vous transmet un savoir-vivre. Au sens propre, elle possède un savoir de la vie, et elle vous l’enseigne volontiers.
Vous faites dans votre livre un sort particulier à la « sérendipité ». Pourquoi ?
La sérendipité, qui vient d’un conte de l’écrivain Horace Walpole, lui-même inspiré par un conte persan, a été ressuscitée par le sociologue américain Robert King Merton (1910-2003), à qui l’on doit certains de ces grands concepts formulés dans des métaphores particulièrement aiguisées. Il la définit comme « le processus par lequel une découverte inattendue et aberrante éveille la curiosité d’un chercheur et le conduit à un raccourci imprévu qui mène à une nouvelle hypothèse ». On doit à la sérendipité quantité de découvertes scientifiques ou intellectuelles (pensons à la pénicilline, ou à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb). Pourquoi je l’aime tant ? Parce qu’elle établit la nécessité pour tout chercheur, scientifique, artiste, et en vérité pour tout un chacun, de joindre dans la vie l’esprit de finesse à l’esprit de géométrie, tels que les différenciait Pascal. Ou d’unir, pour reprendre une fable qui m’est chère, le savoir du renard et celui du hérisson. Je m’explique : un poète grec, Archiloque, nous a laissé cette phrase simple qui a eu beaucoup de succès à la Renaissance : « Le renard connaît beaucoup de choses, mais le hérisson connaît une grande chose. » Plus tard, le philosophe anglais Isaiah Berlin (1909-1997) a divisé les humains entre les esprits hérissons, qui ne voient le monde que par une règle simple mais qui vont jusqu’au bout, et les esprits renards, qui tirent parti d’une grande variété d’expériences mais qui peuvent aussi se perdre. Parmi les écrivains, il mettait chez les hérissons des gens comme Nietzsche, Pascal, Dostoïevski ou Proust, et chez les renards, par exemple, Goethe, Shakespeare ou Montaigne. Vaut-il mieux être renard ou hérisson ? Pour moi, qui ai choisi de faire figurer un hérisson sur mon épée d’académicien, il faut combiner les deux, la vitesse de l’épée et la lenteur du hérisson. La sérendipité, c’est la « renardise » chez le hérisson, la faculté de sortir du sentier battu et de reconnaître l’« accident heureux » que la vie lui offre au bord du chemin. C’est à mes yeux la compétence littéraire essentielle : savoir reconnaître qu’une « histoire » est possible, que s’ouvre un nouveau chemin. Au fond, ce que nous disait Homère avec la mètis d’Ulysse, cette intelligence de l’instant, c’est aussi ce que nous rappelle Montaigne, préférant la chasse à la prise. Qui osera soutenir que comprendre cela ne peut pas « rapporter » dans la vie ? §
« La littérature, ça paye ! », d’Antoine Compagnon (Éditions des Équateurs, 192 p., 18 €). En librairie le 4 septembre.
* « Les jeunes Français et la lecture en 2024 », étude Ipsos pour le CNL, avril 2024.
Extrait
LIRE OU ÉCOUTER PROUST ?
« Le livre audio est l’aubaine du multitasking, ledit multitâche. On l’écoute en faisant autre chose, en conduisant, en passant l’aspirateur, en faisant son jogging […] Selon les neuroscientifiques, quand nous croyons faire deux choses à la fois, notre cerveau ne cesse de basculer, de commuter entre les deux activités, et nous accomplissons moins bien les deux tâches. Quand je repasse une chemise en écoutant Le Temps retrouvé, au moment de parvenir au pliage, lequel exige tout de même un peu de concentration pour obtenir un carré parfait, je sais que la syntaxe compliquée de “l’adoration perpétuelle” m’échappera. Ce n’est pas bien grave, mais l’autre jour, en revêtant une chemise, je me suis aperçu que j’avais omis de repasser les manches : ce jour-là, Proust l’avait emporté. »
Les auteurs qui l’aident à « traverser la rue »
En dehors de Proust, Antoine Compagnon cite Baudelaire (qui en une seule phrase – « Le beau est toujours bizarre » – a « changé » sa « conception de la vie ») ; Montaigne, dans les Essais (« qui nous apprend un peu à mourir, c’est-à-dire à vivre, en réalité »), et Colette (« Il y a une telle euphorie, un si grand bonheur de tout chez elle »).
Aurélien BERGOT/REA POUR « LE POINT » (x2) – Wikimedia Commons
On connaît les autres films sur Tom Ripley, adaptés du roman de Patricia Highsmith, le premier avec Delon (Plein soleil),de René Clément, un peu trop soleil et lumière d’agence de voyages, le deuxième avec Matt Damon et Jude Law (le talentueux Mr Ripley de Anthony Minghella de 1999) avec beaucoup de caricatures italiennes, notamment de la Dolce vita, qui n’est pas un grand film malgré les deux grands acteurs également caricaturaux.
Celui qu’on vient de voir est une série Netflix qui vient de sortir, dénommée simplement”Ripley”. Une des meilleures qu’il m’ait été donné de voir cette année (voir mon autre site). Les deux films précités font pâle figure devant cette performance. En noir et blanc dénommé “expressionniste” par les critiques, bunuëlien si l’on veut, avec un fulgurant Andrew Scott, vous savez celui qui joue le prêtre désiré par l’actrice (et scénariste) insensée, dont je suis très amoureux, Phoebe Waller-Bridge, dans la série extraordinaire”Fleabag“, qui concurrence “TheBear” pour emporter la palme des séries du semestre, décerné par un jury qui n’est composé que de moi.
La réalisation est épatante, épatante. C’est le mot employé par un critique et je le reprends. La photographie de rêve sans lèché de circonstance pour ébahis crédules. Le scénario sublimissime.
Il est rare de prendre autant de plaisir dans ces 8 épisodes dont certains font plus d’une heure chacun, vus sans discontinuer une nuit entière. Nuit en noir et blanc, nuit à partager.
Épatante cette série. Un tel talent dans la réalisation et le jeu nous rassurent, nous mettent de bonne humeur, il y a de la verve, de la créativité, de l’intellectualité qui traînent chez les nouveaux réalisateurs et directeurs de de la photo, “mieux qu’avant”. L’art, même sur Netflix n’a pas dit son dernier mot. Et le Caravage, également mis en scène et central dans cette série ne saurait, dans sa tombe de criminel avéré en fuite permanente et aux aguets, lui aussi, s’en plaindre.
Un extrait d’une critique de Télérama
Par Émilie Gavoille. Télérama.
Ce n’est pas la première fois que le personnage d’usurpateur meurtrier né sous la plume de Patricia Highsmith tape dans l’œil d’un auteur-réalisateur. Avant Steven Zaillian (coscénariste, entre autres, de The Irishman, de La Liste de Schindler et de Gangs of New York), qui a écrit et dirigé l’intégralité des huit épisodes composant l’épatante minisérie proposée par Netflix, René Clément et Anthony Minghella avait déjà transposé habilement le roman de 1955 à l’écran, dans Plein soleil (1960) et Le Talentueux Mr Ripley (1999).
Rapide rappel des éléments de l’intrigue pour ceux qui l’histoire avec un œil neuf : un jeune Américain fauché, Tom Ripley, est missionné par le père de Dickie Greenleaf, un jeune Américain très riche, pour convaincre son fils, qui se la coule douce en Europe avec sa fiancée Marge, de bien vouloir rentrer aux États-Unis. Rapidement, Ripley se plaît à rêver la vie de Dickie, au point de la faire sienne.
En lieu et place de l’insolente luminositéméditerranéenne sublimée dans les deux longs métrages précités, Steven Zaillian et le directeur de la photographie Robert Elswith (There Will be Blood, Good Night and Good Luck) – qui accomplit ici encore un travail remarquable –, proposent un noir et blanc somptueux, d’inspiration expressionniste, traversé d’ombres et de lumières. Un écrin visuel à la solitude hantée de fantômes de Ripley, antihéros magnifique toujours au bord de l’abîme. La réalisation y fait souvent allusion, en illustrant le vertige du personnage au détour d’un trajet en bus à flanc de falaise, ou en le cadrant dans des intérieurs grandioses qui le fascinent autant qu’ils l’écrasent.
Ce n’est ni l’ambition sociale ni le désir qui animent le Ripley que compose ici le fascinant Andrew Scott, dont la prestation lorgne davantage vers le Moriarty grimaçant qu’il incarnait dans Sherlock que vers l’inoubliable rôle de « hot priest » qu’il a tenu dans Fleabag. Le moteur de cet esthète psychopathe, qui dépense l’argent de celui dont il a usurpé l’identité et la fortune pour vivre la Dolce Vita de Rome à Venise, c’est une quête absolue du beau, course en avant qui justifie tout, y compris le pire. En témoigne le dernier épisode, qui dresse un parallèle édifiant avec Le Caravage, génie du clair-obscur et meurtrier avéré. Même la beauté a sa part de laideur.
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Walters Scott
ET PUIS UN AUTRE EXTRAIT DE LA MÊME CHRONIQUEUSE DE TELERAMA, EN VERVE
La figure fascinante de Tom Ripley en trois adaptations réussies
Opportuniste vénal chez René Clément, faux naïf chez Anthony Minghella et désormais esthète meurtrier dans la formidable série de Steven Zaillian… Trois visions de l’imposteur créé par Patricia Highsmith, en autant d’adaptations de haute volée.
Voilà un objet d’une élégance et d’une sophistication que n’aurait pas reniées Thomas Ripley si la romancière Patricia Highsmith, qui lui a donné la vie (littéraire) en 1955, avait prêté à son antihéros arriviste une passion cinéphile. Un noir et blanc expressionniste, des jeux d’ombre et de lumière à faire pâlir les grands maîtres de la peinture, un interprète – Andrew Scott – au firmament dans le rôle-titre…
CeRipley en huit épisodes, minutieux portrait psychologique écrit et mis en scène par Steven Zaillian pour Netflix, relève superbement le défi de l’adaptation, d’autant plus relevé que deux longs métrages s’y étaient déjà essayés avec brio : Plein Soleil, de René Clément, en 1960, et Le Talentueux Mr Ripley, d’Anthony Minghella, en 1999. Trois œuvres et autant de regards différents sur cette imposture grandeur nature sous le soleil de l’Italie.
Première rencontre avec Tom Ripley
Un flashforward (en bon français, une prolepse) annonce d’emblée la couleur dans Ripley. En guise de présentations, on découvre l’élégant Américain traînant un cadavre au bas des escaliers de l’immeuble romain où il réside, sous le nom de celui dont il a usurpé l’identité, Dickie Greenleaf. Aucune illusion n’est permise.
En le caractérisant comme un opportuniste vénal, René Clément lui accorde de son côté le bénéfice du doute. Sous les traits d’Alain Delon, Ripley assume sans vergogne d’avoir reçu une grosse somme d’argent pour ramener un jeune Américain flambeur (Maurice Ronet) à son riche géniteur. Mais rien ne prédit qu’il finira, en grand fauve carnassier, par lui ôter son bien le plus précieux – la vie.
Celui qui cache le plus son jeu, c’est incontestablement le Tom Ripley que compose avec talent Matt Damon devant la caméra d’Anthony Minghella. Derrière ses lunettes d’élève trop sage, sa maladresse presque émouvante, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession…
De haut en bas, trois interprètes de Tom Ripley : Andrew Scott, dans la minisérie de Steven Zaillian. Alain Delon dans « Plein Soleil », de René Clément (1960). Matt Damon dans « Le Talentueux Mr Ripley », d’Anthony Minghella (1999). Photo stefano cristiano montesi/2023 Netflix, Inc. | Pari films | Paramount
Un triangle amoureux ?
Tom Ripley, Dickie Greenleaf (rebaptisé Philippe dans Plein Soleil) et sa petite amie Marge Sherwood. Trois personnages pour combien de possibilités ? Fortement suggérée par Patricia Highsmith (qui affuble pourtant Ripley d’une peu convaincante épouse dans les romans publiés à la suite de Mr Ripley), l’homosexualité du protagoniste est clairement établie par Anthony Minghella. Qui met notamment en scène le désir de ce dernier pour Dickie (et réciproquement) dans une saisissante scène de bain homo-érotique sur fond de partie d’échecs.
Aucune ambiguïté ne transparaît en revanche chez René Clément, où le triangle amoureux est beaucoup plus classique. Avant tout mû par son ambition féroce, l’arriviste incarné par Alain Delon convoite avec une froideur constante tout ce qui fait l’existence de son ami. Y compris sa fiancée, qu’il finira, de fait, par séduire, moins par attirance véritable que par soif de possession.
L’inclination du jeune homme pour celui qui devient sa proie n’est pas un enjeu de premier plan dans les huit épisodes de Steven Zaillian. Le désir y reste tapi dans les regards tour à tour enamourés ou glaçants d’Andrew Scott. Il campe un Ripley esthète, fasciné par Le Caravage, et tiraillé, comme lui, entre Éros et Thanatos — le second finissant toujours par l’emporter sur le premier.
Le vertige de l’ascension sociale
Née dans l’Amérique de la Grande Dépression d’une mère qui ne voulait pas d’elle et d’un père dont elle a renié le nom, Patricia Highsmith (dont le patronyme est celui de son beau-père) en connaissait un rayon sur l’envie de revanche, autant que sur les déceptions inhérentes à cette aspiration. Une expérience mitigée de l’ascension sociale dont la romancière, qui a toujours été davantage reconnue en Europe que sur la scène littéraire américaine, a naturellement investi son personnage fétiche. Anonyme sans le sou aux États-Unis, Ripley vivra comme un prince en Europe.
Le Talentueux Mr Ripley en livre une lecture romantique, quasi fitzgeraldienne. Le jazz est omniprésent, le nihilisme absent, et l’espoir toujours permis. À travers le regard amusé d’un Greenleaf/Ronet pas dupe, qui reconnaît à Ripley d’avoir su saisir sa chance, Plein Soleil vante l’art de savoir forcer son destin – quitte à ce que ce dernier vous rattrape.
UNE CRITIQUE DITHYRAMBIQUE D’UN CINEPHILE SUR YOU TUBE
LE TRAILER OFFICIEL
PS
PS. On m’a demandé ce qu’était un trailer et un teaser. Je reviens donc pour coller les définitions. Il est vrai que ça fait chic ces mots qui sont des “a-bandes annonces, un peu élaborâtes-rés par les snobs qui peuvent avoir leurs mots à dire.Un TEASER est une annonce très courte d’un film pour allécher le spectateur et le faire attendre sans pour autant « présenter » le film. Tandis que le TRAILER (ou bande-annonce), plus complet, tentera de séduire en mettant en évidence les meilleurs moments du film.
UNE RENCONTRE AVEC LES ACTEURS et LE REALISATEUR (en anglais)
ENTRACTE : FILS DE STING …
Dans le film : Freddy Miles, l’androgyne, fils/fille ? de STING
L’épisode 2 signe l’apparition de Freddie Miles, un ami de Dickie Greenleaf. Dans le livre, comme dans les précédentes adaptations – Plein Soleil avec Alain Delon et Le Talentueux Mr. Ripley avec Matt Damon -, ce personnage est un homme bruyant et extravagant avec de l’embonpoint
Un changement cohérent car il s’inscrit dans la dynamique très queer du récit de Ripley, dont le personnage alimente une certaine ambiguïté sur son orientation sexuelle. Par ailleurs, le choix d’Andrew Scott est loin d’être un hasard puisqu’il est l’un des rares acteurs populaires à parler de son homosexualité librement.
Un père très célèbre : STING
Eliot Sumner est apparu dans d’autres projets par le passé, comme dans Mourir peut attendre – où l’acteur joue un garde de Spectre – ou encore le film The Gentlemen de Guy Ritchie. Au-delà des plateaux de tournages, Eliot Sumner fréquente également la scène avec son groupe I Blame Coco. Une vocation qui n’est pas née par hasard puisque son père n’est autre que Sting, le leader du groupe Police – et également acteur à ses heures perdues.
Elio se dit donc “actrice” et Eliot Sumner est ouvertement lesbienne[1] et genderfluid[2], et utilise des pronoms neutres.
UNECRITIQUE DU HUFFINGTON
La série Netflix « Ripley » avec Andrew Scott n’a pas grand chose en commun avec le film avec Matt Damon
Une nouvelle adaptation de l’histoire de Patricia Highsmith sort le 4 avril sur Netflix. La série « Ripley » avec Andrew Scott propose une version beaucoup plus sombre du roman.
Par Yamina Benchikh
Andrew Scott, Dakota Fanning et Johnny Flynn dans la série « Ripley ».
SÉRIE TÉLÉ – C’est au tour d’Andrew Scott de se glisser dans la peau de Tom Ripley, après Alain Delon et Matt Damon. Publié en 1955, le roman Monsieur Ripley de Patricia Highsmith continue de séduire les cinéastes. Après le film français Plein Soleil de 1960 avec Alain Delon, et Le Talentueux M. Ripley sorti en 1999 avec Matt Damon, Tom Ripley revient cette fois en série. Netflix s’associe à Steven Zaillian (The Night of) pour raconter ce célèbre thriller. Au casting on retrouve notamment Andrew Scott (Sans jamais nous connaître, Sherlock Holmes) et Dakota Fanning (Twilight, Once Upon a Time in Hollywood).
Disponible depuis le 4 avril, la série se passe dans les années 60. Alors qu’il vit à New York, Tom Ripley (Andrew Scott) est envoyé en Italie par le riche Herbert Greenleaf pour ramener son fils Dickie (Johnny Flynn) au pays. C’est le premier pas vers « une vie complexe faite de tromperies, de fraudes et de meurtres » annonce le résumé Netflix de la série.
Tom Ripley n’est pas le héros malheureux de cette histoire
Dans Le Talentueux M. Ripley, Matt Damon incarne un homme amoureux et mal dans sa peau. Malgré ses talents d’escroc, il reste un personnage attachant et maladroit aux airs d’agneau candide.
Ici, l’intrigue nous plonge dans l’esprit à la fois ingénieux et tordu de Tom Ripley. D’entrée de jeu, on comprend qu’il n’est pas le héros de cette histoire. Andrew Scott joue un homme marginal, menteur et calculateur. Tom n’a pas peur de se frotter au monde criminel dont il connaît les rouages. Bien qu’il ne soit pas parfait à ce jeu, il n’en est pas moins doué.
Dans les notes de production de la série Netflix, Andrew Scott a lui-même qualifié son personnage de « très solitaire ». De ce fait, le spectateur en apprend plus sur sa personnalité et devient complice de ses actes. Pour l’acteur irlandais, l’histoire raconte « ce que c’est que d’être Tom Ripley plutôt que ce que c’est que d’être une victime de Tom Ripley ».
Johnny Flynn joue un Dickie Greenleaf loin des clichés Dans Ripley, Johnny Flynn propose un Dickie Greenleaf très différent de celui du Talentueux M. Ripley. Il est loin du playboy infidèle et immature campé par Jude Law. « Dickie ne veut pas hériter du statut de gosse de riche. Dans son cœur, il est un artiste bohème, un poète » confie Johnny Flynn. Dickie est un homme respectueux, amoureux et surtout fidèle à Marge. S’il est un peu naïf, il reste perspicace face au monde qui l’entoure.
Une interprétation qui a séduit Steven Zaillian. « Johnny a auditionné, comme 120 autres acteurs. Il s’est distingué par la façon dont il a choisi d’incarner Dickie, non pas comme un gosse de riche gâté, mais plutôt avec une sorte de douce naïveté » a-t-il expliqué dans les notes de production.
Sa relation avec Tom est moins fusionnelle, d’autant que ce dernier est davantage séduit par le train de vie Dickie que par l’homme qu’il est. « Je pense que c’est quelqu’un qui aime la vie et quand il vient en Italie et qu’il est exposé à tout cet art, ces paysages, cette beauté et cette nourriture, il adore ça. Mais les gens avec qui il est, je ne suis pas sûre qu’il les aime » explique Andrew Scott.
L’actrice américaine nous offre une Marge Sherwood fière et intelligente, désireuse de protéger son compagnon. Elle n’a pas peur de confronter Tom ou d’affirmer à voix haute qu’elle ne l’aime pas. « J’ai apprécié que Marge ait l’honneur d’être l’une des seules personnes à se méfier de Tom Ripley, ce qui donne lieu à une relation de chat et de souris entre les deux » déclare Dakota Fanning.
Dakota Fanning et Eliot Sumner font face à Andrew Scott
De même pour Freddie Miles, joué par Eliot Sumner. Il n’est en rien semblable au Freddie grossier et vulgaire de Philip Seymour Hoffman. Ici, c’est un ami dévoué, qui, comme Marge, se méfie de l’arrivée de Tom dans la vie de Dickie.
Dernier sondage IFOP du 4/5 : 67% des français de confession musulmane considèrent que les israéliens se comportent avec les palestiniens comme des nazis. Et 32 % des français.
On a bien lu.
1- On ne peut que s’interroger, d’abord, ce que nul ne fait, sur l’inanité de la question posée par ce sondeur, tant elle véhicule, en la constituant par l’interrogation, la haine.
L’IFOP et ses commanditaires (Fondapol et le Parisien) auraient pu, dans cette logique d’embrasement sémantique, poser, tout aussi idiotement, une autre question : “Approuvez-vous les 100 % d’antisémites ?
Le problème de la question posée dans les sondages, fabricante du sujet traité, initiatrice d’un débat qui sort d’une méchante bulle, n’est pas nouvelle. L’on est en droit de s’interroger sur le fait de savoir si sans la question, la réponse constituerait une opinion décelable ou un discours récurrent.
2- On ne veut, par ailleurs, commenter ni décrire la stupeur devant la reponse. De quoi baisser les bras devant la hargne, ne plus défendre, comme on le fait ici depuis longtemps, la paix future sur ces terres. Et tomber, désormais matamore revanchard par ce discours haineux, dans la bêtise.
3- On va travailler, dans les jours qui viennent, sur une étude sérieuse sur les chambres à gaz à Gaza, lesquelles, comme tout le monde le sait, sont sur toute la bande, y compris dans les souterrains, sous la terre grise, creusée par le Hamas.
Puis sur les croissants arabes tagués sur les maisons et boutiques des 20% de palestiniens vivant en Israël. Comment écrirait-on, à la chaux ? Palestunen?
On ne pourra, malheureusement, détecter le palestinien en lui demandant de baisser un pantalon. Ils sont, comme les juifs, circoncis…
4- La lourde ironie dans les lignes qui précèdent tente, en réalité, de rentrer sous la peau une immense colère.
LFI est, en France, le premier responsable de cette posture inculte et haineuse.
Où sont les chroniqueurs d’antan, les polémistes comme disait, en les bénissant, Zola, pour vilipender dans le verbe violent, sans circonlocutions, cette position improbable et abjecte, encore une fois inculte et ignorante de l’histoire ?
La petite Tribune mollassonne, “bien envoyée”, qui circulerait abondamment sur WhatsApp, destinée aux convaincus d’avance, devient inutile.
Le titre est celui du bouquin que je viens de terminer, écrit par Yannis Ezziadi, magnifique “auteur”, entendu comme celui qui “accroit”.
Le matador français Sébastien Castella aux arènes de Séville, en octobre 2023. CRISTINA QUICLER / AFP
Mieux que moi, Eugénie Bastié, une des meilleures chroniqueuses du politique et du culturel (Le Figaro a de la chance), dont je ne connaissais pas l’aficionado nous donne son commentaire que je reproduis ci-dessous (copyright Le Figaro).
Publié le 12/04/2024 à 19:32, mis à jour le 15/04/2024 à 09:40
BIBLIOTHÈQUE DES ESSAIS – Dans Minotaures, Yannis Ezziadi se livre à un éloge de la corrida. Un essai ciselé et flamboyant qui touchera même ceux qui sont hermétiques à ce spectacle sanglant.
Œil noir brillant, large sourire, cheveux de jais mi-longs : ne serait-ce son air espiègle et son rire franc bien trop légers pour une telle destinée, Yannis Ezziadi a des airs de matador en civil. On l’imagine assez facilement en collants, culotte et veste dorée face au soleil brûlant dans l’arène. Mais il a plutôt la psyché du toro que celle du torero : il fonce dans toutes les muletas sans conscience du danger. Un goût de la provocation qui l’a conduit à organiser, en décembre dernier, la fameuse « pétition » en faveur de Gérard Depardieu signée par une cinquantaine de personnalités du monde du cinéma, dont plusieurs se sont désistés par peur du scandale qu’a provoqué la tribune. Faire scandale ne lui fait pas peur. Loin de s’être assagi, Ezziadi poursuit avec panache sa défense des causes perdues avec Minotaures, un essai ciselé et flamboyant sur la corrida.
Le jeune homme raconte son amour pour « cet art dans lequel on entre comme en religion ». Rien ne prédestinait ce Franco-Tunisien, né en Seine-et-Marne en 1991 de parents commerçants, à rencontrer la tauromachie. Il y a quatre ans, son regard tombe sur deux dessins dans l’album de Montherlant de la « Pléiade » : Juan Belmonte toréant nu à l’entraînement, et un puissant taureau chargeant la muleta. « La rencontre de l’élégante fragilité du torero et de la force brute et massive de la bête m’avait saisi ». Il se plonge dans Jean Cau, Cocteau, Montcouquiol, puis le 15 août 2020, il pénètre pour la première fois de sa vie dans des arènes à Béziers.
« Quand on met un pied dans cette folie, il faut que le reste y passe. » Ezziadi s’immerge tout entier avec la fièvre du converti. Comédien formé par Galabru dégoûté du théâtre contemporain qu’il trouve fade, lisse et relâché, il a retrouvé dans les arènes la liturgie, la tragédie, les costumes d’or et de sang qu’il ne retrouvait plus sur scène. « C’est en France que dans les coulisses de théâtres de pierre se trouvent une chapelle pour que les acteurs prient et une infirmerie pour qu’ils se sauvent de la mort », écrit-il. Dans ce livre intense à la fibre littéraire, il a recueilli les confidences de toreros, comme Carlos Olsina, qui lui dit qu’il ne quitte pas la bête des yeux quand il danse, du directeur des arènes de Madrid et pape de la tauromachie Simon Casas, d’aficionados comme Jacques Durand.
On croisera aussi dans ce livre les cornes tachées de sang de l’élevage de Muria, le plus féroce qui soit, le fantôme de Manolete, le charmeur de serpents Sébastien Castella. La corrida, nous dit Yannis Ezziadi est un « vestige insolent », le miroir inversé d’une époque
Ezziadi n’élude pas la question du bien-être animal. Il s’est aussi rendu auprès des éleveurs de toros pour comprendre comment vivaient ces bêtes vouées à la tragédie. « Si je devais me réincarner en animal et que j’ai le choix entre un husky dans un appartement, une vache à lait, une perruche en cage et un taureau sur les terres de Robert Margé, se promenant à son gré, sauvage et rebelle, mourant au combat couvert de gloire, mon choix serait prompt et sans aucune hésitation. » Il en discute avec Alain Finkielkraut, qui lui confie ses doutes, bouleversé après avoir assisté à la plus belle corrida du siècle à Nîmes.
On croisera aussi dans ce livre les cornes tachées de sang de l’élevage de Miura, le plus féroce qui soit, le fantôme de Manolete, le charmeur de serpents Sébastien Castella. La corrida, nous dit Yannis Ezziadi est un « vestige insolent », le miroir inversé d’une époque qui ne propose que « du fric, de la gentillesse et de la bienveillance ». Un théâtre de sang, d’or et de lumière, un lieu de verticalité où la mort n’est pas éludée. Le contraire du grand avachissement qui règne dans le divertissement de masse.
On sort envoûté de ces pages pleines d’une ferveur qui touchera même ceux qui sont hermétiques à ce spectacle sanglant, pour peu qu’ils soient ouverts à la grâce que permet seule la littérature.
PS MB. Je n’ai pas, pour des motifs que j’ai oubliés, assisté à cette “corrida du siècle” à Nîmes, le 16 septembre 2012, qui aurait ébranlé Alain Finkielkraut, dans ses doutes. Celle où le matador José Tomas a affronté 6 toros de plusieurs élevages. Pour ce qui me concerne, la corrida du siècle (certes, le précédent) est celle du jour où j’ai découvert, comme Ezziadi, le spectacle, pour m’y plonger sans retenue. C’était celle du 22 septembre 1984, où Paco Ojeda, torero de paradis, a combattu également, contre six toros un après-midi du 22 Septembre 1984, toujours à Nîmes. Je la conte dans ce billet :
Les quelques centaines de manifestants qui bloquent sciences-po ou facs, agitant le drapeau palestinien, crâne sous une keffieh, employant à profusion, s’agissant de Gaza, le terme de génocide, prétendent exiger un « débat » sur le conflit.
C’est le mot qui revient en boucle.
Pour ne pas, d’emblée, comme on le croit spontanément, peut-être à tort, considérer qu’il ne s’agit que de tenter, par une clameur démocratique de bon aloi, de démontrer l’inexistence de la haine des juifs qui se terre sous la haine d’Israël, on va prendre le parti de croire à l’intégrité du discours.
On va, aussi, imaginer, sans autres commentaires, que lesdits étudiants, comme l’a précisé le lamentable administrateur provisoire de Science-Po Paris, qui a cédé aux manifestants, que les « étudiants sont touchés » (par le conflit et Gaza).
On va, au surplus, imaginer que le slogan « de la rivière à la mer » n’est pas, immédiatement, compris par lesdits étudiants auxquels il manque quelques années d’étude.
On peut même admettre qu’emportés par la passion dans ces minuscules manifestations, la mémoire de ces étudiants devient défaillante et enterrent ce jour du 7 octobre pendant lequel des « non-terroristes » ont décapité des juifs, parce qu’ils étaient juifs.
On ne peut être plus compréhensif.
On veut donc bien « débattre », en entrant au fond de notre gorge la réalité de l’entourloupe (des défenseurs du Hamas, ignorants de tout qui confondent le Vietnam dont ils ont entendu parler avec la survie d’un peuple et d’un État).
On veut donc bien débattre de Gaza et de la Palestine, des deux États, de la Cisjordanie, mais sous une seule condition : une affirmation préalable, sans ambages, liminaire nécessaire à l’initiation d’une discussion. Non pas celui d’un non-antisémitisme affirmé qui n’est que verbiage de circonstance mais, plus simplement, plus concrètement, la reconnaissance sans autre circonvolution de l’existence de l’État d’Israël, tel qu’il a été institué en 1949.
On connait la réponse de ces demandeurs de « débat » : elle sera soit « alambiquée » soit embrouillée. Mais, on peut se tromper. Proposons donc ce pré-requis.
Il est assez curieux que ce qui précède, pourtant assez primaire dans la réflexion, ne soit pas rappelé soit par les journalistes et chroniqueurs, soit par les rédacteurs des tribunes molles et autres manifestes dont la prévisibilité du contenu est à la mesure de l’omission de la seule question qui se pose.
Je livre ce texte de Serge Klarsfeld qu’on vient de m’envoyer.
Je le commentrai plus tard :
L AVENIR DES JUIFS, par SERGE KLARSFELD
Quand on regarde l’avenir, on se rend compte que la vie de chaque Juif dans le monde risque d’être instable et périlleuse. Pendant les trente dernières années, les Juifs se sont regroupés en Occident et en Israël et ont connu une existence sécurisée grâce à l’émergence de la mémoire de la Shoah dans la conscience des Occidentaux.
La majorité des pays du monde émergents puissants démographiquement et dynamiques sont entrés dans une coalition dirigée par le trio Iran-Russie-Chine. Leurs populations qui n’ont rien à voir avec la Shoah adhèrent à la cause palestinienne et considèrent Israël comme un État colonial et raciste.
Une minorité, mais très active, de la jeunesse occidentale et universitaire partage ce point de vue, en particulier aux États-Unis, situation inquiétante quand ces jeunes seront aux leviers de commande dans un pays qui est le seul allié politique et militaire d’Israël.
Dans chaque pays occidental, l’immigration de populations dans lesquelles les islamistes sont nombreux accroît le danger.
Sept à huit milliards d’individus peuplent la planète et la majorité d’entre eux ont une opinion défavorable de l’État juif et des Juifs dans leur ensemble, lesquels ne sont au plus que 15 millions.
La crise militaire que traverse Israël, qui n’a pas réussi à libérer ses otages et à se débarrasser définitivement du Hamas, s’intensifiera quand l’Iran acquerra la bombe nucléaire alors que les dirigeants iraniens ont affirmé leur détermination à l’utiliser contre Israël dont la capacité de représailles ne peut menacer l’existence de l’espace arabo-musulman.
Dans ces conditions et dans chaque pays où existe une communauté juive, il serait opportun de former les jeunes Juifs à affronter les périls qui les menacent et qui menacent le judaïsme tout entier. Il faut se souvenir qu’en 1939, alors que Hitler était au pouvoir depuis six ans et que l’antisémitisme sévissait dans la quasi-totalité des États européens, aucun Juif n’était armé pour se défendre. Les Juifs comptaient à tort sur les appareils d’État pour les défendre et non pour les persécuter ainsi que sur la victoire des démocraties sur l’Allemagne hitlérienne. Ce fut leur défaite et la disparition de deux tiers des Juifs européens. Israël ne pourra intervenir à l’extérieur de ses frontières pour protéger des Juifs menacés et si les persécutions qu’ils pourraient subir les poussaient à faire leur alyah, Israël ne pourrait que s’en réjouir.
Comment réagir ?
Il faut investir massivement dans les écoles juives et dans les mouvements de jeunesse juifs afin que les jeunes Juifs y aillent et se reconnaissent en tant que Juifs conscients de la nécessité d’une formation intellectuelle et physique capable de les rendre forts et unis autour de leur défense là où ils vivent et autour de la sécurité d’Israël qui doit être prioritaire.
ls doivent être conscients qu’ils appartiennent aux aussi à des générations exceptionnelles de Juifs avec des responsabilités exceptionnelles pour l’avenir du judaïsme. Ce qui doit se répercuter dans le niveau élevé de leurs études, des petites classes à l’université, dans la qualité physique de leurs corps améliorés par le sport, par leur familiarité avec Israël, avec les Israéliens et avec l’hébreu ; par la dialectique et la capacité de répartie aux diatribes et arguments antijuifs.
Les organisations juives devraient en conséquence modifier leurs programmes. Lutter contre l’antisémitisme n’est plus la priorité ; les seules réelles victoires remportées dans cette lutte sont d’une part la défaite du négationnisme et, d’autre part, l’abandon de l’ADN de l’antisémitisme par des partis issus de la droite extrême et devenus partisans d’Israël et protecteurs des Juifs contre l’islam radical. Il faut préparer les Juifs à ce qui risque de leur arriver. SERGE KLARSFELD
C’est un torrent de protestations qui avait déferlé, un temps très court sur les ondes, à la suite des actes antisémites, tags d’Etoiles de David sur les façades ou sont censés résider des juifs et autres insultes de taille, souvent proférées, presque sans complexe désormais, dans les manifestations organisées par “La France Insoumise”, sur la Place de la République, devenue point de rendez-vous de la haine.
Vicissitude de l’antisémitisme. Il ne s’est pas, comme on aurait pu le croire, enfoui dans la mémoire du pire, pourtant récent. Il n’a pas été balayé par la prétendue modernité dont les tenants, sur les campus américains, piètrement imités par les français, clament une nouvelle intelligence du monde, qui célèbrerait l’émergence du respect de “l’identité”. Non pas, évidemment, celle du juif, banni du sol, ennemi historique sur Terre.
La haine du juif est gonflée à bloc, à l’air sale et gris, dans les réseaux (les « zéros sociaux » dit désormais un ami).
Il est parfaitement repérable, ce trouble obsessionnel qu’on voudrait dissimuler sous le keffieh palestinien et la mort des enfants de Gaza ou, plus subtilement, en réalité très facilement, sous l’impéritie d’un gouvernement israélien
Repérable d’abord dans l’islamisme, qui ne s’en cache pas, la synagogue étant le premier lieu incendié dans les crises israélo-palestiniennes. On ne brule pas une Eglise en cas de guerre entre la France et l’Algérie. On le clame dans ses écrits, en citant le Coran notamment dans la Charte du Hamas, même si en 2017, dans un nouveau texte de circonstance et sans convaincre, a été “effacé” la destruction des juifs.
Puis « en même temps » dans l’extrême gauche islamo-wokiste. Doit-on rappeler que la « question juive », est nodale, traditionnelle, dans l’analyse marxiste du Grand Capital, gauche anti-juive. Le temps n’efface pas la baliverne dans les esprits étroits. On le constate avec l’antisémitisme. Gauche Anti-juive populaire, représentée, désormais, par La France Insoumise. La même qui, paradoxalement, pour agglomérer les voix, y ajoute une autre cause, qui ne contredit pas l’idéologie antisémite historique précitée : la cause de l’islam meurtri (islamophobie) , la cause palestinienne (Gaza) et ses nouveau prolétaires, dont l’objectif pourtant annoncé est antinomique des valeurs que les mêmes prônent (le wokisme d’imitation, en principe exclusif de l’homophobie ou du machisme religieux).
Ce paradoxe peut, en vérité, s’expliquer : dans les deux champs qui désormais s’épousent, l’universel est effacé au profit soit d’un ordre théologique (la charia), soit d’un braillement décolonial qui fait l’apologie de la destruction de l’occident judéo-chrétien blanc (le juif est un nouveau blanc de ce « genre »), cause de tous les malheurs des hommes, origine de l’oppression historique, créateur diabolique de la Bande de Gaza.
Cependant le discours de circonstance, tenu en boucle, sur les chaines d’information, nie cette réalité (l’antisémitisme à l’oeuvre dès qu’il s’agit d’Israel). Les chroniqueurs et autres “spécialistes” n’osent s’aventurer sur le terrain des mots et des actes et s’en tiennent à des généralités assez ennuyeuses, prétendant à l’objectivité, mère du faux-semblant. Nul, sauf quelques rares courageux, n’ose assimiler antisionisme et antisémitisme. Dans le “prêt-à-parler”, la séquence est prévisible : on se clame d’abord philosémite, on blâme le 7 octobre, et, « en même-temps », on rappelle la souffrance des palestiniens, réelle, au-delà des chiffres de propagande du Hamas et la propension de LCI et TF1, à montrer 4 enfants dans les ruines d’un Gaza dévasté. En omettant de dire et encore redire l’identité du véritable auteur de son calvaire : le Hamas, constructeur de tunnels réservés aux combattants, égorgeurs de juifs, violeurs et éventreurs de juives..
Ailleurs, la « rue juive » dit avoir peur et les mégaoctets de messages, vidéos sur les « réseaux », des milliards de fois transférés, envahissent tous les univers, la peau des pouces ou des index usés par les clics compulsifs sur le logo de WhatsApp, dont le même ami, en verve, a osé comparer le vert à celui de l’emblème palestinien.
Balivernes, billevesées que ces prises de parole qui omettent l’essentiel, qui ne clament pas la vérité, étouffée par le bruit, sans fureur, d’un cri vain, braillard et inutile. Et craintif.
Il faut revenir à la réalité inébranlable : l’antisémite est un antisioniste
Le musulman de l’histoire n’aimait pas les juifs, leur concédant cependant, peuple monothéiste parmi les trois religions du Livre, le statut de dhimmi (une prétendue protection dans la ségrégation, sur leur sol, que Georges Bensoussan a pu analyser dans sa réalité, assez éloigné d’une vision apocalyptique).
Ici, on peut avancer, pour en débattre, le fait que les musulmans qui ne sont las ceux qui se sont constitués dans la haine décoloniale n’étaient pas des “haineux”
Les musulmans « modernes », les dé colonialistes (en réalité, la majorité de tous les jeunes immigrés, sans trop exagérer), les constituent, plus simplement, comme « juifs », ennemis coraniques ou idéologiques à abattre.
Tous le savent, mais sans le répéter pourtant à l’envi : les musulmans, dans leur majorité, qu’il s’agisse des individus et des États, n’ont que faire de leurs frères palestiniens qui ne sont que prétexte et camouflage grossier. Et le Hamas n’a que faire du peuple palestinien. Et LFI n’a que faire de la bande de Gaza, en faisant par la haine reculer les solutions, n’ayant qu’un seul but : la pêche au gros (les voix des banlieues islamistes et cette génération (dont l’on est persuadé qu’elle ne le sera plus dans le futur) violemment antisémite, le ‘”juif” étant l’injure suprême dans ces territoires.
La Charte initiale du Hamas était claire : la destruction des juifs se confond, sans ambages, ni distorsions sémantiques, avec Israël.
Même la litanie sur le « une terre, deux peuples » qui est au demeurent un mensonge historique et politique, n’est qu’un faux-semblant, un paravent de langage final.
Car c’est le juif qu’on veut abattre, avec d’abord la complicité de la gauche, idiote utile. Avec l’autre complicité essentielle, celle des musulmans prétendument victimes de « l’amalgame », assurément présents, républicains, pratiquant simplement leur religion, comme un chrétien, un juif. Mais muets et donc imaginaires.
L’on se demande où ils se terrent, pour ne pas dénoncer la logique islamiste qui peut être, ontologiquement, dans la fibre du Texte, celle de l’islam mais qui peut, comme l’a fait la chrétienté, première religion, dans le temps de l’horreur qui ne se limite pas à celui de Torquemada, se réformer pour mettre fin au pogrom historique.
Il faut donc le dire et encore le dire : l’antisémitisme charrie l’antisionisme. Ce n’est pas l’antisionisme qui est une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue).
L’antisionisme n’est pas le “cheval de Troie” de l’antisémitisme. L’antisionisme n’est pas une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue). C’est bien l’antisémitisme qui crée l’antisionisme.
Le renversement des mots n’est pas fortuit : l’antisémite ne supporte pas Israël. Ce n’est pas le comportement de tel ou tel gouvernement d’Israël (encore un prétexte, un paravent) qui provoque la rage du cri de la « rue antisémite », une rue en minorité occidentale, mais bien la haine du juif. Celui passé de tueur de Christ à celui de gazaouis. L’antisionisme permet simplement de surfer sur le fondement inexpiable du cri antisémite.
Déjà en 1967, Vladimir Jankélévitch rappelait que : L‘antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. » L’imprescriptible,1967.
Dès lors, il faut sans cesse rappeler aux chroniqueurs, aux bien-pensants, aux philosophes de service que la guerre actuelle n’est aucunement une guerre de territoire ou de colonialisme ou de l’on ne sait quel succédané d’une géopolitique qu’il faut analyser. C’est une guerre contre les juifs. Et que, déjà, en assimilant Israël et juifs, les terroristes et leurs complices (la masse, y compris de gauche dans les rues) détruisent l’État d’Israël, en le ramenant, non pas à un territoire reconnu en 1949 par le monde, mais à des « juifs ». L’antisémitisme n’est pas autre chose.
L’effacement du nom de l’État, auquel on substitue « le juif », en accomplissant l’acte antisémite, est sa première destruction.
Les questions légitimes et complexes des bombardements, des otages, de la bande de Gaza, du gouvernement, des erreurs, des colons israéliens, de l’Occident, de la modernité, de l’espoir à donner aux palestiniens, de la solution à deux États, rejetée par les arabes et adulée, sûrement à juste « raison », par l’Occident, l’arrêt des colonisations, le passage de l’émotion à la raison, du cri à l’analyse peuvent faire oublier l’essentiel qui est la volonté délibérée d’une nouvelle extermination des juifs.
Dans un premier temps récent, les juifs ont, à nouveau, été détruits, par millions, par la barbarie nazie et ce peuple n’a (encore) survécu que par une résilience assez inouïe, presque mystérieuse.
Ils ont aujourd’hui Israël, que l’on veut détruire, en détruisant les juifs.
C’est Imre Kertész, immense écrivain, rescapé des camps, Prix Nobel de littérature, qui avait le mot exact lorsqu’il écrivait : « Quand Israël sera détruit, viendra le tour des autres juifs » (L’ultime auberge. Editons Actes Sud).
Il aurait pu, aujourd’hui, affirmer qu’il n’y a plus de « tour » : les phases se confondent comme les qualificatifs. Il n’y a pas “d’autre”en Israel que les juifs.
MB.
C’est un torrent de protestations qui avait déferlé, un temps très court sur les ondes, à la suite des actes antisémites, tags d’Etoiles de David sur les façades et autres insultes de taille, souvent proférées, presque sans complexe désormais, dans les manifestations organisées par “La France Insoumise”, sur la Place de la République, devenue point de rendez-vous de la haine.
Vicissitude de l’antisémitisme. Il ne s’est pas, comme on aurait pu le croire, enfoui dans la mémoire du pire, pourtant récent. Il n’a pas été balayé par la prétendue modernité dont les tenants, sur les campus américains, piètrement imités par les français, clament une nouvelle intelligence du monde, qui célèbrerait l’émergence du respect de “l’identité”. Laquelle ne peut, évidemment, concerner le non-être le juif, desormaks blanc, banni du sol, ennemi historique sur Terre.
La haine du juif est gonflée à bloc, à l’air sale et gris, dans les réseaux (les « zéros sociaux » dit désormais un ami).
Il est parfaitement repérable, ce trouble obsessionnel compulsif qu’on voudrait dissimuler sous le keffieh palestinien et la mort des enfants de Gaza ou, plus subtilement, en réalité très facilement, sous l’impéritie d’un gouvernement israélien assurément nazi dit-on à France Inter.
Repérable d’abord dans l’islamisme, qui ne s’en cache pas, la synagogue étant le premier lieu incendié dans les crises israélo-palestiniennes. On ne brule pas une Eglise en cas de guerre entre la France et l’Algérie.
On le clame dans ses écrits, en citant le Coran notamment dans la Charte du Hamas, même si en 2017, dans un nouveau texte de circonstance et sans convaincre, a été “effacé” la destruction physique programmée des juifs. Juste celle d’Israël ou vivent (seulement à 80%) des juifs. La duperie est flagrante et LFI et son chef psychotique cautionnent l’entourloupe.
Puis « en même temps » dans l’extrême gauche islamo-wokiste. Dans ce cercle de mal-vivants, la « question juive », est nodale, traditionnelle, dans l’analyse marxiste du Grand Capital, parfaitement maîtrisée par Mélenchon, le chef non soigné. ”La gauche anti-juive avait succédé à la droite catholique,
Le temps n’efface pas la baliverne dans les esprits étroits. On le constate avec l’antisémitisme.
Gauche Anti-juive populaire et marxienne, représentée, désormais, par LFI. La même qui, paradoxalement, pour agglomérer les voix en errance dans les banlieues perdues sous les stupéfiants,qui rôdent autour des mosquées.
S’y ajoute une autre cause, qui ne contredit pas l’idéologie antisémite historique précitée : la cause de l’islam meurtri (islamophobie) , la cause palestinienne (Gaza) et ses nouveau prolétaires, dont l’objectif pourtant annoncé est antinomique des valeurs que les mêmes prônent (le wokisme occidental d’imitation, en principe exclusif de l’homophobie ou du machisme religieux).
Ce paradoxe peut, en vérité, s’expliquer : dans les deux champs qui désormais s’épousent, l’universel est effacé au profit soit d’un ordre théologique (la charia), soit d’un braillement décolonial qui fait l’apologie de la destruction de l’occident judéo-chrétien blanc (le juif est un nouveau blanc de ce « genre »), cause de tous les malheurs des hommes, origine de l’oppression historique, créateur diabolique de la Bande de Gaza.
Cependant le discours de circonstance, tenu en boucle, sur les chaines d’information, nie cette réalité (l’antisémitisme à l’oeuvre dès qu’il s’agit d’Israël). Les chroniqueurs et autres “spécialistes” n’osent s’aventurer sur le terrain des mots et des actes et s’en tiennent à des généralités assez ennuyeuses, prétendant à l’objectivité, mère du faux-semblant.
Nul, sauf quelques rares courageux, n’ose assimiler antisionisme et antisémitisme.
Dans le “prêt-à-parler”, la séquence est prévisible : on se clame d’abord philosémite, on blâme le 7 octobre, et, « en même-temps », on rappelle la souffrance des palestiniens, réelle, au-delà des chiffres de propagande du Hamas et la propension de LCI et TF1, entre deux reportages sur l’Ukraine, à montrer 4 enfants dans les ruines d’un Gaza dévasté. En omettant de dire et encore redire l’identité du véritable auteur de son calvaire : le Hamas, constructeur de tunnels réservés aux combattants, égorgeurs de juifs, violeurs et éventreurs de juives..
Ailleurs, la « rue juive » dit avoir peur et les mégaoctets de messages, vidéos sur les « réseaux », des milliards de fois transférés, envahissent tous les univers, la peau des pouces ou des index usés par les clics compulsifs sur le logo de WhatsApp, dont le même ami, en verve, a osé comparer le vert à celui de l’emblème palestinien.
Balivernes, billevesées que ces prises de parole qui omettent l’essentiel, qui ne clament pas la vérité, étouffée par le bruit, sans fureur, d’un cri vain, braillard et inutile. Et craintif.
Il faut revenir à la réalité inébranlable : l’antisémite est un antisioniste. On n’écrit pas “l’antisionisme est un antisémitisme”. Ce que la majorité clame…
Le musulman de l’histoire n’aimait pas les juifs, leur concédant cependant, peuple monothéiste parmi les trois religions du Livre, le statut de dhimmi (une prétendue protection dans la ségrégation, sur leur sol, que Georges Bensoussan a pu analyser dans sa réalité, assez éloignée d’une vision apocalyptique).
Les musulmans « modernes », les décolonialistes (en réalité, la quasi-totalité de tous les jeunes immigrés, sans trop exagérer), les constituent, plus simplement, comme « juifs », ennemis coraniques ou idéologiques à abattre.
Tous le savent, mais sans le répéter pourtant à l’envi : les musulmans, dans leur majorité, qu’il s’agisse des individus et des États, n’ont que faire de leurs frères palestiniens qui ne sont que prétexte et camouflage grossier. Et le Hamas n’a que faire du peuple palestinien. Et LFI n’a que faire de la bande de Gaza, en faisant par la haine reculer les solutions, n’ayant qu’un seul but : la pêche au gros (les voix des banlieues islamistes et cette génération (dont l’on est persuadé qu’elle ne le sera plus dans le futur) violemment antisémite, le ‘”juif” étant l’injure suprême dans ces territoires.
Il faut le répéter : la Charte initiale du Hamas était claire : la destruction des juifs se confondait, sans ambages, ni distorsions sémantiques, avec Israël.
Même la litanie sur le « une terre, deux peuples » qui est au demeurent un mensonge historique et politique, n’est qu’un faux-semblant, un paravent de langage final.
Car c’est le juif qu’on veut abattre, avec d’abord la complicité de la gauche, idiote utile. Avec l’autre complicité essentielle, celle des musulmans prétendument victimes de « l’amalgame », assurément présents, républicains, pratiquant simplement leur religion, comme un chrétien, un juif. Mais muets et donc imaginaires.
L’on se demande où ils se terrent, pour ne pas dénoncer la logique islamiste dans la fibre du Texte coranique et, comme l’a fait la chrétienté, première religion, dans le temps de l’horreur qui ne se limite pas à celui de Torquemada, se réformer pour mettre fin au pogrom historique.
Il faut donc le dire et encore le dire : l’antisémitisme charrie l’antisionisme. Ce n’est pas l’antisionisme qui est une « forme d’antisémitisme » (la locution convenue).
L’antisionisme n’est pas le “cheval de Troie” de l’antisémitisme. L’antisionisme n’est pas une « forme d’antisémitisme » (la locution en boucle). C’est bien l’antisémitisme qui crée l’antisionisme.
Le renversement des mots n’est pas fortuit : l’antisémite ne supporte pas Israël. Ce n’est pas le comportement de tel ou tel gouvernement d’Israël (encore un prétexte, un paravent) qui provoque la rage du cri de la « rue antisémite », une rue en minorité occidentale, mais bien la haine du juif. Celui passé de tueur de Christ à celui de gazaouis.
L’antisionisme permet simplement de surfer sur le fondement inexpiable du cri antisémite, originel.
Déjà en 1967, Vladimir Jankélévitch rappelait que :
“L‘antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. » L’imprescriptible, 1967.
Dès lors, il faut sans cesse rappeler aux chroniqueurs, aux bien-pensants, aux philosophes de service que la guerre actuelle n’est aucunement une guerre de territoire ou de colonialisme ou de l’on ne sait quel succédané d’une géopolitique qu’il faut analyser.
C’est une guerre contre les juifs. Et que, déjà, en assimilant Israël et juifs, les terroristes et leurs complices (la masse, y compris de gauche dans les rues) détruisent l’État d’Israël, en le ramenant, non pas à un territoire reconnu en 1949 par le monde, mais à des « juifs ». L’antisémitisme n’est pas autre chose.
L’effacement du nom de l’État, auquel on substitue « le juif », en accomplissant l’acte antisémite, est sa première destruction.
Les questions légitimes et complexes des bombardements, des otages, de la bande de Gaza, du gouvernement, des erreurs, des colons israéliens, de l’Occident, de la modernité, de l’espoir à donner aux palestiniens, de la solution à deux États, rejetée par les arabes et adulée, sûrement à juste « raison », par l’Occident, l’arrêt des colonisations, le passage de l’émotion à la raison, du cri à l’analyse peuvent faire oublier l’essentiel qui est la volonté délibérée d’une nouvelle extermination des juifs.
Dans un premier temps récent, les juifs ont, à nouveau, été détruits, par millions, par la barbarie nazie et ce peuple n’a (encore) survécu que par une résilience assez inouïe, presque mystérieuse.
Ils ont aujourd’hui Israël, que l’on veut détruire, en détruisant les juifs.
C’est Imre Kertész, immense écrivain, rescapé des camps, Prix Nobel de littérature, qui avait le mot exact lorsqu’il écrivait : « Quand Israël sera détruit, viendra le tour des autres juifs » (L’ultime auberge. Editons Actes Sud).
Il aurait pu, aujourd’hui, affirmer qu’il n’y a plus de « tour » : les phases se confondent comme les qualificatifs. Il n’y a pas “d’autre juif” en Israel que les juifs.
Les “carnets de Pessah”, que j’ai publiés il y a quelques jours m’ont amené à revoir le film de Cécil B.DeMille. Il est sur Canal, gratuit pour les abonnés. Toujours autant de plaisir à revoir les scènes. Il est vain de se demander s’il a “bien vieilli”. Ce film est hors du temps et celui qui critiquerait les images, les dialogues, qui ne sont pas ceux de “Emily in Paris” ou the “Star Wars” est un idiot.
Mais, en le disant, je précisais qu’il ne fallait mettre à la poubelle le premier, assez curieux pour ses deux parties. Mais quel premier, me répondit-on ? Ben, le premier “Dix commandements” de Cecil B. DeMille, de 1923, muet. Le silence à l’autre bout du fil me fit comprendre que l’on ne connaissait pas. Il me parait donc opportun de poster sur le sujet, “comme il est dit”. De rappeler que le réalisateur avait déjà, 33 ans avant celui qu’on connait, fait un “Ten commandments”
EXTRAIT WIKI:: Les Dix Commandements (The Ten Commandments) est un film muet épique américain réalisé par Cecil B. DeMille, sorti en 1923
Dans sa première partie, le film raconte l’épisode biblique de la captivité des Hébreux en Égypte à l’époque du pharaon Ramsès II (Charles de Rochefort), leur exode vers la Terre Promise, la traversée de la Mer Rouge, Moïse (Theodore Roberts) recevant les tables des Dix Commandements. La seconde partie se situe dans les années 1920. Elle relate l’histoire des deux fils d’une femme bigote (Edythe Chapman), l’un mauvais garçon (Rod La Roque), l’autre sérieux (Richard Dix), qui convoitent tous deux la même jeune femme.
EXTRAIT TELERAMA (2021). Excellent article’sur la version 1956, en Technicolor ,avec Charlton Heston.
Dix chiffres capitaux sur le film de Cecil B. DeMille
Par Michel Bezbakh
2 films
Il existe deux Les Dix Commandements par Cecil B. DeMille. Dans le premier, réalisé en 1923, Moïse guide d’abord les Hébreux hors d’Égypte, puis la deuxième partie se déroule à l’époque contemporaine. Pour son auto-remake, le cinéaste use avec joie du Technicolor, reste perpétuellement avant Jésus-Christ, et développe une part de la légende qui n’est pas dans la Bible : le temps passé par Moïse aux côtés de son cousin Ramsès II, à la cour du pharaon Séthi Ier.
3 romans à la base du scénario
Si la légende de Moïse est contée par l’Ancien Testament, elle l’est aussi par pas mal d’autres livres. Aeneas MacKenzie, Jesse L. Lasky Jr., Jack Gariss et Fredric M. Frank s’inspirent de trois romans pour écrire le scénario du film : The Pillar of Fire (La Colonne de feu), de J.H. Ingraham (1859), Le Prince d’Égypte, de Dorothy Clarke Wilson (1949), et On Eagle’s Wing (Sur les ailes de l’aigle), de A.E. Southon (1957). Il leur fallut plus de trois ans d’écriture.
7 mois de tournage
Sept mois pour tourner un film, c’est tout simplement monumental. Malgré la maîtrise des effets spéciaux, les peintures en arrière-plan, les incrustations, de nombreuses scènes sont tournées en Égypte, notamment au mont Sinaï.
75 films de Cecil B. DeMille
Ces Dix Commandements achèvent et couronnent la carrière prolifique de Cecil B. DeMille, entamée en 1914 (dans les années 1910, on peut faire entre cinq et dix films par an). Adepte de la comédie conjugale au temps du muet, il saura ensuite profiter des avancées techniques pour devenir le champion du péplum (Cléopâtre, Samson et Dalila…).Cecil B. DeMille sur le tournage des « Dix Commandements ». Paramount
74 ans, l’âge de Cecil B. DeMille en 1956
Et 70 ans au moment de s’engager dans ce projet pharaonique, au début de l’année 1952. Il est d’ailleurs victime d’une crise cardiaque pendant le tournage, mais parvient à reprendre le travail deux jours plus tard ! Il décède trois ans après la sortie du film, son dernier, en 1959.
13 millions de dollars de budget
À l’époque, c’est le film le plus cher jamais produit. La Paramount donne à DeMille des moyens illimités, mais aussi une totale liberté artistique. Aujourd’hui, un blockbuster comme Tenet bénéficie d’un budget de 200 millions de dollars.
20 000 figurants
Certains disent 10 000, d’autres 18 000, d’autres encore 20 000. Une chose est sûre : il y a moult figurants sur le tournage. Ces vastes plans larges sur les esclaves se tuant à la tâche pour le pharaon (qui lui est bien seul sur son trône) continuent d’impressionner aujourd’hui.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille, dans sa deuxième version de 1956. Paramount
122,7 millions de dollars de recettes au box-office
Soit le film le plus rentable de l’année 1956. Les Français sont 14 millions à le voir au cinéma.
4 plaies d’Égypte
Les grenouilles sont bien tombées du ciel, DeMille les a filmées, mais il décide finalement de les couper au montage. Il conserve son orage de grêle (de pop-corn), son Nil ensanglanté (par un tuyau d’arrosage), son ciel ténébreux, la mort des nouveau-nés.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956).
1 Oscar
Eh oui, après être passé de 2 à 122,7 millions puis 4, cet article termine en eau de boudin avec le chiffre 1. Car malgré tous les moyens mis en œuvre et sept nominations aux Oscars, le film ne récolte qu’une seule statuette à la cérémonie de 1957. Elle revient à John Fulton, le directeur des effets spéciaux. On aime encore, bien des années plus tard, cette façon d’ouvrir la mer Rouge : par des chutes d’eau de part et d’autre et une pellicule qui se déroule à l’envers. Avec ça, vous traversez n’importe quelle étendue d’eau.« Les Dix commandements », de Cecil B. DeMille (1956). Paramount
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A PROPOS. Il y a assez longtemps, j’avais écrit une série de billets sur Moïse, mon prophète préféré, en réalité un bègue volontaire, qui ne voulait se faire entendre, pour obliger Dieu, une première fois, peut-être la dernière, à intervenir dans l’histoire des hommes qu’il avait créé à son image et qu’il avait, par la suite, laissé à leur propre sort.
Il est vrai que Moïse est l’unique, l’Homme. Comme Dieu est l’unique, revendiquant cette unicité, ne permettant même pas à Moïse, pour d’obscurs motifs d’entrer dans la terre promise. Dieu, comme le dit Jan-Luc Allouche dans ce roman de Moïse qu’on commentera plus bas “n’a pas d’associé”.
Puis, évidemment mes détours professionnels au sein de l’université fabriquant une intellectualité autant débridée que complexée, me faisait percevoir ce Moïse et le départ d’Égypte des juifs esclaves comme l’invention de “l’homme-liberté”, précurseur de ce qui plus tard deviendra l’idéologie dominante. L’invention de la liberté dans ce départ d’Égypte.
J’aimais donc Moise et j’écrivais au kilomètre sur le phénomène. Des cahiers. J’ai tout perdu négligent, peut-être volontairement.
Un après-midi qui précédait le soir du Seder (le récit ordonné de l’exil) de Pessah, ma fête préférée (évidemment, c’est celle de Moïse), j’ai écrit quelques anecdotes judéo-tunisiennes, du type de celui dénommé “EXTRA !” et que je donne plus bas.
Donc, des petits billets, sans aucune prétention, dans lesquels je me lançais, dans le sourire, à l’abordage, beaucoup dans l’anecdote, de cette fête importante qui commémore donc la sortie des juifs d’Egypte.
On m’a demandé de les rassembler ces billets, sous le titre “Carnets de Pessah”.
Les voici donc, mes carnets qui n’ont vraiment rien de souterrains, dans un type très éloigné de ceux de Dostoïevski.
Je n’ai pas voulu tout coller. Notamment les diatribes contre les rabbins qui refusent une philosophie juive et détruisent l’esprit du judaïsme pour l’enfermer dans un commentaire insipide de virgules inutiles ou le compliquer dans l’exegèse de locutions pourtant fluides, en vantant l’Ethique juive qu’ils ne savent pas valoriser ou même définir, manque de mots et, surtout de concepts. Mais je vois que je m’égare. La période est à la paix du Seder.
Charlton Heston, les dix commandements (Cecil.B.De Mille)
1 – EXTRA…!
Extrait de la Haggadah de Pessah : Nous étions esclaves du Pharaon en Égypte, et l’Éternel, notre Dieu, nous a faits sortir de là d’une main forte et d’un bras étendu. Si le Saint, Béni soit-Il, n’avait pas sorti nos pères d’Égypte, alors nous, nos enfants et nos petits-enfants serions restés asservis au Pharaon en Égypte. Aussi, même si nous sommes tous sages, tous comprenant, tous connaissant la Torah, nous serions encore obligés de discuter de la Sortie d’Égypte ; et celui qui fait la narration de la Sortie d’Égypte plus longuement est digne de louanges.
On aura donc compris que je suis un peu juif. Et rien de ce qui est de cette religion, de ses coutumes, de son architecture éthique ne peut m’être indifférent. Non pas que je fréquente assidument les synagogues. Mais, très simplement, parce que je suis né juif et que ça suffit pour être juif.
Deux soirs de récit dans la fête de Pessah (la Pâque juive), Deux soirs à l’occasion desquels, autour d’une table familiale animée, est rappelé, dans le récit ordonné (La Hagadah, le Seder) surtout aux enfants, la conquête de la liberté des juifs (les enfants d’Israël), sortis d’Égypte, après des années d’esclavage.
Hymne à la liberté conquise dans la sortie d’Égypte, imposée par Moïse, “main et bâton du Maître de l’Univers” puis surtout dans le désert, pendant 40 ans, l’Éternel faisant don, sur le Mont Sinaï, de la Torah (le Pentateuque, les 5 premiers livres de la Bible nommée, pour faire la part du “nouveau” « Ancien testament » par les chrétiens, “sûrs d’eux-mêmes et dominateurs”.
Il n’est un juif, même les moins religieux, qui ne se souvienne de cette soirée. Sur la table, déjà emplie de mets qui sont autant de symboles printaniers à bénir, est posée devant chaque convive la Haggadah de Pessah. Le livre du récit. Il en existe des centaines d’éditions, des plus sobres, non imagées, aux plus luxueuses, sur papier glacé, illustrée par les plus grands peintres contemporains et commentée par des rabbins médiatiques. A chaque Haggadah, l’affirmation de ce qu’il faut faire, qui diffère de celle figurant dans celle acquise dans une autre édition. La bataille est quelquefois rude entre les convives dont chacun est persuadé qu’il a entre les mains la “vraie Hagaddah”, celle des autres se fourvoyant dans des propositions absconses et mal fondées !
Les grands religieux ne la lisent qu’en hébreu. D’autres, oublieux de la langue apprise pour leur Bar-Mitsva, lisent (on lit à tour de rôle) en phonétique. Les plus modernes, les plus libéraux lisent en français. On peut alterner.
Entre les lectures, tout un rituel donc, autour du vin et des aliments (céleri, herbes amères qui rappellent les misères endurées par les hébreux, trempées dans une confiture de dattes, œuf, pied d’animal, et plein d’autres choses encore, mon propos n’étant pas encyclopédique…)
Autre Extrait de la Haggadah de Pessah :« Les Égyptiens nous traitèrent avec méchanceté , comme il est dit : Allons, agissons avec ruse envers lui (Israël) de peur qu’il se multiplie et que, s’il y avait une guerre, il se joigne à nos ennemis, se batte contre nous et quitte le pays. Ils nous firent souffrir , comme il est dit : « Ils mirent des surveillants sur (le peuple d’Israël) pour le faire souffrir de leurs fardeaux ; et il construisit des villes d’entrepôts pour le Pharaon, Pitom et Ramsès. Et ils nous imposèrent un dur travail », comme il est dit : « Les Égyptiens firent travailler les Enfants d’Israël avec dureté. Et ils rendirent leur vie amère par le dur travail, avec le mortier et avec les briques et toutes les sortes de travail dans le champ, tout leur travail qu’ils leur imposèrent avec dureté. » Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères.Et l’Éternel entendit notre voix et vit notre souffrance, notre labeur et notre oppression. Et nous avons crié vers l’Éternel, le Dieu de nos pères », comme il est dit : « Pendant cette longue période, le roi d’Égypte mourut ; et les Enfants d’Israël gémirent à cause de la servitude et ils crièrent. Et leur appel au secours monta vers Dieu, depuis la servitude. Et Dieu entendit notre voix », comme il est dit : « Et Dieu entendit leur gémissement, et Dieu Se rappela Son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. »
Et on chante, dans un moment crucial de la soirée, on récite plutôt les dix plaies d’Égypte, infligées par le Maitre de l’Univers, aux égyptiens pour contraindre leur Pharaon à laisser partir les juifs, sous l’égide de Moïse, l’envoyé, faiseur de miracles qui ont peine à emporter la conviction du souverain qui ne veut laisser les Hébreux devenir libres et quitter le pays des souffrances..
C’est ici que je reviens à mon titre (extra).
Donc, pendant le repas, programmée depuis des siècles, la récitation, l’une après l’autre, des dix plaies subies par les égyptiens, pour contraindre Pharaon à se défaire des juifs.
Elles sont terribles ces plaies infligées aux égyptiens.
les dix plaies d’Egypte
Sang.
Grenouilles.
Vermine.
Bêtes sauvages.
Peste.
Ulcères.
Grêle.
Sauterelles.
Obscurité.
Extermination des premiers-nés.
Après l’énoncé de chaque plaie, le maître de maison, maître des prières, verse dans un récipient un peu de vin et les convives disent, à chaque geste de versement du liquide, “Que l’Éternel nous en préserve”. En judéo-arabe (tunisien) “Simassilinou”.
Puis, la récitation maléfique terminée, la maîtresse de maison, la mère pour tout dire, prend, d’un geste solennel, dans ses fortes mains, le récipient, un pot de fer souvent, rouillé et cabossé, empli de ce vin versé dans l’énoncé des plaies.
Tous se taisent, dans un silence absolu, un des rares respectés chez les juifs, le grand moment silencieux de l’année, du moins chez les judéo-tunisiens.
La mère, sans un mot, sans se retourner, va vers les toilettes. Le silence s’amplifie, malgré les petits sourires entendus de quelques uns, certains de la suite, de l’épilogue qui se renouvelle chaque année.
On entend le bruit de la chasse d’eau. La mère vient de déverser le vin des dix plaies dans la cuvette des WC…
Et tous, toujours silencieux, attendent. Ils attendent un mot.
La mère revient vers la table, tête droite, pieds presque joints, et, solennellement, le clame : “EXTRA !” (Ca peut être aussi “super” ou “génial”, chez les plus modernes).
Et tous applaudissent. Des 4 mains, dans la joie et la vraie allégresse.
Quand on invite un non-juif (le religieux orthodoxe n’en a pas le droit, parait-il, cf infra 3.“la porte”) ou même un non-sépharade ou, plutôt un non judéo-arabe, peut-être même un non judéo-tunisien, il faut expliquer:
Les dix plaies sont donc concentrées, au fil de leur versement, dans le récipient, le vin allant être jeté dans la cuvette.
Et là, de deux choses l’une :
– soit après le, tirage de la chasse, l’eau est encore tumultueuse. Et ici, les convives n’ont peut-être pas bien récité ou, pire, ne sont pas méritants d’une absolution divine.
– soit l’eau est limpide, calme, ayant absorbé les plaies, hors de la demeure.
ET C’EST ICI QUE LA MÈRE CRIE : “EXTRA !”
On imagine que nul depuis la nuit des temps, dans toutes les demeures juives d’Afrique du Nord, le soir de Pessah, n’a pu entendre un “Pas extra“.
La mère le crie, certainement, cet “extra !”, sans même regarder l’eau. Le tumulte ne peut être dans l’eau. Impossible !
On pourrait, dans un souci anthropologique rechercher l’origine de cette curieuse coutume qui dévore la superstition. On préfère en rester là. Le mystère de la coutume se suffit à lui-même, frôlant la beauté universelle, extra “en soi”.
2 – LA CIGARETTE ET LE VIN
Deuxième soir de Pessah, deuxième Séder.
Un membre de ma famille, le seul qui connaisse ce site, me demande de continuer. “Il y a deux soirs de Séder, donc deux billets. Ou sinon, c’est pas du jeu…”. “Du jeu”, donc.
Donc, je continue, en espérant que demain, je n’entendrai pas dans sa bouche me dire “Pessah dure 8 jours, donc tu continues…”
Et, ce soir, devant un “Msoki”, livré à domicile, ma mère, disparue ne pouvant nous le faire, je m’y attèle.
Le Msoki de Pessah
LE MSOKI. Extrait de Wikipédia : “Le msoki ou msouki (hébreu : מסוקי) est un plat traditionnellement préparé par les Juifs originaires d’Algérie et de Tunisie pour le séder de Pessa’h ou pour le septième jour de cette fête, mais il peut être consommé pendant la fête. Il s’agit d’un ragoût d’agneau et/ou de bœuf contenant plusieurs variétés de légumes (généralement de saison). Certains ajoutent des morceaux de matza afin de pouvoir comparer le plat aux trois éléments essentiels de la nuit de Pessa’h — pessa’h, matza ou maror (« agneau pascal, pain azyme et herbes amères »). Comme les galettes azymes cuites en Tunisie étaient extrêmement dures et épaisses et que les Juifs tunisiens autorisaient la consommation de matza trempée, il était de coutume de les plonger dans le fond du plat pendant sa cuisson afin de les ramollir”.
COMMENTAIRE PERIPHERIQUE DE WIKI ECRIT PAR UN IGNORANT : NON, PAS DE MSOKI CHEZ LES JUIFS ALGERIENS. LA MATZA EST TOUJOURS AJOUTÉE. UN MSOKI SANS MATZA (LA GALETTE) EST COMME UNE CHOUCROUTE SANS SAUCISSE;
Hier, j’avais raconté “l’extra” après les dix plaies.
Ce soir, toujours dans le souvenir anthropologique, culturel, laissant de côté la théorisation sur l’invention de la liberté (par le judaïsme, dans la sortie d’Egypte, et non pas dans la chrétienté, dans la constitution de l’individu contre la Loi, comme pourrait le clamer un auteur de la revue chrétienne “Etudes”,
Le soir de Pessah, le vin est donc présent, dans les prières, entre les prières, dans le repas final. Les juifs séfarades, du moins avant leur départ pour la France, n’étaient pas de grand buveurs de vin. Ni, en général d’alcool. Les alcooliques étaient répertoriés. De temps à autre, peut-être – et encore- des rasades de boukha (l’alcool de figue frappé, conservé, en France dans le congélateur pourtant inconnu dans les terres africaines (étant observé que beaucoup de connaisseurs considèrent cette pratique de la boukha congelée comme une infamie, le goût de la figue étant “écrasé” par cette pratique inepte. Mais je m’éloigne du sujet).
Donc, le vin le soir du Séder, indispensable à l’ordonnancement du récit, entrecoupé de gorgées du liquide, qu’on boit, au demeurant, accoudé à gauche (mais, là encore, je n’explique pas, le billet n’étant pas encyclopédique)
Les enfants sont, ce soir, rois de la table, les questionneurs de la source de la tablée magique du Séder (“Pourquoi ce soir n’est pas comme les autres ?”) peuvent tremper leurs lèvres dans la coupe de vin. Les enfants peuvent boire du vin…!
Et beaucoup d’adolescents se souviennent de cet instant magique pendant lequel, comme les adultes, l’on pouvait boire du vin; que, mieux encore l’enivrement n’étant pas interdit par les sages commentateurs du Séder, ils pouvaient avoir le droit de subir une tête qui tourne, sous les effets d’une lampée du liquide des dieux…
Gueule de bois de Pessah…
M’est alors venu, à cet instant où je riais de ces jeunes enivrés, un autre écart, à l’oeuvre dans une vie de jeune juif : la cigarette aux lèvres, le jour de la Bar-Mitsva, à 13 ans.
Ce jour là, le “communiant” (la France chrétienne est passée par les mots) avait le droit d’avoir dans sa poche un paquet de cigarette et, ostensiblement, devant des parents assez gênés, des oncles rieurs, et des copains ravis de partager les bouffées, laissait pendre dans des lèvres maladroites, une cigarette, sorti de ce paquet acquis sur un trottoir, quelques mois avant le grand jour…
Le bar-mitsva devenait un homme, pouvait participer, désormais à l’assemblée des dix requis pour prier (le “minian”: il ne faut pas d’Eglise chez les juifs, juste une communauté de 10). Il pouvait donc fumer.
Un verre de vin à la main, cigarette dans la bouche, l’homme s’imagine homme. Il n’en faut pas plus pour faire des bonds.
3 – LA PORTE
famille sépharade, soir de Pessah
Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive.
Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».
Donc, pendant 8 jours, on célèbre la sortie des juifs d’Egypte.
On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler par le levain sous le tissu adéquat.
Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,
La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël.
4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.
Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin (cf supra). Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.
Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, signe de liberté, rite exclusivement judéo-tunisien, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction (Etmol Ainou avadim Ayom bene Horin, Hier, nous étions esclaves, aujourd’hui libres), les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.
Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?
Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.
Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.
Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.
Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.
Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy »), mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.
J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque à la réflexion, une injonction littérale et autoritaire, au sens premier du terme, à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer, pour rien. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.
Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.
Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.
LA QUESTION DE EVA.R
REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)
1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.
2. Durant Yom Tov, cela est interdit. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.
3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].
4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.
Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.
Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].
5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].
Je me suis frotté les yeux et avoue avoir eu, un peu, juste un peu eu honte de ce propose dans la bouche d’un corréligionnaire.
Ici, j‘ai plusieurs solutions :
– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme
– Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.
– Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.
– Soit je je me tais et écris l’ineptie, en cherchant d’autres mots tant il est faible.
J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnerade ne pas avoir été plus virulent.
5 – LA HAGGADAH CHANTEE, RITE JUDEO-TUNISIEN. ECOUTER
Ancien rédacteur en chef à Libération et correspondant de ce journal à Jérusalem, Jean-Luc Allouche a un vrai culot.
Avoir du culot, ce n’est pas entrer sans frapper dans le bureau du patron pour obtenir une augmentation ou se planter tous les soirs devant la porte de la femme qu’on désire pour, sans un mot, lui offrir des fleurs, ou encore se permettre de s’inviter à la soirée magnifique de laquelle l’on est chassé, du fait de son trop grand toupet.
Non, avoir du culot, c’est, au crépuscule d’une vie, s’attaquer à Dieu lequel (l’on ne sait jamais) peut se tapir dans un coin du ciel le jour où (l’on ne sait toujours pas) il cueillera votre âme. Surtout quand on le dit (c’est le cas d’Allouche) presque sans pitié et imbu de lui.
Donc, Allouche a un vrai culot lorsqu’il nous décrit, dans son dernier bouquin (Le roman de Moïse. Albin Michel. 2018) un Dieu irritable, colérique, injuste, caractériel. Il avoue, au demeurant que “ce Dieu de la Bible n’est pas à mon goût”.
Ce Dieu, sans figure en prend plein la sienne, si la matière se prêtait à un mauvais jeu de mots.
Allouche a donc écrit un “roman de Moïse”, en collant au texte biblique, l’agrémentant des commentaires du Talmud du Midrach, des grands commentateurs et pas seulement Rachi ou Maimonide…
Le bouquin est passionnant, magnifiquement écrit, documenté. Et l’on sent, sous la plume, des vibrations pas toujours positives, qui vont de la colère envers ce Dieu querelleur jusqu’à la caresse sur les lèvres bégayantes de Moïse.
On ne peut raconter, il faut lire ce long bouquin qui a accompagné plusieurs nuits, transformant l’épisode biblique en un roman qui est celui de la guerre (le mot n’est pas trop fort) entre Dieu et le peuple qu’il a fait sortit d’Egypte pendant ces quarante années d’errance dans la colère des deux (le peuple et Dieu s’affrontant), entre Dieu et Moïse qui implore le pardon pour ledit peuple et la vie pour lui, pour lui permettre d’entrer dans le pays promis, terre de lait et de miel.
Dieu, malgré les supplications de tous ses anges, de tous ses cieux ne fléchira pas.
Je colle ici le dernier paragraphe du bouquin :
“Allons, une ultime pirouette inspirée par ce merveilleux magicien de l’hébreu, et longtemps homme politique courageux, feu Yossi Sarid, à qui j’emprunte cette citation :
« Moïse n’aurait pas dû mourir. Sa santé était relativement bonne, compte tenu de son âge : “Son regard ne s’était point terni, et sa vigueur n’était point épuisée.” Mais Dieu, lui aussi, se préoccupe de son statut et n’est pas du tout disposé à partager le crédit de ses actes avec d’autres : c’est lui qui nous a fait sortir d’Égypte, qui a fendu la mer en deux pour nous, et a couvert tous nos besoins dans le désert. Dieu n’a pas d’associé.
Allouche a du culot ?
A vrai dire, pas vraiment. C’est Dieu qui en a, en ne sombrant pas dans l’amour et le bon sentiment, affirmant sa prééminence, sans se départir de la parole première.
Si Dieu n’avait pas eu ce culot, l’on aurait basculé dans une autre religion, celle de notre ère. Celle qui prétend abolir les sentiments et les contradictions, pour les fondre dans la béatitude de l’amour plat et mièvre.
Le judaïsme admet la colère de Dieu. Mieux, il ne saurait se reproduire sans la crainte de cette colère, du type, légitime, qu’a généré la fabrication du veau d’or. La colère justifiée est bonne.
Je vais le dire à Allouche, pour le consoler : son culot est à la mesure de celui de Dieu. Et s’il ne peut être un associé, il est, lui, Allouche, image de Dieu, un bon collaborateur, à l’image de son créateur qui n’est pas qu’amour. Qui est unique,sans nom, et pourtant multiple. Sephirot…
L’unique et son pluriel, dirait je ne sais qui.
Relisez. Tout sauf du petit blasphème d’athée de service.
6 – PAUSE : MUSIQUE, VIDEOS-CADEAUX, SUR LE THEME MUSICAL “UPDOWN FUNK”. PUNCH A PESSAH…
7 – LA QUERELLE DE MERIBA, LE MYSTERE D’UNE INGRATITUDE DIVINE
Puisqu’il s’agit d’une discussion sur la fête de Pessah, la Pâque juive, qui fait se souvenir les juifs de leur sortie d’Égypte, sous l’égide de Moise, leur errance dans le désert, le don de la Torah sur le mont Sinaï , la lutte fondamentale contre l’idolâtrie et l’entrée dans la Terre sainte, la Promise, la question que, provocateur, je posais à la table du Seder lorsque j’étais jeune, aux lieu et place des fameuses questions posées par les enfants à qui l’on raconte l’épopée, me revient chaque année.
Lisez mon titre, ça sonne comme « la controverse de Valladolid ».
Mais c’est une question sur « le maître de l’Univers » et sa relation à Moïse, puni. Puni, mon idole de jeune, de ma jeunesse.
La question : pourquoi l’Éternel a-t-il interdit à Moise, l’entrée dans la Terre promise ?
Les interprétations sont diverses. Et dans cette interrogation, se terre toutes celles sur le monde et l’absurdité qui peut le gouverner.
Rappelons la scène biblique (Nombres 20- 8-12)
Et le peuple chercha querelle à Moïse, et ils parlèrent ainsi: “Ah! Que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l’Éternel! 4 Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de Dieu dans ce désert, pour y périr, nous et notre bétail? 5 Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l’Egypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n’est pas un pays de culture, où il n’y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, ni eau à boire!” 6 Moïse et Aaron, assaillis par la multitude, se dirigèrent vers l’entrée de la tente d’assignation et se jetèrent sur leur face; et la majesté divine leur apparut. 7 Et l’Éternel parla ainsi à Moïse: 8 “Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail.” 9 Moïse prit la verge de devant l’Éternel, comme il le lui avait ordonné. 10 Puis Moïse et Aaron convoquèrent l’assemblée devant le rocher, et il leur dit:”Or, écoutez, ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l’eau pour vous?” 11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent. 12 Mais l’Éternel dit à Moïse et à Aaron: “Puisque vous n’avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné.” 13 Ce sont là les eaux de Meriba, parce que les enfants d’Israël contestèrent contre le Seigneur, qui fit éclater sa sainteté par elles
Le Maître de l’Univers punit donc Moïse.
On cherche. Même jeune, je cherchais. Et je n’avais pas trouvé la désobéissance. Puis, si : Moïse n’avait pas « parlé au rocher », il avait « frappé » la pierre.
Horeb. Moise avait déjà fait jaillir de l’eau d’un rocher en frappant Il savait que « le coup du bâton » marchait. Il l’avait déjà fait au rocher d’Horeb (Exode 17 : 5-6 : « …prends aussi dans ta main ton bâton, avec lequel tu as frappé le Nil, et tu t’avanceras. Me voici, je me tiens là devant toi, sur le rocher en Horeb, tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira… »
A Horeb, il devait frapper. A Meriba, il était certain qu’il devait « parler » en frappant. Alors pourquoi ne pas recommencer ? Mais non, non, pas à Meriba. Et pourquoi, si le Seigneur lui avait déjà commandé de frapper le rocher d’Horeb, était-ce si grave de frapper à nouveau un rocher à Meriba ?
l’Éternel lui avait pourtant demander de “prendre sa verge”, son bâton
Donc, une désobéissance. Il fallait parler.
Cependant persuadés que le geste de Moïse n’était pas concomitant d’une « volonté » de désobéir, plus une répétition qu’une rébellion, les rabbins commentateurs (allez-voir en ligne) assimilent la « frappe » de Moïse à de la colère. Il suffisait disent-ils d’être calme et doux avec l’eau douce qui sortirait par la parole conférée à Moïse par l’Éternel.
L’interprétation court dans tous les esprits : Moïse s’est mis en colère. Or, l’on cherche sans trouver dans le texte le moindre embryon de colère chez Moïse…
Et lorsque je disais à mes oncles, mon père, le soir du Seder, que c’était une injustice, j’étais accusé de blasphémateur, même si l’on me caressait les cheveux, les interlocuteurs étant un peu fiers du jeune rebelle, de l’enfant qui ne pose pas les questions de la Haggadah et s’en prend un peu à D…
Mais, plus sérieusement, je ne comprends toujours pas pourquoi Moïse ne voit la terre promise que du haut d’un mont, comme dans une scène hollywoodienne. Au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.
J’ai alors repris, aujourd’hui Dimanche, le merveilleux, vraiment merveilleux bouquin de Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse » (déja convoqué dans mes billets et colle ci-dessous son « récit » et ses commentaires sur Meriba et le rocher. Lisez, même si c’est un peu long, je ne n’ai pu couper.
LA FAUTE DE MOÏSE
« Dès lors qu’ils ne disposent plus d’eau grâce à Myriam, comme ils en avaient bénéficié pendant quarante ans(330), les enfants d’Israël se tournent vers Moïse et Aaron. Et leur cherchent querelle : « Ah, si nous avions péri comme nos frères ont péri devant l’Éternel ! Car la peste est préférable à la soif(331) ! »
Et, cette fois encore, la foule turbulente déroule ses griefs : pourquoi nous avoir amenés dans ce désert, pourquoi nous avoir fait quitter l’Égypte pour cette « mauvaise contrée », cette terre infertile où ne poussent ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers ? Et où il n’y a rien à boire(332)…
Et, de nouveau, devant les assauts du peuple, Moïse et Aaron se jettent face contre terre, et, derechef, la majesté divine leur apparaît. L’Éternel ordonne à Moïse : « Prends ton bâton et convoque tout le peuple, toi et ton frère Aaron. Vous parlerez en leur présence au rocher. Et tu feras jaillir pour eux de l’eau pour les abreuver, eux et leurs troupeaux(333). »
La foule rameutée devant le rocher, Moïse harangue l’assistance : « Écoutez-moi bien, bande de rebelles, ignares qui voulez surpasser vos maîtres : vous vous demandez si nous pouvons faire jaillir de l’eau de ce rocher ? »
Sur ce, Moïse lève son bâton et frappe à deux reprises le rocher ; l’eau s’échappe à flots, et tous d’étancher leur soif.
Allons, encore une révolte d’étouffée, soupirent Moïse et son frère…
La sentence s’abat sur leurs têtes : « Puisque vous n’avez pas cru en moi et ne m’avez pas sanctifié aux yeux des enfants d’Israël, eh bien, vous ne conduirez pas ce peuple dans ce pays que je lui ai donné »
La Torah a retenu le nom de ce lieu tragique : les Eaux-de-Mériba – la « Querelle ». »
« Voilà donc l’épisode par lequel se noue le destin injuste de Moïse – et, accessoirement, celui de son frère. N’a-t-il pas obéi à l’injonction de l’Éternel et fait jaillir l’eau du rocher ? Pourquoi cette condamnation qui semble relever du pur caprice ?
« Au fil des générations, les exégètes de la Torah se sont perdus en conjectures au sujet de cet arbitraire divin. Les hypothèses, ratiocinations et justifications sont si nombreuses que Samuel, David Luzzatto (1800-1865), philosophe et commentateur biblique italien, raille ces vénérables exégètes dans sa glose sur Nombres, XX, 12 :
« Moïse notre maître n’a commis qu’une seule faute, et les Sages, eux, l’ont chargé de treize fautes, voire davantage, chacun inventant de son chef un nouveau péché… Et peut-être existe-t-il d’autres opinions, mais je ne les connais pas.
Mais Dieu − n’est-ce pas ? − ne peut pas être injustifiable aux yeux de ses fidèles.
Et donc les commentaires abondent autant que les Eaux-de-Mériba : celui-ci rejette la faute sur Moïse – aveuglé par la colère, il aurait frappé par deux fois le rocher, au lieu de parler, comme le voulait l’injonction divine.
Celui-là condamne le caractère public de la harangue de Moïse à l’encontre d’Israël, voire son insolence, ce que l’Éternel ne pouvait laisser passer. Cet autre, Maïmonide, fustige son caractère : Moïse n’a pas compris l’état d’esprit de ces assoiffés, accablés par la détresse de leurs familles et épuisés par les épreuves du désert. Selon lui, contrairement à leur mutinerie dans l’épisode des douze explorateurs, leurs protestations, ici, étaient de bonne foi. Encore que Maïmonide ne soit pas tout à fait satisfait par sa propre explication : étant donné que « Moïse est très modeste, plus qu’aucun autre homme sur la terre » (Nombres, XII, 3) et « le plus fidèle des serviteurs de Dieu » (Nombres, XII, 7), se peut-il qu’il n’eût pas été capable de reconnaître sa propre faiblesse ?
À vrai dire, cette « faute » de Moïse paraît bien vénielle. Et sa punition, disproportionnée.
De son côté, écrit Yeshayahu Leibowitz,
« à chaque fois qu’il est accusé de quoi que ce soit, Moïse ne reconnaît jamais sa faute et n’accepte pas de se soumettre à la sentence divine, en respectant l’adage biblique “Juste est l’Éternel, car je fus rebelle à ses ordres” [Lamentations, I, 18], comme l’ont admis d’autres justes et pieux quand ils se trouvaient en proie aux châtiments divins(340) ».
Après avoir passé en revue de nombreux commentateurs traditionnels, Leibowitz s’attarde sur l’un de ses préférés, Rabbi Meïr-Simha Hacohen (1843-1926), l’auteur de Méchekh ‘Hokhma, dont il aime à citer les commentaires souvent peu conformistes, voire audacieux : »
« La sentence frappant Moïse – l’interdiction d’entrer en Terre promise et sa mort dans le désert − n’est pas du tout due à cet acte, mais c’était là sa destinée : l’homme Moïse n’aurait pas le mérite de parachever l’entreprise prodigieuse de délivrance d’Israël et de l’amener en terre d’Israël. Comme dit le Rav Hacohen : “Il était impossible que Moïse les acheminât en Terre promise car, alors, les masses l’eussent considéré comme une divinité et eussent passé pour adorer un homme, et le dommage l’aurait emporté sur les bénéfices”(341). »
D’ailleurs, Rav Hacohen note qu’en fait, dès la faute du Veau d’or, le sort de Moïse avait été scellé, car le peuple, désemparé par son absence et le tenant déjà pour une figure quasi divine, voire divine, demande un substitut à Moïse, qui soit, lui aussi, divin :
« C’est pourquoi, écrit Leibowitz, Moïse devait mourir dans le désert aux yeux de tout le peuple pour que ce dernier constate, sans l’ombre d’un doute, que Moïse n’est pas un être tout-puissant, mais un mortel comme chaque humain, et que la délivrance absolue repose entre les mains de l’Éternel. »
« Rabbi Haïm ben Attar (1696-1743), dans son Or Ha’haïm, s’emploie à passer en revue les commentaires de tous ses prédécesseurs pour conclure ainsi :
« N’aie aucune crainte de dire que Moïse n’a pas compris véritablement les intentions divines car la prophétie ne vient pas spontanément au juste, sinon par la réflexion. C’est la thèse de nos Sages : “Le sage est préférable au prophète” [Baba batra, 12, a]. Moïse n’a pas ignoré le sens des intentions divines, sinon qu’il a éprouvé un doute, et, par respect pour la dignité divine, a fait ce qu’il a fait [frapper le rocher] … En effet, par crainte que le rocher ne donne pas d’eau et que l’Éternel soit “humilié”, Moïse a donc frappé, alors qu’il aurait pu sanctifier l’Éternel en laissant éclater la toute-puissance de la parole divine et, ce faisant, conjurer la crainte que le miracle ne se produise pas(343). »
Autrement dit, si grand prophète que fût Moïse, il n’était pas quitte d’utiliser son intelligence pour comprendre les intentions divines. Nul n’est prophète dans sa maison… sans sa raison. »
« Yeshayahu Leibowitz, à la fois savant profane (professeur de biochimie, entre autres), philosophe et érudit de la Torah, esprit anticonformiste par excellence et véritable « prophète de la colère » contemporain, insiste souvent dans ses commentaires sur les leçons modernes à tirer de la Torah. Sur la « faute de Moïse », il remarque :
« Moïse notre maître n’a pas mené sa mission à bonne fin non à cause d’une imperfection, révérence garder, dans sa personnalité ou sa conduite du peuple, mais le vice était au cœur de sa génération [“Génération corrompue et tortueuse”, Deutéronome, XXXII, 5], “des enfants sans loyauté” [Deutéronome, XXXII, 5], une génération pervertie et rebelle, qui n’obéissait pas à son guide et s’est même rebellée contre lui. […] Malgré ses dons de guide et sa loyauté insignes, Moïse n’a pas réussi à laver le peuple de la souillure de l’esclavage en Égypte et à le rendre digne de pénétrer en Terre promise. D’où le fait que cette impossibilité lui ait été imputée comme son échec personnel le « plus cuisant, s’agirait-il d’un chef de la stature de Moïse, notre maître, l’homme de Dieu, le serviteur fidèle de sa maison »
Si, souvent, les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, parfois, les dirigeants n’ont pas le peuple digne d’eux.
Dès lors, désavoué en quelque sorte devant son peuple, trahi même, pourquoi Moïse continuerait-il à supporter ce fardeau ? D’autant que s’ajoute la mort de son frère, Aaron. Avant que ce dernier ne « retourne vers ses pères », l’Éternel charge Moïse de le dépouiller de ses vêtements sacerdotaux pour les remettre à son fils, Éléazar.
Le Midrach décrit ainsi la scène :
« Aborde Aaron par des paroles consolatrices. “N’es-tu pas heureux de voir ta couronne du sacerdoce donnée à ton fils ? Alors que moi-même je n’aurai pas ce mérite !”»
Après lui avoir ôté ses vêtements sacramentels, Moïse accompagne son frère au lieu de sa sépulture sur le mont Hor. Là encore, le Midrach livre cette image saisissante :
« Moïse dit à son frère : “Entre dans cette grotte.” Aaron entre et découvre un lit préparé et une lumière allumée. Il lui dit : “Monte sur ce lit.” Aaron monte sur le lit. Moïse lui dit : “Écarte les bras.” Aaron écarte ses bras. “Ferme la bouche.” Il la ferme. “Clos tes yeux.” Il les clôt.
Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50 »
Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »
« Aussitôt, Moïse se prend à souhaiter une mort semblable – comme il est écrit : “comme est mort ton frère, Aaron” [Deutéronome, XXXII, 50»
Après le deuil de trente jours, le peuple doit reprendre la route. Une immense lassitude gagne Moïse. »
Jean-Luc Allouche. « Le Roman de Moïse »
Je reviens : j’ai relu : le bouquin de JL. Allouche est merveilleux.
J’avais oublié son introduction. Lisez. J’affirme que je l’avais oublié en commençant ce billet. Après avoir lu cette introduction que je colle ci-dessous, vous pouvez vous dire que tous les enfants pensent la même chose…
” Après de si nombreux ouvrages sur Moïse sous la plume d’auteurs prestigieux, ou moindres, voilà que je me décide à livrer « mon » Moïse, comme tant d’autres ont donné leur vision de leur Moïse. Car, décrit de manière laconique, pour ne pas dire lacunaire, dans la Bible, Moïse est propre à fouetter toutes les imaginations. Le « mien », c’est un Moïse abandonné. Un Moïse à la parole blessée. Un « hors-venu », la figure si chère au poète Supervielle. À la vie sacrifiée. Je le veux tel, surtout pour « régler mes comptes » avec l’épisode suivant de son existence que j’ai toujours eu le plus grand mal à accepter. En effet, au cours de sa longue vie, cent vingt ans – longévité idéale, synonyme de vie accomplie aux yeux du judaïsme –, recru d’épreuves, l’homme Moïse aura été, à maintes reprises, sauvé. Au dernier moment. Sauvé (plus exactement : « retiré », « extrait », voire « rattrapé ») des eaux du Nil. Sauvé de la main de Pharaon comme, à l’occasion, des foudres de Dieu ou des révoltes de son troupeau indocile. Lors même qu’il aura été le sauveteur de son peuple. Cependant, une unique fois, le sort se montrera peu clément à son égard. L’ultime fois, au mont Nébo : là, l’Éternel lui enjoint de gravir cette montagne et de contempler le pays. Puis d’y mourir, à cause de l’épisode de Mériba : « Le pays, tu ne le verras que de loin : mais tu n’entreras pas dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël(1). »
Et Allouche d’écrire :
Enfant, cet épisode me révoltait. À mes yeux, malgré ses hauts faits et ses souffrances, l’existence de Moïse était tout sauf accomplie. Non que je fusse un mécréant – du moins, pas encore –, mais cette ingratitude divine me scandalisait.
Lorsque des enfants (ici, au moins deux, pensent la même chose, on n’est pas très loin de la vérité…
8 – “HAAZINOU”-“ECOUTEZ”, C’EST DE MOÏSE DONT IL S’AGIT !
09/2020).
Jamais, jamais, je ne me suis immiscé dans un commentaire sur la « paracha de la semaine », d’autres ici et là, avec plus ou moins de talent, en collant, en s’extirpant, en disant, notamment certains rabbins doctes et dans l’étude, le faisant mieux que je ne pourrais le faire, même après des milliers d’heures d’études. Même si beaucoup confondent interprétation et commentaire littéral. Même si j’en ai souvent envie, pour sortir du prévisible et tenter de faire caresser le judaïsme par la philosophie, hors de l’exégèse religieuse sur le mode talentueux mais intrinsèque et exclusive de Rachi, par un commentaire théorique. Commentaire philosophique souvent honni ou inconnu, le Texte sacré se suffisant à lui-même selon les orthodoxes qui ont le droit de ne pas penser pour pratiquer et porter la pérennité du peuple. On leur sait gré de cette tâche de survie, comme le dirait Hermann Cohen. Sans eux et les autres, y compris les libéraux, etc. Mais la prétention d’une immixtion théorique serait immense et, jamais, jamais, je ne me suis donc investi dans cette tâche.
On rappelle pour ceux qui ne connaissent pas l’expression que la paracha est l’unité de division du texte de la Torah, Bible hébraïque. Le Texte sacré est divisé en autant de semaines de l’année et est lu chaque semaine dans les synagogues. La totalité du texte est donc lue chaque année.
Cette semaine, ce Samedi d’avant Kippour (le Grand Pardon), le jour essentiel, crucial, presque ultime, pour le peuple juif, la paracha est dite de “Haazinou”(“Écoutez”).
C’est Moïse qui parle, le dernier jour de sa vie, s’adressant au peuple juif l’exhortant à se « se souvenir des temps anciens », « d’interroger ton père et il te racontera, tes sages et ils te diront », comment Dieu « les a trouvés dans le désert », en a fait un peuple, les a choisi pour Lui, et leur a donné une terre magnifique. Leur rappelant que la chute spirituelle n’est jamais loin, qu’elle est survenue lorsque le peuple « s’est engraissé, s’est révolté et a abandonné le Dieu qui l’a fait ». La paracha finit par l’ordre donné par Dieu à Moïse de monter sur le mont Névo, d’où il pourra, seulement, contempler toute la Terre Promise avant de quitter ce monde.
Donc, pour une fois, une seule fois, je romps la règle. Car il s’agit de Moïse. Celui que j’aime, celui qui bégaie, celui qui, injustement, n’est pas autorisé à entrer dans la terre promise, Dieu ne lui permettant que de la contempler, de loin, avant de mourir, du Mont Névo.
J’ai écrit, ici, sur cette injustice, incompréhensible, un énervement ou un bâton vif sur un rocher ne pouvant justifier une telle injustice.
Dieu que je l’aime Moïse, ce héros. Dieu, vous avez été injuste. Vous avez le droit, Dieu, de vous tromper. Vous en avez le droit.
Donc cette semaine, la paracha me permet de dire encore mon amour de Moise.
Non pas celle d’un religieux dans les premiers étages des synagogues, dans l’Étude de « Moché », mais celui d’un simple lecteur, un peu écrivant qui aimerait, tous les jours que Moise revienne sur terre, dans un rêve improbable, et entre avec le peuple sur la terre sacrée, pour y mourir. En souriant.
Je colle la paracha :
LA PARACHA“Haazinou”(“Écoutez”).”
Écoutez, cieux, je vais parler ; et que la terre entende les paroles de ma bouche.
Que mon enseignement s’épande comme la pluie, que mon discours distille comme la rosée, comme la bruyante ondée sur les plantes, et comme les gouttes pressées sur le gazon !
Car c’est le nom de l’Éternel que je proclame ; rendez hommage à notre Dieu !
Lui, notre rocher, son œuvre est parfaite, toutes ses voies sont la justice même ; Dieu de vérité, jamais inique, constamment équitable et droit.
Est-ce lui qui a condamné ses enfants ? Non, c’est leur propre indignité, ô race perverse et tortueuse !
Est-ce ainsi que vous payez Dieu de retour, peuple insensé et peu sage ? N’est-il donc pas ton père, ton créateur ? N’est-ce pas lui qui t’a fait et qui t’a organisé ?
Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle; interroge ton père, il te l’apprendra, tes vieillards, ils te le diront!
Quand le Souverain donna leurs lots aux nations, quand il sépara les enfants d’Adam, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël.
Car ce peuple est la part du Seigneur ; Jacob est le lot de son héritage.
II le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes aux hurlements sauvages; il le protège, il veille sur lui, le garde comme la prunelle de son œil.
Ainsi l’aigle veille sur son nid, plane sur ses jeunes aiglons, déploie ses ailes pour les recueillir, les porte sur ses pennes robustes.
Seul, l’Éternel le dirige, et nulle puissance étrangère ne le seconde.
II l’a fait monter victorieusement sur les hauteurs de la terre et jouir des produits des champs ; l’a nourri avec le miel des rochers, avec l’huile de la roche pierreuse,
Avec la crème des vaches, le lait des brebis, les gras agneaux, les béliers de Basan et les boucs, avec la mœlle exquise du froment ; et tu buvais le sang vermeil du raisin.
Yechouroun, engraissé, regimbe ; tu étais trop gras, trop replet, trop bien nourri et il abandonne le Dieu qui l’a créé, et il méprise son rocher tutélaire !
Ils l’irritent par des cultes étrangers ; ils l’outragent par leurs abominations.
Ils sacrifient à des démons qui ne sont pas Dieu, à des déités qu’ils ne connaissaient point; déités nouvelles, de fraîche date, que n’avaient pas redoutées vos pères.
Et le rocher qui t’engendra, tu le dédaignes, et tu oublies le Dieu qui t’a fait naître.
A cette vue, le Seigneur s’est indigné ; ainsi outragé par ses fils, par ses filles,
il a dit: Je veux leur dérober ma face, je verrai ce que sera leur avenir; car c’est une race aux voies obliques, des enfants sans loyauté.
Eux m’ont irrité par des dieux nuls, m’ont contristé par leurs vaines idoles ; et moi je les irriterai par un peuple nul, je les contristerai par une nation indigne.
Oui, un feu s’est allumé dans ma colère, dévorant jusqu’aux profondeurs de l’abîme ; il a consumé la terre et ses productions, embrasé les fondements des montagnes.
J’entasserai sur eux tous les malheurs ; contre eux j’épuiserai mes flèches.
Exténués par la famine, dévorés par la fièvre et des pestes meurtrières, j’exciterai contre eux la dent des carnassiers, et le venin brûlant des reptiles.
Au dehors, l’épée fera des victimes, au dedans, ce sera la terreur : adolescent et jeune vierge, nourrisson et vieillard.
J’aurais résolu de les réduire à néant, d’effacer leur souvenir de l’humanité,
Si je ne craignais le dire insultant de l’ennemi et l’aveuglement de leurs persécuteurs, qui s’écrieraient : “C’est notre puissance qui triomphe, ce n’est pas l’Éternel qui en est la cause.”
Car c’est une race aux idées fausses ; ils sont dépourvus d’intelligence.
S’ils étaient sages, ils y réfléchiraient ; ils seraient frappés de ce qui finit par leur arriver :
“Comment un seul homme pourrait-il en poursuivre mille, deux, mettre en fuite une myriade, si leur protecteur ne les eût vendus, si l’Éternel ne les eût livrés ?
Car leur protecteur ne ressemble point au nôtre, et nos ennemis sont une race à part.
De fait, leur vigne tient de la vigne de Sodome, et leur terroir, des campagnes de Gomorrhe ; leurs raisins sont des baies vénéneuses, ce sont des grappes amères que les leurs.
Leur vin, c’est la bave des serpents, c’est le poison meurtrier des vipères !”
Certes, ceci est mon secret ; il est scellé dans mes archives.
A moi la vindicte et les représailles, vienne l’heure où leur pied doit glisser ; car il approche, le jour de leur catastrophe, et l’avenir accourt sur eux!
Oui, l’Éternel prendra parti pour son peuple, pour ses serviteurs il redeviendra propice, lorsqu’il les verra à bout de forces, sans appui et sans ressources.
Alors il dira : “Où sont leurs dieux, ces rocs tutélaires, objets de leur confiance ;
Qui consomment la graisse de leurs victimes, s’abreuvent du vin de leurs libations ? Qu’ils se lèvent pour vous secourir ! Qu’ils soient pour vous une sauvegarde !
Reconnaissez maintenant que c’est moi, qui suis Dieu, moi seul, et nul dieu à côté de moi ! Que seul je fais mourir et vivre, je blesse et je guéris, et qu’on ne peut rien soustraire à ma puissance.
Oui, j’en lève la main au ciel, j’en atteste mon éternelle existence
Quand j’aiguiserai l’éclair de mon glaive, quand ma main s’armera du châtiment, je prendrai ma revanche sur mes adversaires, je paierai de retour mes ennemis.
J’enivrerai de sang mes flèches, et mon glaive se repaîtra de chair, du sang des mourants et des captifs, du crâne des capitaines ennemis !”
Nations, félicitez son peuple, car Dieu venge le sang de ses serviteurs ; il exerce sa vindicte sur ses ennemis, réhabilite et sa terre et son peuple !”
Moïse vint faire entendre au peuple toutes les paroles de ce cantique, lui avec Hoschéa, fils de Noun.
Lorsque Moïse eut achevé d’adresser toutes ces paroles à Israël entier,
il leur dit: “Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous admoneste en ce jour, et que vous devez recommander à vos enfants pour qu’ils observent avec soin toutes les paroles de cette doctrine.
Car ce n’est pas pour vous chose indifférente, c’est votre existence même! Et c’est par ce moyen seul que vous obtiendrez de longs jours sur cette terre, pour la possession de laquelle vous allez passer le Jourdain.”
L’Éternel parla à Moïse, ce même jour, en ces termes :
“Monte sur cette cime des Abarîm, sur le mont Nébo, situé dans le pays de Moab en face de Jéricho, et contemple le pays de Canaan, que je donne aux enfants d’Israël en propriété ;
Puis meurs sur la montagne où tu vas monter, et rejoins tes pères, de même que ton frère Aaron est mort à Hor-la-Montagne et est allé rejoindre ses pères.
Parce que vous avez été fautifs envers moi au milieu des enfants d’Israël, à l’occasion des eaux de Meriba à Kadesh, dans le désert de Cîn, en ne me sanctifiant pas au milieu des enfants d’Israël.
Ce n’est qu’à distance que tu verras le pays : mais tu n’y entreras point, dans ce pays que je donne aux enfants d’Israël.”Auteur
9 – CADEAU : LA HAGGADAH DE PESSAH COMMENTEE, HEBREU, FRANÇAIS, PHONETIQUE
Coutume des Tunes : la soirée des grillades avant Pessah
Les Tunes, les juifs de Tunisie ont leurs propres coutumes. Pessah n’échappe pas à cet écart.
Notamment cette “coutume” de manger des grillades la veille du Seder de Pessah. Côtes d’agneau, keftas, merguez tout est bon.
On peut l’expliquer.
En Tunisie, les Juifs Tunes avaient coutume de tuer un agneau 2-3 jours avant Pessah.
Dès l’agneau tué, il était dépecé : une partie de la viande était réservée au Msoki (le ragout d’agneau), le reste aux merguez. Sans réfrigérateur, venu tardivement, sans conservation de durée, il fallait soit cuire (Msoki), soit préserver ou sécher (merguez).
Mais, que faire donc des côtes d’agneau : on inventa, pour leur consommation, avant leur dépérissement, les grillades de la veille du seder.
11 – LE PASSAGE QUI N’EST CELUI DE TUNIS-MÊME
Il existe plusieurs manières d’être juif.
– Soit, évidemment, être pratiquant et fréquenter assidûment la synagogue, faire Chabat, célébrer toutes les fêtes, manger “cacher” sans écart et tutti quanti.
– Soit manger “cacher” exclusivement chez soi, ne pas manger de porc, aller à la synagogue le jour de Kippour, jour du Grand pardon, bar-mitsva des garçons, matsot (pain azyme) pour Pessah et altri quanti. Soit, encore, ne pas être croyant, s’intéresser à la culture juive, se faire traiter de juif dit imaginaire, bref ne pas être religieux et considérer le judaïsme comme une culture, le concept se transformant en judéité. Se dire ainsi juif athée.
– Soit, enfin, en rester à l’existence d’espaces supérieurs, croire au génie de la conceptualisation du monde par la judéité, s’arrêter toujours aux notions qui structurent la religiosité et la pratique juive. Et, sans cesse, sans discontinuer, s’interroger sur le sens du récit juif. Et se dire juif et dire. Sans autre volonté.
Dans tous les cas, rien de ce qui est la judéité, qui peut ne pas être le judaisme, n’est périphérique.
Alors, on s’intéresse à Moïse, aux fêtes juives et à la philosophie juive, piteusement écrasée par la pratique sans pensée, aux coutumes, aux espaces cabalistiques et tout et tout. Ce qu’on tente ici dans ce mini-site, la fonction “recherche” permettant de le constater.
Certains se sont donc étonnés de ne pas voir sous la plume, dans cette période de fête, évoquer, comme dans les années passées “Pessah”, la Pâque juive, celle du temps présent de ce Nissan (le mois juif). On y remédie, sur la pointe des pieds. En réalité, il est toujours difficile d’écrire sur le sujet, des milliards de mots s’y étant employés. C’est, au demeurant le seul frein, idiot dit F, à l’écriture : la persuasion du déjà-dit.
Donc : rares, sont ceux, sauf les ignorants et les esprits non curieux, qui ne savent pas que la Pâque juive, “Pessah” est la fête de la commémoration de la sortie des juifs d’Egypte. Une commémoration, ponctuée par les deux premiers soirs (du Seder) qui n’est pas un récit, juste un fait acquis, l’Exode, son chapitre biblique n’étant pas, curieusement contée ou récitée.
Que dire sur cette fête essentielle ? Evidemment, des millions de mots sur la liberté et son invention, sa conceptualisation insensée (un juif rit quand on lui dit qu’il a été esclave, car il en est sorti, par une volonté divine qui s’alliait à la volonté humaine. Pas un noir, affreusement resté dans sa condition après l’interdiction légale.
Mais on veut s’en tenir ici au NOM. Evidemment, pour un juif, le nom est constitution, émergence du néant : il est, en effet, dommage que l’on titre “Pâque” ou “Pessah”, en France. Il aurait été p^lus significatif d’imiter les anglo-saxons et dire “passage”, PASS OVER. Surtout lorsque l’on sait que la fête chrétienne de Pâques trouve son origine dans la Pâque juive, qui célèbre, entre autres, le passage de la Mer Rouge par les Hébreux. Et, étymologiquement, le mot Pâque signifie “le passage”.
Mais c’est un autre passage que Pessah. En effet, durant le Seder, les Juifs glorifient le passage de l’esclavage à la liberté. Pessa’h signifie bien « passage » : passage de la mort, sans mort, sur les maisons des enfants d’Israël (la mort qui passe sur la vie) passage de l’esclavage à la liberté, évidemment encore, passage miraculeux à travers de la Mer rouge scindée, passage du Jourdain et entrée en Canaan, terre promise, passage du néant d’Israël à son émergence par un peuple. Et, ce qui n’est pas rien, passage de l’hiver au printemps,porteur de tous les fruits et légumes merveilleusement cuits dans la marmite des soirs de Pessah.
On va proposer aux autorités religieuses de renommer (en français, bien sûr), le nom. Renommer la fête en “Passages”. Certains y verront un impérialisme judéo-tunisien, le “passage” étant un endroit emblématique à Tunis (cherchez en ligne). Mais non, Pessah est bien”passages”. Pass over.
PS1. En tête de billet une photo de la couverture de la Haggada de notre enfance, le livre lu les deux premiers soir de “Pessah”.
Le “Passage”, Tunis.
PS2. On m’a demandé d’expliquer le titre (le passage à Tunis-même). Je ne savais pas que l’on pouvait ne pas connaitre “le passage” à Tunis. Il ne s’agit que d’un quartier, une place en réalité, une avenue à Tunis. La dénomination tient son origine d’un passage à niveau (de chemin de fer) qui existait à cet endroit. Quant à “Tunis-même”, il s’agit d’une expression populaire de juifs de Tunisie pour préciser que l’on évoque le centre de Tunis et non sa périphérie. Ci-dessus la photo du “passage” à Tunis. J’avais pourtant juré de ne pas transformer mon site en un ramassis de nostalgies.
Pour les juifs, c’est bientôt Pessah, la Pâque juive.
Beaucoup savent, même si l’inculture ou l’antisémitisme (deux faits qui peuvent objectivement coïncider) ont gagné du terrain, qu’il s’agit de commémorer la sortie des juifs d’Égypte. Charlton Heston qui incarnait Moïse dans le film de Cecil.B.De Mille a pu contribuer à « donner les images ».
Donc, pendant 8 jours, on célèbre.
On mange la « matsot », la « galette » pour les juifs francophones, pain plat, sec, non levé, la sortie rapide du pays d’esclavage ayant empêché la pâte de se gonfler sous le tissu adéquat.
Et ce sont les deux premiers repas du soir, ceux du « Seder »,
La famille est réunie autour de la table enveloppée de la nappe blanche du beau jour, parsemée des victuailles qui vont scander les prières, pour clamer la fin de la soumission et l’exode, en masse, sous la férule de Moise et son frère Aaron, vers le pays de miel, Israël.
4o ans dans le désert, vers la terre promise, métaphore géographique, pour les intellectuels d’avant aujourd’hui, avant même nos Lumières, de la liberté en ébullition.
Dans ma jeunesse, ces soirées étaient attendues, pour mille motifs et non pas celui, exclusif, de la possibilité pour les enfants de poser leurs lèvres au bord d’une coupe d’argent emplie de vin. Et, peut-être, s’enivrer pour une nuit.
J’ai pu ici, conter, dans deux billets, la soirée. Je colle, en PS, les liens pour ceux qui voudraient se moquer de moi.
Très récemment, j’ai évoqué, non sans émotion réelle, avec un juif très religieux, ces deux soirées, le plaisir de leur déroulement, le mystère des mots de la Haggadah (le récit), les enfants pieds-nus sur la table, pour, presque en courant, faire tourner le panier d’osier, gavé des aliments sacrés, au-dessus de la tête des convives, pour, dans le cri unanime, chanter la bénédiction, les mères fières de leur existence, les pères certains de la destinée, les enfants ébahis par la faculté de l’écart dans la quotidienneté.
Soirée d’exception, la question, en liminaire, étant posée par un enfant (« Mah Nichtana ? ») « Pourquoi ce soir se différencie-t-il de tous les autres soirs » ?
Je lui racontais, à mon interlocuteur, la « porte ouverte » racontée par mon père, par mon oncle. L’étranger, affamé, pouvait, ce soir de « seder », nous rejoindre, sans frapper, juste entrer et s’attabler, se régaler des épinards qui se fondaient, frémissants, dans la chair de l’agneau pascal, divinement cuite.
Je disais que les bédouins qui descendaient de la colline, qui passaient pouvaient donc entrer. Le monde se rassemblait, au-delà des croyances et des statuts, la porte était ouverte.
Mais, curieusement, le front du religieux s’est plissé, un peu baissé.
Je lui ai donc demandé ce qui le contrariait dans mon propos d’apologie de la fête hébraïque, ma préférée.
Il m’a répondu que je me trompais. Non, non, aucun non-juif (un « goy », mot que je n’ai jamais prononcé pour ne pas l’avoir connu avant ma venue en France) ne pouvait venir à la table du « Seder ». Il n’a pas su, au demeurant, m’expliquer le motif de cette expulsion. C’était comme ça.
J’ai cru à une plaisanterie. Et comme on ne discute jamais avec un religieux, lequel substitue toujours un texte toraïque à la réflexion, une injonction à la pensée libre, je suis passé à autre chose, un sujet anodin pour ne pas froisser et rompre des lances qui peuvent fatiguer. Me jurant, évidemment, que j’allais vérifier.
Je suis donc allé en ligne. Et la sidération a été de mise. Mon religieux ne se trompait pas, même si la discussion était présente, même si, sous certaines conditions, la chose était possible.
Je donne ci-dessous un extrait d’une page de « Torah-Box, un site dont nul ne peut annuler son sérieux.
« La question de Eva R.
Bonjour,
J’ai appris dernièrement par une amie qu’il était interdit d’avoir un Goy lors des Séder de Pessa’h.
J’aimerais savoir comment faire lorsque le père de son mari est Goy ? Cela pose-t-il un réel problème ? Est-ce une faute de le recevoir, ou est-ce plus une faute de l’offenser et de ne pas l’inviter ?
REPONSE DU « RAV » (UN RABBIN)
Bonjour,
1. Durant Chabbath, il n’est pas interdit d’avoir à sa table une personne non encore convertie. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 325, Halakha 1.
2. Durant Yom Tov, cela est interdit. Voir Choul’han ‘Aroukh, chapitre 512, Halakha 1.
3. Si l’un des soirs de Yom Tov coïncide avec un Chabbath, il n’est pas interdit de l’inviter. Voir Chévet Halévi, volume 9, question 127, Rabbi Eliezer Eksteïn dans Michnat Eliézer, chapitre 142, ‘Hachouké ‘Hémed sur Méguila 15b, Yom Tov Kéhilkhato, page 57, et Hayachar Véhatov, volume 9, page 326 [dans cette référence, il s’agit de Yom Tov qui tombe la veille de Chabbath].
4. Si on doit l’inviter à tout prix [car votre mari risque de se vexer et l’ambiance de la fête risquerait de se dégrader] pour l’un des repas de Yom Tov ne coïncidant pas avec Chabbath [si Yom Tov coïncide avec Chabbath, il est permis de l’inviter], cela est permis.
Dans une telle éventualité, il faudrait que l’invité fasse l’acquisition des plats qui lui sont destinés avant l’entrée de la fête et que durant la fête vous ne fassiez aucun travail pour lui. Il mangera uniquement ce que vous avez préparé depuis la veille de la fête. Voir “Glatt”, volume 24, page 109, passage 54, Rav Gabriel Krauss dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50 et Rav Chlomo Zalman Grossman dans Hilkhot Hamo’adim-Yom Tov, pages 104-105 et note 115.
Il n’est pas nécessaire que le converti soit chez vous à la maison afin de faire l’acquisition. Pour cela, il faut contacter un Rav compétent dans votre entourage afin qu’il vous indique la procédure à suivre [elle est indiquée dans Kol Hatorah, volume 62, pages 48-50].
5. Il ne faut pas donner les restes de Matsa des soirs du Séder à un non-juif. D’après certains, cette restriction s’applique également à toutes les Matsot que l’on possède. Voir Pisské Techouvot, chapitre 477, passage 3. En cas de besoin, il est absolument possible d’adopter une attitude permissive. D’après certains, cette restriction s’applique uniquement à la Matsa du Motsi, à celle du Korekh et à celle de l’Afikoman. Voir Ben Israël Lénokhri – Ora’h ‘Haïm, chapitre 24, Halakha 16, [page 386].
– Soit je commente violemment et me convertis au catholicisme
Soit je me dis bien triste pour le judaïsme.
Soit j’appelle tous les membres de ma famille pour leur demander d’inviter un « goy », ce qui serait une avancée dans la lutte contre les sectes.
Soit je je me tais et écris l’ineptie, en chercant d’autres mots tant il est faible.
J’ai décidé de ne pas commenter, d’être triste pour le judaïsme, de ne pas me fâcher définitivement avec ma famille, d’écrire la fadaise, persuadé que Dieu, intelligence suprême s’il en est, me pardonnera.
PS. ci-dessous, un lien pour, si l’on veut, lire les deux billets que j’ai écrit, il y a assez longtemps, sur Pessah, ma fête préférée.
J’avoue avoir été stupéfait d’entendre un adolescent clamer que « ceux qui ne s’intéressent pas à l’intelligence artificielle sont inintelligents et artificiels ». Il ne faut pas perdre espoir.
Un article dans Le Point de cette semaine (12/04/2024, propos recueillis par Guillaume Grallet) nous présente Yann Le Cun, lauréat du prix Turing (du nom de l’inventeur du « deep learning » Alan Turing, voir le film « Imitation game ») l’équivalent du prix Nobel en informatique.
Yann Le Cun est né le 6 juillet 1960 à Soisy-sous-Montmorency.
LE JEPA
Yann Le Cun est désormais professeur à l’université de New York et scientifique en chef pour l’intelligence artificielle de Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp).
Il travaille sur « un nouveau modèle de réflexion ». Il explique au journaliste du Point « comment pourraient raisonner les machines à l’avenir ».
Un dépassement du mode de fonctionnement de ChatGPT, Claude ou encore Midjourney, issus de l’IA générativeincapables, en l’état de « raisonner », de penser pour tout dire.
Le projet de Yann Le Cun se nomme JEPA (Joint Embedding Predictive Architecture).
Il précise : « Le problème que l’on essaie de résoudre est de comprendre comment les machines vont apprendre à comprendre le monde par observation en regardant des vidéos », explique le chercheur dans son interview vidéo accordée au Point.
« L’idée est de s’inspirer de la manière des enfants qui, eux, vont regarder des bandes dessinées ».
Dans les premières années de notre vie, nous apprenons par observation. Il donne comme exemple la Loi de la pesanteur. L’enfant constate que tout tombe sur le sol, de haut en bas, sans qu’il ne connaisse la Loi de Newton, sans être grand physicien.
Un « modèle mental s’installe dans le cerveau et prédit (« predictive ») que ça va tomber.
« L’objectif, en s’appuyant sur des vidéos, est de construire une intelligence artificielle avancée capable d’apprendre davantage comme le font les humains, en formant des modèles internes du monde qui les entoure afin d’apprendre, de s’adapter et d’élaborer des plans de manière efficace au service de l’accomplissement de tâches complexes », explique Yann Le Cun
Il s’agit donc, pour l’IA, de « comprendre le monde »
Il continue : « Nous voulons trouver une représentation abstraite de la réalité qui contient toute l’information qui permet de faire des prédictions utiles. »
Quand on peut « prédire », le système sera « capable de comprendre le monde, avoir un certain sens commun et planifier des séquences d’action pour avoir un but particulier ».
Avec les Meta Ray-Ban, les lunettes connectées de l’entreprise, “on pourra aider la machine à se représenter le monde, intégrées dans un assistant IA qui, entre autres choses, anticiperait le contenu numérique à montrer à l’utilisateur pour l’aider à accomplir des tâches et à s’amuser. Le modèle aurait, dès le départ, une compréhension audiovisuelle du monde à l’extérieur des lunettes, mais pourrait ensuite apprendre très rapidement les caractéristiques uniques du monde de l’utilisateur grâce aux caméras et aux micro intégrés de l’appareil.“
En réalité, l’observation par l’IA, par vidéo du monde tel qu’il est, sans autre explication, qui va l’aider à deviner comment il fonctionne et prédire les comportements, les séquences et enchainements.
Lors d’un colloque parisien, le 10 avril, Yann Le Cun a assassiné les « intelligences génératives » actuelles.
Elles seraient inintelligentes, se contentant de produire « un mot après l’autre sans réflexion », et « commettent toujours des erreurs stupides », les fameuses hallucinations régulièrement relevées par tous.
Il pousse le bouchon assez loin lorsqu’il précise que, pour lui, « l’intelligence artificielle générative est 50 fois moins intelligente qu’un enfant de 4 ans ».
Celle qu’il veut implanter, plus aboutie, pourrait comprendre les conséquences de ses actions (les prédire donc), et dès lors de raisonner. En se posant des questions, par exemple, sur la dangerosité d’une action avant d’agir, tout comme réfléchir aux conséquences de ses actes.
Le chercheur, revient, par ailleurs sur le fameux deep learning « apprentissage profond » ?
En 2017, l’intéressé répondait : « Il s’agit d’architectures de réseaux de neurones artificiels qui apprennent à représenter les données de manière hiérarchique. Les machines apprennent ainsi à représenter le monde avec de multiples niveaux d’abstraction. »
Il s’agit, dans ce cadre d’apprendre désormais aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage, puis à parler et, enfin, à prendre les meilleures décisions au meilleur moment.
ALORS ?
J’avoue ne pas avoir été ébranlé par de telles « révélations » sur le futur de l’I.A.
Je n’imaginais pas qu’il puisse en être autrement, l’IA actuelle n’étant aucunement impressionnante, se contentant de recracher, après un deep learning adapté, des données, parmi lesquelles figurent autant le style que la couleur.
Mieux encore, j’étais persuadé que, déjà, le prédictif, la compréhension du monde étaient dans la boucle.
A défaut, on ne comprendrait pas les cris d’orfraie de ceux, y compris, curieusement, les grands entrepreneurs dans l’informatique qui nous alertent sur les « dangers » de l’IA laquelle, comme dans Matrix, va nous avaler. « Soumission à l’A », nouveau roman de Houellebecq.
Je viens de découvrir que je m’étais donc trompé et l’IA que j’imaginais à portée de quelques mois, n’est pas encore là, qu’il lui faut un « JEPA » de « META » ;
On va donc attendre les progrès. Avec impatience. Pour aller encore plus loin.
Il y a fort longtemps que j’applaudis à l’émergence de l’IA, que je l’ai écrit ailleurs. Y compris dans ma sphère professionnelle.
D’abord, elle va nous aider, comme tous les progrès nous ont aidé.
Ensuite parce que la « maitrise de la production humaine » à l’ère de l’anthropocène, va devenir la seule idéologie possible dans le politique (comme la maitrise du progrès dans la pensée écologique malheureusement malmenée par des « inintelligents artificiels » inventés par l’ado du bon mot, qui errent dans les décombres du politique).
Puis, enfin, parce que l’on ne comprendrait pas un humain qui ne servirait pas de l’intelligence qui lui a été donnée (peut-être par une force immatérielle dans l’Univers affirmeraient les croyants qui ne peuvent être contredits, la thèse ne pouvant être « falsifiée ») pour « augmenter » le réel, comme il l’a fait en inventant le feu qui n’est qu’une trouvaille.
Inventer, c’est trouver ce qui ne demande qu’à être trouvé par des humains. Ou si l’on préfère, Trouver, c’est ne pas laisser l’invention dormir.
Mettre en sommeil l’intellectualité de la recherche et l’invention serait enfermer une faculté humaine au fond de l’on ne sait quelle coffre maléfique qui serait ouvert par l’on ne sait quel démon occulte. Surtout lorsque l’on sait, comme l’écrit Shakespeare, (La Tempête) “l’enfer est vide, les démons sont ici”
PS. On aura compris mon titre (“Contre l’inintelligence artificielle”) puisqu’aussi bien, depuis longtemps donc, je milite pour un développement sans limites, non “naturelles”, si j’ose dire, de l’intelligence artificielle.
Image Michel Béja, créée par logiciel d’intelligence artificielle, par mots, vernes, expressions de ce que je voulais.
Personne ne s’aventurant dans mon menu, pourtant copieux en se contentant des derniers billets, on m’a suggéré, comme pour les arts plastiques, de transformer un article en lien vers une entrée du menu de mon autre site consacrée à l’art et la littérature. Malgré ma réticence (une sorte d’injonction à cliquer), j’ai obéi.
Ici le cinéma et mes films. Tous savent mes cineastes contemporains préférés : Thomas Anderson, James Gray, Sam Mendes. On peut jeter un œil. Il y a une table des matières.
Quinten Massys, ” Ugly old woman”. “Vieille femme grotesque, ou La Duchesse très laide” Vers 1513
Le regardeur de cette peinture la croit sortie de la série “La planète des singes.
On donne le commentaire de Google arts.
“Cette image avait probablement pour but de faire la satire des vieilles femmes qui tentent de recréer leur jeunesse de manière inappropriée. Massys a évidemment représenté une femme souffrant de la maladie de Paget, une malformation osseuse. Léonard de Vinci semble s’être inspiré de la peinture de Massys dans un de ses dessins.”
Détails
Titre: An Old Woman (‘The Ugly Duchess’) Créateur: Quinten Massys Date de création: vers 1513 Dimensions physiques: 62,4 x 45,5 cm Type: Peinture Support: Huile sur chêne École: Russisch Numéro d’inventaire: NG5769 Biographie de l’artiste: Massys était le principal peintre anversois du début du XVIe siècle. Il est né à Louvain et ses premières œuvres témoignent de l’influence de Memling, actif à Bruges. Ses œuvres ultérieures montrent une certaine influence italienne, notamment celle de Léonard. Il était remarquable en tant que portraitiste ainsi que peintre religieux. Massys est enregistré pour la première fois à Anvers, où il devint membre de la guilde en 1491, alors que la ville commençait à prendre de l’importance en tant que port principal des Pays-Bas. Il existe des peintures datées et datables de Massys à partir de 1509, année de l’achèvement de son retable de la « Légende de Sainte Anne » (aujourd’hui au Musée de Bruxelles). À Anvers, Massys était étroitement associé à Joachim Patinir et semble avoir fourni des figures pour ses paysages. Crédit d’acquisition: Légué par Miss Jenny Louisa Roberta Blaker, 1947 Dates des artistes: 1465/6 – 1530
J’ai failli titrer “un passage plastique ” mais à la relecture, c’était trop lourd, “nigate” comme disaient les “tunes”. Le lien pour passer dans un autre univers (mb) :
Les balivernes sont pléthore, encombrent l’espace médiatique, dès qu’il s’agit des « tunes », la dénomination concernant, en principe “les juifs de Tunisie”. Et non pas les tunisiens musulmans, nos amis quand ils ne sont pas antisémites, évidemment du pays, mais natifs naturels, et les chrétiens qui n’ont rien de “tunes” même s’ils sont nés ou ont vécu en Tunisie. Car, en réalité, on ne dit pas “tunes” pour les tunisiens résidant dans leur pays ou même expatriés mais “tunisiens”. L’expression “tunes” est, dans le langage accepté, reservé aux juifs tunisiens, aux “juifs tunes” si l’on veut. Mais “tune” suffit pour différencier.
Numéros spéciaux de l’Arche, colloques plats, articles dans lesquels le dithyrambe se substitue, souvent à l’orthographe et la glorification de la cuisine huileuse à la culture ancestrale. La petite nostalgie est toujours ce qu’elle était : une baliverne. C’est le titre.
Voilà donc un nouvel “acte tune” dans les publications. Celui d’Alain Chouffan, ex-journaliste de L’Obs à la retraite, grand souriant en photo, qui nous livre une billevesée de plus, laquelle, à en croire le titre, la couverture, sa quatrième, l’extrait, ne milite pas vraiment ni pour l’intelligence, ni pour une communauté, la rangeant, comme à l’habitude, dans l’anecdote, au-delà de l’erreur sémantique qui assimile, encore une fois, curieusement, “les tunes” et les tunisiens expatriés et parisiens. Les hongrois seraient des “hongres”. Les anglais, des “angles”.
Il parait, en effet, ce qui est clamé dans la couverture, dont la vulgarité est assez inédite dans l’édition, que les « tunes » ont « quelque chose de plus ».
L’auteur met donc en couverture, dans cette logique primaire, Claudia Cardinale, élue, certes, « plus belle italienne » de Tunisie, Gabriel Attal, de mère chrétienne orthodoxe, de noblesse angevine, qui n’a jamais mis les pieds en Tunisie, (peut-être sur une plage, on ne sait pas), Gisèle Halimi qui n’a de « tune » que son nom. Et Hanouna, né en 1974 à Paris. Boujenah sauve la mise. Je ne sais pourquoi ne figure pas le dictateur Kais Saied, pourtant “tune”, qui a sûrement “quelque chose de plus”.
Je n’ai pas lu car je n’achèterai pas. La couverture et l’extrait dans Tribune Juive me suffit pour ne pas apprécier.
On la colle ci-dessous :
En réalité, le procédé éditorial de la photo d’un livre (Tribune Juive ne sait éditer ? Il suffit d’une capture sur Amazon ou la Fnac) est à la mesure de la médiocrité. On commente très rapidement, tant le ridicule, y compris celui de l’article, ne mérite pas la gloire. Et, indulgent, on n’insiste pas sur le style de l’auteur et de son commentateur, que le Magazine « Nous-Deux » qui pouvait trainer sur les tables des coiffeurs de l’Avenue de France à Tunis, n’aurait pas renié.
1 – Il ne s’agit pas d’une tribu étrange, mais plus simplement d’une communauté assez “normale” dans l’écart généré par ses coutumes millénaires, aussi “étranges” que celles des sri-lankais qui œuvrent dans les cuisines dans des bistrots parisiens.
2 – Beaucoup de “tunes” n’avaient pas des “gourmettes en or” et ne “roulaient pas des mécaniques“, s’employant plutôt, sauf quelques marginaux au chômage, à gagner sa vie et s’intégrer entre deux recherches du plaisir des rencontres amicales autour d’un plat cuisiné exceptionnel. L’odeur du safran qui émergerait de leur “mama”, on ne connait pas.
3 – Quant à leur “secret” qui se terrerait dans la pluralité des cultures et leur “groupie” qui serait leur mère, on ne veut s’appesantir tant le propos, idiot, s’empare de toutes les caricatures. Les italiens ont leur mère et les cultures mêlées abondent sur d’autres territoires, y compris en Laponie. On ne veut revenir, de peur de ridiculiser l’auteur, sur la haine de la mère “qui ne l’aimait pas” de Gisèle qui aurait fondé son combat féministe pour “éviter à toutes les femmes de lui ressembler”.
On reproduit, intégralement, pour le commenter rapidement, l’article de André Simon Mamou, son “ami” de toujours” dans Tribune Juive:
C’est un extrait de la quatrième de couverture de “Les Tunes. Mais qu’est-ce qu’ils ont de plus…” L’auteur, c’est notre ami de toujours, journaliste, reporter, chroniqueur depuis “La Presse de Tunisie” jusqu’aux heures de gloire de “France Observateur” devenu “L’Obs”.Un grand sourire d’ouverture aux autres, Alain Chouffan connaît tout le monde, les gentils qu’il fréquente, les méchants qu’il désarme ! Il a écrit des quantités d’articles qui ont toujours été lus et commentés sur des sujets divers et souvent sur des faits de société.
“Les Tunes”, c’est une œuvre sérieuse de plus de 200 pages avec des aperçus biographiques de plus de deux cent Tunes choisis pour leur réussite et leur mérite: de Adams Kev à Zvili Nessim, ils sont rangés par ordre alphabétique et la biographie de chacun soigneusement vérifiée occupe une demi page.
Deux informations importantes qu’il faut mettre au crédit de l’auteur :
–Il a retenu dans sa «”collection” de Tunes des Tunes d’honneur : Claudia Cardinale, Loris Azzaro, Claude Bartolone par exemple, et il a rangé chez les Tunes Ferid Boughedir, Mustapha Belkhodja,Sonia Mabrouk et beaucoup de tunisiens chrétiens ou musulmans qui ont fait partie du débarquement Tune sur les côtes françaises !
Un extrait :
Attal Gabriel juif tune ? Quand on lui pose la question Il répond qu’il est russe orthodoxe par sa mère. Mais son père est Yves Attal, avocat puis producteur de cinéma. “Tu es peut être orthodoxe, mais tu te sentiras juif toute ta vie, notamment parce que ton nom te fera subir l’antisémitisme”, lui disait son père.
Alain Chouffan envoie un courrier à Gabriel Attal pour lui demander s’il niait toujours ses origines tunisiennes et Gabriel Attal lui répond le 30 juin 2023 : “Votre texte me convient bien, à une exception près, et elle est de taille ! Je ne nie aucunement mes origines tunisiennes! J’en suis même fier!”
En début d’ouvrage Alain Chouffan a posé la question : Si tous ces Tunes ont réussi dans tous les métiers, s’ils sont instruits, honorés et pour beaucoup d’entre eux s’ils ont accédé à la richesse avec 3 francs 6 sous dans leur portefeuille de départ, comment expliquer ce niveau de réussite et de succès ? Chouffan estime que la société multiculturelle de la Tunisie, les échanges de civilisations, de croyances, de religions, le tout dans un climat pacifique de tolérance mutuelle, tout a contribué à créer une prédisposition au bonheur et au succès.
De mon côté, j’ai insisté sur le rôle capital du Lycée Carnot, de la qualité de ses professeurs venus de France ou formés en Tunisie, du respect qu’ils inspiraient et surtout de la volonté de chacun, du désir de tous : apprendre pour réussir, pour échapper à la misère, pour honorer nos parents humbles mais confiants : avoir de bonnes notes aux compositions, passer de classe, réussir aux baccalauréats puis “monter à Paris” et comme toujours “RÉUSSIR !”
La Tunisie souriante et la France, grande dame indulgente qui nous a accueillis, Alain Chouffan a fait du bon travail. Il a fixé un moment de l’ Histoire, celle des “Magnifiques” comme disait Michel Boujenah au temps des Trente Glorieuses, entre “Le Sursaut” grâce à De Gaulle et “La Belle Époque” de Pompidou et de Giscard, comme l’a si bien évoqué Franz-Olivier Giesbert, ami sincère de Chouffan.
On commente encore, même si on hésite tant on fait honneur à la platitude déjà énoncée :
1 – On passe sur la publicité de l’auteur de l’article sur son propre travail sur les “tunes” et son apologie explicative du “Lycée Carnot” de Tunis, que j’ai fréquenté. On a assez honte pour l’article.
2 – On a la confirmation de l’erreur sémantique, attrape-tout, pour emporter la mise multireligieuse de l’amitié judéo-musulmane qui n’en a pas besoin, sur les “tunes” qui sont tous ceux et celles qui ont “débarqué” de Tunisie, et même ceux qui – on le disait plus haut, comme Attal ou Hanouna, en couverture qui imite l’affiche de fête foraine, n’y ont jamais vécu. Assez ridicule et contradictoire avec la quatrième de couverture qui définit la communauté comme celle déferlant sur Paris, gourmettes en or au poignet..
3 – Quant aux explications sur la “réussite” de ces tunes, articulées autour de la pluralité des cultures et le bonheur annoncé, on peut affirmer qu’un étudiant de première année de sociologie serait assez honteux de les exposer.
ON CONCLUT :
Il est dommage que la contribution populacière (populaire si l’on veut) à la caricature primaire vienne, à nouveau, frapper.
On juge un ouvrage à sa pertinence, son apport presque décisif au sujet qu’il aborde. Non pas l’apport théorique, philosophique, anthropologique, mais simplement un regard intelligent et nouveau, y compris un clin d’oeil d’humour.
Il est des cas où il, est inutile d’ajouter, sauf s’il s’agit de meubler un vide qui n’est pas celui du sujet mais celui de l’auteur.
On aurait pu, pour être complet, rappeler que les juifs de Tunisie, les “tunes” donc, sont autre chose qu’une biographie d’un cardiologue au sourire éclatant, de dents sidérales, de faconde exacerbée.
Mais c’est un autre billet. On se contente ici, au risque de la répétition, de dire, très vite, qu’on est assez navré par de telles balivernes
MB
PS. On donne, ci-dessous, une conférence d’Akadem, le site intelligent sur les “juifs de Tunisie”. Pas inintéressant. Serge Moati, égal à lui-même : pas intelligent. Les autres, interessants.
S’il est un fait dont je suis assez fier, sans crainte de l’affirmer, c’est d’avoir vanté et fait découvrir à beaucoup “le Maître et Marguerite”, le chef-d’œuvre, subversif, de l’écrivain russe Mikhail Boulganov.
Il viens d’être adapté au cinéma en Russie. Étonnant tant la provocation contre le régime d’alors était flagrante et dangereuse.
Télérama, la meilleure des revues hebdomadaires sur l’art quotidien, évidemment avec ses excès légendaires qui postillonnent des jets de haine inutiles et trop violents, dès qu’il s’agit de Russie et d’Israël, a commis un assez bon papier que je colle ici sur le sujet.
CINÉMA
En Russie, le succès surprise du “Maître et Marguerite”, film adapté d’un classique subversif de la littérature
«Tout pouvoir est une violence exercée sur les hommes » : cette simple réflexion qui pourrait être sortie d’un cours de première année en sciences politiques prend en Russie une tout autre dimension. Formulée par le héros du Maître et Marguerite, elle conduit à son exclusion de l’Union des écrivains. L’action du roman culte de Mikhaïl Boulgakov se passe avant la Seconde Guerre mondiale, en plein délire paranoïaque stalinien. Presque un siècle plus tard, cette réflexion est toujours séditieuse et dangereuse. Dans la vraie vie.
Près de 4 millions de Russes se seraient déplacés dans les salles de cinéma depuis le 25 janvier pour aller voir l’adaptation de ce conte fantastique réputé inadaptable. Foisonnant, ironique, Le Maître et Marguerite imbrique trois histoires se rejoignant dans un final flamboyant qui met le feu à Moscou : celle du diable, ici surnommé Woland, qui vient approcher des écrivains ; celle du roman de l’un d’entre eux, qui met en scène Jésus aux prises avec Ponce Pilate ; et l’histoire d’amour entre l’écrivain – le Maître du titre – et Marguerite. Le réalisateur Mikhaïl Lokchine aurait pris des libertés avec l’œuvre originelle, mais son adaptation, selon quelques critiques russes indépendants, est de qualité. Le film n’est pas encore visible en France ; il est distribué en Suisse (en langue originale et sans sous-titres), où il remplit les rares salles ayant courageusement choisi de le programmer.
L’un des films les plus chers du cinéma russe
En Russie, l’engouement pour le film à la suite du roman est d’autant plus remarquable que, comme l’affirme André Markowicz, son traducteur français en collaboration avec Françoise Morvan, « Le Maître et Marguerite est un acte de résistance en soi, où chaque page fait résonner haut et fort l’affirmation “Je ne cède pas” ». Écrit pendant la terreur stalinienne des années 1930, il n’est publié en URSS que durant les années 1970. Roman admiré par toute la jeunesse de l’époque, avide de liberté, qui en connaît des extraits par cœur, il incarne le désespoir de l’artiste malmené face à un pouvoir fou et aveugle. Comment un tel pied de nez à Vladimir Poutine a t-il été possible ?
Mikhaïl Lokchine a réalisé des pubs qui sont devenues virales en Russie et le premier film russe pour Netflix destiné à un public international, Silverland : la cité de glace (2021), adaptation très libre du classique de la littérature pour enfants Les Patins d’argent, en transposant les canaux gelés de Hollande à Saint-Pétersbourg. Il a le profil du jeune Russe éduqué très à l’aise dans une mondialisation anglo-saxonne ; c’est ainsi que, très tôt, il condamne la guerre en Ukraine. Dès lors, les crédits destinés au film sont gelés et les médias proches du pouvoir se déchaînent contre lui. Sa prétendue adresse à Los Angeles est divulguée. Et Mikhaïl Lokchine doit faire preuve d’une très grande discrétion car il craint pour sa sécurité. Son film est qualifié de « sataniste », d’« antisoviétique », d’« antirusse ».
Sans doute pour s’épargner le ridicule, le pouvoir a évité de censurer une œuvre populaire qui dénonce la censure. Mais il a sévi à la marge, en blacklistant les comédiens russes et en tentant d’instiller la peur, la « maîtresse » des régimes totalitaires, au réalisateur. Lui-même était très inquiet, mais pour d’autres raisons : il appréhendait la réaction du public face aux libertés qu’il avait prises avec le roman. Il a été surpris par son succès phénoménal, au-delà de toute attente… Il y a peut-être deux leçons à retenir de cette « fable » : il ne faut pas désespérer du peuple russe ; et Le Maître et Marguerite est probablement le dernier film en son genre : un blockbuster qui dénonce la terreur d’État. Son succès, selon Mikhaïl Lokchine, pourrait malheureusement engendrer encore plus de répression.
Pour le moment, pas encore de date de sortie prévue en France.
PS. Modeste, je donne lien qui amène vers un billet écrit ici en 2020
Dans un précédent billet, à l’étonnement de certains, j’avais considéré que leur chef- d’œuvre, dans la simplicité musicale, qui atteignait les sommets était “I can work it”.
On me dit que non, non, c’est “ADay in a life“. On peut adhérer. Certainement. Je colle 3 vidéos.
La prestation de “The Analogues” est remarquable. Mieux que celle des Beatles qui,en réalité ne l’ont jamais joué sur scène, considérant, à tort donc, qu’elle ne se prêtait pas au “live”…
Jamais les Beatles n’ont envisage de chanter cette chanson en live. Les “Analogues” l’ont fait avec brio. Écoutez. Une petite perle.
Les fainéants, type Libé, le nommaient “l’homme de fer”. Richard Serra était un grand artiste. Il m’a permis, d’abord à Bilbao, au musee Guggenheim qu’il avait envahi, de rencontrer une femme d’une beauté sidérale, qui dos sur un mur, dans une pose involontairement érotique, m’à présenté son œuvre. Une américaine qui avait simplement aimé mes yeux bleus. Je jure qu’elle me l’à dit, ce qui ne m’a pas étonné outre-mesure. Et m’à raconté Serra en partant vite quand elle a vu ma compagne arriver pour me gronder de ma disparition soudzine dans l immense musée. Les enfants attendaient ce que j’avais promis : 5 mn d’histoire de l’art contemporain. Pas plus. Je pouvais. La femme connaissait Serra personnellement et son œuvre au millimètre,. Elle est parti trop vite, persuadée d’une jalousie qui ne pouvait cependant sugir : j’etais amoureux de ma compagne. Je rêve de la revoir. Je l’ai cherchée, en vain, le soir, dans les bars d’hôtel de Bilbao.
Puis, plus tard Serra m’à permis de prendre la photo ci-dessus. Au musée de Marseille. La femme à la cape est exactement placée. On me demande souvent de l’encadrer.
Richard Serra est décédé e mois de Mars. On peut ne pas aimer. Il est une époque.
Ça y est, je me suis décidé après des milliers d’heures d’écoute. Mitsuko Ushida est la meilleure pianiste (directrice accessoirement) de tous les temps. après John Lewis et Claudio Arrau. Je changerai d’avis demain. Leonskaja me taraude dans mon nocturne 18 op 62, celui en l’honneur de le fille Pleyel…
ANATOMIE D’UNE CHUTE, FILM DE JUSTINE TRIET, PALME D’OR CANNES 2023.
J’ai résisté assez longtemps, persuadé de ma déception.
Une réalisatrice que je ne connaissais pas, vilipendant au micro de Cannes, lors de la remise de sa palme d’Or la réforme du régime des retraites contesté dans la violence urbainene ne pouvait être une bonne réalisatrice. Juste une faiseuse. Elle devait exceller dans le téléfilm à la française, soutenue par les anciens de Cognac-Jay.
Les dithyrambes de Télérama, mêlant le soupçon d’assassinat d’un époux à sa jalousie de voir sa femme réussir mieux que lui, embourbé dans un machisme des montagnes qu’il faut dénoncer, me faisait m’empêcher de voir ce film vanté par tous, jusqu’à Hollywood.
Et puis Justine Triet, la réalisatrice m’est antipathique, ce qui, il est vrai n’est pas un motif pour ne pas voir un film. Charlie Chaplin a été le plus grand antipathique du cinéma. Comme Fellini.
Mais hier soir, vaincu, j’ai vu. Impossible de tenir.
Alors tout sonne faux, l’image est sordide, mal cadrée, l’ennui (pas la belle lenteur cinématographique) est pesant, la vision du monde manichéenne, les personnages falots et téléphonés, le mystère de la fin convenu, les acteurs, non crédibles, jouent à l’acteur ( y compris le gamin), et la langue anglaise parlée et imposée à tous, y compris à son fils de 11 ans, par la femme allemande qui s’exprime parfaitement en français, est une escroquerie, une entourloupe à l’endroit d’Hollywood. Presque un film anglo-saxon. Bref on sort de ce film “vidé par le vide” comme aurait dit Serge Daney.
Alors je suis allé voir en ligne. Je devais me tromper. Non. Mauvaise note des spectateurs. La Presse, elle, fait sa snob spécialiste.
Je colle les réactions et lasse à autre chose. Faudrait que les français réapprennent au faire du cinoche. Truffaut doit se tourner dans sa tombe.
La première idée est toujours là bonne : ce film est un téléfilm moins bon que les téléfilms des années 60.
RÉACTIONS
Nous avons regardé ce film hier soir avec mon mari et dès le début on s’est dit que cela allait être compliqué de tenir 2h30 ! L’histoire est vraiment simple une enquête policière somme toute banale que notre cher Columbo ou les experts Miami auraient pu résoudre .. Cependant le jeu d’acteurs est très bien, les avocats sont un peu caricaturés je trouve, l’enfant joue vraiment très bien et quelle maturité à 11 ans ! mais pour nous le meilleur acteur de ce film est de loin le chien ! Il faisait tellement bien le chien qui allait mourir… voilà le seul moment où j’ai eu peur et qui m’a sorti de mon ennui… Je pensais vraiment que ce film qui a reçu un oscar allait être un film incroyable, qui allait me transporter, me faire réfléchir, me tenir en haleine, me faire du bien…mais malheureusement je n’ai rien ressenti et ce qui m’a vraiment gêné le plus, c’est le genre de film où il n’y a pas de fin nette, et chacun doit l’imaginer et ça je déteste ! 😂 Pour conclure , nous nous sommes ennuyés mais nous avons été jusqu’à la fin du film pour savoir ce qui s’était passé … Une chose est sure, nous n’avons pas du tout aimé ce film mais je dois avouer que depuis hier soir je débats avec plusieurs personnes qui ont aimé ou non et c’est peu être ça que la réalisatrice a voulu …. Et que je prends le temps d’écrire ici 😂
mercuccio huit
il y a 4 jours
Je poste rarement mais cette fois-ci, je ne pouvais m'y empêcher. Notamment concernant un film récompensé d'un oscar!! Une telle reconnaissance mérite que l'on se pose pour 2H24 et que l'on soit transporté dans un voyage cinématographique comme l'offre si bien le 7éme art.
Après 20 mn de film, on cerne rapidement l'univers dans lequel on est plongé, une actrice principale avec beaucoup de talent qui endosse et incarne son rôle à merveille. On nage en plein doute, mystèrieuse de par son jeu d'actrice, on navigue entre une mère abattue et a bout, une écrivaine meurtrière au sang froid et une mère détruite qui se bat contre un procureur general fermement décidé à la faire condamner, Sandre huiler est superbe. Lorsqu'on a dit ça il ne reste pas grand chose, des longueurs interminables à l'écran entre des leçons de piano, des silences inutiles, des reconstitutions bateau et une enquête digne de Julie Lescaut. Bref une grosse déception, l'histoire est banale, le montage se veut long et un final qui n'en est pas un. Malgré de bons échanges et des joutes verbales très plaisantes lors des audiences le reste est fade et sans saveur, une juge transparente, une caricature d'avocat général, là aussi le casting ...., seul l'avocat interprété par Swann Arlaud et son adjointe apportent un peu de consistance et de crédibilité dans ce tribunal. L'idée de faire un grand procès à l'écran peut etre une réussite comme dans certains films tels que Nuremberg avec Alec Baldwin en avocat déterminé, la defence Lincoln avec McConaughey ou la amistad est un Anthony Hopkins flamboyant, ou plus récemment les 7 de Chicago, avec un oscar on est en doit de faire un comparatif avec ces grands films. Anatomie d'une chute est une réelle déception tout comme l'avait été the artiste en 2012. Un film décevant qui avec une durée moindre peut se placer en télefilm un soir de semaine.
Point de vue] Anatomie d’une chute… dans le vide ! Jean-Pierre Pélaez 14 mars 2024 à 15:12Anatomie d’une chute 3 minutes de lecture
Excepté, peut-être, un Dracula woke, avec une sorte de Van Helsing venu d’Afrique, il y a un an environ, où je m’étais fait piéger, il y a longtemps que je ne m’étais pas autant ennuyé au cinéma : voilà, c’est fait ! Et si, par curiosité, je ne m’étais pas demandé « L’héroïne a-t-elle tué son mari, pourquoi, est-elle coupable, va-t-elle être condamnée ou relaxée ? » je serais sans doute parti bien avant la fin…
D’abord aucun des poncifs du temps actuel ne nous est épargné : la femme écrivaine, avec un e, merci, écrivaine de romans qu’on comprend être d’autofiction, puisque présentés comme écrits à partir de son vécu le plus vécu, son mari enseignant qui essaie d’écrire mais qui n’y arrive pas, ce qui nous vaut des disputes et des scènes de ménage bourrées de psychanalyse psychotique romanesque déprimante, du style « c’est ta faute si j’écris pas ; non, c’est la tienne, tu es un monstre ; non, c’est toi qui m’empêches ; non, c’est toi qui as peur », etc., l’Europe qui n’est pas oubliée – ça se passe en France, mais la peut-être meurtrière au physique allemand est anglaise et parle en anglais sous-titré, le mari est français -, la lutte contre le sexisme et l’homophobie non plus, puisqu’elle est bisexuelle et qu’elle a trompé son mari avec des femmes, il ne lui manque plus que d’être engagée dans une association décoloniale…
Un sérieux mortel, un vide, un ennui à couper au couteau, pire que du BHL, le film est long et lent comme un jour sans pain et il se passe si peu de chose, hormis des divagations philosophico-intello-scénaristiques de films français rediffusé sur Arte, des témoins et spécialistes qui se succèdent au tribunal, tannés et décortiqués par un avocat général agressif et omniscient, un psychiatre qui débite des sornettes sur son interprétation abyssale des problèmes du couple et, en point culminant, une scène de ménage enregistrée pour un futur roman, et d’un psycho-sordide réunissant toutes les invectives du genre, un enfant du couple qui parle comme un grand adulte, un avocat gentillet plus ou moins amoureux de l’héroïne, et l’on se dit, à la fin, que peut-être ils ont accompli le meurtre ensemble, mais non, ce serait trop simple pour un film où il ne se passe rien et qui fait de ce rien du compliqué, et pour un surcroît de réalisme bien ennuyeux, on voit la Justice qui décortique sans fin la chute mortelle du mari : qui l’a tué ? Sa femme ? Ou s’est-il suicidé, ou est-ce un accident ? Et l’on finit par se dire qu’on s’en fout et qu’on voudrait que ça se termine…
Au bout de deux heures et demie, je suis sorti lessivé d’ennui, tétanisé de colère, maudissant un peu plus le cinéma français quand il est vide, prétentieux, psycho-chiant, poncifère et fumeur de cigarette avec l’air d’un Sartre qui passe de l’être au néant.Et dire que tellement de gens de talent et qui ont quelque chose à créer ne trouvent pas de production, dans cet univers sinistre de l’actuelle culture française ! On ne m’y reprendra plus, la prochaine fois, j’irai revoir Le Petit Baigneur avec Funès et Galabru !
BON, IL Y EN A MILLE DE CE TYPE.
On a un problème avec le ciné. Ou peut-être avec le nouveau public
Après la gitane, la rabbine. On me bassine avec son nouveau bouquin dont le titre est, comme toujours, une tentative d’imiter ses copains de Libé, lesquels n’ont toujours pas honte, après des décennies à ramer, de vouloir chercher le bon mot dans le titre à la une. Les lecteurs de Libé doivent, certainement, raffoler de ce type de titre quotidien adolescent. Ils doivent se sentir plus intelligents.
Madam Horvilleur s’y donc mise. Après “il n’y a plus de Ajar”, assez ridicule ,voici le “Comment ça va pas ?”.
Bon. Encore du vent dans les synagogues et les studios des matins de France Inter qu’elle adore, mais dont les ventilateurs sont en panne (sûrement un coup du Mossad).
Fatigué pour à nouveau vilipender, je renvoie par un clic ci- dessous à un billet écrit il y longtemps sur son Ajar de pacotille. Dommage, elle “parle trop” diraient les chats sauvages de Dick Rivers des années 60, qu’on confond, très curieusement, pour cette chanson, avec les chaussettes noires d’Eddy Mitchell.
Des proches sont en voyage en Andalousie et WhatsApp fonctionne. Ce qui me permet de leur envoyer l’une de mes photographies préférées. La gitane du Sacromonte, Grenade, prise par Jean Dieuzaide, grand artiste.
Il faut rester quelques minutes sur cette photo pour que des larmes de joie coulent sur votre peau, sèche l’instant d’avant, du vide du monde.
Dieu que la beauté de cette femme est fière !
Dieuzaide, immense photographe savait capter non pas l’instant décisif de l’orgueilleux, du prétentieux Cartier -Bresson, mais, plus simplement le nœud des sentiments qui errent sous un sein ou dans des yeux lumineux, tellement exacts. Éclat de la vie enlacée. J’aurais donné un an de ma vie pour un sourire, qui m’aurait été dédié, de la gitane. Et dix ans pour un long baiser sur ses yeux ou sa bouche. Évidemment trop facile à promettre quand il ne reste plus autant de temps.
Après avoir laissé passer, oreilles bouchées, le débat vain et inutile sur la disparition de la croix chrétienne au sommet des Invalides, lequel qui a pu combler le vide de certaines émissions, on s’est interrogé sérieusement sur l’esthétique. Ou, du moins, l’intérêt artistique, ce qui, en ces temps, peut s’avérer antinomique.
Il s’agit donc de l’affiche pour les J.O de Paris 2024.
D’abord, une impression première de fouillis et un besoin d’appel d’air, d’un minimalisme dans la respiration du regard.
Puis, après plusieurs aller-retours, un intérêt grandissant dans le parti pris du foisonnement, presque du Brueghel.
Et, pour finir une adhésion totale à l’image qui nous fait tanguer de l’impressionnisme global, dans le magma fantasmagorique, au plaisir qui le contrarie qui est celui de scruter dans le prétendu informe.
L’affiche est une vraie affiche. Tant pis pour les râleurs de service, souvent râleurs contre l’art qui serait, comme le dirait LFI, celui des “golfeurs”.
Émerge désormais lesalaud inconnu. C’est un artiste contemporain, enterré sous ses subventions, mort-vivant sortant de sa tombe installée, dès qu’un juif traverse une place. Un antisémite errant.
La biennale de Venise, est une manifestation d’art contemporain honorable, malgré sa dérive qui fait souvent confondre l’art avec “l’installation” d’un discours primaire inesthétique qui se réfléchirait dans l’œuvre.
Elle doit se tenir du 20 avril au 24 novembre.
9000 artistes (on ne sait d’où ils sortent en étant si nombreux, si inconnus) ont exigé l’exclusion d’Israël de la Biennale, en raison du prétendu “génocide” à Gaza, le mot maudit et diabolique, qui unit les antisémites errants.
Le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, leur a répondu :
“Le diktat de ceux qui pensent détenir la vérité et qui, avec arrogance et haine, pensent pouvoir menacer la liberté de pensée et d’expression créative dans une nation démocratique et libre comme l’Italie est inacceptable et honteux. Israël a non seulement le droit d’exprimer son art, mais il a aussi le devoir de témoigner de son peuple, précisément à un moment comme celui-ci où il a été attaqué de sang-froid par des terroristes sans pitié. La Biennale sera toujours un espace de liberté, de rencontre et de dialogue, et non un espace de censure et d’intolérance”
L’Italie est un pays.
PS. EXTRAIT DE LA REVUE “TRANFUGE”
La Biennale de Venise, quant à elle, a réagi : « la Biennale de Venise veut préciser que tous les pays reconnus par la République italienne peuvent de façon autonome demander à y participer officiellement. Par conséquent, la Biennale de Venise ne peut prendre en considération aucune pétition visant à exclure Israël ou l’Iran » tandis que le ministre de la Culture italien a fermement condamné une lettre « inacceptable » et « honteuse ».
Cette pétition ne faisant qu’utiliser l’art pour promouvoir une idéologie militante, propice à infuser l’antisémitisme, elle semble être le reflet de la dérive actuelle de l’art contemporain vers le sectarisme et l’intolérance, creusant de manière binaire le camp du bien et le camp du mal. Et tout ceci, sous couvert d’humanisme et de bien-pensance.
UN DOCU SUR ARTE DE L’INTERPRÈTE DE LAURA LE FILM D’OTTO PREMINGER, FILM PROJETÉ POUR MES PROCHES ET AMIS LORS LA NAISSANCE DE MA FILLE AU MÊME PRENOM.
“L’athée que je suis préfère en effet la soutane au costume en tergal gris, la liturgie latine au tutoiement de Dieu, l’oraison tournée vers l’orient avec le prêtre en intermédiaire au baiser de la paix qu’on doit faire à son voisin mal lavé”
C’est dans la cour de la maison que se trouve le récipient. Une construction de briques, cylindrique, à peu près un mètre de hauteur, recouverte d’une sorte de ciment gris, forcément sale. Sur le dessus, un couvercle amovible en ferraille, peut-être du laiton.
C’est là que le rabbin jette la volaille après lui avoir strictement tailladé le cou, par une lame de rasoir ficelée à un manche d’un bois rugueux. Le religieux repose le couvercle et dit au petit garçon d’attendre. Lui est debout et tend l’oreille. Le poulet se débat encore. Puis plus aucun bruit. Il n’ose avertir le rabbin qui est entré dans sa maison.
La chaleur est étouffante. Les météorologues parisiens ont évoqué à la radio un été « douloureux » pour les nord-africains. Le mot l’a enchanté. Il s’assied sous l’arbre. Le rabbin doit être debout, au milieu d’une chambre, volets baissés, à psalmodier une prière. Puis, en pouffant de rire, il l’imagine, caressant les jambes d’une jeune domestique alors que son épouse dort dans la chambre à côté. Il exagère. Pas moins de vingt minutes à attendre. Mais peu importe, tous savent qu’il est chez le rabbin. Le village est sûr et les enfants libres. Le rabbin est revenu, a soulevé le couvercle, s’est emparé du volatile, l’a essuyé, lui a ligoté les pattes avant de le tendre au garçon qui lui sert la monnaie. Toujours deux pièces.
Le poulet est désormais dans un couffin, chaud et parfaitement mort. La tante le pose sur la table de la cuisine. Lui est debout, les bras croisés. Elle lui caresse les cheveux. Il sourit. Elle lui rappelle que le lendemain, c’est un jour de boulanger. Il doit venir vers 10 heures. La pâte aura levé. Les poulets tués par le rabbin et les pains à cuire dans le petit four du boulanger.
C’était l’enfer, lui a dit un jour la femme. La Mort et le Feu.
Osava est décédé le 6 février.ARTE lui rend hommage en nous offrant la 7ème de BEETHOVEN dirigé par lui. J’avais écrit, il y a longtemps, stupéfait par son sens de la transmission, que j’aurais aimé être Osawa. Paix à son âme.
EXTRAIT ARTE :
Pour rendre hommage au chef d’orchestre japonais Seiji Ozawa, décédé le 6 février 2024, ARTE Concert vous propose de redécouvrir son concert avec le Saito Kinen Orchestra. Le maestro dirigeait alors la Symphonie n° 7 en la majeur de Beethoven, célèbre pour son Allegretto et considérée par Richard Wagner comme une “apothéose de la danse”.
Le chef japonais Seiji Ozawa a consacré une partie de sa carrière à la transmission. En 1984, il réunit ainsi de talentueux étudiants musiciens pour un hommage à son maître vénéré, le maestro et violoncelliste Hideo Saito, disparu dix ans plus tôt. Ce concert a donné naissance au Saito Kinen Orchestra puis, en 1992, à un rendez-vous dédié à la musique orchestrale et à l’opéra, le Saito Kinen Festival Matsumoto, rebaptisé depuis Seiji Ozawa Matsumoto Festival. Le chef dirige ici la Septième symphonie de Beethoven dans le cadre de l’édition 2016 de la manifestation.
Filmé en 2016 au Seiji Ozawa Matsumoto Festival, Japon.
Certains, parmi ceux qui ont découvert la nouvelle page du site construite autour de 4 vidéos de vagues d’océans m’en ont demandé encore. Il parait qu’on peut rester sur l’une de ces vidéos et réfléchir ou méditer ou encore écouter avec un support “merveilleux” de la musique. Moi, je ne crois pas, on peut parfaitement penser sans se balancer et sans musique. On peut aussi, très simplement, regarder une image ou une vidéo, pour le plaisir intrinsèque du regard. Les voici :
On vient de me faire remarquer que, dans mes billets récents, j’avais employé 3 mots que la lectrice ne connaissait pas. Elle voulait savoir qui avait employé ces néologismes. Il s’agit de :
– wokobobisme
– soupe wokobobo
– antisionémites
– les zéros sociaux
Je n’ai pu que répondre qu’ils étaient venus, subrepticement, comme des djinns, dans la foulée, sous ma plume. Que, partant, il n’étaient que de moi. Qu’on me pardonne.
PS. L’antisionémitisme se répand dans la sphère des zéros sociaux, biberonnés, nourrris à la soupe wokobobo.
PS2. Le wokobobisme, maladie concomitante est, désormais une pandémie dont on combat le virus désormais identifié, même si un autre, “l’islamowok“, redoutable, venant de territoires perdus, le concurrence.
Ce n’est pas notre tasse de thé d’aller voir du côté des “people”. Mais le cas Waters est un cas. Son antisémitisme ne faiblit pas.
Dans la famille Pink Floyd, il y a Roger Waters, l’un de ses membres fondateurs, lequel, vieux et très attaqué par les substances nocives non digérées, s’en prend violemment au monde entier et d’abord à Israel, qui constitue pour tous les complotistes et les nazillons, le monde entier.
Il vient de s’en prendre au chanteur de U2, Bono. Il n’aurait pas supporté l’hommage de l’artiste irlandais aux victimes israéliennes des terroristes du Hamas.
Le membre fondateur des Pink Floyd vient d’accorder un entretien à Al-Jazira, en qualifiant l’hommage de Bono « d’écœurant » et le chanteur de U2 de « sombre merde ».
Il a ajouté « Nous devons dire à ces gens que leur opinion est tellement dégueulasse et dégradante… Être solidaire de l’entité sioniste… Ce qu’il a fait, il y a quelques semaines au Sphere à Las Vegas, chanter à propos des Étoiles de David, c’était l’une des choses les plus écœurantes que j’ai vues de ma vie »
Bono avait dédié son tube « Pride (In The Name Of Love) » aux « Étoiles de David » à qui on a « pris leur vie, mais pas leur fierté tôt le matin du 7 octobre ». Ce titre de U2 est, à l’origine, un hommage à Martin Luther King et son combat pacifique pour les droits civiques.
Très remonté, Waters a proposé de « l‘attraper par les chevilles et le secouer jusqu’à ce qu’il arrête d’être une sombre merde », voir la vidéo
Waters ne fait que continuer après son soutien depuis plus de 20 ans à la campagne de boycott d’Israël, en soutien aux Palestiniens. On peut aller voir en ligne sa scénographie “rouge et noir” fasciste qui aurait pour but , évidemment de lutter contre le fascisme.
En cause, la scénographie voulue par Roger Waters, notamment pour son concert prévu en Allemagne en mai dernier. Il est apparu vêtu d’un trench-coat noir, affublé d’un swastika et d’un brassard rouge. Le décor, lui aussi, était noir et rouge.
On colle la vidéo de Waters, dont l’on rappelle que déjà lors d’un concert à Berlin, il a été “sous enquête” pour incitation à la haine.