balivernes sur les tunes

Les balivernes sont pléthore, encombrent l’espace médiatique, dès qu’il s’agit des « tunes », la dénomination concernant, en principe “les juifs de Tunisie”. Et non pas les tunisiens musulmans, nos amis quand ils ne sont pas antisémites, évidemment du pays, mais natifs naturels, et les chrétiens qui n’ont rien de “tunes” même s’ils sont nés ou ont vécu en Tunisie. Car, en réalité, on ne dit pas “tunes” pour les tunisiens résidant dans leur pays ou même expatriés mais “tunisiens”. L’expression “tunes” est, dans le langage accepté, reservé aux juifs tunisiens, aux “juifs tunes” si l’on veut. Mais “tune” suffit pour différencier.

Numéros spéciaux de l’Arche, colloques plats, articles dans lesquels le dithyrambe se substitue, souvent à l’orthographe et la glorification de la cuisine huileuse à la culture ancestrale. La petite nostalgie est toujours ce qu’elle était : une baliverne. C’est le titre.

Voilà donc un nouvel “acte tune” dans les publications. Celui d’Alain Chouffan, ex-journaliste de L’Obs à la retraite, grand souriant en photo, qui nous livre une billevesée de plus, laquelle, à en croire le titre, la couverture, sa quatrième, l’extrait, ne milite pas vraiment ni pour l’intelligence, ni pour une communauté, la rangeant, comme à l’habitude, dans l’anecdote, au-delà de l’erreur sémantique qui assimile, encore une fois, curieusement, “les tunes” et les tunisiens expatriés et parisiens. Les hongrois seraient des “hongres”. Les anglais, des “angles”.

Il parait, en effet, ce qui est clamé dans la couverture, dont la vulgarité est assez inédite dans l’édition, que les « tunes » ont « quelque chose de plus ». 

L’auteur met donc en couverture, dans cette logique primaire, Claudia Cardinale, élue, certes, « plus belle italienne » de Tunisie, Gabriel Attal, de mère chrétienne orthodoxe, de noblesse angevine, qui n’a jamais mis les pieds en Tunisie, (peut-être sur une plage, on ne sait pas), Gisèle Halimi qui n’a de « tune » que son nom. Et Hanouna, né en 1974 à Paris. Boujenah sauve la mise. Je ne sais pourquoi ne figure pas le dictateur Kais Saied, pourtant “tune”, qui a sûrement “quelque chose de plus”.

Je n’ai pas lu car je n’achèterai pas. La couverture et l’extrait dans Tribune Juive me suffit pour ne pas apprécier.

On la colle ci-dessous :

En réalité, le procédé éditorial de la photo d’un livre (Tribune Juive ne sait éditer ? Il suffit d’une capture sur Amazon ou la Fnac) est à la mesure de la médiocrité. On commente très rapidement, tant le ridicule, y compris celui de l’article, ne mérite pas la gloire. Et, indulgent, on n’insiste pas sur le style de l’auteur et de son commentateur, que le Magazine « Nous-Deux » qui pouvait trainer sur les tables des coiffeurs de l’Avenue de France à Tunis, n’aurait pas renié.

1 – Il ne s’agit pas d’une tribu étrange, mais plus simplement d’une communauté assez “normale” dans l’écart généré par ses coutumes millénaires, aussi “étranges” que celles des sri-lankais qui œuvrent dans les cuisines dans des bistrots parisiens.

2 – Beaucoup de “tunes” n’avaient pas des “gourmettes en or” et ne “roulaient pas des mécaniques“, s’employant plutôt, sauf quelques marginaux au chômage, à gagner sa vie et s’intégrer entre deux recherches du plaisir des rencontres amicales autour d’un plat cuisiné exceptionnel. L’odeur du safran qui émergerait de leur “mama”, on ne connait pas. 

3 – Quant à leur “secret” qui se terrerait dans la pluralité des cultures et leur “groupie” qui serait leur mère, on ne veut s’appesantir tant le propos, idiot, s’empare de toutes les caricatures. Les italiens ont leur mère et les cultures mêlées abondent sur d’autres territoires, y compris en Laponie. On ne veut revenir, de peur de ridiculiser l’auteur, sur la haine de la mère “qui ne l’aimait pas” de Gisèle qui aurait fondé son combat féministe pour “éviter à toutes les femmes de lui ressembler”.

On reproduit, intégralement, pour le commenter rapidement, l’article de André Simon Mamou, son “ami” de toujours” dans Tribune Juive: 

C’est un extrait de la quatrième de couverture de “Les Tunes. Mais qu’est-ce qu’ils ont de plus…” L’auteur, c’est notre ami de toujours, journaliste, reporter, chroniqueur depuis “La Presse de Tunisie” jusqu’aux heures de gloire de “France Observateur” devenu “L’Obs”.Un grand sourire d’ouverture aux autres, Alain Chouffan connaît tout le monde, les gentils qu’il fréquente, les méchants qu’il désarme !
Il a écrit des quantités d’articles qui ont toujours été lus et commentés sur des sujets divers et souvent sur des faits de société.

Les Tunes”,  c’est une œuvre sérieuse de plus de 200 pages avec des aperçus biographiques de plus de deux cent Tunes choisis pour leur réussite et leur mérite: de Adams Kev à Zvili Nessim, ils sont rangés par ordre alphabétique et la biographie de chacun soigneusement vérifiée occupe une demi page.

Deux informations importantes qu’il faut mettre au crédit de l’auteur :

Il a retenu dans sa «”collection” de Tunes des Tunes d’honneur : Claudia Cardinale, Loris Azzaro, Claude Bartolone par exemple, et il a rangé chez les Tunes Ferid Boughedir, Mustapha Belkhodja, Sonia Mabrouk et beaucoup de tunisiens chrétiens ou musulmans qui ont fait partie du débarquement Tune sur les côtes françaises !

Un extrait :


Attal Gabriel juif tune ? Quand on lui pose la question Il répond qu’il est russe orthodoxe par sa mère. Mais son père est Yves Attal, avocat puis producteur de cinéma. “Tu es peut être orthodoxe, mais tu te sentiras juif toute ta vie, notamment parce que ton nom te fera subir l’antisémitisme”, lui disait son père.

Alain Chouffan envoie un courrier à Gabriel Attal pour lui demander s’il niait toujours ses origines tunisiennes et Gabriel Attal lui répond le 30 juin 2023 : “Votre texte me convient bien, à une exception près, et elle est de taille ! Je ne nie aucunement mes origines tunisiennes! J’en suis même fier!”

En début d’ouvrage Alain Chouffan a posé la question : Si tous ces Tunes ont réussi dans tous les métiers, s’ils sont instruits, honorés et pour beaucoup d’entre eux s’ils ont accédé à la richesse avec 3 francs 6 sous dans leur portefeuille de départ, comment expliquer ce niveau de réussite et de succès ?
Chouffan estime que la société multiculturelle de la Tunisie, les échanges de civilisations, de croyances, de religions, le tout dans un climat pacifique de tolérance mutuelle, tout a contribué à créer une prédisposition au bonheur et au succès.

De mon côté, j’ai insisté sur le rôle capital du Lycée Carnot, de la qualité de ses professeurs venus de France ou formés en Tunisie, du respect qu’ils inspiraient et surtout de la volonté de chacun, du désir de tous : apprendre pour réussir, pour échapper à la misère, pour honorer nos parents humbles mais confiants : avoir de bonnes notes aux compositions, passer de classe, réussir aux baccalauréats puis “monter à Paris”  et comme toujours “RÉUSSIR !”

La Tunisie souriante et la France, grande dame indulgente qui nous a accueillis, Alain Chouffan a fait du bon travail. Il a fixé un moment de l’ Histoire, celle des “Magnifiques” comme disait Michel Boujenah au temps des Trente Glorieuses, entre “Le Sursaut” grâce à De Gaulle et “La Belle Époque” de Pompidou et de Giscard, comme l’a si bien évoqué Franz-Olivier Giesbert, ami sincère de Chouffan.

“Les Tunes”. Balzac Éditions. 238 pages.26 euros

© André Simon Mamou

On commente encore, même si on hésite tant on fait honneur à la platitude déjà énoncée :

1 – On passe sur la publicité de l’auteur de l’article sur son propre travail sur les “tunes” et son apologie explicative du “Lycée Carnot” de Tunis, que j’ai fréquenté. On a assez honte pour l’article.

2 – On a la confirmation de l’erreur sémantique, attrape-tout, pour emporter la mise multireligieuse de l’amitié judéo-musulmane qui n’en a pas besoin, sur les “tunes” qui sont tous ceux et celles qui ont “débarqué” de Tunisie, et même ceux qui – on le disait plus haut, comme Attal ou Hanouna, en couverture qui imite l’affiche de fête foraine, n’y ont jamais vécu. Assez ridicule et contradictoire avec la quatrième de couverture qui définit la communauté comme celle déferlant sur Paris, gourmettes en or au poignet..

3 – Quant aux explications sur la “réussite” de ces tunes, articulées autour de la pluralité des cultures et le bonheur annoncé, on peut affirmer qu’un étudiant de première année de sociologie serait assez honteux de les exposer.

ON CONCLUT :

Il est dommage que la contribution populacière (populaire si l’on veut) à la caricature primaire vienne, à nouveau, frapper.

On juge un ouvrage à sa pertinence, son apport presque décisif au sujet qu’il aborde. Non pas l’apport théorique, philosophique, anthropologique, mais simplement un regard intelligent et nouveau, y compris un clin d’oeil d’humour.

Il est des cas où il, est inutile d’ajouter, sauf s’il s’agit de meubler un vide qui n’est pas celui du sujet mais celui de l’auteur.

On aurait pu, pour être complet, rappeler que les juifs de Tunisie, les “tunes” donc, sont autre chose qu’une biographie d’un cardiologue au sourire éclatant, de dents sidérales, de faconde exacerbée.

Mais c’est un autre billet. On se contente ici, au risque de la répétition, de dire, très vite, qu’on est assez navré par de telles balivernes

MB

PS. On donne, ci-dessous, une conférence d’Akadem, le site intelligent sur les “juifs de Tunisie”. Pas inintéressant. Serge Moati, égal à lui-même : pas intelligent. Les autres, interessants.

https://akadem.org/conferences/conf/histoire/c-est-quoi-un-juif-tune-/46380

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