Plis d’hôtel

Madras (Chennai) Inde. Hôtel de luxe.
La photo, initialement en couleur, est transformée en noir et blanc.
Evidemment, les draps sont blancs et supposent le noir et blanc. C’est ce qu’on a du se dire, inconsciemment, dans cette transformation.
Lorsque j’ai affirmé un soir d’Automne, que les plis de draps dans une chambre d’hôtel sont plus érotiques que ceux du lit d’une chambre quotidienne, tous ont ri, sans me prendre au sérieux.
Regardez, fermez les yeux (le paradoxe pour lire une image !) et dites vous qu’il s’agit d’une chambre d’hôtel à Madras.
Si vous ne voyez pas une sensualité émerger, c’est que la fatigue vous a volé vos sens.
PS. On aperçoit à peine la femme dans le lit de droite. Seuls les plis des draps captent l’imagination, et partant, le désir…

Illimité

 

Bologne. C’est ma première photographie de rue avec un appareil photo numérique. Il y a donc très longtemps.

Les pianistes que je côtoie regardent toujours les mains des joueurs, de leurs concurrents. Ils sont jaloux de ceux qui ont la chance de les avoir grandes, aux doigts effilés et illimités, ceux interminables qui leur fait voler, sans transpirer, une note unique à l’autre bout du piano.
Quand je vois un pianiste devant son instrument, je pense toujours à mon admirable noire d’une grâce mirifique.
Ses mains, la finesse infinie de ses doigts.
il s’agit bien d’infini.

horizon et horizontalité

L’image retient l’œil. Il ne s’agit pourtant que de deux bancs inoccupés, dans un parc quelconque. Au tirage, le contraste a certainement été un peu forcé, les noirs exacerbés et la saturation, relevant le vert, constituée en parti pris.
Je pourrais m’arrêter à la locution introductive : « l’image retient l’œil » et refuser l’intellectualité de la recherche d’une légende ou d’une “locution simple” qui décrit le motif de la retenue de l’œil par deux bancs abandonnés dans un parc désert
Non, ce n’est pas le vide, l’inoccupation des bancs. L’interprétation est trop facile, trop prévisible et, partant, inexacte. Comme le dirait Einstein qui rappelait que ce n’est que lorsque l’équation est belle qu’elle est vraie. Ce qui peut aussi valoir pour un énoncé.
Je fixe encore l’image et je trouve : c’est son graphisme horizontal, son horizontalité qui retient l’œil.
Cette horizontalité magnifiée par les couleurs successives et l’alignement des deux objets s’éloigne paradoxalement de l’horizon, loin de l’infini. L’œil est retenu et ne s’enfuit pas dans le lointain, ne se perd pas dans le néant d’un vide qui est pourtant présent dans « l’inoccupé ». L’œil en élargissant son champ reste dans l’image plane et stratifiée. Il ne s’éloigne pas. Il est « retenu ».
Cette image horizontale retient donc le sens. Verticale, elle l’aurait amenée vers un ciel improbable. Sans les bancs, vers un simple horizon, elle l’aurait entrainé vers un vide de l’au-delà.
Horizontale et calée sur deux objets horizontalement alignés, les sens se fixent.
Il ne faut donc pas confondre horizon et horizontalité. C’est la “locution simple” que je cherchais.
Reste qu’à droite, un arbre vertical s’immisce dans l’image. Ce qui est de nature à démolir la proposition relative à l’horizontalité.

La marque du ciel

Aucun photographe, ou du moins ceux qui prétendent s’essayer à la photographie qui ne serait pas un réflexe ou une addiction ont beaucoup de mal à présenter l’une de leurs images de la Tour Eiffel. Représentations éculées, poster touristique, indigne de figurer dans les essais léchés ou laborieux de la mise en images du monde.
Pourtant, sa verticalité est photogénique. Presque unique dans la capitale.
En réalité, cette Tour donne à voir le ciel sur laquelle elle se colle. Brumeux, nuageux, clair, lessivé, bleu, gris, pluvieux.
La Tour est une marque du ciel.