rapides de l’amour

Ceux qui s’aventurent ici savent que je considère Francis Wolf, philosophe qui n’erre pas trop sur les plateaux comme un excellent homme, un bon penseur et un vrai amoureux de l’amour et de la musique.

Ses bouquins, qu’il s’agisse de l’histoire de la philo, celui sur la musique, sont remarquables. J’aime donc beaucoup ce bonhomme, au-delà même de notre intérêt commun pour la corrida et l’anti-animalisme béat (on aime énormément les animaux, pas tous, pas les méchants et on n’en fait pas des sujets de droit comme les humains. Et oui, on est spéciste. Déjà dit ici.

Son dernier bouquin traite de l’amour (il n’y pas d’amour parfait. Éd Fayard) . Je le lisais au gré de ma propre écriture, par soubresauts, sur le romantica.

Je viens de le terminer.

Je me demande ce qu’il lui a pris d’écrire ce bouquin. Sûrement un besoin de dire son désarroi devant ce qu’il n’imaginait pas. C’est dans cet état qu’on peut écrire rapidement.

Car, à l’évidence, ce bouquin a été écrit très vite. Curieux car il est aussi intéressant que quelconque. Quelques pages émergent. L’idée est de faire tourner ensemble désir, passion, amitié, trois états qui dans une bonne soupe chaude, définiraient l’amour.

Mais je ne regrette pas de l’avoir lu et le conseille entre deux bouquins plus consistants, par exemple de Calderon et de Philip Roth.

Il dit, parfois, ce que nous n’avions pas encore pensé. Ce qui fait un bouquin. Il dit aussi que la philosophie n’a rien à dire sur le sujet. C’est même sa conclusion que je livre ci-dessous.

Mon professeur de gymnastique disait entre deux engueulades sur les dribbles inefficaces au hand-ball que comme on dit que la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires, l’amour est un sentiment trop sérieux pour être dit par un amoureux.

C’était la seule phrase qu’il sortait entre ses hurlements. Il faudra qu’un jour je réfléchisse vraiment pour trouver le lien entre le dribble et l’amour. Ça doit exister.

Voici donc la fin du bouquin de mon ami Wolf. Vous pouvez acheter le bouquin. Il se lit vite, comme il a été écrit…

Les rapides du titre sont ceux de la turbulence des flots…

Le désir ressortit à l’homme comme vivant. La passion à l’homme comme agent. L’amitié à l’homme comme être social.
L’amour proprement humain est autre chose. Il est un peu moins que le désir, la passion ou l’amitié, et plus que leur simple mélange, toujours imparfait. L’amour « pur », celui qui n’est ni sexe, ni passion, ni amitié parce qu’il est au-delà d’eux, est donc « impur » parce qu’il est fait de ces trois ingrédients, dont chacun renvoie à une certaine idée de l’humanité. Même « complet », il est imparfait. L’amour se nourrit de ces trois substances, différemment à chaque rencontre et à chaque moment, et différemment pour chacun ou pour chacune.
Il n’empêche. Les trois composantes immiscibles de l’amour sont aussi les sources des plus grands plaisirs. L’amitié apporte la joie ; la passion l’allégresse ; et le désir ses jouissances. L’amour peut donner tout cela, selon les cas, selon les jours. Il est parfois porteur de joies plus grandes encore que celles de l’amitié parce qu’elles sont magnifiées par le désir ou exaltées par la passion. Et la solidité de l’amitié ou la légèreté du désir le délestent souvent du poids de la passion.
C’est parce qu’il est de nature hétérogène, donc instable, qu’il est le moteur tout-puissant de tant de vies ordinaires et le motif de tant d’histoires, grandioses ou banales, dans les littératures universelles : chants déchirants, comédies irrésistibles, tragédies bouleversantes.
Et de toutes ces histoires réelles ou imaginaires, la philosophie n’a rien à dire.”

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