Fonction Bloc-notes de ce site. Et peut-être un regard bienveillant et emphatique, sans complexe, à l’endroit des juifs, encore confinés (presque un destin du peuple) et d’Israel, en cette veille de Kippour. La moindre des choses. Puis, il faut toujours annoncer la couleur, lorsqu’on écrit. A défaut, on se terre là tous veulent qu’on se terre. Surtout les terroristes intellectuels français. A vrai dire des journalistes assez piteux et quelques figures rabougries, beaucoup aigries, qui ont pu faire leur temps qui n’était déjà pas, dans le moment de leur gloire, pertinent. Ils sont cités par Bruckner, plus bas…Il devient lassant et inutile d’appeler à la fraternité lorsque ceux à qui on peut s’adresser n’en veulent pas. Donc autant laisser tomber et dire sa sympathie en s’approchant, en ces jours d’ultime évènement, sans masque, ose-t-on dire en ces temps, des frères.
La dernière livraison de la « Revue des deux Mondes » est consacrée à la « haine d’Israël », avec quelques articles remarquables, qu’il s’agisse de celui de Pascal Bruckner, de Giesbert, même de Elie Barnavi qui s’est toujours essayé à la critique sur le mode ‘-« France Culture », pour attirer l’attention. La parole est même donnée à Charles Ederlin. Puis des analyses sur la perception du mal de Hannah Arendt, parmi les siens.
Ce Dimanche, d’avant Kippour a donc été une excellente moisson de lectures.
Alors, comme assez souvent, pour honorer, sans synagogue, le judaisme que l’on ne peut contourner, je donne à lire quelques extraits. On peut aussi s’abonner à la Revue, en promotion actuellement.
LES RACINES OUBLIÉES D’UNE « PASSION PROGRESSISTE » Georges Bensoussan
“C’est toutefois pour une raison plus profonde encore que le sionisme insupporte : parce qu’il dit la décolonisation psychique du sujet juif. Parce qu’il brise une soumission qui fait partie de l’économie culturelle de l’Europe. Parce qu’il émancipe un sujet dominé qui fut longtemps au coeur de l’imaginaire maudit de la chrétienté. dont l’Occident est né. La sujétion du juif est au coeur de l’existence chrétienne, voire de son équilibre. La domination du juif, et son humiliation, au moins jusqu’au concile Vatican II, a participé des bases de granite de la vision chrétienne du monde. La parole libérée du sujet juif (au sens psychique du sujet) met en péril un équilibre qui tout entier avait été construit à son détriment. Qui, des siècles durant, avait figuré cette part d’altérité dont le rejet avait permis à l’autre de se constituer. Le sionisme insupporte quand il suppose la disparition de l’antique « soumission juive », quand il délivre le juif d’une peur de colonisé, et qu’il prive d’exutoire des sociétés minées par leur violence interne. Pour autant, la haine du signe juif n’a pas disparu. Elle a mué. Elle s’est sécularisée. Elle focalise désormais sur un État-nation dont l’identité et la force demeurent autant d’impensés dans des mondes où le rabaissement du sujet juif avait longtemps participé de l’ordre des choses. Ernest Renan renâclait à voir Israël exister hors de l’image d’un peuple-missionnaire. Qu’Israël prétende vivre pour lui-même et les qualificatifs méprisants s’enchaînent, « fanatique », « étroit d’horizon ». Pour une conscience chrétienne du temps, la restauration nationale juive demeure impensable. A fortiori dans le corps de l’Église, à laquelle Renan n’appartenait pourtant plus depuis longtemps. En 1901, quatre ans après la tenue du premier congrès sioniste (1897), paraissait à Lyon L’Avenir de Jérusalem. Espérances et chimères. Un ouvrage au sous-titre explicite : Réponse aux congrès sionistes. « Est-il dans le plan de Dieu, dans les desseins arrêtés de sa Providence, y lisait-on, que Jérusalem redevienne un jour la capitale d’un État juif reconstitué ? La clef de la question sioniste est là », assurait l’auteur, l’abbé Augustin Lémann (1836-1909) (2). « Le double objet des prophéties s’étant accompli, poursuivait-il, […] il y a dix-neuf siècles, par la fondation de l’Église, Jérusalem spirituelle toujours subsistante, entreprendre de rétablir une Jérusalem terrestre juive, ce n’est pas autre chose que tenter de saisir et d’édifier une ombre. Or, depuis dix-neuf siècles et pour toujours, la réalité, qui est l’Église, a dissipé et fait disparaître l’ombre : Umbram fugat veritas ! » (3) Dès le premier congrès sioniste, l’antisionisme occidental sonnait comme le refus d’en finir avec la figure juive de l’oppression, ce temps où la déchéance juive était vécue comme synonyme de la vérité du message christique. « Ils sont maudits si nous sommes chrétiens », écrivait un prêtre français à la fin du XIXe siècle. C’est donc dans une large partie des milieux de l’Église catholique que l’antisionisme s’est manifesté avant la Seconde Guerre mondiale. (…)
FACE À L’« ANTISÉMITOSIONISME » Comment je suis devenu juif. Franz-Olivier Giesbert
EXTRAIT
Souvenez-vous. Qu’a dit le salafiste haineux qui a pris à partie. Alain Finkielkraut en marge d’une manifestation de « gilets jaunes », le 16 février 2019 à Paris ? Florilège : « Barre-toi, sale sioniste de merde ! La France, elle est à nous ! Rentre chez toi ! Rentre à Tel-Aviv ! T’es un haineux, tu vas mourir, tu vas aller en enfer. »
Résumons ces « propos », si j’ose dire : Alain Finkielkraut n’a rien à faire en France, où il n’est pas chez lui ; il doit émigrer en Israël où, le jour venu, on lui fera la peau, à lui et aux siens, puisqu’on combat le sionisme, c’est-à-dire le droit à l’existence de l’État d’Israël. Le salafiste s’est au demeurant proclamé antisioniste et non pas antisémite. Il a même prétendu avoir insulté le philosophe au nom de la « cause palestinienne ». « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », écrivait Bertolt Brecht en 1941. Enfin, pas tout à fait, soit dit en passant. C’est Reynold Heys, le traducteur pour les États-Unis de sa pièce La Résistible ascension d’Arturo Ui, qui a trouvé la formule d’après le texte original : « L’utérus est encore fertile d’où ça a rampé » (Der Schoss ist ruchtbar noch, aus dem das kroch). La bête immonde est là, parmi nous. Pour preuve, la montée, partout dans le monde, d’un antisémitisme frénétique et décomplexé, incarné par des personnages comme l’ancien leader du Parti travailliste, l’ignoble Jeremy Corbyn, multirécidiviste en la matière, qui aurait pu devenir Premier ministre britannique. Pour preuve encore, le retour d’un antisémitisme d’État, symbolisé par une certaine justice française qui, dans un premier temps, a retrouvé ses réflexes vichystes quand elle tenta d’éviter un procès pour meurtre à l’assassin de Sarah Halimi sous prétexte qu’il souffrait au moment de son forfait, sous l’effet du cannabis, d’une « bouffée délirante aiguë ». À quoi il faut ajouter la détresse que l’on ressent chez beaucoup de Français d’origine juive, notamment quand ils vivent dans les quartiers populaires. La haine frénétique d’Israël qui transpire dans une ultragauche furieusement islamophile ou les reportages de la presse bien-pensante du soir ou du matin qui tordent et falsifient les faits à volonté, avec bonne conscience. La sinistre dérive islamiste de ce qu’on a peine à appeler le mouvement palestinien. (…)
Une blague dit que les juifs nous ont donné Jésus-Christ et Karl Marx mais qu’ils se sont bien gardés de suivre l’un et l’autre. Ils n’auraient pas dû suivre non plus David Ben Gourion, le fondateur d’Israël, qui avait décidé d’abandonner le nom de Palestine. Les juifs ont gagné la guerre de 1948 et les suivantes mais en changeant de nom, ils ont perdu la bataille sémantique, la bataille de l’opinion.
Contre Israël, la désinformation ne cesse, comme l’ignorance, de marquer des points. Dans un livre éclairant, L’Industrie du men songe (2), le journaliste israélien Ben-Dror Yemini, lui-même critique envers la politique de son pays, recense les bobards et les contre-vérités qui sont continuellement déversés sur l’État juif par les médias occidentaux, les organisations internationales et les milieux universitaires américains.
Les exemples qu’il donne sont effarants. L’universitaire américain Richard A. Falk, rapporteur spécial des Nations unies sur « la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », n’a pas hésité à déclarer officiellement que les Israéliens avaient des intentions « génocidaires » contre les Palestiniens. Il a tenu ces propos fin 2013, alors que cette année-là, avaient été tués 30 Palestiniens, pour la plupart des terroristes. C’est trop mais c’est moins que dans d’autres pays où la situation est instable : l’Irak, la Syrie, le Pakistan, l’Afghanistan, etc.
De 2006 à 2010, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a voté 33 résolutions contre des États. Parmi elles, 27 visaient… Israël. Cherchez l’erreur. Dans son livre, Ben-Dror Yemini recense et démonte aussi les fake news inspirées de faits réels, un genre qui tend à se développer, les manipulations sur la mort d’enfants ou encore les délires anti-israéliens d’universitaires reconnus et de journaux dits de référence comme The Guardian.
Faut-il continuer à laisser proliférer « l’antisémitosionisme » ? Si nous savons tirer les leçons de l’histoire, il est temps de se réveiller, de nommer cette nouvelle « bête immonde », de la combattre et de la renvoyer dans son ventre matriciel en ouvrant la chasse aux mensonges.
« Il y a une quantité considérable de mensonges tout autour du monde et le pire, disait Churchill, c’est que la moitié au moins sont devenus vrais. » À nous de les démonter sans relâche.
« SIONISME, ADN CRIMINEL DE L’HUMANITÉ Pascal Bruckner
…Quel crime n’a-t-on pas imputé au sionisme dans les médias de ces pays ? D’être « une forme de racisme et de discrimination raciale », comme l’affirma une résolution du 10 novembre 1975 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. D’avoir créé Hitler de toutes pièces, d’avoir inventé le mythe de l’Holocauste pour en tirer un juteux business. Mais aussi d’être responsable du 11 septembre 2001 à New York (le Mossad aurait averti tous les juifs de ne pas venir travailler dans les tours ce jour-là !), d’avoir forgé le virus du sida pour éliminer l’humanité ou l’ensemble des Africains, d’avoir provoqué le tsunami de décembre 2004 par une explosion nucléaire, d’être à l’origine de la grippe aviaire pour affaiblir l’Afrique et l’Asie, d’avoir « inventé l’homosexualité » pour déshonorer les garçons arabes, d’être responsable du changement climatique pour garder la mainmise sur la planète, d’avoir en 2006 payé en sous-main les caricatures de Mahomet au Danemark afin de dresser les uns contre les autres chrétiens et musulmans comme le déclarait l’ayatollah Khamenei, d’avoir inventé de toutes pièces Daesh et al-Qaida pour salir la religion du Prophète, et j’en passe. Tout ce qui a lieu de mauvais sur ce globe peut être imputé à cette entité maléfique d’Israël qui relaie le vieux fantasme du complot juif.
(…) On en veut aux juifs d’être sortis de leur faiblesse immémoriale, d’embrasser la force sans crainte. Ils ont trahi la mission que leur avait assignée l’histoire : être un peuple d’apatrides qui ne s’enferre pas dans l’étroitesse obtuse des nations. Comme l’a dit l’historien Enzo Traverso, les juifs ont « blanchi ». Depuis 1948, ils ont franchi « la ligne de couleur », se sont enrichis et sont devenus « blancs », c’est-à-dire oppresseurs. Avec la « fin » de l’antisémitisme, le juif est entré dans la race « supérieure » (la blanche), avec Israël, il est entré dans la maladie européenne du nationalisme et c’est ce qui l’a perdu. Sorti du ghetto, il n’incarne plus cette « altérité négative » qui le rendait unique autrefois.
(…) Il faut se souvenir de ce qu’écrivait l’ancien diplomate Stéphane Hessel, supporter déterminé du Hamas, au Frankfurter Allgemeine Zeitung en janvier 2011 : « L’occupation allemande était, si on la compare avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive, abstraction faite d’éléments d’exception comme les incarcérations, les internements, les exécutions, ainsi que le vol d’oeuvres d’art. » On a bien lu : l’État d’Israël aurait donc détrôné le IIIe Reich comme incarnation de la barbarie. Quand le juif opprime ou colonise, non seulement il se transforme en nazi mais il se conduit pire que les nazis. Comme le disait le cheikh Ibrahim Mudeiris à Gaza en 2005 : « Les juifs sont derrière la souffrance des nations […] parce que Israël est un cancer qui se propage dans tout le corps de la nation islamique et parce que les juifs sont un virus qui ressemble au sida et dont le monde entier souffre. Vous découvrirez que les juifs ont été à l’origine de toutes les guerres civiles dans le monde […]. Le jour viendra où tout sera repris aux juifs, même les arbres et les pierres qui ont été leurs victimes. (1) »
(…) Comme l’écrivait Vladimir Jankélévitch dans un livre paru à titre posthume en 1986 : « L’antisionisme est à cet égard une incroyable aubaine car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre : ils auraient mérité leur sort. (2) »
On sait que pour une majorité d’intellectuels français, sud-américains ou européens, à l’exception notable de Jean-Paul Sartre et de Michel Foucault, Israël était par nature une nation criminelle puisque, à son propos, seul le nom de Hitler venait à la bouche. En Europe, la question palestinienne n’a servi qu’à ré-légitimer en toute quiétude la haine des juifs. C’est le cas de le dire avec Bernard Lewis : « Les Arabes ne sont rien d’autre en vérité qu’un bâton pour rosser les juifs. (3) » Témoin cet extrait d’une tribune intitulée « Israël-Palestine, le cancer » et signée par Edgar Morin, Danièle Sallenave et Sami Naïr : « Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés humilient, méprisent et persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d’un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs, victimes de l’inhumanité, montrent une terrible inhumanité […] le peuple élu agit comme la race supérieure. (4) » «
(…) Que s’est-il passé depuis lors ? Plusieurs choses : Israël n’a jamais failli, jamais reculé, et a frappé durement ses ennemis, au prix de représailles parfois terribles sur la population civile qui ont découragé les agresseurs potentiels. Mais surtout les priorités ont changé : l’essor du terrorisme, la prise de pouvoir de Daesh à Mossoul et Rakka en 2014, l’instauration du califat de la terreur ont changé la donne. Les pays arabes, contraints de juguler leurs fanatiques et engagés dans un affrontement avec la puissance iranienne, ont peu à peu délaissé leurs protégés palestiniens.
Ceux-ci ont commis une suite d’erreurs tragiques en adoptant des positions extrémistes et en refusant les uns après les autres les plans de paix, dont le dernier, celui de Donald Trump, est sans doute le plus imparfait de tous mais il a au moins le mérite d’exister. La cause palestinienne meurt tout doucement dans l’indifférence des opinions publiques et par l’impéritie de ses dirigeants. L’État d’Israël a tenu bon, il a joué habilement de la division de ses adversaires, et apparaît aujourd’hui comme le seul lieu sûr et pacifié dans un Moyen-Orient en plein désarroi. Il a fait alliance avec ses ennemis d’hier, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, engagés dans une guerre sans merci contre Téhéran et contre les Frères musulmans. Pour Jérusalem, première puissance militaire et technologique de la région, c’est une victoire incontestable. Mais après ? Les menaces perdurent et la paix fragile, sans accord stable avec les Palestiniens, pourrait se révéler aussi dangereuse que les confrontations armées. Le projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie, au-delà des arguments sophistiques, paraît aberrant et entacherait cette jeune nation, déjà submergée de reproches, du péché d’apartheid. Reste ce fait incontestable : cet État dont un diplomate du Quai d’Orsay prédisait qu’il aurait disparu dans trente ans pourrait bien survivre à tous ses voisins en proie au chaos le plus total.
« Sionisme, ADN criminel de l’humanité » est le slogan repris par les manifestants lors d’une marche de protestation à Paris contre la guerre au Liban le 30 juillet 2006.