“Rien ne vient de rien”.
C’est la traduction du titre (“ex nihilo nihil”).
Un ami m’a raconté, en riant très fortement dans le combiné du téléphone, sa soirée très parisienne à l’occasion de laquelle il vantait l’extraordinaire pensée du poète latin Lucrèce, matérialiste, atomiste, né une centaine d’années avant notre ère, rédacteur du fameux “De natura rerum“, un hommage fabuleux à son maître grec Épicure.
L’un des invités, pourtant énarque ou conseiller d’Etat, a-t-il précisé, lui a sorti “Ah oui, Lucrèce Borgia, quel grand philosophe !”.
Magnanime, il n’a fait que sourire et n’a pu me dire si autour de la table, les invités avaient relevé l’ânerie qui est plus qu’une bévue lorsqu’elle se plante dans les milieux censés être des lettrés…
Lucrèce Borgia. Quand j’entends le nom de cette femme du 15ème siècle, amoureuse d’art et de poésie, membre d’une famille honnie par l’Eglise, je pense immédiatement au tableau de Bartoloméo Veneto censé la représenter. Son sein nu est inouï de beauté.
Victor Hugo lui a rendu hommage par la pièce portant son nom. Je suis certain qu’en l’écrivant, il avait sur son bureau une reproduction du tableau que j’ai collé en tête de billet.
Je dis à mon ami au téléphone qu’il devrait envoyer à tous les invités de la soirée une carte reproduisant le tableau en inscrivant au dos “rien ne vient de rien, même un sein”.
Rien ne naît de rien, rien n’a jamais été créé, tout ce qui existe existait déjà et existera toujours. C’est la locution sur laquelle on peut s’appesantir toute une vie et même plus.
C’est le grand credo, le principe fondateur de la philosophie matérialiste un peu inventé par l’atomiste Epicure.
Mon ami a encore hurlé, cette fois-ci de joie. Il tenait sa revanche. Tout ça, évidemment pour “rien”
PS. La peinture donc : Portrait de femme par Bartolemeo Veneto (1502)