Hélène Grimaud “all about elle” ou la pure méchanceté du chroniqueur.

On donne, sans commentaire un article d’Oliver Bellamy dans Le Point de cette semaine, intégral. Doit – on pardonner le ridicule ? Oui, il n’est que le sentiment des autres. Le ridicule devrait s’isoler. Ce qui est ridicule, dira-t-on.

Olivier Bellamy est méchant. Il a le droit. Mais autant ? Pas certain. On sent une concurrence dans le snobisme et la maitrise pretendue du mot. Bellamy semble regretter d’avoir été mis sur la touche lorsque la pianiste a décidé de publier ce livre d’entretiens. La reproduction complète du billet (d’humeur massacrante) permet d’approcher frontalement les rives du parisianisme détestable qui sévit dans les chroniques musicales qui sont presque toutes celles de musiciens ratés. On ajoute qu’on n’aime pas trop, justement pour cette mise en scène collégienne, HG. On devrait, dès lors, être ravi de l’article de Bellamy. Non, le malaise s’installe toujours lorsque la méchanceté est gratuite, laissant suinter des pointes de jalousie et, encore une fois, de parisianisme de tables choisies. Celles des dîners entre méchants dans des quartiers précis de la capitale.

Hélène Grimaud, all about Elle
LA CHRONIQUE D’OLIVIER BELLAMY. Dans son livre, « Renaître »*, la pianiste laisse diviniser sa personne au point que cette aspiration au sublime frôle le ridicule.
Par Olivier Bellamy

Publié le 20/12/2023 à 16:00ego d’artiste, mais il est vrai que je ne connais aucun musicien important qui place l’Aixoise dans son panthéon.

Passages surécrits

Alors autant répondre à l’appel sacré de la foule et faire don de sa personne pour mieux sculpter sa propre statue. D’abord, le titre : Renaître. Ça sent l’attrape-gogos, le camelot et son élixir de jeunesse, le mariage forcé d’Arvo Pärt et Jack London au rayon développement personnel. Après deux avant-propos qui enfument au lieu d’éclaircir, le premier chapitre intitulé « Le sentiment océanique de l’existence » fait déjà sourire sans qu’il soit besoin d’ironiser. Suivent des images étranges, « un rêve émané de la mer », le soleil procréé par l’eau », et le pompon : « les laisser me pénétrer » dans un paragraphe consacré aux chiens et aux loups… À rapprocher du paragraphe sur le regard concupiscent des hommes sur son innocente personne.

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D’autres passages surécrits : « Ils viennent des neiges du Grand Nord et des roux de l’automne assurer la domination sauvage, la froide et solennelle férocité de la nature. » Et puis des platitudes post-durassiennes (voulues, forcément voulues) : « La sortie d’Aix, l’arrivée à Arles, et puis, à la sortie d’Arles, la route des Salins, ou celle des Saintes-Maries-de-la-Mer », comme si ce paupérisme ostentatoire allait racheter la débauche de « magie », d’« acuité palpable », de « vibration de vie », de « moment de grâce », de « miracle ». 

Et puis des clichés que n’oserait pas une Amélie Nothomb  : « la tendresse un peu bourrue » d’un aïeul, « la prémonition d’un destin », ou encore « vivre à deux, c’est confronter l’idéal aux aspérités de la réalité ». Sans oublier des expressions comme le « crissement ouaté de la neige » qui rappellent un corrigé de rédaction au brevet de fin d’études.

Certains passages sont très bien. Sur ses parents, sur la virtuosité… Justes, posés, intéressants. Et puis l’antinaturel revient au galop : « D’un concert à l’autre, je continue de m’étonner – voire de m’émerveiller – de l’évolution de mon propre rapport avec l’œuvre. » Ou le so chic : « J’ai choisi cette vie. Ou plutôt, elle m’a choisie. » Et toujours ces citations qui s’empilent, se détruisent, et ne signifient plus rien.

Préciosité

Et puis la préciosité. Ainsi une longue citation d’Henri Michaux dans la question voit sa résolution dans la réponse : « Vous pouvez citer la fin du texte : … » Ou comment pousser le lecteur à penser : Dieu qu’elle est savante ! Et puis des petites malhonnêtetés, des chichis rhétoriques. Question sur l’éducation. Réponse : « Si je devais improviser, je dirais que… » Alors que l’écrivain a largement eu le temps de peaufiner sa réponse.

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Tous les moyens sont bons pour que l’auto-héroïne en sorte sublimée. Malheureusement, il en va là comme de ces hommes petits qui usent de talonnettes pour se grandir. L’intervieweur n’en oublie pas de ramasser des miettes du festin au passage. Question : « Vous avez été l’élève de Geneviève Joy-Dutilleux. Je me souviens avoir été placé à côté de son mari, Henri Dutilleux, à l’un de vos concerts au Théâtre des Champs-Élysées… » Quel est l’intérêt de cette information qui ne débouche sur rien, sinon de se mettre en valeur sur le dos du compositeur coincé entre deux virgules ?

Passons sur les petites vanités ordinaires – dans mon liiivre ceci, dans mon diiisque cela. Oublions le passage très politiquement correct sur l’écoféminisme (pour avoir interviewé Hélène Grimaud de nombreuses fois, je ne la reconnais pas). À fréquenter l’éther impalpable et ineffable de la Vérité, la vérité en devient si fade. Comme Barsacq et Grimaud sont cultivés et intelligents, tout cela sent la fabrication grossière, l’indignité, et au bout du compte la vulgarité. D’où un dégoût esthétique et moral qui finit par nous salir les yeux. Ne parlons pas de l’âme, et laissons-en la glose à ceux qui savent en faire un commerce aussi juteux.

*Renaître par Hélène Grimaud et Stéphane Barsacq, éd. Albin Michel.

PS. MB ” UN THESARD QU’ON PREFERERAIT TAISEUX”. ECRIT BELLAMY QUI FROLE BEAUCOUP LE RIDICULE. CE QUI DEVRAIT APAISER HG.

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