Je n’en reviens pas,
Dans un billet ici, je disais, avant d’écrire ma déception sur une philosophe et ses petits écrits, à la mesure gentille du temps, celui d’un courrier de lecteurs de magazine, que nous avions de la chance, en France. Nous tentions de penser et nous avions des penseurs. Je précisais que le remplissage des rayons de bibliothèque numérique par des prétendus philosophes étrangers, d’un exotisme chic, même s’ils n’étaient pas trop loin, était exaspérant. Je voulais même ajouter, mais je ne l’ai pas fait, de crainte d’être vilipendé, que le nom même du “penseur”, s’il était un peu étranger, peut-être à consonance anglo-saxonne ou moldave, faisait déjà sa publicité.
Je ne crois pas me tromper et vous livre ici un exemple. J’y suis tombé par hasard en ligne, à l’occasion d’un petite recherche sur “la confiance”.
L’immense penseur s’appelle Mark Hunyadi. C’est un suisse, d’origine hongroise.
Son dernier livre : “Au début est la confiance”.
Le titre est ridicule, mais on lui fait “confiance”, si j’ose dire, c’est un “philosophe”. Et je lis un peu un entretien de promotion du bouquin. Il répond à cette question :
“Au début de votre livre, vous dites que le confinement nous a transformés en pilotes d’avion enfermés dans leur cockpit.“
Sa réponse :
“Oui, j’emploie cette expression d’« individualisme du cockpit » pour parler d’une tendance profonde de nos sociétés. Depuis le début de notre modernité, le rationalisme, la pensée économique n’ont cessé de présenter le sujet humain comme un individu enfermé dans sa bulle, calculateur, opportuniste, cherchant à maximiser son bien-être. Ce que cette tradition modélise, aussi bien en philosophie qu’en sciences sociales, c’est l’isolement. Eh bien, le confinement a eu cela d’extraordinaire qu’il nous a permis d’aller jusqu’au bout de cette logique. Chacun s’est effectivement retrouvé bouclé chez lui, comme un pilote d’avion qui s’informe sur l’état du monde extérieur grâce à des écrans. Le pilote fait des choix pour s’orienter seul dans le monde d’après des informations qui lui sont fournies par des artefacts. Et nous nous sommes rendu compte combien cette situation était insupportable. Nous avons compris l’enfer que c’était de vivre sans les autres. L’individualisme du cockpit n’est pas une option tenable…“
Je crois que j’avais raison de l’écrire. C’est donc la pensée contemporaine qui se vend. Je ne redonne pas le titre de ce billet. Je n’en reviens pas de ce vide qui croit investir des airs lourds, pourtant en attente du mot exact, avides d’une cassure du rien. Je n’en reviens pas. “L’individualisme du cockpit“. Comment peut-on oser écrire ces fadaises. Je n’en reviens pas.