JE REPRODUIS ICI UN TEXTE ECRIT IL Y A TRES LONGTEMPS. CE PETIT RECIT D’UNE RENCONTRE EST VRAI. AUCUNE INVENTION, JE L’ASSURE. IL M’EST REVENU APRES AVOIR INSERE MES “TRISTEZA”. VITE RETROUVE DANS LES ARCHIVES
Je n’ai jamais su s’il fallait dire « texto » ou « sms » ou je ne sais quoi encore.
Mais, peu importe, chaque fois que je vois Elisa, lorsque j’entends sa voix au téléphone, lorsqu’elle m’envoie ses longs, trop longs e-mails, je me souviens toujours de ces messages et de cette photo, elle envoyée par « mms » par laquelle j’ai découvert son visage malicieux, des grands yeux en amande, comme dit le scribouillard fainéant..
C’était le temps où ils apparaissaient, difficiles à écrire, trois lettres sur chaque touche du téléphone et taper une, deux ou trois fois pour trouver la lettre. Je ne sais plus comment s’appelait cette méthode d’écriture dans la préhistoire de la communication électronique.
C’était une fin d’après-midi d’un dimanche débordant d’angoisse, la pire, sans cause, lorsque toutes les musiques deviennent trop tristes, vous plaquent dans la nostalgie, lorsque ne reste que le silence lourd, gris, étouffant et rien pour vous consoler, puisqu’il n’y rien à consoler. Simplement du poids.
J’entends le petit bip. Et je lis :
« J’écris plume abattue, par crainte de ne pouvoir achever »
Un numéro de téléphone qui n’est pas dans mon répertoire.
Pas envie de chercher, je retourne dans mes pensées noires, affalé sur canapé, la télécommande de la chaine hifi dans la main, comme en instance de mon retour qui me fera allumer et jouir de ma musique. Et puis ce maudit mémoire à terminer, vivement la vie active ! Et Geneviève qui ne répond pas, elle doit me tromper !
Nouveau bip, nouveau message, même numéro :
« Plume abattue, comme moi, à abattre »
Je laisse encore, faussement excédé.
Mais, curieusement, je ne sais si c’est ce message ou une nouvelle onde pointue qui traverse allègrement mon petit salon, je reviens et allume la chaine, source « CD » (j’ai laissé tomber les vinyles, ce que je regretterai plusieurs années plus tard), le dernier que j’ai inséré, le premier disque de Stacey Kent, voix de rêve, légère qui vous remet d’aplomb quand vous en avez envie.
Je me lève, prends mon téléphone et relis le « texto ». « Plume abattue » ? Je connais cette expression, je connais. Je trouve, c’est Gide, dans son Journal, lorsqu’il est persuadé qu’il entame sa fin. Il faut faire vite. Je prends le livre dans ma petite bibliothèque. Je retrouve le passage, j’avais souligné. Journal. 8 Juin 1948.
« …Sans cesse j’entends la Parque, la vieille, murmurer à mon oreille : tu n’en as plus pour longtemps. Si je n’étais constamment et absurdement dérangé, il me semble que je pourrais écrire des merveilles, la tiédeur aidant. Je reprends goût à la vie. J’écris tout ceci plume abattue, par crainte de ne pouvoir achever, mais avec la constante préoccupation des choses beaucoup plus intéressantes que je voudrais dire… »
Nouveau bip, je lis :
« Plus de goût à la vie, rien d’intéressant. Il me faut m’abattre »
Je m’assieds. Je réfléchis. Me viennent d’emblée, je ne sais pourquoi, le visage d’Ingrid Bergman et d’Anthony Perkins.
Je tape : « Aimez-vous Gide ? Et Brahms ? Sûrement. Appelez-moi et écoutez ».
Puis, vite, je trouve le disque : Brahms, 3ème symphonie (poco allegretto). J’attends.
Le téléphone sonne, j’en étais sûr, je décroche, je fais démarrer le morceau et colle le combiné sur l’enceinte droite. Près de cinq minutes. Je mets sur « pause », et je dis :
– Alors ?
J’entends Geneviève qui me demande si je ne suis pas devenu fou, si je m’amuse à briser les oreilles des femmes qui appellent pour dire qu’elles ont envie du corps de celui qui colle du Schuman ou du Beethoven, l’on ne sait trop, au lieu de répondre qu’il prépare un whisky et un lit accueillant !
Je deviens rouge. Je lui dis que je suis fatigué, que la nuit alcoolisée et les bras accueillants, je les préférerais le lendemain.
Elle raccroche, peut-être furieuse. E je retourne dans le vide gris, chaine éteinte. Et là, le téléphone sonne.
Une voix rauque, presque Marlène Dietrich, avec un petit accent, espagnol, j’en suis sûr :
– Quel est votre nom ?
J’étais stupéfait ; Une femme donc, en suspens de suicide, plagiaire de Gide, adressant un texto à un inconnu et qui me somme de prononcer mon nom !
Je ne savais quoi répondre et me contentais d’un faible :
– Quoi ?
Elle dit alors :
– Moi, c’est Elisa, espagnole, Doctorante, locataire d’un studio rue des Ecoles ; Mes SMS vous ont plu ? Bravo. Vous êtes le seul à avoir trouvé pour Gide. Le seul sur environ une vingtaine. Je vais tout vous dire : je m’ennuie les dimanches et j’envoie des textos en inventant des numéros. Quelquefois ils sont bons, actifs. D’une manière générale, on me répond que j’ai dû me tromper de destinataire et je réponds en m’excusant. Puis d’autres, en quête d’aventure me propose immédiatement un rendez-vous et j’insulte très fort. Et ils ne rappellent pas. Alors, celui qui reconnaît Gide et me propose du Brahms, alors là, chapeau !
Je n’ai pas répondu.
Et elle m’a sorti :
– Dans une demi-heure au Balzar, OK ? Je vous reconnaitrai, j’en suis certaine. En attendant, je vous envoie ma photo.
Et elle raccrocha.
J’ai mis mon beau col roulé bleu marine, celui dont tous me disent qu’il me va très bien, et je suis allé au Balzar.
La femme sur la photo était très belle, mais bizarrement, je n’étais pas « en quête d’une aventure », juste le Balzar et la tuerie du gris, la chasse contre le grand chagrin.
Elle était assise sur une banquette, au fond de la salle et m’a fait un petit signe quand je suis rentré. Etais-je si reconnaissable ? Les lecteurs de Gide ou les fans de Brahms étaient-ils flagrants ?
Je me suis assis devant elle qui, évidemment, souriait. Décidément les femmes sourient toujours. Puis, en levant son verre, elle m’a dit :
– de l’amontillado. Ce qui n’est pas si mal pour la France. Ils n’ont pas de fino ici.
Là, je crois avoir été fulgurant, elle ne s’attendait pas à ce que je réponde :
– Il fallait m’inviter au bar des Ecoles, là ils ont du fino. Tio Pepe, muy secco.
Elle a éclaté de rire en disant :
– Brahms, Gide, connaisseur de vins de Jerez. Je suis tombé sur la perle. Mais vous ne m’avez toujours pas dit votre nom.
Je lui dis.
Et elle part dans une tirade, sans s’arrêter, pour me dire encore qu’elle s’appelle Elisa, qu’elle s’amuse beaucoup avec les hommes, mais qu’il n’est pas question d’entrevoir une aventure avec elle, elle est très amoureuse d’un homme qui est parti trois ans sur la banquise, au Pôle Nord, photographier le blanc, toutes les heures, qu’il lui envoie, par satellite, un message tous les jours, qu’ils sont très, très amoureux et qu’il doit revenir l’année prochaine, que ce n’est donc pas la peine de draguer, minauder, tenter, caresser, ca ne servira à rien et que si je n’étais pas content, ce serait le même prix et puis qu’elle adore Gide et sa tristesse et Brahms aussi et qu’elle ne savait pas qu’il avait du fino au Bar des Ecoles et qu’avez-vous pensé de ma photo, et que faites-vous à part draguer les jolies espagnoles ?
Je ne sais ce qui m’a pris, je lui ai demandé :
– vous êtes un ange, voulez-vous être ma sœur ?
Elle m’a pris le visage entre ses belles mains à la peau dorée, très dorée, cette peau de paradis, cette peau du ciel, et m’a embrassé le front.
Nous ne nous sommes plus quittés, des années, un peu amis, un peu amants, malgré sa tirade trop rodée.
Elle est partie un jour en Argentine, je ne sais pourquoi. Je ne l’ai plus revue. C’est elle que je veux appeler quand je suis triste. Mais tous savent que je ne le suis jamais. Evidemment.



Il est des moments, des jours, des heures ou Maurice Blanchot nous revient, nous ramène au vrai, nous enjoint de délaisser le futile et accompagne “la solitude essentielle”

Copie d’un e-mail (véritable) reçu aujourd’hui d’une personne qui se prétend mon ami. (je laisse dire).
Aujourd’hui, discussion assez vive avec E et M sur l’innovation, le génie de l’invention en littérature, en science, dans une profession. Bref l’intelligence de la création du nouveau.
L’appareil photo en bandoulière, les yeux expansifs, l’humeur résolue, dans un jardin dans lequel l’automne s’installe, je vois une table de ping-pong.














































Je reviens. Juste pour l’archive, dans le temps.
Je ne suis pas retourné ailleurs. J’avais oublié de poster ce condensé lu hier dans “La vie des Idées”.
On avoue une crispation, une petite, celle qui dure les quelques minutes de l’écriture d’un billet vite oublié à la lecture de ce titre dans le Figaro Culture : “Anish Kapoor reçoit le prix Genesis en tant qu’artiste engagé”
“Il se lève, va dans la cuisine, ferme la porte pour ne pas réveiller les autres. Il regarde, très calme, le café couler doucement, et se concentre avec force sur sa migraine matinale. Un seul moyen de l’expulser, une combinatoire curieuse, qu’il a inventée : la fixation, le front fermé, sur un liquide qui coule et une contraction idoine pour se mettre dans un étau plus fort que celui qui a émergé d’une nuit trop blanche. Et une vraie expulsion du mal lorsqu’il lâche tout.




On est très sérieux ici, va t-on nous dire. On constatera, très rapidement qu’il n’en est rien, puisqu’en effet, comme on le sait, être “‘sérieux”, en convoquant toutes les théories qui peuvent nous faire comprendre le monde, se résume, à vrai dire, à un seul grain invisible qui parcourt notre trajectoire, notre histoire, notre corps, invisible sur notre peau (encore…), un résidu de lumière qui vrille sur l’épiderme. Mais là je vais trop loin dans le dévoilement et laisse, immédiatement, l’incertitude s’installer en revenant à mon “sérieux”.

















Nietzsche, dans sa préface à la deuxième édition du « Gai Savoir » nous a livré un texte que Michel Onfray (qui n’est pas Nietzsche), sort à tire larigot, et, assez objectivement, applique la formule lorsqu’il prétend faire de la philosophie, dans ses étés sur France Culture : La Philosophie d’un auteur, y compris le plus grand n’est que le reflet de son propre état lorsqu’il l’écrit. La philosophie ne serait qu’autobiographie.
Pour ceux qui ont aimé l’extrait de l’album de Stacey Kent (billet précédent) on en rajoute.





A l’heure où, pour alimenter une minuscule réflexion sur “la perception intuitive de l’Univers”, un thème foireux et prétentieux que j’aborde quand le besoin s’en fait sentir, par petites phrases, aphorismes et beaucoup de photos, je me suis souvenu de lui, allez-savoir pourquoi. Mystère de la mémoire ou de la bêtise, comme l’on voudra.



J’entre ici, alors qu’il ne s’agit pas du genre de notre maison , presque dans la confidence.

Personne, absolument personne, sauf des martiens égarés sur Neptune ne connait 


C’est le jour, on aura pu le remarquer, où je puise dans mes “brouillons” ou dans mes demi-brouillons et les publie.
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A lire le titre, on croit que je deviens dépressif. Ce n’est pas du tout le cas. Mais alors, pas du tout.
Une amie, sur la pointe des lèvres, certainement par crainte d’un jugement brutal, rédhibitoire, peut-être même la peur de sa déconsidération, allez savoir, m’a demandé : “Tu aimes Françoise Hardy”?
Billet long, mais tant pis, il fallait que je l’écrive. Désolé, désolé.
Zygmund Bauman vient de mourir. L’on aimait ce penseur du “liquide”, de la “modernité liquide” même si le concept a été mangé à toutes les sauces, notamment celles de sociologues qui se donnaient , à bon compte, des airs de penseurs. Chic, pas obscur. Juste un peu snob ces bas de page d’innombrables prétendus contributeurs à l’avancée de la pensée. Lui Bauman tentait vraiment la marche vers le centre.
Discussion téléphonique avec une amie psychanalyste. Une femme adorable, mais psychanalyste. Pour la millième fois, nous abordons le même sujet : ma détestation de Freud, en tous cas du freudisme terroriste. Et, comme toujours, je lui rappelle le mot de Freud qu’il a pris chez Goethe selon lequel 
Conversation autour d’une table. Il est question de Lévinas, grand penseur que je n’apprécie pas pour divers motifs sur lesquels je me dois, un jour, de revenir , et de l’Autre, celui devant lequel il faut se prosterner, sur l’altruisme et autres notions articulées autour du désintéressement et de l’oubli, temporaire en tous cas, de soi.
La scène se passe dans un café du 17 ème arrondissement de Paris. Deux vieux messieurs, assis, mais la veste de costume boutonnée sur un gilet à boutons de nacre (les deux le portaient) sirotent un whisky.
Un ami, auquel nous demandions son avis sur un sujet, de l’ordre de la métaphysique, et qui faisait l’objet d’une discussion vive par messages Whatsapp interposés, nous a répondu “Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien”, rappelant ce mot que Jean Gabin, précurseur du rap, a marmonné dans un vieux 33 tours, l’adage de Socrate. Il a raison, étant observé que la phrase exacte, qui apparait dans Platon, (“Apologie de Socrate”) (21d), et dans le Ménon (80d 1-3) est la suivante “
femme. On s’est toujours interrogé sur cet instant malicieux du grand photographe, loin en principe de son registre. Si tant est qu’il existe un registre dans la photographie.
La musique crée “un monde imaginaire d’événements purs”. C’est Francis Wolff qui l’écrit dans son ouvrage exceptionnel (Pourquoi la musique ? Fayard).

L’on considère Claude Lévi-Strauss comme l’un des plus grands. Ce n’est pas d’une originalité folle. Mais il n’est pas inutile de le répéter, sans en rester à ses “Tristes Tropiques”, journal de voyage, joliment écrit, surtout dans son introduction, dont les paresseux et les faiseurs (qui sont d’ailleurs souvent les mêmes) ne retiennent que le fameux “je hais les voyages”.
Les concepts, lorsqu’ils se terrent dans un mot exotique ou inédit peuvent ressortir du snobisme de fins de soirées mondaines. Ils peuvent aussi être féconds. Celui proposé ici (
Le titre est énigmatique, comme il se doit, pour attirer le lecteur. Même s’il correspond à une réalité. Celle de l’histoire des causes de la démence. L’on a d’abord considéré que
Imaginez un lendemain de soirée magique, celle, rare, où des êtres rient, pensent, boivent, mangent, et rient encore, heureux d’être là, simplement là. Ce lendemain, les mails fusent, tous écrivent à tous. Ils étaient 6. L’un d’entre eux (évidemment une femme) écrit (c’était le 3 Avril 2016) :

