Amos Oz est donc mort le 28 Décembre.
C’était un immense bonhomme, un grand écrivain.
Son grand livre (“une histoire d’amour et de ténèbres”) m’avait ébloui, même s’il n’est pas rangé, loin de ma bibliothèque, dans le petit tiroir où je protège mes livres préférés.
Je ne vais, évidemment pas ici, me lancer dans une critique littéraire superflue et inutile de son oeuvre ou commenter un extrait de ses romans.
Juste écrire un agacement.
Imaginez que l’on demande à un lettré, un liseur, s’il connait Zola.
Il éclatera de rire et ne vous assènera pas qu’il connait évidemment son “J’accuse”.
Pour Amos Oz, c’est pourtant le cas. Tous les commentaires des radios françaises, notamment publiques (France Culture, France Inter, France Info), les revues en ligne du type “Télérama” ou les journaux (évidemment Libé et le Monde, en tête de course) ne s’intéressent qu’aux actions politiques d’Oz, du moins ses déclarations en faveur d’un Etat palestinien, idéologie au demeurant assez courante en Israel ou dans le milieu des jifs du monde, il y a 20 ans, devenu “subversive”, depuis que les palestiniens ont refusé la solution, prônant l’Etat national ou le droit au retour (qu’Amos Oz rejetait, en vrai patriote israélien, en bloc et très vigoureusement).
Mais on ne va pas se laisser entrainer dans le débat qui mérite plus qu’un billet.
On veut, encore une fois, faire part de son vrai énervement devant ces bouffées radiophoniques et journalistiques d’anti-sionisme, sous couvert de la critique d’Amos Oz, souvent exacte à l’endroit du gouvernement du pays qu’il adorait, le sien : Israel ?
Amos Oz, prix Nobel de littérature n’est pas un écrivain pour ces minuscules chroniqueurs. Amoz Oz est, justement, et seulement une “chronique“, c’est “un politique” qui conforte (en le regrettant) leur haine d’un petit pays et la glorification de la victime palestinienne qui a remplacé dans leur micro-cerveau le prolétaire du petit père des peuples. Un peuple palestinien qui mérite son Etat, quand il le voudra.
Je m’énerve un peu mais n’efface pas.
Je n’ai pas entendu un seul extrait d’un de ses romans et certains n’ont même pas cité l’une de ses oeuvres. Juste des mots et encore des mots sur l’anti-Netanyahou.
Je vais donc combler ce vide et vous donner à lire quelques extraits de son chef d’oeuvre que j’ai retrouvé dans ma bibliothèque, à la campagne.
- « Là-bas, dans le monde, les murs étaient couverts de graffitis haineux : « Sale youpin, va-t-en en Palestine », alors nous sommes allés en Palestine et aujourd’hui, le monde entier nous crie : « Sale youpin, va-t-en de Palestine. » (P. 14)
- « Je n’avais pas été surpris d’apprendre qu’il était poète : à l’époque, quasiment tout le monde, à Jérusalem, était poète, écrivain, chercheur, penseur, savant ou réformateur. Le titre de docteur ne m’impressionnait pas : les hôtes de mon grand-oncle Yosef et de ma grand-tante Tsippora éteint tous professeurs ou docteurs » (P. 71)
- « ….tout Jerusalem s’entassait dans une pièce et demie ou deux pièces, une simple cloison séparant deux familles rivales,… » (P. 97)
- « …notre siècle avait subi la botte de deux bouchers assassins, ce fils de cordonnier géorgien qui vivait au Kremlin, et ce fou, cette ordure qui avait régné sur le pays de Goethe, Schiller et Kant. »(P. 100)
- « Et sache que les accusateurs sont les Juifs d’hier aux idées courtes et à l’entendement limité, de misérables vers de terre. Et toi, mon cher petit, afin de ne pas leur ressembler, le ciel nous en préserve, tu dois lire les bons ouvrages, lire, lire et encore lire. À propos, mon opuscule sur David Shimoni, le poète, le l’ai offert à ton cher papa à condition que tu le lises aussi. Tu dois lire, lire et encore lire ! » (P. 120)
- « Et la paix ? N’y a-t-il pas moyen de faire la paix?
Si : vaincre nos ennemis. Il est impératif de leur mettre un grand coup dans les gencives pour qu’ils nous supplient de faire la paix. » (P. 183)
- « Mais qu’est-ce qu’on vous faisait exactement ? Avais-je demandé à papa. Quel genre de brimades ? On vous battait ? On déchirait vos notes ? Et pourquoi vous ne portiez pas plainte ?
Tu ne peux pas comprendre. Et c’est tant mieux au fond … » (P. 185)
« Aujourd’hui, je pense que les grands sentiments ce n’est pas l’essentiel dans la vie. Au contraire. Les sentiments, c’est comme une meule de foin en feu : ca brûle un moment, et puis il ne reste que la suie et de la cendre. Sais-tu ce qui importe ? Ce qu’une femme recherche chez un homme ? C’est une qualité qui n’a rie d’époustouflant mais qui peut être plus précieuse que l’or : la droiture. Et peut-être la générosité aussi. Aujourd’hui, tu sais, j’attache plus d’importance à la droiture qu’à la générosité : la droiture c’est le morceau de pain. La générosité, c’est le beurre. Ou le miel. » (P. 277)
- « Dieu a donné le plaisir aux hommes et à nous, la punition. A l’homme il a dit « tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » ce qui est une récompense et non un châtiment, privez un homme de son travail et il devient complètement fou, quant à nous les femmes, Il a bien voulu nous faire sentir de près la sueur du front des hommes, ce qui est un minuscule plaisir, et Il nous a accordé aussi « Tu enfanteras dans la douleur ». Je sais bien qu’il est possible d’envisager les choses d’une autre manière. » (P. 300)
- « C’était comme ça dans les familles juives : elles croyaient que les études étaient une sécurité pour l’avenir, la seule chose qu’on ne pourrait jamais enlever à leurs enfants, même s’il avait une autre guerre, le ciel nous en préserve, une autre révolution, une autre émigration ou de nouvelles persécutions – le diplôme, on pouvait toujours le plier en vitesse, et le cacher dans la couture d’un vêtement avant de prendre la fuite là où les Juifs trouvaient asile. » (P. 305)
- « Le diplôme c’est la religion des Juifs. » (P. 305)
- « ….aujourd’hui, je trouve que les voyages sont une stupidité : le seul voyage dont on ne revient pas toujours les mains vides est intérieur. Là, il n’y a ni frontière ni douane, et on peut même atteindre les planètes les plus lointaines. On peut aussi flâner dans des endroits qui n’existent plus, rendre visite à des gens qui ne sont plus. On pourrait d’ailleurs se rendre dans des lieux qui n’existent pas et ne pourraient jamais exister, mais où l’on est bien. » (P. 339)
- « Et c’est ainsi qu’inconsciemment, à l’âge de quatre ou cinq ans, j’étais devenu un petit prétentieux auquel ses parents et le monde des adultes accordaient toutes les garanties et faisaient largement crédit. » (P. 424)
- « Les pires conflits entre les individus ou entre les peuples opposent souvent des opprimés. C’est une idées romanesque largement répandue que d’imaginer que les persécutés se serrent les coudes et agissent comme un seul homme pour combattre le tyran despotique. En réalité, deux enfants martyrs ne sont pas forcément solidaires et leur destin commun ne les rapproche pas nécessairement. Souvent ils ne se considèrent pas comme compagnons d’infortune, mais chacun voit en l’autre l’image terrifiante de leur bourreau commun. Il en va ainsi entre les Arabes et les Juifs depuis un siècle. » (P. 564)