Je continue dans les billets courts, comme des mémos.
A l’occasion d’une longue conversation qui commençait sérieusement à m’ennuyer, le locuteur n’arrêtant pas de sortir, à grands coups de mains sur le front, de sourcils froncés et de lunettes savamment enlevées quelques secondes pour être remises exactement, m’est revenu une expression latine que j’employais souvent dans les discussions houleuses que j’avais à subir dans des bars près de la Sorbonne ou des diners près de l’Etoile.
“FLATUS VOCIS”…
J’avais appris la formule, non pas dans mes maigres cours de latin, malheureusement bâclés, mais d’un assistant de la Faculté, aux yeux rieurs qui n’arrêtait pas de nous la sortir. Ce qui avait, au demeurant l’avantage de faire taire les grands causeurs qui faisaient semblant de connaitre l’expression mais dont l’élan discursif était rompu par l’interrogation (un excellent piège pour les esbroufeurs) soit pour, plus moralement, solliciter une traduction immédiate.
L’expression signifie littéralement : « un souffle de voix » (flatus qui veut dire souffle, respiration, haleine et vox, génitif vocis) = voix.
Elle est donc employé pour se moquer et tourner en dérision un propos inutile, superflu, sans importance. Seul le souffle est perceptible, les mots étant sans grand intérêt pour celui qui les entend et qui les écoute à peine. Souvent une abstraction creuse simplement destinée à masquer une ignorance du sujet abordé.
Certains parlent aussi d’un “ébranlement de l’air”, donc encore insignifiant.
Belle expression pour faire la guerre aux concepts creux ou aux pseudo-concepts. Spinoza en fait une vie.
Voilà. Rien d’autre. Ne pas hésiter à employer l’expression. Essayez et vous constaterez son effet. Elle fait réfléchir pendant des semaines et les vrais humains se posent la question (comme moi à cet instant même ou je l’écris) de savoir si ce qu’on profère ou clame ,n’est pas un flatus vocis.
Et n’oubliez pas d’ajouter, lorsque vous sortez l’expression, de préciser que c’est la seule locution latine que vous connaissez. Ca amortit la critique anti-faiseur, anti-pédant.
Je suis ravi d’avoir retrouvé cette expression. Ravi. Allez savoir pourquoi.
PS. Je viens, à l’ instant même je l’affirme, de me souvenir de l’expression “du vent, du vent”, pour signifier le creux de ce qu’on entend. Évidemment que ça vient de là…! On devrait plus souvent s’interroger sur le langage et sa mécanique implacable.