
Dans la lumière tamisée du bar, les lueurs ambrées se reflétaient sur le cristal des verres, il la vit. Une femme d’une beauté troublante, drapée dans une robe d’un noir profond, dont le velours épousait les courbes avec une grâce silencieuse. Ses cheveux, relevés en un chignon négligé, laissaient deviner la souplesse d’une nuque diaphane. Elle tenait un verre entre ses doigts longs et fuselés, le portant distraitement à ses lèvres peintes d’un rouge profond.
Lui, assis deux tabourets plus loin, n’avait rien d’extraordinaire. Un costume gris aux plis fatigués, une cravate desserrée, un visage qu’on oublierait aussitôt après l’avoir vu. Pourtant, quelque chose, une audace née du hasard ou d’un pressentiment confus, le poussa à lui adresser la parole.
— Puis-je vous offrir un autre verre ?
Elle tourna vers lui ses yeux alourdis d’ennui, puis sourit, comme on sourit à un enfant qui fait une tentative maladroite.
— Pourquoi pas ?
Ainsi débuta l’étrange ballet de cette rencontre. Il parla trop, elle écouta à peine. Il cherchait à la divertir, elle semblait flotter ailleurs, comme absente à sa propre existence. Lorsqu’elle finit son second verre, elle se leva et dit simplement :
— Venez.

Sans attendre sa réponse, elle se dirigea vers l’ascenseur, traversant le hall marbré avec une aisance souveraine. Il la suivit, hésitant mais captif. Dans la cabine, ils ne parlèrent pas. Son parfum, un mélange de jasmin et de quelque chose de plus capiteux, enveloppait l’espace.
La porte s’ouvrit sur un couloir moquetté où des appliques diffusèrent un halo doux. Mais au lieu d’une chambre, elle poussa une porte discrète, révélant une salle obscure où clignotait l’écran d’un vieux projecteur. Une salle de cinéma, vide. Elle s’y installa comme une reine prenant possession de son royaume, croisant les jambes avec la nonchalance d’une femme habituée à la solitude.
— Asseyez-vous, dit-elle.
Il obéit. Sur l’écran défilaient des images en noir et blanc, des visages que le grain du film rendait irréels. L’histoire n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’était le silence, l’obscurité qui les enserrait, la présence muette d’un désir suspendu.
Elle posa une main sur son bras, lentement, sans le regarder. Il sentit un frisson le traverser, non de plaisir, mais d’une étrange inquiétude. Comme si, dans cette nuit feutrée, quelque chose de lui était sur le point de se dissoudre.
SUITE DEMAIN AMIGO. DODO.