les fadaises de Jacques l’esbrouffeur

On colle ci-dessous, pour tenter de le commenter un extrait de l’interview de Jacques Attali dans Le Point, de la série “Dieu dans les yeux“. On est encore éberlué par tant d’âneries débitées à la minute. On est déçu du bilan intellectuel de cet homme brillant, mais, en réalité de cette brillance qui s’effrite rapidement lorsqu’il s’agit de l’essentiel. MB

DIEU DANS LES YEUX. L’intellectuel éclectique, ex-conseiller de François Mitterrand, se confie sur la quête spirituelle qu’il poursuit depuis l’enfance. Propos recueillis par Jérôme Cordelier. Le Point. Publié le 16/03/2025.

Jacques Attali : « Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons »

Échange en surplomb avec l’hyperactif et éclectique Jacques Attali. Polytechnicien, énarque, haut fonctionnaire, économiste, conseiller d’État, professeur d’université, cet intellectuel aujourd’hui octogénaire – il est né le 1er novembre 1943 à Alger – fut, on s’en souvient, la plume, le sherpa, le mémorialiste de François Mitterrand et le « découvreur » d’Emmanuel Macron. Cet homme de feu et de glace, qui peut être onctueux et cassant, captivé par la vie et la mort des grandes civilisations et les innovations postmodernes, partageant sa vie dans l’étude de grandes traversées du temps long et un agenda calibré à la minute sur l’instant présent est l’auteur de quatre-vingt-six livres, essais, romans, encyclopédies, sur tous les sujets. Des ouvrages dans lesquels les questions spirituelles tiennent une bonne place… Pourquoi ? Confidences.

L’ENTRETIEN :

Le Point : Diriez-vous que vous poursuivez une quête spirituelle ?

Jacques Attali : Oui, depuis mon enfance, par la formation religieuse que j’ai reçue de mes parents, qui étaient eux-mêmes très érudits. Mes études scientifiques ne m’ont pas éloigné de l’appréhension du mystère, de l’émerveillement devant la capacité du cerveau à donner une représentation mathématique de la nature, avec des mathématiques de moins en moins intuitives, en particulier à partir du moment où la théorie de la relativité introduit l’idée de la courbure de l’espace.

Cette quête, je l’ai traduite dans de nombreux livres, en particulier dans la ligne directrice d’un roman qui me tient particulièrement à cœur La Vie éternelle, roman dans lequel je raconte l’histoire d’un peuple coupé de tout sur une étoile lointaine, qui revit l’histoire des hommes depuis les origines et en retrouve tous les fondements spirituels, comme un grand invariant de toute vie, aussi immuable que les lois de la physique. Cette quête spirituelle est aussi la matrice de mon travail sur Blaise Pascal, sur Gandhi, sur Ibn Rushd, sur Maïmonide, sur Thomas d’Aquin, sur le lien entre la foi et la raison. Cette quête m’a poussé à accomplir un tour du monde des lieux sacrés, qui m’a fait voyager de Vézelay à Varanasi, de l’Île de Pâques au Bhoutan, d’Angkor à Samarcande, des collines des Hopis aux Jains d’Ahmedabad, de Jérusalem à Palenque, de Bamyan à Fès et tant d’autres lieux.

Quels enseignements avez-vous tirés de votre tour du monde des lieux mystiques ?

Je ressens partout la même épaisseur du silence… Et je retrouve cet élan spirituel, comme beaucoup de gens, dans la musique. En l’écoutant, en en jouant. En en dirigeant. Toutes sortes de musiques. Plus particulièrement, quand je dirige l’Ave verum corpus, ce motet sublime de Mozart, je ressens très intensément comme un lien qui se tisse et qui monte avec quelque chose d’autre que la vie, telle que nous la connaissons.

Ce lien, le nommez-vous de façon particulière ?

Non, je ne le nomme pas. Je ne parle pas d’un Dieu. Pour moi, il s’agit d’une immanence, d’une présence intense et mystérieuse, à l’opposé de la transcendance. De ce point de vue, je me sens assez proche de la pensée de Spinoza, même si je n’identifie pas cette immanence avec la nature, comme on le fait dire, à tort, à Spinoza. L’immanence, c’est une présence à laquelle je suis liée, à chaque instant. Je ne veux pas croire qu’il n’existe rien d’autre dans l’univers qu’un amoncellement d’atomes composant des milliards d’individus perdus sur une planète, tournant autour d’une des milliards d’étoiles d’une galaxie, au milieu de milliards de galaxies. Mais je ne crois pas qu’il existe quelque part un monsieur en barbe blanche qui surveille chacun de nos gestes, nous jure son amour éternel et nous menace de brûler dans les flammes d’un enfer.

Vous avez évoqué l’éducation religieuse de vos parents. Que vous ont-ils transmis ?

Ils nous ont transmis le judaïsme qu’ils pratiquaient dans l’Algérie française des années cinquante, en respectant les rites et une tradition immémoriale, sans verser dans une orthodoxie, dans le respect des autres croyances et de ceux qui ne croyaient pas. Mon père parlait parfaitement l’hébreu. Il connaissait une grande partie des textes par cœur. Sa première langue était l’arabe, la seconde l’hébreu et la troisième le français. Il avait eu une formation de rabbin puis il était devenu laïque. Quant à ma mère, elle était professeur d’hébreu. Ils nous ont transmis l’importance de la famille, de la transmission, du devoir, de l’exigence à l’égard de soi-même, de la foi en une force qui nous transcende.

Vous restez imprégné par cette éducation ?

Oui, bien entendu. J’ai aussi beaucoup travaillé pour continuer à apprendre la théologie juive, à essayer de comprendre la liturgie du mieux possible ; j’ai essayé de transmettre ces connaissances dans mon Dictionnaire amoureux du judaïsme, et dans deux ouvrages, écrits avec un ami théologien, Pierre-Henry Salfati, sur les relations entre les pensées juive, grecque et hindouiste.

Les attaques du 7 Octobre vous ont-elles renforcé dans votre identité juive ?

Cela n’a rien à voir ! Pour moi, Israël devrait rester ce qu’il était à sa création, c’est-à-dire un État laïque ; et j’en veux beaucoup à Netanyahou, qui a trahi cet idéal. Je me considère comme sioniste, c’est-à-dire partisan de deux États, juif et palestinien, vivant en bonne intelligence. Des États laïques et démocratiques. Cela n’a aucun rapport avec mon rapport à la foi.

Quelles sont les grandes figures spirituelles qui vous ont marqué ?

J’ai été très marqué par l’œuvre et le chemin de Blaise Pascal, cette flamme intense qui le brûlait, cette foi si puissante qui ne l’empêchait pas d’être un très grand scientifique ; par de grands talmudistes que j’ai pu croiser, tel Isaac Luria, à qui l’on doit une théorie de la naissance de l’Univers aussi puissante que les découvertes les plus récentes de la cosmologie.

J’ai appris aussi de mystiques Indiens à Varanasi, d’un professeur de théologie à Fès, et de tant d’autres. Dont le cardinal Lustiger, avec qui j’ai beaucoup parlé du Messie, de sa venue, de son retour, de ce qu’il signifie conceptuellement dans la trajectoire humaine, toujours en attente d’une réponse à l’angoisse de la mort, qui est derrière toute réflexion métaphysique. Ces conversations m’ont d’ailleurs inspiré un roman, Il viendra, dans lequel le Messie apparaîtrait aujourd’hui sous les traits d’un chanteur pop.

Dans le bouleversement mondial actuel, quelles réflexions vous inspirent les relations entre le politique et le spirituel ?

Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons. Voilà pourquoi je suis très en colère contre Netanyahou. Voilà aussi pourquoi je suis pour une laïcité très exigeante, à l’égard de toutes les religions, quelles qu’elles soient. Et pourtant, aujourd’hui, le spirituel revient, partout. Cela ne me gêne pas, évidemment, si chaque être humain est habité par une foi.

Cela m’inquiète si cette foi est le support de manipulation politique par des sectes de toutes natures. Dans un monde de plus en plus troublé et instable, il faut s’attendre à ce que beaucoup de gens trouvent une réassurance dans la foi, et dans des églises. C’est respectable et magnifique. Aussi longtemps que celles-ci ne se mêlent pas d’imposer leurs règles en politique. Elles ont fait assez de mal, on le découvre tous les jours, en particulier aux femmes et aux enfant

Vous qui êtes un homme hyperactif, engagé dans votre siècle et soucieux de la mise en perspective des événements dans le temps long, l’étude spirituelle vous permet-elle de la sérénité ?

La sérénité, comme le bonheur, n’est pas pour moi une fin en soi. L’étude spirituelle me ramène à un grand invariant à ne jamais oublier : la gratitude. C’est d’ailleurs le sujet de mon prochain livre.

ON TENTE DONC DE COMMENTER.

1 – L’immodestie du grand voyageur. On est d’abord assez choqué par l’immodestie de cet homme, grand voyageur. Le voyage est toujours, pour tous les faiseurs, la panacée. Juste pour démontrer une prétendue capacité à tout comprendre, tout embrasser, tout connaitre. Il n’est un apprenti penseur (J.A en a, évidemment, dépassé le stade) qui ne commence pas par vanter et énumérer ses voyages, ses marches, ses chemins). Encore faut-il, de quelques mots au-delà de la pléthore de voyages nommés,. décrire leur apport (intellectuel) dans la fabrication de la pensée. Ce qui semble, ici, secondaire. En réalité, ici encore de l’esbroufe du grand voyageur (de ceux qui forment la vieillesse dirait -il), en oubliant la pensée de celui qu’il présente comme son maître (Blaise Pascal) qui écrivait « Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »

Mais non, il faut être un voyageur pour démontrer son aptitude à conter. Billevesées.

Cette impudeur à se montrer du doigt, unique parmi les uniques est assez gênante, surtout lorsqu’elle vient fonder la fameuse “quête” dont tout intellectuel rapide se targue de mettre en oeuvre, ici une “matrice”. Très chic. On l’écoute : “Cette quête spirituelle est aussi la matrice de mon travail sur Blaise Pascal, sur Gandhi, sur Ibn Rushd, sur Maïmonide, sur Thomas d’Aquin, sur le lien entre la foi et la raison. Cette quête m’a poussé à accomplir un tour du monde des lieux sacrés, qui m’a fait voyager de Vézelay à Varanasi, de l’Île de Pâques au Bhoutan, d’Angkor à Samarcande, des collines des Hopis aux Jains d’Ahmedabad, de Jérusalem à Palenque, de Bamyan à Fès et tant d’autres lieux.

Bravo, Dieu que les noms sont enchanteurs, à point nommés pour “la quête”. Cependant, au-delà de la capacité à embrasser le monde d’avion en pirogue, l’on aurait aimé une mini-synthèse de quelques lignes sur l’apport de chaque lieu dans la grande pensée au travail, et ne pas se cantonner à la formule “bon marché” du lien entre foi et raison qui constitue la locution qui encerclé le voyage et la quête. Surtout lorsque, écrasant la spiritualité, sans le dire, il est affirmé que “Plus le politique et le spirituel sont séparés, mieux nous nous portons ». Surtout, encore, lorsqu’on n’est pas certain du lien entre le voyage et l’appropriation de la pensée locale. Et qu’on peut lire Platon sans aller en Grèce et Bouddha sans se reposer sur une île indienne. Bon, J. Attali a voyagé. Tant mieux pour lui.

On ne comprend pas, par ailleurs, le propos de la quête, du voyage d’imprégnation, lequel aurait pour leitmotiv, si l’on suit J.A, la séparation entre la raison et le spirituel que justement tous les philosophes modernes tentent, dans un mouvement de pensée unificateur, de toujours détruire. En considérant, comme tous à vrai dire, qu’il ne peut y avoir de raison sans une part d”immatériel et de voyage dans le cosmos des idées sans un accrochage au bastingage de la réalité, au réel. Bref, cette “quête ” est d’une banalité désarmante, s’agissant du propos d’un grand intellectuel.  De la formule, encore de la formule.

2 – la baliverne du “dirigeant de musique” qui trouve le “silence”. Mr Attali, comme beaucoup d’entre nous aime la musique. Et comme beaucoup emploie, après avoir rappelé qu’il peut en être un “chef” qui la dirige, emploie la sempiternelle locution qui transforme le propos en lieu commun : “Je ressens partout la même épaisseur du silence… Et je retrouve cet élan spirituel, comme beaucoup de gens, dans la musiquePlus particulièrement, quand je dirige l’Ave verum corpus, ce motet sublime de Mozart, je ressens très intensément comme un lien qui se tisse et qui monte avec quelque chose d’autre que la vie, telle que nous la connaissons

Là j’ai un peu honte (pour lui). On dirait le garçon de café de Jean-Paul Sartre au Café de Flore, qui, joue, buste droit, mains, derrière le dos à jouer (à être) un garçon de café. Mr Attali joue à être Mr Philosophe (pascalien) Attali, pétri du ” bruit du silence” (“épais”), comme on disait sur les estrades de nos collèges lorsque nous faisions nos minuscules exposés hugoliens, sous l’oeil amusé de nos professeurs et les rires rentrés de nos camarades.

3 – la bévue sur Israel. C’est, en réalité le seul objectif de mon petit billet : affirmer que Mr Attali est un esbroufeur, un faiseur, un escroc de la pensée logique lorsqu’à la question sur le lien entre son “identité juive” et les massacres du 7 octobre, il répond, à côté , sur la foi, que : “Cela n’a rien à voir ! Pour moi, Israël devrait rester ce qu’il était à sa création, c’est-à-dire un État laïque ; et j’en veux beaucoup à Netanyahou, qui a trahi cet idéal. Je me considère comme sioniste, c’est-à-dire partisan de deux États, juif et palestinien, vivant en bonne intelligence. Des États laïques et démocratiques. Cela n’a aucun rapport avec mon rapport à la foi

En confondant donc foi et identité juive. Ce qui pour un “Polytechnicien, énarque, haut fonctionnaire, économiste, conseiller d’État, professeur d’université, cet intellectuel aujourd’hui octogénaire” (cf supra) est assez maigre ou plutôt inconséquent.

C’est, en réalité, se moquer du lecteur ou du moins tenter d’accrocher avec ce miel sans sucre, celui qui, du côté de LFI, veut absolument entendre ce type de propos.

Certes, prôner, ce qui est acceptable même si le projet devient irréalisable au regard de l’objectif d’en face (les Palestiniens islamistes), la solution à deux états ne peut être critiqué en soi.

Cependant défaire le lien entre identité juive et attentats du 7 octobre est une proposition nauséabonde :  les terroristes ont tué “du juif” et rien que du juif”. Dire que cela “n’a rien à voir” avec son identité juive est une infamie puisqu’en effet c’est donner sur un plateau crasseux aux dits terroristes la caution de ce qu’il s’attaquait à un Etat laïque “fasciste, génocidaire, colonial” et non à des juifs revêtus d’abord de leur “identité”. En faisant d’eux, même l’on est certain que J.Attali n’en ait pas la volonté, des justes combattants et assassins non pas des juifs qui font la fête, mais d’Israël, le méchant pays. En tenant ce discours, le grand philosophe soutient, objectivement, le terroriste. Curieux cette déviation dans la réponse. Sûrement pour faire le beau à l’égard du non-juif ou du musulman.

Par ailleurs, s’il est vrai que la religiosité s’est immiscée, dans une configuration que certains considèrent, potentiellement inacceptable, en Israël, il ne peut être nié que la laïcité israélienne est spécifique au regard de la citoyenneté, elle même particulière : n’est citoyen que le juif. On ne comprend donc pas ce cri d’orfraie sur la foi qui n’a rien à voir et Netanyahou au pilori. 

Très grave dérive que ce discours. Mr Attali aurait pu répondre : “s’agissant d’un pogrom visant des juifs, il est évident que mon identité a été ébranlée, même si je considère justement, comme je l’ai énoncé plus haut, qu’il faut différencier le spirituel du politique, ce que ne fait pas, au premier chef, le Hamas, lequel fabrique justement les identités et veut détruire la mienne, en même temps que le pays qui peut l’abriter, en confondant absolument foi et identité,”. Réponse plus correcte, en harmonie avec la pensée de J.A qu’il malmene lui-même, qu aurait été ici audible. Même s’il est vrai que l’on ne peut critiquer en voulant faire dire à celui qu’on lit ce qu’on veut entendre, ce discours est le seul que le juif, athée, religieux, converti, peut tenir.

4 – On ne veut insister sur le roman sur un messie pop, presque risible ou sur la “gratitude”, locution assez commune lorsque on n’est arrivé à un âge où elle est requise.

Pour, vite conclure : il est dommage que Jacques Attali, pour faire “son malin” comme dirait un cousin, fasse, idiotement, sa publicité (on n’en a pas besoin, on connait son talent), sans énoncer ce qui n’est pas un lieu commun de collégien, tente de se départir de la pensée commune sur l’identité juive : on n’en pas besoin, elle mérite dans ces instants d’être affirmée, en relation avec son meurtre physique du mois d’octobre qui se perpétue.

En réalité, il est dommage que J. Attali se complaise dans son rôle de penseur-à-rebours, à dire vrai sans pensée, en propageant entre deux banalités, l’ignominie de La Défense objective d’un terrorisme qui n’a rien à voir avec l’identité juive.

On lira son prochain roman, son énième essai, du bout des yeux.

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