street’angel

Archives M 03/2020. “En faisant le tri de mes photos de rue, pour un album à offrir à un proche, je n’en suis pas revenu. Il m’a semblé, un court instant, que ce n’était pas moi qui avait déclenché, que cet hasard n’existait pas, qu’une force dite “immatérielle” s’était emparé de mon appareil pour créer une image dont je ne me souvenais pas de la prise. Comment avais-je pu, sans guetter, porté par je ne sais quoi, prendre ces photos ? Presque une amnésie du moment du déclenchement qui persuade d’un mystère, la seule persuasion qui vaille aurais-je dit, adolescent. J’ai, dans un texte long, ailleurs, écrit sur les anges et les moments. Mais je n’avais pas compris qu’il fallait, en réalité, pour saisir la chose, s’arrêter à la photo de rue. Elle vient d’ailleurs, comme si une bulle, ronde et invisible, se créait, enveloppant l’espace, le temps du déclenchement, la lumière, dans un cercle qui nous dépassait, sans que le photographe ne sache ce qu’il va advenir de la seconde qui suit, de l’image qui va surgir, pour s’imprimer dans l’appareil. Ce n’est pas le fameux “instant décisif “du prétentieux Cartier-Bresson. C’est une brume qui flotte, efface le sujet de la fabrication de l’image (le photographe), lequel n’est que le support simplement musculaire de de l’appareillage. Si j’avais osé, j’aurais écrit que ces moments sont quantiques. Mais je n’ai pas osé, tant la formule, mystérieuse, s’il en est, était facile.

Archives M 06/2020. Je relis ce texte. J’ai, à dire vrai, oublié l’essentiel : il est impossible pour un photographe de capter cette image insensée. Elle existe en dehors du temps du photographe, de son espace, comme un coquelicot au milieu d’un champ de blé. Le grand photographe a été béni par les donneurs d’images déja prises, nécessaires (les forces, les anges en réalité). Le photographe ne fait que prendre ce qui a déjà été fabriqué avant son déclenchement physique. Les artistes ne sont que des cueilleurs, les photographes des ramasseurs. Ils n’ont aucun mérite, comme les doués qui n’ont pas généré leur don. Regardez les images ci-dessous : qui peut imaginer le hasard décisif ? Entre le moment d’un collage de l’oeil sur l’appareil et le déclenchement, il se passe des millions de millénaires. Impossible d’imaginer ce qui va être fabriqué. Certain donc que les anges les ont déjà façonnées, s’amusent de nous, quand nous nous croyons créateurs. Même Dieu a cueilli une image du monde. La création est nécessairement une copie du déjà donné et construit. Une nécessité captée. Les artistes sont les esclaves amnésiques des forces qui n’ont pas le droit de se montrer.

Moi M, je copie dans l’espace des images deja-là. C’est encore plus jouissif. Comme une chasse aux papillons invisibles déjà dessinées dans l’espace des forces.

C

UN CLIC SUR UNE PHOTO, GLISSEMENT OU FLECHES POUR DEFILEMENT

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