C’était un soir de Roch Hachana, le réveillon de la nouvelle année juive. Toute une famille, dans le salon, bougies déjà allumées, l’attendait. Elle était en retard. Eva, c’est son nom. Elle raconte toujours qu’elle aime son nom. Et qu’elle a échappé à « Fortunée », nom que voulait lui donner sa mère, en l’honneur d’une vieille tante qui avait trop souffert dans sa vie. Elle s’était ravisée au dernier moment, l’un de ses cousins l’ayant convaincu que le prénom, même dans une charmante désuétude, devait être lourd à porter.
On sonne à la porte. On va lui ouvrir. Mais ce n’est pas elle, c’est un homme. Il demande très poliment, mains croisées derrière le dos, la permission d’entrer, il se dit ami d’Eva et doit dire.
La mère est sur ses gardes, le père l’invite à entrer.
Il enlève son imperméable, le pose sur un fauteuil, reste debout quelques minutes, sans parler. Tous, dans la salle à manger ne comprennent pas.
L’homme dit qu’Eva ne pourra venir, un souci de dernière minute. Mais qu’elle lui a demandé de la remplacer dans la tablée. Il ajoute que ses cousins sont fâchés. Il devait être à cet instant chez eux.
Personne ne comprend, personne.
Le père lui demande de s’asseoir, la cérémonie commence, grenade et miel.
Personne ne parle. Tous regardent l’homme.
C’est à cet instant qu’il se lève et leur dit qu’il cherche des parents adoptifs. Et leur demande s’ils veulent bien l’adopter.
L’histoire est vraie.
PS. J’avais dit que je « reviendrai sur Roch Hachana. Pour le concept. Mais je n’ai pu m’empêcher de raconter une histoire vraie. Je reviendrai pour le concept de « commencement » et de « tête ».