Deux livres, Tourguenievien

J’avais eu, il y a très longtemps, une très grave dispute avec mon premier amour sur le fait de savoir si on pouvait lire deux livres à la fois. Il fallait, comme dans le sublime amour, se planter sur l’unique, exclusif du reste.

Je clamais do’c cette impossibilité, prétextant la trahison à l’un ou à l’autre des livres, une sorte d’adultère.

Position évidemment ridicule tant il est vrai que, justement, la différence dans l’amour se terrait dans cette possibilité du pluriel, non pas des êtres, majs des supports.

On cherchait partout ce qui sous-tendait et glorifiait notre immense, amoureux, dans un passage, un tableau, une photo, un mot pour magnifier son sentiment.

Le vrai amoureux flane, cueille, dans tous les mondes ce qui le fait jouir de cette jouissance de l’ordre amoureux. La pluralité des lectures le faisait donc bondir d’un état à un autre, pour servir le grand amour, l’envelopper de tout, du tout, le couvrant d’autant de caresses que de mots et d’images nodales.

J’avais donc tort comme me le disait mon premier amour, que j’aurais dû garder jusqu’à l’instituer dernier amour. Erreur de jeunesse.

A vrai dire, à cette époque, les disputes étaient ponctuelles, jamais définitives, comme elles le sont devenues désormais, la mémoire s’attachant à ce qui rend impossible la rupture, chassant les moments assez idiots puisqu’immeritées pour la reproduction du sentiment amoureux exacerbé, le seul qui vaille. La disputatio constituaitun moment de l’ébat, de l’exacerbation du sentiment, seule raison de vivre, on le sait. A défaut, disai-t-elle “on subit le chaudron”. Je n’ai jamais compris cette phrase.

A vrai dire, la dispute amoureuse constitue un succédané de la vérité d’un amour et génère, délicieusement, le calme et la sérénité de l’après-cri. Banal. Évidemment quand les deux savent leur amour. On se réconcilie toujours entre vrais amoureux, jamais dans les passades.

En réalité, ces digressions,très collégiennes mais pas tant que ça, sont venues ce soir sous mes doigts qui, comme à l’habitude, sans que je n’y prenne garde, crépitent dès qu’il s’agit d’importance de l’amour, ici de couleurs qui battent la chamade, sur la question idiote de la concomitance de deux lectures.

Peut-être un prétexte pour dire que je lis en ce moment passant de l’un a l’autre, avec un plaisir de balançoire vivace, entre le dernier bouquin de Ian Mc Ewan (dont l’on sait que son ” Samedi” est l’un de mes livres préférés en concurrence avec la tache de Roth) dont le titre est “LECONS” et celui de Marcel Cohen (pas Albert) titré CINQ FEMMES, Marcel Cohen écrivain du détail que tous ceux qui s’aventurent ici connait mon respect pour sa littérature (la fonction,”recherche,” du site fonctionne assez bien.

Je regrette d’avoir perdu de vue mon premier amour dont la beauté et l’intelligence, patents, doivent continuer, ailleurs, à se disputer sur des bouquins, juste quelques heures, comme il le faut. Juste pour savoir, si lisant 10 bouquins a la fois, ce qui m’enrageait donc, elle avait ces deux, précités, sur sa table de chevet, a l’époque en bois de merisier vermoulu.

Je lui aurais envoyé ma centaine de pages sur “la dispute”, dont le traitement définit celui ou celle qui la pratique. C’est le bouquin qu j’écris, terminé rapidement j’espère.

Mais peut-être me lira-t-elle et me repondra, même si je ne le crois pas,mon pseudo lui étant inconnu. Mais on vient de me dire qu’un premier amour sait tout de son premier amour, y compris le processus d’invention du pseudo, à vrai dire assez commun, pour ce qui me concerne.

PS. Je me demande si je ne me fais pas de la pub pour le grand bouquin à paraître, sous prétexte de premier amour et de lecture duelle et concurrentielle de 2 grands bouquins. Si c’est le cas, tant mieux. On n’oublie jamais une premier amour lequel, pour beaucoup, ne peut être que le dernier.

PS. J’avais envie, ce soir de frôler l’intime. Une personne sait pourquoi.

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