L’impérialisme anglo-saxon à l’œuvre ?

Exportateurs de postures woke et correctes, les anglo-saxons n’ont pas de corrida. On les plaint. Mais ce n’est pas une raison pour nous l’interdire, par mille serpents visqueux et idéologiques qui rampent insidieusement, toujours gluants, sous nos terres joyeuses, portés par leurs petits vassaux médiatiques.

On entend parfois certains politiciens de la Catalogne espagnole, région naguère taurinement brillante, se déclarer aujourd’hui anti-taurins au nom de la résistance de la « catalanité » face au centralisme espagnol. On sait que, symétriquement, certains aficionados de la Catalogne française s’affirment radicalement taurins au nom de cette même résistance de la « catalanité » face au centralisme français. (À Céret, on joue « Els Segadors », hymne national catalan, avant la sortie du sixième taureau.) On sait aussi que tout nationalisme doit en permanence réinventer son passé et se construire un ennemi tout-puissant en face duquel il doit présenter sa propre « nation » en victime, il n’y a là rien de nouveau. Ce qui est plus nouveau et serait presque comique, si la corrida demain ne risquait pas d’en être la vraie victime, c’est que cette résistance à l’impérialisme supposé le plus proche (espagnol), se fait au nom des valeurs, des principes et des normes de l’impérialisme culturel le plus puissant (voir argument [33]), l’impérialisme culturel anglo-saxon et ses principes animalistes, qui ont des sources historiques, idéologiques, et même religieuses propres, et qui sont aux antipodes des traditions culturelles, idéologiques et religieuses des peuples méditerranéens. Quelques exemples : le sens de la fête de rue, la ritualisation de la mort ou la stylisation emphatique du tragique, tous éléments constitutifs de la corrida, sont au fondement de toutes les cultures méditerranéennes. Ils sont bien éloignés des traditions des pays anglo-saxons ou des cultures de tradition protestante auxquelles s’alimente aujourd’hui toute la morale animaliste. En prétendant s’affranchir de la domination d’un frère, certains mouvements anti-taurins ne tombent-ils pas sous l’emprise d’un cousin bien plus lointain ?

Francis Wolf. Sur la corrida.

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